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Effets des tempêtes sur une plage aménagée et à forte protection côtière : la plage des Éloux (côte de Noirmoutier, Vendée, France)

Impacts of storms on a managed and protected shoreline : Les Éloux Beach (Noirmoutier coast, Vendée, France)
Paul Fattal, Marc Robin, Martin Paillart, Mohamed Maanan, Denis Mercier, Christine Lamberts et Stéphane Costa
p. 101-114

Résumés

 L’analyse diachronique des données disponibles sur le long terme montre que l’érosion de la plage des Éloux dans l’île de Noirmoutier (France) s’est produite entre 1832 et 2008 à des vitesses variables avec un taux moyen de recul du trait de côte de 0,7 m/an. La période 1999-2008 enregistre un fort recul du trait de côte avec un taux moyen de 1,9 m/an. Dans ce contexte, une forte tempête comme celle du 10 mars 2008, si elle contribue à la tendance érosive générale, n’a pas entraîné de conséquences morphogéniques très importantes sur l’île de Noirmoutier. Cet article cherche à estimer cet impact sur la plage des Éloux et à mettre en lumière le fait que l’effet minime de cette tempête importante est imputable à divers facteurs qui sont discutés (dérive inversée, stock sédimentaire disponible sur l’avant plage, défenses côtières).

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Notes de la rédaction

Cet article a été reçu le 22 septembre 2009 et définitivement accepté le 30 avril 2010.

Texte intégral

Cette recherche s’intègre dans le programme de recherche ANR n° ANR-06-VMC-009), VULSACO (VULnerability of SAndy COast systems to climatic and anthropic changes). Les auteurs remercient tous les organismes publics pour les données utilisées dans cet article (CETMEF, Météo-France SHOM et Communauté de Communes de l’Île de Noirmoutier).

1L’île de Noirmoutier, de par sa situation, est très exposée aux tempêtes (Gautier, 1972, 1979). En raison des considérables enjeux de nature et de société caractérisant le milieu insulaire, le suivi de l’impact des tempêtes revêt ici une dimension essentielle et justifie l’actuelle mise en place d’un Plan de Prévention des Risques d’Inondation. Globalement, l’intensité des impacts des tempêtes sur les plages sableuses dépend de facteurs physiques et socio-économiques (Battiau-Queney et al., 2003 ; Regnauld et al., 2004). Ces événements extrêmes, favorisés par l’effet des changements climatiques (Wakelin et al., 2003), se produisent lors du passage d’une forte perturbation atmosphérique responsable de l’apparition de vents violents d’afflux qui poussent la masse d’eau vers les côtes, ce qui, combiné aux houles, entraîne la formation de surcotes. Celles-ci deviennent extrêmes lorsqu’il y a coïncidence avec une marée haute et un fort coefficient de marée (Bouligand et Pirazzoli, 1999 ; Pirazzoli et al., 2006 ; Pirazzoli et al., 2007 ; Caspar et al., 2007).

2Le 10 mars 2008, une tempête de cette nature a frappé les côtes du Nord-Ouest de la France. L’île de Noirmoutier au sud de l’estuaire de la Loire, n’est pas épargnée par cet épisode atmosphérique de forte intensité, même si celui-ci n’est pas exceptionnel pour cet espace insulaire. En effet, les rafales n’ont pas dépassé les 95 km/halors qu’elles ont dépassé les 100 km/hà plusieurs reprises depuis les années 1960, allant jusqu’à 135 km/h lors de la tempête des 12 et 13 septembre 1993 (Tonnerre, 2001). Les secteurs de l’île qui ont été affectés par cette tempête sont en majorité en érosion et sont dotés de fortes défenses contre la mer (CCN, 2000).

Caractéristiques de la zone d’étude

Cadre morphologique général

3L’île de Noirmoutier s’est progressivement formée depuis la fin de la dernière période froide du Pléistocène. La présence d’une plateforme calcaire reposant sur un socle cristallin affleurant dans la partie nord de l’île a permis le piégeage des sables en provenance de la Loire ou de la plateforme continentale (Morzadec-Kerfourn, 1995). Cette plateforme d’érosion littorale se manifeste par des points hauts depuis les écueils les plus à l’ouest (les Bœufs au large de la pointe du Devin) jusqu’aux écueils les plus à l’est (la Vendette) et depuis le nord (les Pères) jusqu’au sud (la Fosse) (fig. 1). Depuis 4 000 ans, la translation de la couverture sédimentaire s’est effectuée depuis l’ouest (recouvrant alors les Bœufs 4 km à l’ouest de l’emplacement actuel du cordon dunaire des Éloux) vers l’est, découvrant successivement les divers pointements rocheux (Ters, 1961). La situation actuelle correspond à un cordon ancré sur le récif du Devin au nord et le récif de la Loire au sud.

4L’île de Noirmoutier est une île basse (altitude maximum de 22 m) de 20 km de longueur pour 6 km de largeur maximale dont les 2/3 de la surface sont situés sous le niveau des pleines-mers de vive-eau (fig. 1).

Figure 1 : La zone d’étude
Study area

Figure 1 : La zone d’étudeStudy area

5La zone infralittorale est faiblement pentue : l’isobathe -5 m (cote marine) est située en moyenne à 3 km au large vers l’ouest ce qui lui confère une pente inférieure à 0,16 %. Côté baie de Bourgneuf à l’est, du fait de la position d’abri, la pente infralittorale est encore plus faible. La côte occidentale de l’île est subdivisée en 3 cellules hydrosédimentaires encadrées successivement par les pointes de L’Herbaudière, du Devin, de la Loire et le goulet de Fromentine (pointe de la Fosse) (DHI, 2008). De L’Herbaudière au Devin s’étend la cellule de Luzéronde ; du Devin à la pointe de la Loire se situe celle des Éloux qui fait l’objet de cette évaluation ; de la pointe de la Loire à la pointe de la Fosse au sud se développe la cellule de La Guérinière/Barbâtre. L’orientation générale moyenne de ces 3 segments côtiers varie : de l’ordre de 210° pour Luzéronde, elle est de 157° pour les Éloux, et de 160° pour Barbâtre.

6Le segment des Éloux s’étend sur 4,5 km de long sur la commune de l’Épine. Il est bordé à l’arrière par un massif dunaire qui s’élargit sur près de 500 m et culmine à 22 m. Ce secteur est fortement protégé (photo 1). La dérive littorale dominante résiduelle attestée par le piégeage des sédiments par les épis se fait du nord vers le sud. Le transit sédimentaire longitudinal moyen est évalué à 20 000 m3/an (DHI, 2008).

Photo 1 : Protections côtières dans le secteur des Éloux (2007)
Shoreline defence structures along Les Éloux beach

Photo 1 : Protections côtières dans le secteur des Éloux (2007)Shoreline defence structures along Les Éloux beach

7L’analyse granulométrique du sable de la plage montre qu’il est grossier et mal classé : médiane = 1, Sorting index = 2 – valeurs exprimées en Phi (Folk, 1966), dû en partie, comme nous le verrons ultérieurement, au fait qu’il y a eu des rechargements avec des sédiments hétérométriques en provenance de la pointe de la Fosse.

Caractéristiques météo-marines générales

8De façon générale, à Noirmoutier, les vents de secteur nord-ouest dominent et représentent 26,2 % des occurrences. Viennent ensuite les vents de nord-est (24,2 %) et ceux de sud-ouest (22,6 %). Les vents de vitesses supérieures à 8 m/s (supérieurs à force 5 Beaufort) représentent globalement 8,1 % des observations. 86,4 % de ces vents proviennent du secteur sud-ouest à nord-ouest (Météo France, station de Noirmoutier-en-l’Île).

9L’interprétation des données de houles fournies par la base de données de l’atlas numérique d’états de mer océanique et côtier (ANEMOC) du CETMEF permet de cerner leur caractéristique le long de la côte noirmoutrine : les houles les plus fréquentes (-40 %) ont une amplitude comprise entre 1,25 m et 2,5 m et proviennent du secteur ouest à nord-ouest. En revanche, les houles de plus forte amplitude (supérieures à 6 m) proviennent du secteur ouest à sud-ouest.

Un secteur à importante protection côtière

10Depuis plus d’un siècle, la côte ouest de Noirmoutier a été et est soumise à des phénomènes importants d’érosion du trait de côte conduisant les habitants de l’île à engager des actions de protection contre la mer, dès 1770 (au niveau du Devin). La plage des Éloux est, elle aussi, soumise à une érosion qui explique les nombreux aménagements de protection côtière (fig. 2).

Figure 2 : Les aménagements de protection côtière dans le secteur des Éloux
Coastal defence structures along Les Éloux beach

Figure 2 : Les aménagements de protection côtière dans le secteur des ÉlouxCoastal defence structures along Les Éloux beach

11En raison d’un recul local parfois important (4 m entre septembre 2004 et novembre 2004), la communauté de communes de l’île a entrepris plusieurs types de travaux.

12En effet, entre décembre 2006 et avril 2007 un rechargement a été effectué et 51 000 m3 de sédiments en provenance de la pointe de la Fosse ont été ramenés sur la plage (fig. 1). Ce rechargement a par ailleurs été complété par de nouveaux apports réalisés entre octobre et novembre 2007, puis après la tempête de mars 2008 (tableau 1). Au total, le volume du rechargement est de l’ordre de 54 000 m3 et il ne compense que partiellement les pertes observées entre 1999 et 2007 qui ont été évaluées à plus de 100 000 m3 (CCN, 2008).

Tableau 1 : Inventaires des rechargements récents de la plage des Éloux
Inventory of recent beach nourishment of Les Éloux beach

Tableau 1 : Inventaires des rechargements récents de la plage des ÉlouxInventory of recent beach nourishment of Les Éloux beach

13Par ailleurs, la communauté de communes de l’île a mis en place des ganivelles sur le massif dunaire reconstitué et reprofilé et, enfin, des pieux hydrauliques (février à juin 2007) ont été positionnés sur la plage. Ces deux derniers aménagements (photo 1) s’étendent sur une longueur de 500 m et sont tous deux destinés, à travers l’atténuation désirée de l’énergie des houles et du vent, à ralentir l’érosion éolienne et marine.

Méthodologie de suivi

14La méthodologie repose sur l’exploitation classique de deux sources d’information : l’iconographie d’un côté et les levés de terrain de l’autre.

15Une étude diachronique précise du trait de côte a d’abord été menée à l’aide de photographies aériennes couvrant une période de 56 ans étendue à une période de 174 ans en y ajoutant l’exploitation géométrique du cadastre napoléonien. Une base de données image a ainsi été constituée après numérisation et géoréférencement. La ligne de référence digitalisée est le contact dune/plage (Robin, 2002). La comparaison en 2D de ces lignes renseigne la dimension surfacique de l’évolution.

16Dans un second temps, les levés de plage effectués saisonnièrement, depuis la fin des années 1990, lors des marées de vives-eaux, au moyen d’un DGPS (DGPS TRIMBLE 4400 et 4700 – précision de 1 cm en X, Y et 3 cm en Z) ont été exploités. Ces relevés d’environ 5 000 points permettent de produire des Modèles Numériques de Terrains comparables entre eux, et de calculer l’évolution volumétrique du bilan sédimentaire. Les bilans sédimentaires calculés pour les cellules hydrosédimentaires concernent des périodes comprises entre 1999 et 2009. Pour le secteur d’étude la période est comprise entre juin 2006 et mars 2009 (tableau 3). En effet, plusieurs campagnes ont été réalisées dans le cadre de l’observatoire du littoral de l’île de Noirmoutier (2006 : juin ; 2007 : avril, juin, septembre, décembre ; 2008 : mars, juin, septembre, décembre ; 2009 : mars). Enfin, un levé de l’avant plage a aussi été effectué en 2006 au droit des Eloux jusqu’à -5 m (cote marine).

Résultats

Évolutions sur le long terme

17Depuis 1832, on observe des reculs du rivage sur toute la façade exposée de l’île de Noirmoutier, jusqu’au droit de la commune de Barbâtre. De là et jusqu’à la pointe de la Fosse, le rivage gagne sur la mer (tableau 2). Ces reculs du rivage sont compris entre 100 et 150 m pour le secteur situé entre l’Épine et la pointe de la Loire et sont de l’ordre de 120 m pour la plage des Éloux (fig. 3). Au contraire, au sud de l’île, du fait du transfert latéral des sédiments, on observe une progradation de l’ordre de 130 m au droit de la commune de la Barbâtre atteignant 320 m à la pointe de la Fosse (Observatoire du littoral de l’île de Noirmoutier – communauté de communes de l’île que l’on nommera CCN, 2000).

Tableau 2 : Bilans sédimentaires par cellules hydrosédimentaires (source : CCN, 2008)
Sediment budget for each sediment cells

Tableau 2 : Bilans sédimentaires par cellules hydrosédimentaires (source : CCN, 2008)Sediment budget for each sediment cells

Figure 3 : Cinématique du trait de côte de la plage des Éloux depuis 1832 (zone encadrée sur la figure 1)
Shoreline change of the Eloux beach since 1832

Figure 3 : Cinématique du trait de côte de la plage des Éloux depuis 1832 (zone encadrée sur la figure 1)Shoreline change of the Eloux beach since 1832

18Cette érosion récurrente au droit des Éloux a engendré comme réponse, la mise en place de toute une batterie de mesures de protections en « dur » ainsi que des rechargements de la plage et de la dune (fig. 2). La construction de la cale de l’océan en 1978 et la succession d’aménagements de protections (perrés, épis, etc.) n’ont toutefois pas empêché cette érosion. Le recul au niveau des Éloux est de l’ordre de 0,7 m/an entre 1832 et 2006. Il atteint 1,9 m/an entre 1999 et 2006. Dans ce secteur, le volume perdu (hors rechargements) entre octobre 1999 et le début de l’année 2007 est de 103 700 m3 (CCN, 2008).

Évolution sur les court et moyen termes

Caractéristiques météo-marines pendant la tempête de mars 2008

19La tempête du 10 mars 2008 s’est accompagnée de vents moyens de 70 km/h avec des rafales enregistrées à 95 km/h à la station de Noirmoutier-en-l’Île. Leur provenance était majoritairement de secteur sud-ouest (200° en moyenne le 10 mars avec des rafales notées à 210°, contre un vent moyen à 50 km/h le 11 mars de direction 280°, avec des rafales enregistrées à 72 km/h de direction 300°). Pendant cet épisode, la dérive littorale était orientée sud-nord, inverse donc à la direction résiduelle attestée par le piégeage des sédiments dans les ouvrages de protection (voir discussion). Cette dynamique hydrosédimentaire induite par la tempête n’a pas été particulièrement originale. En effet, M. Gautier (1972) a montré que lors des tempêtes ayant affecté la zone d’étude entre 1959 et 1967, les vents avaient soufflé dans 54 % des cas du quart sud-ouest, dans 33 % du quart nord-ouest et seulement dans 8,5 % et 4,5 % des quarts ouest et nord-est, alors que toute l’année ce sont plutôt les vents de nord-ouest qui dominent.

20L’autre caractéristique de cet évènement vient de la coïncidence entre de très forts coefficients de marée (106), une pleine mer prédite à + 5,5 m à 6 h 09 (UT+1) le 10 mars (fig. 4) et une pression barométrique qui a atteint son point le plus bas à 985 hPa entre 6 heures et 7 heures le 10 mars. Ces surcotes, se produisant durant l’hiver, principalement d’octobre à mars, deviennent géomorphologiquement actives dans les processus d’érosion du littoral (Sabatier et al., 2009). La surcote barométrique enregistrée au port de Saint-Nazaire, a été de + 1,3 m (hauteurs d’eau 6,8 m, enregistrement SONEL), soit + 40 cm liée à la dépression barométrique, le reste étant la surcote dynamique liée au vent (il est à noter que l’effet de l’estuaire et du débit de la Loire est de nature à gonfler la surcote à Saint-Nazaire). De ce fait, la surcote mesurée aux Sables-d’Olonne a donc été moindre (hauteur d’eau à la même heure : + 6,05 m) (fig. 4).

Figure 4 : Hauteur d’eau prédite (mP) et hauteur d’eau observée (mO) dans le port des Sables-d’Olonne heure par heure (de 0h UT le 10 mars à 23 heures UT le 11 mars 2008)
Predicted water level (mP) and observed water level (Mo) in the harbour of Les Sables-d’Olonne

Figure 4 : Hauteur d’eau prédite (mP) et hauteur d’eau observée (mO) dans le port des Sables-d’Olonne heure par heure (de 0h UT le 10 mars à 23 heures UT le 11 mars 2008)Predicted water level (mP) and observed water level (Mo) in the harbour of Les Sables-d’Olonne

21On peut donc estimer que la surcote qui a dû se produire à 6 heures au niveau des Éloux devait être de l’ordre de celle des Sables-d’Olonne soit une hauteur d’eau d’environ 0,5 à 0,6 m au dessus de la hauteur d’eau prédite. Cette estimation ne tient pas compte de l’augmentation locale du plan d’eau (wave set-up), induit par le déferlement au niveau de la plage (Longuet-Higgins et Stewart, 1964 ; Svendsen, 1984 ; Greenwood et Osborne, 1990 ; Gourlay, 1992 ; Swift, 1993). Malheureusement, la bouée d’enregistrement des houles de l’île d’Yeu à 25 km au sud-ouest des Eloux n’a pas fonctionné durant la journée du 10 mars ce qui n’a pas permis une estimation plus précise de cette composante dans la surcote. Le dernier enregistrement de la bouée est du 9 mars 2008 à 18 heures : le Hmax était alors de 3,47 m pour une période de 8,9 s tandis que le H1/3 était de 2,11 m avec une période de 8 secondes.

22Au total, cette conjonction de paramètres susceptibles d’amplifier l’érosion, lors de cet épisode du 10 mars 2008, reste originale même si elle n’est pas a priori exceptionnelle. En effet, lors de la tempête de fin décembre 1978 et début janvier 1979, les coefficients de marée avaient également atteint 102 (le 31) et 104 (le premier janvier) (Gautier, 1979).

Le bilan sédimentaire de la tempête de mars 2008 par rapport à un bilan à moyen terme

23Entre décembre 2007, c’est-à-dire après le rechargement, et mars 2008, la plage a perdu près de 4 900 m3 dont une partie peut être imputée à la tempête du 10 mars 2008 (tableau 3 et fig. 6). En effet, après la tempête, les reculs du trait de côte ont été très importants au nord de la plage puisqu’ils ont été localement plus de 12 m (fig. 5). En comparaison, lors de la tempête de 2004 (novembre), le recul maximal a été, sur le même secteur, inférieur à 5 m. Il faut remonter à 2003, après la tempête de janvier, pour observer un recul aussi important du trait de côte : plus de 10 m entre l’arrière du perré des Éloux et les enrochements de la pointe de la Loire (CCN, 2004). Enfin, l’année 1999 est marquée par deux tempêtes, celles d’octobre et de décembre. Elles n’ont eu sur le secteur qu’un effet limité en raison de l’édification, en mars de la même année, d’un perré bas localisé au sud de l’épi des Éloux sur 390 m (aujourd’hui en grande partie disloqué). L’ouvrage a partiellement ralenti l’attaque de la dune qui n’a reculé que de 2 à 3 m.

Figure 5 : Variations de la position du pied de dune (entre juin 2006 et mars 2008)
Shift of dune / beach limit between june 2006 and march 2008

Figure 5 : Variations de la position du pied de dune (entre juin 2006 et mars 2008)Shift of dune / beach limit between june 2006 and march 2008

24Toutes les périodes étudiées, antérieures ou postérieures à la tempête montrent une érosion récurrente de la zone d’étude. Entre décembre 2007 (après le rechargement) et décembre 2008 (quelques mois après la tempête), le volume global des pertes sédimentaires sur la plage des Éloux est supérieur à 17 000 m3. L’érosion constatée autour de la tempête (voir plus haut) est aussi observée en dehors de cet épisode puisque entre mars 2008 et mars de l’année suivante, les volumes perdus sont supérieurs à 18 000 m3. De même, si l’on compare les périodes de décembre 2007-mars 2008 à celles de décembre 2008-mars 2009, on constate que les volumes perdus sont presque équivalents (569 m3 de différence), (fig. 6).

Figure 6 : Bilans sédimentaires pour le secteur des Éloux
Les Éloux beach and dune sediment budget

Figure 6 : Bilans sédimentaires pour le secteur des ÉlouxLes Éloux beach and dune sediment budget

25En revanche, si entre juin 2006 et mars 2008, la tendance est plutôt à l’accrétion (> 27 000 m3), ces résultats sont faussés par le rechargement de plus de 51 000 m3 qui a eu lieu entre décembre 2006 et avril 2007. En réalité, extrapolés, ces chiffres révèlent, pour la plage, une perte de plus de 20 000 m3.

26Enfin, sur une période de trois années écoulées (entre juin 2006 et mars 2009) et un rechargement effectué, le bilan est positif, mais de seulement 8 700 m3, ce qui signifie qu’il y a eu une perte nette de plus de 45 000 m3 de sédiments.

27Les pertes enregistrées sur la plage des Éloux, entre 1999 et 2007, sont de loin les plus importantes de toute la façade ouest de l’île et sont supérieures à 100 000 m3 (CCN, 2008). Plus au Nord du secteur d’étude, la plage de L’Épine enregistre, pour la même période, les secondes pertes les plus importantes avec des volumes proches de 69 000 m3 (tableau 2).

28Au total, si l’on procède à un bilan entre la pointe du Devin et la pointe de la Loire, pour une période allant de 1999 à 2007 et que l’on tienne compte des gains de la plage du Morin (89 000 m3), le volume globalement perdu est de l’ordre de 83 000 m3 (CCN, 2008). Si l’on replace ce constat dans le contexte du plus long terme à la lumière des témoins géomorphologiques comme évoqués dans le cadre morphologique général (Ters, 1961), le glissement vers l’est du système dune/plage semble inéluctable et se fait par à-coups à la faveur (i) d’une érosion ordinaire ponctuée d’évènements pouvant l’accélérer lorsque les conditions météo-marines sont toutes favorables, ou (ii) d’évènements certes puissants mais où la combinaison des éléments n’est pas totalement favorable à l’expression d’un recul temporairement plus rapide, ce qui est le cas de la tempête de mars 2008.

29Les cartes de cubatures réalisées entre avril 2007 et mars 2008 (après les travaux de mise en place des pieux) puis entre décembre 2007 et mars 2008 (avant-après tempête) (fig. 7) montrent que c’est le haut de plage qui est principalement touché par l’érosion. Ces deux cartes sont aussi intéressantes car entre les deux périodes, 11 mois pour la première et 3 à 4 mois pour la seconde qui est un sous-ensemble de la première, on constate que les zones en accrétion ont migré vers le sud (approximativement 28 000 m3 selon la CCN, 2009) et cette observation est conforme au transit sédimentaire observé sur cette façade de l’île (Safege-Cetis, 2003 ; DHI, 2008).

Figure 7 : Cubatures du site des Éloux avant-après tempête 2008
Les Éloux beach sediment budget before and after the 10 march 2008 storm

Figure 7 : Cubatures du site des Éloux avant-après tempête 2008Les Éloux beach sediment budget before and after the 10 march 2008 storm

Discussion

30Au total, l’effet constaté de la tempête du 10 mars 2008 n’est pas proportionnel au potentiel morphogénique de cet évènement. En dépit de la conjonction de la tempête, des forts coefficients de marée enregistrés ce jour-là et de la coïncidence à l’heure près de la haute mer du matin avec la dépression barométrique maximale, trois éléments d’explications pourraient être avancés qui concourent à minimiser les effets morphogéniques. Ces éléments restent du domaine de l’interprétation en l’absence de mesures in situ avant et après tempête à la fois sur la plage et sur l’avant-plage. Le premier, tient au fait que dans le secteur et pour le jour considéré, la dérive a été inverse, due aux houles de sud-ouest exerçant probablement des transferts sédimentaires pouvant localement cicatriser les formes affectées par la tendance générale aux transferts vers le sud. Cette dérive inverse à d’ailleurs été modélisée par le bureau d’études Safege-Cetis (2003) pour des houles incidentes de sud-ouest (2 m-8 s et 5 m-10 s). Un effet de compensation aurait pour résultante une minimisation des effets d’érosion constatés. En second lieu surtout, les sédiments piégés sur la plateforme d’abrasion de la pointe de la Loire, résultante des dérives générales, ont pu être partiellement remobilisés et redistribués sur le secteur des Éloux, concrétisant un apport sédimentaire minimisant l’effet érosif. Un levé topographique de la zone intertidale réalisé en 2006 montre l’existence d’un dépôt sédimentaire orienté ouest-est d’environ 800 m de long pour 200 m de large et d’une épaisseur moyenne de 0,5 m (soit environ 80 000 m3), doublé d’un second dépôt plus au sud (fig. 8). Ces dépôts, alimentés par les dérives générales pourraient servir, en cas d’inversion, à maintenir voire engraisser la plage vers le nord.

Figure 8 : Mise en évidence de dépôts sédimentaires en zone intertidale pouvant être remobilisés dans le contexte d’une tempête comme celle de mars 2008
Intertidal sand banks source likely to be solicited by major storms like March 2008 storm

Figure 8 : Mise en évidence de dépôts sédimentaires en zone intertidale pouvant être remobilisés dans le contexte d’une tempête comme celle de mars 2008Intertidal sand banks source likely to be solicited by major storms like March 2008 storm

31Enfin, et c’est ce qui rend complexe l’interprétation des résultats dans le secteur, la présence des nombreux ouvrages (épis, perré bas, pieux hydrauliques et ganivelles sur la dune) ont eux aussi probablement eu un effet réducteur de l’érosion. Ces divers éléments sont donc de nature à moduler l’effet de cette tempête.

Conclusion

32L’analyse historique a permis la reconnaissance du système côtier dans son état naturel et le suivi de sa transformation en fonction des aménagements successifs. L’étude diachronique, basée sur les photographies aériennes des missions de 1950, 1974, 2000 et 2006 a permis la quantification de l’érosion linéaire sur une période de 56 ans. Il en ressort que pour la période de 1999 à 2006, le taux moyen de recul du trait de côte est de 1,9 m/an. L’érosion observée au moment de la tempête de mars 2008 n’est qu’un épisode parmi d’autres, dans un contexte plus général d’érosion chronique. Le secteur à bénéficié de conditions particulières le 10 mars 2008 avec des directions de vents et des houles associées qui ont généré une dérive inversée minimisant l’effet tempête et la tendance érosive naturelle de la plage. De plus, la présence de la résultante des dérives générales sur la plateforme avant-littorale sous la forme de stocks sédimentaires est probablement la clé de compréhension du fait que la tempête de mars 2008 n’a pas entraîné d’effets dévastateurs au niveau du secteur des Éloux.

33Cependant, il faut rappeler que les pertes enregistrées sur la plage des Éloux restent malgré tout de loin les plus importantes de toute la façade ouest de l’île, puisqu’elles ont été supérieures à 100 000 m3 pour la période comprise entre 1999 et 2007. Ceci s’inscrit dans la suite logique d’un déplacement longitudinal plus général et sur le long terme du dispositif plage/dune vers l’est.

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Bibliographie

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : La zone d’étudeStudy area
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Titre Photo 1 : Protections côtières dans le secteur des Éloux (2007)Shoreline defence structures along Les Éloux beach
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Titre Figure 2 : Les aménagements de protection côtière dans le secteur des ÉlouxCoastal defence structures along Les Éloux beach
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Titre Tableau 1 : Inventaires des rechargements récents de la plage des ÉlouxInventory of recent beach nourishment of Les Éloux beach
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Titre Tableau 2 : Bilans sédimentaires par cellules hydrosédimentaires (source : CCN, 2008)Sediment budget for each sediment cells
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Titre Figure 3 : Cinématique du trait de côte de la plage des Éloux depuis 1832 (zone encadrée sur la figure 1)Shoreline change of the Eloux beach since 1832
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Titre Figure 4 : Hauteur d’eau prédite (mP) et hauteur d’eau observée (mO) dans le port des Sables-d’Olonne heure par heure (de 0h UT le 10 mars à 23 heures UT le 11 mars 2008)Predicted water level (mP) and observed water level (Mo) in the harbour of Les Sables-d’Olonne
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Titre Figure 5 : Variations de la position du pied de dune (entre juin 2006 et mars 2008)Shift of dune / beach limit between june 2006 and march 2008
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Titre Figure 6 : Bilans sédimentaires pour le secteur des ÉlouxLes Éloux beach and dune sediment budget
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Titre Figure 7 : Cubatures du site des Éloux avant-après tempête 2008Les Éloux beach sediment budget before and after the 10 march 2008 storm
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Titre Figure 8 : Mise en évidence de dépôts sédimentaires en zone intertidale pouvant être remobilisés dans le contexte d’une tempête comme celle de mars 2008Intertidal sand banks source likely to be solicited by major storms like March 2008 storm
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Pour citer cet article

Référence papier

Paul Fattal, Marc Robin, Martin Paillart, Mohamed Maanan, Denis Mercier, Christine Lamberts et Stéphane Costa, « Effets des tempêtes sur une plage aménagée et à forte protection côtière : la plage des Éloux (côte de Noirmoutier, Vendée, France) »Norois, 215 | 2010, 101-114.

Référence électronique

Paul Fattal, Marc Robin, Martin Paillart, Mohamed Maanan, Denis Mercier, Christine Lamberts et Stéphane Costa, « Effets des tempêtes sur une plage aménagée et à forte protection côtière : la plage des Éloux (côte de Noirmoutier, Vendée, France) »Norois [En ligne], 215 | 2010/2, mis en ligne le 01 septembre 2012, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/norois/3289 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/norois.3289

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Auteurs

Paul Fattal

Géolittomer – UMR 65554 CNRS LETG, Université de Nantes, Chemin de La Censive-du-Tertre, BP 81227 – 44312 Nantes Cedex 3, France
Paul.Fattal@univ-nantes.fr

Marc Robin

Géolittomer – UMR 6554 CNRS LETG, Université de Nantes, Chemin de La Censive-du-Tertre, BP 81227 – 44312 Nantes Cedex 3, France,
Marc.Robin@univ-nantes.fr

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Martin Paillart

Communauté de Communes de l’Ile de Noirmoutier, Prée aux Ducs – 85330 Noirmoutier-en-l’Île, France,
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Mohamed Maanan

Géolittomer – UMR 6554 CNRS LETG, Université de Nantes, Chemin de La Censive-du-Tertre, BP 81227 – 44312 Nantes Cedex 3, France,
Mohamed.Maanan@univ-nantes.fr

Denis Mercier

Géolittomer – UMR 6554 CNRS LETG, Université de Nantes, Chemin de La Censive-du-Tertre, BP 81227 – 44312 Nantes Cedex 3, France,
Denis.Mercier@univ-nantes.fr

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Christine Lamberts

Géolittomer – UMR 6554 CNRS LETG, Chemin de La Censive-du-Tertre, BP 81227 – 44312 Nantes Cedex 3, France,
Christine.Lamberts@univ-nantes.fr

Stéphane Costa

Géophen – UMR 6554 CNRS LETG, Université de Caen – Basse-Normandie, Esplanade de la Paix, BP 5186 – 14032 Caen Cedex, France,
stephane.costa@unicaen.fr

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