Navigation – Plan du site

AccueilNuméros46 1-2Articles Desert kites et constructions ap...

Articles

Desert kites et constructions apparentées : découvertes récentes et mise à jour de l’extension géographique

Olivier Barge, Wael Abu-Azizeh, Jacques Élie Brochier, Rémy Crassard, Emmanuelle Régagnon et Camille Noûs
p. 179-200

Résumés

Résumé. Depuis une dizaine d’années, la mise en ligne libre des images satellitaires à haute résolution a permis la découverte de très nombreux desert kites, constructions en pierre de très grande taille qui jalonnent les marges désertiques du Croissant fertile. Leur nombre et l’étendue de leur répartition géographique laissent soupçonner un phénomène dont la portée était jusqu’à présent sous-estimée. On connaît par ailleurs beaucoup mieux leur diversité morphologique qui se manifeste de façon régionalisée. Cet article a pour objectif de faire un bilan de ces nouvelles connaissances. La question d’un processus de diffusion culturelle de la construction et de l’usage des kites – et d’autres constructions qui peuvent éventuellement leur être apparentées – est discutée en mettant en relation les données spatiales acquises à distance et la connaissance issue des travaux de terrain qui ont permis, ces dernières années, des avancées significatives sur les questions d’âges et de fonctions.

Haut de page

Texte intégral

Remerciements

Le projet Globalkites a été financé par l’Agence nationale de la recherche (no. ANR-12-JSH3-0004-01). Nous sommes redevables à David Kennedy, Marie-Laure Chambrade, Jean-Marc Deom et Renato Sala pour leurs découvertes et leur contribution à l’inventaire général des kites. Nous remercions Manfred Boelke de nous avoir signalé les aménagements du Sud algérien. Nous sommes reconnaissants à Bernard Fardet de nous avoir indiqué les constructions du Djebel Bani et d’avoir mis à notre disposition sa documentation photographique. Nous remercions enfin Katherine Moore pour nos échanges au sujet de l’altiplano chilien.

  • 1 Cet inventaire est consultable en ligne à l’adresse suivante : www.globalkites.fr.

1L’intérêt scientifique pour les desert kites (ou simplement kites), dispositifs de chasse des hardes d’ongulés sauvages à l’aide de grands pièges, a été relancé depuis une dizaine d’années, en particulier grâce à la diffusion des images satellitaires à haute résolution. Ces grandes constructions de pierre sèche sont composées de longs murs ou alignements de pierres (les antennes) qui convergent vers un enclos. Celui-ci est pourvu de logettes, petites structures circulaires construites à sa périphérie externe. L’ensemble de ces caractéristiques se distingue très bien sur les images et les kites ont ainsi été identifiés par milliers. Plusieurs études récentes fondées sur l’observation et l’analyse des kites sur les images satellitaires se sont intéressées à leur nature, leur nombre croissant et leur répartition (Kempe et Al-Malabeh 2012, 2013 ; Kennedy 2012 ; Amirov et al. 2015 ; Crassard et al. 2015). Le décompte des kites connus a évolué rapidement : de quelques centaines avant les années 2010, leur nombre total est passé de 4 256 au début de 2014 à 6 023 à la fin de 2019, selon l’inventaire établi par l’équipe Globalkites1 (fig. 1). La couverture en haute résolution est désormais totale sur les plateformes d’accès aux images (Google Earth, Bing Maps). On dispose même souvent d’images acquises à plusieurs dates, selon des éclairages différents, susceptibles de révéler les kites dans des contextes environnementaux où il est parfois très difficile de les identifier. Cette couverture intégrale et l’accès aisé à cette imagerie expliquent l’explosion du décompte des kites. L’aire de répartition a été singulièrement élargie avec notamment l’identification de nouvelles zones riches en kites tandis que leur densité s’est significativement accrue dans les régions dans lesquelles ils étaient connus. Dans les nouvelles régions, on observe souvent des traits morphologiques originaux. À la suite de ces nombreuses découvertes, nous proposons un bilan des caractéristiques propres à ces nouveaux kites ainsi qu’une actualisation de l’aire de répartition.

2En parallèle, la recherche systématique des kites a parfois donné lieu à la découverte fortuite d’autres constructions de grande taille, à l’intérieur de l’aire de répartition des kites. Elles peuvent présenter suffisamment de caractères communs pour constituer un type spécifique ; elles peuvent également posséder certains caractères des kites, éléments morphologiques ou logiques de localisation. L’usage de l’imagerie satellitaire a également conduit à la découverte de constructions apparentées dans des régions fort éloignées des lieux où les kites étaient jusqu’alors répertoriés (Giannelli et Maestrucci 2018 ; Van der Walt et Lombard 2018). Ces découvertes sont de première importance car elles suggèrent que les pratiques de chasse en milieu aride trouvent des parallèles en divers endroits du globe. Elles ouvrent de nouvelles perspectives de recherche pour comprendre ces dispositifs de chasse, les conditions de leur émergence et leurs implications socio-économiques et écologiques. Cependant, si les similitudes sont parfois étonnantes, des différences importantes existent. La question se pose de savoir si des fonctions semblables à celle des kites sont envisageables et s’il existe une parenté suffisante entre ces constructions et les kites pour déterminer si elles relèvent du même phénomène (Crassard et al. 2015), entendu comme système technique de chasse.

  • 2 Voir les contributions à paraître :
    Abu-Azizeh W., Tarawneh M. B., Crassard R. et Sanchez-P (...)

3Ces dernières années, plusieurs opérations de terrain ont permis d’apporter de nouvelles données et de nouveaux éléments de réponse à la question délicate de l’âge des kites (Brochier et al. 2014 ; Nadel et al. 2015 ; Barge et al. 2016a ; Al-Khasawneh et al. 2019) et ont permis de prouver leur fonction cynégétique2. En effet, des éléments datants ont pu être retrouvés et analysés (14C et OSL) et les fouilles de logettes ont révélé que ce sont des fosses-pièges, souvent profondes et construites avec soin. Ces questions de datation et de fonction ne pouvaient trouver de réponse par la seule observation des images satellitaires. Cette dernière source d’information reste cependant essentielle : sans remplacer les relevés de terrain, les images permettent une observation assez fine des caractéristiques morphologiques des constructions et le traitement des données issues de ces observations au moyen d’un système d’information géographique (SIG) est incontournable pour analyser les répartitions spatiales. Dans quelques cas, l’observation des images permet d’établir une chronologie relative des constructions. L’imagerie satellitaire est également utile pour bien planifier les opérations de terrain. Mais son avantage est surtout de pouvoir raisonner à l’échelle de vastes territoires ; les expéditions de terrain sont coûteuses, longues à mettre en place, et bien trop peu nombreuses pour couvrir des espaces aussi considérables. Les fouilles sont limitées, souvent à des sondages, et ne constituent qu’un échantillonnage dans quelques régions, l’ensemble de l’aire de répartition n’étant pas, et de loin, partout accessible.

4Loin de se désintéresser des questions fondamentales que sont l’âge des kites, leur fonctionnement ou leurs implications écologiques et anthropologiques, cet article fondé sur l’observation des images a pour objectif une mise à jour de la reconnaissance de l’aire de répartition des kites et de leur variété morphologique. Il a en outre pour but de questionner la parenté éventuelle des kites avec d’autres constructions et mégastructures de piégeage repérées récemment.

Fig. 1 – Inventaire général des kites (au 31/12/2019)

Fig. 1 – Inventaire général des kites (au 31/12/2019)

Nombre de structures identifiées par grandes régions avant 2014 et depuis

Carte O. Barge

L’extension connue du phénomène des kites

5La présence observée des kites s’étend de l’Arabie centre-occidentale à la zone aralo-caspienne sur plus de 3 000 km (fig. 1). La distribution n’est pas homogène ou continue. On observe des régions de très forte densité de kites, d’autres où ils sont beaucoup plus disséminés et plusieurs zones où ils sont totalement absents (fig. 2). En outre, si tous ces kites partagent le même principe d’organisation générale – des antennes qui convergent vers un enclos équipé de logettes –, ils présentent des formes et des tailles différentes suivant les régions (Barge et al. 2015a). L’inventaire a été enrichi mais des lacunes subsistent probablement. Il est toujours possible que certaines images ne permettent pas de discerner les kites. L’angle d’incidence des rayons solaires, s’il est faible, détermine une courte ombre portée des murs et les rend peu identifiables. Certains contextes géologiques engendrent des structures linéaires qui peuvent brouiller fortement le signal des murs. De plus, il est probable que des kites aient été détruits ou recouverts dans les régions où l’on pratique aujourd’hui l’agriculture mécanisée. En effet, nous avons identifié quelques exemples de kites partiellement disparus en marge immédiate des zones cultivées (par exemple TK122 [36,992° N ; 39,617° E], SY745 [36,781° N ; 38,596° E] ou AM131 [40,270° N ; 43,807° E]). Il existe aussi des cas où l’on reconnaît certains de leurs éléments dans le maillage d’un parcellaire postérieur (par exemple SY743 [36,679° N ; 38,332° E], SY2019 [36,724° N ; 38,344° E] ou SY1363 [35,687° N ; 37,312° E]). Enfin, l’urbanisation récente a fait disparaître quelques kites dans le Harrat Khaybar en Arabie Saoudite, comme le révèlent plusieurs images acquises à des dates différentes (par exemple AB77 [25,720° N ; 39,303° E], AB538 [25,748° N ; 39,306° E]) et il est probable que ce soit également le cas près de Damas en Syrie. Pour toutes ces raisons, il est certain que l’inventaire comporte des lacunes. Cependant, il ne nous semble pas qu’elles puissent expliquer les hiatus que l’on observe dans l’aire de répartition. Les zones voisines de celles contenant des kites ont fait l’objet de recherches approfondies et il semble peu probable que tous les kites aient disparu de ces zones sans qu’il ne reste çà et là quelque indice de leur présence. Les lacunes de l’observation entraînent donc une sous-évaluation de la densité des structures dans certaines régions, mais elles ne modifient probablement pas beaucoup l’aire d’extension connue à ce jour. En revanche, la présence éventuelle de kites dans des régions éloignées, et donc isolées, serait beaucoup plus difficile à détecter et leur identification reste vraisemblable dans le futur.

Fig. 2 – Les desert kites dans leur aire de répartition et les constructions apparentées dont il est question dans cet article

Fig. 2 – Les desert kites dans leur aire de répartition et les constructions apparentées dont il est question dans cet article

Ce type de représentation, sans déformer l’aire de répartition, permet de mieux percevoir les densités qu’une représentation classique par symboles identiques (un symbole par kite) où ces derniers se masquent les uns les autre dans les secteurs de forte densité. Les cercles proportionnels représentent le nombre de kites décomptés dans des mailles carrées de 20 km de côté

Carte O. Barge

6La plus forte concentration de kites se trouve dans le Harrat al-Shaam, désert basaltique du Sud de la Syrie (Échallier et Braemer 1995) et du Nord-Est de la Jordanie (Helms et Betts 1987 ; Kempe et Al-Malabeh 2010 ; Betts et Burke 2015 ; fig. 2). C’est là que l’on observe les plus grandes densités, la plus grande variété de formes et de tailles, et le plus d’indices de la longue durée du phénomène des kites. Nos travaux de terrain ont montré que l’enchevêtrement des murs représente un état cumulatif de constructions qui n’ont pas toutes été fonctionnelles en même temps (Barge et al. 2015b). Les multiples superpositions et indices de modifications visibles sur les images le suggéraient et on peut supposer que la variété des formes correspond à une évolution dans le temps (Betts et Burke 2015). Parmi ces kites, beaucoup présentent des enclos en forme d’étoile plus ou moins régulière, avec de nombreuses logettes et de très longues antennes. D’est en ouest et du sud au nord au sein de cette zone, les kites ont tendance à diminuer de taille, à comporter moins de logettes et présentent une plus grande variété de formes, dont certaines plus simples. On rencontre les plus fortes densités sur la bordure ouest de cette zone (elle peut dépasser 1 kite/km2). Les kites s’organisent souvent en chaînes d’orientation nord-nord-est sud-sud-ouest, même si de nombreux kites isolés existent également. On observe par ailleurs dans la même zone de très longs murs dont le tracé change fréquemment et irrégulièrement d’orientation (les meander walls ; Barge et al. 2015b ; Betts et Burke 2015). Ils suivent l’orientation générale des chaînes de kites et comportent de nombreuses saillies en pointe, dont certaines sont munies d’une petite logette à l’extrémité.

7Cette concentration de kites se prolonge au sud, dans le Nord de l’Arabie Saoudite (Kennedy 2011 ; Kempe et Al-Malabeh 2013 ; Kennedy et al. 2015) où ils sont de plus en plus espacés. Sur cet espace de 200 km sur 100 environ, la présence des kites est continue mais la densité est moindre. Ils présentent ici des caractères proches de ceux de leurs voisins du Nord, avec cependant une plus grande uniformité morphologique (enclos en étoile et très longues antennes) et moins de superpositions. L’orientation de l’ouverture des antennes vers l’est, comme dans le Harrat al-Shaam jordanien, est largement prédominante. L’organisation en chaîne est moins nette et les meander walls, s’ils sont aussi présents, sont moins nombreux.

8Au sud de cette zone, des confins septentrionaux du Néfoud au Sud jordanien, on a découvert au cours de ces dernières années une soixantaine de kites, disséminés et le plus souvent isolés (densité de l’ordre de 0,01 kite/km2), sur lesquels nous reviendrons en détail (ensemble 1).

9Toujours en allant vers le sud, après un hiatus de 300 km environ, on rencontre une nouvelle et ultime concentration, divisée en deux parties de part et d’autre du Harrat Khaybar en Arabie Saoudite (Kempe et Al-Malabeh 2013 ; Kennedy et al. 2015). La partie occidentale présente des densités très importantes, comparables à celles du Harrat al-Shaam. Cet ensemble de kites se caractérise par la singularité des formes d’enclos, propres à cette région : les sections de murs d’enclos rectilignes sont largement prédominantes alors qu’elles sont peu fréquentes dans les autres régions. Ces sections droites sont organisées pour former des triangles dont les angles sont occupés par une logette ou un groupe de logettes, souvent contiguës ; un des côtés est remplacé par un entonnoir rentrant vers l’intérieur qui forme l’entrée. Un triangle peut constituer la totalité de l’enclos mais il est fréquent que ces triangles soient emboîtés les uns dans les autres pour former une structure complexe (fig. 3). La surface des enclos, très variable, dépend donc du nombre de modules triangulaires qui sont ainsi assemblés. Elle est réduite lorsque l’enclos est composé d’un seul module et peut atteindre des dimensions considérables (supérieures à 5 ha) lorsqu’il associe plusieurs modules. À l’échelle de l’ensemble occidental, on observe quelques alignements en chaîne et les kites sont majoritairement orientés vers l’ouest. L’ensemble oriental présente certaines de ces caractéristiques ; il sera décrit plus loin (ensemble 2) car de nombreuses nouvelles découvertes y ont été enregistrées, autour de l’oasis d’Al-Ha’it.

Fig. 3 – Les formes d’enclos en triangles emboités des kites du Harrat Khaybar (Arabie Saoudite)

Fig. 3 – Les formes d’enclos en triangles emboités des kites du Harrat Khaybar (Arabie Saoudite)

DAO O. Barge

10Au nord du désert basaltique syrien, la concentration se prolonge vers le nord-ouest jusqu’à Damas où de nouveaux cas ont été identifiés récemment. Immédiatement au sud de la ville, ils forment un groupe de petits kites assez nombreux (densité de 0,5 kite/km2) qui seront décrits en détail (ensemble 3). Un autre groupe, guère plus éloigné, à l’ouest de la ville est composé de petits kites semblables aux précédents, auxquels viennent s’adjoindre de plus grands kites qu’il faut probablement apparenter à ceux que l’on rencontre à une petite centaine de kilomètres plus au nord dans la région d’Al-Qaryatayn (Échallier et Braemer 1995). Dans cette région, les kites se distinguent par leur uniformité morphologique, avec des enclos de forme caractéristique : sur une base souvent carrée, parfois plus irrégulière, les antennes dont l’angle d’ouverture est proche de 90° se prolongent à l’intérieur de l’enclos et forment ainsi une entrée en entonnoir avec une échancrure franche de part et d’autre de l’entrée. Ces enclos sont de grande dimension (le plus souvent entre 2 et 4 ha). Les densités sont moyennes (0,2 kite/km2), il n’y a pas de superpositions et l’on distingue plusieurs alignements en chaîne. L’ouverture des antennes vers l’ouest est très majoritaire.

11Sans réelle discontinuité avec cet espace, on trouve de nombreux kites sur les chaînons montagneux linéaires de la région de Palmyre (Morandi Bonacossi et Iamoni 2012), jusqu’au bassin d’El-Kowm. Les densités peuvent être très fortes (localement, jusqu’à 0,7 kite/km2), les antennes peuvent parfois se chevaucher, mais on n’observe pas de superposition des enclos. Les constructions exploitent systématiquement les ruptures de pente des crêtes, des versants ou des piedmonts. La répartition dessine donc des alignements correspondant à la linéarité des reliefs sans que l’on puisse parler d’organisation en chaîne. Les enclos, généralement de petite taille (entre 0,2 et 0,4 ha) présentent des formes assez variées (circulaires, en étoile, irrégulières ou quadrangulaires rappelant celles de la région d’Al-Qaryatayn mais de taille beaucoup plus réduite). Les orientations sont diverses, même si l’on note une prédominance des ouvertures vers le sud-est et, moins souvent, vers l’ouest-nord-ouest.

  • 3 Barge O. (à paraître). Les desert kites. In : Castel C., Barge O. et Awad N. (dir.), Des villes ne (...)

12Au nord de l’espace levantin, les kites se répartissent en groupes séparés par de courts hiatus selon un vaste arc allant du Djebel al-Has en Syrie à la haute Mésopotamie en Iraq, en passant par les contreforts méridionaux du Taurus oriental, le plateau de Hemma (Van Berg et al. 2004) et le Djebel Sinjar. De nombreux kites de ces régions ont été découverts récemment au sud de la Turquie (ensemble 4), ainsi qu’en haute Mésopotamie (ensemble 5). Les densités sont moyennes (inférieures à 0,2 kite/km2). En dépit d’une certaine diversité morphologique (forme des enclos), il existe des éléments de parenté entre tous ces kites : la surface des enclos est généralement assez grande et leur entrée dessine très majoritairement un entonnoir, constitué ou non par le prolongement des antennes à l’intérieur de l’enclos. Il existe aussi de petites concentrations secondaires, autour du site syrien de l’âge du Bronze d’Al-Rawda3 ou en périphérie des bas plateaux de la rive droite du Khabour (Quenet et Chambrade 2013).

  • 4 Bargeet al. (à paraître), supra note 2.

13Au nord-est, après un hiatus d’environ 400 km, on rencontre l’isolat de l’Aragats en Arménie (Brochier et al. 2014 ; Nadel et al. 2015). L’absence de kites sur de très grandes distances autour de cet ensemble étonne car la zone pourvue de kites présente une densité localement assez forte (0,25 kite/km2)4. Là encore, on rencontre fréquemment des entrées en entonnoir, des enclos plutôt grands (valeur médiane de 2 ha) et un nombre limité de logettes (3,1 logette en moyenne). On observe quelques alignements en chaîne et les antennes s’ouvrent majoritairement vers le nord-ouest.

14Après un hiatus encore plus grand (plus de 800 km), se trouvent les kites du plateau d’Ustyurt au Kazakhstan et en Ouzbékistan (Yagodin 1991 ; Amirov et al. 2015 ; Barge et al. 2016a) dont l’effectif connu s’est considérablement accru ces dernières années. Au sud du plateau, les kites suivent le chink (nom donné à la falaise qui borde le plateau). Bien que parfois très proches les uns des autres (densités atteignant 0,5 kite/km2), ils ne sont pas organisés en chaîne. La falaise infranchissable, en se substituant aux murs, est souvent utilisée dans la construction des enclos ou des antennes. Les enclos présentent généralement des formes simples : sur la base d’un triangle, un des côtés est ouvert par un entonnoir vers l’intérieur pour aménager l’entrée alors que les angles sont occupés par les logettes dont le nombre total est rarement supérieur à trois.

  • 5 Voir Astashenkov A. (2011), Араны на Устюрте и в стране кипчаков (Arans sur l’Ustyurt et dans le p (...)

15Dans la partie nord de l’Ustyurt, on retrouve des kites construits le long du chink même si la falaise, moins abrupte, s’intègre rarement dans la construction. À l’intérieur du plateau et de façon très disséminée, on rencontre des kites très originaux en double flèche, appelés aussi arrow-shaped (Yagodin 1998). De taille considérable (enclos dépassant parfois les 10 ha), ils sont orientés majoritairement vers le nord et minoritairement vers le sud, et s’organisent parfois en chaîne. Nous avons identifié ces dernières années de nombreux cas au nord du 46e parallèle et une dizaine de nouveaux kites en double flèche nous ont été signalés à l’est de Baïkonour au Kazakhstan5, à plus de 500 km de ceux jusqu’alors répertoriés. Même s’ils sont peu nombreux, ces kites étendent de manière significative l’aire de répartition vers le nord et le nord-est.

Nouvelles zones et diversité morphologique

16Parmi les nouvelles découvertes, certaines ont complété l’inventaire dans des régions déjà riches en kites, d’autres révèlent des régions où les kites étaient inconnus ou très peu nombreux. C’est le cas en particulier de cinq ensembles :

  • Ensemble 1 : au sud du Harrat al-Shaam (fig. 2C), dans une large région au nord du Néfoud qui mord sur l’extrême sud de la Jordanie (Abu-Azizeh et Tarawneh 2015), on rencontre des kites en petit nombre. Ils sont très disséminés, parfois isolés, ou ils forment des groupements de quelques individus. Ils sont souvent construits à la faveur des petits reliefs qui émergent des grands bassins sableux. Ces kites se caractérisent par leurs petits enclos aux formes le plus souvent complexes, où les logettes sont fréquemment construites à l’extrémité de pointes. Les antennes ont des configurations diverses : elles peuvent être absentes ou très courtes, mais il faut souligner que les constructions sont souvent très ensablées et qu’il est possible que les antennes ne soient pas détectables sur les images, sur une partie de leur longueur au moins. Quoi qu’il en soit, une forte proportion de ces kites présente des antennes longues ou très longues (jusqu’à 2,5 km) et on reconnaît là un trait particulier des kites à l’est du Harrat al-Shaam et au nord de l’Arabie. La forme fréquente en étoile des enclos est aussi un caractère qui les rapproche des kites voisins les plus proches au nord.
  • Ensemble 2 : les kites de la région d’Al-Ha’it (fig. 2D) font partie du groupe du Harrat Khaybar, déjà décrits (Kempe et Al-Malabeh 2013 ; Kennedy et al. 2015). Nous n’apporterons pas ici davantage à la description minutieuse qui en a été faite, mais il faut mentionner les particularités de la concentration au sud d’Al-Ha’it (dans la partie orientale) où peu de kites étaient alors identifiés. À la différence de la partie occidentale du Harrat Khaybar, on ne rencontre ici qu’exceptionnellement de grands kites aménagés par emboîtements d’unités triangulaires (barbed arrow ou Y kite). Les enclos sont donc plutôt petits et aménagés fréquemment le long d’un oued. Leurs formes sont variables, mais généralement complexes avec de nombreuses pointes, et, eu égard à leur petite superficie, ils ont de très nombreuses logettes. Ces dernières sont souvent contiguës : les logettes accolées forment des groupes de deux à six logettes, particularité que l’on rencontre dans tout le Harrat Khaybar. On retrouve dans ces petits kites beaucoup de détails morphologiques observés dans des formes ouvertes (décrites plus loin) et qui leur sont largement apparentées, au point que la distinction formelle entre les deux est parfois quelque peu arbitraire. Dans cette partie du Harrat Khaybar, les formes ouvertes sont particulièrement nombreuses et entremêlées avec les kites.
  • Ensemble 3 : cet ensemble se trouve au sud de Damas (fig. 2C), sur les premiers petits contreforts qui émergent de la plaine et encadrent le bassin de la ville. Ces kites ont été signalés très tôt (Meshel 1974), mais ils avaient jusqu’alors échappé aux recherches sur les images satellitaires. Ils peuvent être qualifiés de petits : la taille de l’enclos est particulièrement modeste, limitant le nombre de logettes, et les antennes, toujours présentes au nombre de deux, sont réduites. Les formes d’enclos sont très simples, proches du cercle ou d’un triangle aux angles tronqués. Il n’y a pas, ou très peu, de pointes et d’entrée en entonnoir. On observe souvent une grande imbrication des kites : à la différence du Harrat al-Shaam où les kites se superposent au niveau des enclos, les chevauchements sont ici très irréguliers, ils concernent les antennes entre elles, et les antennes et les enclos. Ces chevauchements sont aussi moins nombreux mais montrent toutefois que tous les kites n’ont pas pu être actifs au même moment.
  • Ensemble 4 : les kites du Taurus oriental (fig. 2C ; Çelik et Tolon 2018) font partie d’une importante concentration qui s’étend sur une centaine de kilomètres, à l’est de Şanlıurfa. Le contexte géologique de la région les rend particulièrement difficile à détecter, complication compensée par le nombre et la qualité des images disponibles. Dans cette région de collines, la densité des kites est assez forte (0,25 kite/km2). Les enclos sont très grands, voire immenses, et positionnés sur les parties hautes du relief. L’emprise spatiale des kites est ainsi très importante et peut localement occuper une part importante de la superficie des interfluves. Les enclos présentent des formes assez complexes, où les pointes sont bien présentes, souvent en position proximale et l’entrée a fréquemment une forme d’entonnoir dans le prolongement des antennes. Le relief compartimenté peut expliquer que les antennes soient parfois absentes.
  • Ensemble 5 : les kites de haute Mésopotamie (fig. 2C) forment une concentration qui s’étend de manière linéaire au pied des reliefs anticlinaux qui prolongent le Djebel Sinjar vers l’est. Les antennes encadrent les premières pentes alors que l’enclos prend place, à l’amont, sur un replat, juste après une rupture de pente. Ce principe d’emplacement topographique se retrouve de manière identique le long de ces reliefs, ce qui explique l’alignement des kites. Plus encore que dans le cas des kites du Taurus oriental, les antennes ne sont manifestement pas toujours nécessaires. Les enclos sont aussi de grande taille mais leur forme est le plus souvent très simple : on n’observe pas de pointes avec une logette à l’extrémité sauf aux abords de l’entrée. Cette disposition des pointes de part et d’autre de l’entrée lui donne une forme en entonnoir.
  • 6 Voir aussi Crassard et al. (soumis), supra note 2.

17La description que nous venons de présenter des caractéristiques des constructions au sein de ces cinq régions permet de mettre en évidence les particularités de chacune d’entre elles. L’adoption d’une définition stricte des kites – présence simultanée d’antennes, d’un enclos et de logettes, avec pour exception l’absence éventuelle d’antennes lorsque, dans certains contextes topographiques, elles ne sont pas nécessaires (Barge et al. 2018)6 – autorise une comparaison morphométrique. Nous avons procédé, pour les cinq régions, à la sélection d’un échantillon de kites pour lesquels ont été mesurés la longueur des antennes, la surface des enclos et le nombre de logettes (tabl. 1). Les individus de l’échantillon ont été sélectionnés aléatoirement au sein des cinq ensembles. Il arrive parfois que les trois variables ne soient pas déterminables simultanément sur un kite tiré au sort ; dans ce cas, le plus proche voisin de l’individu sélectionné a été utilisé. Cette démarche a déjà été employée pour comparer les kites de certaines régions à un échantillon représentatif de l’aire d’extension géographique (Barge et al. 2015a, 2015b, 2016b) ; elle sera également utilisée ici. Concernant cet échantillon général, l’espace total a été divisé en mailles de 20 km de côté. Un choix aléatoire de 10 % de l’effectif total a ensuite été effectué au sein de chaque maille. Cette méthode garantit que l’échantillon tient compte des disparités de densité au sein de l’aire de présence des kites.

18Sans se substituer aux démarches typologiques exclusivement fondées sur la forme des enclos qui gardent leur pertinence à l’échelle régionale, cette méthode comparative nous semble plus universelle : elle tient compte des trois grandes composantes morphologiques communes à chaque kite et elle évite d’avoir recours à une typologie construite a priori. À la comparaison des valeurs morphométriques s’ajoutent des observations plus qualitatives.

Tabl. 1 – Caractères morphologiques d’un échantillon de kites pour cinq régions où ils ont été découverts récemment

Tabl. 1 – Caractères morphologiques d’un échantillon de kites pour cinq régions où ils ont été découverts récemment

Moyenne (écart type) ou médiane (intervalle interquartile)

O. Barge

19Ce tableau, qui donne les valeurs centrales, et la figure 4, qui représente graphiquement les distributions, montrent la diversité des physionomies. Dans quatre des cinq régions, les antennes apparaissent courtes, voire très courtes. Elles peuvent même être absentes, en particulier dans la région d’Al-Ha’it. Les kites au nord du Néfoud se distinguent par la variété de longueur des antennes ; pour une moitié d’entre eux, les antennes sont longues ou très longues. Les enclos sont petits dans les deux régions d’Arabie et même très petits au sud de Damas. Au contraire, ils apparaissent particulièrement grands dans les deux régions les plus au nord. Les différences de nombre moyen de logettes par kite sont moins tranchées, même si les kites de la région de Damas en présentent peu et ceux de haute Mésopotamie beaucoup. Cette remarque doit être nuancée si l’on considère le rapport du nombre de logettes à la surface (tabl. 1 : nombre moyen de logettes à l’hectare). Les logettes apparaissent alors très éparses dans les très grands enclos des kites du Taurus oriental alors qu’elles sont particulièrement denses dans la région d’Al-Ha’it.

Fig. 4 – Comparaisons des variables morphométriques (box plots) des cinq ensembles

Fig. 4 – Comparaisons des variables morphométriques (box plots) des cinq ensembles

Nord du Néfoud (ensemble 1), région d’Al-Ha’it (ensemble 2), banlieue sud de Damas (ensemble 3), Taurus oriental (ensemble 4) et haute Mésopotamie (ensemble 5)

DAO O. Barge

20La forme des enclos est diverse également, plus ou moins complexe selon les régions. Cette complexité peut être résumée par le calcul de l’indice de circularité isopérimétrique (Miller 1953 ; sa valeur est d’autant plus proche de l’unité que la forme est simple) :


21Bien que leurs autres caractéristiques soient très différentes, les kites de la région de Damas et ceux de haute Mésopotamie possèdent des enclos aux formes simples alors que dans les autres régions, les formes sont plus complexes, plus angulaires et avec de nombreuses saillies en pointe, cela en particulier dans la région d’Al-Ha’it.

  • 7 Abu-Azizehet al. (à paraître), supra note 2.

22La description succincte des kites que l’on peut faire dans ces quelques régions au moyen de l’imagerie satellitaire montre la grande variété des configurations topographiques, des répartitions spatiales et des caractéristiques morphologiques. Cette diversité peut être expliquée par la nature du terrain (topographie, hydrographie et lithologie), les espèces concernées par le piégeage, les variations dans la mise en œuvre de la technique de chasse. Mais la chronologie apparaît plus encore comme une variable explicative de cette diversité : ce système technique qui, à l’échelle de l’aire de répartition, a été mis en œuvre sur la très longue durée, a de fortes chances d’avoir connu des évolutions que l’on perçoit dans la diversité morphologique. En effet, si l’on considère les datations extrêmes aujourd’hui publiées – 7000 avant notre ère dans le Djebel al-Khashabiyeh7 et 8000 avant notre ère dans le Djebel al-Ghadiwiyat au sud de la Jordanie (Al-Khasawneh et al. 2019) pour les plus anciennes, et 1800 de notre ère sur l’Ustyurt (Barge et al. 2016a) pour les plus récentes – le phénomène des kites a perduré pendant près de dix millénaires.

23La diversité n’exclut pas une évidente unité du système (Barge et al. 2015a). Les dimensions, les formes et les agencements sont variés, mais les traits descriptifs communs à toutes les constructions – et en particulier la présence de logettes – donnent une identité à ce système dont il faut considérer l’évolution sur la longue durée.

Structures apparentées aux kites dans l’aire d’extension géographique

24La recherche systématique des kites a conduit à la découverte fortuite de constructions, parfois énigmatiques, qui partagent certains caractères avec eux. Elles se trouvent dans l’aire d’extension des kites mais s’en distinguent car elles ne présentent pas, simultanément, des antennes, un enclos et des logettes.

25Sur le plateau d’Ustyurt, des constructions en forme de croissant ont été observées (Amirov et al. 2015 ; Barge et al. 2016a). L’inventaire Globalkites en dénombrait 244 en décembre 2019. On les distingue très nettement sur les images satellitaires à haute résolution alors que leur identification au sol, même lorsqu’elles ont été repérées au préalable, reste difficile. Elles se présentent comme de très légères dépressions d’à peine plus d’un mètre de large dans lesquelles la végétation est légèrement différente de celle environnante, révélant la probable présence initiale d’un fossé. Elles dessinent des demi-cercles de plusieurs centaines de mètres de diamètre dont les deux extrémités, situées derrière une rupture de pente, prennent une forme de pointe. La répartition spatiale des croissants, en chaîne perpendiculaire aux entrées, comme dans le cas des kites, suggère une même fonction, celle de capturer les ongulés sauvages en un lieu précis sur leur route de migration. En effet, il arrive qu’une chaîne de croissants soit spatialement proche d’une chaîne de kites et partage des orientations semblables. En revanche, à la différence des kites et de leurs logettes périphériques, il n’y a pas de fosse-piège construite et il semble qu’une ouverture soit souvent aménagée dans la pointe. À la différence des kites également, il n’y a pas à proprement parler d’espace enclos puisque l’ouverture est à peine moins large que le diamètre et il n’y a jamais d’antenne associée au croissant. Ces différences morphologiques plaident pour un fonctionnement différent, quand bien même la fonction de piège de chasse reste l’interprétation la plus plausible. Amirov et ses collègues pensent que les croissants sont antérieurs aux kites en se fondant sur un seul exemple (Amirov et al. 2015 : fig. 13, p. 213) ; dans le cas cité, l’examen des images satellitaires ne nous paraît pas permettre de trancher. Nous avons repéré cinq autres cas de superposition ; deux restent eux aussi ambigus quant à l’interprétation chronologique que l’on peut en faire mais trois autres exemples semblent au contraire clairement indiquer l’antériorité des kites (fig. 5, KZ496, KZ478, KZ474).

26Un troisième type d’aménagement en forme d’anneau ouvert a été signalé au nord-est de l’Ustyurt (Amirov et al. 2015 : type 2) ; comme ces constructions n’ont pas été observées sur le terrain, il est difficile d’en dire plus que cette courte description. Notre inventaire en dénombre actuellement 68. Aucun de ces aménagements n’est présent dans les deux tiers sud du plateau et ils deviennent plus nombreux dans le secteur où l’extension des kites prend fin vers le nord. On signalera simplement que sur trois cas de superposition avec un kite, l’un d’entre eux semble indiquer que l’anneau ouvert préexiste et que le kite a été construit dans un second temps (fig. 5 : KZ473), les deux autres au contraire tendent à montrer l’antériorité des kites (fig. 5 : KZ484). Aucune superposition d’un anneau et d’un croissant n’a été observée jusqu’à présent.

27Compte tenu du petit nombre de cas de superpositions, il est difficile d’établir une chronologie relative définitive pour l’ensemble des kites, des anneaux et des croissants. L’examen des images montre seulement qu’en un lieu donné, ces constructions se sont succédé dans le temps. Il est donc très probable que les trois types de construction, kites, anneaux et croissants aient été construits par des groupes distincts. Les différences morphologiques suggèrent des fonctionnements différents et rien ne permet de penser que leur conception relève de l’adaptation des autres constructions.

Fig. 5 – Cas de superposition kites – croissants et kites – anneaux sur le plateau d’Ustyurt.

Fig. 5 – Cas de superposition kites – croissants et kites – anneaux sur le plateau d’Ustyurt.

Photos Bing Maps ; DAO O. Barge

28Il en va différemment à l’autre extrémité de l’aire de répartition, en Arabie Saoudite. Les kites du Harrat Khaybar ne sont pour l’instant connus que par leur observation aérienne (Kempe et Al-Malabeh 2013 ; Kennedy et al. 2015). Les barbed kites, les plus nombreux, se singularisent par l’emboîtement de plusieurs unités souvent triangulaires (fig. 3), même s’il existe une assez grande diversité de formes pour ces unités (Kennedy et al. 2015 : 186, fig. 15). Parfois, des éléments manifestement présents dans le plan de ces kites s’agencent pour former des constructions qui ne délimitent pas une surface fermée, pas plus qu’elles ne présentent d’antenne. Sans antenne et sans enclos, ces constructions ne correspondent donc pas à la définition d’un kite ; les logettes/fosses-pièges, en revanche, sont présentes dans tous les cas. Ces « pseudo-kites » sont assez nombreux, puisqu’on en dénombre 140 pour 579 kites dans la partie ouest du Harrat Khaybar et 86 pour 95 kites dans celle de Al-Ha’it. Ces constructions avec logettes peuvent prendre des formes diverses (fig. 6). On peut distinguer trois types :

  • une simple pointe formée de deux murs rectilignes convergeant vers une logette (fig. 6, A-B) ;
  • plusieurs pointes juxtaposées (fig. 6, C-D) ;
  • un assemblage complexe de mur et de logettes, comportant souvent des pointes, mais qui ne dessine pas une forme réellement fermée (fig. 6, E-F).

Fig. 6 – Typologie des « pseudos-kites » dans le Harrat Khaybar et plus au sud

Fig. 6 – Typologie des « pseudos-kites » dans le Harrat Khaybar et plus au sud

Exemples : A-B : type a, C-D : type b, E-F = type c

Photos Google Earth ; DAO O. Barge

29Dans chacun de ces cas, les logettes peuvent être adjacentes ; les pointes peuvent comporter plusieurs logettes contiguës à leur extrémité, comme c’est du reste souvent le cas avec les kites de cette région.

30Au sud du Harrat Khaybar, plusieurs petites concentrations de ces « pseudo-kites » ont été observées récemment, dans le Harrat Rahat (3 cas), le Harrat Kishb (6 cas) et surtout le Harrat Nawasif (14 cas au nord, 25 à l’ouest et 46 à l’est). Ils ressemblent en tout point à ceux du Harrat Khaybar : de petite taille, ils comportent tous au moins une logette, mais parfois beaucoup plus. Dans le groupe situé à l’est du Harrat Nawasif, on remarque une réelle complexité des aménagements (tous de type 3), avec un très grand nombre de logettes (l’un de ces « pseudo-kites » comporte une soixantaine de logettes). Contrairement au plateau d’Ustyurt où il n’existe aucune raison d’établir une parenté entre les croissants et les kites, les « pseudo-kites » d’Arabie Saoudite, bien que ne répondant pas à la définition stricte des kites, peuvent évidemment leur être associés. La présence des logettes/fosses-pièges est un élément déterminant, tout comme le fait que les « pseudo-kites » coexistent avec les kites dans le Harrat Khaybar. On peut donc considérer qu’ils appartiennent bel et bien au même système technique et qu’ils en constituent une variante locale avec des particularités morphologiques. Ils prolongent donc l’aire de répartition des kites vers le sud de près de 500 km et leur nombre montre qu’il ne s’agit pas d’un phénomène anecdotique (fig. 2). On notera que notre décompte diffère de celui de Kennedy (Kennedy et al. 2015) : d’une part les dispositifs présentent des enchevêtrements complexes qui conduisent à associer les formes ou au contraire à les séparer les unes des autres, d’autre part nous avons choisi de décompter à part les « pseudo-kites » sans antennes et sans enclos. Il s’agit seulement d’un choix méthodologique qui conduit à un décompte différent, sans pour autant modifier les conclusions concernant la finalité et de la parenté des constructions.

31De la même manière, les V-shaped kites du Sinaï (Holzer et al. 2010 ; Nadel et al. 2013) peuvent être considérés comme une variante locale de kites, comme nous l’avons déjà signalé (Barge et al. 2015a, 2018). Ces constructions ne correspondent pas davantage à la définition stricte, puisqu’elles ne présentent pas d’enclos. Elles possèdent en revanche des antennes, et surtout l’élément déterminant et original qu’est la logette. Dans ce cas, il s’agit d’une seule logette/fosse-piège. Enfin, comme pour les kites, une fonction cynégétique a pu être identifiée par la fouille.

32À l’inverse, la parenté des kites du Yémen (Brunner 2008 ; Skorupka 2010) nous semble difficile à établir. Ils présentent certes des antennes convergentes (comme nombre d’autres constructions à travers le monde), mais n’ont pas d’enclos à proprement parler et, surtout, pas de logette. Plutôt qu’à un enclos, les antennes aboutissent à un ensemble de compartiments. Ces derniers pourraient avoir été des dispositifs de piégeage, mais dans ce cas, le fonctionnement devrait être très différent de celui des kites.

Découvertes récentes en dehors de la zone de répartition des kites

33L’examen des images satellitaires en milieu aride, dans des démarches comparables à celle conduite pour établir l’inventaire des kites, a récemment permis plusieurs découvertes.

34Sur le plateau de la Hamada al-Hamra, en Libye, 330 constructions comportant de longs murs ont été signalées (Giannelli et Maestrucci 2018). Elles se répartissent en trois concentrations sur un espace de 500 par 300 km environ. Dans l’ensemble sud-est, les constructions sont composées de deux longs murs de plusieurs centaines de mètres qui convergent vers un large espace ouvert. Il s’agit d’une sorte de grand entonnoir mais il n’y a pas d’enclos ou de quelconque construction à l’extrémité des longs murs (fig. 7, A).

35Dans les deux autres ensembles, au nord et à l’ouest du plateau, les constructions sont formées de longs murs sinueux, avec de nombreuses indentations. Parmi ces dernières, on remarque des pointes, toutes orientées dans la même direction, qui laissent un espace libre étroit (2 à 4 m) à leur apex. L’obstacle créé s’étend souvent sur plusieurs centaines de mètres (fig. 7, B). Une très forte proportion de ces murs est disposée de manière à fermer les promontoires naturels du rebord du plateau. Lorsque la construction s’étend d’un escarpement à celui opposé, elle barre totalement le promontoire (fig. 7, C), mais on observe aussi souvent une interruption du mur de plusieurs dizaines de mètres (fig. 7, D). Dans ces derniers cas, la forme générale des constructions évoque certains kites de l’Ustyurt, comme l’ont remarqué Giannelli et Maestrucci (2018). Ces longs murs sinueux constituent la très grande majorité des structures de la Hamada al-Hamra.

36Dans quelques cas, on observe deux murs convergents longs d’une centaine de mètres environ. La structure évoque alors les V-shaped kites du Néguev (fig. 7, E). Comme pour ces kites, l’apex de la construction est aménagé sur une rupture de pente. Dans quelques rares cas, on observe ce qui, au Levant, aurait été identifié comme une logette (Giannelli et Maestrucci 2018 : 4, fig. 4). Des constructions évoquant une logette se trouvent encore plus rarement à l’apex des pointes des murs de promontoires (Giannelli et Maestrucci 2018 : 2, fig. 2).

37Ces auteurs annoncent la publication prochaine de l’ensemble de ces découvertes, ce qui permettra de connaître la fréquence relative des différents types de structures. Un examen des images semble toutefois montrer que, bien que très présentes dans l’article initial de ces auteurs, les constructions « à logettes » sont très minoritaires. En l’absence de fouille, il n’est en outre pas certain que ces logettes soient des fosses comme dans le cas des kites. Ainsi, les similitudes morphologiques avec les kites se limitent à quelques cas particuliers, que l’on peut seulement faire correspondre à des cas particuliers de kites (kites promontoires de l’Ustyurt et V-shaped kites du Néguev). On n’observe en aucun cas la forme la plus classique et la plus fréquente du kite, à savoir un enclos flanqué de logettes à l’extrémité de longs murs.

38Il semble que, plutôt qu’avec les kites, une autre comparaison s’impose pour ces constructions. Bien que construites dans des contextes topographiques différents, elles semblent, pour la majorité d’entre elles, partager de nombreuses similitudes avec les pièges de basse Nubie et de haute Égypte (Storemyr 2011). Ces derniers sont de longs murs aménagés le plus souvent entre de petits affleurements rocheux (fig. 7, F-G). Ces murs festonnés possèdent des pointes percées à leur apex appelées « chutes », car placées à une rupture de pente (Storemyr 2011). Les ayant étudiées sur le terrain, l’auteur attribue une fonction de piège à ces structures, qu’il distingue explicitement des kites. La taille, la forme et les détails morphologiques (pointes percées) de ces pièges apparaissent très semblables aux constructions de la Hamada al-Hamra, pour le plus grand nombre d’entre elles. Ainsi, la parenté de ces constructions avec les pièges de haute Égypte s’avère bien plus évidente qu’avec les kites.

Fig. 7  Exemples représentatifs des constructions dans la Hamada al-Hamra dans le désert libyen (A-E) et en haute Égypte (F-G)

Fig. 7 – Exemples représentatifs des constructions dans la Hamada al-Hamra dans le désert libyen (A-E) et en haute Égypte (F-G)

DAO O. Barge

39Plus récemment, les mêmes auteurs ont fait état de la découverte de nombreuses autres constructions au nord-ouest de la Libye dans le Djebel Gharbi, ce qui porte le nombre total à 1050 (Giannelli et Maestrucci 2019). Ces aménagements comportent deux murs convergents longs de plusieurs centaines de mètres (fig. 8). Leur ouverture va en se rétrécissant de sorte que, à l’extrémité de la pointe ainsi dessinée, les deux murs sont presque parallèles. Le rétrécissement s’opère le plus souvent de façon régulière et les murs présentent ainsi une courbe très régulière (fig. 8, A et C) ; il est aussi parfois marqué par un changement de direction d’au moins un des murs (fig. 8, B). Parfois, un troisième mur qui s’interrompt à une petite centaine de mètres de la pointe partage l’ouverture en deux parties équivalentes (fig. 8, B-C). Il semble que l’aménagement soit disposé dans la topographie de manière à ce qu’une rupture de pente soit présente peu avant l’extrémité de la pointe. À ce niveau, lorsque les deux murs deviennent presque parallèles, leur espacement est assez variable, entre 3 et 15 m. D’une manière générale, l’espace est ouvert à l’extrémité de la pointe et on n’observe pas de construction. Exceptionnellement, on distingue une forme circulaire dont la signature sur les images est différente de celle des murs : sorte de bourrelet, il pourrait s’agir du résidu des déblais d’une fosse.

Fig. 8 – Exemples représentatifs dans la Tripolitaine

Fig. 8 – Exemples représentatifs dans la Tripolitaine

Photos Google Earth ; DAO O. Barge

  • 8 Boekle M. (2019). Desert kites in der Sahara? [en ligne : http://archaeologie.bemerkenswel (...)

40D’autres constructions nous ont été signalées dans l’espace saharien. Dans le Djebel Bani au sud du Maroc, on peut observer deux constructions isolées qui ressemblent beaucoup aux kites du Néguev sur les images. Deux murs d’une centaine de mètres convergent dans le sens de la pente vers une cellule circulaire d’une dizaine de mètres de diamètre (fig. 9, A-B). Elle est aménagée en contrebas de l’extrémité des longs murs et il existe un seuil à son entrée qui n’est pas fermée, à la différence des logettes de kites. Les murs dans leur ensemble conservent une élévation d’environ 1 m. Les images permettent la description générale de l’ouvrage, mais c’est grâce à des photos au sol qui nous ont été transmises que l’on peut décrire les détails. À l’est du Tanezrouft en Algérie, en bordure du massif de l’Asejrad, une quinzaine de structures regroupées sur moins de 5 km peuvent être observées8. Deux murs de 50 à 100 m convergent vers deux à huit cellules contiguës disposées perpendiculairement après une rupture de pente (fig. 9, C-D). La signature des cellules sur les images ressemble à celle d’une petite logette de kite mais on ne peut évidemment pas affirmer qu’il s’agit d’une fosse.

Fig. 9  Les constructions du Sahara occidental, au Maroc (A-B) et au sud de l’Algérie (C-D).

Fig. 9 – Les constructions du Sahara occidental, au Maroc (A-B) et au sud de l’Algérie (C-D).

DAO O. Barge

41Dans les deux cas, les constructions pourraient être des pièges. Leur isolement et leur petit nombre dans l’immensité désertique sont étonnants.

42En Afrique du Sud, des structures de pierre sèche avec de longs murs formant des pointes ont été récemment découvertes (Van der Walt et Lombard 2018). Les pointes sont très effilées et se terminent par deux murs très proches et parallèles sur une vingtaine de mètres en moyenne, mais elles n’aboutissent pas à une fosse. Ces pointes se succèdent dans une même construction sans pour autant être fermées ou dessiner un enclos. On observe trois séries de constructions (Keimoes 1, 2 et 3) qui, chacune, comporte plusieurs pointes. Elles sont localisées dans un espace de 5 km2 environ mais il ne semble pas qu’il existe d’autres constructions du même type dans la région. Les auteurs pensent qu’il s’agit de pièges utilisés par des chasseurs-cueilleurs, fondant leurs arguments sur l’analyse de la topographie, cohérente avec le piégeage des gazelles springbok (Antidorcas marsupialis), et sur les archives ethnographiques locales relatant la chasse de cette espèce (Lombard et Badenhorst 2019).

  • 9 Moore K. (2014). Traces of drive structures at Parque Nacional Volcán Isluga, Tarapacá, Chile. Pos (...)

43Au Chili, alors qu’elle cataloguait les structures pastorales, K. Moore a découvert deux constructions qui apparaissent, sur les images, très similaires aux V-shaped kites du Sinaï9. Une recherche systématique à partir de cette découverte nous a conduits à l’identification de 102 constructions du même type, dans les Andes chiliennes et en Bolivie (fig. 10). L’aire d’extension s’étend sur 100 par 60 km environ et se situe en grande partie sur l’Altiplano, à des altitudes comprises entre 2 830 et 4 550 m d’altitude. En dehors de l’altitude élevée, le contexte topographique dans lequel on les rencontre ne semble pas présenter de particularité (parties hautes ou basses du relief, proximité des cours d’eau, etc.) et l’orientation de leur ouverture n’obéit apparemment à aucune règle. Les constructions apparaissent sur les images constituées de deux antennes de longueur comparable, généralement comprise entre 100 et 400 m et formant un angle relativement aigu (autour de 50°).

Fig. 10  Localisation et orientation des constructions à longs murs de l’Altiplano chilien

Fig. 10 – Localisation et orientation des constructions à longs murs de l’Altiplano chilien

Carte O. Barge, fond vectoriel réalisé à partir de http://www.rulamahue.cl

44Elles convergent vers une petite construction circulaire ou quadrangulaire d’une petite dizaine de mètres, dont la signature sur les images est tout à fait semblable à celle d’une logette. Cette dernière se trouve toujours en contrebas des antennes dans le sens orographique, l’ouverture de celles-ci étant orientée vers l’amont (fig. 11). Sans visite de terrain ou connaissance de la région, nous resterons prudents sur la fonction de ces constructions, même si les similitudes morphologiques font penser au rassemblement d’animaux, voire à la chasse. Dans ce dernier cas, les animaux seraient conduits entre les antennes dans le sens de la plus grande pente pour aboutir à ce qui ressemble à une logette. On ne peut évidemment pas assurer qu’il s’agisse d’une fosse dans laquelle on précipite les animaux comme dans le cas des kites. Il n’y a pas d’orientation dominante alors que c’est toujours le cas pour les kites dans une région donnée ; cela exclut en principe qu’il s’agisse de piège pour des hardes en migration. Dans deux cas, les antennes sont effacées par le tracé d’une piste moderne alors que dans quatre autres cas, la petite construction à l’extrémité des antennes est partiellement ou complètement détruite par un ravin : ces observations semblent montrer que ces constructions sont antérieure à notre époque.

Fig. 11 – Exemples de constructions à longs murs de l’Altiplano chilien

Fig. 11 – Exemples de constructions à longs murs de l’Altiplano chilien

DAO O. Barge

45Parmi ces différentes structures découvertes en dehors de l’aire d’extension des kites, la distance géographique permet sans le moindre doute d’exclure une quelconque parenté avec les structures découvertes en Afrique du Sud et au Chili, qui pourtant possèdent des petites constructions qui pourraient être des fosses, à l’instar des logettes de kite. Dans le cas des découvertes en Libye, les structures sont morphologiquement très différentes des kites même s’il existe quelques exceptions pour lesquelles les images suggèrent la présence éventuelle d’une fosse à l’extrémité des murs. Cette disparité morphologique, combinée avec l’importante discontinuité spatiale (fig. 12), semble exclure une parenté entre les deux types de constructions. Il devient alors difficile d’envisager qu’elles procèdent du même phénomène de diffusion.

Fig. 12 – Localisation des kites et des constructions à longs murs de la Libye au Kazakhstan : projection azimutale équidistante

Fig. 12 – Localisation des kites et des constructions à longs murs de la Libye au Kazakhstan : projection azimutale équidistante

Carte O. Barge

Discussion et conclusion

46L’étude des kites sur l’ensemble de leur aire de répartition permet de poser les bases pour aborder la question du phénomène de diffusion sous-jacent à la construction et à l’utilisation de ces structures. Cette question est soumise à deux prérequis essentiels sur lesquels le projet Globalkites a permis de faire des avancées notables : celui de la définition de l’aire de répartition de ces structures et celui de la caractérisation des kites comme des structures très spécifiques du point de vue de leur morphologie et de leur fonctionnalité.

Prérequis 1 : la cohérence de l’aire de répartition

47Les nouvelles découvertes au cours des six dernières années concernent avant tout l’aire d’extension déjà connue des kites. Le nombre important de kites qui y ont été récemment inventoriés accroît leur densité, souvent de façon significative. Des découvertes ont eu lieu également dans d’autres régions à l’intérieur de cet ensemble et ont réduit en partie les hiatus existants : elles concernent principalement la partie orientale du Harrat Khaybar, les marges du Néfoud, les régions au sud-est de la Jordanie, au sud-est de la Damascène, à l’est du Taurus oriental et la haute Mésopotamie. Quelques nouveaux kites peu nombreux prolongent l’aire d’extension au nord du plateau d’Ustyurt vers l’Asie centrale. Par ailleurs, des constructions pourvues de logettes, manifestement apparentées aux kites, accroissent l’extension au sud du Harrat Khaybar. On doit l’ensemble de ces découvertes à l’imagerie satellitaire aisément accessible en ligne. En dépit des hiatus existants, la cohérence spatiale globale de l’aire de répartition est un paramètre fondamental qui, associé à la caractérisation morphologique des kites, permet d’aborder la question de la diffusion.

48Nous avons mentionné les nouvelles découvertes en dehors de l’aire d’extension des kites. Bien qu’elles concernent des lieux parfois très éloignés, le terme desertkite a tout de même été choisi par les découvreurs pour désigner les structures concernées. L’usage automatique du terme de desert kite dès lors que des structures comportant de longs murs sont identifiées sur les images satellitaires ne paraît cependant pas judicieux. L’utilisation d’une terminologie plus adaptée permettrait de mieux identifier les types de structures et ainsi mieux qualifier leur nature et leurs attributs. Au demeurant, le terme méga-piège pourrait être employé pour l’ensemble de ces structures, à condition que des fouilles systématiques puissent être mises en place afin de prouver et de confirmer leur fonction cynégétique.

Prérequis 2 : les spécificités morphologiques et fonctionnelles

49Notre recherche a permis d’identifier la spécificité morphologique et fonctionnelle des kites. La définition que nous avions retenue lorsque nous avons défini le programme Globalkites – présence simultanée d’antennes, d’un enclos et de logettes – s’est avérée opérante : elle permet de comparer les structures, en particulier en définissant une vingtaine de caractères communs aux 6 023 kites, et de spatialiser différents sous-groupes. Elle s’est en revanche montrée parfois trop stricte et il a fallu accepter des exceptions (absence d’antennes en Arménie, sur l’Ustyurt et localement ailleurs, absence d’enclos dans le Néguev et au sud de l’aire de répartition) pour quelques cas qui présentent des particularités régionales. Ces exceptions ne sont cependant pas aberrantes car les absences d’antenne ou d’enclos sont en général compensées par les spécificités orographiques et topographiques que les constructeurs de kites ont su habilement utiliser. La conceptualisation de l’espace et de son utilisation dans l’emprise du kite reste donc en accord avec le principe général du méga-piège qui utilise des alignements anthropiques ou naturels orientés vers des fosses.

50L’approfondissement de la connaissance du phénomène des kites repose en outre sur des approches permettant des classifications à partir des caractères morphologiques (Barge et al. 2015a), au-delà des typologies (Betts et Burke 2015 : 80), qui peuvent être élaborées à partir de l’imagerie satellitaire. D’évidentes associations de caractères fortement régionalisées peuvent en effet être observées (Barge et al. 2015a) et leur cartographie doit permettre de mieux définir le phénomène de diffusion. La quantification statistique permet de le confirmer et d’affiner les groupements spatiaux qui en émergent. Des travaux en ce sens sont en cours d’aboutissement.

51L’usage de pièges de grande taille, impliquant des linéaments du relief, des murs ou des alignements de pierre, des alignements de fanions ou de branchages, ou des palissades de bois, s’avère avoir été une pratique répandue à travers le monde à différentes périodes, du Paléolithique supérieur à nos jours. On a chassé ainsi par exemple les rennes sauvages en Norvège (Jordhøy 2008), le caribou en Arctique (Brink 2005), le mouflon en Amérique du Nord (Loendorf et Stone 2006) ou le guanaco en Patagonie (Santiago et Salemme 2016). Même si cela reste à prouver, il est probable que les croissants et les anneaux de l’Ustyurt appartiennent à cette catégorie, tout comme les nouvelles découvertes que nous avons évoquées en dehors de l’aire de répartition des kites. On peut donc parler de convergence culturelle pour l’ensemble de ces pratiques qui ont émergé dans des contextes spatio-temporels très différents.

52La morphologie des kites apparaît cependant singulière dans cet ensemble, avec des composants récurrents suggérant un fonctionnement qui apparaît lui aussi singulier, bien qu’il ne soit pas encore élucidé. Afin de mieux cerner le phénomène de diffusion, aussi étonnant par l’étendue de l’aire de répartition que par sa longue durée, il est important que ces structures soient bien identifiées.

  • 10 Voir aussi Crassard et al. (soumis), supra note 2.

53Du point de vue fonctionnel, une utilisation pour la chasse était jusqu’à présent l’hypothèse la plus largement partagée (par exemple : Helms et Betts 1987 ; Van Berg et al. 2004 ; Holzer et al. 2010 ; Morandi Bonacossi et Iamoni 2012), mais l’hypothèse pastorale (Échallier et Braemer 1995) mentionnée dans la majorité des publications, y compris récentes, montre qu’un doute pouvait subsister. Nous avions nous-mêmes envisagé cette hypothèse au début de nos recherches. La fouille de nombreuses logettes, sur les cinq terrains investigués couvrant une part significative de l’aire d’extension (Ustyurt, Arménie, Harrat al-Shaam, Al-Khashabiyeh dans le sud-est jordanien et Al-Jawf aux confins du Néfoud), a montré qu’il s’agissait systématiquement de fosses, le plus souvent profondes10. L’identification du dispositif ultime de piégeage a rendu plus évidents d’autres indices (fréquence des logettes à l’extrémité de pointes, intérêt des topographies complexes, usage des ruptures de pentes, fermeture de la logette, orientation des antennes), eux aussi récurrents, et démontré l’usage cynégétique. Nous avions déjà indiqué que, par son omniprésence, la logette constituait l’originalité des kites (Barge et al. 2015a). La reconnaissance de cette dernière comme élément-clé du dispositif ne laisse plus de doute sur sa fonction ou sur le fait qu’étant indispensable, sa présence permet d’identifier un type particulier de piège de chasse. Sa présence permet également de reconnaître un phénomène de diffusion et de le caractériser. Les kites conçus en tant que pièges, le plus souvent de grande taille et dont le dispositif de mise à mort est la logette/fosse-piège, sont suffisamment originaux pour permettre de penser que leur construction relève de la transmission d’une idée et du savoir-faire dans sa mise en œuvre.

Le prérequis qui fait encore défaut : la chronologie

  • 11 Voir aussi Barge et al. (à paraître), supra note 2.
  • 12 Voir aussi Abu-Azizeh et al. (à paraître), supra note 2.

54C’est toutefois sur le plan chronologique que les plus grandes lacunes subsistent afin de formaliser une réflexion construite sur la question de la diffusion. Les datations disponibles entre le Néguev et la Syrie sont centrées sur l’âge du Bronze (synthèse disponible dans Zeder et al. 2013) tandis que l’usage le plus probable des kites d’Arménie doit être daté de l’âge du Fer11 et il semble que les kites de l’Ustyurt aient fonctionné jusqu’à une période récente (Betts et Yagodin 2000 ; Barge et al. 2016a). Les travaux récents dans les secteurs des Djebel al-Khashabiyeh et Djebel al-Ghadiwiyat dans le Sud-Est jordanien ont permis de dater la construction des kites à la fin du Néolithique précéramique B (Al-Khasawneh et al. 2019)12. Il ressort de ces quelques jalons chronologiques qu’une trajectoire de diffusion pourrait être dessinée à partir des marges désertiques de la Jordanie vers le reste du Levant jusqu’en Asie centrale. Il s’agit pour l’heure d’une interprétation très hypothétique tant les jalons chronologiques font défaut. Depuis le Harrat al-Shaam jusqu’en Turquie, les nombreux types de kites observés mais non datés pourraient relever de périodes d’utilisation anciennes ou au contraire récentes (et potentiellement des réutilisations), comme le suggèrent les récits de voyageurs (Burckhardt 1835 ; Teixeira 1902 ; Musil 1928). Les durées d’utilisation peuvent aussi varier. Par ailleurs, on ne dispose d’aucune datation aux limites méridionales de la répartition générale dans le Harrat Khaybar pour les kitesstricto sensu comme pour les nombreuses structures qui leur sont apparentées.

55Toutes ces considérations empêchent pour le moment de suggérer formellement une chronologie et un modèle précis de dynamique de diffusion, à la fois du concept du piégeage à alignements orientés (driving lines) vers des fosses et des déplacements de populations de chasseurs-piégeurs. Les recherches futures devront donc s’attacher à la datation des kites, afin d’alimenter la base de données qui s’est déjà considérablement accrue ces dernières années.

56Si le phénomène des kites apparaît de grande ampleur, il existe d’autres exemples d’utilisation de méga-pièges. Aux exemples de Scandinavie et d’Amérique du Nord et du Sud s’ajoutent éventuellement les structures d’Afrique du Nord et du Sud, et probablement d’autres régions encore. Cependant, seules les stratégies de chasse sans piège ont été et demeurent très largement étudiées, parce qu’elles sont les plus directement observables par l’archéologie. L’immense quantité d’outils en pierre (les armes lithiques) retrouvés dans d’innombrables sites dans le monde a conduit à de nombreuses interprétations de technologies, d’économies et de modèles de chasse active. L’aptitude des groupes humains au piégeage est quant à elle presque absente de la documentation archéologique alors que parmi la panoplie des stratégies de chasse utilisées au cours de l’histoire de l’humanité, le piégeage a probablement été fréquemment employé (Sato 2012 ; Speth 2013 ; Billard et Bernard 2016). Un pan entier des techniques, des méthodes et des traditions de chasse est ainsi totalement éludé par les archéologues : l’étude des cultures de piégeage est ignorée.

57De nouvelles perspectives de recherches s’ouvrent donc. Les kites constituent en archéologie un rare exemple préservé de tels systèmes cynégétiques dont l’ampleur (la dimension et l’organisation des structures mais aussi leur répartition géographique et leur profondeur chronologique) dépasse tout autre exemple de pièges dans l’histoire de l’humanité. Le corpus s’élargit considérablement avec les autres types de méga-pièges existant ailleurs dans le monde, ceux déjà avérés, ceux repérés sur les images mais dont la nature doit être confirmée, et ceux qu’il reste à découvrir. Des investigations de terrain, dont des fouilles, couplées à l’interprétation d’images satellitaires permettraient d’enclencher cette recherche sur les pratiques de chasse utilisant de méga-pièges.

58Pour mettre en œuvre ces approches, il faudra par ailleurs garder à l’esprit la dimension sociale, mais aussi économique et écologique qu’a revêtu l’utilisation des méga-pièges. L’identité et la structuration des groupes humains qui ont utilisé les kites nous demeurent encore à peine connues ; leurs relations avec les populations néolithisées, voire urbanisées, restent une énigme. Connaître l’impact porté sur le milieu par ces méga-pièges, tant dans l’artificialisation du paysage qu’en cas d’éventuelle surchasse des populations d’animaux sauvages, est également un enjeu majeur de ces recherches à venir.

Haut de page

Bibliographie

Abu-Azizeh W. et Tarawneh M.B.
2015 – Out of the harra: Desert kites in south-eastern Jordan. New results from the South Eastern Badia Archaeological Project. Arabian Archaeology and Epigraphy 26,2 : 95-119.

Al-Khasawneh S., Murray A., Thomsen K., Abu-Azizeh W. et Tarawneh M. B.
2019 – Dating a near eastern desert hunting trap (kite) using rock surface luminescence dating. Archaeological and Anthropological Sciences 11 : 2109-2119.

Amirov S. S., Betts A. V. G. et Yagodin V. N.
2015 – Mapping ancient hunting installations on the Ustyurt Plateau: New results from remote sensing imagery. Paléorient 41,1 : 199-219.

Barge O., Brochier J. É. et Crassard R.
2015a – Morphological diversity and regionalisation of kites in the Middle East and Central Asia. Arabian Archaeology and Epigraphy 26,2: 162-176.

Barge O., Brochier J.É., Crassard R. et Régagnon E.
2018 – Hunting or pastoralism? Comments on “Seasonal use of corral and game traps (desert kites) in Armenia” by Malkinson et al. Quaternary International 493 : 19-21.

Barge O., Brochier J.É., Deom J.M., Sala R., Karakhanyan A., Avagyan A. et Plakhov K.
2016a – The ‘desert kites’ of the Ustyurt Plateau. Quaternary International 395 : 113-132.

Barge O., Brochier J.É. et Karakhanyan A.
2016b – Northernmost kites? Quaternary International 395 : 104-112.

Barge O., Brochier J.É., Régagnon E., Chambrade M.-L. et Crassard R.
2015b. – Unity and diversity of the kite phenomenon: A comparative study between Jordan, Armenia and Kazakhstan. Arabian Archaeology and Epigraphy 26,2 : 144-161.

Betts A. V. G. et Burke D.
2015 – Desert kites in Jordan – a new appraisal. Arabian Archaeology and Epigraphy 26,2 : 74-94.

Betts A. V. G. et Yagodin V. N.
2000 – A new look at ’desert kites’. In : Stager L. E., Greene J. A. et Cogan M. D. (dir.), The archaeology of Jordan and beyond. Essays in honor of James Sauer: 31-44. Winona Lake: Eisenbrauns.

Billard C. et Bernard V.
2016 – Les barrages à poisons au Mésolithique. Une économie de prédation ou de production ? In: Dupont C. et Marchand G. (dir.), Archéologie des chasseurs-cueilleurs maritimes. De la fonction des habitats à l’organisation de l’espace littoral. Actes de la séance de la société préhistorique française, Rennes, 10-11 avril 2014 : 113-125. Paris : Société préhistorique française (Séances de la Société préhistorique française 6).

Brink J. W.
2005 – Inukshuk: Caribou drive lanes on southern Victoria Island, Nunavut, Canada. Arctic Anthropology 42,1 : 1-28.

Brochier J. É., Barge O., Karakhanyan A., Kalantaryan I., Chataigner C., Chambrade M.-L. et Magnin F.
2014 – Kites on the margins. The Aragats kites in Armenia. Paléorient 40,1 : 25-53.

Brunner U.
2008 – Les pièges de chasse antiques au Yémen. Arabian Humanities 15: 29-34.

Burckhardt J.-L.
1835 – Voyages en Arabie, contenant la description des parties du Hedjaz regardées comme sacrées par les Musulmans, suivis de Notes sur les Bédouins et d’un Essai sur l’histoire des Wahabites. Tome troisième, trad. J.-B.-B. Eyriès. Paris: Arthus Bertrand.

Çelik B. et Tolon K.
2018 – Şanlıurfa’dan neolitik dönem tuzak alanları. Karadeniz Uluslararası Bilimsel Dergi 37: 28-36.

Crassard R., Barge O., Bichot C.-E., Brochier J. É., Chahoud J., Chambrade M.-L., Chataigner C., Madi K., Régagnon E., Seba H. et Vila E.
2015 – Addressing the desert kites phenomenon and its global range through a multi-proxy approach. Journal of Archaeological Method and Theory 22,4 : 1093-1121.

Échallier J.-C. et Braemer F.
1995 – Nature et fonctions des « Desert Kites » : données et hypothèses nouvelles. Paléorient 21,1 : 35-63.

Giannelli G. et Maestrucci F.
2018 – Desert kites in the Libyan Sahara: New evidence from remotely sensed images. Antiquity 92,364 : E3.

2019 –  Desert kites in the Tripolitania region: New evidence from satellite imagery. Antiquity 93,371 : E26.

Helms S. et Betts A. V. G.
1987 – The desert “kites” of the Badiyat Esh-Sham and north Arabia. Paléorient 13,1 : 41-67.

Holzer A., Avner U., Porat N. et Kolska Horwitz L.
2010 – Desert kites in the Negev desert and northeast Sinai: Their function, chronology and ecology. Journal of Arid Environments 74,7 : 806-817.

Jordhøy P.
2008 – Ancient wild reindeer pitfall trapping systems as indicators for former migration patterns and habitat use in the Dovre region, southern Norway. Rangifer 28,1 : 79-87.

Kempe S. et al-Malabeh A.
2010 –  Hunting kites (‘desert kites’) and associated structures along the eastern rim of the Jordanian Harrat: A geo-archaeological Google Earth images survey. Zeitschrift für Orient-Archäologie 10,3 : 46-86.

2012 – Distribution, sizes, function and heritage importance of the Harrat Al Shaam desert kites: The largest prehistoric stoneworks of mankind? In: al-Malabeth A. (dir.), Symposium book. Abstracts and proceedings. 15th international symposium on vulcanospeleology, Zarka, 15-22 March 2012: 57-66. Zarka : Hashemite University.

2013 – Desert kites in Jordan and Saudi Arabia: Structure, statistics and function, a Google Earth study. Quaternary International 297 : 126-146.

Kennedy D.L.
2011 – The ’Works of the Old Men’ in Arabia. Remote sensing in interior Arabia. Journal of Archaeological Science 38,12 : 3185-3203.

2012 – Kites – new discoveries and a new type. ArabianArchaeology and Epigraphy 23,2 : 145-155.

Kennedy D.L., Banks R. et Dalton M.
2015 – Kites in Saudi Arabia, ArabianArchaeology and Epigraphy 26,2 : 177-195.

Loendorf L. L. et Stone N. M.
2006 – Mountain spirit: The eheep eater Indians of Yellowstone. Salt Lake City : University of Utah Press.

Lombard M. et Badenhorst S.
2019 – A case for springbok hunting with kite-like structures in the northwest Nama Karoo bioregion of South Africa, African Archaeological Review 36 : 383-396.

Meshel Z.
1974 – New data about “desert-kites”. Tel Aviv 1,4 : 129-143.

Miller V. C.
1953 – Une étude géomorphique quantitative des caractéristiques des bassins de drainage dans la région de Clinch Mountain en Virginie et au Tennessee. New York : Université de Columbia, Département de géologie.

Morandi Bonacossi D. et Iamoni M.
2012 – The early history of the western Palmyra desert region. The change in the settlement patterns and the adaptation of subsistence strategies to encroaching aridity: A first assessment of the desert-kite and tumulus cultural horizons. Syria 89 : 31-58.

Musil A.
1928 – The manners and customs of the Rwala Bedouins. New York : American Geographical Society.

Nadel D. G., Bar-Oz G., Avner U. Malkinson D. et Boaretto E.
2013 – Ramparts instead of walls: Building techniques of kites in the Negev highland. Quaternary International 297 : 147-154.

Nadel D. G., Bar-Oz G., Malkinson D., Spivak P., Langgut D., Porat N., Khechoyan A., Nachmias A., Crater-Gershtein E., Katinaa A., Bermatov-Paz G., Nahapetyan S. et Gasparyan B.
2015 – New insights into desert kites in Armenia: The fringes of the Ararat Depression. Arabian Archaeology and Epigraphy 26,2 : 120-143.

Quenet P. et Chambrade M.-L.
2013 – Nouveaux kites en Jezireh syrienne. Studia Orontica 11 : 61-76.

Santiago F. C. et Salemme M. C.
2016 – Guanaco hunting strategies in the northern plains of Tierra del Fuego, Argentina. Journal of Anthropological Archaeology 43 : 110-127.

Sato H.
2012 –  Late Pleistocene trap-pit hunting in the Japanese Archipelago. QuaternaryInternational 248 : 43-55.

Skorupka M.
2010 – Les « desert kites » yéménites. Une relecture critique des données. Arabian Humanities 16 : 5-14.

Speth J. D.
2013 – Thoughts about hunting: Some things we know and some things we don’t know. QuaternaryInternational 297 : 176-185.

Storemyr P.
2011 – The ancient stone-built game traps at Gharb Aswan and beyond, Lower Nubia and Upper Egypt. Sahara 23 : 15-28.

Teixeira P.
1902 – The travels of Pedro Teixeira. Londres : Hakluyt Society.

Van Berg P.-L., Vander Linden M., Lemaitre S., Cauwe S. et Picalause V.
2004 – Desert kites of the Hemma Plateau. Paléorient 30,1 : 89-99.

Van der Walt J. et Lombard M.
2018 – Kite-like structures in the Nama Karoo of South Africa. Antiquity 92,363 : E3.

Yagodin V. N.
1991 – Strelovidnye planirovki Ustyurta (Arrow-shaped structures of Ustyurt). Tashkent: FAN Nashriati.

1998 – ’Arrow-shaped’ structures in the Aralo-Caspian steppe. In: Betts A. V. G.  (dir.), The Harra and the Hamad: Excavations and surveys in Eastern Jordan. Vol. 1 : 207-223. Sheffield : Sheffield Academic Press.

Zeder M. A., Bar-Oz G., Rufolo S. et Hole F.
2013 – New perspectives on the use of kites in mass-kills of Levantine gazelle: A view from northeastern Syria. Quaternary International 297 : 110-125.

Haut de page

Notes

1 Cet inventaire est consultable en ligne à l’adresse suivante : www.globalkites.fr.

2 Voir les contributions à paraître :
Abu-Azizeh W., Tarawneh M. B., Crassard R. et Sanchez-Priego J. A. (à paraître), Discovery and excavation of desert kites in the southeastern Badia of Jordan. In : Betts A. V. G. et van Pelt P. (dir.), The Gazelle’s Dream. Game drives of the Old and New Worlds. Sydney : University of Sydney Press.
Barge O., Brochier J. É., Chahoud J., Chataigner C., Régagnon E. et Crassard R. (à paraître). Hunting with kites in Armenia. In : Betts A. V. G. et Van Pelt P. (dir.), The Gazelle’s Dream. Game drives of the Old and New Worlds. Sydney : University of Sydney Press.
Crassard R., Abu-Azizeh W., Barge O., Brochier J. É. et Régagnon E. (soumis). Desert kites were hunting mega-traps, Journal of archaeological science.

3 Barge O. (à paraître). Les desert kites. In : Castel C., Barge O. et Awad N. (dir.), Des villes neuves aux franges du désert de Syrie à la fin du IIIe millénaire. Travaux de la mission archéologique franco-syrienne d’Al-Rawda 2002-2010. Lyon : MOM Éditions (Travaux de la Maison de l’Orient).

4 Bargeet al. (à paraître), supra note 2.

5 Voir Astashenkov A. (2011), Араны на Устюрте и в стране кипчаков (Arans sur l’Ustyurt et dans le pays Kipchak) [en russe]. Voir cette publication à l’adresse suivante : http://aralsk.su/viewtopic.php?f=8&t=1374&start=15.

6 Voir aussi Crassard et al. (soumis), supra note 2.

7 Abu-Azizehet al. (à paraître), supra note 2.

8 Boekle M. (2019). Desert kites in der Sahara? [en ligne : http://archaeologie.bemerkenswelt.de/SAHARA/Desert%20Kites.html].

9 Moore K. (2014). Traces of drive structures at Parque Nacional Volcán Isluga, Tarapacá, Chile. Poster présenté lors de la 12e conférence internationale de l’ICAZ, San Rafael (Argentine), 22-27 septembre 2014.

10 Voir aussi Crassard et al. (soumis), supra note 2.

11 Voir aussi Barge et al. (à paraître), supra note 2.

12 Voir aussi Abu-Azizeh et al. (à paraître), supra note 2.

Haut de page

Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Inventaire général des kites (au 31/12/2019)
Légende Nombre de structures identifiées par grandes régions avant 2014 et depuis
Crédits Carte O. Barge
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/paleorient/docannexe/image/407/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 386k
Titre Fig. 2 – Les desert kites dans leur aire de répartition et les constructions apparentées dont il est question dans cet article
Légende Ce type de représentation, sans déformer l’aire de répartition, permet de mieux percevoir les densités qu’une représentation classique par symboles identiques (un symbole par kite) où ces derniers se masquent les uns les autre dans les secteurs de forte densité. Les cercles proportionnels représentent le nombre de kites décomptés dans des mailles carrées de 20 km de côté
Crédits Carte O. Barge
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/paleorient/docannexe/image/407/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 746k
Titre Fig. 3 – Les formes d’enclos en triangles emboités des kites du Harrat Khaybar (Arabie Saoudite)
Crédits DAO O. Barge
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/paleorient/docannexe/image/407/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 147k
Titre Tabl. 1 – Caractères morphologiques d’un échantillon de kites pour cinq régions où ils ont été découverts récemment
Légende Moyenne (écart type) ou médiane (intervalle interquartile)
Crédits O. Barge
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/paleorient/docannexe/image/407/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 327k
Titre Fig. 4 – Comparaisons des variables morphométriques (box plots) des cinq ensembles
Légende Nord du Néfoud (ensemble 1), région d’Al-Ha’it (ensemble 2), banlieue sud de Damas (ensemble 3), Taurus oriental (ensemble 4) et haute Mésopotamie (ensemble 5)
Crédits DAO O. Barge
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/paleorient/docannexe/image/407/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 107k
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/paleorient/docannexe/image/407/img-6.png
Fichier image/png, 2,2k
Titre Fig. 5 – Cas de superposition kites – croissants et kites – anneaux sur le plateau d’Ustyurt.
Crédits Photos Bing Maps ; DAO O. Barge
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/paleorient/docannexe/image/407/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 934k
Titre Fig. 6 – Typologie des « pseudos-kites » dans le Harrat Khaybar et plus au sud
Légende Exemples : A-B : type a, C-D : type b, E-F = type c
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/paleorient/docannexe/image/407/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 599k
Titre Fig. 7  Exemples représentatifs des constructions dans la Hamada al-Hamra dans le désert libyen (A-E) et en haute Égypte (F-G)
Crédits DAO O. Barge
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/paleorient/docannexe/image/407/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 356k
Titre Fig. 8 – Exemples représentatifs dans la Tripolitaine
Crédits Photos Google Earth ; DAO O. Barge
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/paleorient/docannexe/image/407/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 242k
Titre Fig. 9  Les constructions du Sahara occidental, au Maroc (A-B) et au sud de l’Algérie (C-D).
Crédits DAO O. Barge
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/paleorient/docannexe/image/407/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 92k
Titre Fig. 10  Localisation et orientation des constructions à longs murs de l’Altiplano chilien
Crédits Carte O. Barge, fond vectoriel réalisé à partir de http://www.rulamahue.cl
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/paleorient/docannexe/image/407/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 796k
Titre Fig. 11 – Exemples de constructions à longs murs de l’Altiplano chilien
Crédits DAO O. Barge
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/paleorient/docannexe/image/407/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 387k
Titre Fig. 12 – Localisation des kites et des constructions à longs murs de la Libye au Kazakhstan : projection azimutale équidistante
Crédits Carte O. Barge
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/paleorient/docannexe/image/407/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 435k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Olivier Barge, Wael Abu-Azizeh, Jacques Élie Brochier, Rémy Crassard, Emmanuelle Régagnon et Camille Noûs, « Desert kites et constructions apparentées : découvertes récentes et mise à jour de l’extension géographique »Paléorient, 46 1-2 | 2020, 179-200.

Référence électronique

Olivier Barge, Wael Abu-Azizeh, Jacques Élie Brochier, Rémy Crassard, Emmanuelle Régagnon et Camille Noûs, « Desert kites et constructions apparentées : découvertes récentes et mise à jour de l’extension géographique »Paléorient [En ligne], 46 1-2 | 2020, mis en ligne le 01 décembre 2021, consulté le 25 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/paleorient/407 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/paleorient.407

Haut de page

Auteurs

Olivier Barge

CNRS, UMR 5133 Archéorient, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Antenne de Jalès, 07460 Berrias-et-Casteljau – France

Wael Abu-Azizeh

CNRS, Institut français du Proche-Orient – Territoires palestiniens, USR 3135, UMIFRE 6, Kenyon Institute, 15 Mount of Olives Road, Sheikh Jarrah, East Jerusalem – Territoires palestiniens

Articles du même auteur

Jacques Élie Brochier

CNRS, UMR 7269 LAMPEA, 5 rue Château de l’Horloge, 13090 Aix-en-Provence – France

Rémy Crassard

CNRS, USR 3141 Centre français d’archéologie et de sciences sociales, Diwan Khaz’al, Block 2, Street 10, Dasman, Koweït – Koweït

Articles du même auteur

Emmanuelle Régagnon

CNRS, UMR 5133 Archéorient, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Antenne de Jalès, 07460 Berrias-et-Casteljau – France

Camille Noûs

Laboratoire Cogitamus

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search