Gherchanoc, Florence et Wyler, Stéphanie (dir.), Corps en morceaux. Démembrer et recomposer les corps dans l’Antiquité classique
Gherchanoc, Florence et Wyler, Stéphanie (dir.), Corps en morceaux. Démembrer et recomposer les corps dans l’Antiquité classique , Presses Universitaires de Rennes, coll. Histoire, 2020, 174 p. - ISBN 978-2-7535-79-23.
Texte intégral
1Cet ouvrage collectif est le résultat scientifique de deux journées d’études organisées dans le cadre d’un programme de recherches « Corps en morceaux dans les mondes anciens », mené de 2014 à 2018, au sein de l’UMR ANHIMA (Anthropologie et Histoire des Mondes Antiques). Il s’inscrit dans la série des ouvrages consacrés à l’étude du corps publiés dans la collection « Histoire » des PUR, dont le premier volume avait pour titre Penser et représenter le corps dans l’Antiquité.
2Il rassemble, sur le thème du corps fragmenté ou recomposé, huit contributions de chercheurs français, qui croisent, associent et confrontent les apports de l’histoire de l’art, de l’histoire, de l’archéologie, de la mythologie, de l’anthropologie, de l’imagerie antique, de la littérature et des études en médecine antique. Les deux éditrices scientifiques, Florence Gherchanoc et Stéphanie Wyler, introduisent le recueil en justifiant très clairement leur choix de restreindre l’étude à deux volets, afin de centrer les problématiques autour d’axes de recherche complémentaires : corps démembré ou dépecé et corps entier ou recomposé. L’introduction débouche sur une riche bibliographie générale relative au corps antique, à laquelle s’ajoutent les bibliographies spécifiques de chaque contribution. La structure de l’ouvrage est simple et cohérente. Cet aspect mérite d’être souligné étant donné la grande diversité des problématiques scientifiques soulevées par les recherches sur le corps antique.
3Les dimensions modestes du recueil sont sans doute consécutives à la recherche de cohérence scientifique du volume. Une première partie traite du démembrement, rituel ou non, de sa violence, et de la perte d’identité qu’il implique. Une deuxième partie regroupe des contributions consacrées au corps entier ou recomposé. Ce deuxième ensemble est consacré à la recomposition ou l’assemblage du corps d’un point de vue esthétique, littéraire et médical : le corps ainsi composé ou assemblé est-il la somme de ses parties ? Comment traiter philosophiquement de son unité ? L’unité du corps constitue en effet le point central et la thématique transversale du programme d’ensemble. Une brève conclusion tente d’apporter, sous forme synthétique, quelques réponses aux questions initiales : lorsqu’il est présenté comme un tout, un corps est plus que la somme de ses parties. Il est lié à l’identité. Lorsque l’intégrité corporelle est mise à mal, l’identité de l’individu est niée dans le présent et pour l’avenir, à travers sa capacité de reproduction. Sont en jeu les notions de civilisation et de barbarie.
4Le point de vue adopté est celui de l’anthropologie historique. Les travaux présentés s’attachent à proposer des approches originales ou novatrices, sur des thèmes pourtant déjà traités à maintes reprises par la critique. Parmi les apports scientifiques de ce volume, on mentionnera l’interprétation de l’absence de représentation du dépècement d’Actéon, les hypothèses d’explication de la section de la tête de certains cadavres dans des lieux cultuels du second âge de fer en Gaule, la mise au point sur la pratique d’amputation des extrémités en Grèce, réalité complexe qui ne se limite pas au châtiment, ou l’étude de la symbolique de la panoplie du guerrier et en particulier du syntagme bouclier-casque, qui, dans l’imagerie attique, marque l’absence du guerrier mort. De façon générale, toutes les contributions présentent un intérêt scientifique indubitable. Plutôt que l’exhaustivité scientifique, le volume recherche la clarté, la pertinence et l’originalité des analyses ce qui garantit sa qualité.
5On peut certes regretter que les analyses médicales soient réduites à une contribution, par ailleurs d’un grand intérêt, consacrée aux traitements gynécologiques de la stérilité. On peut mentionner aussi une ambiguïté, inévitable sans doute lorsqu’il est question du corps antique : corps et représentations du corps sont traités comme des objets d’étude participant d’une même démonstration scientifique. Or les contributions archéologiques, historiques et médicales témoignent de pratiques sociales ou rituelles, tandis que les travaux touchant à la littérature, aux images et aux œuvres d’art, notamment à la statuaire, prennent en compte une dimension esthétique ou symbolique dans la représentation du corps. Les deux approches sont, certes, complémentaires et enrichissent notre connaissance des mentalités antiques et des conceptions qui en découlaient. Mais le lecteur pouvait attendre une justification du traitement concomitant d’objets d’études distincts. En conclusion, ce volume d’une belle qualité offre une série d’études dont on attend avec intérêt le prolongement annoncé : un programme scientifique d’ANHIMA consacré aux parties isolées du corps et à leur représentation.
Pour citer cet article
Référence papier
Marie-Hélène Garelli, « Gherchanoc, Florence et Wyler, Stéphanie (dir.), Corps en morceaux. Démembrer et recomposer les corps dans l’Antiquité classique », Pallas, 117 | 2021, 283-295.
Référence électronique
Marie-Hélène Garelli, « Gherchanoc, Florence et Wyler, Stéphanie (dir.), Corps en morceaux. Démembrer et recomposer les corps dans l’Antiquité classique », Pallas [En ligne], 117 | 2021, mis en ligne le 20 septembre 2022, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pallas/23242 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/pallas.23242
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