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L’évocation des digues maritimes et fluviales en France dans Le Monde : le rôle de la presse pour stimuler une réflexion sur le devenir des digues au xxie siècle

The evocation of sea and river dikes in France in Le Monde: the role of the press in stimulating reflection on the future of dikes in the 21st century
Lydie Goeldner-Gianella, Youcef Abdi, Delphine Grancher et Emmanuèle Gautier
p. 39-58

Résumés

Les digues, qui s’étendent en France métropolitaine sur environ 9 000 km, ont été considérées jusque-là comme un objet technique servant principalement à se défendre contre les inondations. Des évolutions récentes d’ordre climatique, politique et social poussent les acteurs territoriaux à se pencher sur leur devenir et à redéfinir leur(s) rôle(s) et leur apparence paysagère au xxie siècle. Pour les y aider, on peut s’intéresser aux représentations sociales associées, en France, à cet objet technique, afin de dégager leurs caractéristiques et leurs permanences ou évolutions. Une analyse de contenu de la presse quotidienne nationale a ainsi été effectuée en s’appuyant sur les archives du Monde depuis sa création. Les représentations des digues dans Le Monde montrent une hiérarchie décroissante des enjeux liés à ces ouvrages – de la Défense contre les eaux, constamment prioritaire, aux Usages, présents sur toute la période, et enfin à la Nature et au Paysage, constamment minoritaires – et une forte séparation de ces quatre enjeux qui empêche qu’on prenne en considération les digues de façon globale, sous toutes leurs facettes. Le corpus utilisé met aussi en exergue un faible intérêt, en France, pour les méthodes souples de gestion des digues, globalement très peu évoquées dans Le Monde, en particulier pour les digues fluviales. Ainsi, la primauté donnée jusqu’à nos jours aux enjeux de défense et aux usages semble être à la fois la cause et la conséquence de l’importance majeure prise par des méthodes rigides de gestion des digues. En parallèle, la faible importance accordée aux enjeux de nature et de paysage semble être la cause et la conséquence du faible essor de la défense douce et de méthodes souples de gestion de ces ouvrages. Ces résultats sont discutés dans l’optique de favoriser un renouvellement des recherches et de la gestion des digues en France.

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Notes de la rédaction

Article reçu le 15 février 2021 et définitivement accepté le 17 septembre 2021 • Suivi éditorial : Régis Barraud

Texte intégral

Introduction

1Les digues, qui s’étendent en France métropolitaine sur environ 9 000 km le long des côtes et des cours d’eau1, sont une composante majeure des paysages fluviaux ou littoraux français. Alors qu’elles ont été considérées jusqu’à présent comme un objet technique servant essentiellement à se défendre contre les inondations fluviales ou les submersions marines, on peut supposer qu’elles sont davantage prises en considération aujourd’hui, sous l’effet du changement climatique et de ses impacts socio-écologiques, mais aussi du fait d’un renouvellement des attentes sociales à l’égard de la nature et du paysage. De plus, l’évolution réglementaire récente oblige l’échelon intercommunal à prendre en charge les digues dans le cadre d’une nouvelle compétence de GEstion des Milieux Aquatiques et de Prévention des Inondations (GEMAPI). Ces changements incitent désormais les scientifiques et les acteurs territoriaux à se pencher sur le devenir des digues fluviales et marines. Pour les aider dans cette réflexion et mieux comprendre comment et par quels moyens faire évoluer la gestion future des digues, il est essentiel de dégager les grandes représentations sociales associées, en France, à cet objet technique, afin de dégager leurs grandes caractéristiques et leurs permanences ou évolution. Cette analyse a aussi pour objectif d’aider les acteurs territoriaux à redéfinir le ou les rôles de ces ouvrages et leur apparence paysagère au xxie siècle.

2Parmi plusieurs méthodes, l’analyse de contenu de la presse quotidienne peut offrir le moyen d’y parvenir, en exploitant en particulier les informations d’un quotidien d’envergure nationale publié depuis plusieurs décennies, tel que Le Monde. L’analyse des représentations des digues dans ce quotidien depuis le milieu du xxe siècle permettra d’établir la hiérarchie des enjeux qui sont communément associés à ces ouvrages hydrauliques : on cherchera en particulier à déterminer si la défense contre les inondations est toujours prioritaire face à d’autres enjeux possiblement associés aux digues – les usages, la nature et le paysage – et qui intéressent de plus en plus les acteurs territoriaux. L’analyse permettra aussi de déterminer si des méthodes moins rigides de gestion des digues (abaissement, dépoldérisation…), déjà déployées en Europe du nord-ouest, sont prises en compte en France.

3Après avoir détaillé la méthode, le corpus d’analyse et l’objet de la recherche, nous présenterons les principaux résultats de l’analyse de contenu opérée, en nous intéressant en priorité à l’ampleur variable de la médiatisation des digues dans Le Monde, aux informations fournies par le journal sur les enjeux associés aux digues et en question aujourd’hui, et à l’évolution des modalités possibles de gestion des digues, en particulier le positionnement entre « défense dure » et « défense douce » . Dans un troisième temps, ces résultats seront discutés dans l’optique de favoriser un renouvellement des recherches et de la gestion des digues en France.

Presse nationale et représentations des digues

L’utilisation récente de la presse en géographie de l’environnement

4L’utilisation de la presse écrite dans la recherche française en géographie est relativement récente, bien que certains spécialistes de géographie sociale s’y soient très tôt intéressés (A. Chatelain, 1955). La presse est ici exploitée comme source de données permettant d’enrichir une analyse scientifique. En effet, en dépit de ses possibles incomplétudes et manques d’objectivité, largement connus, la presse « participe […] à la création d’espaces publics de référence » « en choisissant de mettre l’accent sur tel espace, sur telle catégorie d’acteurs et/ou telle thématique » (Beauguitte et al., 2016a). Des espaces, des sujets et des objets sont ainsi construits par le discours médiatique. La presse est aussi « le lieu d’expression de représentations sociales et individuelles » (Comby, 2015). Par représentation sociale, nous entendons « une forme de connaissance socialement élaborée et partagée […] concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet, 2003). La presse est utile dans l’analyse des représentations sociales, car elle les montre dans leur évolution – à travers les faits et les idées que les journalistes et les acteurs qu’ils citent véhiculent progressivement – mais elle contribue aussi à leur pérennisation ou au contraire à leur évolution en influençant ses lecteurs. La presse est ainsi simultanément « miroir et vecteur de représentations » (Comby, 2005). Beauguitte et al. (2016a) suggèrent d’ailleurs de parler de représentations « médiatiques » plutôt que sociales. Nous n’évoquons pas ici les difficultés liées à l’utilisation de la presse en recherche, amplement développées dans deux thèses récentes de géographie environnementale (Comby, 2015 ; Flaminio, 2018).

5En effet, si la presse est désormais utilisée, dans la recherche française, dans plusieurs disciplines des sciences humaines et sociales et dans divers champs de la géographie – géopolitique (Hermand, 2016 ; Beauguitte et al., 2016b), géographie urbaine ou aménagement (Drozdz, 2016) –, elle l’est aussi dans le champ de la géographie de l’environnement à partir de la fin des années 1990 et surtout dans la décennie 2010 (tableau 1). Alors que certains analysent les médias télévisés (Brun et Hague, 2016), c’est plus souvent la presse quotidienne, régionale ou nationale, qui est exploitée, sur des durées variables allant de 6 mois à 128 ans. Les thématiques analysées concernent les questions climatiques, les risques naturels, les impacts des aménagements et dés-aménagements, et d’autres thématiques environnementales.

Tableau 1 : Exploitation de la presse en géographie environnementale / The uses of daily press as a documentary source in environmental geography

Tableau 1 : Exploitation de la presse en géographie environnementale / The uses of daily press as a documentary source in environmental geography

Interroger les représentations des digues à l’aide de la presse nationale

  • 2 Par exemple, une représentation commune des digues consiste à les croire insubmersibles ; une autre (...)

6Pour mieux comprendre les représentations sociales des digues et leur évolution dans la société française contemporaine, une analyse de contenu de la presse nationale a été entreprise. L’exploitation de la presse donne lieu à des analyses de contenu depuis le début du xxe siècle aux États-Unis (Bardin, 2018). Dans la géographie environnementale française, elle s’est opérée sous deux formats : soit via une analyse de contenu exclusive (références bibliographiques 1 à 6 du tableau 1), soit via une analyse supplémentaire de données textuelles, telle que mise en œuvre par Y.-F. Le Lay, E. Comby ou S. Flaminio à partir de la décennie 2010 (références 7 à 10, 12, 13 et 15 du tableau 1). Nous avons ici opté pour une analyse de contenu de type thématique (Bardin, 2018) car la faible ampleur de notre corpus (219 articles) ne justifiait pas une analyse de contenu textuelle, centrée sur les mots employés au sujet des digues par les journalistes ou les acteurs mentionnés. L’analyse de contenu que nous avons pratiquée livre des informations suffisamment riches et variées, évolutives et spatialisables, sur les digues en France. Au-delà d’informations descriptives portant sur les enjeux, les techniques, les incidents associés aux digues…, cette analyse permet aussi de faire apparaître les représentations sociales qui sont associées aux digues2 en France, et leur éventuelle évolution depuis les années 1940.

  • 3 À la mi-2020, la diffusion payée en France était de 400 000 exemplaires par jour, pour un nombre d’ (...)

7Le choix du journal Le Monde tient à sa nature de quotidien national, à sa réputation de journal de référence et à son importante diffusion. Au sein de la presse quotidienne nationale, Le Monde se classe actuellement à la deuxième place en termes d’audience – derrière l’Équipe et devant Le Parisien/Aujourd’hui en France – sur tous canaux de diffusion (https://www.acpm.fr)3. Par ailleurs, les archives du journal sont accessibles depuis sa création en 1944 – offrant ainsi un recul de 77 ans à notre étude – et sont intégralement numérisées, ce qui facilite leur consultation et une analyse de contenu homogène à partir de mots-clefs. Enfin, l’ancienneté dans le journal d’une rubrique Environnement – désormais nommée Planète –, créée au début des années 1970, permet de présager d’un traitement notable de la question des digues, à l’image des nombreux articles étudiés par S. Flaminio (2018) sur les barrages. Les digues peuvent aussi être mentionnées dans les actualités en cas de tempête ou de crue ou dans des sujets de société. Les biais que l’on associe traditionnellement à l’utilisation de la presse dans l’analyse scientifique (Comby, 2015) nous semblent peu pertinents dans ce cas. Ainsi, le biais consistant à favoriser la nouveauté nous paraît peu répandu dans ce corpus, qui par exemple ne mentionne que tardivement et faiblement les projets nouveaux de réouverture des digues. En revanche, le biais consistant à favoriser une certaine dramatisation peut effectivement expliquer un nombre plus important d’articles après des tempêtes ou des crues avec ruptures de digues.

  • 4 La grille comprend les éléments suivants : département, lieux, milieu fluvial ou littoral, usage su (...)

8Le corpus a été constitué à l’aide de la base de données Europresse, accessible au moyen d’un abonnement institutionnel utilisable à des fins de visualisation temporaire. La sélection des articles du Monde utilisés pour notre analyse est issue de décisions successives permettant de se focaliser sur les plus pertinents : elles ont consisté à ajuster les requêtes introduites dans Europresse pour obtenir un premier corpus de manière automatique, puis à ajuster la sélection en éliminant des articles après la lecture de leur contenu (figure 1). Au terme de cette analyse, notre corpus ne comprend plus que 219 articles (2,8 articles en moyenne par année), parfaitement centrés sur l’objet d’étude : les digues de protection contre les inondations ou les submersions et non des digues aux fonctions différente – telles les digues-routes, les digues-barrages, les digues portuaires ou les digues constamment submersibles (figure 1). Le corpus est également centré sur la France. Ce corpus a ensuite été analysé sous la forme d’une grille descriptive, élaborée de façon déductive et comprenant des informations factuelles (titre de l’article, date, année, auteur) et 27 informations thématiques détaillées en note de bas de page4, permettant d’analyser les représentations sociales des digues de façon globale en s’intéressant à l’ensemble des aspects et enjeux les concernant. Cette base de données thématique a été traitée sous la forme d’analyses statistiques uni ou bi-variées (l’analyse d’occurrences en particulier) et d’un SIG à l’échelle départementale.

Figure 1 : Constitution progressive du corpus d’articles sur les digues en France à partir du Monde (1944-2020) / Progressive constitution of the corpus of articles on dikes in France from Le Monde (1944-2020)

Figure 1 : Constitution progressive du corpus d’articles sur les digues en France à partir du Monde (1944-2020) / Progressive constitution of the corpus of articles on dikes in France from Le Monde (1944-2020)

Les digues maritimes et fluviales en France, étudiées conjointement

9Les digues s’étendent en France métropolitaine sur environ 9 000 km le long des côtes et des cours d’eau5 et se présentent comme des ouvrages hydrauliques linéaires et surélevés par rapport au terrain naturel environnant, d’une hauteur généralement inférieure à 10 mètres, le plus souvent anciens (xviiie et xixe siècles principalement), fortement hétérogènes, mal connus et à la gestion perfectible. Si elles peuvent différer par leur profil, leur revêtement, leur couronne mais aussi la présence ou l’absence d’une berme ou de végétation, leur accessibilité et leur couleur (figure 2), elles ont pour point commun la fonction de rempart contre les eaux, maritimes ou fluviales. En effet, si les digue peuvent favoriser la conquête de terres sur la mer (Verger, 1968 ; Wagret, 1959) ou le lit fluvial (Dion, 1961 ; Garcin et al., 2006 ; Morera, 2011), elles constituent avant tout, sur 70 % de leur linéaire en France, un élément majeur du système de défense contre les eaux dans les zones naturellement inondables (CEPRI, 2012 ; Groupe de travail référentiel technique digues maritimes et fluviales, 2015). Les digues fluviales protègent les terres contre des inondations liées à des crues lentes ou rapides tandis que les digues de mer les protègent contre les submersions marines surtout susceptibles de se produire lors des tempêtes. Dans un contexte de forte vulnérabilité et de changement climatique, il s’agit notamment d’éviter les inondations et submersions par débordement ou rupture des digues, sous la forme de brèches créées par la pression des eaux (figures 2 et 4). Leur fonction de protection n’est garantie qu’avec un entretien constant, voire un renforcement ou une surélévation.

Figure 2 : Exemples de digues maritimes et fluviales en France / Examples of sea and river dikes in France

Figure 2 : Exemples de digues maritimes et fluviales en France / Examples of sea and river dikes in France

10Nous jugeons indispensable d’étudier simultanément, dans cette analyse de contenu, les digues fluviales et les digues de mer, bien qu’elles répondent à des aléas hydrologiques de nature différente. Elles jouent d’une part le même rôle fondamental de protection contre les eaux, en période de crue ou de submersion, étant d’ailleurs conjointement mentionnées dans les ouvrages qui leur sont consacrés (CEPRI, 2012 ; CIRIA et al., 2013 ; Groupe de travail référentiel technique digues maritimes et fluviales, 2015). Elles partagent d’autre part une législation souvent identique, avec par exemple l’instauration des PAPI (Programme d’Actions de Préventions des Inondations – quelles qu’elles soient –) en 2002, de la Directive Cadre Inondation en 2007 et de la compétence GEMAPI en 2018. Enfin, comme on le verra infra, l’analyse de contenu ne permettra que rarement de mettre en exergue une distinction entre digues de mer et digues fluviales, ce qui renforce notre choix de présentation simultanée.

  • 6 La notion de nature est essentiellement abordée ici sous l’angle de la flore – herbacée, arbustive (...)
  • 7 La notion de « paysage » est ici à prendre au sens de la Convention européenne du paysage adoptée e (...)

11Le rôle défensif des digues, mis au premier plan, est cependant parfois remis en question en raison du risque que les digues créent par leur seule présence et du recul de la culture du risque qu’elles peuvent induire (Raison, 2008 ; Verger, 2011 ; Pigeon, 2014). De plus, au-delà de leur rôle défensif et des aspects techniques qui sont souvent le seul angle sous lequel elles sont étudiées (CETMEF, 1998 ; Groupe de travail référentiel technique, 2015 ; Igigabel, 2016 ; Mériaux et al., 2004 ; Tourment et al., 2013), les digues peuvent être associées à d’autres enjeux sociétaux, liés à leurs usages, à la nature et au paysage, et qui feront l’objet, eux aussi, d’une analyse de contenu détaillée. Les digues permettent en particulier des usages très divers, tant sur leurs couronne et pentes qu’à l’avant et à l’arrière de celles-ci. En effet, ces usages, notamment dans l’espace protégé par la digue, ne se limitent plus, en milieu rural, à l’habitat et à l’agriculture : certaines digues sont aussi devenues des lieux populaires de promenade et de contemplation (Kondolf et Pinto, 2017). Leurs liens avec le paysage sont également multiples : permettant une vue en plongée sur le paysage environnant, les digues sont aussi à elles seules un paysage ou au contraire un obstacle à la perception horizontale du paysage depuis le sol – deux éléments jusque-là rarement pris en considération dans les recherches sur les digues. Rares sont, de surcroît, celles qui sont classées comme objets du patrimoine local (Forray et Clément, 2017), en dépit d’une appellation parfois vernaculaire. Enfin, malgré l’origine anthropique des digues et leur rôle d’objet technique, celles-ci sont aussi en relation avec la nature, c’est-à-dire notamment avec la végétation qui peut les recouvrir (de l’herbe rase à l’arbre) ou les protéger partiellement de l’érosion marine ou fluviale (prés salés littoraux, ripisylves – figure 2, photos 1 et 5). De même, elles peuvent abriter sur leurs pentes en particulier une végétation sensible (figure 2, photo 6) ou ordinaire. Cette végétation, partie intégrante du paysage des digues, peut parfois présenter un intérêt écologique, sociétal et même défensif : les États-Unis et certains pays d’Europe du nord-ouest sont allés jusqu’à mettre en place depuis les années 1980 des mesures d’abaissement, de réouverture ou de recul des digues littorales, qu’on appelle parfois dépoldérisation, et qui répondent à des impératifs défensifs, financiers et/ou écologiques, en permettant la renaissance des prés salés littoraux qui peuvent jouer le rôle de zone tampon et de mesure de défense douce face à la mer (Goeldner-Gianella, 2013 ; Weinstein et Kreeger, 2000). Ainsi, au-delà d’enjeux défensifs liés à la présence de l’eau, les acteurs qui gèrent les digues sont aussi confrontés de nos jours à d’autres enjeux qui peuvent être liés aux usages, à la nature6 et au paysage7, enjeux qu’il nous paraît nécessaire d’explorer plus précisément dans notre analyse de la presse nationale.

Quelles représentations des digues dans le journal Le Monde ?

Les années et les espaces de forte médiatisation

12Sur la période d’étude, certaines années ont été plus propices que d’autres à la médiatisation des digues. Par ordre d’importance, les années 2010, 2003, 1955, 1999, 1993 et 1974 ressortent particulièrement en nombre d’articles sur les digues et/ou par l’importance des mentions d’enjeux liés aux digues (figure 3).

Figure 3 : Grands enjeux associés aux digues en France depuis 1944 dans Le Monde / Major issues associated with dikes in France since 1944 according to Le Monde

Figure 3 : Grands enjeux associés aux digues en France depuis 1944 dans Le Monde / Major issues associated with dikes in France since 1944 according to Le Monde

13On constate que ces années de forte médiatisation correspondent fréquemment à des événements marquants, à savoir submersions marines avec ruptures de digues (1999 et 2010) ou crues fluviales importantes (1955, 1993, 1999, 2003, 2010) (détails en figure 4). Mais ce lien entre médiatisation et catastrophes naturelles n’est pas forcément systématique. Ainsi, si certaines années amplement mentionnées (1974) ne correspondent pas à des catastrophes naturelles, à l’inverse, d’autres inondations importantes n’ont pas été particulièrement médiatisées, soit parce qu’il n’y a pas eu de rupture de digues, soit parce que ces ruptures ne sont pas systématiquement évoquées par Le Monde8 pour des raisons sans doute éditoriales. Les crues fluviales sont prépondérantes dans le quotidien national : on relève dans le corpus 25 crues importantes entre 1940 et 2020 – dont six avec décès – contre deux submersion marines notables dont une avec décès (figure 4). Ce constat pourrait en partie expliquer pourquoi les digues fluviales (50 % du corpus) sont davantage évoquées par le journal que les digues maritimes (38 %), mais 12 % des articles évoquent simultanément ces deux catégories de digues, soit dans des départements où elles coexistent, soit lorsque l’article évoque plusieurs lieux en France. Au plan spatial, la figure 5 montre par ailleurs que certains départements littoraux (Bouches-du-Rhône, Vendée, Gironde et Manche) ressortent par le nombre élevé d’enjeux qui y sont mentionnés et par leur diversité (quatre enjeux en général). Cette particularité s’explique pour certains par un fort équipement en digues9 (Bouches-du-Rhône et Gironde) et pour d’autres par la coexistence possible d’inondations fluviales et marines, comme dans le delta de Camargue (Bouches-du-Rhône).

Figure 4 : Chronologie des inondations et des politiques liées aux inondations de 1940 à 2019 en France / Chronology of floods and flood-related policies from 1940 to 2019 in France

Figure 4 : Chronologie des inondations et des politiques liées aux inondations de 1940 à 2019 en France / Chronology of floods and flood-related policies from 1940 to 2019 in France

Figure 5 : Répartition géographique des grands enjeux associés aux digues en France entre 1944 et 2019 selon Le Monde / Spatial distribution of the dike-related major issues in France between 1944 and 2019 according to Le Monde

Figure 5 : Répartition géographique des grands enjeux associés aux digues en France entre 1944 et 2019 selon Le Monde / Spatial distribution of the dike-related major issues in France between 1944 and 2019 according to Le Monde

Les digues face à 4 enjeux : défense, usages, nature et paysage

14Chaque article mentionne en moyenne 1,7 enjeu sur les quatre enjeux étudiés (défense, usages, nature, paysage). Les digues ayant pour rôle premier la protection contre les inondations et submersions, il est logique que 77 % des articles du corpus évoquent des enjeux de défense et que ceux-ci l’emportent sur les autres enjeux (tableau 2). Tout au long de la période d’étude, les articles mentionnent le rôle défensif des digues, jugé crucial, et l’importance de la technique. La persistance du danger en dépit de la présence d’une digue, est aussi mise en exergue. Elle s’explique par des défaillances techniques ou de gestion : la moitié des articles qui traitent de l’enjeu de défense relate, en effet, des destructions de digues – souvent sous forme de brèches – et 14 % parlent de mauvais état, de faiblesses et de manque d’entretien des digues. L’absence de culture du risque est également mise en avant. Sur le plan géographique (figure 5), la côte atlantique et la Camargue sont les deux zones dans lesquelles les enjeux de défense sont les plus évoqués : la submersion marine liée à la tempête Xynthia de 2010 et les crues fluviales de 1993 et 2003 expliquent cette prédominance, la crue de 2003, d’amplitude centennale sur le bassin versant du Rhône, ayant par exemple occasionné de multiples ruptures de digues. À partir de la crue de 1993, toujours sur le bassin-versant du Rhône, 6 % du corpus évoquent des sinistrés et des décès, des dommages et des pertes économiques ; les enjeux de défense sont désormais associés aux pertes de ce qui était censé être protégé.

Tableau 2 : Grandes caractéristiques des enjeux liés aux digues mentionnés dans Le Monde / Main characteristics of the issues related to the dikes mentioned in Le Monde

Enjeu

En % des articles

En % des enjeux (sur 100 %)

En % des articles n’évoquant qu’un enjeu (sur 100 %)

Citations remarquées

Défense

77

47

80

Rôle défensif contre « un mur d’eau venant sur nous » (13/06/88), les « colères du fleuve » (03/11/93), les « fureurs de la Méditerranée » (28/12/1993). Les digues sont des « remparts » contre les inondations (11/01/1997), elles servent à « dompter les eaux » et « corseter les fleuves » (29/12/2003). « Une digue peut ne servir qu’une fois tous les dix ans ou tous les cent ans, mais ce jour-là, il faut qu’elle tienne ! » (17/02/2014).

Technique : les digues constituent des « prouesses techniques » aidant à « domestiquer la Loire par le béton » (25/10/2004) ; dans le Marais Vernier, on se compare aux Néerlandais : « un Zuyderzee français voit le jour en Normandie » (24/01/1950).

Persistance du danger : la Camargue, « n’est plus, depuis longtemps, un espace naturel, mais un polder fragile » ; « retranchée dans ses digues […], (elle n’est) pas à l’abri du péril » (14/10/2000).

Défaillances sociales : « dans beaucoup de cas, les digues endorment la vigilance des habitants et créent des événements terribles quand elles cèdent » (25/10/2018) ; « les Camarguais ont presque oublié leurs digues » et « construit n’importe où » (15/01/1998).

Usages

55

33

14

Absence de citations remarquables dans le corpus.

Nature

20

12

5

Atteintes aux digues ou aux usages : « ou on rend la Camargue à la divagation des eaux du Rhône et de la mer, ou on rend le delta vivable » (25/10/2018).

Renaissance de la nature : « Certaines m’ont dit que j’étais un traître. Mais moi qui suis camarguais, je n’associe pas cette évolution à la mort : des poissons marins remontent à nouveau jusqu’aux étangs. […] J’ai eu le temps de voir apparaître des salicornes et mourir des arbres » (26/10/2015).

Paysage

14

8

1

On combine « le plaisir de l’œil [… et] la curiosité scientifique. En témoigne le kiosque de bois encore intégré à la digue où la famille du propriétaire prenait le thé en observant les oiseaux » (18/07/2003).

15Le second enjeu évoqué est celui des usages sur les digues ou de part et d’autre des digues (tableau 2). Dans cette part du corpus (55 % des articles), les deux premiers usages cités sont le plus souvent situés dans la zone endiguée, à l’abri des digues : il s’agit des usages résidentiels (presque un tiers des articles sur les usages) et des usages agricoles (un quart). Ensuite viennent les usages récréatifs (promenade à pied sur la digue, mais aussi à vélo) dans un sixième de ces articles, puis les usages de transport (la digue étant le support d’une route ou d’une voie ferrée), à égalité avec les usages industriels dans la zone endiguée. Les usages touristiques en lien avec les digues sont peu évoqués. La figure 5 confirme cette importance des usages : rares sont les départements dans lesquels ils ne sont pas mentionnés.

  • 10 Un endiguement entraîne une modification faunistique et floristique du milieu endigué, du fait de l (...)

16Très minoritaires (20 % des articles), les enjeux de nature en relation avec les digues paraissent n’avoir qu’une faible importance au regard des autres enjeux (tableau 2). Ainsi, au plan géomorphologique, moins d’un quart des articles évoque des questions de transfert sédimentaire ou d’érosion en lien avec les digues. Au plan écologique, les impacts négatifs des opérations d’endiguement10 sur la faune et la flore sont encore moins mentionnés. Certains articles mentionnent les impacts négatifs de la faune (blaireaux, lapins, ragondins) sur l’intégrité des digues et un article insiste sur les impacts écologiques négatifs d’une submersion lorsque la digue cède (28/12/1993). La nature est donc abordée sous deux angles : soit elle est présentée en opposition aux digues, qui seraient responsables de sa destruction ou dégradation, soit elle est abordée sous l’angle de ses propres atteintes aux digues. Toutefois depuis une quinzaine d’années, on évoque aussi le thème de la renaturation des terres endiguées au moyen de la réouverture des digues. Au plan géographique (figure 5), ces enjeux de nature sont presque exclusivement mentionnés dans les départements littoraux. Un test du khi2 confirme que les enjeux de nature sont significativement bien plus évoqués dans les articles ne parlant que des digues maritimes que dans ceux ne traitant que des digues fluviales, alors que cette différence ne ressort pas pour les enjeux de défense.

17Quant aux enjeux paysagers en relation avec les digues, ils sont quasiment inexistants (14 % des articles). Malgré cette sous-représentation des questions paysagères (tableau 2), la variété des thématiques évoquées est grande. On se rend sur la digue pour observer le paysage, et notamment le danger, pratiquer un « tourisme de tempête » (16/07/2019), prendre des photos « du phénomène » (05/12/2003). En période calme, la digue est ce qui favorise ou ce qui ôte la vue sur la mer ou les eaux fluviales (18/07/2003). À l’inverse, la disparition de la vue peut aussi entraîner les habitants à s’opposer à la surélévation d’une digue devant le tribunal (03/03/2010). Un article récent donne la parole aux paysagistes qui proposent, dans un contexte de fragilité accrue des digues, de « transformer les villages en un nouvel habitat-paysage », combinant une transparence hydraulique des rez-de-chaussée avec le développement vertical des maisons et la construction de passerelles vers des zones-refuges (25/10/2018). La figure 5 montre qu’à l’exception des rives de la Loire, les enjeux de paysage ne sont évoqués que dans les départements littoraux.

18L’analyse chronologique révèle la prédominance durable de la question de la défense contre les eaux (figure 3). Les enjeux de défense sont toutefois plus évoqués à partir de 1980, date à partir de laquelle se succèdent plusieurs crues fluviales, alors que les décennies 1940 à 1970 furent plus calmes d’un point de vue hydrologique (figure 4). Ils sont particulièrement mentionnés à partir de 1999, certainement en raison d’une augmentation de la fréquence des inondations / submersions cette année-là et au début du xxie siècle (figure 4). A contrario, l’enjeu lié aux usages ne présente pas de périodisation particulière : il est régulièrement évoqué durant toute la période étudiée (figure 3), ce qui traduit son importance globale aux côtés du rôle défensif des digues. En revanche, les enjeux de nature apparaissent pour la première fois dans les années 1950 mais sont surtout mentionnés à partir de la décennie 1970 (figure 3), qui est celle de l’essor de la protection de la nature et d’un intérêt envers les thématiques environnementales en France. Si le sujet reste mineur, il est néanmoins abordé de façon constante depuis 1974 – à l’exception des années 2003 et 2010 où la médiatisation des catastrophes ne s’est traduite que par la mention des enjeux de défense et d’usages. Toutefois, l’actualité du changement climatique et de l’adaptation n’a pas donné récemment une importance accrue à cet enjeu (figure 3). Enfin, l’enjeu paysager, constamment minoritaire lui aussi (figure 3), apparaît pour la première fois en 1966 mais est surtout évoqué de façon régulière à partir de 1991 et acquiert alors presque autant d’importance que l’enjeu de nature.

De la défense dure à la défense douce ?

19Les enjeux de défense étant prépondérants, il convient de porter plus d’attention à la nature des techniques de défense évoquées. 72 % des articles du corpus mentionnent des enjeux de « défense dure » – appelées par le MEDDM (2010) « méthodes rigides » ou par certains scientifiques « méthodes actives ». Il s’agit de mesures de renforcement ou de reconstruction de digue après des dégâts ou une brèche (40 % du corpus), d’allongement ou construction de nouvelle digue (21 %), ou de rehaussement des digues existantes (11 %). Chronologiquement, les mesures de défense dure sont mentionnées de façon constante entre 1952 et 2019 (figure 6), notamment en 2010 du fait de la tempête Xynthia : la défense dure est alors deux à trois plus évoquée qu’en année normale. Ainsi, le Monde évoque autant aujourd’hui que par le passé les techniques de défense dure. On parle toujours autant, de nos jours et en particulier dans les années postérieures à la tempête Xynthia, de renforcement-artificialisation-reconstruction de digue ou de rehaussement (figure 6). De surcroît, lorsqu’un quart des articles évoque les coûts liés au réaménagement des digues, il s’agit généralement de coûts de construction. Par conséquent, le changement climatique ou l’intérêt progressif de la société pour les questions d’environnement n’ont pas eu d’effet manifeste sur les discours et les techniques de défense employées, quand bien même « le temps où certains envisageaient pour toute réponse la construction d’immenses digues de béton semble révolu » (15/12/2001)…

Figure 6 : La gestion des digues en France entre 1944 et 2019 selon Le Monde / The management of dikes in France between 1944 and 2019 according to Le Monde

Figure 6 : La gestion des digues en France entre 1944 et 2019 selon Le Monde / The management of dikes in France between 1944 and 2019 according to Le Monde
  • 11 Qu’on peut aussi considérer comme une forme de réouverture si l’eau parvient à passer.

20En effet, les mesures de défense douce, de plus en plus prônées par les pouvoirs publics et appelées « méthodes souples » (MEDDM, 2010) ou « méthodes passives » par certains scientifiques, n’apparaissent que dans vingt articles, soit 9 % du corpus seulement. Ces mesures douces évoquent essentiellement des réouvertures de digues (7 %) alors que les abaissements de digues11 ou le recul de la ligne de digue restent minoritaires (environ 1 % chacune). Quant à l’idée de surélever l’habitat sur des tertres, elle n’apparaît que dans un article sur la Garonne (26/02/1979). Chronologiquement, la défense douce apparaît pour la première fois en 1974 dans notre corpus (figure 6), mais est plus régulièrement mentionnée entre 1974 et 1983 et dans la décennie 1990. Cette période de médiatisation de la défense douce est en lien avec trois événements : 1) des épisodes de crues avec ruptures de digues (1993 pour le bas-Rhône et 1999 pour le Vidourle), 2) des projets plus innovants de gestion du trait de côte sur la côte normande (Criel-sur-Mer) et en baie du Mont-Saint-Michel et 3) une période de réflexion sur les digues de la Loire ou les champs d’expansion de crues.

21Techniquement, ces mesures douces sont mentionnées de façon très générale sans être explicitées : on doit « accepter le recul que la nature nous impose » (16/03/1974) ; les ruraux « plaident pour des ouvrages de protection submersibles, les crues apportant la fertilité » (26/03/1979) ; on parle de « laisser se faire » les inondations de la Loire (25/07/1988) ou de « laisser faire la nature » (12/08/2009) ; on doit « libérer un espace tampon aux caprices du fleuve » le long de la Loire et de l’Allier (19/07/1997) ; enfin, on « préfère accompagner le recul du trait de côte » dans les zones non habitées de Camargue, (09/11/2015). Ces articles ne précisent pas si on va opter localement pour un abandon, un abaissement ou une ouverture des digues… Une petite dizaine d’articles s’avère toutefois plus explicite au sujet de cette défense douce. Quatre d’entre eux parlent d’enlèvement ou de destruction de digues maritimes au sujet des aménagements envisagés à Criel-sur-Mer (21/09/1992) ou en baie du Mont-Saint-Michel (21/09/1977) ; la destruction de l’ancienne digue de mer de la Roche-Torin, qui devait autrefois aider à poldériser de nouvelles terres, est détruite en 1983 (31/08/1982, 28/09/1983). On mentionne aussi, presqu’incidemment au regard des reconstructions de digues évoquées, l’enlèvement de quelques digues fluviales pour faciliter l’écoulement des eaux du Vidourle (06/08/2012) après les trois crues dramatiques de 2002 et 2003. Un seul article parle clairement d’ouvrir les vannes dans les digues pour faire entrer l’eau de mer dans les polders : les scientifiques souhaiteraient re-saliniser l’étang de Vaccarès, en Camargue, après son brusque dessalement en 1993. Un seul article, également, parle d’abaisser les digues : « le maire (de Sallèles) défend une idée qui fait son chemin : écrêter les digues au lieu de les redresser, puisque l’eau (de l’Aude) les emportera » (17/12/1999). Enfin, un seul article évoque explicitement la stratégie de la dépoldérisation : « l’ouverture de la digue […] permettra à l’eau de mer de pénétrer à nouveau » dans les terres pour « retrouver les prés salés » de La Teste de Buch dans le bassin d’Arcachon, entraînant des bénéfices écologiques, paysager et récréatifs et pédagogiques (17/09/2007). Néanmoins il faut attendre 2009 pour que le terme « dépoldérisation » soit employé par Le Monde au sujet des digues de mer françaises, même s’il l’avait déjà été en 2007 dans un article évoquant l’Overdiepsche polder, aux Pays-Bas (03/04/2007). Isabelle Autissier, qui tient le journal de bord du Grenelle de la mer, évoque alors le rehaussement coûteux des digues, agressif pour le milieu, et dit lui préférer la dépoldérisation, déjà entamée en Bretagne et dans la Somme : « nom barbare pour parler de la restauration de ce qui était quand la mer flirtait librement avec la terre » (18/05/2009). Le terme de dépoldérisation est réemployé dix ans plus tard pour évoquer le programme Adapto du Conservatoire du littoral (16/07/2019) et la question de la difficile acceptabilité de cette technique par les populations.

22Notons, par ailleurs, que l’idée de végétalisation des digues n’a été évoquée que deux fois dans Le Monde : une première fois lors d’une reconstruction de digue à Vaison-la-Romaine après la crue de 1992 (19/09/1997) ; une seconde fois en rapport avec l’aménagement du tunnel sous la Manche et l’entreposage des craies extraites du tunnel derrière une digue de 35 mètres de haut devant être végétalisée pour mieux s’intégrer au paysage (07/05/1994). Dans les deux cas, l’aménagement est de nature paysagère, sans lien avec une stratégie de défense souple fondée sur la présence de végétation.

23La répartition géographique des méthodes rigides et des méthodes souples (figure 7) met très bien en exergue cette nette prédominance des premières partout en France. Les méthodes souples sont très peu apparentes et ne sont mentionnées que dans les départements littoraux, dans trois secteurs en particulier : les côtes de la Manche (Somme, Seine-Maritime, La Manche), les côtes méditerranéennes (Bouches-du-Rhône, Gard, Aude), la rive sud de la Gironde. Un test du khi2 confirme que les mesures de défense douce sont significativement bien plus évoquées dans les articles ne parlant que des digues de mer que dans ceux n’évoquant que les digues fluviales.

Figure 7 : Répartition géographique de la gestion des digues en France entre 1944 et 2019 selon Le Monde / Geographical distribution of the management of dikes in France between 1944 and 2019 according to Le Monde

Figure 7 : Répartition géographique de la gestion des digues en France entre 1944 et 2019 selon Le Monde / Geographical distribution of the management of dikes in France between 1944 and 2019 according to Le Monde

24La figure 8 résume les grandes évolutions des enjeux liés aux digues et des techniques de défense. Elle met en exergue, d’un côté, des liens forts entre une succession d’aléas avec décès à partir de 1987 et le maintien jusqu’à nos jours de l’évocation de techniques de défense dure, et, de l’autre, des liens marqués entre l’essor des enjeux de nature et des enjeux paysagers – respectivement depuis 1974 et 1991 – et l’apparition dans le corpus de la défense douce à partir de 1974 puis son évocation plus prégnante dans les années 1970-80 et 1990. Ce sont en particulier les digues de mer qui focalisent les évocations des enjeux de nature ou de défense douce.

Figure 8 : Synthèse de l’évolution des enjeux et des modes de gestion des digues en France entre 1944 et 2020 selon Le Monde / Summary of the evolution of issues and methods of dike management in France between 1944 and 2019 according to Le Monde

Figure 8 : Synthèse de l’évolution des enjeux et des modes de gestion des digues en France entre 1944 et 2020 selon Le Monde / Summary of the evolution of issues and methods of dike management in France between 1944 and 2019 according to Le Monde

Pour une recherche et une gestion renouvelées des digues en France

Faire évoluer les usages et les enjeux paysagers, aux côtés des enjeux défensifs

25Comment expliquer que les enjeux de défense l’emportent dans Le Monde sur l’ensemble de la période devant les enjeux liés aux usages et surtout à la nature et aux paysages. Cette hiérarchie est non seulement liée aux crises hydrologiques déjà mentionnées, mais aussi à l’évolution de la réglementation et de la planification concernant la défense contre les eaux à partir du milieu des années 1990 en milieu fluvial et de 2010 en milieu littoral (figure 4). L’instauration en 2018 de la compétence GEMAPI continue, de fait, de donner la priorité aux enjeux de défense, puisque les digues – qu’elles soient marines ou fluviales – pourront désormais être incorporées à des « systèmes d’endiguement » participant à la protection des territoires contre l’inondation ou la submersion. Le cas échéant, cette protection sera prise en charge par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre à la place des anciens propriétaires et gestionnaires de digues. Enfin, la forte médiatisation des enjeux de défense et plus particulièrement du sort des habitants s’explique aussi, au-delà des crises conjoncturelles, par un accroissement de la vulnérabilité des zones endiguées sous l’effet d’une poursuite de l’urbanisation et d’un entretien insuffisant des digues.

26Bien que les enjeux de défense demeurent aujourd’hui prioritaires, d’autres aspects autour des digues nous semblent à approfondir. Si les usages liés aux digues sont largement médiatisés, démontrant en cela leur importance dans les représentations sociales, ils sont toutefois dans Le Monde peu tournés vers l’activité de promenade et de sport, à pied ou à vélo, alors qu’une grande partie des digues s’y prête. Par exemple la « Loire à vélo » entre Bec d’Allier et Touraine, qui représente l’une des plus longues et plus fréquentées véloroutes d’Europe, a enregistré de janvier à juillet 2021 entre 12 000 et plus de 54 000 passages cumulés selon les sites (CRT Centre-Val de Loire, 2021). Cette faible médiatisation dans un grand quotidien est surprenante et devrait pousser les acteurs à valoriser davantage les possibilités de transport doux sur les digues et la contemplation paysagère qu’elles favorisent.

  • 12 Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte.

27La faible évocation des enjeux de nature et de paysage dans un corpus traitant des digues montre une sous-estimation de ces enjeux par la société. Et pourtant, leur apparition dans Le Monde, à partir des années 1970 et 1990 respectivement, est concordante avec leur prise en compte grandissante dans la législation et la planification nationales ou européennes (figure 4), tant dans le domaine de l’environnement et du paysage que dans la réglementation relative aux inondations. Ainsi, la directive européenne Inondations de 2007 évoque la nécessité de réduire les impacts négatifs des inondations non seulement sur les sociétés mais aussi sur l’économie, l’environnement et le patrimoine. Cet objectif apparaît à la même date dans les plans Grands Fleuves et en 2012 dans la SNGITC12, aux côtés, dans les deux documents, d’une attention au paysage. Cet intérêt pour la nature et le paysage n’aurait donc pas encore influé sur les représentations sociales des digues. On s’étonne aussi du fait que les enjeux paysagers soient essentiellement évoqués au sujet des digues maritimes – à l’exception des digues ligériennes – et qu’un seul article aborde la digue en tant que patrimoine (19/04/1991). De ce fait, nous invitons à la valorisation de certaines digues comme un paysage à part entière ou comme une forme du patrimoine technique ou culturel, considérant que cela aiderait à transmettre des savoirs sur ces ouvrages et, par-là, à mieux impliquer les populations locales, avec l’objectif éventuel de faire comprendre et accepter des stratégies douces de gestion des risques. Jusque-là, les enquêtes sociales montrent fréquemment l’opposition des populations à la réouverture des digues (Goeldner-Gianella, 2013), en France comme en Europe (Verger, 2014), sans se pencher sur la relation sensible que la population peut entretenir avec ses digues, en tant que paysage ou que patrimoine, et sur les leviers d’action que cette relation peut justement représenter. Ainsi, en réaction à leur faible médiatisation et pour des raisons scientifiques, ces enjeux paysagers et patrimoniaux nous semblent devoir être davantage pris en considération dans les recherches ou les politiques de gestion des digues.

Mieux prendre en compte les enjeux de nature et la défense douce

28Le corpus étudié nous interpelle aussi sur la faible médiatisation des enjeux de nature, en particulier de la végétation associée aux digues, et des techniques douces de gestion des digues (abaissement, réouverture, recul), alors que la compétence GEMAPI lie clairement, désormais, la GEstion des Milieux Aquatiques et la Prévention des Inondations. Il est vrai que ce n’est que depuis une dizaine d’années que l’idée de méthodes souples a fait son apparition dans les politiques de gestion du littoral français (figure 4) : ces méthodes sont officiellement mentionnées dans la SNGITC de 2012 – 2 ans après la publication par le ministère de l’écologie d’un ouvrage les répertoriant (MEDDM, 2010) – aux côtés des écosystèmes naturels auxquels un rôle défensif est accordé et de l’idée de relocalisation des activités et des biens. En 2015, les 40 mesures d’adaptation au changement climatique poussent à recenser et capitaliser des retours d’expérience sur les techniques souples et continuent de mentionner le rôle utile des écosystèmes – des idées systématiquement reprises ultérieurement (SNML, programme d’actions de la SNGITC…). Néanmoins, ces méthodes souples, lorsqu’elles concernent spécifiquement les digues, restent peu abordées et mises en œuvre en France (Bawedin, 2013 ; Goeldner-Gianella, 2013), comme leur faible médiatisation par Le Monde le met en évidence, alors qu’elles le sont depuis une quarantaine d’années en Europe occidentale (Doody, 2008 ; Esteves, 2013 ; Gueben-Venière, 2014 ; Shepard et al., 2011 ; Wolters, 2006).

29L’éventail des possibles serait pourtant large, au xxie siècle, entre des digues submersibles associées à des champs d’expansion de crues, des digues totalement réouvertes (figure 2) ou des revêtements et des formes de digues plus respectueux de la flore et de la faune qu’on pourrait davantage expérimenter en France (Chapman et Underwood, 2011 ; Lock et al., 2009). On pourrait aussi réfléchir à l’idée de créer ou recréer des buttes-refuge face aux submersions, comme celles que les sociétés édifient depuis deux millénaires le long des côtes de la mer du Nord. Les Pays-Bas ont récemment reconstruit de tels « terpen » dans un polder bordant la Meuse pour y installer des fermes tout en rabaissant une digue pour favoriser l’étalement des crues (Warner et al., 2012). Enfin, la DCE a contribué, en milieu fluvial, à la mise en œuvre d’une politique de continuité écologique et sédimentaire longitudinale, ce qui conduit à la suppression des seuils et des barrages préjudiciables à la faune et à la flore aquatiques. En revanche, la continuité latérale, c’est-à-dire la reconnexion des plaines d’inondation avec le lit ordinaire des rivières et fleuves par l’abaissement, voire l’arasement des digues, n’est que rarement envisagée. De plus, la biodiversité des ripisylves, mais aussi de la couverture végétale, herbacée ou arborée, des digues, pourrait profiter d’une meilleure submersibilité des ouvrages.

30La faible mention dans le corpus d’une couverture végétale sur les digues est sans doute liée au fait que cette couverture est très discutée en France, notamment pour les digues arborées (Vennetier et al., 2015), voire interdite pour les nouvelles constructions, du fait de la fragilisation des digues qu’entraînent certains systèmes racinaires notamment lorsqu’ils sont morts. Pourtant, n’est-il pas temps de s’interroger sur les impacts positifs de la présence de végétation sur les digues, tant pour les schorres devant les digues de mer (Shepard et al., 2011) que pour les ripisylves au pied des digues fluviales, ou les arbustes et arbres présents sur la crête et les pentes des ouvrages ? Il conviendrait toutefois, pour d’éventuelles plantations, de respecter certains paramètres techniques (dimension, matériaux…) et biologiques (structures des racines, nature du bois…) (Vennetier et al., 2015). Outre un rôle écologique et potentiellement défensif (Shepard et al., 2011), la végétation pourrait jouer un rôle esthétique et paysager, et ainsi aider à sensibiliser les riverains à l’acceptation de techniques de défense douce, en partie fondées sur la végétation. Sans aller jusqu’à réfléchir à des reboisements de digues, potentiellement préjudiciables à leur solidité (Vennetier et al., 2015), on pourrait ponctuellement y favoriser la présence d’une biodiversité arbustive ou herbacée, en dépassant l’idée traditionnelle selon laquelle une digue ne peut être qu’un objet technique et artificiel. Ainsi, en réaction à leur faible médiatisation et pour des raisons scientifiques, cet enjeu de nature nous semble devoir être davantage pris en considération dans les recherches ou les politiques de gestion des digues.

Conclusion

31Les représentations sociales des digues dans Le Monde laissent entrevoir 1) une hiérarchie décroissante des enjeux liés aux digues – de la défense contre les eaux, constamment prioritaire, aux usages, présents sur toute la période, et enfin à la nature et au paysage, constamment minoritaires et 2) une forte séparation de ces quatre enjeux en dépit d’une légère prise en compte de la nature et du paysage récemment, et donc l’absence de prise en considération globale de l’objet digue sous toutes ses facettes, tout au long de la période. Le corpus utilisé met aussi en exergue 3) un faible intérêt, en France, pour les méthodes souples de gestion des digues, globalement très peu évoquées en particulier pour les digues fluviales. Ainsi, la primauté donnée durablement aux enjeux de défense et aux usages semble être à la fois la cause et la conséquence de l’importance majeure prise par la défense dure contre les eaux. En parallèle, la faible importance accordée aux enjeux de nature et de paysage semble être la cause et la conséquence du faible essor de méthodes souples de gestion de ces ouvrages. Ce constat mis en exergue par l’analyse d’articles du Monde traduit ainsi l’orientation générale des représentations sociales des digues dans la société française contemporaine, dans les sept dernières décennies. Il serait intéressant par ailleurs d’étudier la presse quotidienne à des échelles régionale ou locale pour examiner si le constat établi à l’échelle nationale via Le Monde conserve ses grandes lignes à des échelles plus proches des territoires et de leurs acteurs. Cela permettrait aussi d’étudier l’influence de la presse et des représentations qu’elle véhicule sur l’évolution des projets locaux, et notamment sur les retards ou les avancées dans la mise en œuvre de techniques douces de gestion des digues.

32Le programme de recherches DIGUES (2019-2023), dans sa réflexion sur le devenir des digues maritimes et fluviales en France au xxie siècle dans les sept sites d’étude de la figure 2, a précisément pour objectif de dépasser les représentations sociales les plus répandues – telles celles que Le Monde a véhiculées ces dernières décennies – et d’aider les acteurs locaux à réfléchir différemment au devenir des digues. Comme développé dans la troisième partie de cet article, les chercheurs du programme visent à proposer une vision globale et plurifonctionnelle des digues qui ne serait plus uniquement centrée sur leur rôle défensif, à mieux ancrer les digues dans la nature et le paysage environnants, à favoriser l’essor de techniques douces fondées sur la nature, et, enfin, à sensibiliser les usagers à la pluralité du rôle des digues et à leur attrait paysager.

Nous remercions C. Papet et K. Fages, anciens étudiants de l’université Paris 1, pour leur participation à la création et à l’analyse du corpus, de même que les deux évaluateurs anonymes. Cette étude a bénéficié du soutien de l’Agence Nationale de la Recherche au programme de recherches DIGUES (No ANR-18-CE03-0008-01) et du soutien du Labex Dynamite.

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Notes

1 [https://www.france-digues.fr/sirs-digues/presentation/].

2 Par exemple, une représentation commune des digues consiste à les croire insubmersibles ; une autre représentation partagée voit la réouverture des digues littorales comme un renoncement face à la mer (Goeldner-Gianella, 2013).

3 À la mi-2020, la diffusion payée en France était de 400 000 exemplaires par jour, pour un nombre d’abonnés numériques de plus de 300 000 (Le Monde, 07/10/2020).

4 La grille comprend les éléments suivants : département, lieux, milieu fluvial ou littoral, usage sur la digue ou devant/derrière – avec précisions textuelles –, mention de la nature en rapport avec la digue – avec précisions textuelles –, mention du paysage en rapport avec la digue – avec précisions textuelles –, défense contre les eaux en rapport avec la digue – avec précisions textuelles –, nature des enjeux protégés, destruction, état dégradé (mauvais état, manque d’entretien, faiblesse de l’ouvrage), coûts, actions relatives à la digue (rehausser ; renforcer-artificialiser-reconstruire-refermer ; créer une nouvelle digue par avancée ; créer une nouvelle digue par recul ; abaisser ; ouvrir ; végétaliser ; fréquenter ; patrimonialiser), opposition à la digue ; acteurs en rapport avec la digue.

5 [https://www.france-digues.fr/sirs-digues/presentation/].

6 La notion de nature est essentiellement abordée ici sous l’angle de la flore – herbacée, arbustive et arborée –, présente sur la digue ou au-devant de celle-ci (prés salés devant les digues de mer, ripisylve ou forêt alluviale devant les digues fluviales). Mais d’autres aspects liés à la nature (eau, faune, substrat…) sont évoqués dans la deuxième partie.

7 La notion de « paysage » est ici à prendre au sens de la Convention européenne du paysage adoptée en 2000 à Florence : « une partie de territoire tel que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ».

8 Par exemple, l’étude des archives départementales de la Vendée [http://www.vendee.gouv.fr/IMG/pdf/Annexe_A-Fiches_Tempetes_cle54525f.pdf] montre que les ruptures des digues de mer mentionnées dans les archives ne sont pas forcément médiatisées par Le Monde, ce quotidien national opérant des choix éditoriaux en fonction de l’actualité et de l’importance sociale ou géographique de la catastrophe locale. Ainsi, les ruptures de février 1955 à Sainte-Radegonde-des-Noyers, de février 1957 dans plusieurs communes de l’anse de l’Aiguillon, d’avril 1962 et décembre 1966 à l’Aiguillon-sur-Mer, de janvier 1978 à Saint-Michel-en-L’Herm et de décembre 1995 à Longeville-sur-Mer n’ont pas été médiatisés par Le Monde, alors que d’autres événements de même (faible) ampleur sont mentionnés dans le corpus étudié, en d’autres lieux ou à d’autres périodes.

9 D’après [https://www.actu-environnement.com/], publié le 09/10/2017.

10 Un endiguement entraîne une modification faunistique et floristique du milieu endigué, du fait de la réduction de la présence d’eau ou d’humidité et de la modification des caractéristiques physico-chimiques du milieu (la disparition de l’eau de mer adoucit le milieu).

11 Qu’on peut aussi considérer comme une forme de réouverture si l’eau parvient à passer.

12 Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte.

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Table des illustrations

Titre Tableau 1 : Exploitation de la presse en géographie environnementale / The uses of daily press as a documentary source in environmental geography
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Titre Figure 1 : Constitution progressive du corpus d’articles sur les digues en France à partir du Monde (1944-2020) / Progressive constitution of the corpus of articles on dikes in France from Le Monde (1944-2020)
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Titre Figure 2 : Exemples de digues maritimes et fluviales en France / Examples of sea and river dikes in France
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Titre Figure 3 : Grands enjeux associés aux digues en France depuis 1944 dans Le Monde / Major issues associated with dikes in France since 1944 according to Le Monde
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Titre Figure 4 : Chronologie des inondations et des politiques liées aux inondations de 1940 à 2019 en France / Chronology of floods and flood-related policies from 1940 to 2019 in France
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Titre Figure 5 : Répartition géographique des grands enjeux associés aux digues en France entre 1944 et 2019 selon Le Monde / Spatial distribution of the dike-related major issues in France between 1944 and 2019 according to Le Monde
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Titre Figure 6 : La gestion des digues en France entre 1944 et 2019 selon Le Monde / The management of dikes in France between 1944 and 2019 according to Le Monde
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Titre Figure 7 : Répartition géographique de la gestion des digues en France entre 1944 et 2019 selon Le Monde / Geographical distribution of the management of dikes in France between 1944 and 2019 according to Le Monde
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Titre Figure 8 : Synthèse de l’évolution des enjeux et des modes de gestion des digues en France entre 1944 et 2020 selon Le Monde / Summary of the evolution of issues and methods of dike management in France between 1944 and 2019 according to Le Monde
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Pour citer cet article

Référence papier

Lydie Goeldner-Gianella, Youcef Abdi, Delphine Grancher et Emmanuèle Gautier, « L’évocation des digues maritimes et fluviales en France dans Le Monde : le rôle de la presse pour stimuler une réflexion sur le devenir des digues au xxie siècle »Norois, 261 | 2021, 39-58.

Référence électronique

Lydie Goeldner-Gianella, Youcef Abdi, Delphine Grancher et Emmanuèle Gautier, « L’évocation des digues maritimes et fluviales en France dans Le Monde : le rôle de la presse pour stimuler une réflexion sur le devenir des digues au xxie siècle »Norois [En ligne], 261 | 2021, mis en ligne le 01 janvier 2025, consulté le 15 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/norois/11560 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/norois.11560

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Auteurs

Lydie Goeldner-Gianella

Auteure correspondante, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 191 rue Saint-Jacques, 75005 Paris, Laboratoire de Géographie Physique, 1 place Aristide Briand, 92195 Meudon (lydie.goeldner-gianella@univ-paris1.fr)

Articles du même auteur

Youcef Abdi

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 191 rue Saint-Jacques, 75005 Paris, Laboratoire de Géographie Physique, 1 place Aristide Briand, 92195 Meudon

Delphine Grancher

Laboratoire de Géographie Physique, 1 place Aristide Briand, 92195 Meudon

Emmanuèle Gautier

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 191 rue Saint-Jacques, 75005 Paris, Laboratoire de Géographie Physique, 1 place Aristide Briand, 92195 Meudon

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