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I. Perspectives historiques

L’état rythmique du corps. Paul Valéry sur la danse

Julien Farges
p. 13-27

Résumés

L’article propose une relecture des textes que Valéry a consacrés à la danse à la lumière des analyses dispersées dans les Cahiers, véritable laboratoire de la pensée valéryenne. Il en ressort que la danse est inséparable d’une réflexion approfondie sur la notion de rythme conçu non pas de façon étroite comme une forme dans le temps, mais comme principe d’organisation formelle fondé sur la périodicité, débouchant sur une conception physiologique de la danse. Après avoir établi que la danse consiste à organiser rythmiquement la dissipation possible des mouvements corporels, on montre comment cet état rythmique induit une reconfiguration de l’espace, du temps et du corps dansant lui-même.

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Texte intégral

  • 1 Nos références aux textes de Valéry obéissent aux conventions suivantes : 1/ pour les œuvres et l (...)
  • 2 Rappelons que le premier contact intervient au début des années 1890 autour de la danseuse Loïe F (...)
  • 3 Resp. C.XVI.515 (Cahiers, I, 276) et C.XXII.513 (Cahiers, II, 977).
  • 4 Cf. J. Bouveresse, « La philosophie d’un anti-philosophe : Paul Valéry », repris dans Essais IV – (...)
  • 5 F. Pouillaude, « Un temps sans dehors : Valéry et la danse », Poétique, no 143, 2005, p. 359-376  (...)

1La place occupée par la danse dans la vie et dans la production de Paul Valéry1 est marquée par une certaine ambivalence. Si, au cours des années, il fréquenta le monde de la danse au point d’acquérir une véritable familiarité avec lui et de travailler avec certains de ses grands représentants2, il semble que la danse elle-même n’ait jamais eu à ses yeux qu’un intérêt théorique, comme en témoignent ces deux déclarations convergentes tirées de ses Cahiers : « J’ai écrit sur la danse sans l’aimer » ; « La danse me plaît à penser, m’ennuie généralement à voir »3. De cet intérêt sans goût naquirent trois textes, de forme et de statut variables : le dialogue socratique L’Âme et la Danse, de 1921, un chapitre de Degas Danse Dessin de 1936, prolongé la même année dans la conférence « Philosophie de la danse ». C’est sur ces trois textes également célèbres que s’est construite la figure de Paul Valéry philosophe de la danse, ce qui ne va peut-être pas sans malentendu. Car à l’ambivalence de l’attitude de Valéry face à la danse s’ajoute celle de son rapport à la philosophie, qu’il accuse volontiers de sombrer dans une mythologie conceptuelle faute d’une élucidation suffisamment précise du rôle que jouent le langage et ses usages dans la constitution des problèmes philosophiques4. Or cette ambivalence affecte chacun des trois textes ci-dessus, dans la forme comme dans le contenu. Si c’est évident dans le cas du premier, qui relève plus du jeu savant et suggestif avec le dialogue socratique que de la recherche dialectique d’une définition, c’est aussi le cas avec les deux autres, qui, extérieurement au moins, conservent les apparences du discours théorique argumenté. En effet, Frédéric Pouillaude5 a montré à leur sujet que la façon dont ils mêlent frivolité (dans le discours présenté pourtant comme philosophique) et grandiloquence (dans la volonté d’établir par ce moyen le sérieux de la danse) était indissociable d’une conception somme toute abstraite de la danse, qui la détache de ses dimensions scéniques et proprement chorégraphiques. Dans ces conditions, au-delà de la permanence d’une pulsion scopique en direction des danseuses, la contribution valéryenne à l’élucidation de l’essence de la danse se réduirait à l’insistance sur son rapport constitutif avec le temps.

2Dans ce qui suit, nous ne discuterons pas directement cette lecture qui, assurément, touche juste sur plus d’un point. Mais, pour la nuancer, nous souhaitons relire les textes valéryens sur lesquels elle s’appuie en les considérant à partir du lieu d’où ils tirent, comme tous les textes publics et publiés de Valéry, leur intelligibilité – à savoir les Cahiers, ces 30 000 pages de notations quotidiennes où, à égale distance de la grandiloquence et de la frivolité, s’élabore secrètement ce qui mérite seul d’être considéré comme la pensée – si ce n’est la philosophie – de Valéry. À la lumière des Cahiers, nous verrons alors que la pensée valéryenne de la danse n’est qu’un aspect d’une réflexion plus générale sur le rythme conçu comme phénomène affectant certes le temps, mais tout aussi bien l’espace et le corps dans leurs relations mutuelles.

1.

  • 6 « Philosophie de la danse », Œ.I.1400.

3Pour entrer dans la réflexion valéryenne sur la danse, le plus simple est sans doute de se laisser guider par une formule synthétique issue de la conférence « Philosophie de la danse ». Valéry y déclare qu’on peut se représenter la danse comme « une action qui se déduit, puis se dégage de l’action ordinaire et utile, et finalement s’y oppose »6. Considérons chacun de ces trois aspects.

  • 7 Ibid., Œ.I.1391.
  • 8 On en trouve une confirmation inversée au début du dialogue L’Âme et la Danse (Œ.II.151), où les (...)
  • 9 Degas Danse Dessin (désormais : DDD), Œ.II.1170.
  • 10 Cf. « Philosophie de la danse », Œ.I.1391-1392.
  • 11 DDD, Œ.II.1170.
  • 12 « Philosophie de la danse », Œ.I.1390.

4Dire, tout d’abord, que la danse se déduit de l’action au sens courant du terme, c’est rappeler qu’il y a entre elles deux une continuité du simple fait que, considérée de la façon la plus générale, la danse peut se définir comme une « action de l’ensemble du corps humain », comme le dit Valéry au seuil de cette même conférence. À ce titre, en effet, elle est soumise avant tout aux conditions générales du mouvement organique, si bien que lorsque Valéry précise cette continuité entre danse et action en affirmant que « la Danse est un art déduit de la vie même »7, c’est d’abord en un sens physiologique qu’il faut l’entendre8. Quelles sont donc ces conditions de la danse qui peuvent être rattachées à des dispositions organiques ? Valéry en distingue deux principales, dont la première se lit par exemple dans la définition suivante, tirée de Degas Danse Dessin : « La Danse est un art des mouvements humains, de ceux qui peuvent être volontaires »9. Loin d’impliquer une conception philosophique ou une théorie métaphysique de la volonté, il s’agit simplement ici pour Valéry de noter que la danse suppose un corps dont l’organisation neuro-musculaire est telle que tous ses mouvements ne soient pas réductibles au type du mouvement viscéral ou du réflexe. La deuxième condition représente dès lors une sorte de corollaire de la première : la danse suppose un organisme caractérisé par un excès de ses capacités de mouvement par rapport à ses besoins strictement vitaux, c’est-à-dire par la possibilité de mouvements inutiles du point de vue biologique ou métabolique10. Ces mouvements gratuits, et pouvant par conséquent sembler arbitraires, sont soit ceux d’une dépense musculaire sans fin (que Valéry rattache à la dissipation et dont il trouve des exemples dans « les bonds […] et les gambades d’un enfant ou d’un chien »), soit des mouvements ayant en eux-mêmes leur fin (comme « la marche pour la marche, la nage pour la nage »)11. On reconnaît dans ces derniers des instances de ce qu’Aristote nommait la praxis par opposition à la poiesis ; mais on aurait tort de croire qu’aux yeux de Valéry, la danse représenterait pour cette raison une praxis. Car marcher pour marcher ou nager pour nager, ce n’est justement pas encore danser et la danse, de son côté, est « un art fondamental »12, ce que ni la marche ni la nage ne sauraient être. Il est bien connu que pour Valéry, la création artistique est résolument située du côté du faire producteur, de sorte que la possibilité d’un mouvement corporel qui n’obéisse à aucune fin qui lui soit extérieure est une condition de la danse mais non la danse même. Cette dernière sera bien plutôt l’élaboration poétique, poiétique, de cette praxis possible du corps. Et si l’on en revient aux termes qui sont ceux de la formule qui nous guide ici, il est clair que cette élaboration correspond exactement à ce par quoi la danse ne se laisse plus déduire de l’action ordinaire mais s’en détache.

  • 13 C.XI.599.
  • 14 Cf. C.VII.434 : « Le rythme crée la périodicité et non elle le rythme ». Cf. également C.V.541-54 (...)
  • 15 C.XV.243 (notation de 1931, rédigée après la découverte du théâtre balinais).
  • 16 C.XVIII.83.
  • 17 C.XXIII.92.
  • 18 DDD, dans Œ.II.1170.
  • 19 Cf. « Philosophie de la danse », dans Œ.I.1394.

5Quel est donc l’élément qui, joint aux dispositions organiques que nous venons de mentionner, joue le rôle de condition sine qua non de la danse comme art fondamental ? La réponse de Valéry est qu’il s’agit du rythme, phénomène qui fut pour lui un objet constant de réflexion et auquel il a consacré un nombre considérable d’analyses dans ses Cahiers. Ramené à l’essentiel, le rythme n’est pas tant une « forme dans le temps »13 qu’un principe d’in-formation du temps qui, sans lui, demeure écoulement informe ou durée insignifiante. En tant que schéma d’alternance fini et répétable, le rythme est en effet une loi de succession d’après laquelle le temps s’ordonne de façon immanente. Il n’est donc pas un effet de la périodicité des phénomènes ni de leur répétition, mais répétition et périodicité ne sont au contraire aperçues qu’à partir du moment où le temps est rythmé14, c’est-à-dire où s’est substitué à l’écoulement pur une structure finie repérée comme répétable, de sorte que le temps est devenu lui-même « matière rythmique »15. On le voit, le point crucial de ces analyses est que le rythme est exactement le contraire d’une mesure du temps : car il est moins « division du temps »16, qu’« édification […], construction […d’une] Durée organisée »17. C’est pourquoi il est l’élément poiétique décisif dans la danse : la danse commence dès lors que nous nous décidons à rythmer, c’est-à-dire à « ordonner ou à organiser nos mouvements de dissipation »18 selon une alternance finie et répétable. Ce faisant, une sorte de nécessité est conférée artificiellement (artistement) à l’arbitraire de la dissipation ou du mouvement auto-finalisé19. Mais si l’on comprend que la danse, en tant qu’organisation rythmique de la dissipation, se dégage ainsi de l’action ordinaire dont elle se déduit pourtant, il reste à saisir le dernier temps de la formule de Valéry : dans quelle mesure la danse représente-t-elle, en définitive, une action qui s’oppose à l’action courante ?

  • 20 Ibid., Œ.I.1399. Cf. L’Âme et la Danse : « On croirait que ceci peut durer éternellement » (Œ.II. (...)
  • 21 Cf. « Philosophie de la danse », Œ.I.1399 ; DDD, Œ.II.1170.
  • 22 Ibid., Œ.II.1172.
  • 23 Ibid., Œ.II.1171. Cf. aussi « Philosophie de la danse » (Œ.I.139), ainsi que L’Âme et la Danse, o (...)
  • 24 « Poésie et pensée abstraite », Œ.I.1330 ; cf. une formulation presque identique dans « Propos su (...)

6Plusieurs raisons sont avancées par Valéry, qui découlent toutes du caractère auto-finalisé du mouvement dans la danse. En effet, dire que les mouvements du danseur n’ont pas de but extérieur à eux-mêmes ou à leur organisation rythmique, c’est dire que par opposition aux mouvements qui sont ceux de nos actions courantes, leur détermination ne fait droit à aucun objet qui en soit la fin, au double sens du but (relativement auquel l’action est un moyen) et du terme (en lequel l’action s’achève). Autrement dit, dans la danse, « il n’y a aucune raison, aucune tendance propre à l’achèvement » au sens où elle ne contient par elle-même « rien […] qui fasse prévoir qu’elle ait un terme »20. De sorte que son achèvement effectif prend toujours la forme d’une interruption dont la cause est extérieure et étrangère à l’essence du mouvement dansant – fatigue du danseur ou conventions du spectacle21. Il en résulte tout d’abord une opposition dans les rôles respectifs joués par le mouvement et le repos : tandis que dans l’action courante, finalisée, le mouvement se conçoit comme un acheminement vers le repos, le repos n’est au contraire, dans la danse, qu’une immobilité contrainte jouant le rôle de passage d’un mouvement à l’autre22. Mais il en résulte également une opposition dans le type de satisfaction qui se trouve à l’horizon du mouvement dans chacun de ces deux cas : en l’absence de tout objet final, la satisfaction sur laquelle débouchent l’alternance et la répétition rythmique qui caractérisent les mouvements de la danse change de nature et prend la forme d’une ivresse issue du mouvement lui-même et pouvant aller « de la langueur au délire, d’une sorte d’abandon hypnotique à une sorte de fureur »23. Ces remarques ne montrent pas seulement que l’action courante et la danse représentent deux types d’action opposés ; en effet, puisque dans chacun des deux cas c’est le même système organique qui est mis en mouvement, puisque la danse « se sert des mêmes organes, des mêmes os, des mêmes muscles […] autrement coordonnés et autrement excités »24, on a affaire en réalité à deux régimes, mutuellement exclusifs, du mouvement corporel.

  • 25 Cf. C.III.363.
  • 26 Resp. DDD, Œ.II 1171 ; « Philosophie de la danse », Œ.I.1396.
  • 27 C.XV.24 (Cahiers, I, 1341) ; cf. également C.VI.101 (Cahiers, I, 1299).
  • 28 C.VI.101 (Cahiers, I, 1300).
  • 29 Cf. C.IV.101 (Cahiers, I, 1299).

7Dans ces conditions, on pourrait se demander s’il est vraiment pertinent de parler de la danse, du régime dansant, comme d’une action, fût-elle opposée à l’action finalisée et courante. Et le fait est que la formule synthétique que nous avons suivie jusqu’à présent est trompeuse car le concept que Valéry mobilise le plus souvent pour rendre compte du régime de mouvement auquel correspond la danse est le concept d’état qui, dans le cas de la danse, s’oppose doublement à l’action. Il s’y oppose tout d’abord comme les verbes d’état s’opposent aux verbes d’action, et dans la mesure où les mouvements de la danse ne répondent justement pas à la nécessité de réaliser activement une fin qui leur serait extérieure mais sont commandés par un principe immanent, on peut les décrire comme des mouvements d’état plutôt que comme des mouvements d’action. Mais si l’on se souvient que c’est par l’organisation rythmique du mouvement auto-finalisé que s’institue la danse, un deuxième niveau d’opposition entre action et état se fait jour. En effet, la danse n’est qu’un état possible, parmi de nombreux autres, par lesquels nous passons au cours de nos journées et de nos vies25. Mais le propre de ce que Valéry nomme parfois « l’état de danse » ou « l’état dansant »26 est d’être un « état de rythme », c’est-à-dire un état dans lequel « la réponse régénère la demande », ou encore un « état dans lequel la réponse à l’excitation replace en un point où l’excitation est renouvelée – où la demande est redemandée et même recréée par le système seul »27. Autrement dit, la danse est un état dans lequel sont produits des mouvements qui entretiennent cet état lui-même et la reproduction de mouvements ayant le même effet. C’est la raison pour laquelle on peut aussi en parler comme d’un « état conservatif »28, aux antipodes de la téléologie linéaire de l’action. L’une des conséquences remarquables de l’institution de cet état est la disparition apparente de toute dépense inutile d’énergie : le danseur donne moins l’impression de s’efforcer au mouvement que d’entretenir son état par les mouvements qui en procèdent. De sorte que le concept de dissipation, que nous avons rencontré plus haut, ne doit pas s’entendre par opposition à l’économie. Au contraire, en tant qu’état de rythme, l’état dansant correspond à l’oxymore d’une économie de la dissipation, de sorte que la danse s’oppose à l’action comme une économie du mouvement s’oppose à une autre : économie comme efficacité pragmatique d’un côté, et de l’autre comme « récupération et adaptation parfaites » du mouvement à ses conditions de production29.

2.

8Après avoir clarifié, dans un premier temps, le type de déploiement du mouvement corporel dont relève la danse, il faut à présent faire droit à la deuxième direction principale des analyses de Valéry, qui correspond proprement à ce qu’il nommait une « poétique » de la danse et dont le but est de répondre à la question de savoir ce que fait le danseur lorsqu’il danse et, inséparablement, ce que fait la danse à ceux qui la contemplent. Nous avons vu que le rythme devait être conçu comme puissance d’édification d’une durée organisée ; il s’agit à présent de comprendre qu’en tant que déploiement d’un état rythmique du corps, la danse n’est pas un événement corporel dans le temps et dans l’espace mais altération dansante de l’espace, du temps et du corps lui-même.

  • 30 C’est ce que rappelle notamment M. Viollet-le-Duc, dans son Dictionnaire raisonné de l’architectu (...)
  • 31 Cf. « Paradoxe sur l’architecte », (Œ.II.1402 sq.), où apparaît la figure d’Orphée qui jouera un (...)
  • 32 Cf. L’Âme et la Danse, Œ.II.154 et 155.
  • 33 Cf. V. Fabbri, Paul Valéry, le poème et la danse, Paris, Hermann, 2009, p. 60 et 66 sq.
  • 34 « Philosophie de la danse », Œ.I.1397.
  • 35 C.XX.645 (Cahiers, II, 976).
  • 36 Ibid.
  • 37 Cf. L’Âme et la Danse, Œ.II.157.
  • 38 Cf. C.XX.645 (Cahiers, II, 976).
  • 39 « Philosophie de la danse », Œ.I.1397.
  • 40 Cf. L’Âme et la Danse : « Son orteil qui la supporte tout entière frotte sur le sol comme le pouc (...)
  • 41 « Philosophie de la danse », Œ.I.1397.
  • 42 C.IV.229.

9Commençons par l’espace. Il faut remarquer ici que les textes de Valéry ne fournissent pas d’analyses ou de descriptions montrant directement comment la danse se donne à elle-même son propre espace, mais cette idée fondamentale se tire pourtant assez aisément du fait que le concept de rythme n’est pas seulement temporel ou musical mais aussi spatial et architectural 30. Il est à la rencontre de la musique et de l’architecture, jonction sur laquelle Valéry a longuement médité depuis ses premiers textes publiés31. Mais dans ceux qu’il consacre spécifiquement à la danse, l’idée d’une configuration dansante de l’espace lui-même n’est présente qu’indirectement et de deux manières principales. En premier lieu, à travers le réseau de métaphores qui, au début du dialogue L’Âme et la Danse, font droit à des éléments architecturaux pour décrire les premières évolutions du groupe des danseuses32. Comme le souligne à juste titre Véronique Fabbri, cette description métaphorique véhicule l’idée d’un espace rythmiquement construit et comme architecturé par le mouvement des corps – idée qui, comme on le sait, fut notamment mise en œuvre par les chorégraphies modernes des ballets russes ou des ballets suédois33. Mais en second lieu, et de façon plus conceptuelle, cette idée est également à l’horizon des nombreuses analyses que Valéry consacre au sol et à ce qu’il devient dans la danse. S’il peut dire que le sol constitue « un objet capital » de la danse34, c’est justement parce qu’il cesse, dans la danse, d’être ce « plan » statique « sur lequel piétine la vie ordinaire »35. En effet, loin que les mouvements du corps dansant se déploient sur le sol ou par rapport à lui, le sol est littéralement pris dans les mouvements de la danse dont il devient une composante dynamique. Tout est lié, de nouveau, au rythme. Car en vérité, si le corps se détache du sol, c’est qu’il tire du sol ce dont il a besoin pour le fuir, son impulsion, et il ne l’en tire, cette impulsion, que parce qu’il l’y a en quelque sorte imprimée par son appui. On reconnaît ici la périodicité caractéristique de l’état de rythme, où l’impulsion au mouvement est entretenue par la réalisation du mouvement lui-même. La danse est donc une mise en rythme du sol, lequel ne peut plus dès lors être décrit comme un plan inerte. Si l’on veut insister sur le fait qu’il restitue la force qui lui a été communiquée par l’appui, qu’il est un lieu où « les forces se réfléchissent »36, il faudra plutôt en parler comme d’un miroir37. Si l’on veut insister sur le fait que ce sont des forces vives qui s’entretiennent ainsi mutuellement, il faudra en parler comme d’un « plan élastique »38, tout en reconnaissant que cette élasticité lui est conférée justement par le corps dansant, lui-même « doué d’une élasticité supérieure »39 puisque chacun de ses mouvements donne l’impulsion au suivant. Dans ces conditions, le sol devient une sorte d’instrument dont joue le danseur40 dans l’exacte mesure où il tente, dans la danse, de « jou[er] au plus fin […] avec sa propre pesanteur »41, c’est-à-dire, au fond, de se jouer d’elle. Toutes ces considérations semblent converger dans l’idée paradoxale selon laquelle le sol devient, dans la danse, l’élément déterminant d’un milieu, au sens d’un espace constitué par les interactions qui s’y déploient. Le nageur surnage parce qu’il « agit sur l’eau pour qu’elle réagisse »42, note Valéry dans l’un de ses Cahiers ; de même l’oiseau avec l’air, mais aussi le danseur avec le sol.

  • 43 « Philosophie de la danse », Œ.I.1396.
  • 44 L’Âme et la Danse, Œ.II.152.
  • 45 C.VI.101 (Cahiers, I, 1299).
  • 46 « Philosophie de la danse », Œ.I.1396.

10Qu’en est-il, à présent, de l’altération dansante du temps ? Comme le remarque Valéry, si « la Danse […] n’est après tout qu’une forme du Temps », c’est au sens où elle est « création d’une espèce de temps […] d’une espèce toute distincte et singulière »43. En quoi consiste donc cette nouvelle espèce de temps ? De nouveau, c’est une métaphore issue de L’Âme et la Danse qui pourra servir de guide. Contemplant l’une des danseuses du groupe initial, Socrate s’exclame : « Qu’elle est juste !… Le vieux temps en est tout rajeuni ! »44. Comment comprendre cette dernière formule ? Être jeune, c’est, comme on dit, avoir l’avenir devant soi et donc peu de passé derrière soi ; or, malgré son caractère imagé et presque trivial, cette description rend parfaitement compte de la temporalité qui, aux yeux de Valéry, est instituée par la danse dans la mesure où celle-ci est mise en état rythmique du corps. Si, en effet, l’état de rythme est celui d’un système fermé où règne la périodicité en vertu de laquelle la satisfaction d’une excitation motive son retour et l’entretient, alors il est par conséquent cet état où, selon une notation fondamentale des Cahiers, « se fait une création perpétuelle de l’attente, mais une destruction perpétuelle du passé antérieur »45. Dans la temporalité de la vie courante, nos attentes sont fondées sur des expériences passées, et la satisfaction ou la déception de ces attentes fonde de nouvelles attentes toujours plus déterminées qu’on nomme des anticipations, de sorte qu’ « avoir de l’expérience » c’est très exactement « savoir à quoi s’attendre », donc « pouvoir anticiper » et réduire la possibilité de la surprise. Si nous comprenons bien Valéry, c’est ce développement cumulatif des attentes qui cesse dans la danse parce que s’y substitue une périodicité rythmique en vertu de laquelle l’attente s’entretient elle-même hors de tout accroissement d’expérience – d’où, peut-être, l’image de la jeunesse, associée au manque d’expérience et à l’attente indéterminée. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit donc pas du tout de dire que la temporalité de la danse serait celle d’un présent perpétuel, d’une immobilisation du temps par dilatation ou éternisation du présent, mais au contraire celle de la perpétuation rythmique d’un instant d’attente, mais d’une attente qui n’est pas anticipative et pour laquelle chaque mouvement sera donc toujours vécu comme neuf, comme un événement, en même temps que comme imminence d’un nouveau mouvement. Le concept fondamental est ainsi trouvé : pour Valéry, la temporalité de la danse est celle de l’imminence, celle selon laquelle le temps se déploie de façon rythmique comme une imminence qui s’entretient elle-même, un instant qui se multiplie lui-même et où c’est seulement la puissance de se mouvoir qui se montre pour elle-même comme un événement du corps. Autrement dit, ce que la danse donne à vivre n’est autre que le paradoxe d’une durée « toute faite de rien qui puisse durer »46.

  • 47 C.XX.645 (Cahiers, II, 976). Cf. également DDD, Œ.II.1172.
  • 48 Cf. « Philosophie de la danse », Œ.I.1397 : la danse présente le « mystère d’un corps qui […] ent (...)
  • 49 Cf. L’Âme et la Danse, Œ.II.172 : « Elle fait voir l’instant […]. Elle est divine dans l’instable (...)
  • 50 Cf. DDD, Œ.II.1172.

11Avant d’en venir au statut du corps dansant lui-même relativement à sa danse, soulignons qu’on trouve chez Valéry un concept qui permet de ressaisir comme un phénomène unifié et simple cette altération par la danse des conditions spatiales et des conditions temporelles de notre expérience – c’est le concept d’instabilité. Le 13 décembre 1937, après avoir assisté à un spectacle de danses yéménites, Valéry note dans ses Cahiers : « toute la danse est une spéculation sur l’instable »47. Cette instabilité est une conséquence directe du caractère rythmique de la danse, dans la mesure où le rythme est une façon de donner une règle à la pure succession, mais une règle qui exclut paradoxalement l’uniformité48. Résultante du rythme, l’instabilité est susceptible comme ce dernier d’une double entente. Dans son entente temporelle, elle renvoie à la précarité de l’imminence, c’est-à-dire de l’instant lui-même, que la personne qui danse rend en quelque sorte sensible (Valéry jouant manifestement sur l’assonance entre « instable » et « instant »49). Et dans son entente spatiale, elle renvoie à la disparition du sol comme plan d’appui au profit d’une surface élastique restituant au corps sa propre énergie, si bien que les corps dansants semblent tenir et se tenir par eux-mêmes, en vertu du seul enchaînement de leurs mouvements50. Dans ces deux dimensions, on notera au passage le lien entre l’instabilité et le suspens, qu’il s’agisse du temps suspendu d’une attente ouverte sur l’imminence même ou bien de l’état suspendu d’un corps au sein d’un milieu dépourvu de tout sol.

  • 51 L’Âme et la Danse, Œ.II.172.
  • 52 Ibid., resp. Œ.II.170 et 160.
  • 53 Cf. ibid., resp. Œ.II.158 et 173.
  • 54 « Regardez-moi plutôt ces bras et ces jambes innombrables », ibid., Œ.II.154.
  • 55 « Chose sans corps », s’exclame Socrate à propos d’Athiktè, ibid., Œ.II.155.
  • 56 C.XVIII.480.

12Mais ce corps, suspendu par la danse dans l’espace et dans le temps, n’est-il pas lui-même le premier à être altéré par les mouvements qu’il exécute ? C’est bien sûr le cas, et à tenir compte tout d’abord des descriptions et des métaphores proposées par le dialogue L’Âme et la Danse, il semble que la danse donne lieu à une sorte de dés-organisation du corps, sous la forme d’une perturbation du rapport entre le tout et certaines de ses parties. C’est ainsi que les derniers moments de la danse d’Athiktè suggèrent à Socrate la description suivante : « ce corps s’exerce dans toutes ses parties et se combine à lui-même, et se donne forme après forme, et il sort incessamment de soi ! »51. Cela s’explique parce qu’au sommet de son art, la danseuse donne l’impression que « la danse lui sort du corps », ce qui n’est possible que si « toute, elle devient danse »52. Mais cette même possession de l’intégralité du corps dansant par la danse semble aussi appeler, de la part des spectateurs, l’image contraire : non plus celle d’une sortie du corps dansant hors de lui-même, mais bien d’une concentration dans l’une de ses parties qui devient dès lors, à elle seule, le corps tout entier (yeux, mains ou orteils)53. Parfois, enfin, l’impression donnée par cette possession est celle, paradoxale, d’une disparition du corps par dispersion ou pulvérisation de ses parties, en particulier s’il s’agit du mouvement de plusieurs danseuses54, mais même dans le cas de la grande danseuse chez qui la danse semble s’être substituée à son corps55. Mais le point essentiel est ici, bien entendu, que cette désorganisation est en réalité le corollaire d’un réagencement du corps par la danse, d’une ré-organisation ou ré-articulation dont, une fois de plus, le rythme est le principe en vertu d’un aspect décisif que nous n’avons pas encore évoqué et que Valéry expose très clairement dans une importante notation extraite des Cahiers : « Rythme ne se réduit pas à des événements auditifs et à des intervalles de temps pur. Mais c’est création d’une organisation (comme des astres suggérant une figure) »56.

  • 57 Cf. DDD, Œ.II.1171.
  • 58 V. Fabbri, Paul Valéry…, op. cit., p. 146 sq.
  • 59 Cf. DDD, Œ.II.1172.
  • 60 Thème valéryen inépuisable ; cf. par ex. C.VII.700 et C.XXVIII.205 (Cahiers, II, 940-941 et 1051)

13C’est donc dans la mesure où il est producteur de figures ou de configurations que le rythme est un principe d’organisation, et, une fois de plus, cela vaut pour l’espace comme pour le temps : en tant que distribution organisée d’étoiles dans le ciel, une constellation est une figure rythmique ; de même, en tant que distribution organisée de battements sonores, un mètre (iambe, dactyle, etc.) est une figure rythmique. Tout ce que nous avons décrit jusqu’à présent comme altération du temps et de l’espace peut donc être ressaisi comme reconfiguration. Mais cela vaut également du corps dansant lui-même : car ce sont des figures qui se déploient dans ses mouvements57, figures dont on peut dire qu’elles ne sont pas tant des « formes achevées » que des « jeu[x] de forces en tension »58. Dans la danse, donc, la dé-formation du corps n’est pas sa dé-figuration mais au contraire sa re-configuration en un répertoire vivant de formules rythmiques dans lesquelles il se concentre d’un instant à l’autre. C’est ici que l’on peut comprendre que Valéry ait pu suggérer qu’en devenant multiplicité composée de figures alternées et répétées, le corps dansant se faisait ornement, non pas dans la durée ou dans l’étendue, mais de la durée et de l’étendue tout à la fois59. Et ornement, non pas au sens trivial d’une excroissance superflue, mais au sens véritablement décoratif d’une figure remplissant gratuitement l’espace ou le temps selon une loi de convenance avec nos sens, tout en leur révélant de façon plus sensible le support ainsi orné60. Dans la danse, donc, temps et espace cessent d’être des formes de l’intuition et sont en quelque sorte rendus sensibles eux-mêmes et pour eux-mêmes dans l’expérience.

  • 61 L’expression est de F. Pouillaude, « Un temps sans dehors… », art. cit., p. 373.
  • 62 C.XVI.488 (Cahiers, II, 965).
  • 63 « Serge Lifar à l’Opéra » [1943], dans Paul Valéry et les arts, Paris, Actes Sud, 1985, p. 126. S (...)

14Que tirer de cette reconstruction rapide de la conception valéryenne de la danse et du corps dansant ? On peut d’abord souligner qu’elle ne corrige pas une série d’oublis imputables à Valéry, à commencer par l’ « oubli de la scène et du théâtre »61, c’est-à-dire des structures d’adresse et de regard selon lesquelles la danse s’expose. En lien avec ce premier oubli, il y a en outre celui de la dimension rituelle et sociale de la danse, avec sa portée fondamentalement civilisatrice. Enfin, il y a ce que l’on pourrait appeler un oubli relatif du danseur en raison de l’adoption quasi-systématique du point de vue du spectateur. Laissant de côté ces trois dimensions, Valéry ne s’attache qu’à ce qui fait à ses yeux l’essence de la danse, ce qu’il nomme la « danse de motion pure », c’est-à-dire la production rythmique et figurée des « possibles périodiques du corps »62, perspective qui le conduit à affirmer, dans un texte qu’il consacre à Serge Lifar, que la danse est « le plus abstrait de tous les arts »63. Faut-il alors s’appuyer sur cette formule pour imputer à Valéry une conception elle-même abstraite et réductrice de la danse ?

  • 64 C.XVI.488 (Cahiers, II, 965).
  • 65 « Serge Lifar à l’Opéra », art. cit., p. 126.
  • 66 C.XVI.488 (Cahiers, II, 965).
  • 67 V. Fabbri, Paul Valéry…, op. cit., p. 95 sq.

15Rien n’est moins sûr. Quand Valéry parle d’abstraction à propos de la danse telle qu’il la définit, c’est avant tout pour souligner qu’elle n’est pas liée par essence à une représentation figurative dans laquelle le corps serait le moyen d’une « action scandée »64. Un point essentiel se fait donc jour ici : que le corps devienne figure n’implique pas qu’il doive figurer quoi que ce soit, mais seulement qu’il se réduit à des mouvements qui construisent rythmiquement l’espace et le temps, qui soient choré-graphiques. C’est la raison pour laquelle Valéry peut soutenir que la danse est « un art des actes purs »65 : purs au sens où ils se réduisent à cette fonction productrice ou constructrice conformément à laquelle, hors de toute action dont ils seraient les moments où les moyens, ils ne peuvent susciter que des « effets d’état »66. L’intérêt de cette conception de la danse comme état rythmique du corps trouve dès lors une confirmation puissante dans le fait, souligné par V. Fabbri, que la notion d’ « état de corps » a précisément été avancée depuis quelques décennies par des danseurs et des théoriciens de la danse dans le but de rendre compte de la danse autrement qu’en termes de représentation corporelle des états d’âme, mais plutôt comme « développement de postures et d’expériences du corps en un mouvement inédit »67. Or dans la mesure où Valéry définit l’état de rythme sans référence aucune à des représentations ou à une intériorité, ce n’est pas faire violence à ses analyses que de les lire comme des contributions à cette conception physiologique de la danse, ni par conséquent de leur reconnaître une véritable fécondité.

  • 68 C.VI.173 (Cahiers, I, 334).
  • 69 Cf. L’Âme et la Danse, Œ.II.157.
  • 70 C.VI.173 (Cahiers, I, 334).
  • 71 L’Âme et la Danse, Œ.II.169.
  • 72 F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, « Le chant de danse », trad. fr. par M. de Gandillac da (...)

16Peut-être, ainsi conçue, la danse est-elle alors en mesure de figurer elle-même une sorte d’idéal pour le philosophe, c’est-à-dire pour celui qui ambitionne la liberté de la pensée : c’est ce que suggère Valéry en évoquant la possibilité de devenir « penseur comme on est danseur »68. Reste à savoir si cet idéal peut encore se réclamer de la figure tutélaire de Socrate. Tantôt, en effet, Valéry insiste sur la façon dont la danse peut servir l’idéal socratique de la connaissance de soi69, tantôt, dans une veine plus nietzschéenne, il fait de la danse le lieu où le rapport à soi se détache de toute dimension gnoséologique : la danse invite alors le penseur à se faire « artiste non tant de la connaissance que de soi »70, c’est-à-dire à « cesser d’être clair pour devenir léger », à « changer sa liberté de jugement en liberté de mouvement »71 – autant de formules qui se laisseraient aisément rapprocher du « chant de danse et de raillerie contre l’esprit de pesanteur » entonné par Zarathoustra au spectacle de jeunes danseuses72. Ainsi, à l’épreuve de la danse, c’est sur elle-même que la philosophie est invitée à s’interroger.

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Notes

1 Nos références aux textes de Valéry obéissent aux conventions suivantes : 1/ pour les œuvres et les textes publiés : Œuvres, éditées par J. Hytier, 2 vol., Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1957 (désormais : Œ, suivi de la tomaison et de la pagination) ; 2/ pour les extraits des Cahiers, nous renvoyons d’abord à l’édition du CNRS en fac-similé, 29 vol., 1957-1961 (désormais : C, suivi de la tomaison et de la pagination), puis, le cas échéant, à l’édition thématique de J. Robinson-Valéry : Cahiers, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2 vol., 1973-1974.

2 Rappelons que le premier contact intervient au début des années 1890 autour de la danseuse Loïe Fuller, dont la chorégraphie novatrice avait déjà inspiré une partie des notes, célèbres, que Mallarmé a rédigées sur la danse dans son recueil Divagations, que Valéry considéra longtemps comme indépassables. Puis, de part et d’autre de la première guerre mondiale, il assiste aux spectacles des ballets russes, s’approche de Nijinski et croise à plusieurs reprises Stravinski avec lequel une certaine affinité esthétique s’affirme ; il prend également connaissance des spectacles des ballets suédois de Rolph de Maré. À partir de la fin des années 1920 et au cours des années 1930, il se rapproche de Serge Lifar, tout en faisant connaissance avec le théâtre balinais (1931) et la danse yéménite (1937). Enfin, il faut rappeler qu’après avoir tenté au tournant du xxe siècle de travailler avec Debussy à un ballet sans programme qui aurait pu s’intituler L’Hiéroglyphe (cf. C.II.93-94), il a rédigé les livrets de deux mélodrames mêlant danse et mime (Amphion et Sémiramis), et qui seront interprétés par Ida Rubinstein sur une musique d’Arthur Honegger.

3 Resp. C.XVI.515 (Cahiers, I, 276) et C.XXII.513 (Cahiers, II, 977).

4 Cf. J. Bouveresse, « La philosophie d’un anti-philosophe : Paul Valéry », repris dans Essais IV – Pourquoi pas des philosophes ?, Marseille, Agone, 2004, p. 243-278.

5 F. Pouillaude, « Un temps sans dehors : Valéry et la danse », Poétique, no 143, 2005, p. 359-376 ; repris dans Le désœuvrement chorégraphique. Étude sur la notion d’Œuvre en danse, Paris, Vrin, 2009, p. 27-47.

6 « Philosophie de la danse », Œ.I.1400.

7 Ibid., Œ.I.1391.

8 On en trouve une confirmation inversée au début du dialogue L’Âme et la Danse (Œ.II.151), où les premières notations sur la danse interviennent comme autant de métaphore pour décrire le caractère cyclique des processus organiques.

9 Degas Danse Dessin (désormais : DDD), Œ.II.1170.

10 Cf. « Philosophie de la danse », Œ.I.1391-1392.

11 DDD, Œ.II.1170.

12 « Philosophie de la danse », Œ.I.1390.

13 C.XI.599.

14 Cf. C.VII.434 : « Le rythme crée la périodicité et non elle le rythme ». Cf. également C.V.541-542 et 897 (Cahiers, I, 1282 et 1295).

15 C.XV.243 (notation de 1931, rédigée après la découverte du théâtre balinais).

16 C.XVIII.83.

17 C.XXIII.92.

18 DDD, dans Œ.II.1170.

19 Cf. « Philosophie de la danse », dans Œ.I.1394.

20 Ibid., Œ.I.1399. Cf. L’Âme et la Danse : « On croirait que ceci peut durer éternellement » (Œ.II.174).

21 Cf. « Philosophie de la danse », Œ.I.1399 ; DDD, Œ.II.1170.

22 Ibid., Œ.II.1172.

23 Ibid., Œ.II.1171. Cf. aussi « Philosophie de la danse » (Œ.I.139), ainsi que L’Âme et la Danse, où cette ivresse est d’abord évoquée par Socrate (Œ.II.169) avant d’être vécue par Athiktè (Œ.II.174 sq.).

24 « Poésie et pensée abstraite », Œ.I.1330 ; cf. une formulation presque identique dans « Propos sur la poésie », Œ.I.1371.

25 Cf. C.III.363.

26 Resp. DDD, Œ.II 1171 ; « Philosophie de la danse », Œ.I.1396.

27 C.XV.24 (Cahiers, I, 1341) ; cf. également C.VI.101 (Cahiers, I, 1299).

28 C.VI.101 (Cahiers, I, 1300).

29 Cf. C.IV.101 (Cahiers, I, 1299).

30 C’est ce que rappelle notamment M. Viollet-le-Duc, dans son Dictionnaire raisonné de l’architecture française du xie au xvie siècle (Paris, Morel, 1869), que Valéry connaissait bien : « Rythmer un édifice, pour le Grec, c’était trouver une alternance de vides et de pleins qui fussent pour l’œil ce qu’est pour l’oreille, par exemple, une alternance de deux brèves et une longue » (t. VIII, p. 513, cité par N. Celeyrette-Pietri, « Rythme et symétrie », dans Paul Valéry 5 – Musique et architecture, Paris, Lettres Modernes, 1987, p. 45-75, ici p. 56).

31 Cf. « Paradoxe sur l’architecte », (Œ.II.1402 sq.), où apparaît la figure d’Orphée qui jouera un rôle essentiel pour Valéry jusque dans son mélodrame Amphion.

32 Cf. L’Âme et la Danse, Œ.II.154 et 155.

33 Cf. V. Fabbri, Paul Valéry, le poème et la danse, Paris, Hermann, 2009, p. 60 et 66 sq.

34 « Philosophie de la danse », Œ.I.1397.

35 C.XX.645 (Cahiers, II, 976).

36 Ibid.

37 Cf. L’Âme et la Danse, Œ.II.157.

38 Cf. C.XX.645 (Cahiers, II, 976).

39 « Philosophie de la danse », Œ.I.1397.

40 Cf. L’Âme et la Danse : « Son orteil qui la supporte tout entière frotte sur le sol comme le pouce sur un tambour » (Œ.II.173).

41 « Philosophie de la danse », Œ.I.1397.

42 C.IV.229.

43 « Philosophie de la danse », Œ.I.1396.

44 L’Âme et la Danse, Œ.II.152.

45 C.VI.101 (Cahiers, I, 1299).

46 « Philosophie de la danse », Œ.I.1396.

47 C.XX.645 (Cahiers, II, 976). Cf. également DDD, Œ.II.1172.

48 Cf. « Philosophie de la danse », Œ.I.1397 : la danse présente le « mystère d’un corps qui […] entre dans une sorte de vie à la fois étrangement instable et étrangement réglée ».

49 Cf. L’Âme et la Danse, Œ.II.172 : « Elle fait voir l’instant […]. Elle est divine dans l’instable, elle en fait don à nos regards… ».

50 Cf. DDD, Œ.II.1172.

51 L’Âme et la Danse, Œ.II.172.

52 Ibid., resp. Œ.II.170 et 160.

53 Cf. ibid., resp. Œ.II.158 et 173.

54 « Regardez-moi plutôt ces bras et ces jambes innombrables », ibid., Œ.II.154.

55 « Chose sans corps », s’exclame Socrate à propos d’Athiktè, ibid., Œ.II.155.

56 C.XVIII.480.

57 Cf. DDD, Œ.II.1171.

58 V. Fabbri, Paul Valéry…, op. cit., p. 146 sq.

59 Cf. DDD, Œ.II.1172.

60 Thème valéryen inépuisable ; cf. par ex. C.VII.700 et C.XXVIII.205 (Cahiers, II, 940-941 et 1051).

61 L’expression est de F. Pouillaude, « Un temps sans dehors… », art. cit., p. 373.

62 C.XVI.488 (Cahiers, II, 965).

63 « Serge Lifar à l’Opéra » [1943], dans Paul Valéry et les arts, Paris, Actes Sud, 1985, p. 126. Sur la portée politique que cette idée d’abstraction pouvait aussi avoir à l’époque, cf. M. Franko, « Serge Lifar and the Question of Collaboration with the German Authorities under the Occupation of Paris (1940-1949) », Dance Research, vol. 35, no 2, 2017, p. 218-257. Nous remercions Frédéric Pouillaude pour cette référence.

64 C.XVI.488 (Cahiers, II, 965).

65 « Serge Lifar à l’Opéra », art. cit., p. 126.

66 C.XVI.488 (Cahiers, II, 965).

67 V. Fabbri, Paul Valéry…, op. cit., p. 95 sq.

68 C.VI.173 (Cahiers, I, 334).

69 Cf. L’Âme et la Danse, Œ.II.157.

70 C.VI.173 (Cahiers, I, 334).

71 L’Âme et la Danse, Œ.II.169.

72 F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, « Le chant de danse », trad. fr. par M. de Gandillac dans Œuvres philosophiques complètes, VI, Paris, Gallimard, 1971, p. 125. Pour ce qui est de la lecture valéryenne de Nietzsche, on consultera avec profit le dossier édité par M. Jarrety : P. Valéry, Sur Nietzsche. Lettres et notes, Paris, La Coopérative, 2017.

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Pour citer cet article

Référence papier

Julien Farges, « L’état rythmique du corps. Paul Valéry sur la danse »Noesis, 37 | 2021, 13-27.

Référence électronique

Julien Farges, « L’état rythmique du corps. Paul Valéry sur la danse »Noesis [En ligne], 37 | 2021, mis en ligne le 01 décembre 2023, consulté le 26 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/noesis/5401 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/noesis.5401

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Droits d’auteur

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