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AccueilNuméros33Avant-propos

Texte intégral

1L’Histoire des idées n’est guère institutionnellement reconnue en France, contrairement à ce qui se passe dans d’autres traditions académiques, italienne, germanique, et anglo-saxonne notamment. Au xviiie siècle, Giambattista Vico dans sa Scienza nuova (1744) appelait de ses vœux une nouvelle science de l’histoire qui serait notamment une « histoire des idées humaines ». Au siècle suivant, Benedetto Croce en Italie, Wilhelm Dilthey, Max Weber ou Georg Simmel en Allemagne, pratiquaient l’histoire des idées via le dialogue entre l’histoire, la sociologie et la philosophie. Au xxe siècle, le philosophe américain Arthur Lovejoy installait la discipline dans le paysage académique à la fois par ses travaux et par la création en 1940 du Journal of the History of Ideas.

2Que l’histoire des idées n’ait pas, en tant que telle, de visibilité académique en France ne signifie pas pour autant qu’elle n’y est pas pratiquée. La question de l’histoire des idées est fortement présente dans le champ de l’histoire sous la forme de l’histoire culturelle, de l’histoire des mentalités ou des représentations, sans parler de toutes les disciplines qui la rencontrent inévitablement, comme l’histoire des sciences, de la philosophie, du droit ou de l’art. Si bien qu’elle est à la fois nulle part et partout, sans unité ni périmètre défini. Est-elle une préoccupation diachronique partagée par différentes disciplines mais déclinée différemment selon les champs, ou une méta-discipline transcendant les partages disciplinaires ? Existe-t-il des propositions unificatrices satisfaisantes comme celles que propose en Allemagne l’Histoire des concepts de Reinhardt Koselleck (Begriffsgeschichte) ou celle de l’École de Cambridge autour des travaux de J. G. A. Pocock et Quentin Skinner qui étudient l’histoire des concepts dans le contexte des actes de langage et les considèrent dans leur force illocutoire ?

3L’histoire des idées a fait l’objet de plusieurs types de critiques. On lui a reproché de postuler une histoire autonome des idées, alors que celles-ci n’existent qu’en fonction de l’histoire des contextes socio-historiques (Mannheim, Idéologie et utopie, 1927). On l’a accusée de détacher les idées de l’action :

[…] ce à quoi je réagis, écrit Foucault dans L’Archéologie du savoir, est cette rupture qui existe entre l’histoire sociale et l’histoire des idées. Les historiens des sociétés sont censés décrire la manière dont les agents agissent sans penser, et les historiens des idées la manière dont les gens pensent sans agir.

4À ces accusations d’idéalisme s’ajoute celle, très différente, d’historicisme. Si, ainsi que l’écrit Paul Veyne, « l’histoire des idées commence vraiment quand on historicise l’idée de vérité » (Les Grecs croyaient-ils à leurs mythes ?), ne conduit-elle pas au réductionnisme et au relativisme ?

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Pour citer cet article

Référence papier

« Avant-propos »Noesis, 33 | 2019, 7-8.

Référence électronique

« Avant-propos »Noesis [En ligne], 33 | 2019, mis en ligne le 15 décembre 2021, consulté le 20 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/noesis/5048 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/noesis.5048

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