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AccueilNuméros87III. Delphes et le reste du monde...Adieu l’apoikia, adieu le Pythien !

III. Delphes et le reste du monde antique

Adieu l’apoikia, adieu le Pythien !

Que reste-t-il d’Apollon Pythios après la fondation de la colonie ?
Goodbye to apoikia, goodbye to the Pythian! What is left of Apollo Pythios after the foundation of the colony?
Anne Jacquemin
p. 205-222

Résumés

L’oracle de Delphes est associé, expressément ou non, à la fondation de la plupart des colonies grecques. La recherche des preuves des liens de ces fondations avec Apollon Pythien — existence dans ces cités de sanctuaires de ce dieu, présence dans leur onomastique de noms théophores formés sur son épiclèse, consécrations à Delphes manifestant la reconnaissance de ces nouvelles communautés — ne donne pas de résultats probants et montre plutôt le reflet de l’apollonisme de la métropole qu’une expression propre liée au rôle joué par les prescriptions oraculaires. Se dégage cependant l’image d’un Apollon dieu des migrations maritimes, qui partage avec Héra ce rôle de guide des groupes de migrants. C’est le rayonnement ultérieur de Delphes qui a été à l’origine d’une révision des récits de fondation pour donner un rôle primordial à Apollon Pythien.

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Dédicace

En souvenir de Roland Martin
et de Jean Servais – Thasos été 1980

Texte intégral

  • 1 Platon, Lois, 738 c.
  • 2 Cicéron, De la divination, I, 3: « Quam vero Graecia coloniam misit in Aeoliam, Ioniam, Asiam, Sici (...)
  • 3 L’œuvre de cet historien du ve siècle nous est connue principalement à travers les citations de Thu (...)
  • 4 Lhôte, 2006, tout particulièrement les n° 103 et 132 qui transcrivent des questions émanant d’indiv (...)
  • 5 L’intérêt porté par les Athéniens à ce sanctuaire s’est manifesté pendant la guerre du Péloponnèse, (...)

1À la suite des remarques de Platon1 et de Cicéron2 s’est répandue l’idée que toute fondation coloniale grecque supposait la consultation d’un oracle qui était prioritairement celui de Delphes. Si les récits des fondations conservés dans les traditions locales et réunis pour l’Italie et la Sicile dans les deux sommes d’Antiochos de Syracuse3 n’évoquent que l’oracle de Delphes, certaines des lamelles de bronze retrouvées à Dodone portent des questions relatives à des migrations4, le sanctuaire de Zeus Ammôn à Siwah en Libye ne semble pas avoir été consulté à ce propos, quoiqu’il ait remplacé le sanctuaire pythien, quand ce dernier était soupçonné de favoriser certaines puissances5.

  • 6 Defradas, 1954.
  • 7 Gernet, 1955 ; Amandry, 1956 ; Forrest, 1957. La question du rôle de l’oracle de Delphes dans la fo (...)

2J. Defradas fut l’un de ceux qui combattirent avec le plus de virulence cette opinion dans sa thèse consacrée à ce qu’il appelait « la propagande delphique »6. Selon lui, le rôle de l’oracle delphique dans les fondations de colonies serait une fiction liée au désir du clergé delphique d’accroître la gloire du sanctuaire en l’associant plus étroitement à l’histoire des cités grecques. Cette vision radicale a été critiquée par plusieurs de ceux qui ont rendu compte de l’ouvrage : ainsi P. Amandry qui s’est appuyé sur sa connaissance précise du matériel livré par le site, W.G. Forrest, spécialiste du monde grec archaïque et L. Gernet qui s’est placé dans une perspective anthropologique7.

  • 8 Voir Davies, 2009.

3Les travaux qui ont porté sur le rôle de Delphes dans la colonisation se sont intéressés aux indices d’une consultation de l’oracle par l’oikistès avant la fondation. La perspective est ici inverse : il s’agira de repérer les signes d’un rapport au sanctuaire pythien entretenu par une colonie après la fondation, signes dont il conviendra de bien peser la valeur, car la diffusion du culte d’Apollon Pythien ne se limite pas au monde colonial et est également attesté dans des cités anciennes de la Grèce balkanique ou des îles de l’Égée8. Trois domaines seront explorés. Les deux premiers seront étudiés dans les colonies : il s’agit du domaine proprement religieux avec le recensement des sanctuaires consacrés à Apollon Pythien et de celui de l’onomastique à la recherche des noms théophores formés sur l’épiclèse Pythios. L’examen des offrandes delphiques connues par la documentation archéologique et épigraphique, mais aussi par les sources littéraires, permettra de distinguer celles qui peuvent être associées non seulement à une colonie, mais à une manifestation de connaissance liée à une fondation promue par Apollon Pythien. Cette détermination de la place d’Apollon Pythien dans les cités coloniales après l’acte de fondation conduira à revoir le lien entre cet Apollon et celui qui porte l’épiclèse d’Archégète et à s’interroger sur l’affirmation du caractère hégémonique du dieu de Delphes à l’époque classique et dans la tradition ultérieure.

1. Les preuves de liens avec Apollon Pythien

1. 1. L’existence de Pythia

  • 9 Davies, 2009, p. 57.
  • 10 À l’exemple de l’épiclèse Éleusinienne qualifiant Déméter que cite J.K. Davies, il faut ajouter cel (...)
  • 11 Un texte hellénistique de Cos relatif à un culte de Déméter expose de façon claire la procédure. Le (...)
  • 12 Davies, 2009, p. 58.

4Comme le fait remarquer J.K. Davies9, Pythios est avec Olympios pour Zeus l’épiclèse divine dont la diffusion est la plus large10. Cependant, comme il le rappelle, l’existence de concours pythiques à l’époque hellénistique et à l’époque impériale ne signifie pas forcément la présence d’un sanctuaire pythique et d’un culte authentique. Sa contribution au colloque de Réthymnon sur les réseaux met bien en lumière les niveaux divers de relations qui peuvent être prises en compte : la constitution de filiales réelles avec transmission du culte par le biais d’aphidrymata11, le réseau des panégyries avec l’envoi de théores annonçant la fête et la réception d’ambassades sacrées, le réseau formé par ceux qui participent au sanctuaire à quelque titre que ce soit. L’étude des partenaires du premier réseau est loin d’être aisée, puisque la prudence conseille d’éviter d’attribuer des sanctuaires pythiques à toutes les cités qui ont offert des trésors ou des moissons d’or à Delphes12.

  • 13 Davies, 2009, p. 60. L’Apollon Lykeios argien est le grand dieu de Métaponte où il avait un grand t (...)
  • 14 Ce sanctuaire, non identifié archéologiquement, n’est connu que par deux passages de la Vie pythago (...)
  • 15 Athénée, XII, 522c.
  • 16 Plutarque, Questions grecques, 292 E. Le moraliste rappelle aussi que ce jour-là les Delphiens prép (...)
  • 17 Le nom du mois variait selon les cités : Bysios à Delphes, Élaphèbôliôn à Athènes … Il faut ne pas (...)
  • 18 Gianguilio, 1989, p. 131-160.
  • 19 Gianguilio, 1989, p. 91-92. Les deux consultations sont connues par Justin (XX, 2, 5 — à la suite d (...)
  • 20 Euripide (Ion, 366) fait du siège d’Apollon dans le temple de Delphes le « trépied commun de la Grè (...)
  • 21 L’existence d’un trésor crotoniate n’est connue que par la présence d’un toit de style précisément (...)
  • 22 Gianguilio, 1989, p. 86-89 et 154.
  • 23 Gianguilio, 1989, p. 143-147.

5Intéressons-nous aux sanctuaires de cités coloniales figurant dans la liste établie par J.K. Davies. Comme ce savant le souligne, la Grande-Grèce est sous-représentée13, puisqu’il ne recense que Crotone qui possédait un sanctuaire urbain d’Apollon Pythien14. Le rituel mensuel du tour des autels de l’agora effectué par le prytane et un acolyte le 7 de chaque mois15 est clairement apollinien — le dieu est réputé né le 7 Bysios. Quoique le 7 Bysios fût à l’origine le seul jour de consultation de l’oracle à Delphes16, rien ne permet d’affirmer que la fête fut d’origine delphique, car la naissance du dieu était toujours célébrée un 7, comme celle de sa sœur un 617. Si l’absence du culte pythien en Achaïe d’où étaient originaires les fondateurs de Crotone pourrait être un indice d’un culte lié à la consultation de l’oracle pythique, l’étude approfondie des récits de fondation ne permet pas de conclure à une implantation du culte dès la fin du viiie siècle18. L’orientation pythique du culte crotoniate se développerait plutôt au cours du vie siècle et serait marquée par les deux consultations au lendemain de la destruction de Siris et à la veille de la bataille de la Sagra19. Le tournant pythique est bien attesté par le monnayage de la cité qui prit pour emblème le trépied à un moment où cet objet de prix qui avait été une offrande commune des sanctuaires archaïques devenait le symbole de l’oracle de Delphes20, où elle offre un trésor dans l’Apollonion pythique21. La venue de Pythagore a manifestement accéléré un processus déjà en œuvre22. La légende locale de fondation autour de l’oikistès bossu a été alors revue dans le cadre de la polémique avec Sybaris et placée dans le contexte delphique qui s’imposait alors23.

  • 24 Le sommet médian porte le sanctuaire d’Athéna Poliouchos : Grandjean et Salviat, 2000, p. 114-116. (...)
  • 25 Voir par exemple pour l’affichage IG XII, 8, 264 ; 268 ; IG XII, suppl., 350 ; 358 ; 362 et pour l’ (...)
  • 26 Holtzmann, 1994, p. 6-13 (reliefs orientalisants aujourd’hui au musée du Louvre) ; Picard, 1921, p. (...)
  • 27 Sur les sanctuaires et l'enceinte de Paros, voir Rubensohn, 1900 ; 1901 ; 1902. Pour Artémis Pôlô, (...)
  • 28 On notera qu’au Délion de Paros (Rubensohn, 1962) seule Artémis a un temple (Schuller, 1991), même (...)

6Une autre cité coloniale doté d’un Pythion est Thasos où le Pythion est situé sur le plus oriental et le plus bas des sommets de l’Acropole24. L’implantation d’une forteresse médiévale a effacé toute trace claire de l’implantation du sanctuaire qui n’est connu que par les remplois de ses éléments et sa mention dans les textes épigraphiques comme lieu d’affichage de lois et de règlements et comme bénéficiaire de tout ou partie des amendes ou de certaines confiscations de biens appartenant à des condamnés25. L’identification de deux reliefs du troisième quart du vie siècle représentant un lion et une panthère comme décor du propylon du sanctuaire confirme l’ancienneté du sanctuaire qu’avait déjà montrée la découverte d’un kouros criophore de plus de 3,50 m laissé inachevé vers 600 à cause d’un défaut du marbre26. L’existence d’un Pythion péri-urbain à Paros sur une colline au sud de l’enceinte pourrait inviter à voir dans l’Apollon Pythios de Paros un dieu venu de la métropole comme Athéna, divinité principale de l’île des Cyclades ou Artémis Pôlô27. La présence d’un Délion dans la métropole et dans la colonie pourrait confirmer cette hypothèse28.

  • 29 SEG IX, 3, l. 17-18. Voir Graham, 1960.
  • 30 Pindare, Pyth. V, 294; Hérodote, IV, 158. Voir Chamoux, 1953, p. 130-131.
  • 31 Pernier, 1935 ; Parisi Presicce, 1991. Trois dédicaces rappellent que le placage de l’autel en marb (...)
  • 32 Hérodote, IV, 155-158 ; Diodore, VIII, fr. 30 Vogel ; SEG IX, 3.
  • 33 Pindare, Pyth. IX. L’ode est tout entière sous le signe de l’union fondatrice, puisqu’au couple for (...)

7À Cyrène, l’existence d’un Pythion est attestée par l’épigraphie : c’est dans ce sanctuaire, sanctuaire ancestral (πατρῶιον) de la cité que devait être érigée au ive siècle la stèle portant la liste des Théréens admis dans une citoyenneté pleine et entière et le serment prononcé au viie siècle par les fondateurs29. Apollon a pris la place d’un dieu indigène maître de la source autour de laquelle s’est implanté le sanctuaire, comme le dit bien Pindare30. Le premier temple bâti vers le milieu du vie siècle fut remplacé par un édifice plus imposant au ive siècle ; l’autel du dieu fit l’objet de plusieurs agrandissements et embellissements depuis l’époque archaïque avant d’être recouvert d’un placage de marbre de Paros31. Apollon est présent à Cyrène non seulement dans le récit de la fondation humaine de la cité32, mais il est aussi celui qui s’unit à la nymphe du lieu, la tueuse de lions Kyrènè, et en a un fils Aristée33.

  • 34 Pouilloux, 1977, n° 372 ; Rigsby, 1996, n° 62 et p. 164-171.
  • 35 Pythaios/Pythaeus est une forme qui alterne avec Pythios. C’est l’épiclèse du dieu qui avait son sa (...)
  • 36 Si Pythios est une épiclèse topique qui dérive directement de Pythô (Chantraine, 1968-1980), Pythai (...)
  • 37 Massa-Pairault, 1999, p. 117-118 ; Antonetti, 1996, p. 93.

8Il nous faut ajouter enfin Chalcédoine dont le sanctuaire a fait l’objet d’une asylie reconnue par la cité de Delphes dans la seconde moitié du iiie siècle34. Cette colonie de Mégare possédait un sanctuaire d’Apollon Pythaios dans son centre urbain et un sanctuaire d’Apollon Chrestérios sur son territoire35. Dans le cas de Chalcédoine, le dieu exerce une fonction oraculaire, ce qui n’est pas, loin de là, le fait de tous les Pythioi36. La documentation ne permet pas d’affirmer l’existence de sanctuaires d’Apollon pythien à Mégara Hyblaea ou à Sélinonte, fille et petite-fille de Mégara Nisaia37.

9L’existence de sanctuaires pythiens ne semble donc pas liée au rôle que le sanctuaire de Delphes aurait joué dans la fondation de la colonie, mais à l’existence dans la métropole d’un tel sanctuaire. Pour reprendre la problématique de J.K. Davies, l’appartenance de la mère au réseau pythique entraîne celle de la fille. Il s’agit là du motif bien connu du transfert des cultes d’une cité à l’autre.

1. 2. La présence de noms théophores formés sur l’épiclèse Pythios

  • 38 Pour des raisons évidentes, le nom Pythionikos qui renvoie à une victoire pythique dans la famille (...)
  • 39 Cette singularité de Thasos ne se voit pas seulement dans le monde colonial, mais dans le monde gre (...)
  • 40 Ce nom peut renvoyer à une victoire hippique aux Pythia.

10L’onomastique peut fournir des indices de relations particulières avec le sanctuaire pythique. Les noms théophores sur formés sur le nom Pythô sont abondants, comme le montre la consultation des volumes du Lexicon of Greek Personal Names. Cependant les cités coloniales sont loin de manifester une reconnaissance particulière à Delphes par le biais de leurs anthroponymes38. Seule Thasos se signale par une onomastique pythique riche, aussi bien au féminin qu’au masculin39. On trouve ainsi à Thasos Pythaïs, nom féminin bien attesté, les masculins Pythas, Pythios, Pythippos40, Pythis, Pythiphôn, Pythogénès, Pythodôros, Pythokleidès, Pythoklès, Pythokritos, Pythomnèsis, et surtout Pythiôn, Pytholéôs, Pythônax, Pythonômos, qui sont particulièrement fréquents. À Cyrène, ainsi qu’à Apollonia, son port, on trouve des Pythas, des Pythogénès, ce qui est moins varié et moins riche.

  • 41 Le nom est également attesté à Tarente au ier siècle av. J.-C. et à Dikaiarkhia-Puteoli à la fin du (...)
  • 42 Comme le nom est connu également à Corinthe, il a pu y avoir une transmission par Syracuse, colonie (...)
  • 43 Pour ce nom féminin connu à Corinthe, Syracuse a pu servir de transmission.
  • 44 Il est particulièrement fréquent dans ces deux cités.

11Crotone et Chalcédoine qui possédaient des Pythia ne semblent pas avoir eu une onomastique à tonalité pythique. Les noms formés sur Pythô/Pythios se rencontrent dans toutes les régions de la Grèce des colonies. Pythagoras est attesté à Rhégion, Pythéas à Sélinonte41, Pythéos à Pharos, colonie parienne de la côte dalmate, Pythèn à Issa42, Pythis à Camarine43, Pythiôn à Issa, Pythodôros à Ambracie, à Corcyre, à Sélinonte et à Tauroménion, Pythiôn à Issa, Tarente, Néapolis-Naples, Poseidonia, Camarine et Catane. Dans le monde colonial de Propontide et du Pont, on rencontre Pythaggélos à Mésambria, Pythagoras à Sélymbria et, sous la forme Pythagorès, à Olbia-Borysthénes, Abdère, Apollonia-Sozopolis, Périnthe, Pythas à Byzance, Pythéas à Olynthe, Amphipolis, Philippes-Krénidès, Abdère, Byzance, Pythès à Olynthe, Abdère, Pythiadas à Callatis, Pythias à Philippes, Pythiar à Stagire, Pythinnès à Abdère, Pythis au masculin à Abdère, Pythiôn à Olynthe, Amphipolis, Philippes, Istros, Callatis, Chersonnèse taurique, Ainos, Byzance, Maronée, Mésambria, Périnthe, Pythogeitôn à Hermonassa dans le Bosphore cimmérien, Pythogénès à Stagire, Maronée, Sélymbria, Pythogonos à Maronée, Pythodotos à Chersonnèse où le nom est particulièrement bien attesté, Pythodoris à Chersonnèse, Pythodôros à Myrmekion dans le Bosphore cimmérien, à Amphipolis, Néapolis-Kavalla, Istros, Abdère, Ainos, Byzance, Maronée, Zôné, Chersonnèse taurique et Mésambria44, Pythokleidès à Istros, Pythoklès à Potidée, Abdère et Périnthe, Pythotélès à Istros, Pythôn à Panticapée, Acanthe, Ainos, Byzance et Abdère où il a plusieurs attestations, Pythonymos à Strymè.

  • 45 Cette onomastique semble, en revanche, rare à Mégare même, du moins dans les documents qui nous son (...)

12Il est difficile de tirer des conclusions de cette liste qui enregistre des noms attestés entre le vie siècle av. J.-C. et le iie s. ap. J.-C. Cependant l’onomastique pythique semble, toute proportion gardée, avoir une certaine fréquence dans les colonies ou les sous-colonies mégariennes45. Il convient d’ailleurs de constater que l’onomastique pythique est bien attestée à Paros, métropole de Thasos, avec Pytheidès, Pythéas, Pythippos, Pythodôris et Pythodôros et Pythônax. En revanche, Pythios, Pythokratès et Pythokritos sont connus à Théra.

2. L’existence d’offrandes de reconnaissance à Delphes

  • 46 Les offrandes de Cyzique sont des statues de pythioniques ou de célébrités locales. Il en est de mê (...)
  • 47 Une offrande privée est également attestée, celle des fils de Phaÿllos.
  • 48 Voir les références dans Jacquemin, 1999, p. 308-372. On ajoutera les strigiles d’or des Sybarites (...)

13Lorsqu’on dresse la liste des offrandes connues à Delphes, même en associant aux offrandes monumentales les objets divers (statuettes de bronze, couronnes, vaisselle métallique, vaisselle et figurines de terre cuite) qui portent une dédicace ou dont le dédicant est connu par une source littéraire, on est frappé par la faible place occupée par les cités coloniales46. Figurent en effet Acanthe pour un trésor, Agrigente pour une statue de son dieu-fleuve éponyme et deux bases de statues, Ambracie pour une statue d’âne liée à un épisode de son histoire, les Ampéliotes de Cyrénaïque pour une représentation d’une tige de silphion, Apollonia d’Illyrie pour une moisson d’or, comme Métaponte47, Corcyre pour trois monuments dont un trésor, Crotone avec un trépied monumental, un trésor et la statue du pythionique Phaÿllos, Cyrène avec deux groupes de chars et un trésor de marbre, Héraclée pontique pour une statue d’Apollon, Lipara avec au moins trois monuments célébrant des victoires navales, Massalia avec plusieurs statues divines et au moins un trésor, Potidée avec un trésor et une offrande privée, Rhégion avec une offrande publique, Sinope avec une offrande publique vraisemblable et une offrande privée, Syracuse avec les monuments des tyrans célébrant leurs succès à la guerre et aux Pythia, le trésor commémorant la victoire sur Athènes, Tarente avec ses deux grands groupes statuaires rappelant les victoires sur les Messapiens et les Peucétiens48.

  • 49 À Athènes, la statue d’Athéna Lemnia, due à Phidias, était une offrande d’action de grâces des Athé (...)
  • 50 Pouilloux, 1950. L’interprétation du κατὰ χρησμόν par Bousquet 1952, qui en fait la mémoire d’une c (...)
  • 51 Voir Jacquemin, 1999, p. 88, n. 53.

14Aucune des dédicaces, aucune des notices relatives à ces offrandes ne les présente comme un remerciement des colons au dieu de l’oracle49. Plus curieusement encore, on ne compte qu’une seule offrande dédiée à Delphes à la suite d’un oracle50, alors qu’on connaît au moins huit statues consacrées en divers lieux du monde grec, à la suite d’un oracle d’Apollon Pythien51.

3. Apollon, le dieu des migrations coloniales

3. 1. Un dieu de la navigation

  • 52 La poésie archaïque montre la face cruelle de ce dieu qui est présenté comme le responsable des nau (...)
  • 53 Cette épiclèse qui accompagne fréquemment le nom du dieu dans les poèmes homériques est même substa (...)
  • 54 Hymne homérique à Apollon, 388-451 : le dieu connaît trois épiphanies, sous la forme d’un dauphin, (...)
  • 55 C’est d’ailleurs cet Apollon dauphin crétois qui serait pour certains (cf. Defradas,1954, p. 256) l (...)
  • 56 Apollon est un dieu dont le culte est souvent lié à une source aux vertus oraculaires ou purificatr (...)
  • 57 Rehm, 1914.
  • 58 Le culte de cet Apollon médecin est bien attesté également dans le Bosphore cimmérien et particuliè (...)
  • 59 Bravo, 2001, p. 237-241 et p. 244-245.

15Quoique la tradition lie d’ordinaire la mer et la navigation à Poséidon52, une divinité étroitement associée à la Terre par son nom qui fait de lui l’époux de cette dernière et par son épiclèse ἐνοσίχθων (ébranleur de la terre)53 qui le définit comme le dieu des séismes, Apollon n’est pas étranger au monde marin. La seconde partie de l’Hymne homérique à Apollon, après avoir évoqué ses pérégrinations terrestres à la recherche d’un lieu où installer son sanctuaire, le montre ainsi en dauphin bondissant autour du navire crétois qu’il détourne de sa voie pour faire ses prêtres des hommes d’équipage et des marchands embarqués sur ce bateau pour leurs affaires54. L’Apollon Delphinios, bien connu en Crète et dans le monde milésien, a été souvent rapproché de Delphes, au prix d’une pseudo- étymologie55. La naissance du dieu dans une île à l’origine flottante au cœur des Cyclades, cet archipel qui se trouve lui-même au milieu de l’Égée, explique peut-être ces affinités avec cet univers56. Cet Apollon Delphinios qui est l’une des divinités principales de Milet — son sanctuaire a été le lieu d’affichage des décisions de la cité et des listes de magistrats57 — est également présent dans les colonies milésiennes : ainsi à Olbia, on trouvait, à côté de l’Apollon Iètros58 honoré avec Achille dans le liman par les premiers colons installés à Borysthéne, dans le téménos oriental, Apollon Delphinios, divinité poliade de la nouvelle communauté des Olbiopolites59.

3. 2. Un guide de migration

  • 60 Les sources qui présentent fréquemment une forme revue de la tradition placent souvent à l’origine (...)
  • 61 Pausanias, IV, 34, 9-10. On peut rapprocher ce cas de celui des prisonniers thébains que les Épigon (...)
  • 62 Apollon est d’ailleurs par excellence le dieu de la dîme, comme le rappelle son épiclèse de Dékatèp (...)
  • 63 Hérodote, V, 57.
  • 64 Conon, FGrHist. 26 F 29 ; Athénée IV, 173 e-f (citant un mémoire d’Aristote ou de Théophraste) ; Pl (...)
  • 65 Strabon, VI, 1, 6 ( = C 257) ; Héraclide Lembos, Constitutions, 25 ( = Aristote fgt 611, 55 Rose) ; (...)

16Plusieurs récits de migrations font mention de groupes humains consacrés à Apollon60. Ainsi, selon Pausanias61, les Dryopes vaincus auraient été conduits à Delphes par Héraclès et seraient ensuite partis pour le Péloponnèse sur ordre de l’oracle. Dans certains cas, il s’agit de dîme au sens propre du terme62, comme dans celui des Géphyréens à l’origine de la fondation de Tanagra63 ou des Magnètes de la vallée du Méandre, qui seraient les descendants de Magnètes de Thessalie consacrés à l’Apollon de Delphes, manifestement à la suite d’un vœu pour obtenir un bon retour de Troie. Le dieu les aurait envoyés en Asie comme ἄποικοι τοῦ θεοῦ64. C’est aussi ainsi que certaines traditions présentent la fondation au viiie siècle de Rhégion, à cette différence qu’il s’agit de la consécration par la communauté d’une partie de ses membres, et non plus de celle d’ennemis vaincus considérés comme part de butin65.

  • 66 Callimaque, Hymne à Apollon, 66-67. Voir Chamoux, 2007.
  • 67 Gasparini 1995 ; voir aussi Maffre, 2007, p. 173.
  • 68 Sève, 1996.
  • 69 Voir infra.

17Apollon est à la fois le destinataire de ces dîmes humaines et le guide qui les accompagne parfois sous une forme animale. Dans un certain nombre de ces récits, un animal joue le rôle de guide ou signale le lieu où prend fin l’errance. Ainsi, dans l’Hymne à Apollon de Callimaque66, quand il quitte les Théréens qui ont enfin atteint le terme de leurs épreuves, Apollon prend l’apparence d’un corbeau, oiseau qui est l’un de ses attributs. Un tesson trouvé à Cyrène porte une dédicace à Ἀπόλλονι ϙόρακι67, un Apollon Corbeau. C’est la première attestation de cette épiclèse, même si la date proposée dans le milieu du vie siècle paraît haute pour la graphie68. À Métaponte, Aristéas de Proconnèse, figure chamanique liée à Apollon, serait apparu sous la forme d’un corbeau69.

  • 70 Heurgon, 1957. Comme J. Heurgon le fait bien remarquer, le vœu italique porte sur toute la producti (...)
  • 71 Malkin, 1987, p. 241-248. Le mot peut s’appliquer aussi bien à un chef mortel qu’à un dieu. Apollon (...)

18L’Apollon, guide des migrations, évoque la figure bien connue dans le monde de l’Italie ancienne du dieu Mars, patron du ver sacrum, ce printemps sacré qui voit la consécration de partie ou de totalité des produits d’une année, hommes et animaux70. Il s’agit là d’un archégète, initiateur et guide71.

19Le rôle de guide que tient Apollon dans un certain nombre de récits de migrations explique sans doute pourquoi le nom divin qui est à l’origine du plus grand nombre de colonies est le sien. On rencontre des cités appelées Apollonia aussi bien dans la Grèce d’Occident avec la cité d’Illyrie qu’en Cyrénaïque ou sur les côtes occidentale et méridionale du Pont-Euxin ; elles sont liées, directement ou non, à Corinthe (Apollonia d’Illyrie), à Mégare (Apollonia de Thrace, l’actuelle Sozopol), à Milet (Apollonia du Rhyndakos) ou à Théra (Apollonia, le port de Cyrène). L’autre dieu qui a donné son nom à des implantations grecques est Poséidon dont le nom se retrouve sous des formes variées du Levant avec le comptoir eubéen de Posidéon (Ras el-Bassit) à l’Occident avec l’achéenne Poséidonia qui a conservé sa mémoire sous les formes lucanienne de Paeston ou latine de Paestum, en passant par la corinthienne Potidée en Chalcidique de Thrace.

4. Un dieu face à des déesses

  • 72 Valenza-Mele, 1977.
  • 73 Sur ces différents aspects d’Héra, voir La Genière, 1997. Parmi les offrandes du sanctuaire de la d (...)
  • 74 De Juliis, 2001, p. 138-157.

20En Occident, Apollon semble partager la fonction de protecteur des marins avec Héra72, qui est la déesse des lieux d’abordage, que ce soit au cap Lakinion en Crotonitide ou à l’embouchure du Silaris dans le territoire de Poséidonia73. Dans ces deux cas, Héra exerce ce rôle de gardienne des portes du territoire avec un dieu qui se tient à l’autre extrémité de la bande littorale tenue par la cité, l’Apollon Alaios du sanctuaire de Crimisa (Punta Alice) à Crotone, le Poséidon d’Agropoli à Poséidonia. Un autre Héraion de frontière se trouvait à Métaponte, dont le temple passa au Moyen-Âge pour le lieu où Charlemagne entretenait ses compagnons, ce qui lui valut le nom de « Tables Palatines ». Ce sanctuaire était en relation avec un Héraion urbain et un sanctuaire d’Apollon situés dans la zone sacrée qui était séparée de l’agora par une avenue (plateia)74.

  • 75 Hérodote, I, 31.
  • 76 À l’époque hellénistique, la cité de Tarse se dota d’une légende, connue par les textes littéraires (...)
  • 77 Lambrinoudakis, 1984, p. 188-189.
  • 78 Di Filippo Balestrazzi, 1984. P. 327-329 ; p. 331-333.
  • 79 Pausanias, I, 44, 2.
  • 80 L’un des types les plus courants du monnayage de Cyrène est la tête de Zeus barbue de Zeus Ammôn. D (...)
  • 81 Malkin, 1999, p. 180-189.

21Le lien entre Apollon et Héra en Occident est étroit et semble avoir son origine dans la Péloponnèse. L’Héra occidentale est l’Héra argienne de la Plaine, la divinité du grand sanctuaire hors les murs, illustre par l’amour filial de Cléobis et Biton75. C’est par le biais des Achéens que la divinité est venue en Italie, puisque les Argiens n’ont pas joué de rôle véritable dans la colonisation grecque d’époque historique76. L’Apollon de Métaponte est l’Apollon Lykeios et on trouve dans la cité d’Italie comme dans le Péloponnèse les λιθοί ἀργοἱ qui sont la manifestation aniconique du dieu. L’Apollon Agyieus77 est la forme achevée de ces sortes de bétyles apolliniens qui sont bien attestés dans le Péloponnèse et leur représentation iconographique se retrouve dans le monnayage de cités qui sont des colonies de Corinthe (Corcyre, Ambracie, Apollonie et Orikos d’Illyrie), de Mégare (Byzance) ou de Sparte par l’intermédiaire de Théra (Cyrène)78. Une telle pierre signifie à Mégare l’Apollon Karinos79 que certaines traditions identifient avec un Apollon Karneios. En Laconie, le culte de cette dernière divinité est bien attesté et se retrouve dans les colonies directes ou non de Sparte, comme Tarente et Cyrène où la fête des Karneia était célébrée80. Apollon Karneios et Archégète est un dieu lié à la fondation de Sparte par les Héraclides et son culte à Cyrène dit la chaîne des fondations qui trace le chemin du dieu dans l’espace méditerranéen81

  • 82 Dubois, 1995, p. 44-46, n° 16.
  • 83 Breglia, 2009, p. 288-248 ; 256-262.

22Une inscription de Cumes, cité qui appartient à un autre ensemble colonial, puisqu’il s’agit d’une fondation des Ioniens d’Eubée, atteste la présence d’un oracle d’Héra qui défend ses prérogatives face à des empiètements82, ce qui pourrait sembler étrange dans une cité célèbre par sa Sibylle, figure hautement apollinienne, dans une cité enfin où le temple d’Apollon occupait une position dominante sur l’acropole83, si l’on ne connaissait les affinités qui existaient à l’époque archaïque entre ces deux divinités.

5. L’hégémonie progressive d’Apollon pythien et la naissance d’un discours officiel

5. 1. Le rayonnement de Delphes

  • 84 Xénophon, Helléniques, IV, 7, 2.
  • 85 Strabon, VIII, 3, 30 ( = C 353-354). Sur ce point, voir Sinn, 1994. Quant à l’oracle argien d’Apoll (...)

23Le sanctuaire de Delphes s’est imposé au cours de l’époque archaïque comme le grand sanctuaire oraculaire de Grèce continentale. L’Hymne homérique à Apollon témoigne de cette réduction à un rôle purement local des nombreux oracles de Grèce centrale. Certes, quelques-uns ont continué d’avoir, par intermittence, des moments de gloire, mais ils les ont dus à des activités annexes, comme le Ptoion qui est devenu l’un des lieux de réunion de la Confédération béotienne ou le sanctuaire d’Amphiaraos à Oropos où la fonction de guérisseur du héros lui a permis de garder un rayonnement transfrontalier qu’accentuaient encore les aléas de l’histoire d’un lieu disputé entre les Eubéens d’Érétrie, les Béotiens et les Athéniens. L’oracle de Zeus à Olympie, nous l’avons vu, devait être validé par celui d’Apollon à Delphes84 et Strabon doit expliqué à ses lecteurs qu’il fut un temps où Olympie était plus célèbre par son oracle et sa fête que par ses concours85. Delphes a bénéficié des circonstances, les grands oracles apolliniens d’Asie mineure, Claros et Didymes, ont connu une éclipse entre la fin de l’époque archaïque et l’époque hellénistique. Les deux concurrents de Delphes à l’époque classique sont bien Dodone et Siwah, mais leur situation aux marges du monde grec explique qu’ils n’aient pas vraiment fait d’ombre à Delphes. C’est en revanche à l’époque où on commence à parler du déclin de Delphes que les grands sanctuaires oraculaires d’Asie mineure connaissent un renouveau marqué par la présence de théories, les consultations, les gravures d’oracles et de listes de participants aux ambassades sacrées. Cependant ceux qui les fréquentent viennent, pour la majorité, d’Asie mineure.

5. 2. Avec ou sans propagande delphique

24Nous aurions alors un cadre proche de celui que définissait J. Defradas. La documentation textuelle et la documentation archéologique attestent cette « pythisation » des sanctuaires apolliniens du monde colonial. L’Apollon de la migration, qu’il ait ou non fait l’objet d’un culte dans la métropole, cède la place au Pythien. Il peut demeurer au second plan ou être absorbé par le dieu de Delphes.

  • 86 Hérodote, IV, 15 ; De Siena, 1998, p. 156-158 ; De Juliis, 2001, p. 170-173.
  • 87 Le poète chamane accompagnait le dieu sous la forme d’un corbeau (cf. supra).
  • 88 De Siena, 1998, p. 158. C’est de ces lauriers qu’est sortie la voix divine qui poussa les devins (m (...)
  • 89 De Juliis, 2001, p. 172-173.

25C’est à Métaponte que grâce à Hérodote et aux découvertes archéologiques de la fin des années 1990 on suit le mieux ce processus86. Au début du ve siècle, un nouveau sanctuaire apollinien est bâti hors de la zone sacrée, au nord-ouest de l’agora : selon le récit recueilli par Hérodote auprès de Métapontins, le nouveau sanctuaire aurait été fondé à la suite d’une épiphanie du dieu, la seule d’Apollon dans le monde grec d’Italie, et d’une consultation de l’oracle de Delphes. Le sanctuaire, dans l’état connu de l’historien au ve siècle, comprenait un autel d’Apollon, une statue du dieu et une autre d’Aristéas87 et des lauriers. La découverte de feuilles de cette espèce végétale en bronze invite à voir dans ces arbres non point les éléments d’un bois sacré, mais des consécrations à un Apollon Daphnéphoros identifié avec l’Apollon de Delphes et comme lui oraculaire88. Au milieu du iiie siècle quand ce sanctuaire fit l’objet de grands travaux, le temple d’Apollon Lykeios était abandonné et en ruines89.

  • 90 Hérodote, IV, 151-158 ; SEG IX, 3 — les mentions d’Apollon Archégète et d’Apollon Pythien sont resp (...)
  • 91 Laronde, 1987, p. 111-113.

26À Cyrène, une semblable « pythisation » est achevée au ve siècle, puisque le récit qu’Hérodote fait de la fondation de la cité est placé sous le signe de l’Apollon de Delphes. C’est ce même Apollon qui est nommé dans le décret des années 370-360 qui prévoit l’inscription de la liste de tous les émigrés récents de Théra admis dans la citoyenneté cyrénéenne pleine et entière, ainsi que celle du « serment des fondateurs (οἰκιστήρων) : si les considérants évoquent le départ de l’expédition coloniale sur l’ordre d’Apollon Archégète, c’est dans le sanctuaire ancestral d’Apollon Pythien (ἐς τὸ ἱαρὸν πατρῶον τῶ Ἀπόλλωνος τῶ Πυθίω) que sera érigée la stèle90, le texte cité dans le décret ne donne pas d’épiclèse à Apollon. Il n’est donc pas assuré que le premier temple, bâti au milieu du vie siècle, ait été un Pythion, à la différence de son successeur du ive siècle : la dédicace de la réfection de l’autel est alors faire à Apollon Pythien91.

  • 92 Servais, 1980. Les deux édifices ont le même plan : un porche donnant accès à deux pièces dont la p (...)
  • 93 Thucydide, VI, 3, 1. Il convient de noter que Thucydide que l’autel « se dresse maintenant hors la (...)
  • 94 On pourrait certes évoquer la venue d’Héraclès, qui a servi à justifier les tentatives d’implantati (...)
  • 95 Hellmann, 2006, p. 288-289.

27À Thasos, si la découverte d’un kouros inachevé de ca 600 est un indice en faveur d’une implantation ancienne d’un sanctuaire sur le sommet oriental de l’acropole, ce n’est qu’à partir du début du ve siècle que des inscriptions permettent d’affirmer que le dieu honoré en ce lieu est Apollon Pythien. Quand les Pariens ont envoyé leur ἀποικία au viie siècle, ces derniers abordent sur la côte sud et le sanctuaire double d’Aliki92 marque vraisemblablement le lieu de débarquement des premiers colons, une situation qui rappelle celle de l’autel d’Apollon archégète à Naxos de Sicile93. Ce rapprochement permet de comprendre pourquoi l’autel sert aux sacrifices de toutes les délégations de Grecs de Sicile se rendant dans les sanctuaires de Grèce balkanique ou insulaire : dans les deux cas, il s’agit du lieu où, pour la première fois94, des Grecs, conduits par Apollon, posèrent le pied sur le sol d’une nouvelle Grèce. L’Apollon archégète des Pariens est un Apollon cycladique comme celui des Naxiens de Sicile. La « pythisation » de l’Apollon thasien, aidée par la présence d’un Apollon pythien à Paros même, a conduit à une révision des récits de fondation dans la métropole comme dans la colonie. Le culte du poète Archiloque, fils bâtard ou petit-fils du fondateur, a servi ce dessein. Sa tombe, ou son cénotaphe, a été transformée en sanctuaire au ive ou au iiie s. quand on bâtit autour de la colonne ionique porte-sphinx un petit temple dorique prostyle95 : à ce moment, comme le montre le dossier épigraphique, la tradition relative au rôle de l’oracle de Delphes et à celui d’Archiloque et de sa famille est bien établie.

  • 96 Thucydide, III, 92. Le texte de l’historien montre bien ce que les promoteurs de l’entreprise deman (...)

28Ces exemples montrent comment l’importance acquise par le sanctuaire de Delphes dans le domaine oraculaire a influencé l’idée que les Grecs se sont faite de l’envoi des ἀποικίαι. Le recours à l’oracle de Delphes par les Lacédémoniens lors de la fondation d’Héraclée trachinienne en 42696, qui correspondait à l’ordinaire d’une cité qui avait des spécialistes de la consultation delphique, mais aussi aux usages du temps, est devenu rétrospectivement la règle qui s’est imposée pour toute fondation coloniale.

  • 97 Forrest, 1957, p. 174.

29Il est difficile de parler d’un discours moral delphique, d’un message que le sanctuaire aurait diffusé à travers ses oracles, comme le pensait J. Defradas. La reconstitution de l’histoire des colons confirme, en revanche, la conclusion de W.G. Forest, selon laquelle la colonisation aurait plus fait pour la gloire de Delphes que le sanctuaire pythique pour l’heureuse implantation des colonies97.

  • 98 Hérodote, V, 42-48. Un esprit pieux et scrupuleux pourrait expliquer le premier échec par l’absence (...)
  • 99 Thucydide, III, 92-93 ; V, 12 ; 51 ; 52. L’expérience a duré sept ans ; il est vrai qu’il n’y avait (...)
  • 100 Heurgon, 1957, p. 43.
  • 101 Thucydide, I, 38 (discours des Corinthiens) qui répond à I, 34 (discours des Corcyréens, selon lequ (...)
  • 102 IG I3 34 (disposition relative aux Panathénées) ; 78 (prémices d’Éleusis).
  • 103 Hérodote, V, 82-83; Thucydide, V, 53.

30Delphes n’a jamais été l’agence d’informations sur l’outremer que certains avaient pensé qu’elle avait été. En revanche, comme l’a bien noté Thucydide à propos d’Héraclée trachinienne, ce qui importait était la caution que l’oracle fournissait à des expéditions destinées à fonder une cité, que ce soit en terre grecque, comme les fondations des Locriens orientaux en Locride occidentale, celle d’Héraclée trachinienne ou la cité des Magnètes des Lois de Platon, ou dans le monde barbare, comme l’essentiel des fondations de l’époque archaïque. Partir avec l’aval du dieu qui, pour les Grecs, était le dieu conducteur des migrations humaines, encourageait indiscutablement ceux qui participaient à l’entreprise. On pourrait dire que l’histoire n’a pas gardé la mémoire des échecs, si Hérodote ne nous rapportait l’échec, qui pourrait être qualifié d’injuste, du second projet de Dorieus98, et si Thucydide n’avait exposé celui de la colonie lacédémonienne d’Héraclée trachinienne99. Si le Pythien n’est pas le vrai dieu protecteur du groupe en migration, on s’étonne moins de cette absence de gratitude. Les colons manifestent leur attachement aux dieux de leurs métropoles avec qui ils sont partis en recréant leurs sanctuaires et leurs rituels en un nouveau milieu. On ne peut donc reprendre le proverbe italien cité par J. Heurgon à propos du vœu imprudent de ver sacrum prononcé par les autorités romaines en 217 : « passato il pericolo, gabbiato il Santo ! »100. Comme les ἄποικοι ne se sentaient pas véritablement les obligés de l’Apollon de Delphes — d’ailleurs tous n’étaient pas partis avec la sanction de son oracle —, ils n’ont pas éprouvé le besoin de manifester cette reconnaissance par l’envoi de théories régulières à Delphes, par l’installation du culte pythien dans la nouvelle cité, par des offrandes prestigieuses à Delphes rappelant un lien fondateur à l’occasion d’un moment particulier de l’histoire, par une onomastique rappelant le Pythien. Ils n’avaient point envers Delphes ce lien d’obligation qui liait les colonies à leurs métropoles101, ce lien qu’Athènes avait voulu créer entre elle et ses alliés, quand elle les obligeait à participer à ses fêtes et à envoyer ces offrandes d’obligation ­que constituaient la vache et la panoplie des Panathénées ou les prémices offertes aux Deux Déesses d’Éleusis102. Rien de comparable à ce que les Épidauriens devaient aux Athéniens pour le bois des statues des Déesses Damia et Auxésia ou à ce qu’ils devaient aux Argiens pour les pâturages d’Apollon Pythaeus103.

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Notes

1 Platon, Lois, 738 c.

2 Cicéron, De la divination, I, 3: « Quam vero Graecia coloniam misit in Aeoliam, Ioniam, Asiam, Siciliam, Italiam sine Pythio aut Dodonaeo aut Hammonio oraculo? ».

3 L’œuvre de cet historien du ve siècle nous est connue principalement à travers les citations de Thucydide et de Strabon.

4 Lhôte, 2006, tout particulièrement les n° 103 et 132 qui transcrivent des questions émanant d’individus, même si elles s’inscrivent dans le cadre de migrations organisées, que ce soit la campagne de repeuplement de la Sicile par Timoléon ou l’opération de retour à Tarente de certains Héracléôtes après la mort d’Alexandre le Molosse. Voir aussi Vokotopoulou, 1992, p. 78-87 : sur les 14 tablettes mentionnant des cités de l’Occident grec, 6 renvoient à des individus songeant à un changement de résidence, une seule (n° 11) pourrait faire allusion au départ d’un contingent accompagnant des Pariens partis fonder Pharos dans l’Adriatique en 385/4. Selon une tradition rapportée par Pausanias (VIII, 11, 12), un oracle de Dodone invitant les Athéniens à habiter (οἰκίζειν) la Sicile aurait conforté les Athéniens dans leur projet d’expédition en 415, alors que l’oracle désignait en fait une colline de ce nom en Attique. Pour la Souda, s.u. Σικελίζειν, l’oracle venait de Delphes.

5 L’intérêt porté par les Athéniens à ce sanctuaire s’est manifesté pendant la guerre du Péloponnèse, quand la Pythie était accusée de laconisme : Aristophane (Oiseaux, 618-620) associe Delphes et Ammôn. Au ive siècle, la deuxième vague ammonienne athénienne, marquée par le nom d’Ammonias donnée à l’une des trières officielles de la cité peut être liée à la période où Thèbes imposait sa loi ou à celle de l’hégémonie macédonienne ; il est en effet difficile de déterminer précisément la date d’apparition de ce navire (Rhodes, 1993, p. 687-688). L’usage que prétendait faire du sanctuaire d’Ammôn Lysandre dans sa tentative de réforme constitutionnelle de Sparte (Diodore, XIV, 13, 2-7 ; Plutarque, Lysandre, 24, 3 - 26) montre bien que le sanctuaire libyen n’est souvent qu’une solution de repli, puisque le navarque avait consulté également Delphes et Dodone. C’est vraisemblablement la visite d’Alexandre qui contribua à placer Siwah parmi les oracles majeurs. En revanche, que Delphes soit l’oracle par excellence est bien montré par l’épisode du roi de Sparte Agésipolis qui demande à ce sanctuaire la confirmation d’un oracle de Zeus obtenu à Olympie, quoique certaines traditions fassent d’Apollon le porte-parole de son père (Xénophon, Helléniques, IV, 7, 2-3).

6 Defradas, 1954.

7 Gernet, 1955 ; Amandry, 1956 ; Forrest, 1957. La question du rôle de l’oracle de Delphes dans la fondation des colonies est surtout abordée par le dernier recenseur.

8 Voir Davies, 2009.

9 Davies, 2009, p. 57.

10 À l’exemple de l’épiclèse Éleusinienne qualifiant Déméter que cite J.K. Davies, il faut ajouter celle de Délien/Délienne, dont la diffusion a été récemment étudiée à l’occasion de la publication de deux règlements du Délion thasien (Grandjean et Salviat, 2006). La prière de la femme héraut (Aristophane, Thesmophories, 331-332) distingue les dieux et déesses olympien(ne)s, pythien(ne)s et délien(ne)s.

11 Un texte hellénistique de Cos relatif à un culte de Déméter expose de façon claire la procédure. Le terme ἀφιδρύματα a été étudié par Brunel, 1953 et a fait l’objet d’une étude dans le contexte thasien et massaliote (Rolley, 1997).

12 Davies, 2009, p. 58.

13 Davies, 2009, p. 60. L’Apollon Lykeios argien est le grand dieu de Métaponte où il avait un grand temple (le temple B des archéologues sur l’agora [De Iuliis, 2001, p. 138-156]). Apollon Lykeios est le dieu des citoyens en âge de porter les armes, comme le montre bien l’inscription athénienne IG I137.

14 Ce sanctuaire, non identifié archéologiquement, n’est connu que par deux passages de la Vie pythagorique de Jamblique (50 et 261). Comme le premier de ces extraits montre Pythagore invité à prononcer un discours devant les jeunes garçons réunis au Pythion, on peut en déduire que la fondation de ce sanctuaire est antérieure à l’arrivée de l’exilé samien vers 530 : voir Giangiulio, 1989, p. 85.

15 Athénée, XII, 522c.

16 Plutarque, Questions grecques, 292 E. Le moraliste rappelle aussi que ce jour-là les Delphiens préparaient un gâteau pour fêter la naissance du dieu. Plus tard, la consultation fut mensuelle (Sur les oracles de la pythie, 398A).

17 Le nom du mois variait selon les cités : Bysios à Delphes, Élaphèbôliôn à Athènes … Il faut ne pas oublier que les Grecs fêtaient le jour de la naissance chaque mois et n’avaient donc pas d’anniversaire. Selon Hérodote (VI, 57), les rois offraient un sacrifice à Apollon le 7 de chaque mois.

18 Gianguilio, 1989, p. 131-160.

19 Gianguilio, 1989, p. 91-92. Les deux consultations sont connues par Justin (XX, 2, 5 — à la suite de fléaux liés à un sacrilège commis dans le sanctuaire d’Athéna à Siris — et 3, 1-3 — les Crotoniates vouèrent le dixième du butin ; les Locriens le neuvième). La victoire de la coalition achéenne contre Siris n’avait profité qu’aux deux cités voisines de Sybaris et de Métaponte qui avaient pu se partager le territoire. Le désappointement de Crotone la conduisit à s’en prendre à Locres.

20 Euripide (Ion, 366) fait du siège d’Apollon dans le temple de Delphes le « trépied commun de la Grèce » (τρίποδα κοινὸν Ἑλλάδος).

21 L’existence d’un trésor crotoniate n’est connue que par la présence d’un toit de style précisément crotoniate. Les Crotoniates avaient également consacré un trésor à Olympie : Le Roy, 1967, p. 80-84 ; Horn, 1990, p. 245-246. La date précise de la construction n’est pas connue, ce qui empêche de faire un lien avec la venue de Pythagore ; en revanche la fin du vie siècle et le début du ve siècle est la grande époque des athlètes crotoniates olympioniques et pythioniques.

22 Gianguilio, 1989, p. 86-89 et 154.

23 Gianguilio, 1989, p. 143-147.

24 Le sommet médian porte le sanctuaire d’Athéna Poliouchos : Grandjean et Salviat, 2000, p. 114-116. Pour le Pythion, voir p. 111-113.

25 Voir par exemple pour l’affichage IG XII, 8, 264 ; 268 ; IG XII, suppl., 350 ; 358 ; 362 et pour l’attribution du produit des amendes ou des biens confisqués, IG XII, 8, 263 et 275. Le Pythion est parfois associé à l’Athénaion voisin : IG XII, 8, 368.

26 Holtzmann, 1994, p. 6-13 (reliefs orientalisants aujourd’hui au musée du Louvre) ; Picard, 1921, p. 8 !, 113-126 (kouros du musée de Thasos).

27 Sur les sanctuaires et l'enceinte de Paros, voir Rubensohn, 1900 ; 1901 ; 1902. Pour Artémis Pôlô, voir Queyrel, 1981.

28 On notera qu’au Délion de Paros (Rubensohn, 1962) seule Artémis a un temple (Schuller, 1991), même si Apollon était également honoré. Le Délion thasien (Grandjean et Salviat, 2006) connaît une situation semblable : ce petit sanctuaire contigu à la muraille ne contenait qu’un temple et le sanctuaire est dit d’Apollon Délien et d’Artémis dans le premier règlement et de la Délienne dans le second.

29 SEG IX, 3, l. 17-18. Voir Graham, 1960.

30 Pindare, Pyth. V, 294; Hérodote, IV, 158. Voir Chamoux, 1953, p. 130-131.

31 Pernier, 1935 ; Parisi Presicce, 1991. Trois dédicaces rappellent que le placage de l’autel en marbre de Paros est dû à Philôn fils d’Annakéris (voir Laronde, 1987, p. 111-113) ; aucune n’emploie l’épiclèse Pythios. On notera que c’est également le cas des dédicaces sur fragments de céramique trouvées à Cyrène (Maffre, 2007).

32 Hérodote, IV, 155-158 ; Diodore, VIII, fr. 30 Vogel ; SEG IX, 3.

33 Pindare, Pyth. IX. L’ode est tout entière sous le signe de l’union fondatrice, puisqu’au couple formé par Apollon et Kyrènè répond celui que forment Alexidamos et la fille du chef libyen, les ancêtres de l’athlète célébré par Pindare. On note que l’Apollon de l’ode est le Délien (v. 10), même si Télésikratès fut vainqueur aux concours pythiques (v. 70-75).

34 Pouilloux, 1977, n° 372 ; Rigsby, 1996, n° 62 et p. 164-171.

35 Pythaios/Pythaeus est une forme qui alterne avec Pythios. C’est l’épiclèse du dieu qui avait son sanctuaire oraculaire sur l’Aspis à Argos (Vollgraff, 1956). Il semble que le sanctuaire d’Asiné ait été le centre du culte de ce dieu et qu’Argos ait pris cette place après la destruction de cette cité, ce qui explique le motif donné à la guerre contre Épidaure en 419 (Thucydide, V, 53). À Mégare, métropole de Chalcédoine, Apollon était honoré sous les épiclèses de Pythios, Dékatéphoros et Archégétès dans le même temps, semble-t-il (Pausanias, I, 42, 5), mais aussi Agraios (41, 3 — avec une Artémis Agrotéra) et Prostatèrios (44, 2). Les effigies divines remontaient pour les deux premières à l’époque archaïque — le rapprochement avec les xoana égyptiens invite à les voir comme des kouroi —, alors que la dernière comparée aux erga Aiginètika qui sont, d’après Hésychios (s.u.), « [des] statues qui serrent les jambes l’une contre l’autre ».

36 Si Pythios est une épiclèse topique qui dérive directement de Pythô (Chantraine, 1968-1980), Pythaios et Pythaeus sont liés à des contextes péloponnésiens (Laconie — c’est l’épiclèse du dieu de Thornax [Pausanias, III, 10, 8], Argolide). Ultérieurement, les traditions rattachent ces Apollons au Pythien, comme le montre le fragment de la poétesse argienne Télésilla cité par Pausanias à propos d’Asiné (II, 35, 2) qui fait de Pythaeus, un fils d’Apollon, qui aurait introduit le culte de son père en Argolide. Il semblerait donc que ces Pythaioi ou Pythaeis fussent d’anciens dieux oraculaires qui furent assimilés au dieu de Delphes devenu le dieu oraculaire par excellence (Davies, 2008, p. 61).

37 Massa-Pairault, 1999, p. 117-118 ; Antonetti, 1996, p. 93.

38 Pour des raisons évidentes, le nom Pythionikos qui renvoie à une victoire pythique dans la famille ne peut être pris en compte.

39 Cette singularité de Thasos ne se voit pas seulement dans le monde colonial, mais dans le monde grec en général. On notera que les noms formés sur Pythô sont presque inconnus à Delphes, comme le montre la consultation des indices nominum des publications.

40 Ce nom peut renvoyer à une victoire hippique aux Pythia.

41 Le nom est également attesté à Tarente au ier siècle av. J.-C. et à Dikaiarkhia-Puteoli à la fin du iie siècle ap. J.-C.

42 Comme le nom est connu également à Corinthe, il a pu y avoir une transmission par Syracuse, colonie de Corinthe et métropole d’Issa à l’époque de Denys.

43 Pour ce nom féminin connu à Corinthe, Syracuse a pu servir de transmission.

44 Il est particulièrement fréquent dans ces deux cités.

45 Cette onomastique semble, en revanche, rare à Mégare même, du moins dans les documents qui nous sont parvenus. Mésambria est une fondation de Chalcédoine où cette onomastique semble rare.

46 Les offrandes de Cyzique sont des statues de pythioniques ou de célébrités locales. Il en est de même d’Héraclée trachinienne — une cité où le rôle de l’oracle de Delphes dans la fondation ne peut être mis en doute —, de Léontinoi avec sa statue de Gorgias, élevée d’ailleurs par lui-même. Faut-il attribuer à Stagire la statue qu’Aristote fit élever de son ami Hermias d’Atarneus ?

47 Une offrande privée est également attestée, celle des fils de Phaÿllos.

48 Voir les références dans Jacquemin, 1999, p. 308-372. On ajoutera les strigiles d’or des Sybarites qu’un chef phocidien offrit à son éromène et la couronne d’or des Lampsacéniens donnée par Philomélos à la danseuses Pharsalia, qui succomba à la vengeance d’Apollon sur l’agora de Métaponte : voir infra, n. 80.

49 À Athènes, la statue d’Athéna Lemnia, due à Phidias, était une offrande d’action de grâces des Athéniens installés dans l’île de Lemnos (Pline, NH, XXXIV, 54 ; Pausanias, I, 28, 2). Un peu plus tard, en 429, les Athéniens envoyés à Potidée firent une consécration connue par la dédicace de sa base (IG I3, 513 — les ἔποικοι), comme semblent l’avoir fait les colons envoyés à Ér[étrie ?] vers 446 (IG I3, 514 — l’ἀποικία) Il s’agit là d’offrandes à Athéna. Au ive siècle, les clérouques athéniens de Samos envoyèrent régulièrement à Apollon une théorie chargée d’offrir au dieu une couronne d’or au titre d’aristeion (IG XII, 6, 263-265).

50 Pouilloux, 1950. L’interprétation du κατὰ χρησμόν par Bousquet 1952, qui en fait la mémoire d’une consultation ordinaire sanctionnant l’érection d’un monument, ne rend pas compte de la singularité de la mention. On peut ajouter la statue de Dionysos élevée par les Amphictions que mentionne le Péan de Philodamos (voir Croissant, 2003, p. 7-11 ; 19-22 ; 34-37 et 171-182).

51 Voir Jacquemin, 1999, p. 88, n. 53.

52 La poésie archaïque montre la face cruelle de ce dieu qui est présenté comme le responsable des naufrages : c’est le dieu « aux dons amers » (Archiloque, fr. 4 Lasserre et Bonnard, 1958) Ulysse est l’une de ses victimes, même si la colère du dieu se justifie par l’aveuglement du Cyclope Polyphème, son fils (Odyssée, IX, 526-565). Sophocle (Œdipe à Colone, 707-719) célèbre le dieu des navires et des chevaux, comme près de vingt ans auparavant Aristophane l’avait fait dans les Cavaliers (v. 551-564). Les offrandes de bateaux à l’Héraion de Samos (Brize, 1997, p. 130) et à l’Héraion du cap Lakinion en Crotonitide (Spadea, 1997, p. 249-250) laisseraient supposer que la déesse ait été invoquée à l’époque archaïque comme protectrice des navigateurs.

53 Cette épiclèse qui accompagne fréquemment le nom du dieu dans les poèmes homériques est même substantivée et Ἐνοσίχθων est un équivalent de Poséidon. Sur l’étymologie de ce sens, voir P. Chantraine 1968-1980, s.uνοσις et 2009, p. 1296 (Chroniques d’étymologie grecque) s.u. ἐνοσίχθων.

54 Hymne homérique à Apollon, 388-451 : le dieu connaît trois épiphanies, sous la forme d’un dauphin, d’un astre et d’un robuste jeune homme. Seule cette dernière lui permet de s’adresser aux Crétois.

55 C’est d’ailleurs cet Apollon dauphin crétois qui serait pour certains (cf. Defradas,1954, p. 256) le vrai dieu de la colonisation, avec l’Apollon des Grecs d’Ionie. Il convient cependant de remarquer que, si Milet a été la métropole grecque qui a fondé le plus de colonies, l’apport crétois aux migrations est plus limité, puisque l’exemple le plus probant est celui de la fondation de Géla où des Crétois ont rejoint une expédition organisée par des Rhodiens.

56 Apollon est un dieu dont le culte est souvent lié à une source aux vertus oraculaires ou purificatrices (Delphes, Didymes, Claros …).

57 Rehm, 1914.

58 Le culte de cet Apollon médecin est bien attesté également dans le Bosphore cimmérien et particulièrement à Panticapée. Il s’agit là encore d’une divinité honorée à Milet.

59 Bravo, 2001, p. 237-241 et p. 244-245.

60 Les sources qui présentent fréquemment une forme revue de la tradition placent souvent à l’origine de ces envois de populations un oracle rendu à Delphes.

61 Pausanias, IV, 34, 9-10. On peut rapprocher ce cas de celui des prisonniers thébains que les Épigones consacrèrent à Apollon à la suite d’un vœu et qui fondèrent Claros sur l’ordre du dieu et sous la conduite de la prophète Mantô, fille de Tirésias, qui agit en ἀρχηγέτις (Pausanias, VII, 3, 1-4 et IX, 33, 1-2).

62 Apollon est d’ailleurs par excellence le dieu de la dîme, comme le rappelle son épiclèse de Dékatèphoros attestée à Mégare (Pausanias, I, 42, 5), même si d’autres dieux peuvent en recevoir (Lazzarini, 1976), p. 101-102.

63 Hérodote, V, 57.

64 Conon, FGrHist. 26 F 29 ; Athénée IV, 173 e-f (citant un mémoire d’Aristote ou de Théophraste) ; Plutarque, Sur les oracles de la Pythie, 16 (402A). Les Magnètes du Méandre ne sont pas des colons de la Magnésie thessalienne, mais les ἄποικοι τοῦ θεοῦ. J. Heurgon (Heurgon, 1957, p. 29) émet l’hypothèse de personnes consacrées au dieu et destinées à exploiter ses domaines à l’origine, des ancêtres, en quelque sorte, des esclaves donnés à Apollon par le roi Nicomède et la reine Laodice de Bithynie en 102 avant J.-C. (Colin, 1930, n° 77).

Les traditions de ces migrations ont servi de base aux parentés légendaires qui ont été un des outils de la diplomatie grecque d’époque hellénistique (Curty, 1995 ; Jones, 1999) quand les cités de vieille Grèce recherchaient l’aide matérielle de cités du sud de l’Anatolie ou du Levant. À la parenté réelle liant métropoles historiques et colonies s’est substitué le lien mythique que le discours des érudits locaux et des rhéteurs itinérants ne cessait d’enrichir.

65 Strabon, VI, 1, 6 ( = C 257) ; Héraclide Lembos, Constitutions, 25 ( = Aristote fgt 611, 55 Rose) ; Diodore, VIII fgt 23 Vogel ; Denys d’Halicarnasse, Excerpta, XIX, 2. Voir Ducat, 1974.

66 Callimaque, Hymne à Apollon, 66-67. Voir Chamoux, 2007.

67 Gasparini 1995 ; voir aussi Maffre, 2007, p. 173.

68 Sève, 1996.

69 Voir infra.

70 Heurgon, 1957. Comme J. Heurgon le fait bien remarquer, le vœu italique porte sur toute la production de l’année, ce qui n’est jamais le cas dans le monde grec.

71 Malkin, 1987, p. 241-248. Le mot peut s’appliquer aussi bien à un chef mortel qu’à un dieu. Apollon est le dieu qui porte le plus souvent cette épiclèse qui peut accompagner les noms de Dionysos et d’Athéna.

72 Valenza-Mele, 1977.

73 Sur ces différents aspects d’Héra, voir La Genière, 1997. Parmi les offrandes du sanctuaire de la déesse à Samos figurent des maquettes de bateaux en bois.

74 De Juliis, 2001, p. 138-157.

75 Hérodote, I, 31.

76 À l’époque hellénistique, la cité de Tarse se dota d’une légende, connue par les textes littéraires et illustrée par des émissions monétaires d’époque sévérienne représentant Apollon aux loups argien (Robert, 1977, p. 88-132).

77 Lambrinoudakis, 1984, p. 188-189.

78 Di Filippo Balestrazzi, 1984. P. 327-329 ; p. 331-333.

79 Pausanias, I, 44, 2.

80 L’un des types les plus courants du monnayage de Cyrène est la tête de Zeus barbue de Zeus Ammôn. Durant une brève période, la tête toujours pourvue de cornes de bélier est imberbe et est interprétée comme celle d’un Zeus Ammôn juvénile. L’iconographie pourrait évoquer Apollon Karneios et ses cornes de bélier : voir Imhoof-Blumer 1910. Pour de tels bétyles en Laconie, voir Le Roy, 1965, p. 371-376 et fig. 14-14 p. 370.

81 Malkin, 1999, p. 180-189.

82 Dubois, 1995, p. 44-46, n° 16.

83 Breglia, 2009, p. 288-248 ; 256-262.

84 Xénophon, Helléniques, IV, 7, 2.

85 Strabon, VIII, 3, 30 ( = C 353-354). Sur ce point, voir Sinn, 1994. Quant à l’oracle argien d’Apollon Pythaeus, son rayonnement est resté fort limité.

86 Hérodote, IV, 15 ; De Siena, 1998, p. 156-158 ; De Juliis, 2001, p. 170-173.

87 Le poète chamane accompagnait le dieu sous la forme d’un corbeau (cf. supra).

88 De Siena, 1998, p. 158. C’est de ces lauriers qu’est sortie la voix divine qui poussa les devins (manteis) de Métaponte au lynchage de la danseuses Pharsalia (Théopompe, FGrHist 115 F 248 = Athénée, XIII, 605 d). Dans la version de Plutarque (Sur les oracles de la Pythie, 8 = 397 F), la danseuse fut tuée par des jeunes gens que la vue de sa couronne d’or avait rendus fous.

89 De Juliis, 2001, p. 172-173.

90 Hérodote, IV, 151-158 ; SEG IX, 3 — les mentions d’Apollon Archégète et d’Apollon Pythien sont respectivement aux lignes 10-11 et 17-18 ; Chamoux, 1953, 94-111.

91 Laronde, 1987, p. 111-113.

92 Servais, 1980. Les deux édifices ont le même plan : un porche donnant accès à deux pièces dont la plus grande abrite un foyer. Le premier édifice, d’ordre dorique, date de ca 500 ; le second, d’ordre ionique, de 470-465.

93 Thucydide, VI, 3, 1. Il convient de noter que Thucydide que l’autel « se dresse maintenant hors la ville (ἔξω τῆς πόλεως), uns situation tout à fait favorable à la célébration par tous d’un rituel qui ressemble aux cérémonies de passage de frontière (διαβατήρια). I. Malkin voit dans cet autel un exemple de proto-panhellénisme (Malkin, 1986 ; Malkin, 1987 ; Malkin, 1998, p. 60-61).

94 On pourrait certes évoquer la venue d’Héraclès, qui a servi à justifier les tentatives d’implantation dans la partie occidentale de l’île, ou celle de Minos. Les errances des guerriers de Troie ont plus touché l’Italie que la Sicile, à l’exception de celles des Troyens et de quelques Phocidiens qui formèrent avec les Sicanes le peuple élyme (Thucydide, VI, 2, 3).

95 Hellmann, 2006, p. 288-289.

96 Thucydide, III, 92. Le texte de l’historien montre bien ce que les promoteurs de l’entreprise demandent à Delphes, l’encouragement d’une approbation divine.

97 Forrest, 1957, p. 174.

98 Hérodote, V, 42-48. Un esprit pieux et scrupuleux pourrait expliquer le premier échec par l’absence de consultation de l’oracle, mais comment justifier le second échec qui est définitif ? On notera que la Pythie ne reproche point à Dorieus son absence de consultation antérieure et qu’elle lui promet la réussite. Peut-être faudrait-il voir là le châtiment voulu par Apollon, comme dans l’anecdote relative à la consultation du sanctuaire des Branchides par Aristodikos de Kymé (Hérodote, I158-159) ?

99 Thucydide, III, 92-93 ; V, 12 ; 51 ; 52. L’expérience a duré sept ans ; il est vrai qu’il n’y avait rien à faire face à une telle incompétence, une telle suffisance, un tel mépris des autres.

100 Heurgon, 1957, p. 43.

101 Thucydide, I, 38 (discours des Corinthiens) qui répond à I, 34 (discours des Corcyréens, selon lequel le respect de la colonie est fonction des égards avec lesquels la métropole la traite).

102 IG I3 34 (disposition relative aux Panathénées) ; 78 (prémices d’Éleusis).

103 Hérodote, V, 82-83; Thucydide, V, 53.

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Pour citer cet article

Référence papier

Anne Jacquemin, « Adieu l’apoikia, adieu le Pythien ! »Pallas, 87 | 2011, 205-222.

Référence électronique

Anne Jacquemin, « Adieu l’apoikia, adieu le Pythien ! »Pallas [En ligne], 87 | 2011, mis en ligne le 01 mars 2012, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pallas/2014 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/pallas.2014

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Auteur

Anne Jacquemin

Professeur d’histoire grecque à l’Université de Strasbourg
jacquemi@unistra.fr

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