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2021

Francisco López de Gómara, Historia de las Indias (1552). Edición crítica por Monique Mustapha, Louise Bénat-Tachot, Marie-Cécile Bénassy-Berling y Paul Roche

Hugues Didier
Référence(s) :

Francisco López de Gómara, Historia de las Indias (1552). Edición crítica por Monique Mustapha, Louise Bénat-Tachot, Marie-Cécile Bénassy-Berling y Paul Roche, Madrid, Casa de Velázquez, Madrid, 2021.

Texte intégral

1Cet ouvrage imposant et complexe ne contient pas l'œuvre écrite par Francisco López de Gómara à la gloire d'Hernán Cortés, La conquista de México, avec laquelle l'Historia de las Indias avait été jumelée par ses premier éditeurs. Il commence par un Preliminar (p. 13-16) suivi d'une Historia Editorial (p. 17-45), l'un et l'autre de Monique Mustapha. Viennent ensuite des Criterios editoriales et des Criterios de transcripción par Paul Roche (p. 47-58). Puis en est donné l'élément central, à savoir le texte de Francisco López de Gómara, selon l'édition de Saragosse (p. 59-376), accompagné d'un Catálogo de variantes (p. 377-424), d'un important corps de notes (p. 425-640), ce qui constitue les deux tiers du volume.

2Le dernier tiers du livre (p. 643-987) contient les études de Monique Mustapha: Datos biográficos (p. 643-691), de Paul Roche: Fuentes de los capítulos peruanos de la Historia de las Indias/El ciclo Lozano-Zárate-Gómara (p. 693-704), de Louise Bénat-Tachot: Arte de Historiar y fuentes modernas de la Historia de las Indias (p. 705-762), de Marie-Cécile Bénassy-Berling: El destino de la Historia de las Indias (p. 763-788), de Paul Roche: l'étude de Fenómenos morfosintácticos (p. 789-794), ainsi que des annexes:

31- Cuaderno iconográfico (p. 797- 824),
2- Diligencias hechas en Sevilla a 8 y 9 de enero de 1554 para recoger la obra de Gómara (p. 825-827),
3- Parecer de Fray Tomás Ortiz, confrontación entre Pedro Mártir y López de Gómara (p. 829-830),
4- Nuevos documentos sobre Francisco López de Gómara, (p. 831-844),
5- Cédulas relativas a la prohibición y confiscación de la obra y de los papeles de Gómara (p. 861-863),
6- Extractos de las lecciones de Marcel Bataillon en el Collège de France (p. 865-874, en français).

4L'ouvrage se termine par : Ediciones de la Historia de las Indias (p. 877-884), Fuentes (p. 885-911), Bibliografía general (p. 913-934), Índice onomástico (p. 937-955), Índice temático (p. 957-961), Índice geográfico (p. 963-973), enfin une triple table des matières de l'ouvrage global (p. 975-976), des chapitres de l'Historia de las Indias (p. 977-983) et des illustrations (p. 985-987).

5Reprenant un projet entrevu par Marcel Bataillon (1895-1977), une édition critique de l'Historia de las Indias (proprement dite) était nécessaire, car jusqu'à présent, toutes les éditions se fondaient sur l'édition dite Hispania Victrix, produite par Guillermo de Millis (Medina del Campo, 1553), sans confrontation avec la version princeps (Saragosse, Agustín Millán, 1552-1553). Monique Mustapha souligne le fait que l'Historia de las Indias y conquista de México fut la seule œuvre que Francisco López de Gómara (1511-1566) publia de son vivant (p. 17). Or, elle fut censurée en octobre-novembre 1553, par une cédula qui fut renouvelée en 1566, condamnation aggravée par la confiscation post mortem, en 1572, de toute sa documentation américaine (p. 25-26), confiscation qui coïncidera avec le moment où la Couronne sera particulièrement soucieuse de prévenir toute velléité de sécession de la Nouvelle Espagne aussi bien que du Pérou (p. 45).

6Hors du champ de la prohibition de 1553, les éditions anversoises de 1554 et 1555 présentent des modifications révélatrices. Sont envisagées diverses hypothèses qui expliqueraient la prohibition, jamais motivée par l'autorité. Ainsi, le fait que l'édition de Medina del Campo fut publiée sans licence pour les royaumes de Castille, ou encore les critiques voilées émises sur certains actes de Charles Quint, ou de façon diffuse, la crainte de la Couronne, inavouée mais tenace, celle de perdre le contrôle de l'aventure américaine. Il se pourrait que la censure voulût frapper en même temps que l'Historia de las Indias la Conquista de México, très favorable à Hernán Cortés : déjà dès 1527, ses Cartas de relación avaient été interdites (p. 29). Mais, pour Monique Mustapha, il n'existe que des réponses partielles à la question (p. 29).

7De plus, il est possible que Gómara ait été défavorisé par l'air du temps. Les années de la rédaction, 1545-1552, coïncident avec le moment où se déroulent le débat sur la licéité de la Conquête et ses fondements juridiques, l'affrontement entre Bartolomé de Las Casas et Juan Ginés de Sepúlveda, les efforts de la Couronne pour limiter les privilèges ou les pouvoirs des conquistadores :

« En este contexto, y frente a las cuestiones ventiladas, las teorías que Gómara defendía en su obra podían parecer subversivas en muchos aspectos. En efecto, el autor eleva la conquista de las Indias al nivel de una gesta modena, avalada por la donación pontificia y no oculta que, en su opinión, los conquistadores merecían ser gratificados » (p. 37).

8La dilatation des routes maritimes et la démesure des espaces terrestres font que les conquistadores se trouvent toujours trop loin de la Couronne pour ne pas constituer, à ses yeux, un danger : « Además de ofrecer cierto desfase ideológico con las nuevas orientaciones políticas del tiempo, la obra de Gómara podía aparecer como un alegato alentador para las reivindicaciones de los conquistadores. Y no solamente de Cortés, sino también de otros muchos actores de la conquista ». Ainsi : « el episodio peruano, que termina con el fracaso de Gonzalo Pizarro y sugiere de manera insistente la inquietante posibilidad de que los colonos hiciesen secesión, presenta la misma carga peligrosa » (p. 38). Le péril d'une précoce sécession américaine revient plusieurs fois dans l'ouvrage, et pas seulement à propos des violences entre Espagnols consécutives à la découverte et à la conquête du Pérou (c. 108-195, p. 216-338), ainsi p. 545, note 1 du c. 103. Monique Mustapha nuance et enrichit l'approche de la censure de 1553 en ajoutant à ces imprudences vis-à-vis de la Couronne les atteintes à l'honneur de tel ou tel, au fil du texte, et quelques comparaisons malvenues entre christianisme et paganisme (p. 39-41).

9Gómara apparaît comme fondamentalement rationaliste, c'est-à-dire parfaitement capable de prendre ses distances par rapport aux autorités. Ainsi, à propos de la Nao Victoria de Magellan, il écrit : « Atravesaron la tórrida zona seis veces, contra al opinión de los antiguos sin quemarse » (p. 205). Il traite de disparate et de hablilla la légende des Amazones (c. 86, p.187). C'est à peine si l'autorité des Pères de l'Église est mieux respectée que celle des classiques païens : l'erreur de Macrobe à propos des antipodes était aussi celle de saint Clément d'Alexandrie et de saint Augustin (c. 4 p. 77 et c. 6, p. 78). Si, dès le premier chapitre, Gómara prend soin d'affirmer l'unité du monde contre l'avis de certains philosophes (p. 71), il ne cache pas son dédain envers ceux qui croiront reconnaître dans les croix du Yucatan la preuve d'une évangélisation précolombienne : « arguyen algunos » (c. 52, p. 135).

10Bien en accord avec un air du temps quand partout, en Europe, le sentiment national est en gestation, l'œuvre de Gómara relève de ce qu'on peut nommer son españolismo. Quel bonheur, pour lui, de pouvoir écrire: « Nunca nación extendió tanto como la española sus costumbres, su lenguaje y armas, ni camino tan lexos por mar y tierra, las armas a cuestas » (p.69). En droit, les Indes occidentales n'appartiendraient qu'à la seule Espagne. D'où le titre claironnant (p. 113) : « Que todas las Indias han descubierto españoles ». Ce bref chapitre 36 n'évoque Christophe Colomb que pour en limiter les mérites. Monique Mustapha évoquera ailleurs l'« anticolombismo algo atenuado » de Gómara (p. 687).

11Cet españolismo assumé et raisonné a diverses conséquences : ainsi, en humaniste, à reprendre les vers de Médée, « un dicho de Séneca acerca del Nuevo Mundo, que parece adivinanza » (c. 219, p. 366) prophétie vérifiée, non pas par Colomb et par les Espagnols, mais bien par « nuestros españoles y Cristóbal Colón ». Son souci de l'objectivité l'oblige certes à reconnaître que les Espagnols ne sont pas restés longtemps les seuls Européens à explorer le Nouveau Monde. Il est très elliptique sur les établissements allemands au Venezuela, autorisés par Charles Quint (p. 168-169). Le chapitre 88 (p. 188) escamote la partie du littoral brésilien sous domination portugaise. Son exposé sur la question des Moluques (c. 91) comporte une dose de mauvaise foi anti-portugaise, déjà signalée par Marcel Bataillon (p. 528). Ailleurs, il s'emploie à diminuer le mérite des navigateurs lusitaniens qui ne seraient que des repreneurs d'entreprises : « En la manera y tiempo que digo se truxo a Portugal el trato de la especiería y se renovó la navegación que antiguamente tenían los Españoles en Etiopía, Arabia, Persia y otras tierras de Asia… » (p. 214).

12L'étude de Monique Mustapha: Datos biográficos (p. 643-691) évoque le lignage cristiano viejo de Francisco López de Gómara et sa formation humaniste, ses liens avec Hernán Cortés, noués en 1528 ou 1529, puis ses fonctions de chapelain au Collège Espagnol de Bologne, sa familiarité acquise aussi bien avec les puissants qu'avec les cénacles érudits italiens. Après un séjour de deux ans à Venise (1539-1541), où sa vocation d'historien semble avoir grandi, il rejoint l'expédition de Charles Quint contre Alger (1641), où il retrouve Hernán Cortés, venu combattre, et y acquiert une connaissance intime des lieux (p. 659) : il achèvera la Crónica de los Barbarroja à l'été 1545, œuvre reprise dans Las guerras del Mar. En 1552, il est en Aragon, en 1553 à Valladolid, en 1554 en Flandres, de nouveau à Valladolid en 1557, puis encore en Flandres en 1558, en 1559 à Soria. Les dix dernières années de sa vie sont mal connues. Né en 1511, il serait mort après 1563.

13Dans l'étude suivante (Fuentes científicas, p. 673-691), Monique Mustapha évoque notamment le fait que l'Historia de las Indias relève d'un genre littéraire mixte :

« Como ocurre con la mayoría de las demás crónicas generales de Indias en el siglo XVI, la Historia de Gómara presenta juntamente el relato de lo acontecido en el Nuevo Mundo y las particularidades físicas y etnológicas de las tierras recién descubiertas; es decir, que aborda unas temáticas científicas estrechamiento relacionadas con el impacto que los descubrimientos ejercieron en el conocimiento y concepción del mundo de los hombres del siglo XVI » (p. 673).

14Est ensuite envisagée la question des modèles (p. 676-679), au premier plan desquels figurent Strabon et Pomponius Mela, ainsi que le commentateur de ce dernier, Joachim de Watt (Vadianus, 1484-1551). Gómara est fort loin d'indiquer toutes ses sources, notamment les ouvrages techniques utilisés, comme l'Arte de Navegar de Pedro de Medina (p. 679). Les questions scientifiques semblent s'évanouir parfois devant le désir d'affirmer à tout prix la primauté de la souveraineté espagnole sur le Nouveau Monde (p. 687) ou d'en souligner la noblesse en l'enracinant dans un mythe platonicien de l'Atlantide (p. 367 et 689), de préférence à d'autres identifications. À propos du c. 219 (p. 366-367), Monique Mustapha commente :

« El lector pasa así de lo más esperpéntico (las Hespérides, Oviedo) a algo plausible (isla de los cartagineses) y a lo indudable (Atlántida), mediando lo imposible (Ophir/Tarsis, Colón). Pero, por perentoria que sea, su aceptacion de la Atlántida no está exenta de reticencias… » (p. 690).

15Dans Fuentes de los capítulos peruanos de la Historia de las Indias (p. 693-704), Paul Roche identifie la source commune entre la partie péruvienne de l'Historia de las Indias de Francisco López de Gómara (1552) et l'Historia del Perú d'Agustín de Zárate (1555), à savoir le récit, en grande partie perdu (p. 696), de Rodrigo Lozano.

16L'étude de Louise Bénat-Tachot, Arte de Historiar y fuentes modernas de la Historia de las Indias (p. 705-762), évoque d'abord la diffusion Gómara en Europe : vingt éditions recensées en 1600, en contraste avec la censure de 1553, ce qui n'empêcha personne, en Espagne, de s'en inspirer, ainsi el Inca Garcilaso et Antonio de Herrera (p. 706). Gómara, quant à lui, ne se reconnaît de dette qu'envers Pedro Mártir d'Anglería et Fernández de Oviedo, sans compter Hernán Cortés lui-même pour la Conquista de México. Mais ses sources sont en réalité innombrables (p. 707). Mais c'est à lui en tant qu'historien que revint la tâche de trier et d'organiser, en se soumettant aux lois de l'humanisme :

« Desde fines del siglo xv y en el siglo xvı, escribir la historia sugiere muchos comentarios: se elabora (desde Italia) toda una preceptiva humanística sobre “el arte de historiar“ que coincide con el desarrollo de la historiografía y su constitución como disciplina autónoma »(p. 708).

17Gómara accommode la nouveauté du Nouveau Monde aux modèles classiques, ceux de Cicéron, de Salluste et peut-être de Polybe (p. 710-713). Le choix du castillan, de préférence au latin, le situe dans la lignée humaniste de Juan de Valdés (p. 716).

18L'Historia de las Indias offre un contraste entre ses nombreuses sources textuelles (scientifiques, philosophiques et religieuses) et la presque totale absence de sources modernes pour tout le reste : conquête, indiens, nature américaine (p. 733). Louise Bénat-Tachot s'étend sur le maniement des sources, qu'elle classe a) en documents transcrits verbatim (p. 741-743) ; b) sources historiques explicites, sources modernes implicites (p. 744) ; c) le cas de Giovanni Battista Ramusio (p. 745-747) ; d) les sources orales (p. 748-749).

19Louise Louise Bénat-Tachot évoque le contexte de l'époque, des années 1543-1553, le climat créé par le désastre d'Alger en 1541, la controverse de Valladolid en 1550-1551, l'interférence, pour la Couronne, de la question turque et de la question américaine, indirectement manifestée par la thèse de la guerre juste (contre l'Infidèle comme contre le Païen), développée par Juan Ginés de Sepúlveda (p. 716-718). Les grandes découvertes unies aux responsabilités planétaires de la monarchie espagnole justifient que « Gómara no solo piensa el mundo en dinámica de conquista, con cierto cariz providencialista, lo piensa también como una nueva imago mundi, recorrida por los ibéricos, como la emergencia de nuevos espacios y nuevos pasos abiertos por el español cristiano,…» (p.721).

20L'histoire est polyphonique chez Gómara comme chez Salluste, (p. 757). Il pratique un difficile jeu d'équilibre entre des exigences amplement contradictoires :

« Es indiscutible que este ideario “españolista“ coexiste con una fuerte capacidad crítica de nuestro autor: si sabe ensalzar la grandeza sin igual de la empresa imperial, no escatima juicios severos al emperador (en particular a propósito de la retroventa de las islas de las especias)» (p. 761).

21Dans El destino de la Historia de las Indias (p. 763-788), Marie-Cécile Bénassy-Berling évoque à nouveau le paradoxe: « gran éxito y muchos problemas ». Malgré sa prohibition, Gómara fut lu et utilisé en Espagne et obtint un immense succès éditorial en Europe. Son texte est pris en compte par Las Casas, par Bernal Díaz del Castillo, par el Inca Garcilaso et par Montaigne. Il est pris en otage par les guerres de religion et par les impérialismes étrangers (p. 773-778). Sa sortie du purgatoire allait être lente et tardive ; son plus grand lecteur allait être Alexander von Humboldt (p. 784).

22D'un grand intérêt pour l'étude de l'espagnol classique et de sa formation est l'étude de Paul Roche Fenómenos morfosintácticos (p. 789-794). Du Cuaderno iconográfico (p. 797-824) on retiendra les plus anciennes représentations du bison américain (p. 804-805), les cartes (p. 808-810), l'usurpation de gravures illustrant Tite Live pour une édition de Gómara en 1554 (p. 813-824).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Hugues Didier, « Francisco López de Gómara, Historia de las Indias (1552). Edición crítica por Monique Mustapha, Louise Bénat-Tachot, Marie-Cécile Bénassy-Berling y Paul Roche »Nuevo Mundo Mundos Nuevos [En ligne], Comptes rendus et essais historiographiques, mis en ligne le 16 décembre 2021, consulté le 10 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/nuevomundo/86550 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/nuevomundo.86550

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Auteur

Hugues Didier

Professeur à l’Université Jean Moulin Lyon 3

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

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