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Le cadre radiométrique de la séquence solutréo-badegoulienne du Cuzoul de Vers (Lot, France) : lecture critique et compléments

The radiometric framework of the Solutrean and Badegoulian sequence of Le Cuzoul-de-Vers (Lot, France): critical view and new data
Sylvain Ducasse, Jean-Marc Pétillon and Caroline Renard
p. 37-58
Translation(s):
The radiometric framework of the Solutrean and Badegoulian sequence of Le Cuzoul de Vers (Lot, France): critical view and new data [en]

Abstracts

The pluridisciplinary research carried at Le Cuzoul-de-Vers (Lot, France) over 15 years has been published in late 2012. This publication makes available the data acquired at the end of the 2000s on one of the most important Western European sites for the study of the Last Glacial Maximum (LGM) societies. From this point new interdisciplinary research projects have been built leading to several complements and/or extents. Among them, a reassessment of the radiometric framework due to new AMS 14C dates obtained with the collaboration of Lyon, Saclay and Oxford laboratories is presented here. Eleven new radiocarbon measurements resulting of the direct dating of Badegoulian antler waste products and Solutrean faunal remains whose stratigraphic position has been controlled allow us to specify and/or modify the results previously published. These data tend to confirm (1) the small chronological amplitude of the entire sequence, (2) the old age of the Badegoulian occupations, (3) the very short chronology of the Solutrean levels and (4) the transience of some occupation episodes whose radiometric individualization remains illusory. Led in parallel to an archeostratigraphic analysis in progress (inter-layers refitting), this preliminary work shows the necessity to precisely redefine the assemblages studied. As a collective work, this approach is part a wider program (Collective Research Program “SaM”) aiming at a better chronological seriation of the techno- and socio-economic changes documented in the early part of the LGM north of the Pyrenees. 

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Full text

Il nous est très agréable de remercier ici Jean Clottes et Jean-Pierre Giraud pour la confiance qu’ils nous ont accordée – et nous accordent encore – dans les différentes analyses et réévaluations entreprises autour du Cuzoul-de-Vers. Nous remercions également très chaleureusement Pierre Chalard pour son soutien et ses conseils ainsi que le Service Régional de l’Archéologie de Midi-Pyrénées à qui nous devons certaines des datations publiées ici (programme Artémis). Deux des onze mesures ont par ailleurs été financées grâce à une bourse de la Fondation des Treilles obtenue par l’un d’entre nous (JMP). Un très grand merci à Bernard Marty et Olivier Gaiffe qui nous ont facilité l’accès aux industries en bois de cervidé conservées au dépôt régional de Toulouse ainsi qu’à Jean-Christophe Castel pour son aide lors de la sélection des vestiges solutréens. Nous souhaitons également remercier François Lacrampe-Cuyaubère docteur ès Data DeskTM et Olivier Ferullo pour l’accès à certaines données de comparaison. L’obtention de ces données doit ensuite beaucoup à l’aide logistique de Laurent Brou (prêt des trépans) et Didier Galop (accueil dans les locaux du laboratoire GEODE et prêt de petit matériel) que nous remercierons vivement. Merci aux équipes de datation des laboratoires de Lyon (CDRC), de Saclay (CEA) et d’Oxford (ORAU). Toute notre reconnaissance, enfin, à Carolyn Barshay-Szmidt, à Emmanuel Discamps ainsi qu’aux deux relecteurs anonymes dont les commentaires critiques ont permis d’améliorer considérablement la qualité de cet article.

Introduction

1Découvert en 1982 et fouillé jusqu’en 1986 sous la direction de Jean Clottes et Jean-Pierre Giraud, l’abri du Cuzoul-de-Vers (Lot) se situe au pied d’une falaise calcaire exposée plein sud, en bordure de la RN 653 qui le sépare du Lot distant de près de 30 mètres du fond de l’abri. Exploité durant 5 ans dans le cadre d’une fouille de sauvetage programmée, ce gisement a livré un enregistrement sédimentaire couvrant tout ou partie de la première moitié du Dernier Maximum glaciaire (DMG ; sensu Mix, Bard, Schneider 2001, MARGO project 2009). Sur les plans archéologique et sédimentaire, cette stratigraphie de référence se compose de trois couches attribuées au Solutréen supérieur (c.31 à 29), lesquelles sont surmontées de 27 couches dont les équipements lithiques et osseux permettent un rattachement au Badegoulien, depuis ses toutes premières expressions (Badegoulien ancien : couches 27 à 22) jusqu’à sa phase dite « classique » du point de vue historiographique (Badegoulien récent à raclettes : couches 21 à 1 ; Clottes et Giraud 2012).

  • 3 Le terme « classique » est ici utilisé pour désigner la méthode de datation par comptage des bêta a (...)

2En fin d’année 2012 paraissait la monographie du gisement, fruit d’un travail pluridisciplinaire étalé sur près de 15 ans (Clottes et al. dir., 2012). L’abondance et la diversité des vestiges exhumés (industrie lithique, industrie osseuse, parure, faune et microfaune, art mobilier, colorants, restes humains, etc.) ont conduit à la mise en œuvre d’analyses spécialisées qui, planifiées à partir de la fin des années 1990, répondaient aux approches alors classiquement attendues (Clottes et Giraud 2012). En motivant parfois de véritables approches interdisciplinaires, la conjugaison de ces études et leur mise en perspective ont permis de jeter les bases de réflexions nouvelles sur la trajectoire socio-économique des sociétés connues dans la première moitié du DMG sur l’actuel territoire français (Ducasse et Renard 2012). Cela a également été l’occasion de porter un regard neuf et critique sur la documentation archéologique disponible, annonçant d’indispensables compléments d’analyses. Parmi ces compléments, la réévaluation du cadre archéo-stratigraphique semble incontournable compte tenu de la complexité du remplissage illustrée notamment par l’existence de raccords et remontages inter-couches réalisés à partir des industries lithiques (Ducasse 2010) et osseuses (Le Guillou 2012), de la distribution verticale de certains vestiges humains attribuables à un même individu (Henry-Gambier et Villotte 2012) ou des relations stratigraphiques parfois ambigües entretenues par différentes structures foyères (Fourment et Giraud 2012). Précision néanmoins que ces différents indices, bien loin de traduire d’importantes perturbations post-dépositionnelles, semblent avant tout exprimer la faible signification archéologique du découpage sédimentaire réalisé à la fouille (cf. infra pour les niveaux solutréens) et imposé tant par la nature du remplissage (fortes variations latérales et verticales des faciès sédimentologiques) que par les contraintes du terrain (Clottes et Giraud 1989). Les nouveaux repères radiométriques obtenus au début des années 2000 (14C par SMA : Oberlin et Valladas 2012) ont en outre considérablement modifié le cadre défini au cours des années 1980 (méthode classique3 : Clottes et Giraud 1989). Tout en vieillissant et resserrant la fourchette temporelle durant laquelle les groupes badegouliens sont venus occuper l’abri, ce renouvellement a introduit des recouvrements entre certaines phases culturelles et produit plusieurs inversions et/ou aberrations chronologiques.

  • 4 Très avancée pour ce qui concerne les niveaux solutréens (Fourment 2002 d’après les remontages réal (...)

3De fait, et conjointement à un travail de critique taphonomique essentiel mais chronophage4, une révision du cadre radiométrique aujourd’hui disponible s’est imposée. Les principaux objectifs de ce travail étaient de (1) tester la réalité du vieillissement/resserrement introduit par les datations par SMA, (2) tenter de mieux appréhender l’amplitude et la position chronologique de chacune des grandes phases d’occupation documentées (Solutréen supérieur/Badegoulien ancien/Badegoulien récent) et, ce faisant, (3) identifier plus précisément les moments de « passage » de l’une à l’autre et/ou les éventuels hiatus dans l’occupation du site. Toute préliminaire qu’elle soit, notre contribution vient donc prolonger les résultats obtenus dans le cadre de la monographie en en proposant une lecture critique nourrie de nouvelles mesures 14C. Ces mesures ont été réalisées à partir d’échantillons sélectionnés selon un protocole simple mais systématique qui renforce la valeur des résultats obtenus et permet une critique ultérieure de l’usage qui en est fait (cf. infra : déchets en bois de renne déterminés sur le plan technologique et caractéristiques sur le plan chrono-culturel pour le Badegoulien ; restes fauniques déterminés anatomiquement et/ou spécifiquement puis sélectionnés selon des critères de localisation strictement définis pour le Solutréen ; dans tous les cas : pièces cotées dont la position stratigraphique est contrôlée/contrôlable).

Archéoséquence versus datations 14C : problèmes et questions posés

4Les neuf campagnes de fouilles ont permis de suivre la stratigraphie du gisement sur plus de deux mètres d’épaisseur inégalement préservés (Clottes et Giraud 1989, 2012). La construction de la route qui longe le Lot ainsi que les aménagements postérieurs réalisés en vue d’améliorer la visibilité du trafic ont en effet tronqué la séquence à son sommet (p.e. couches 1 à 4 : seulement entre 2 et 10 m² préservés). Par ailleurs, certains des niveaux les plus profonds, dégagés sur de plus grandes superficies (p.e. couches 13 à 31 : généralement plus de 30 m² fouillés), sont en partie scellés par l’actuelle RN 653. Si l’ensemble des couches reconnues ne possède pas, de fait, la même valeur informative, le matériel qu’elles ont livré permet d’identifier des variations diachroniques dont le sens dépasse les éventuels problèmes de représentativité liés à ces différentes contraintes. Depuis les occupations humaines attribuables à la fin du Solutréen (op. cit. ; Renard 2008 et 2012) cette séquence exceptionnellement dilatée permet en effet d’observer la mise en place et l’évolution des nouvelles normes typo- et techno-économiques introduites par le Badegoulien au nord des Pyrénées. La mise en évidence d’une phase d’occupation contemporaine des premiers moments du Badegoulien fut l’un des attraits majeurs du gisement, le développement de cette phase au Cuzoul-de-Vers n’ayant pas d’égal à l’échelle ouest-européenne. Très vite, et à mesure que la fouille progressait, plusieurs datations ont été réalisées afin de préciser la position chronologique de chaque ensemble et permettre les comparaisons avec les rares stratigraphies comparables déjà datées à l’époque (Laugerie-Haute : Evin, Marien, Pachaudi 1976 ; Abri Fritsch : Evin, Marien, Pachaudi 1978).

Ce que dit la méthode classique

  • 5 La datation obtenue pour la couche 3 (Gif 6372 : 14560 ± 130 BP ; lots d’esquilles osseuses issues (...)

5Deux séries de dates furent réalisées par la méthode classique, l’une en 1984 (2 dates pour le Badegoulien récent, 1 date pour le Badegoulien ancien) et l’autre en 1985 (2 dates pour le Badegoulien récent, 1 date pour le Badegoulien ancien et 1 date pour le Solutréen supérieur découvert en 1984), toutes par le laboratoire de Gif-sur-Yvette (tabl. 1, n° 1 à 7 ; Delibrias et Guillier 1988). Compte tenu de la forte fragmentation des restes osseux et de leur faible teneur en collagène, les vestiges sélectionnés pour datation correspondaient à des lots d’esquilles (Oberlin et Valladas 2012). Couche 3 exceptée5, les résultats obtenus s’inscrivirent parfaitement dans le cadre radiométrique alors en cours de définition pour ces phases culturelles (fig. 1A). Bien plus précises que les mesures disponibles à Laugerie-Haute et à l’abri Fritsch, ces données trouvèrent plus tard un écho remarquable à travers la séquence de l’abri Casserole, gisement fouillé au début des années 1990 (Detrain et al. 1993 et 1994).

  • 6 La couche 31 n’étant « probablement que le tout début de l’ensemble 30 » (Clottes et Giraud 2012, p (...)

6Bien que très cohérentes dans leur succession, ces dates permettent avant tout de circonscrire l’amplitude chronologique globale des occupations humaines du Cuzoul-de-Vers ; elles ne fournissent théoriquement que des repères généraux, représentatifs de certains « morceaux choisis » de la stratigraphie (couches 5, 13, 20, 23/24 et 30, c’est-à-dire : sommet, cœur et base de la séquence du Badegoulien récent, sommet du Badegoulien ancien et base du Solutréen supérieur6). Après calibration, l’absence de recouvrement constaté entre Solutréen supérieur et Badegoulien ancien ainsi que le hiatus observé entre phases anciennes et récentes du Badegoulien (superposable à celui mis en évidence à Casserole : fig. 1A) ne peuvent donc être interprétés sur le plan archéologique : ces phénomènes de « regroupement », probablement accentués par les modalités d’échantillonnage (lots d’esquilles), résultent probablement bien plus de ces choix que d’une discontinuité réelle des occupations.

Figure 1 - Synthèse graphique de l’ensemble des datations réalisées entre 1984 et 2001 au Cuzoul-de-Vers (d’après Clottes et Giraud 1989 ; Oberlin et Valladas 2012). A : datations classiques des niveaux 3, 5, 13, 20 (Badegoulien récent), 23, 24 (Badegoulien ancien) et 30 (Solutréen supérieur) comparées aux données acquises par la méthode classique à l’abri Casserole (Detrain et al. 1993), à l’abri Fritsch et à Laugerie Haute (Evin et al. 1976 et 1978). B : Discordances entre dates classiques (à gauche) et dates par SMA (à droite) obtenues au Cuzoul-de-Vers.

Figure 1 - Synthèse graphique de l’ensemble des datations réalisées entre 1984 et 2001 au Cuzoul-de-Vers (d’après Clottes et Giraud 1989 ; Oberlin et Valladas 2012). A : datations classiques des niveaux 3, 5, 13, 20 (Badegoulien récent), 23, 24 (Badegoulien ancien) et 30 (Solutréen supérieur) comparées aux données acquises par la méthode classique à l’abri Casserole (Detrain et al. 1993), à l’abri Fritsch et à Laugerie Haute (Evin et al. 1976 et 1978). B : Discordances entre dates classiques (à gauche) et dates par SMA (à droite) obtenues au Cuzoul-de-Vers.

Ce qu’ont changé les datations par SMA

  • 7 Précisons par ailleurs que la plus grande part des couches non datées correspond soit à des ensembl (...)

7À la fin des années 1990, la mise en route du projet de publication fut l’occasion de compléter ces données et d’affiner la temporalité des différentes phases d’occupation du site. Treize mesures supplémentaires furent ainsi réalisées, portant à 18 le nombre de couches datées (tabl. 1, n° 8 à 20 : 13 dates pour 11 couches). In fine, en cumulant les différentes séries de dates obtenues entre le milieu des années 1980 et le début des années 2000 (Oberlin et Valladas 2012), le corpus disponible couvre une bonne part de la séquence puisqu’il concerne près de la moitié des niveaux attribués au Badegoulien récent (9 couches sur 217) et la totalité de ceux rapportés au Solutréen supérieur et au Badegoulien ancien (couches 22 à 31). Bénéficiant des développements techniques liés à la spectrométrie de masse par accélérateur (SMA : Valladas et al. 2001), ces nouvelles mesures résultent théoriquement de stratégies d’échantillonnage plus précises (1 date = 1 seul et même vestige ; pas de dates « moyennées ») et, par voie de conséquence, garantissent une meilleure précision des résultats obtenus. Les échantillons datés correspondent à des diaphyses d’ongulés de taille moyenne (non déterminées, rapportables au renne ou au bouquetin) sélectionnées par Jean-Christophe Castel au terme de l’analyse archéozoologique (Castel 1999, 2003 et 2010). Deux échantillons ont été confiés au laboratoire de Gif-sur-Yvette, déjà en charge des premières séries de dates (tabl. 1 : couches 27 et 31). Le laboratoire de Lyon, assurant la préparation des 11 autres pièces à dater (traitements de purification et de décontamination), a de son côté transmis les prélèvements aux laboratoires d’Oxford (9 cas) et de Poznan (2 cas) afin que les mesures y soient réalisées.

8Les résultats obtenus ont introduit plusieurs divergences avec les dates déjà disponibles (fig. 1B). La plus évidente concerne le vieillissement du cadre radiométrique : tandis qu’à deux sigmas, et une fois les dates calibrées, le terme des occupations badegouliennes pouvait être fixé vers 19 ka cal BP par la méthode classique (couche 5 : 15980 ± 150 BP, soit 19640-18910 cal. BP), les dates par SMA situent cette même limite autour de 21,5 ka cal. BP (couche 6 : 18180 ± 170 BP, soit 22417-21614 cal. BP). En outre, ces données réduisent considérablement la fourchette chronologique dans laquelle se placent les occupations du Cuzoul-de-Vers, son amplitude variant de 5000 ans (14C classique : de 24 à 19 ka BP) à 3500 ans (14C par SMA : de 25 à 21,5 ka BP). Enfin, ce double effet de vieillissement/resserrement est complété par une disparition des hiatus induits par les deux premières séries de dates (fig. 1B, à gauche). Probablement plus conforme au rythme réel auquel les occupations se sont succédé, cette « réorganisation » s’accompagne néanmoins de nets recouvrements entre les différentes phases chrono-culturelles (p.e. distinction impossible entre Solutréen supérieur et Badegoulien ancien : fig. 1B, à droite ; Oberlin et Valladas 2012, p. 80) ainsi que de plusieurs inversions qui, pour certaines, demeurent problématiques même une fois les mesures calibrées (p.e. couches 11 et 16).

Tableau 1 – Bilan des datations classiques (n° 1 à 7) et SMA (n° 8 à 20) réalisées entre 1984 et 2001 (d’après Clottes et Giraud 1989 ; Oberlin et Valladas 2012). OTM = Ongulé de Taille Moyenne. Les informations de localisation des échantillons datés par SMA nous ont été communiquées par J.-C. Castel. L’ensemble des calibrations a été réalisé avec l’aide du logiciel OxCal (v4.2.3 : Bronk Ramsey 2013) utilisant la courbe de calibration IntCal13 (Reimer et al. 2013).

Tableau 1 – Bilan des datations classiques (n° 1 à 7) et SMA (n° 8 à 20) réalisées entre 1984 et 2001 (d’après Clottes et Giraud 1989 ; Oberlin et Valladas 2012). OTM = Ongulé de Taille Moyenne. Les informations de localisation des échantillons datés par SMA nous ont été communiquées par J.-C. Castel. L’ensemble des calibrations a été réalisé avec l’aide du logiciel OxCal (v4.2.3 : Bronk Ramsey 2013) utilisant la courbe de calibration IntCal13 (Reimer et al. 2013).

Dates classiques versus 14C par SMA : pour un usage disjoint

  • 8 Pour comparaison, la base de la couche 5 est datée entre 19,5 et 18,8 ka cal. BP en 14C classique t (...)

9Le phénomène de resserrement des dates est donc en partie dû à la conjonction du vieillissement de l’ensemble des dates badegouliennes et de la relative stabilité des données radiométriques obtenues pour le Solutréen supérieur (entre 23,9 et 22,8 ka cal. BP en 14C classique et entre 24,6 et 23 ka cal. BP en 14C par SMA8). S’il n’est donc pas systématique, le décalage chronologique observé entre les séries de dates classiques et par SMA – qui s’effectue toujours dans le sens d’un vieillissement – pose une nouvelle fois le problème de leur comparabilité (Bryant et al. 2001 ; Geneste 2002, p. 31 ; d’Errico, Sanchez Goni, Vanhaeren 2006 : figure 5, p. 274). En théorie, ce décalage est expliqué par l’amélioration (1) des stratégies d’échantillonnage et (2) des techniques et modalités de traitement des échantillons à dater. Pour ce qui concerne le Badegoulien et ses marges chronologiques, plusieurs réévaluations récentes permettent d’illustrer la récurrence d’un tel décalage, récurrence qui doit nous interroger sur le bien-fondé de l’utilisation conjointe, sans distinction et sans discussion, des résultats issus de ces deux types de mesures (p.e. pour le Magdalénien inférieur de l’abri Gandil : Ladier 2000, p. 197-198 ; Langlais 2010 ; pour le Badegoulien du site de plein air de Lassac : Pétillon et Ducasse 2012 ; Sacchi, Brulé, Ducasse à paraître). Tenant compte de ces éléments techniques et méthodologiques ainsi que de la répétition du phénomène pour le DMG ouest-européen, nous avons pris le parti de privilégier les dates par SMA dont le corpus ne cesse par ailleurs de croître pour cet espace-temps (p.e. Chauvière et al. 2008 ; Debout et al. 2012 ; Ducasse et al. 2011 ; Ducasse et Renard dir. 2014 ; Hinguant et Biard 2013 ; Primault et al. 2007 ; Roque et al. 2001).

Quelle comparabilité entre laboratoires ?

  • 9 Le cas de mesures 14C divergentes pour un même objet daté dans deux laboratoires différents est con (...)

10La question de la comparabilité des résultats 14C obtenus dans des laboratoires différents est parfois posée9, et ce dans la mesure où cette différence est implicitement reliée à une variabilité potentielle des pratiques (nature des prétraitements, utilisation d’échantillons étalon différents, etc. ; voir par exemple Scott 2003, Scott, Cook, Naysmith 2007 et 2010a et b). À l’échelle des mesures par SMA réalisées au Cuzoul-de-Vers dans le cadre de la monographie (fig. 1B, à droite), cette question semble à première vue légitime : la datation des couches 6 et 11 montre par exemple une discordance manifeste entre les résultats obtenus à Poznan (plus récents) et Oxford (plus anciens) tandis que les dates réalisées au laboratoire de Gif-sur-Yvette ont donné (1) la date la plus ancienne pour le Solutréen supérieur (couche 31) alors même que les analyses techno-économiques et taphonomiques montrent toute la cohérence de l’ensemble c.29-30-31 (Renard 2012 ; Fourment et Giraud 2012 et infra) et (2) l’une des dates badegouliennes les plus anciennes (couche 27 : 20230 ± 140 BP, soit 25081-23776 cal. BP), qui plus est superposable à celle de la couche 31 (20110 ± 180 BP, soit 24655-23689 cal. BP) et antérieure à celle de la couche 29 réalisée à Oxford (19510 ± 110 BP, soit 23836-23124cal. BP).

  • 10 Comme le rappellent les auteurs (Oberlin et Valladas 2012, p. 83), ces lots étaient originellement (...)

11En réalité, plusieurs éléments permettent, dans chaque cas, d’écarter l’idée d’un problème de comparabilité entre laboratoires. En premier lieu, les deux dates obtenues à Poznan (couches 6 et 11) doivent selon nous être considérées avec prudence – voire clairement écartées – compte tenu de la nature des échantillons datés qui correspondent à des lots de diaphyses (Oberlin et Valladas 2012, p. 79)10. Ainsi, la plus faible précision des résultats obtenus et l’effet de rajeunissement par comparaison avec les données acquises à Oxford (notamment pour la couche 6) pourraient s’expliquer d’un point de vue méthodologique, les deux mesures réalisées par le laboratoire de Poznan renvoyant, comme les premières dates classiques, à des âges moyennés. Ensuite, si le résultat obtenu par Gif-sur-Yvette pour la couche 27 semble aberrant, le même constat peut-être formulé au sujet de la couche 26 (voire 25) dont la datation est due au laboratoire d’Oxford, et ce à partir du même type de vestige osseux récolté, qui plus est, dans une zone similaire (tabl. 1 : carrés C4 et C5). Dans ce cas, le vieillissement des résultats (par ailleurs peu précis : écarts-types situés entre ± 240 et ± 310) pourrait renvoyer à des perturbations stratigraphiques dont la nature et l’ampleur restent à définir. Enfin, avant de conclure à l’imprécision de la date obtenue par le laboratoire de Gif-sur-Yvette pour la couche 31 (suggéré in Ducasse et Renard 2012, p. 461), il convient de garder à l’esprit que le très faible recouvrement entre ce résultat et la mesure obtenue pour la couche 29 pourrait témoigner d’un épisode d’occupation distinct : l’existence d’un niveau sous-jacent, dont la base se caractérisait par un sol « marqué par de tout petits os brûlés et quelques rares galets et éclats, trahissant un passage rapide, à une époque indéterminée, contemporaine du Solutréen ou antérieure » (couche 32 : Clottes et Giraud 2012, p. 27), ne doit pas être négligée. Tant que cette possibilité n’aura pas été écartée – et dans l’impossibilité de situer le vestige daté avec précision –, il nous semble difficile de prendre définitivement position.

Quid des inversions de date ?

  • 11 La date obtenue pour la couche 25, bien que très imprécise, ne peut être considérée comme aberrante (...)

12Une fois les deux dates réalisées à Poznan exclues, l’une des différences les plus marquantes entre datations classiques et par SMA concerne l’apparition de mesures aberrantes à l’origine de plusieurs inversions par rapport à l’ordre de la succession stratigraphique (fig. 1B, à droite). Tandis que l’usage de la méthode classique aurait tendance à atténuer d’éventuels problèmes taphonomiques (cf. supra : dates « moyennées »), l’emploi de la méthode par SMA tend à favoriser leur mise en évidence (1 date = 1 vestige). Les couches badegouliennes 11, 16, 26 et 27 ont ainsi livré des résultats incohérents qu’une calibration à 2 sigmas ne permet pas de pondérer11. Toutes situées entre 24,5 et 23,5 ka cal. BP, soit dans le même intervalle que la date la plus ancienne obtenue pour le Solutréen supérieur, ces mesures se singularisent également par des écarts-types très élevés, compris entre ± 190 et ± 310 (contre ± 100 à ± 120 pour les autres mesures, hors Poznan : tabl. 1). S’il reste là encore difficile de statuer sur la signification de ces incohérences en l’absence d’une analyse archéo-stratigraphique de l’ensemble de la séquence, il convient de signaler (1) que l’amplitude totale de l’intervalle c11-c17 variait par endroits de 16 à 22 cm (en CD2-3 : Fourment et Giraud 2012, p. 456), (2) que le vestige daté en couche 16 se situait dans un « véritable foyer en cuvette » dégagé en CD2-3 (Ibid.) et (3) que les industries lithiques des couches 11, 16 et 27 renferment chacune 1 à 2 pièces à retouche solutréenne dont les états de surface ne témoignent pas de reprises ultérieures (Ducasse 2010, p. 34 et 197).

13L’amorce récente d’un tel travail de réévaluation, mené par deux d’entre nous (CR et SD) autour des couches 31 à 29, 28 et 27, permet d’ores et déjà de montrer que s’ils existent (fig. 2 : 2 liens démontrés entre la c27 et la c29), les remontages inter-couches reliant l’ensemble solutréen aux premiers niveaux badegouliens restent extrêmement rares et ne traduisent probablement que l’existence de perturbations localisées et de faible ampleur, voire sont simplement liés aux difficultés de lecture stratigraphique (Clottes et Giraud 2012, p. 27). Dans la même perspective, le statut de la couche 28, située à l’interface entre Solutréen supérieur et Badegoulien ancien, devait être rediscuté. Présente sur la quasi-totalité de la zone fouillée, décrite comme « (…) presque stérile, comme si l’abri avait été délaissé pendant quelque temps après le passage des Solutréens » (Clottes et Giraud 1989, p. 87), cette couche renferme des vestiges dont la projection stratigraphique montre la double appartenance : parfois nettement distincts des premières pièces cotées solutréennes mais en contact direct avec la nappe de vestiges de la couche 27 (i.e. Badegoulien ancien), parfois intercalés entre les couches 27 et 29 (i.e. Solutréen supérieur, cf. infra fig. 7B). Les tentatives de raccords et remontages entre ces trois couches sont venues confirmer le caractère « mixte » de la c.28, puisqu’au-delà de la présence conjointe de quelques fragments de pièces à retouches plates et couvrantes et de plusieurs éclats de bois de renne identiques aux déchets techniques badegouliens présentés en figure 3 (n° 2 à 6 ; Pétillon et Averbouh 2012), des liens physiques ont pu être clairement établis (fig. 2), entre les couches 27 et 28 d’une part (4 cas), et entre les couches 28 et 29 de l’autre (1 cas). Dans chaque cas plusieurs appariements (rapprochements litho-technologiques) ont également été documentés, renforçant l’hypothèse d’un assemblage « factice », fruit de l’association d’éléments chrono-culturellement distincts.

14L’intensification de la recherche systématique de raccords et remontages inter-couches et son extension aux niveaux concernés les plus récents (cas des couches 11 et 15/16) constituera l’un des principaux objectifs des analyses à venir.

Une nouvelle série de dates par SMA

15À un cadre radiométrique cohérent et en très bonne résonnance avec les données jusqu’alors disponibles (14C classique : Bosselin et Djindjian 1988), succède donc aujourd’hui un cadre vieilli, resserré (entre 24,5 et 22 ka cal. BP une fois retranchées les dates de Poznan) et bien moins cohérent, sans équivalent publié sur le plan régional comme interrégional.

16En 2011, dans le prolongement d’un travail mené autour de la diversité et de l’évolution des modalités de production de l’équipement badegoulien en bois de renne (Pétillon et Averbouh 2012 ; Pétillon et Sacchi à paraître), deux d’entre nous (JMP et SD) ont tenté la réalisation de plusieurs datations directes sur déchets de débitage, cela dans l’objectif de rediscuter de certaines associations technologiques (débitage par percussion versus double rainurage : Pétillon et Ducasse 2012). Parallèlement à la réévaluation de contextes ambigus (p.e. Lassac : Sacchi 2003 ; Reverdit : Bourdier et al. 2014 ; Les Harpons : Ducasse et Renard dir. 2013, p. 57-63), la constitution d’un référentiel de dates par SMA sur déchets techniques caractéristiques issus de contextes archéostratigraphiques fiables a pu être entamée. Dans ce cadre, les industries badegouliennes du Cuzoul-de-Vers ont été mises à contribution afin d’obtenir de nouveaux jalons chronologiques pour le débitage par percussion dont elles représentent l’un des exemples les mieux documentés à ce jour (Pétillon et Averbouh 2012). Initialement limitée à deux mesures 14C confiées au laboratoire d’Oxford avec la volonté d’en publier les résultats rapidement (Pétillon et Ducasse 2012 : tableau 5, p 158), cette campagne de datation a finalement pu être étendue à sept mesures grâce à l’octroi de cinq dates supplémentaires via le programme ARTEMIS 2011. Enfin, dans le cadre du PCR SaM et de l’exercice 2012 d’ARTEMIS, quatre vestiges issus des couches 29 à 31 ont été soumis à datation dans le but de rediscuter de la diachronie des occupations solutréennes mais également d’obtenir des données de comparaison de « qualité » (cf. stratégie d’échantillonnage) égale à celles du Badegoulien (Ducasse et Renard 2014). Cette extension a donc été l’occasion de faire converger une question thématique liée à l’équipement osseux badegoulien et la réévaluation devenue nécessaire du cadre radiométrique de cette séquence de référence pour le DMG ouest-européen.

Figure 2 – Position stratigraphique des différentes mesures réalisées entre 2011 et 2013 (1 cercle rouge = 1 date) et rappel des liens typologiques et stratigraphiques mis en évidence au fil de la séquence (d’après Ducasse et Renard 2012, modifié).

Figure 2 – Position stratigraphique des différentes mesures réalisées entre 2011 et 2013 (1 cercle rouge = 1 date) et rappel des liens typologiques et stratigraphiques mis en évidence au fil de la séquence (d’après Ducasse et Renard 2012, modifié).

Tableau 2 – Résultats des datations SMA réalisées entre 2011 et 2013 (BdR = Bois de renne). L’ensemble des calibrations a été réalisé avec l’aide du logiciel OxCal (v4.2.3 : Bronk Ramsey 2013) utilisant la courbe de calibration IntCal13 (Reimer et al. 2013).

Tableau 2 – Résultats des datations SMA réalisées entre 2011 et 2013 (BdR = Bois de renne). L’ensemble des calibrations a été réalisé avec l’aide du logiciel OxCal (v4.2.3 : Bronk Ramsey 2013) utilisant la courbe de calibration IntCal13 (Reimer et al. 2013).

Stratégies d’échantillonnage

  • 12 Dans la mesure où le travail de critique taphonomique de la séquence badegoulienne n’est pas achevé (...)

17Pour le Badegoulien, six pièces techniques ont ainsi été sélectionnées en juin 2011 pour un total de sept prélèvements confiés aux laboratoires d’Oxford (fig. 3, n° 1 et 2) et de Lyon (datation à Saclay ; n° 1 et n° 3 à 6). Quatre de ces pièces correspondent à des éclats de percussion liés au « façonnage » de la perche (n° 2 à 5), les deux pièces restantes regroupant une base de bois de chute sectionnée transversalement et portant un négatif d’éclat (n° 1) ainsi qu’une « bande » de tissu compact interprété comme un support potentiel (n° 6 ; Pétillon et Averbouh 2012, p. 380). Les questions alors posées dans le cadre de l’analyse des productions en bois de renne étant essentiellement centrées autour de la transition badegoulo-magdalénienne (Pétillon et Ducasse 2012), les deux échantillons destinés au laboratoire d’Oxford ont été sélectionnés parmi les assemblages attribués au Badegoulien récent (tabl. 2). Outre l’exigence de ne choisir que des vestiges cotés, les seules véritables contraintes ont concerné leur état de surface mais aussi leurs dimensions et robustesse afin que les pièces soient les plus adaptées aux modalités de prélèvement décrites ci-après. Ce choix s’est opéré au sein des couches 6 et 15 constituant deux des niveaux les plus denses en bois de renne (Pétillon et Averbouh 2012, p. 365). Ensuite, bien qu’elle ait eu lieu au même moment et ait concerné le même type de pièces, la sélection des vestiges à dater dans le cadre du programme ARTEMIS a suivi une logique propre et complémentaire. La partie supérieure de la séquence étant prise en charge par Oxford, il s’agissait d’échantillonner (1) la base de la séquence du Badegoulien récent marquée par la présence de pointes à cran à retouches abruptes originales (couches 16 à 21) et (2) le Badegoulien ancien (couches 22 à 27), rare à l’échelle du sud-ouest français et jusqu’ici très mal caractérisé sur le plan radiométrique (cf. supra). C’est donc en tenant compte de la représentativité de chaque ensemble, des liens typologiques et/ou physiques établis entre eux (fig. 2 ; Ducasse et Renard 2012 : figure 1, p. 464)12, ainsi que de la présence en leur sein de déchets caractéristiques datables et cotés, que les couches 19, 21, 23 et 27 ont été préalablement choisies. Enfin, pour tester – et renforcer (cf. supra) – la fiabilité d’un cadre radiométrique alimenté par plusieurs laboratoires distincts, la base de bois de renne issue de la couche 6 a fait l’objet d’un second prélèvement pris en charge par les laboratoires de Lyon/Saclay.

18L’informatisation des bordereaux de fouille n’ayant pas été entamée au moment de ce travail, la sélection n’a pu être appuyée par une projection systématique de chaque vestige. Elle a néanmoins été dans quelques cas menée en recherchant leur proximité planimétrique et altimétrique avec certains objets lithiques particuliers, comme c’est notamment le cas de l’éclat de percussion issu de la couche 21, situé à proximité directe d’un fragment de pointe à cran badegoulienne (fig. 3, n° 5 ; J4 c.21c n° 1504 : la « tranche » stratigraphique choisie en fig. 6A ne permet cependant pas d’illustrer cette relation spatiale). Quoi qu’il en soit, la projection de l’ensemble des pièces concernées a été rendue possible a posteriori par le « cahier des charges » suivi lors de la sélection (fig. 6 et 7). Si elle ne manquera pas d’alimenter le travail archéostratigraphique d’ores et déjà planifié (cf. supra), l’étape de retour sur les carnets nous a au demeurant permis de corriger l’origine stratigraphique de l’une des pièces datées : la bande corticale sélectionnée en couche 23 d’après son marquage (fig. 3, n° 4) s’est avérée, au regard des informations issues des bordereaux, appartenir à la couche 22. Bien que cette réattribution n’ait, théoriquement, qu’un faible impact sur la stratégie de datation mise en œuvre (il s’agit dans les deux cas d’un ensemble attribué au Badegoulien ancien), notons que la couche 22 avait été volontairement écartée du processus de sélection compte-tenu de sa position intermédiaire entre Badegoulien ancien et récent mais aussi de la présence de quelques raclettes qui, sur le plan spatial, sont nettement associées aux « nappes » de raclettes documentées en couches 20 et 21 (fig. 2 ; Ducasse 2010, p. 230). Nous verrons que ces éléments de discussion éclairent efficacement l’interprétation que l’on peut actuellement faire du résultat 14C obtenu à partir de cet échantillon (cf. infra).

  • 13 Signalons néanmoins que des éclats de bois de renne existent bel et bien en contexte solutréen mais (...)

19In fine, précisons que la spécificité de cette sélection tient au fait qu’elle ne permet théoriquement pas de répondre à des questions d’ordre taphonomique dont, notamment, le problème posé par les mesures d’âge solutréen obtenues en couches 11 et 16 par exemple. En effet, le choix de ne dater que des vestiges techniques liés au débitage du bois de renne par percussion revient, au Cuzoul-de-Vers, à dater les occupations badegouliennes dans la mesure où la méthode de production qui génère ce type de déchet n’a pas été documentée dans les niveaux solutréens (par ailleurs déficitaires en bois de cervidé travaillés : Pétillon et Averbouh 2012)13.

20Ainsi, devant l’extrême rareté de l’industrie osseuse solutréenne, par ailleurs peu caractéristique (Le Guillou 2012 ; Pétillon et Averbouh 2012), notre choix s’est dans ce cas portée sur des vestiges fauniques issus de chacune des trois couches. Effective en début d’année 2013, cette sélection a pu bénéficier, au contraire des niveaux badegouliens, d’une projection stratigraphique systématique de chaque vestige préalablement sélectionné, ceci dans le but premier de tester l’hypothèse selon laquelle les trois couches individualisées lors des travaux de terrain pourraient en réalité composer un ensemble unique et cohérent (Renard 2012) où se distingueraient des « zones d’activité » spécifiques à l’est et à l’ouest du gisement. Fondée sur des bases typologiques et techno-économiques, sur l’interprétation des différents raccords et remontages effectués (cf. fig. 2) mais également sur des distributions spatiales « complémentaires » (Fourment et Giraud 2012, p. 409), cette hypothèse est nuancée par des données 14C contradictoires (cf. supra). C’est donc avec la collaboration de Jean-Christophe Castel que quatre vestiges osseux coordonnés (fig. 4A) ont été sélectionnés pour datation, et ce en fonction de leur position au regard de la répartition spatiale de chacune des couches (fig. 4B). Tandis qu’un métatarsien de renne (fig. 4A, n° 1) a été choisi en couche 29 - couche qui se développe essentiellement à l’est de l’abri -, deux vestiges (n° 2 et 3) l’ont été en couche 30 qui, quant à elle, correspond à deux concentrations disjointes corrélées à deux foyers, l’un situé à l’ouest de l’abri, l’autre à l’est. De fait, les deux pièces sélectionnées proviennent respectivement de l’une et l’autre de ces concentrations (fig. 4B ; un tibia de renne en couche 30-est ainsi qu’un fragment de diaphyse d’ongulé de taille moyenne en couche 30-ouest). Enfin, le quatrième et dernier objet concerné (n° 4 : diaphyse d’ongulé de taille moyenne) provient de la base de la couche 31, couche localisé à l’est de l’abri et interprétée comme le prolongement du foyer présent dans cette zone en couche 30 (cf. note 6).

Figure 3 – Nature et position stratigraphique des pièces sélectionnées au sein de la séquence badegoulienne pour datation SMA (n° 1 : base de bois de chute présentant les stigmates d’un débitage par percussion lancée diffuse, n° 2 à 5 : éclats de percussion, n° 6 : « bande » corticale interprétée comme un support potentiel). Les surfaces délimitées par les rectangles blancs indiquent les zones prélevées ; remarquer la série de micro-forages visible sur la pièce n° 6.

Figure 3 – Nature et position stratigraphique des pièces sélectionnées au sein de la séquence badegoulienne pour datation SMA (n° 1 : base de bois de chute présentant les stigmates d’un débitage par percussion lancée diffuse, n° 2 à 5 : éclats de percussion, n° 6 : « bande » corticale interprétée comme un support potentiel). Les surfaces délimitées par les rectangles blancs indiquent les zones prélevées ; remarquer la série de micro-forages visible sur la pièce n° 6.

Modalités de prélèvement

21Si la nature des pièces sélectionnées dans les trois couches solutréennes ne présentait pas de contraintes majeures en termes de conservation (i.e. vestiges fauniques peu « sensibles », prélèvements directement réalisés par le laboratoire de Lyon), il en est allé tout autrement des éléments badegouliens pour lesquels il convenait de limiter au maximum les destructions inhérentes aux prélèvements. De fait, et bien que le statut patrimonial de ces pièces (i.e. déchets de débitage en bois de renne) se distingue de celui d’éventuels objets finis parfois sélectionnés pour datation (par ex. Aujoulat et al. 1998 ; Barandiaran 1988 ; Chauvière et al. 2006 ; Pétillon et al. sous presse ; Szmidt et al. 2009 ; Tisnerat-Laborde, Valladas, Ladier 1997), les modalités de prélèvement mises en œuvre ont dans la mesure du possible consisté à préserver l’intégrité morphologique, dimensionnelle et technologique de chaque vestige (fig. 3). Cette condition sine qua non est respectée afin de permettre un réexamen technologique de ces pièces et, ainsi, nourrir une éventuelle critique des résultats et interprétations présentés ici (voire d’effectuer des contre-expertises radiométriques à partir des mêmes pièces).

22Un protocole spécifique de prélèvement avant soumission au laboratoire a donc été mis en place, directement inspiré du procédé développé par Laurent Brou (Brou 2006 ; Ducasse et Renard dir. 2013, p. 32-34 avec quelques adaptations). Après prise d’informations morphométriques et technologiques puis couverture photographique, chaque pièce a été soumise à la même suite d’opérations : (1) sélection de la zone la mieux adaptée (i.e. bonne épaisseur de tissu compact, zone non fissurée pour éviter une fragmentation de l’objet, absence de stigmates techniques lisibles) ; (2) nettoyage de la zone choisie par abrasion de la couche externe de l’objet, potentiellement contaminée (outil utilisé : foret à bois de 3 mm de diamètre monté sur une mini-perceuse à main) ; (3) prélèvement de la matière à dater par micro-forages successifs (p.e. fig. 3, n° 6) afin d’obtenir plusieurs échantillons solides dont la masse cumulée atteint entre 450 et 1040 mg selon les pièces (outils utilisés : trépan de 7 mm de diamètre, balance de précision). Ces trois étapes ont été répétées pour chacune des pièces, les forets et trépans ayant été nettoyés par immersion dans un bac à ultrason entre chaque série de prélèvements afin d’éviter d’éventuelles pollutions inter-échantillons. Les sept échantillons ainsi obtenus ont été stockés dans des tubes Eppendorf stériles et confiés sous cette forme aux laboratoires dateurs.

Résultats et discussion

  • 14 Remarquons qu’elle renvoie à la mesure incohérente obtenue en couche 16 lors de la première série p (...)

23L’ensemble des prélèvements soumis a donné lieu à datation. Les 11 résultats (tabl. 2 et fig. 5A) montrent un même niveau de précision, les écarts-types étant compris entre ± 100 et ± 110, et ce quel que soit le laboratoire concerné. Une fois calibrées, les mesures forment un ensemble relativement cohérent en comparaison des données acquises en 2001 (fig. 1B, à droite), à l’exception des échantillons issus des couches 15 – qui livre un âge aberrant dont la cause ne peut être à ce stade clairement identifiée (fig. 6D)14 – et 30-est, cas sur lequel nous reviendrons. Pour le Badegoulien, cette bonne cohérence résulte en partie de la mise en œuvre d’une stratégie d’échantillonnage étrangère aux questions d’ordre taphonomique (pour lesquelles cette démarche reste, dans le cas présenté ici, peu efficiente, cf. supra) mais adaptée aux objectifs et questions posés préalablement. Elle transcende par ailleurs la double origine des mesures (tabl. 2 : Oxford N =2 ; Lyon/Saclay N =5) puisque les datations réalisées par chacun des deux laboratoires à partir d’échantillons issus du même vestige (cf. supra : couche 6) ont donné des résultats strictement équivalents (fig. 5A : 18620 ± 100 BP et 18660 ± 100 BP). Ces deux mesures, tout comme la nouvelle date obtenue pour la couche 29 (19410 ± 100 BP), sont à peu de choses près identiques aux résultats obtenus pour les mêmes ensembles en 2001 via le laboratoire d’Oxford (tabl. 1, n° 8 : 18730 ± 110 BP, n° 19 : 19510 ± 110 BP). Ce premier élément offre la garantie d’un excellent niveau de comparabilité qui permet d’exclure le facteur « laboratoire » des discussions menées autour de cette nouvelle série de dates, et ce tout en autorisant leur intégration au corpus SMA déjà disponible.

Figure 4 - Nature et localisation des pièces sélectionnées au sein de la séquence solutréenne pour datation SMA (n° 1 : métatarsien de renne ; n° 2 : extrémité distale de tibia de renne brûlée ; n° 3 : fragment distal de diaphyse d’un jeune ongulé de taille moyenne ; n° 4 : fragment de diaphyse d’ongulé de taille moyenne ; n° 2 à 4 : clichés J.-C. Castel).

Figure 4 - Nature et localisation des pièces sélectionnées au sein de la séquence solutréenne pour datation SMA (n° 1 : métatarsien de renne ; n° 2 : extrémité distale de tibia de renne brûlée ; n° 3 : fragment distal de diaphyse d’un jeune ongulé de taille moyenne ; n° 4 : fragment de diaphyse d’ongulé de taille moyenne ; n° 2 à 4 : clichés J.-C. Castel).

Figure 5 – Résultats de la campagne de datation SMA 2011-2013. A : Bilan des 11 nouvelles dates calibrées. Notez la similarité des mesures obtenues à Oxford et Lyon/Saclay à partir de deux échantillons prélevés sur le même vestige (couche 6). B : Sélection de dates 14C (SMA) obtenues pour le Badegoulien à raclettes français (d’après Debout et al. 2012 ; Pétillon et Ducasse 2012 ; Primault et al. 2007) ainsi que pour les industries à affinités badegouliennes d’Europe centrale (d’après Terberger 2013).

Figure 5 – Résultats de la campagne de datation SMA 2011-2013. A : Bilan des 11 nouvelles dates calibrées. Notez la similarité des mesures obtenues à Oxford et Lyon/Saclay à partir de deux échantillons prélevés sur le même vestige (couche 6). B : Sélection de dates 14C (SMA) obtenues pour le Badegoulien à raclettes français (d’après Debout et al. 2012 ; Pétillon et Ducasse 2012 ; Primault et al. 2007) ainsi que pour les industries à affinités badegouliennes d’Europe centrale (d’après Terberger 2013).

Confirmation et affinement du cadre SMA : le plus vieux badegoulien ouest-européen

  • 15 Laps de temps estimés à partir des limites inférieure et supérieure des intervalles de confiances o (...)
  • 16 En très grande partie réalisées par le laboratoire de Lyon via le programme ARTEMIS.

24L’apport majeur de ces nouveaux repères 14C pour la séquence badegoulienne réside dans la confirmation de l’ancienneté des occupations ainsi que du resserrement chronologique introduit par les premières dates obtenues par SMA. De fait, entre la couche 6 qui constitue l’un des premiers véritables niveaux badegouliens (cf. note 7), et la couche 27 qui correspond au niveau le plus ancien attribuable à ce techno-complexe, l’amplitude statistique totale des occupations s’élève à environ 1300 ans cal. BP (tabl. 2 : entre ca. 23,5 et 22,2 ka cal. BP15) contre environ 3800 ans cal. BP en 14C classique (tabl. 1 : couches 5 à 24). Un court moment donc, qui plus est situé dans une chronologie décidemment ancienne, bien plus que ce qu’indiquaient les dates 14C classiques. Tandis que régionalement la date obtenue pour le niveau de Badegoulien à raclettes du Petit Cloup Barrat s’inscrit dans une fourchette chronologique similaire (Chauvière et al. 2008 ; Ducasse et al. 2011), les mesures par SMA disponibles pour le Badegoulien français16 donnent des âges généralement plus récents, globalement situés entre 22,5 et 21 ka cal. BP (fig. 5B ; p.e. Debout et al. 2012 ; Chehmana, Debout, Bodu 2013 ; Pétillon et Ducasse 2012 ; Primault et al. 2007 ; Sacchi, Brulé, Ducasse ed. à paraître). En attendant que le corpus de datation par SMA s’étoffe, le Badegoulien du Cuzoul-de-Vers se pose donc aujourd’hui comme le plus ancien d’Europe de l’ouest, situé dans une chronologie peu ou prou similaire à celle des industries d’affinité badegoulienne documentées en Europe centrale (fig. 5B ; Oberlin et Valladas 2012 ; Kozlowski et al. 2012 ; Sedlmeier 2010 ; Terberger 2013).

Figure 6 – Projection stratigraphique des éléments badegouliens datés (coupes frontales, tranches de 25 cm de largeur).

Figure 6 – Projection stratigraphique des éléments badegouliens datés (coupes frontales, tranches de 25 cm de largeur).

Figure 7 – Projection stratigraphique des éléments solutréens datés (coupes sagittales, tranches de 25 ou 75 cm de largeur).

Figure 7 – Projection stratigraphique des éléments solutréens datés (coupes sagittales, tranches de 25 ou 75 cm de largeur).

Une chronologie resserrée pour les niveaux solutréens

25Les quatre dates obtenues pour le Solutréen supérieur (tabl. 2) apportent des éléments de discussion importants – si ce n’est décisifs – à la compréhension de cet ensemble. Elles témoignent en effet d’une forte homogénéité et tendent à nourrir l’hypothèse, proposée à partir de l’analyse techno-économique et taphonomique des industries lithiques (cf. supra), d’un assemblage constitué dans une chronologie resserrée liée à un nombre très limité d’occupations (une seule et unique occupation ?). Trois d’entre elles, issues de l’ensemble des trois couches, se superposent parfaitement (fig. 5A en rouge), se faisant par ailleurs l’écho de la date SMA déjà obtenue pour la couche 29 et considérée, par comparaisons inter-sites, comme la plus cohérente des deux dates disponibles. Remarquons également que, contrairement au Badegoulien où datations classiques et datations SMA sont généralement discordantes (cf. supra), ces nouvelles dates entrent en parfaite cohérence avec la mesure réalisée par 14C classique en couche 30 (tabl. 1 : 19400 ± 210 BP), pourtant issue comme les autres d’un lot d’esquilles osseuses. Il est tentant, dans ce cas, d’y voir là un autre indice de la grande homogénéité chronologique de l’ensemble 29-30-31 qui semble s’insérer dans une fourchette globalement comprise entre 23 et 23,5 ka cal. BP. Seule note discordante, la mesure obtenue pour la couche 30 a fourni un âge sensiblement plus jeune (19050 ± 100 BP ; fig. 7C) qui, s’il trouve des correspondances à l’échelle régionale (Ducasse et Renard 2014) et interrégionale (Hinguant et Biard 2013 ; Bodu, Dumarçay, Naton 2014), s’accorde a priori mal avec la position stratigraphique de l’objet daté (fig. 7B ; base de la cuvette BC3-4 : Fourment et Giraud 2012, p. 411). Considérant (1) la nature du matériau daté, distincte des trois autres (tabl. 2 : os brûlé) et (2) l’insertion – certes partielle – de cette date au sein du groupe formé par les trois premières une fois la mesure calibrée (fig. 5A), l’hypothèse d’une occupation solutréenne plus récente ou bien celle d’une contamination de ce niveau par des vestiges d’âge badegouliens doivent être considérées avec prudence en l’absence d’indices concrets.

26Enfin, notons que la date obtenue pour la couche 31 (19320 ± 100 BP) et dont l’échantillon a été prélevé à la base du foyer en J4 (1) invalide l’attribution à l’ensemble solutréen de la date SMA anciennement fournie pour la couche 31 (20110 ± 180 BP, GifA 101440) et (2) concorde parfaitement avec la date fournie par l’échantillon sélectionné pour la couche 30 sus-jacente en I4 (19380 ± 100 BP). Si nous n’expliquons pas l’ancienneté de la date obtenue en 2001 par le laboratoire de Gif-sur-Yvette en c.31 (cf. supra), remarquons que cette nouvelle série de mesures tend à isoler un peu plus encore ce résultat peu cohérent avec les données archéologiques.

Variations diachroniques des équipements et chronologie 14C : quel degré de résolution ?

27Nous avons vu qu’au sein de cette chronologie resserrée, la séquence du Cuzoul-de-Vers témoignait de changements plus ou moins profonds des équipements lithiques et osseux (Clottes, Giraud, Chalard dir. 2012 ; Ducasse et Renard 2012). Qu’ils soient typologiques ou techno-économiques, ces changements s’expriment tant à l’échelle intraculturelle (transition Badegoulien ancien/Badegoulien récent et variation diachronique des équipements au cours du Badegoulien récent) qu’interculturelle (transition Solutréen/Badegoulien). L’enjeu de ce renouvellement du cadre radiométrique réside également, nous l’avons vu, dans l’obtention de mesures 14C susceptibles de mieux documenter la durée de ces différentes phases d’occupation mais aussi leurs bornes respectives.

28Compte tenu de ces objectifs et forts de l’analyse critique de l’ensemble des dates SMA aujourd’hui disponibles pour le Cuzoul-de-Vers (cf. supra), nous avons pris le parti d’exclure des discussions qui suivront :

  1. les dates obtenues à partir de lots d’esquilles osseuses (c.6 et 11 : tabl. 1, n° 9 et 11) qui renvoient aux mêmes modalités d’échantillonnage que les datations classiques et, du même coup, présentent les mêmes biais (possibles dates « moyennées ») ;

  2. les mesures qui, bien que fiables sur le plan physico-chimique, ont donné des résultats incohérents difficilement interprétable à ce stade (c.11, 16 et 31 : tabl. 1, n° 10,13 et 20 ; c.15 de la série 2011-2012 : tabl. 2) ;

  3. les mesures dont l’écart-type est supérieur à ± 200 (± 310 pour les couches 25 et 26, ± 240 pour la couche 27 : tabl. 1, n° 16 à 18) qui, bien trop imprécises (probabilités étalées sur environ 1500 ans cal BP à 2 sigma), ne nous sont d’aucune utilité au regard des questions posées ici.

29Quinze mesures ont donc été retenues sur les 24 réalisées par SMA entre 2001 et 2013 pour l’ensemble des niveaux. Sept dates correspondent au Badegoulien récent (5 couches datées entre la c.6 et la c.21), 3 dates au Badegoulien ancien (entre la c.22 et la c.27) et 5 dates au Solutréen supérieur (c.29 à 31), de sorte que, théoriquement, les bornes de chacune de ces subdivisions bénéficient d’un repère radiométrique. Une fois combinées les deux mesures obtenues à partir d’un même vestige issu de la couche 6 (fig. 8 : 18640 ± 71 BP ; outil « R_Combine » du logiciel OxCal [version 4.2.3 : Bronk Ramsey 2013], utilisé avant calibration), la calibration des 14 dates retenues (tabl. 3) permettent de situer le Badegoulien récent dans un intervalle compris entre 23 et 22,3 ka cal. BP, le Badegoulien ancien se développant quant à lui entre 23,5 et 22,5 ka cal. BP. Comme l’illustre la figure 9, ce très fort recouvrement entre Badegoulien ancien et récent est essentiellement dû à la mesure obtenue pour la couche 22a, identique à celle aujourd’hui disponible pour la couche 21. Or, compte tenu (1) des éléments contextuels rappelés précédemment au sujet de la couche 22 et (2) de la projection stratigraphique de l’élément daté qui montre sa grande proximité spatiale avec le premier niveau à raclettes (c.21 : fig. 6B), l’hypothèse que cette mesure date en réalité la base du Badegoulien récent nous semble tout à fait soutenable. Ainsi, au Cuzoul-de-Vers, les deux seuls repères 14C susceptibles de correspondre sans équivoque aux industries attribuées au Badegoulien ancien placent cet épisode entre 23, 5 et 23 ka cal. BP. Si, en considérant cette hypothèse, la marge de recouvrement existant entre les deux phases du Badegoulien se réduit donc considérablement, la transition solutréo-badegoulienne conserve de son côté toute sa nébulosité (Oberlin et Valladas 2012). Pourtant épargnée par d’éventuels plateaux 14C depuis la publication de la courbe IntCal13 (Reimer et al. 2013), elle se caractérise par un chevauchement radiométrique incompressible qui englobe l’ensemble du Badegoulien ancien. Si hiatus d’occupation il y a eu entre derniers Solutréens et premiers Badegouliens en Aquitaine (p.e. Bosselin et Djindjian 1997 ; Djindjian 2000 ; hypothèse fondée en grande partie sur un corpus de dates non calibrées et obtenues par la méthode classique), admettons donc que le 14C ne constitue à ce jour pas l’outil le plus efficace pour mettre en lumière un tel phénomène, si tant est qu’il ait existé. Au contraire, malgré l’imprécision des résultats, ces données tendent à montrer non seulement l’ancienneté mais également la relative rapidité de ce moment de reconfiguration des normes techno-économiques. Reste qu’au Cuzoul-de-Vers le Badegoulien ancien ne semble pas perdurer bien au-delà de 23 ka cal. BP, limite à partir de laquelle se développent en France les industries à raclettes du Badegoulien récent (type d’ensemble connu jusqu’aux alentours de 21 ka cal. BP : Langlais et al. 2010 ; Ducasse 2012 ; Pétillon et Ducasse 2012).

30Ce canevas chronologique confirme donc la nuance qu’il convient d’apporter à la signification de la dilatation stratigraphique de cette séquence, à la succession des nombreux niveaux sédimentaires qui la composent (cf. supra). Ainsi, le resserrement des mesures 14C témoigne d’une phase d’occupation de l’abri bien plus courte qu’envisagée à l’origine, tandis que les différents liens physiques établis entre certaines des couches (fig. 2) permettent d’individualiser des ensembles cohérents et significatifs sur les plans typologiques et techno-économiques. Néanmoins, le constat le plus frappant réside dans l’extrême similarité des mesures obtenues pour l’ensemble du Badegoulien récent (de la couche 6 à la couche 21 : fig. 9). Tandis que la proximité des âges obtenus pour les couches 19 à 21 s’accorde bien avec les rapprochements typo-technologiques et taphonomiques effectués pour l’intervalle c.16-21 (fig. 2 : présence de raclettes, de pointes à cran à retouches abruptes et quasi-absence de pointes osseuses ; raccords et remontages lithiques ; Ducasse 2010, p. 30-33, 78 et Ducasse en préparation), leur équivalence avec les mesures disponibles pour les assemblages documentés entre les couches 6 et 15 était moins attendu, compte tenu des différences dont elles témoignent en terme d’équipement cynégétique (quasi disparition des armatures lithiques et développement des pointes osseuses : fig. 2 ; Ducasse et Renard 2012, figure 4 ; Le Guillou 2012). Si tant est que cette « équivalence » radiométrique ne soit pas le fruit de confusions et/ou de perturbations stratigraphiques difficiles à mettre en évidence en l’absence de remontages systématiques, l’apport des données radiométriques s’avère limité, si ce n’est qu’elles nous renseignent sur la fugacité de certains « épisodes » d’occupation et sur la rapidité vraisemblable de certains de ces changements. À l’échelle inter-site, cette distorsion prévisible du temps entre chronologie relative et chronologie 14C contribue probablement à entretenir l’image d’une diversité synchronique de l’armement badegoulien et nous rappelle, si besoin était, que cette « synchronie » n’est souvent qu’une « diachronie courte » (Boëda 2005).

Figure 8 – « Combine » et calibration des deux dates SMA obtenues sur le même bois de renne issu de la couche 6 (OxCal v4.2. : Bronk Ramsey 2013).

Figure 8 – « Combine » et calibration des deux dates SMA obtenues sur le même bois de renne issu de la couche 6 (OxCal v4.2. : Bronk Ramsey 2013).

Tableau 3 - Bilan des datations SMA retenues pour la discussion (BdR = Bois de renne). L’ensemble des calibrations a été réalisé avec la version 4.2.3 du logiciel OxCal (Bronk Ramsey 2013) utilisant la courbe de calibration IntCal13 (Reimer et al. 2013).

Tableau 3 - Bilan des datations SMA retenues pour la discussion (BdR = Bois de renne). L’ensemble des calibrations a été réalisé avec la version 4.2.3 du logiciel OxCal (Bronk Ramsey 2013) utilisant la courbe de calibration IntCal13 (Reimer et al. 2013).

Figure 9 – Synthèse graphique des datations SMA retenues pour la discussion. L’ensemble des calibrations a été réalisé avec la version 4.2.3 du logiciel OxCal (Bronk Ramsey 2013) utilisant la courbe de calibration IntCal13 (Reimer et al. 2013).

Figure 9 – Synthèse graphique des datations SMA retenues pour la discussion. L’ensemble des calibrations a été réalisé avec la version 4.2.3 du logiciel OxCal (Bronk Ramsey 2013) utilisant la courbe de calibration IntCal13 (Reimer et al. 2013).

Une démarche à amplifier

31Sans leur accorder un rôle excessif ni oublier leurs limites et écueils, on ne peut que reconnaître l’importance prise par les datations absolues dans le cadre des débats liés aux dynamiques d’évolution des sociétés paléolithiques, que ce soit dans le temps long (rythme des évolutions, corrélations paléo-climatiques et paléo-environnementales) ou dans l’espace (divergences régionales de ces évolutions, mise en place de « mosaïques » culturelles, etc.). De ce point de vue, la « transition » solutréo-badegoulienne se pose comme un terrain d’étude particulièrement fécond. Perçue comme un moment de reconfiguration profonde des normes techno- et socio-économiques (Ducasse 2012 ; Ducasse et Renard 2012), cette « transition » est pourtant mal connue dans ses rythmes, ce qui restreint d’autant la possibilité d’en comprendre les causes précises et d’évaluer plus clairement son éventuelle diversité à l’échelle du sud-ouest de l’Europe. L’état très varié de la documentation archéologique aujourd’hui disponible limite considérablement la portée des hypothèses formulées et exige, zone par zone, une critique rigoureuse.

  • 17 Morala A., Cretin C., Ferullo O. 2011 - De nouveaux jalons chronologiques pour le Badegoulien aquit (...)

32Si les résultats et interprétations présentés ici se limitent au seul gisement du Cuzoul-de-Vers, cette contribution s’inscrit donc dans une démarche de réévaluation élargie à plusieurs séquences de référence pour le DMG du sud-ouest de la France (Projet « SaM » : Ducasse et Renard (dir.) ; Morala, Cretin et Ferullo com. orale17). Gageons que ce renouvellement raisonné des cadres radiométriques, mené conjointement à un travail de critique archéostratigraphique et, autant que faire se peut, à une mise en perspective interdisciplinaire de nos analyses, contribuera prochainement à éclairer certains « angles morts » tout en dessinant des tendances significatives basées sur des données contrôlées et contrôlables.

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Notes

3 Le terme « classique » est ici utilisé pour désigner la méthode de datation par comptage des bêta ainsi que toute mesure obtenue par ce biais. Cet usage permet d’éviter toute confusion avec l’expression « dates conventionnelles » qui désigne de son côté toute date non calibrée obtenue indifféremment par les méthodes classique (i.e. comptage des bêta) ou SMA (p.e. Valladas 2002).

4 Très avancée pour ce qui concerne les niveaux solutréens (Fourment 2002 d’après les remontages réalisés par C. Renard, Fourment et Giraud 2012), l’analyse archéo-stratigraphique globale des riches et nombreux niveaux badegouliens est en cours, jusqu’ici suspendue à l’informatisation des bordereaux de fouille (travail entamé par deux d’entre nous – CR et SD – et achevé en 2013 par A. Angelin dans le cadre du Projet collectif de recherche « SaM »).

5 La datation obtenue pour la couche 3 (Gif 6372 : 14560 ± 130 BP ; lots d’esquilles osseuses issues des sous-niveaux 3a et 3b) est jugée incohérente au regard du matériel archéologique qui lui est associé (Badegoulien récent, présence de nombreuses raclettes). Il reste néanmoins impossible de dire si cette incohérence résulte (1) de la mauvaise qualité de l’échantillon daté, (2) d’une décontamination imparfaite ou bien si (3) certaines esquilles formant ce lot provenaient en fait d’un niveau plus récent, non déterminé à la fouille (les couches sommitales, résiduelles, ne sont connues que sur de très faibles superficies). Notons qu’un nouveau test par SMA au début des années 2000 n’a pu aboutir faute de collagène en quantité suffisante (Oberlin et Valladas 2012).

6 La couche 31 n’étant « probablement que le tout début de l’ensemble 30 » (Clottes et Giraud 2012, p. 26).

7 Précisons par ailleurs que la plus grande part des couches non datées correspond soit à des ensembles résiduels et parfois stériles (couches 1, 2 et 4), soit à des ensembles spatialement et/ou stratigraphiquement peu développés (couches 10, 12, 14).

8 Pour comparaison, la base de la couche 5 est datée entre 19,5 et 18,8 ka cal. BP en 14C classique tandis que la couche 6 se place entre 22,2 et 21,3 ka cal. BP en 14C par SMA.

9 Le cas de mesures 14C divergentes pour un même objet daté dans deux laboratoires différents est connu : voir par exemple Alix et al. 2012 (bien que dans ce cas précis, les auteurs ne disposent pas d’élément permettant d’interpréter cet écart).

10 Comme le rappellent les auteurs (Oberlin et Valladas 2012, p. 83), ces lots étaient originellement destinés à réaliser des mesures par la méthode classique afin de tester la réalité du vieillissement introduit par les dates obtenues par SMA. Leur faible teneur en collagène les a néanmoins contraints à opter de nouveau pour l’usage de la méthode par SMA.

11 La date obtenue pour la couche 25, bien que très imprécise, ne peut être considérée comme aberrante une fois envisagée sa marge statistique à 2 sigmas (cf. tabl. 1 et fig. 1). Son intérêt reste donc limité.

12 Dans la mesure où le travail de critique taphonomique de la séquence badegoulienne n’est pas achevé, les données présentées en figure 2 doivent être considérées comme le reflet d’un état de la recherche susceptible d’évoluer. C’est ce qui explique ici l’absence de quantification exacte des raccords et remontages d’ores et déjà effectués, quantification dont la signification s’avère aujourd’hui limitée.

13 Signalons néanmoins que des éclats de bois de renne existent bel et bien en contexte solutréen mais pourraient s’insérer dans des chaînes opératoires distinctes liées à des objectifs en partie différents (Baumann et Maury 2013 ; Chauvière et al. 2013). La datation directe de certains de ces éléments au Grand-Abri de Cabrerets, site quercinois fouillé au cours des années 1950 par A. Lemozi (1961), est récemment venue alimenter ce débat (Ducasse et Renard dir. 2013, p. 36).

14 Remarquons qu’elle renvoie à la mesure incohérente obtenue en couche 16 lors de la première série par SMA (fig. 1B), qu’elle présente un niveau de précision égal à celui des autres mesures réalisées entre 2011 et 2012.

15 Laps de temps estimés à partir des limites inférieure et supérieure des intervalles de confiances obtenus pour la date la plus ancienne (c.27) et la date la plus récente du Badegoulien (c.6 ; tabl. 2).

16 En très grande partie réalisées par le laboratoire de Lyon via le programme ARTEMIS.

17 Morala A., Cretin C., Ferullo O. 2011 - De nouveaux jalons chronologiques pour le Badegoulien aquitain : Bordeneuve et Cassegros. Journée d’étude du laboratoire PACEA, “Les sociétés du Dernier Maximum Glaciaire ouest-européen : Badegoulien et Magdalénien”, juin 2011, Bordeaux.

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Title Figure 1 - Synthèse graphique de l’ensemble des datations réalisées entre 1984 et 2001 au Cuzoul-de-Vers (d’après Clottes et Giraud 1989 ; Oberlin et Valladas 2012). A : datations classiques des niveaux 3, 5, 13, 20 (Badegoulien récent), 23, 24 (Badegoulien ancien) et 30 (Solutréen supérieur) comparées aux données acquises par la méthode classique à l’abri Casserole (Detrain et al. 1993), à l’abri Fritsch et à Laugerie Haute (Evin et al. 1976 et 1978). B : Discordances entre dates classiques (à gauche) et dates par SMA (à droite) obtenues au Cuzoul-de-Vers.
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Title Tableau 1 – Bilan des datations classiques (n° 1 à 7) et SMA (n° 8 à 20) réalisées entre 1984 et 2001 (d’après Clottes et Giraud 1989 ; Oberlin et Valladas 2012). OTM = Ongulé de Taille Moyenne. Les informations de localisation des échantillons datés par SMA nous ont été communiquées par J.-C. Castel. L’ensemble des calibrations a été réalisé avec l’aide du logiciel OxCal (v4.2.3 : Bronk Ramsey 2013) utilisant la courbe de calibration IntCal13 (Reimer et al. 2013).
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Title Figure 2 – Position stratigraphique des différentes mesures réalisées entre 2011 et 2013 (1 cercle rouge = 1 date) et rappel des liens typologiques et stratigraphiques mis en évidence au fil de la séquence (d’après Ducasse et Renard 2012, modifié).
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Title Tableau 2 – Résultats des datations SMA réalisées entre 2011 et 2013 (BdR = Bois de renne). L’ensemble des calibrations a été réalisé avec l’aide du logiciel OxCal (v4.2.3 : Bronk Ramsey 2013) utilisant la courbe de calibration IntCal13 (Reimer et al. 2013).
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Title Figure 3 – Nature et position stratigraphique des pièces sélectionnées au sein de la séquence badegoulienne pour datation SMA (n° 1 : base de bois de chute présentant les stigmates d’un débitage par percussion lancée diffuse, n° 2 à 5 : éclats de percussion, n° 6 : « bande » corticale interprétée comme un support potentiel). Les surfaces délimitées par les rectangles blancs indiquent les zones prélevées ; remarquer la série de micro-forages visible sur la pièce n° 6.
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Title Figure 4 - Nature et localisation des pièces sélectionnées au sein de la séquence solutréenne pour datation SMA (n° 1 : métatarsien de renne ; n° 2 : extrémité distale de tibia de renne brûlée ; n° 3 : fragment distal de diaphyse d’un jeune ongulé de taille moyenne ; n° 4 : fragment de diaphyse d’ongulé de taille moyenne ; n° 2 à 4 : clichés J.-C. Castel).
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Title Figure 5 – Résultats de la campagne de datation SMA 2011-2013. A : Bilan des 11 nouvelles dates calibrées. Notez la similarité des mesures obtenues à Oxford et Lyon/Saclay à partir de deux échantillons prélevés sur le même vestige (couche 6). B : Sélection de dates 14C (SMA) obtenues pour le Badegoulien à raclettes français (d’après Debout et al. 2012 ; Pétillon et Ducasse 2012 ; Primault et al. 2007) ainsi que pour les industries à affinités badegouliennes d’Europe centrale (d’après Terberger 2013).
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Title Figure 6 – Projection stratigraphique des éléments badegouliens datés (coupes frontales, tranches de 25 cm de largeur).
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Title Figure 7 – Projection stratigraphique des éléments solutréens datés (coupes sagittales, tranches de 25 ou 75 cm de largeur).
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Title Figure 8 – « Combine » et calibration des deux dates SMA obtenues sur le même bois de renne issu de la couche 6 (OxCal v4.2. : Bronk Ramsey 2013).
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Title Tableau 3 - Bilan des datations SMA retenues pour la discussion (BdR = Bois de renne). L’ensemble des calibrations a été réalisé avec la version 4.2.3 du logiciel OxCal (Bronk Ramsey 2013) utilisant la courbe de calibration IntCal13 (Reimer et al. 2013).
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Title Figure 9 – Synthèse graphique des datations SMA retenues pour la discussion. L’ensemble des calibrations a été réalisé avec la version 4.2.3 du logiciel OxCal (Bronk Ramsey 2013) utilisant la courbe de calibration IntCal13 (Reimer et al. 2013).
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References

Bibliographical reference

Sylvain Ducasse, Jean-Marc Pétillon and Caroline Renard, Le cadre radiométrique de la séquence solutréo-badegoulienne du Cuzoul de Vers (Lot, France) : lecture critique et complémentsPALEO, 25 | 2014, 37-58.

Electronic reference

Sylvain Ducasse, Jean-Marc Pétillon and Caroline Renard, Le cadre radiométrique de la séquence solutréo-badegoulienne du Cuzoul de Vers (Lot, France) : lecture critique et complémentsPALEO [Online], 25 | 2014, Online since 29 July 2015, connection on 17 February 2025. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/paleo/2721; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/paleo.2721

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Sylvain Ducasse

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CNRS, Laboratoire TRACES (UMR 5608), Maison de la Recherche, Université de Toulouse - Le Mirail, 5 Allées Antonio Machado, FR- 31058 Toulouse cedex 9 - petillon@univ-tlse2.fr - caroline.renard@univ-tlse2.fr

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Caroline Renard

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