Navigation – Plan du site

AccueilNuméros218Comptes rendus bibliographiques (...Vinet (Freddy), 2010. – Le risque...

Comptes rendus bibliographiques (Bibliographical Reports)

Vinet (Freddy), 2010. – Le risque inondation. Diagnostic et gestion

Denis Mercier
p. 74-76
Référence(s) :

Vinet (Freddy), 2010. – Le risque inondation. Diagnostic et gestion, Éditions Tec & Doc Lavoisier, coll. « Science du Risque et du Danger (SRD) », 318 p. (85 €)

Texte intégral

1Pourquoi les inondations font-elles encore autant de victimes dans le monde ? Pourquoi les dommages coûtent encore aux contribuables des pays impactés des milliards d’euros ? La lutte contre les éléments est perdue depuis longtemps, mais le temps de la réduction de la vulnérabilité ne semble pas encore venu pour les sociétés confrontées à ces aléas.

2Ces questions de société sont au cœur du dernier ouvrage de Freddy Vinet, grand spécialiste français du risque inondation, qui n’en est pas à son premier essai. Il avait notamment publié en 2003, aux éditions du Temps, une étude très détaillée des inondations survenues les 12 et 13 novembre 1999 dans les basses plaines de l’Aude qu’il connaît bien. L’ouvrage est clair, bien écrit dans un style vif, riche et sans concession, bien structuré en quatre parties et seize chapitres, bien illustré avec de nombreuses cartes et photographies inédites de l’auteur. On regrettera cependant que l’éditeur n’ait pas consenti à octroyer des illustrations en couleurs pour l’ensemble de l’ouvrage, eu égard au prix élevé, ce qui aurait notamment rendu plus lisible les cartes saisonnières des inondations à l’échelle de la France (p. 60-62), par ailleurs très pédagogiques, mais dont les niveaux de gris ressortent très mal.

3L’auteur rappelle les méthodes traditionnelles de protection contre les inondations, de prévision, d’alerte et de gestion, et prône une approche résolument tournée vers la prévention avec une entrée socio-économique qui vise à une réelle réduction de la vulnérabilité des sociétés. Il milite donc pour l’abandon de l’approche souvent qualifiée d’aléa-centrée, qu’il nomme « naturo-centrée », pour une « approche intégrée ». Il s’agit de dépasser le discours guerrier : « la lutte contre les inondations », pour accéder à une adaptation des sociétés aux aléas. Pour Freddy Vinet, « gérer le risque, c’est accepter de vivre avec ». On s’autorisera la comparaison avec le réchauffement climatique où l’on entend encore ces appels au combat : « il faut lutter contre le réchauffement climatique », alors que la sagesse ancestrale nous inviterait certainement à une « adaptation aux changements climatiques ». Freddy Vinet revisite les concepts de la géographie des risques et critique notamment l’expression de « catastrophe naturelle » en prenant le cas de la ville de Nice qui a fait l’objet de vingt arrêtés « catastrophe naturelle » en vingt ans ! Le terrain est privilégié dans son approche, car Freddy Vinet n’est pas un géographe théoricien de plus, mais un géographe confronté aux réalités et aux acteurs, ce qui lui fait perdre quelques illusions et le conduit à écrire : « du bel outil qu’est le plan de prévention des risques, la réalité fait quelquefois un parchemin, rogné ici, révisé là, transgressé souvent, ignoré parfois ». Les exemples français sont privilégiés, mais en excellent géographe, Freddy Vinet replace le cas hexagonal par rapport aux situations d’autres pays. Le système français est qualifié de très protecteur. On pourrait même se demander s’il ne l’est pas trop ? En effet, la loi du 13 juillet 1982, régissant l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, est jugée « coûteuse par son caractère automatique » et coupable de ne pas encourager la prise de responsabilité individuelle. Les choix des sociétés face au risque inondation renvoient à des questions éminemment politiques, à des questions géographiques d’aménagement et de développement des territoires. Le local et le global sont-ils compatibles dans la gestion des inondations ? Vaste débat.

4Pour Freddy Vinet, « la diminution de la vulnérabilité a été masquée par une augmentation exponentielle des enjeux et la diminution du degré d’acceptabilité du risque. […] Si la mortalité semble régresser dans les pays dits développés, les dommages matériels croissent. Face à la persistance de facteurs producteurs de risque, face aux dommages, reste l’impression que les politiques successives de gestion des risques ont échoué ou au mieux n’obtiennent pas d’effet réducteur de risque à la hauteur des moyens investis ». Il n’hésite pas à proposer l’abandon de certains dogmes comme « la focalisation de la prévention sur l’élément majeur ». Faudrait-il abandonner la crue centennale ou les plus hautes eaux connues comme référentiel ? Pour lui, ce « paradigme de l’extrême » peut conduire à des « surcoûts des projets de prévention » lorsqu’il évoque les « 250 millions d’euros engagés dans les plans d’action et de prévention du risque inondation en Languedoc-Roussillon », sa plume devient un brin provocatrice : « ne faudrait-il pas réserver une partie de l’argent à d’autres priorités comme la construction de maisons de retraite, la santé publique ou la sécurité routière ? ». Il va encore plus loin lorsqu’il parle de « l’innocuité financière de la prévention ». Pour lui « tout se passe comme si la protection des biens et des personnes n’avait pas de prix ou pour le moins, que son coût ne devait pas incomber aux sinistrés, qu’ils soient particuliers ou collectivités ». En proposant le principe du « risqueur/payeur », il ne va pas se faire que des amis. Autre problème majeur selon l’auteur est « le primat de l’offre préventive sur la définition des besoins et donc des objectifs de prévention ». Il juge même « néfaste », « l’offre de prévention par la réaction à la catastrophe ». Et il a tellement raison lorsqu’il écrit : « la prévention au sens strict du terme voudrait que l’on agisse non pas seulement après un événement catastrophique mais en continu, dans le processus normal d’aménagement et de gestion des territoires, comme nous l’ont montré récemment les espaces sinistrés de la Faute-sur-Mer en Vendée après la tempête Xynthia ». Freddy Vinet propose aussi un « décloisonnement spatial » et un « décloisonnement politique » de la gestion des inondations, car selon lui « le problème est celui de la responsabilité des acteurs » notamment de l’État et des assureurs, qu’il n’épargne pas dans son analyse critique. Il pense même que « l’abandon par l’État de son effort sur la maîtrise de l’occupation du sol se traduirait immanquablement par une nouvelle augmentation des enjeux ». La logique de décentralisation et de délégation des compétences de l’État n’atteindrait-elle pas ces limites dans le cas de la gestion des risques ?

5On le voit par ces quelques exemples, le débat est passionnant et éminemment géographique, puisqu’il fait appel aux relations que l’homme entretient avec la nature, à son mode d’habiter la planète Terre, à sa capacité à gérer des territoires. Tout cela renvoi aux questions d’échelles d’analyse tant spatiales que temporelles. Ne soyons pas surpris qu’un géographe passionné et passionnant comme Freddy Vinet excelle dans cette étude. Nul doute que les réflexions qu’il propose éclairent les consciences. Puisse ce livre de géographie, aux positions courageuses, trouver un écho positif auprès du public le plus large possible, et surtout à tous les niveaux de la société.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Denis Mercier, « Vinet (Freddy), 2010. – Le risque inondation. Diagnostic et gestion »Norois, 218 | 2011, 74-76.

Référence électronique

Denis Mercier, « Vinet (Freddy), 2010. – Le risque inondation. Diagnostic et gestion »Norois [En ligne], 218 | 2011/1, mis en ligne le 30 juin 2013, consulté le 03 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/norois/3575 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/norois.3575

Haut de page

Auteur

Denis Mercier

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search