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Parte II. Sangue e bile

À propos des sources du commentaire Lat A aux Aphorismes hippocratiques : la doctrine de la conception

About the Sources of the Lat A Commentary to the Hippocratic Aphorisms: the Conception Doctrine
Manuel E. Vázquez Buján
p. 137-151

Résumés

Cette contribution explore le problème des milieux doctrinaux qui sont à l’origine du plus ancien commentaire latin aux Aphorismes hippocratiques (Lat A). Dans ce but, on étudie les doctrines que Lat A partage avec le commentaire alexandrin d’Étienne d’Athènes sur deux points : (a) la rose des vents, qui sont classés en deux, quatre et douze ; (b) la doctrine de la conception et la partie de l’embryon qui se forme en premier lieu dans l’utérus. Lat A et Étienne coïncident à considérer les veines et les artères les premières à se former en vue de rendre possible l’arrivée de la nourriture à l’embryon. D’autre part, on constate que certains matériaux de provenance latine, et probablement chrétienne, viennent s’ajouter à la tradition alexandrine dans laquelle Lat A s’enracine.

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Texte intégral

Introduction1

  • 1 Cette contribution s’insère dans le cadre du projet de recherche « Textos técnicos latinos : medici (...)
  • 2 Gal., XVIIb, p. 345-887 K; XVIIIa, p. 1-195 K. Les renseignements les plus détaillés sur les commen (...)
  • 3 Voir, par exemple, les recherches de Wolska-Conus (1989; 1992; 1994; 1996 y 1998) à propos d’Étienn (...)
  • 4 Dietz, 1834.

1Dans cette contribution, je ne peux faire l’historique de l’intérêt pour les Aphorismes hippocratiques dans la tradition grecque, dont un tournant important est marqué par l’immense commentaire de Galien2. L’étape à laquelle on doit attacher un intérêt particulier après Galien, correspond, on le sait bien, à l’école d’Alexandrie. Les incertitudes historiques des commentateurs de cette école continuent à être discutées, de même que les rapports entre les différents textes conservés3 ; et ceci surtout à cause de l’époque à laquelle vit le jour la seule édition disponible4, très utile, mais fragmentaire et forgée dans un contexte où la perspective philologique n’était pas privilégiée au moment d’éditer ce genre de textes.

  • 5 Cette traduction latine a été éditée par Müller-Rohlfsen, 1980.
  • 6 Beccaria, 1961, p. 63-72 ; Fischer, 2002, p. 279-287.
  • 7 Beccaria, 1961, p. 26-29 ; Fischer, 2002, p. 287-309.
  • 8 Vázquez Buján, 2014.

2À côté de la tradition exégétique grecque, l’Occident latin connut deux commentaires tardo-antiques aux Aphorismes, à partir de la même traduction latine, normalement datée au vie siècle et jugée originaire de Ravenne5. L’un de ces commentaires (Lat B), plutôt succinct, fut moins répandu6. En revanche, le deuxième (Lat A), d’une étendue remarquable, a été transmis par de nombreux manuscrits de la période présalernitaine7. À la charnière du xie et du xiie siècle, il fit l’objet de plusieurs remaniements, que ce soit par l’allongement ou par le raccourcissement du texte8.

  • 9 Voir Garofalo, 2000.
  • 10 Je renvoie en ce sens à Perrin, 1981, p. 164-167.

3Parmi les caractéristiques de ce deuxième – et plus ancien – commentaire latin (Lat A), il y en a une qu’il partage avec d’autres commentaires tardo-antiques dont la disposition scolaire et les contenus remontent à l’école d’Alexandrie : le recours fréquent à des exemples dans le but de rendre plus facile la compréhension de la doctrine exposée9. L’un de ces exemples apparaît dans le commentaire à l’aphorisme 4, 1 et vise la théorie de la conception humaine ; plus particulièrement, le commentateur se demande quel est l’organe qui se forme en premier lieu dans la matrice, question qui attira souvent l’attention de la philosophie et de la médecine tout au long de l’Antiquité et du Moyen Âge10. L’auteur de Lat A y répond que les veines et les artères sont les premiers organes à être formés dans l’utérus, et ceci pour rendre possible l’arrivée de la nourriture à l’embryon. Cette doctrine, ainsi que les arguments utilisés en vue de l’expliquer – notamment la comparaison avec le système d’irrigation des champs –, nous permettent d’entrevoir la manière dont ce commentaire fut mis en œuvre, s’inscrivant, d’un côté, dans la tradition alexandrine et incluant, de l’autre côté, quelques parties de provenance latine.

1. Les rapports entre Lat A et la tradition alexandrine

  • 11 Le manuscrit Bethesda, National Library of Medicine (De Ricci) 8 (xiie s.), attribue ce commentaire (...)
  • 12 Gunther von Andernach, 1533. Tous les passages de Lat A cités tout au long de cette contribution so (...)
  • 13 Courcelle, 1948, p. 387-388.
  • 14 Cassiod., inst., 1, 31, 2.
  • 15 Palmieri, 2001, p. 214-220 ; ead., 2002, p. 7-8.
  • 16 Beccaria, 1961, p. 57-58.

4L’entourage doctrinal dont a pu s’inspirer l’auteur de Lat A n’a pas fait l’objet d’une analyse approfondie. En dehors des points de vue sur l’attribution de ce texte à Oribase11, attestée par la plupart des manuscrits datés vers la fin du xie siècle et par la suite, ainsi que par l’édition de Gunther von Andernach12 – la seule, d’ailleurs, dont nous disposons jusqu’à présent –, ce n’est qu’assez récemment qu’on trouve la première approche vraiment philologique, due à Pierre Courcelle13. En effet, dans une étude majeure sur les lettres grecques en Occident, ce savant a soutenu que Lat A est tout simplement la version latine du commentaire grec d’Étienne d’Athènes et qu’il ferait partie, de façon plutôt « cachée », du canon des lectures médicales proposé par Cassiodore aux moines de Vivarium qui ne connaissaient pas le grec14. Il faut pourtant constater que les passages retenus par Courcelle en vue de son analyse sont tirés de préférence de la préface, qui, en raison de son caractère d’accessus, n’est pas le meilleur des repères possibles. En effet, un texte semblable, contenant la même série de questions introductives, réapparaît en tête de plusieurs commentaires médicaux et philosophiques de la même époque15, ce qui permet de mettre en cause le rapport exclusif de cette préface avec Lat A. Quelques années plus tard, Augusto Beccaria, l’auteur qui a déclenché la série d’études du dernier demi-siècle sur la diffusion tardo-latine d’Hippocrate, consacre l’un de ses articles à ce commentaire latin sur les Aphorismes. Il y soutient que ce texte fut directement rédigé en latin et qu’il n’est l’héritier d’aucun commentaire byzantin connu16.

  • 17 Il s’agit du papyrus P. Berol. 11739 A, publié par Nachmanson, 1925. Voir là-dessus Manetti, 1992, (...)
  • 18 Palmieri, 1991, p. 294-309 ; ead., 1992, p. 9-16; ead., 1993, p. 60.
  • 19 Temkin, 1935. Un résumé excellent de ce problème se trouve dans Boudon-Millot, 2007, p. cxxxvii-cxl (...)

5À ce propos, il peut être utile d’évoquer les commentaires latins aux quatre œuvres par lesquelles débutait le canon galénique d’Alexandrie, transmis dans l’ordre correct par le manuscrit Milan, Biblioteca Ambrosiana, G. 108 inf. (fin du ixe s.). Au fil de son étude sur un texte introductif conservé dans un papyrus de Berlin, Daniela Manetti17, après quelques hésitations, penche plutôt pour le point de vue de Courcelle, tandis que Nicoletta Palmieri18 pense que ces textes ne peuvent pas être considérés comme des traductions du grec. En réalité, ce débat avait été inauguré par Oswei Temkin dans un article des années trente du xxe siècle, où il avait mis en rapport les commentaires au De sectis du papyrus de Berlin avec le texte latin du manuscrit de Milan, pour conclure que tous les deux devaient remonter à une source alexandrine du vie siècle19. En tout état de cause, cette discussion ne nous intéresse que partiellement, car le commentaire Lat A diffère à bien des égards de ceux des traités galéniques.

  • 20 Vázquez Buján, 1994, p. 416-419.
  • 21 Westerink, 1985, p. 13-16.

6Il y a quelques années, j’ai abordé de façon préliminaire le problème de la nature textuelle de Lat A en comparant, à titre de sondage, quelques points doctrinaux concrets – en l’occurrence ceux consacrés au sommeil (Lat A, 2, 3) et au spasme (Lat A, 2, 26)20 – avec le commentaire grec d’Étienne d’Athènes. Ce choix n’est peut-être pas le plus convenable, étant donné que le texte grec conservé pour les sections I-III, 25 n’est qu’une version abrégée du texte primitif, alors que le véritable texte d’Étienne est celui des sections III-IV, transmis par le manuscrit de l’Escurial Σ. ΙΙ. 10 (xe s.)21. En tout cas, il est aisé de constater, pour ce qui est de l’aphorisme 2, 26, que l’échafaudage des arguments de Lat A semble s’inspirer des sources grecques, sans que l’on puisse, cependant, soutenir la dépendance directe d’Étienne d’Athènes. D’ailleurs, rien ne plaide en faveur d’une traduction directe du grec.

  • 22 Vázquez Buján, 2015.
  • 23 Steph., in Hipp. aph. 3, 5 : ζητοῦμεν δὲ πάλιν περὶ πνευμάτων οὐχ ὡς φιλόσοφοι, ἀλλὰ ὡς ἰατροί· ζητ (...)
  • 24 Isidore de Séville est le premier à distinguer astronomia et astrologia, préalablement confondues d (...)

7Dans le but d’étayer ou d’écarter cette hypothèse, je suis revenu tout récemment sur cette question en faisant porter l’analyse sur la partie exégétique de l’aphorisme 3, 5, où Lat A présente un classement des vents22. On y trouve quelques traits communs qui permettent de mettre en rapport le texte latin avec le grec d’Étienne. En effet, les deux textes coïncident en confrontant le regard philosophique à celui de la médecine. Étienne laisse pour les philosophes, notamment pour Aristote, l’explication approfondie du phénomène des vents et il se borne aux maladies qui surviennent sous chacun d’eux23. À mon sens, la synthèse de cette idée chez Lat A peut être identifiée dans l’énoncé Sed istud in astrologica est ratione. Breuiter enim quantum ad medicinam pertinet. Dans la rédaction élargie de ce commentaire, très répandue dès la fin du xie siècle, la tournure rerum naturalium est venue se substituer au mot astrologica, qui, lui-même, garde des rapports avec la pensée philosophique en ce sens que l’astrologie rend compte de la suite des saisons, qui ne seraient que le résultat du mouvement des corps célestes, notamment du soleil24.

  • 25 Fleury, 1991, p. 63-83. Voir aussi Obrist, 1997.
  • 26 Néanmoins, Isidore attribue au Septentrion et à l’Auster le caractère de vents principaux : ex omni (...)
  • 27 Steph., in Hipp. aph. 3, 5 : Καὶ συνάγει μὲν αὐτὰ ἐνταῦϑα εἰς δύο μερίζων τὰ πνεύματα, εἴς τε νότια (...)

8Un autre aspect du texte de Lat A peut étonner : il décrit une rose à deux, quatre et douze vents. Cette description, que l’auteur du commentaire attribue aux philosophi, n’apparaît dans aucun des traités techniques de la littérature latine, de Vitruve à Isidore de Séville25, traités dans lesquels tout classement en vents du sud et vents du nord est absent26. Ce qui nous intéresse davantage est la coïncidence avec la rose d’Étienne, qui présente le point de vue d’Hippocrate dans ses différents traités. D’après Étienne, quand Hippocrate s’occupe des vents d’une façon générale – comme c’est le cas ici –, il en distingue deux, le Notos et le Borée ; lorsqu’il veut entrer plus dans le détail – ainsi dans Airs, eaux, lieux –, il les divise en quatre, conformément aux quatre points cardinaux, soit ceux du Levant, du Couchant, de l’Arctique et du Midi ; enfin, quand il veut être très précis, il classe les vents en douze27. On tient à ajouter qu’Étienne cite chacun des douze vents, tandis que l’auteur de Lat A – texte plus synthétique – les laisse de côté, bien qu’il renvoie à « un autre livre ». La formule in alio libro latius dicitur semble indiquer que le commentateur latin a pu consulter un traité quelconque, dont il ne cite pas le titre, mais auquel il a eu recours.

  • 28 Arist., mete. 2, 6 ; 363a 20-364a 4.
  • 29 Graux, Martin, 1900, p. 13-15 planche III, signalent que dans le manuscrit Salmanticensis Univ. 274 (...)
  • 30 Olympiod., in Mete., 2, 5 (Stüve, 1900, p. 186).

9Un troisième trait qui permet de comparer le texte de Lat A avec l’auteur alexandrin est un peu plus complexe. Il s’agit d’un passage dont l’établissement du texte n’est pas sûr. En effet, la plupart des manuscrits présalernitains de Lat A donnent de façon erronée l’Auster et le Septentrion respectivement comme vents d’orient et d’occident : Ab oriente est auster, ab occidente septentrion. Ayant à faire le choix entre cette lectio difficilior et le texte « corrigé », surtout par les copistes ultérieurs à la fin du xie siècle, je penche plutôt pour le texte erroné. La tradition diagrammatique serait à la base de cette erreur, car les cercles ou rotae présentaient très souvent à la verticale l’axe orient – occident. Ce fait est surtout à rapprocher de la tradition des Meteorologica d’Aristote28, où l’on trouve une figure circulaire transmise par plusieurs manuscrits29. Il n’est pas sans intérêt que le commentaire d’Olympiodore sur ce traité aristotélicien est illustré par une figure circulaire où l’axe nord – sud est une ligne horizontale de la gauche vers la droite30. Et ce n’est peut-être pas par hasard qu’Aristote est le philosophe cité par Étienne à propos de la nature des vents. On tient encore à ajouter que le manuscrit de l’Escurial qui transmet le texte de la troisième section (Σ. II. 10) présente en bas de page un diagramme dont l’axe ἄρκτος – μεσημβρία est une ligne horizontale. On peut en tirer la conclusion que l’auteur de Lat A disposait, peut-être in alio libro, d’un cercle contenant une représentation de la rose de vents, ce qui viendrait assurer les rapports avec la tradition alexandrine, même si la dépendance directe d’Étienne n’est pas probable.

2. In utero plasmantur prius uenae et arteriae

10Après avoir esquissé quelques traits qui plaident en faveur des liens du commentaire Lat A avec la tradition alexandrine, il convient, dans le même but, de s’arrêter de plus près sur le passage consacré à la doctrine de la conception, le vrai noyau de cette contribution. En voici les textes grec et latin :

  • 31 Le texte grec est accompagné de la traduction anglaise, que l’on peut consulter sur le site du Corp (...)

Steph., in Hipp. aph., 4, 1 (Westerink II, p. 204-208)31

4, 1 Τὰς κυούσας φαρμακεύειν, ἢν ὀργᾷ, τετράμηνα καὶ ἄχρι ἑπτὰ μηνῶν, ἧσσον δὲ ταύτας· τὰ δὲ νήπια καὶ τὰ πρεσβύτερα εὐλαβέεσθαι.

[…]

᾿Αλλʹ ἵνα σαφῆ καὶ εὐπαρακολούϑητα ἡμῖν γένωνται, διʹ ἣν αἰτίαν ἐν τῃ ἀρχῇ καὶ ἐν τῷ πέρατι οὐ καϑαίρει αὐτάς, ἀλλὰ ἐν τῷ μέσῳ τούτων, δεῖ ἡμᾶς ἅψασϑαι φυσικῆς ϑεωρίας καὶ εἰπεῖν, ὅτι ἐν τῇ συνουσίᾳ ἀκοντίζεται τὸ σπέρμα τοῦ ἄρρενος εἰς τοὺς κόλπους τῆς μήτρας, καὶ διὰ τοῦτο καὶ μακρὸν γέγονεν τὸ αἰδοῖον, ἵνα εἰς αὐτὸν τὸν τράχηλον καὶ εἰς ἐκείνους πλησιάσῃ τοὺς τόπους, τουτέστιν εἰς τὸ κύτος τῆς μήτρας· διὰ τοῦτο καὶ ἐντείνεται τὸ αἰδοῖον ἐν τῇ συνουσίᾳ, ἵνα ὡς ἀπὸ βαλλίστρας τινὸς καὶ τόξου πεμφϑῇ καὶ ἀκοντισϑῇ τὸ σπέρμα ἐν τῇ μήτρᾳ καὶ μὴ παραρρεύσῃ τῇδε κἀκεῖσε. πεμφϑὲν οὖν καὶ ἀκοντισϑὲν τὸ σπέρμα ἅμα καὶ καταβληϑέντος καὶ τοῦ γυναικείου σπέρματος περιπτύσσεται αὐτὸ ἡ μήτρα, καὶ κρᾶμα γενάμενον ἄρχεται ἡ φύσις τῆς δημιουργίας τοῦ ἐμβρύου· ἀλλʹ οὐχ[ί], ὥς τις ὑπολάβοι, ὅτι πρότερον ἀπὸ κεφαλῆς ἄρχεται τοῦ ἐμβρύου τῆς δημιουργίας ἢ ἀπὸ σκέλους ἢ ἀπὸ ἄλλου μορίου ἡ φύσις, ἀλλα πρότερον κατασκευάζει ἀγγεῖά τινα σωληνοειδῆ καὶ ἀποϑησαυρίζει ἐκεῖσε τροφήν, ἵνα ἔχῃ ἐκεῖ πόϑεν τρέφεσϑαι τὸ ἔμβρυον, τὰ δὲ ἀγγεῖα ταῦτα λέγονται φλέβες καὶ ἀρτηρίαι. οὕτω γοῦν καὶ οἱ ἄριστοι τῶν γεωργῶν πρὸ τῆς καταβολῆς τῆς ἐν τῇ γῇ τοῦ σπέρματος πρότερον ἐπιτηδεύουσιν ῥύακάς τινας καὶ ὀχετοὺς καὶ αὔλακας, ἵνα ἔχωσι πόϑεν ἀρδεύειν αὐτὰ τὰ μέλλοντα φύεσϑαι πρὸς διαμονήν· οὕτως οὖν καὶ ἡ φύσις ἐποίησεν σωληνοειδῆ ἀγγεῖα, τουτέστιν φλέβας καὶ ἀρτηρίας, καὶ ἀποϑησαυρίζει ἐκεῖσε [τὴν] τροφὴν πρὸς διαμονὴν τοῦ δημιουργουμένου ἐμβρύου. ἅτινα συμπλέκονται ἑαυτοῖς καὶ ποιοῦσι τὸ καλούμενον χόριον· τοῦτο δὲ τὸ χόριον οὐκ ἔστιν ἀπόλυτον διὰ τὸ μὴ φέρεσϑαι αὐτὸ τῇδε κἀκεῖσε, ἀλλʹ ἡ φύσις συνεδέσμησεν καὶ συνήρτησεν αὐτὸ πρὸς τὰ ἀγγεῖα τὰ ἐν αὐτῇ τῇ οὐσίᾳ τῆς μήτρας. ὧν τὰς μέν φλέβας πρὸς φλέβας συνανεστόμωσεν καὶ ἀρτηρίας πρὸς ἀρτηρίας, καὶ οὕτως αὐτὸ συνήρτησεν πανταχόϑεν τὸ χόριον τοῦτο ἡ φύσις. ἀλλὰ διʹ αὑτὴν ἡ συναναστόμωσις καὶ ἡ συνένωσις τῶν ἀγγείων οὐκ ἔστιν ἀσφαλής, ἀλλὰ ἀνίσχυρος καὶ ἐλαφρά· καὶ ἐκ τούτου ἤμελλεν τὸ αἷμα δροσοειδῶς ἀπόλλυσϑαι ἐκ τῶν φλεβῶν καὶ ἀπορρεῖν, καὶ οὐκ ἤμελλεν τρέφεσϑαι τὸ ἔμβρυον, ἐπειδὴ σκληρὸν σκληρῷ οὐ συνάπτεται ἀσφαλῶς, εἰ μὴ διὰ μέσου μαλακωτέρου τινὸς σώματος. ἐμηχανήσατο οὖν ἡ φύσις ὑμένας τινὰς καὶ ἐπέϑηκεν ταῖς συναναστομώσεσιν καὶ οὕτως ἀσφαλῶς κατησφαλίσατο, ἵνα μὴ παραρρυῇ τί ποτε. οὕτως οὖν <καὶ> οἱ ὑδραγωγοὶ ποιοῦσιν· τοὺς γὰρ σωλῆνας κατασφαλίζουσι καὶ ἐμμοτοῦσιν αὐτοὺς ἐλαιοκονίᾳ ἢ κηρομαρμάρῳ καὶ τοῖς τοιούτοις, ἵνα μὲ ἀπόληται τὸ ὕδωρ. τοῦτο ἐπενόησεν ἡ πάνσοφος φύσις, καίτοι πολὺ προτέρα οὖσα τῶν τεχνῶν· αἱ γὰρ τέχναι τὴν φύσιν ἐμιμήσαντο· ἡ οὖν φύσις, ὡς εἴρηται, πολὺ προτέρα καὶ τεχνικωτέρα οὖσα τῶν τεχνῶν ἐπενόησεν τοὺς ὑμένας καὶ ἐπέϑηκεν ταῖς συναναστομώσεσιν καὶ ἀπησφαλίσατο ἀκριβῶς τὴν συνάφειαν καὶ τὴν ἕνωσιν τῶν ἀγγείων. οὕστινας ὑμένας οἱ ἀνατομικοὶ κοτυληδόνας ὀνομάζουσιν. καὶ μετὰ ταῦτα, τυχὸν μετὰ τὸ ἀποϑησαυρίσαι τὴν τροφὴν τοῦ μέλλοντος δημιουργεῖσϑαι ἐμβρύου, ἄρχεται ἡ φύσις τῆς δημιουργίας τοῦ ἐμβρύου, ὡς ἐν τῷ Περὶ παιδίου φύσεως εἴρηται.

Lat A, 4, 1

4, 1 Vtero grauidas medicaminibus purgari sic exposcit : a quattuor menses usque ad septem menses, minime autem ab his; minora et prouecta uitare.

[…]

  • 32 « Il conseille d’évacuer les femmes qui portent un enfant du quatrième au septième mois, mais moins (...)

Et dicit ut a quattuor menses usque ad septem fiat purgatio; a septem enim usque ad nouem, <…> enixa fuerit, non. Questio quoque ueracissima datur : quare a primo usque tertio, non, et quare a septimo usque nono, non? In medio iubet et post modum non. Sed istud ut dicimus? Videamus quomodo fit conceptus aut quid prius in utero plasmatur. Conceptus autem fit ex semine uiri et mulieris post purgationem conuenientis simul in matrice; sed matrix multa habet membra : habet labia, habet collum, habet pectus, habet latera et fundum, quod est simile cucurbite medicinali; qui sunt duo fundi, nam non est similis matrix aliis ceteris animalibus, unde aliquando ueretrum uiri suget, in tantum quia puellae quae uolunt uiros suos deludere decaclismare faciunt et matrix per suum calorem et uentositatem ad se illum trahit; et tale quidem patitur sicut ceruus qui opposito nare ad orificium foraminis ubi est serpens et flatu illam ad se trahit. In utero autem plasmantur prius uenae et arteriae, sed questio alia euenit : dum uenae ab epate sunt, arteriae a corde et principium per se non habent, quomodo potest fieri ut ea quae a principio procedunt antea sint? Et redditur talis ratio; accipe exemplum; pone esse hortum ubi uult pater familias olus effici et considerat quia locus est aridus et aestas superueniet et ea quae hic ponuntur arefient; et quid? Pone esse formam ante hortum; tun dicit : “faciam hic aquam”; fundit fistulas nec dum solidae sunt adunat ad unum et incipit collocare ad hortum; at ubi proximum fuerit formae, tunc ponit in forma fistula et aqua recto itinere ad hortum pergit. Sic itaque et natura in conceptu prius arterias et uenas facit et, ubi uenerit ad principia sua, inuenit per quod deportetur in toto corpore per unumquemque locum, nam in utero uenae uenis, arteriae arteriis iunguntur; unde Yppocratis ante non iubet fieri purgationem, quia subtilis est ipsa coagolatio; in medio enim iubet fieri, quando iam ueluti confirmatum est; in ultimo enim non iubet fieri propter quantitatem, quia et uenae et arteriae plenae sunt, matrix repleta est et si uel odorem senserit, ipsa substantia deponitur.32

  • 33 Hipp., aph. 1, 22 ; 2, 29.

11Comme d’habitude, l’exégèse d’Étienne est assez minutieuse et son étendue dépasse de loin celle de Lat A. Tout au début, Étienne soutient Hippocrate face à ceux qui l’accusent de se montrer répétitif, car il a préalablement fait allusion à deux reprises à la purgation thérapeutique33. Ensuite, Étienne précise que la purgation doit être appliquée d’après l’âge, d’après le sexe masculin ou féminin et, chez les femmes, on doit considérer si la patiente est enceinte ou si elle ne l’est pas. De même, Étienne précise que le mot employé par Hippocrate, φαρμακεύειν – « donner un médicament » –, doit être compris dans le sens de καθαίρειν – « purger » – et la raison pour laquelle la purgation est conseillée : on cherche à empêcher que les mauvaises humeurs se répandent, à cause de la commotion, des parties non vitales aux parties vitales (κύρια μορία). À l’étape suivante, Étienne justifie l’emploi de la purgation chez une femme enceinte : la grossesse peut entrainer de la faiblesse, qui peut affecter le fœtus et provoquer l’avortement. Or, à cet argument médical, Étienne ajoute des raisons morales et sociales : Hippocrate aurait préféré ne pas appliquer la purgation, qu’il conseille, pourtant, dans certains cas en vue de sauver la vie de la femme ; celle-ci pourra par ce biais avoir des enfants ultérieurement et, si la purgation est appliquée soigneusement, on peut parfois préserver l’enfant.

  • 34 Cette analogie avait été utilisée par Étienne pour expliquer l’aphorisme 3, 12, à propos de l’avort (...)

12Étienne présente dans la suite la doctrine de la conception, la seule retenue par Lat A et sur laquelle nous reviendrons. Il explique, pour finir son exposé, pourquoi la purgation ne doit s’appliquer que durant les mois intermédiaires de la période de grossesse et dans les cas de commotion (ἢν ὀργᾷ). Dans ce but, il a recours à une analogie : les fruits des arbres tombent des branches au début de leur croissance par faiblesse et à la fin sous leur poids, mais non à l’étape intermédiaire, lorsqu’ils se sont déjà consolidés et qu’ils n’ont pas encore trop de poids34. La partie finale du commentaire d’Étienne est consacrée à quelques discussions linguistiques.

13Venons-en à la doctrine de la conception, la seule à attirer l’attention du commentaire Lat A. Au départ, la symétrie entre le texte d’Étienne et celui du commentaire latin est plutôt mince. En effet, l’auteur de Lat A se borne à donner un résumé de la troisième section, pour éclairer ensuite pourquoi il s’occupe à ce point de la matière gynécologique (Lat A, 4,1) :

  • 35 Lat A, 4,1 : Vsque ad istum locum particula fuit tertia, in qua Yppocratis tam uentorum quam tempor (...)

« Jusqu’ici il a été question de la troisième section, dans laquelle Hippocrate a exposé la doctrine des saisons, mais aussi des âges en rapport avec les maladies. Au début de la quatrième section, il veut s’expliquer sur la gynécologie, et c’est pourquoi il y a une question à lui poser maintenant : Pourquoi parle-t-il des femmes à ce point, alors que la gynécologie n’était point visée ? Voici la réponse à cette question : ce passage exige qu’il s’occupe des femmes, même dans la section consacrée aux évacuations, parce que tous les corps, qu’ils soient d’un homme ou d’une femme, font l’objet de la médecine. Hippocrate a donc raison de parler des femmes enceintes, parce qu’il veut que le médecin soit compétent dans toutes les branches en vue de pouvoir soigner une femme enceinte lorsqu’elle est touchée d’une maladie aiguë. »35

14Si l’on pousse plus loin l’interprétation du contexte, on pourrait penser que Lat A cherche à exonérer Hippocrate de répétition en essayant d’expliquer la présence de ce sujet gynécologique au début de la quatrième section, quand cette matière n’a aucune importance. En revanche, on aurait moins de difficulté à mettre en rapport la restriction de la purgation de la femme enceinte au cas de maladie aiguë avec la prescription d’Étienne : la purgation ne doit s’appliquer que dans quelques cas, pour sauver la vie de la mère et, si possible, du fœtus.

  • 36 La partie du commentaire dans laquelle Lat A s’occupe de la doctrine de la conception et de la faço (...)

15Quoi qu’il en soit, les éléments communs entre le texte d’Étienne et celui de Lat A émergent dans la partie plus étroitement physiologique36. Les deux textes coïncident en posant une question initiale : pourquoi la purgation s’applique-t-elle pendant les trois mois intermédiaires et non pendant les trois premiers ou les trois derniers ? Pour y répondre, on commence par expliquer la théorie de la conception et, en particulier, par aborder la discussion sur la partie qui se forme la première dans l’utérus. Ce débat est situé par Étienne dans le domaine de la φυσική ϑεωρία et il constitue presque l’objet unique du commentaire latin. L’auteur alexandrin éclaire minutieusement comment l’éjection séminale doit se produire pour que la semence soit reçue dans la matrice, où elle se mélange à la semence féminine afin que la nature commence la formation de l’embryon. Cette doctrine, largement diffusée, ne connaît chez Lat A qu’une courte formulation : Conceptus autem fit ex semine uiri et mulieris post purgationem conuenientis simul in matrice.

  • 37 À ce propos, la pensée antique et tardoantique accueille plusieurs points de vue, dont une excellen (...)
  • 38 Étienne retient cette même doctrine dans l’exégèse des aphorismes 3, 24 (Westerink, 1992, p. 158, 2 (...)

16Néanmoins, la coïncidence sur ce point ne saurait surprendre. Ce qui est vraiment singulier c’est que l’un et l’autre texte considèrent les veines et les artères comme les parties qui se forment les premières dans la matrice. Cette théorie n’était absolument pas commune dans la tradition médicale et philosophique, comme Étienne lui-même semble le confirmer. En effet, il affirme que quelqu’un pourrait à juste titre penser (ὥς τις ὑπολάβοι) que la nature commence la formation de l’embryon par la tête ou par une jambe ou par quelque autre partie37. Dans la suite, Étienne nous renseigne de manière très précise sur la théorie qui fait des veines et des artères les premières à être formées dans l’utérus. La nature façonne d’abord des conduits tubulaires dans le but d’y entasser la nourriture de l’embryon. Ces tuyaux ne sont rien d’autre que les veines et les artères, qui s’entrelacent les unes avec les autres pour former le chorion (χόριον). Celui-ci n’est pas détaché, car il se déplacerait dans toutes les directions ; au contraire, il est uni aux canaux de la substance de la matrice, où les veines se joignent aux veines et les artères aux artères, ce qui immobilise le chorion. Pour empêcher le sang de couler par l’union de ces canaux – union qui n’est pas solide –, la nature conçoit des membranes grâce auxquelles l’union des conduits entre eux se consolide38.

  • 39 On tient à signaler que Lat A s’occupe aussi de la partie de l’embryon qui se forme la première dan (...)

17Face à ce développement détaillé d’Étienne, l’exégèse de Lat A est beaucoup plus sommaire et ne présente que les points essentiels de la doctrine : In utero autem plasmantur prius uenae et arteriae. Vers la fin de son exposé, l’auteur signale que les veines se joignent aux veines et les artères aux artères : nam in utero uenae uenis, arteriae arteriis iunguntur. L’essentiel de l’explication contenue entre ces deux idées est consacré à un exemple cherchant à rendre plus claire la doctrine. En effet, pour expliquer l’affirmation selon laquelle les veines proviennent du foie et les artères du cœur et toutes les deux manquent de début – uenae ab epate sunt, arteriae a corde et principium per se non habent –, l’auteur se pose une question théorique : Comment ce qui provient de quelque chose et qui n’a pas de début en soi-même, peut-il préexister à ce dont il provient ? C’est à ce moment que le commentateur latin invoque l’exemple du paysan qui veut empêcher la terre de se dessécher à cause de la chaleur estivale : une fois qu’il a construit un réseau de tuyaux secondaires – fistulae, l’équivalent des veines et des artères consolidées dans le chorion –, il les branche au réseau principal – forma –, qui arrive par les conduits qu’Étienne appelle κοτυλήδονας. Pour notre propos, il est important de faire remarquer que ce même exemple se trouve sous une forme identique chez l’auteur alexandrin, qui, de sa part, insiste sur la même comparaison en faisant allusion à l’activité des ingénieurs hydrauliques (ὑδραγωγοί)39.

  • 40 Étienne rappelle brièvement quelques-unes des parties de la matrice – κόλπος, τράχηλος, κύτος – dan (...)
  • 41 Ruf., anat. 9 (p. 183, Daremberg-Ruelle).
  • 42 Sor., gyn. 1, 4, 44 (p. 10, Burguière- Gourevitch-Malinas).
  • 43 Cael. Aur., gyn. 1, 12 (p. 4, 90-91 Drabkin-Drabkin).
  • 44 Soran. p. 8, 1 (§10) Rose.
  • 45 Cael. Aur., gyn. 1, 12 (p. 4, 90 Drabkin-Drabkin).

18On aurait, cependant, tort de penser que les arguments exégétiques de Lat A sont tous empruntés à Étienne ou à un commentaire alexandrin quelconque. Et ceci peut être saisi d’une façon particulièrement aisée dans la partie concernant la description anatomique de la matrice – et, dans une moindre mesure, de son fonctionnement –, juste après l’explication de la conception. L’auteur de Lat A dénombre les parties de la matrice – matrix multa habet membra: habet labia, habet collum, habet pectus, habet latera et fundum –, pour nous rappeler ensuite la ressemblance de cet organe avec une ventouse médicinale et nous indiquer que la matrice est différente de celle des autres animaux40. On croirait aisément que l’auteur du commentaire latin ait pu avoir recours à une figure similaire à celles qui illustraient le texte de Mustio. Une recherche préliminaire permet de constater que la ressemblance de la matrice avec la ventouse ne se trouve pas chez Étienne, mais, en revanche, elle est retenue par Rufus41, Soranos42 et les versions latines des Gynaecia, mises en œuvre par Caelius Aurélianus43 et Mustio44, ces deux derniers attestant la description de Soranos. Ajoutons que Caelius Aurélianus rend compte de la différence de la matrice de la femme par rapport à celle des animaux45. Certes, la terminologie de Lat A et celle des traductions latines ne coïncident pas tout à fait, mais il ne me semble pas à écarter que la description que l’on trouve chez Lat A tire son origine de cette tradition, et même, peut-être, d’une source latine.

  • 46 Parce qu’ils continuent à garder la chaleur de la matrice. Cf. Lat A, 1, 14 : quia adhuc ex utero c (...)

19Il convient d’ajouter quelques données. La description du phénomène de la conception – y compris la description de la matrice – n’attire pas l’attention de l’auteur de Lat A qu’à ce passage. En effet, le commentateur a recours à un texte similaire pour expliquer l’aphorisme 1, 14, où il attribue la chaleur innée des enfants pendant leur croissance – et, par là, le besoin d’une plus grande quantité de nourriture – à leur permanence dans la matrice46. Étant donné l’intérêt de ce texte, je le donne en entier :

  • 47 Lat A, 1, 14 : Sed necessarium nobis est dicere quomodo concipitur infans : ex semine uero uiri et (...)

« Mais il nous faut expliquer comment l’enfant est-il conçu. L’enfant est conçu à partir de la semence de l’homme et de la femme qui se joignent l’une à l’autre dans la matrice. Mais il nous faut expliquer la disposition de la matrice. Vous devez savoir qu’elle a des lèvres, appelés pterigomata, la partie du milieu, qui est le nimphea ; elle a un col, un vagin et un fond. » 47

  • 48 Voir Adams, 1982, p. 102.
  • 49 Soran. p. 6, 14 (§ 6) Rose.
  • 50 Soran. p. 7, 4 (§ 7) Rose.
  • 51 Soran. p. 7, 17 (§ 10) Rose.
  • 52 Le mot νύμφη peut aussi désigner le clitoris ; voir Burguière, Gourevitch, Malinas, 1988, p. 124 et (...)
  • 53 Soran. p. 8, 16-9, 6 (§ 12a) (Rose).
  • 54 Le ThlL X, 1, 1094, 16 sqq., n’atteste que cet exemple sous cette acception.

20D’abord, il faut mettre en valeur l’usage de mot uulua pour désigner la matrice. Celsus préfère de manière régulière ce terme anatomique à uterus48 et l’alternance uulua / matrix se retrouve chez Mustio. Cet auteur de l’Antiquité tardive propose comme titre d’un paragraphe Matrix quot nominibus uocatur ?49, mais juste après il retient pour titre Vbi iacet ipsa uulua ?50. Du reste, l’expression dicere positionem ipsius uuluae, que Lat A utilise pour introduire la série des parties de la matrice dans l’explication de 1, 14, ne manque pas de difficultés. Positio ne semble pas désigner une position anatomique, mais plutôt l’emplacement des différentes parties dans une figure ; et, justement, Mustio présente la comparaison de la matrice avec une ventouse sous le titre Quali positione figurata est matrix ?51 On ne doit pas négliger, par ailleurs, que l’énumération des parties de la matrice dans le commentaire à l’aphorisme 1, 14 ne correspond pas tout à fait à la série de 4, 1. En effet, dans l’aphorisme 1, 14 latera fait défaut – peut-être par erreur, bien qu’unanime dans la tradition manuscrite –, mais, par contre, on ajoute pterigomata comme synonyme grec de labia – les grandes lèvres – et l’expression medium uero nimphea, par laquelle on fait probablement référence aux petites lèvres52. Là encore, il faut remarquer que Mustio, en décrivant le sinus muliebris53, utilise le même synonyme grec : cuius foris labra graece pterigomata dicuntur54.

  • 55 De même que la théorie de la conception et la description de la matrice, l’image du cerf qui tire l (...)
  • 56 Ael., NA 2, 9 (García Valdés, Llera Fueyo, Rodríguez-Noriega Guillén, p. 32).
  • 57 Opp., C. 2, 236-252 (Papathomopoulos, p. 36).
  • 58 Gp. 19, 5, 3 (Beckh, p. 505).
  • 59 Plin., nat. 8, 118. Ce passage est à l’origine de Cur. anim. 9, 1 ; il s’agit d’un remaniement tard (...)
  • 60 Sol., 19, 15 (p. 95, Mommsen).
  • 61 Serv., egl. 7, 30 (p. 86, Thilo).
  • 62 Verec., in cant. Azariae 22, 25-32 (p. 106, Demeulenaere).
  • 63 Hier., hom. Orig. in cant. 2, 10 (p. 136-138, Rousseau) ; hom. Orig. in Ier. 14, 5 (p. 175, Reiter)
  • 64 Isid., orig. 12, 1, 18. Pour ce passage, je renvoie à André, 1986, p. 51, n. 27.
  • 65 Il n’est peut-être pas sans intérêt de rappeler que le verbe plasmo, présent chez Lat A, n’est util (...)
  • 66 Phys. 30 Offermanns, 1966, p. 100-101.
  • 67 Physiol. rec. B, 29, p. 50 Carmody; rec. Y, 43, p. 131 Carmody.

21Bien entendu, il serait trop hardi d’affirmer que l’auteur de Lat A se soit servi de la version de Mustio, mais il ne me semble pas invraisemblable qu’il ait eu recours à une source probablement latine ou qu’il y ait ajouté de son cru. Un argument supplémentaire fait pencher en faveur de cette hypothèse. En vue d’éclairer comment la matrice suce la semence du membre viril, l’auteur utilise l’image du cerf qui tire les serpents de leur trou par le souffle. Cette analogie55 se trouve dans la tradition grecque chez des auteurs comme Élien (iie-iiie s. apr. J.-C.)56 et Oppien d’Apamée (iiie s. apr. J.-C.)57, ainsi que dans la compilation byzantine – et plus tardive – Geoponica58. Quoi qu’il en soit, il me semble plus probable que l’image du cerf qui tire les serpents de leur trou provienne de la tradition latine. En effet, cette croyance est attestée chez Pline59, où auraient vraisemblablement puisé Solin60 et, ultérieurement, Servius61 et Vérécundus de Junca62, auteur qui reprend cette tradition à propos de la longévité du cerf et du renouvellement de ses bois. Pour sa part, la littérature patristique témoigne largement de ce récit, grâce en particulier à Jérôme63, mais aussi à Isidore de Séville64, dont l’entrée sur cet animal est une sorte de synthèse de Solin, Jérôme et Servius65. On doit enfin rappeler que cette même information apparaît dans la compilation chrétienne Physiologus, que ce soit dans ses versions grecques66 ou latines67. Le rayonnement de cette analogie fut énorme, aussi bien dans la littérature latine que dans les textes romans.

Pour conclure

22L’analyse menée tout au long de cette contribution nous permet de proposer, à titre d’hypothèse, quelques idées essentielles :

  • Il est à écarter que Lat soit une traduction du commentaire aux Aphorismes d’Étienne d’Athènes. On ne peut même pas affirmer que l’auteur de Lat A ait connu ce commentaire grec.

  • Il semble vraisemblable que le commentateur latin puise dans des sources grecques contenant un corpus doctrinal apparenté à celui d’Étienne et indéniablement ancré dans la tradition alexandrine. Pour ce qui est de la rose de vents, l’information de Lat A semble, à la limite, tirer son origine d’Aristote, cité explicitement par Étienne à propos du classement des vents.

  • La doctrine véhiculée par Lat A à propos de la partie de l’embryon qui se forme en premier lieu dans la matrice est à mettre en rapport avec un soustrait théorique similaire à celui utilisé par Étienne. Les coïncidences sont particulièrement visibles en ce qui concerne les matériaux mis à contribution pour expliquer cette doctrine.

  • L’exégèse du commentateur latin a recours à d’autres matériaux qui semblent de provenance latine, ce qui conduit à penser qu’on est en présence d’un texte de souche entièrement latine, mais qui réutilise souvent des contenus de tradition alexandrine.

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Notes

1 Cette contribution s’insère dans le cadre du projet de recherche « Textos técnicos latinos : medicina y gramática entre la Antigüedad tardía y la alta Edad Media » (PGC2018-093580-B-100), financé par le Ministerio de Ciencia, Innovación y Universidades.

2 Gal., XVIIb, p. 345-887 K; XVIIIa, p. 1-195 K. Les renseignements les plus détaillés sur les commentaires grecs aux Aphorismes se trouvent dans Magdelaine, 1994, p. 61-71.

3 Voir, par exemple, les recherches de Wolska-Conus (1989; 1992; 1994; 1996 y 1998) à propos d’Étienne d’Athènes et d’autres commentateurs.

4 Dietz, 1834.

5 Cette traduction latine a été éditée par Müller-Rohlfsen, 1980.

6 Beccaria, 1961, p. 63-72 ; Fischer, 2002, p. 279-287.

7 Beccaria, 1961, p. 26-29 ; Fischer, 2002, p. 287-309.

8 Vázquez Buján, 2014.

9 Voir Garofalo, 2000.

10 Je renvoie en ce sens à Perrin, 1981, p. 164-167.

11 Le manuscrit Bethesda, National Library of Medicine (De Ricci) 8 (xiie s.), attribue ce commentaire à un certain Alexander (f. 14v).

12 Gunther von Andernach, 1533. Tous les passages de Lat A cités tout au long de cette contribution sont le résultat du dépouillement de la tradition manuscrite présalernitaine en vue d’une édition critique du texte.

13 Courcelle, 1948, p. 387-388.

14 Cassiod., inst., 1, 31, 2.

15 Palmieri, 2001, p. 214-220 ; ead., 2002, p. 7-8.

16 Beccaria, 1961, p. 57-58.

17 Il s’agit du papyrus P. Berol. 11739 A, publié par Nachmanson, 1925. Voir là-dessus Manetti, 1992, p. 228-229.

18 Palmieri, 1991, p. 294-309 ; ead., 1992, p. 9-16; ead., 1993, p. 60.

19 Temkin, 1935. Un résumé excellent de ce problème se trouve dans Boudon-Millot, 2007, p. cxxxvii-cxliii.

20 Vázquez Buján, 1994, p. 416-419.

21 Westerink, 1985, p. 13-16.

22 Vázquez Buján, 2015.

23 Steph., in Hipp. aph. 3, 5 : ζητοῦμεν δὲ πάλιν περὶ πνευμάτων οὐχ ὡς φιλόσοφοι, ἀλλὰ ὡς ἰατροί· ζητητέον δὲ τῷ Ἀριστοτέλει περὶ ἀνέμων. (Westerink, p. 32, 8-10); ζητοῦμεν δὲ ὡς ἰατροί, ποῖα ἐκ τούτων πέφυκεν γίγνεσθαι νοσήματα (Ibid., p. 32, 13.)

24 Isidore de Séville est le premier à distinguer astronomia et astrologia, préalablement confondues dans la terminologie, quoique différentes dans le contenu. Voici le témoignage d’Isidore sur astrologia : Astrologia uero partim naturalis, partim superstitiosa est. Naturalis, dum exsequitur solis et lunae cursus, uel stellarum certas temporum stationes. Cf. Isid., orig. 3, 26.

25 Fleury, 1991, p. 63-83. Voir aussi Obrist, 1997.

26 Néanmoins, Isidore attribue au Septentrion et à l’Auster le caractère de vents principaux : ex omnibus autem uentis, duo cardinales sunt : Septentrio et Auster. Cf. Isid., orig. 13, 11, 14.

27 Steph., in Hipp. aph. 3, 5 : Καὶ συνάγει μὲν αὐτὰ ἐνταῦϑα εἰς δύο μερίζων τὰ πνεύματα, εἴς τε νότια καὶ βόρεια· συμμέτρως δὲ πλατύνει αὐτὰ ἐν τῷ Περὶ ἀέρων τόπων ὑδάτων, τεσσάρων γὰρ ὄντων κλιμάτων τέσσαρας καὶ ἀνέμους ὑποτίϑεται, ἀνατολικὸν δυτικὸν ἀρκτῷον καὶ μεσημβρινόν· ἐν ἄλλαις δὲ πραγματείαις εἰς τὰ κατὰ μέρος πνεύματα ἐκτείνει αὐτοὺς ἕκαστον τῶν κλιμάτων εἰς τρεῖς διαιρῶν ἀνέμους, ὡς γίνεσϑαι τοὺς πάντας δυοκαίδεκα. Cf. Westerink, 1992, p. 32, 16-21, avec traduction anglaise en regard. Westerink signale dans l’apparat de sources que la rose à douze vents ne se trouve pas de façon explicite chez Hippocrate.

28 Arist., mete. 2, 6 ; 363a 20-364a 4.

29 Graux, Martin, 1900, p. 13-15 planche III, signalent que dans le manuscrit Salmanticensis Univ. 2747 (olim Matrit. Bibl. Reg. 41) cette figure présente le sud vers le haut et le nord vers le bas, bien que la représentation la plus courante situe l’axe nord – sud à l’horizontale.

30 Olympiod., in Mete., 2, 5 (Stüve, 1900, p. 186).

31 Le texte grec est accompagné de la traduction anglaise, que l’on peut consulter sur le site du Corpus Medicorum Graecorum (http://cmg.bbaw.de/epubl/online/editionen.html).

32 « Il conseille d’évacuer les femmes qui portent un enfant du quatrième au septième mois, mais moins ces derniers ; il faut ménager les fœtus les plus petits et les plus âgés. […] Il dit que l’évacuation doit être faite du quatrième au septième mois, du septième au neuvième, <…>, elle ne le doit pas. Il y a vraiment une question qui se pose : pourquoi l’évacuation ne doit-elle pas être faite du premier au troisième mois et pourquoi elle ne le doit pas non plus du septième au neuvième ? Elle est prescrite au milieu et non pas après. Comment pouvons-nous expliquer cela. Regardons la façon dont la conception a lieu et ce qui se forme en premier lieu dans la matrice. La conception se fait à partir de la semence de l’homme et de la femme qui se joignent l’une à l’autre dans la matrice après la purgation. Mais la matrice a plusieurs parties : elle a des lèvres, un col, un vagin, des flancs et un fond, qui ressemble à une ventouse médicale. Les fonds sont deux, car la matrice n’est pas similaire à celle des autres animaux ; et c’est pourquoi elle suce parfois le membre viril, à tel point que les filles voulant se jouer de leur mari se font fumiger ; de cette façon-là, la matrice l’attire vers elle grâce à la chaleur et à la flatulence. Et c’est ce qui arrive lorsque le cerf approche son museau du trou où se trouve le serpent et le tire par le souffle. Les veines et les artères sont les premières à se former dans la matrice, mais il y a une autre question : étant donné que les veines proviennent du foie et les artères du cœur et toutes les deux manquent de début, comment se fait-il que ce qui provient de quelque chose et qui n’a pas de début en soi-même puisse préexister à ce dont il provient ? En voici l’explication : prenons l’exemple d’un jardin où un paysan veut cultiver des légumes ; il se rend compte que le jardin est sec et que l’arrivée de l’été va tout dessécher. Que faire ? Supposons qu’il y a un réseau principal près du jardin ; alors il se dit : ‘je vais prendre ici de l’eau’ ; il construit un réseau de tuyaux secondaires et l’installe dans le jardin et lorsqu’il est près du réseau principal, il y branche les tuyaux secondaires et l’eau coule tout droit vers le jardin. C’est ainsi que la nature, pendant la conception, façonne d’abord les veines et les artères et, lorsque celles-ci arrivent à leur début, elle trouve le moyen de faire arriver (le sang) dans chaque endroit du corps, car dans la matrice les veines se joignent aux veines et les artères aux artères. C’est pourquoi Hippocrate ne prescrit pas plus tôt l’évacuation, car la consolidation est très faible ; il la prescrit au milieu, quand le fœtus est presque consolidé ; il ne la prescrit pas à la fin à cause de la dimension, car les veines et les artères sont pleines, la matrice est pleine et si elle perçoit une odeur, le contenu est expulsé » (Traduction de l’auteur).

33 Hipp., aph. 1, 22 ; 2, 29.

34 Cette analogie avait été utilisée par Étienne pour expliquer l’aphorisme 3, 12, à propos de l’avortement provoqué par les caractéristiques de l’hiver et du printemps. Voir Steph., in Hipp. aph. 3, 12 (Westerink, 1992, p. 86, 6-27). Préalablement, Galien s’en sert dans son commentaire à l’aphorisme 4, 1 (XVIIb, p. 652, 8-653, 17 K), ainsi que dans de sem., 1, 9-12. De Lacy, 1992, p. 218-219, fait remarquer que cette comparaison apparaît déjà chez Hipp., nat. puer. 22-27, mais aussi chez Arist., GA 2, 3 y 5, 1.

35 Lat A, 4,1 : Vsque ad istum locum particula fuit tertia, in qua Yppocratis tam uentorum quam temporum, sed et aetatum uel aegritudinum nobis certam manifestauit rationem. Incipiens quoque quartam particulam, de gynecia uult rationem ostendere; unde et in presenti questio contra ipsum oritur : quare in isto loco dixit muliebria, qui de gynecia nihil expediebat? Huic questioni occurrit talis ratio : locus illum exigit, ut de mulieribus diceret sciens, sed et purgationibus loci et si omnia corpora tam uirorum quam mulierum medicine sunt subiecta. Bene igitur Yppocratis mulieres in utero habentes dicit, et quia per omnia uoluit doctum esse medicum, ut dum repperiret in utero habentem laborare acuta aegritudine, ut illi ualeat succurrere (Traduction de l’auteur).

36 La partie du commentaire dans laquelle Lat A s’occupe de la doctrine de la conception et de la façon dont la matrice attire vers son intérieur la semence masculine est retenue en note en bas de page par Bosquillon, 1784, p. 57-58. Dans cette édition, Bosquillon reprend le texte de la version tardo-antique, qu’il extrait des lemmes de Lat A et il y ajoute les informations les plus utiles tirées du texte du commentaire. Voir Bosquillon, Ibid., praef. p. 9 : « utilissima quaeque e commentariis excerpere suscepimus ».

37 À ce propos, la pensée antique et tardoantique accueille plusieurs points de vue, dont une excellente synthèse nous est fournie par Cens. 5, 5-6, 1-2 (Rapisarda, p. 13, 5-21).

38 Étienne retient cette même doctrine dans l’exégèse des aphorismes 3, 24 (Westerink, 1992, p. 158, 20-29) et 5, 45 (Westerink, 1995, p. 112, 3-8). On pourrait peut-être mettre en rapport cette doctrine avec la deuxième des quatre étapes proposées par Gal., de sem. 1, 9, 4-5 (p. 92, 22-94, 1 De Lacy), pour la formation de l’embryon ; cette étape est dénominée κύημα par Hippocrate, d’après ce que nous dit Galien. Dans la première étape, l’embryon garde l’aspect de la semence, tandis qu’à la deuxième le sang coule dans les conduits – veines et artères – et l’embryon présente une certaine consistance, ainsi qu’une apparence charnue, sans pour autant arriver à distinguer le cœur, le cerveau ou le foie.

39 On tient à signaler que Lat A s’occupe aussi de la partie de l’embryon qui se forme la première dans la matrice dans l’exégèse de l’aphorisme 5, 45, sans que l’on trouve aucune trace de cette doctrine dans le texte grec d’Étienne.

40 Étienne rappelle brièvement quelques-unes des parties de la matrice – κόλπος, τράχηλος, κύτος – dans le cadre de la réception de la semence.

41 Ruf., anat. 9 (p. 183, Daremberg-Ruelle).

42 Sor., gyn. 1, 4, 44 (p. 10, Burguière- Gourevitch-Malinas).

43 Cael. Aur., gyn. 1, 12 (p. 4, 90-91 Drabkin-Drabkin).

44 Soran. p. 8, 1 (§10) Rose.

45 Cael. Aur., gyn. 1, 12 (p. 4, 90 Drabkin-Drabkin).

46 Parce qu’ils continuent à garder la chaleur de la matrice. Cf. Lat A, 1, 14 : quia adhuc ex utero continet calorem. Cette description n’apparaît pas non plus chez Étienne, mais il est à rappeler que cette partie du texte grec correspond à la version abrégée. Voir Westerink, 1985, p. 102-104.

47 Lat A, 1, 14 : Sed necessarium nobis est dicere quomodo concipitur infans : ex semine uero uiri et mulieris conuenientis in uulua. Sed necesse est dicere positionem ipsius uuluae. Scitote quia labia ipsius dicuntur pterigomata, medium uero nimphea; habet collum, habet pectus, habet fundum (Traduction de l’auteur).

48 Voir Adams, 1982, p. 102.

49 Soran. p. 6, 14 (§ 6) Rose.

50 Soran. p. 7, 4 (§ 7) Rose.

51 Soran. p. 7, 17 (§ 10) Rose.

52 Le mot νύμφη peut aussi désigner le clitoris ; voir Burguière, Gourevitch, Malinas, 1988, p. 124 et 126.

53 Soran. p. 8, 16-9, 6 (§ 12a) (Rose).

54 Le ThlL X, 1, 1094, 16 sqq., n’atteste que cet exemple sous cette acception.

55 De même que la théorie de la conception et la description de la matrice, l’image du cerf qui tire le serpent du trou se trouve dans Lat A, 1, 14.

56 Ael., NA 2, 9 (García Valdés, Llera Fueyo, Rodríguez-Noriega Guillén, p. 32).

57 Opp., C. 2, 236-252 (Papathomopoulos, p. 36).

58 Gp. 19, 5, 3 (Beckh, p. 505).

59 Plin., nat. 8, 118. Ce passage est à l’origine de Cur. anim. 9, 1 ; il s’agit d’un remaniement tardif, édité par Ferraces Rodríguez, 2015, sous le titre Curae quae ex hominibus atque animalibus fiunt. Il y a aussi de l’intérêt à consulter Plin., nat. 28, 149 ; voir Gaide, 2001.

60 Sol., 19, 15 (p. 95, Mommsen).

61 Serv., egl. 7, 30 (p. 86, Thilo).

62 Verec., in cant. Azariae 22, 25-32 (p. 106, Demeulenaere).

63 Hier., hom. Orig. in cant. 2, 10 (p. 136-138, Rousseau) ; hom. Orig. in Ier. 14, 5 (p. 175, Reiter).

64 Isid., orig. 12, 1, 18. Pour ce passage, je renvoie à André, 1986, p. 51, n. 27.

65 Il n’est peut-être pas sans intérêt de rappeler que le verbe plasmo, présent chez Lat A, n’est utilisé que par les auteurs chrétiens d’après les données du ThlL X, 1, 2350-2352.

66 Phys. 30 Offermanns, 1966, p. 100-101.

67 Physiol. rec. B, 29, p. 50 Carmody; rec. Y, 43, p. 131 Carmody.

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Pour citer cet article

Référence papier

Manuel E. Vázquez Buján, « À propos des sources du commentaire Lat A aux Aphorismes hippocratiques : la doctrine de la conception »Pallas, 113 | 2020, 137-151.

Référence électronique

Manuel E. Vázquez Buján, « À propos des sources du commentaire Lat A aux Aphorismes hippocratiques : la doctrine de la conception »Pallas [En ligne], 113 | 2020, mis en ligne le 20 septembre 2022, consulté le 14 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pallas/23873 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/pallas.23873

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Auteur

Manuel E. Vázquez Buján

Profesor de lingua y literatura latina
Universidad de Santiago de Compostela
manuele.vazquez.bujan[at]usc.es

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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