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AccueilNuméros32Appendice I. Avicenne

Texte intégral

Métaphysique du Shifâ. Livre troisième – Chapitre troisième : De l’un et du multiple

1Il nous est difficile, maintenant, de montrer ce qu’est la quiddité de l’un. Si, en effet, nous disions que l’un est ce qui ne se divise pas, nous dirions alors que l’un est ce qui nécessairement ne se muliplie pas. Nous aurions, par conséquent, recouru au multiple pour dire ce qu’est l’un. Quant au multiple, il est nécessaire qu’il soit défini par l’un. L’un, en effet, est principe du multiple, de lui (dérivent) son être et sa quiddité. Il s’ensuit que toute définition par laquelle nous définirions le multiple comprendra en elle l’un nécessairement. Nous disons, en effet, que le multiple est un agrégat (aggregatum, taqûlu) d’unités. Nous recourons donc à l’unité pour définir le multiple. Nous avons fait aussi autre chose parce que, quand nous avons introduit la notion d’agrégat dans sa définition, il apparaît que l’agrégat s’identifie au multiple lui-même. Si nous disons (que la multiplicité est constituée) à partir d’unités (min al-wahdât, ex unitatibus), ou d’uns (min al-wâhidât, ex unis), ou de ce qui est réuni (min al-âhâd, ex unitis), nous faisons de ces mots des substituts du mot agrégat qui ne peut être compris que comme multiplicité. De même, quand nous disons que le multiple est ce qui est nombré par l’un, nous avons aussitôt introduit l’unité dans la définition du multiple et avec elle la numération et la mesure, lesquelles ne sont comprises qu’en vertu de la multiplicité. Il nous est bien difficile, ici, de dire quelque chose de satisfaisant (possit sufficere, yu’taddu bihi) !

  • 1 Prius formamus : une forme se produit dans notre intellect.

2Il semble bien, cependant, que le multiple soit plus connu par notre imagination que l’un. Il semble aussi que l’unité et le multiple sont de ces choses (umûr) que nous nous représentons en premier1. Nous imaginons en premier le multiple et en premier nous intelligeons l’unité. Mais nous intelligeons l’unité sans principe intelligible pour la représenter, s’il en fallait un ce serait un principe imaginatif. Et si nous faisons connaître le multiple au moyen de l’unité, nous le faisons connaître de manière intelligible, de sorte que l’unité est assumée comme ce qui est en elle-même représentable à partir des principes de la représentation. Faire connaître la définition de l’unité par la multiplicité consiste, en revanche, à attirer l’attention (innuendo, tambihan) et utiliser (‘yustu’mal fihi) l’intention représentative afin qu’elle nous conduise à ce qui, alors, pourra nous être connu par soi, mais non représenté comme étant présent dans l’intellect. De même, quand on dit que l’unité est une chose dans laquelle il n’y a pas de multiplicité, cela signifie que l’intention (ma’na, intentio) de ce mot unité est la chose qui est d’abord intelligée par nous, qui est opposée à cette autre (la multiplicité) ou qui n’est pas cette autre, et que l’on désigne en la niant d’elle.

3Je m’étonne, quant à moi, que l’on définisse le nombre en disant que le nombre est le multiple, un agrégat d’unités, ou d’uns, ou de ce qui est unifié. Or le multiple, c’est le nombre même, il n’est pas comme le genre du nombre. La vérité du multiple est ce qui est composé d’unités. Dire donc comme certains que le multiple est composé d’unités, c’est la même chose que dire que le « multiple est le multiple ». Le multiple, en effet, n’est qu’un autre nom pour dire ce qui est composé d’unités. Si quelqu’un objectait que le multiple est composé de choses qui ne sont pas des unités, comme les hommes et les bêtes, nous répondrons que de même que ces choses ne sont pas des unités (dans la réalité), mais des choses qui sont des unités dans un sujet, de même également, elles ne sont pas une multiplicité (dans la réalité), mais une multiplicité dans le sujet. Et de même que ces choses sont des (choses) unes (unae, ‘âhâd), non des unités (unitates, wahdât), de même elles sont multiples non une multiplicité (multa non multitudo, kathîra lâ kathra).

4Quant à ceux qui disent que le nombre est une quantité discrète ayant un ordre, ils pensent avoir évité la difficulté. Mais ils n’y ont nullement échappé, parce que la quantité pour être représentée dans l’âme doit être connue par la partie, la division ou l’égalité. Une partie et la division, de fait, ne sont représentées que par la quantité ; pour ce qui est de l’égalité, la quantité est plus connue qu’elle par le pur intellect (intellectum purum, al’-aql al-sarîh). L’égalité est, en effet, un des accidents propres à la quantité, laquelle doit rentrer dans sa définition. On dit, en effet, que l’égalité est une unification (unitio, ittihâd) dans la quantité, l’ordre en vérité, qui rentre dans la définition du nombre, elle est aussi ce qui ne peut être intelligé qu’une fois le nombre intelligé. Il faut donc que tu saches que toutes ces choses sont des indications comme le sont les exemples et les noms synonymes et que ces intentions, toutes ou certaines d’entre elles, sont formées par elles-mêmes. Elles ne sont désignées par ces choses que pour être distinguées et connues seulement.

5Je dis donc que l’unité est dite soit des accidents, soit de la substance. Quand elle est dite des accidents, elle n’est pas substance et ceci sans aucun doute. Quand elle est dite des substances, elle n’est d’aucune façon dite de celles-ci comme une différence ou un genre, car elle n’entre dans la constitution (certificacione, tahqîq) de la quiddité d’aucune substance, mais elle est plutôt quelque chose de concomitant à la substance, comme tu sais bien. Elle ne se dit donc pas de la substance comme un genre ou comme une différence, mais comme un accident. Il s’ensuit que l’un est substance et l’unité une intention qui est accident, accident qui est l’un des cinq prédicables – bien qu’il soit accident selon cette intention – auquel, cependant, il peut être concédé d’être substance. Mais cela est possible seulement s’il est pris comme composé, comme le blanc. En effet, la nature de l’intention de ce qui est simple en celui-ci, est sans aucun doute accident selon une autre intention, puisqu’il est dans la substance sans en être une partie et qu’il est impossible qu’il soit sans elle.

6Considérons donc, maintenant, s’il est possible que l’unité, qui est en toute substance sans en être une partie constitutive, peut être séparée de la substance. Et bien, je dis que cela est impossible. Si, en effet, l’unité était détachée de la substance, il serait nécessaire qu’elle soit détachée de cette façon : ou bien qu’elle ne soit pas divisée et qu’il n’y ait pas une nature de laquelle on puisse prédiquer qu’elle n’est pas divisée, ou bien qu’elle ait une autre nature. La première supposition est vaine, car il doit y avoir au moins un être qui ne soit pas divisé. Mais, si cet être qui n’est pas divisé est sans doute une intention (intentio, ma’na) indépendante de l’unité, alors cet être qui n’est pas divisé est ou bien substance, ou bien accident. Si c’est un accident, alors l’unité est dans l’accident et, dès lors, dans la substance. Si c’est une substance et que l’unité n’en est pas détachée, alors l’unité se trouve dans la substance comme quelque chose se trouve dans un sujet. Mais, si elle en est détachée, alors l’unité étant détachée de cette substance aura d’autres propriétés qui lui adviendront et s’ajouteront à elle ; or, après cela, toutes ces adjonctions seront celles d’une autre substance quelconque. Et cette substance sera telle que, si cette unité ne lui advenait pas, elle n’aurait pas d’unité, ce qui est absurde. Ou, alors, elle aurait une unité qui lui serait inhérente et une unité qui lui adviendrait, elle aurait donc deux unités, ce qui est de même absurde. En outre, si chacune de ces unités était dans une autre substance, alors l’unité n’adviendrait pas à l’une des deux substances et la question se poserait à nouveau de savoir vers quoi irait l’unité qui serait aussi devenue deux substances. Et si chaque unité était dans les deux substances, alors l’unité serait dualité, ce qui est également absurde. Il est, par conséquent, manifeste qu’il n’est pas de la nature de l’unité d’être séparée de la substance dans laquelle elle se trouve.

7Je reprends donc et dis que l’unité n’est pas détachée et n’est pas divisée, mais elle est l’être qui n’est pas divisé de telle sorte que l’être appartient à l’essence de l’unité, il n’est pas son sujet. Si, en effet, nous supposions que cette unité est séparée de la substance ou qu’elle peut avoir un être séparé sans être divisé, ou qui ne serait pas seulement un être tel qu’il ne se diviserait pas, mais que l’unité est substantiellement l’être même qui ne se divise pas, puisque cet être serait constitué sans être dans un sujet, alors pour les accidents, il n’y aurait d’unité d’aucune façon. Et s’il y a une unité pour les accidents, leur unité sera indépendante de l’unité de la substance et cette unité serait dite d’eux par homonymie (communione nominis, ishtirâk al-ism). Il arriverait aussi, par conséquent, que parmi les nombres les uns s’ordonneraient à partir de l’unité des accidents, les autres à partir de l’unité des substances. Considérons, donc, s’ils ont en commun l’intention (intentio, ma’na) d’être ce qui n’est pas divisé, ou non. S’ils ne l’ont pas en commun, alors l’unité qui est dans l’un d’eux serait un être qui n’est pas divisé et, dans l’autre, il n’en serait pas ainsi ; assurément, par unité des accidents ou des substances, nous n’entendons pas ceci, à savoir, que par l’unité de l’un d’eux, il faille entendre autre chose que l’être qui n’est pas divisé. S’ils l’ont en commun, alors cette intention, c’est-à-dire l’être qui n’est pas divisé, est ce que nous entendons par unité et cette intention-ci est une intention plus commune que celle que nous avons mentionnée un peu plus haut. Il s’en serait suivi pour elle, du fait d’être un être non divisé, qu’elle soit un être substantiel, et après cela, il était possible de la supposer détachée (expoliatam, mujarrad). Par conséquent, cette intention, si elle était substance, n’adviendrait certainement pas à l’accident. Il ne s’ensuivrait pas qu’il faille dire que, si elle était un accident, elle n’adviendrait pas à la substance : l’accident, en effet, advient à la substance et est constitué par elle ; en revanche, la substance n’advient pas à l’accident de sorte qu’elle serait constituée par lui. Par conséquent, l’unité qui rassemble (collectiva, al-jâmi’a) est plus commune que cette intention, ainsi notre discours porte sur elle en tant qu’elle est seulement l’être non divisé, sans autre addition. Celui-ci n’est pas séparé de ses sujets, autrement l’intention deviendrait moins commune. Il est donc absurde que l’unité soit un être non divisible (divisibile) en accidents et en substances et qu’il puisse, en même temps, être séparé et être substance qui advient à un accident, et (il est absurde) que l’unité soit différente dans les substances et les accidents. Il est manifeste, dès lors, que la réalité (certitudo, haqîqa) de l’unité est une intention (intentio, ma’na) de l’accident et qu’elle appartient à l’ensemble des concomitants (lawâzim) des choses. Personne ne pourrait dire que cette unité n’est pas séparée, si ce n’est de la manière dont ne sont pas séparées les intentions communes (intentiones communes, al-ma’âni al-‘âmma) existant sans leurs différences, et que l’impossibilité de cette séparation n’entraîne pas son accidentalité, car ce qui entraîne son accidentalité, ce n’est que l’impossibilité de la séparation pour l’intention dont l’être est acquis individuellement.

8Je dirai que les choses, cependant, ne sont pas ainsi, car le rapport de ce que nous avons supposé plus commun à ce que nous avons supposé moins commun, ce n’est pas un rapport à ce qui est distinct par une différence constitutive. Nous avons déjà montré que l’unité n’entre ni dans la définition de la substance ni dans celle de l’accident, mais qu’elle pourrait bien être ce qui l’accompagne. Quand nous désignons quelque chose de simplement un, il s’agit de quelque chose de distinct (discretum) par soi de la propriété qui s’ajoute à lui, et non comme la couleur qui est dans la blancheur. Quand donc il est avéré qu’il ne s’agit pas de quelque chose qui est séparé, il s’avère alors que ce qui est prédiqué est une intention concomitante commune et dont le nom dérive d’une intention simple qui est l’intention de l’unité. Cette intention simple est en vérité un accident. Il s’ensuit donc que l’unité est un accident et que le nombre qui est nécessairement issu de l’unité est un accident.

Métaphysique du Shifâ. Livre huitième – Chapitre quatrième : Des propriétés du Premier Principe, de l’être qui est nécessairement être

  • 2 Cf. Metaphysica, III, 10.

9Il est maintenant établi qu’il y a quelque chose qui est un être qui est nécessairement, mais on l’avait établi en ceci que cet être qui est nécessairement est un. Donc, l’être qui est nécessairement est un et rien ne peut se communiquer à lui à son niveau ; par conséquent, en dehors de lui, il n’y a rien qui soit l’être qui est nécessairement. Puisque rien en dehors de lui n’est l’être qui est nécessairement, il est le principe de la nécessité de l’être de toute chose, dont il rend l’être nécessaire soit d’une nécessité première, soit par une médiation autre. Mais puisque l’être de tout ce qui est, excepté lui, provient de son être, il est premier. Par premier, nous ne comprenons pas une intention (intentio, ma’na) qui s’ajouterait à la nécessité de son être, de sorte que, par elle, la nécessité de son être serait multipliée, mais nous comprenons par là qu’il faut tenir compte de sa relation à ce qui est hors de lui. Sache, toutefois, que lorsque nous avons dit et reconnu que l’être nécessaire n’est multiplié d’aucune façon et que son essence est purement une et très purement vraie, nous ne comprenons pas par là que nous nions de lui tous les êtres (wujûdât) qui sont et qu’il n’y a pas de relations avec ces êtres (wujûdât) qui sont. Cela est, en effet, impossible. Car, de tout ce qui est sont niés de multiples et divers modes d’être parce que n’importe quel être qui est a, par rapport aux autres qui sont, un mode de relation et de comparaison, et principalement celui d’où flue tout être. Mais, quand nous disons que l’être est d’une essence une qui ne se multiplie pas, nous comprenons qu’il est tel dans son essence et que s’ensuivent de multiples relations affirmatives ou négatives, lesquelles sont concomitantes à l’essence, causées par l’essence, et qu’elles sont (donc) après l’être de l’essence, elles ne sont ni constitutives de l’essence ni des parties de celle-ci. Si quelqu’un disait que si elles sont causées, alors elles renvoient à une autre relation et que l’on devrait procéder ainsi à l’infini, nous lui demanderions de considérer ce que nous avons vérifié dans le chapitre de ce livre consacré à la relation2, où nous avons voulu montrer que la relation a un terme, il y trouvera une réponse à sa question.

  • 3 Sur le terme anniyya, voir S. van den Bergh, article anniyya, dans Encyclopédie de l’Islam, Nouve (...)
  • 4 Le texte latin omet ce passage du texte arabe : « tu as appris, au début de notre exposé, ce que (...)

10Je reviens à mon propos et je dis que le premier n’a pas d’autre quiddité que son propre être3 (al-anniyya, anitatem)4. Je dis donc que l’être nécessaire ne peut avoir de quiddité qui accompagnerait la nécessité d’être. Mais je dirai, en repartant du début, que l’être nécessaire peut intelliger l’être nécessaire lui-même, comme l’un peut intelliger l’un lui-même, et peut intelliger par ce moyen que sa quiddité (mâhiyya, quidditas) soit, par exemple, un homme ou une autre substance quelconque, et alors cet homme serait l’être nécessaire, de même que l’un pourrait être intelligé comme eau, comme air ou comme homme, tout en étant un.

  • 5 Cf. Liber primus de naturalibus (Sufficientia) I, 4, édition de Venise 1508, folio 16 r.

11Tu pourras réfléchir et apprendre cela en considérant ce sur quoi il y a eu des propositions divergentes en Physique5 concernant la question de savoir si le principe est un ou multiple. Les uns affirmaient que le principe est un, les autres qu’il est multiple. Parmi ceux qui affirmaient qu’il est un, certains pensaient que le premier principe n’est pas l’essence de l’un, mais quelque chose qui est un comme l’eau, l’air, le feu ou autre chose. D’autres ont affirmé que le principe est l’essence de l’un en tant qu’il est l’un lui-même et non quelque chose à quoi l’un adviendrait. Il y a donc une différence entre la quiddité, à laquelle advient l’un ou l’étant, et l’un lui-même ou l’étant, en tant qu’il est un.

  • 6 Ce membre de phrase n’est pas repris dans la traduction latine : « Si la nécessité est prise en c (...)
  • 7 O. Lizini lit hâl al-wujûd, selon elle G. Anawati (Met. II, p. 87) opte pour anniyya sans donner (...)

12Je dis donc que l’être nécessaire ne peut être tel qu’en lui se trouverait une composition, de sorte qu’il y aurait dans ce cas une certaine quiddité qui serait l’être nécessaire et que de cette quiddité il y aurait une intention (ma’na, intentio) autre que sa réalité propre et que cette intention serait la nécessité d’être. Par exemple, si cette quiddité était « homme », être homme serait alors être autre qu’être l’être nécessaire. Il s’ensuit que ce que nous appelons nécessité d’être a une réalité ou n’en a pas. Or, il est absurde qu’une telle intention ne soit pas réelle alors qu’elle est principe de toute la réalité et plus encore qu’elle confirme et valide la réalité. Si elle avait une réalité autre que la quiddité et que cette nécessité d’être était telle qu’elle dépendrait de cette quiddité et qu’elle ne serait pas nécessité d’être sans elle, alors l’intention de l’être qui est nécessairement être, en tant qu’il est l’être qui est nécessairement être, est l’être qui est nécessairement être qui serait par un autre que lui. Donc, il ne serait pas l’être qui est nécessairement être en tant qu’il est l’être qui est nécessairement être. Par rapport à son essence, en tant qu’il est nécessairement être, il ne serait pas nécessairement être, parce qu’il aurait quelque chose par quoi il serait nécessaire, ce qui est absurde6. Si donc elle diffère de cette chose, alors cette quiddité ne sera absolument d’aucune manière l’être qui est nécessairement être et la nécessité d’être ne lui adviendra absolument pas : elle n’est pas, en effet, nécessairement être une fois, alors que l’être qui est nécessairement être de manière absolue est l’être qui est nécessairement être toujours de manière absolue. Or, il n’en est pas ainsi dans le cas de l’être (hâl al-wujûd)7 s’il est pris dans un sens absolu selon la quiddité, sans être relié à la nécessité pure.

13Il n’y a pas d’inconvénient à ce que quelqu’un dise que cet être est causé sous ce mode par la quiddité ou par autre chose, car on peut affirmer que l’être est causé et que la nécessité absolue qui est par essence n’est pas causée. Il demeure donc, pour que l’être nécessaire par essence soit réalisé de manière absolue en tant qu’il est l’être nécessaire par soi, qu’il est l’être nécessaire sans cette quiddité. Je répondrai donc que cette quiddité – si cela était possible – serait accidentelle à l’être nécessaire dont l’être est certifié par lui-même. Donc, dans ce cas, l’être nécessaire serait désigné par l’intellect, et serait certifié comme l’être nécessaire, même si cette quiddité ne lui advient pas comme un accident. Celle-ci donc ne serait pas la quiddité de la chose désignée par l’intellect qui est l’être nécessaire, mais la quiddité d’une autre chose concomitante. Or, elle avait été posée comme sa quiddité non d’une autre chose, et cela est contradictoire. Donc, l’être nécessaire n’a d’autre quiddité que l’être nécessaire, et cela est l’être (annyya, anitas).

  • 8 Ce passage se trouve dans le texte arabe et n’est pas repris dans le texte latin, il ne se trouve (...)

14Je dis donc8 que tout ce qui a une quiddité autre que l’être (anniyya, anitas) est causé. Tu sais maintenant que l’être particulier (inniyya, anitate) et l’être (wujûd, esse) par rapport à la quiddité, qui est autre que l’être, ne sont pas à la manière de ce par quoi quelque chose est constitué, ils seraient des résultats nécessaires. Car, alors, il faudrait ou bien qu’ils résultent nécessairement de la quiddité, parce qu’elle est telle quiddité, ou bien qu’ils en résultent en vertu de quelque chose d’autre. Et quand nous disons résultat, nous entendons ce qui suit l’être. Or, l’être ne peut que suivre l’être. Si donc l’être (anniyya) suit la quiddité et l’accompagne nécessairement pour elle-même, alors il suit dans son être un être. Or, tout ce qui dans son être suit un être, ce qu’il suit est par essence avant lui. Donc la quiddité serait par essence antérieure à son être, ce qui est absurde. Il reste, par conséquent, que son être lui vienne d’une cause. Donc, tout ce qui a une quiddité est causé. Dès lors, toutes les autres choses, excepté l’être qui est l’être nécessaire, ont des quiddités qui sont en elles-mêmes des êtres possibles, auxquelles l’être n’advient que de l’extérieur.

15Le Premier, par conséquent, n’a pas de quiddité, mais l’être flue sur tout ce qui a une quiddité à partir de lui. Lui-même est un être dépouillé, dont il faut nier tout ce qu’il n’est pas et les autres propriétés. Il s’ensuit que toutes les autres choses qui ont des quiddités sont possibles, parce qu’elles ont l’être par lui. Quand je dis qu’il est l’être dépouillé dont il faut nier tout ce qui s’ajoute à lui, cela ne signifie pas qu’il est l’être dépouillé auquel participerait autre chose, s’il y avait un être avec une telle propriété, il ne serait pas en effet l’être dépouillé dont il faut tout nier, mais l’être dont il ne faut rien affirmer. Je veux dire au sujet du Premier qu’il est l’être auquel il ne faut ajouter aucune composition, tandis que l’autre est l’être auquel on peut ajouter quelque chose. C’est pourquoi ce qui est universel est prédiqué de toute chose, mais il n’est pas prédiqué de ce en quoi il y a addition, et en tout ce qui est autre que lui il y a addition.

16Le Premier n’a pas non plus de genre, car le Premier n’a pas de quiddité et ce qui n’a pas de quiddité n’a pas de genre. Le genre, en effet, répond à la question « qu’est-ce ? ». Par ailleurs, d’une certaine façon, le genre est aussi partie d’une chose. Or, il a été établi que le Premier n’est pas composé. En outre, l’intention (ma’na, intentio) du genre ne peut être que, soit nécessairement être, et alors elle ne connaîtra pas de limite tant que ne se trouve en lui une différence (spéficifique), soit non nécessairement être, et alors le nécessairement être sera constitué à partir de ce qui n’est pas nécessairement être, ce qui est absurde. Le Premier n’a donc pas de genre. Il s’ensuit qu’il n’a pas de différence et, puisque il n’a ni genre ni différence, il n’a pas de définition. Il n’y a pas non plus de lui une démonstration, parce qu’il n’a pas de cause. Inutile de chercher, il est sans pourquoi : tu sauras après cela qu’il n’y a pas de pourquoi (quare, limayya) à son action.

17Quelqu’un, cependant, pourrait objecter que nous avons refusé de donner le nom de substance au Premier, mais qu’en revanche nous n’avons pas refusé de lui appliquer l’intention (ma’na, intentio) de substance, parce qu’il est et qu’il n’est pas dans un sujet comme la substance qui est une intention (ma’na, intentio) que nous avons posée comme genre. À cela, je répondrai que ce n’est pas l’intention de la substance que nous avons posée comme genre, mais plutôt son intention (ma’na, intentio) qui est une chose (chay’, res) ayant une quiddité stable, dont l’être est l’être qui n’est pas dans un sujet, comme le corps ou l’âme. La preuve en est que si l’on pensait cela de la substance, elle ne serait genre d’aucune façon, ce que signifie en effet le mot être n’implique pas qu’il soit un genre. Quant à la négation qui l’accompagne, elle n’ajoute à l’être qu’un rapport de distinction (discretionis, mubâyana). Mais cette intention n’affirme pas quelque chose qui est déjà acquis dans l’être, elle n’est pas non plus l’intention d’une chose par soi, mais seulement par rapport à la relation (à autre chose). Dès lors, l’être qui n’est pas dans un sujet, qui n’est pas une intention affirmative et qui peut convenir à une essence donnée est seulement l’être, et après lui il y a quelque chose de négatif et de relatif, extérieur à ce qui appartient en propre à la chose. Ainsi, cette intention, si elle est prise sous cet aspect, ne sera pas un genre. Tu as appris pleinement cela dans la Logique, et tu as aussi appris dans la Logique que quand nous disons par exemple « tout A », nous comprenons tout ce qui lui est propre, parce qu’il n’a d’autre réalité que l’Aéité. De même, quand nous disons, en définissant la substance, qu’elle est un étant qui n’est pas dans un sujet, cela signifie qu’elle est ce qu’est la chose dont on dit qu’elle est en n’étant pas dans un sujet, en ce sens qu’être en n’étant pas dans un sujet lui est attribué et a en elle une quiddité, comme homme, pierre ou arbre. C’est ainsi qu’il faut se représenter la substance pour qu’elle soit un genre. La preuve qu’il y a entre les deux choses une différence et que l’une des deux est un genre et l’autre pas, est que d’un certain individu homme dont l’existence est ignorée, on peut dire qu’il est sans aucun doute sans être dans un sujet.

18Nous nous sommes étendus, à ce qu’il semble, plus qu’il ne fallait sur tout cela dans la Logique.

Métaphysique du Shifâ. Livre huitième – Chapitre cinquième : Confirmation et répétition de ce qui a été dit au sujet de l’unité de l’être qui est nécessairement êtreet de tous ses attributs négatifs en vue de conclure9

  • 9 Sur ce chapitre et celui qui lui correspond dans la Najât, cf. A.-M. Goichon, La distinction de l (...)
  • 10 Nicolas de Cues réfutera les raisons de ce refus dans le De aequiltate, Introduction, trad., et n (...)

19Nous devons revenir sur ce que nous avons dit et affirmer de nouveau que la réalité (certitudo, haqîqa) du Premier appartient au Premier seulement et à nul autre. L’Un, en effet, en tant qu’il est nécessairement être, est ce par quoi il est lui-même et il est son essence. Cette intention (ma’na, intentio) lui est attribuée, soit en raison de l’essence de cette intention, soit en raison d’une autre cause. Si ce qui est nécessairement être est quelque chose, par exemple cet homme, alors nécessairement ou bien il serait tel en raison de l’humanité et parce qu’il est homme, ou bien non. Si, parce qu’il est homme il est cet homme-ci, alors l’humanité impliquerait d’être celui-ci seulement. Si l’humanité appartient à un autre que lui, alors l’humanité n’implique pas d’être celui-ci qui n’est devenu tel que par une autre cause que l’humanité. Il en est de même pour ce qui regarde la réalité de l’être nécessaire Si, en effet, celle-ci est par elle-même ce déterminé, alors il est impossible que cette réalité appartienne à un autre que lui, sans quoi la réalité ne serait pas cette réalité-ci. Si, en revanche, cette intention se réalise en vue de ce déterminé, non à partir de lui-même, mais à partir d’un autre que soi, alors il ne serait lui-même que parce qu’il est cette intention, donc son être propre serait acquis à partir d’un autre que lui et, ainsi, il ne serait pas l’être nécessaire, ce qui est absurde. Par conséquent, la réalité de l’être nécessaire est celle de l’un seulement, qui est l’être nécessaire. Comment en effet la quiddité, dépouillée de la matière, pourrait appartenir à deux essences ? Car deux choses sont deux seulement, ou en raison de l’intention, ou en raison de ce qui soutient l’intention, ou en raison de la position et du lieu, ou en raison du moment et du temps, et en général, en raison d’une cause quelconque. Quoi qu’il en soit, les deux ne diffèrent pas par l’intention, elles diffèrent par quelque chose qui advient à l’intention et s’ajoute à elle. Tout ce qui n’a d’être que l’être de l’intention (intentio, ma’na) ne dépend ni d’une cause extérieure ni d’une disposition extérieure : par quoi se différenciera-t-il de ce qui lui est semblable ? Il n’a donc pas de partipant à son intention et, dès lors, le Premier n’a pas d’égal10 (idd, aequale).

20De même, je dis que la nécessité d’être ne peut être l’intention (intentio, ma’na) à laquelle participe quelque chose d’autre qu’elle, de quelque manière que ce soit, ni de choses qui coïncident dans la réalité et dans leur espèce, ni de choses qui se différencient dans la réalité. En premier lieu, la nécessité d’être n’a pas de quiddité qui s’ajoute à elle, si ce n’est la nécessité d’être elle-même, il s’ensuit que dans la réalité de la nécessité d’être, il ne peut y avoir de diversité faisant suite à la nécessité d’être.

21De même, il est nécessaire que ce en quoi (par hypothèse) se différencieraient les singuliers (singula, âhâd), qui sont nécessairement être après leur accord dans la nécessité d’être, soit ou bien une chose qui est dans chacun des singuliers, qui s’accordent et en vertu desquels l’un se différencie de l’autre ; ou bien, une chose qui n’est en aucun d’eux ; ou bien encore, une chose qui est seulement dans quelques-uns et absente (privatio, illâ ‘adamuhâ) dans les autres. Si les singuliers n’étaient pas et qu’il n’y aurait rien par quoi adviendrait la différence après l’accord, alors il n’y aurait pas de différence entre eux dans la réalité et ils seraient les mêmes dans une même réalité. Or, nous avons dit que leur réalité serait différenciée par-delà le fait d’avoir quelque chose en commun. Si quelques-uns sont et d’autres non, par exemple si l’un d’eux différait d’un autre, dans ce cas, l’un aurait la réalité de la nécessité d’être et en plus quelque chose d’autre qui serait la condition de la différence, et l’autre aurait de même la réalité de la différence d’être mais, privé de la condition propre au premier, il ne se distinguerait de ce dernier qu’en raison de cette privation, parce qu’il n’y a pas quelque chose d’autre que cette privation par laquelle il se distinguerait du premier. Par conséquent, de cette façon, la nécessité d’être et la réalité qui est la sienne sera ce qui soutient l’existence en tenant compte de la privation de la condition qui la suit. Car la privation n’a pas d’intention inhérente aux choses, autrement dans une seule chose, il y aurait une infinité d’intentions, car chaque chose diffère infiniment de toutes les autres auxquelles on la compare en niant ou en affirmant.

22Il s’ensuit que, ou bien la nécessité d’être est réalisée dans le second, sans l’addition qui lui appartiendrait (selon l’hypothèse), ou elle ne l’est pas. Si elle ne l’est pas, alors il n’aura pas la nécessité d’être sans cette addition et sera une condition pour la nécessité d’être dans l’autre. Si elle l’est, alors l’addition sera superflue et ne sera pas une condition de la nécessité d’être. Il serait, dès lors, composé. Or, l’être nécessaire n’est pas composé. Si, en outre, à chacun d’eux appartenait quelque chose qui le différencie de l’autre, alors cela impliquerait une composition en chacun d’eux.

23Et, en outre, ou il ne peut y avoir de nécessité d’être parfaite sans l’une des deux additions, ou c’est une condition pour qu’elle soit parfaite. Si elle est parfaite sans addition, alors il n’y a pas de différence par essence dans la nécessité d’être, mais une différence par les accidents qui s’ensuivraient. Or, ce qui est nécessité d’être existerait déjà sans que son existence ait besoin de ces accidents (consequentibus, lawâhiq). Si elle n’est pas parfaite sans addition, alors il faudra ou bien qu’elle ne soit pas parfaite pour acquérir la réalité de nécessité d’être, ou bien que la nécessité d’être soit une intention réalisée en elle-même, de sorte que, ni les deux, ni l’un des deux, n’entre dans son identité en tant qu’elle est nécessairement être, mais il faut qu’il ait l’être (esse, hâsil al-wujûd) par l’un d’eux, comme par exemple la matière (hyle, al-hayûlâ) dont la substantialité, bien qu’elle soit dans sa définition de son « hyléité », son être cependant n’est en acte que par telle forme ou telle autre. De même, la couleur, si elle est noire, cette distinction ne la constitue pas en tant que couleur, pas plus que si elle ne se distingue pas en étant blanche. Cependant, chacune de ces distinctions est pour elle comme une cause par laquelle elle est en acte et reçoit l’être. Mais ce n’est pas l’une des deux seulement qui en est la cause, n’importe laquelle peut l’être, l’une dans un cas, l’autre dans un autre. Si la chose est selon ce qu’exige (secundum iudicium, ‘ala muqtada) le premier mode, alors chacune d’elle entre dans la constitution (constitutionem, taqwîm) de la nécessité d’être et en sera une condition ; par conséquent, il faudra qu’elle soit là où est la nécessité d’être. Si elle est selon ce qu’exige le second sens, alors la nécessité d’être aura besoin de quelque chose par quoi elle aura l’être, le nécessairement être serait par conséquent ce que l’on aura affirmé de lui après l’intention selon laquelle il est le nécessairement être, il aurait donc besoin d’un autre par quoi il aurait l’être, ce qui est impossible.

  • 11 L’être est négation de tout ce qui le nie en s’ajoutant à lui ; en ce sens, on peut reprendre la (...)

24Mais pour ce qui est de la couleur ou de la matière (al-hayûlâ, hyle), cela ne se passe pas de cette façon. En effet la matière, en tant que matière, ou la couleur en tant que couleur, c’est une chose, mais en tant qu’être, c’est une autre chose. Comparons donc la couleur à ce nécessairement être et appliquons à celui-ci la différence de noir et de blanc, comme si chacun d’eux lui était approprié. De même que les différences de noir et de blanc en étant reçues par la couleur ne font pas que la couleur soit couleur, de même les propriétés de ces deux supposés (s’ajouter à elle) ne peut être quelque chose qui fonde la nécessité d’être en tant que nécessité d’être. Mais là où les deux différences font qu’en étant reçues la couleur soit, de sorte que la couleur soit quand quelque chose d’autre s’ajoute à elle, cela n’est pas possible parce que le nécessairement être est déjà un être, bien plus (en tant qu’être) il est la stabilité (stabilitum, taqrîr) de l’être. Aussi, l’être est une condition pour l’établissement de la quiddité du nécessairement être, il est lui-même privation de la privation ou empêchement de la destruction11. Dans le cas de la couleur, l’être est la conséquence qui suit la quiddité qu’est la couleur. Donc, la quiddité qui est par elle-même couleur est déterminée en acte quand elle a acquis l’être. Si (sa) propriété n’était pas cause de ce qui établit la quiddité de la nécessité d’être, mais le fait qu’elle acquiert l’être et que l’être fût quelque chose d’autre que cette quiddité, puisqu’il est autre que la quiddité de la couleur, alors, selon cette considération, il en irait de même pour les autres choses communes que l’on peut distinguer en vertu de leurs différences et qui sont en général distinctes en vertu des diverses intentions. Mais il faudrait que l’être soit acquis pour que sa nécessité (d’être) soit. Par conséquent, (sa) propriété serait telle qu’on devrait avoir besoin d’elle en ce en quoi on n’avait pas besoin d’elle, ce qui est absurde, il est impossible que l’être soit ce quelque chose. Or, en toute certitude, cet être qui est nécessaire n’a pas besoin d’une seconde chose qui se rattache à lui, comme la couleur a besoin d’un être qui soit pour elle sa cause d’être. Autrement dit, comment une chose extérieure à la nécessité d’être pourrait-elle en être la condition ? Et, en outre, comment la réalité de la nécessité d’être dépendrait-elle de quelque chose qui la rende nécessaire ? De la sorte, en effet, la nécessité d’être en soi serait la possibilité d’être.

  • 12 « Igitur primo nihil communicat ». Anawati traduit : « Le Premier n’a donc pas d’associé », p. 93

25Je récapitule et je dis que, en fin d’analyse, ce n’est pas en raison des différences et autres choses semblables que se réalise la réalité de l’intention générale en tant qu’intention, mais il se peut qu’elles soient la cause de ce qui constitue la réalité comme ayant l’être. « Rationnel », en effet, n’est pas une condition de laquelle dépend « animal » quant à l’intention d’animal et sa réalité, mais pour que l’animal soit un être déterminé. Mais, si l’être nécessaire était lui-même l’intention commune et si la différence était ce dont il avait besoin pour que l’être nécessaire ait l’être, alors ce qui serait comme sa différence s’introduirait dans sa quiddité qui serait comme le genre. L’état dans lequel tombe dans l’ensemble la diversité qui n’est pas due à une différence spécifique est ce qu’il y a de plus manifeste. Il est donc prouvé que dans la nécessité d’être, il n’y a pas de partage. Le Premier ne communique donc rien12. Il s’ensuit qu’il est libre de toute matière, de ce qui dépend d’elle et de toute corruption, l’une et l’autre étant une condition de ce qui tombe dans la contradiction. Donc, le Premier n’a pas de contraire.

  • 13 « Quando ».
  • 14 L’arabe ajoute : « ni d’associé, wa-lâ sharik lahu ».

26Il est donc clair, désormais, que le Premier – qu’Il soit exalté et glorifié – n’a pas de genre, ni de quiddité, ni qualité, ni quantité, ni temps13, ni lieu, ni de semblable à soi14, ni contraire, et qu’il n’a pas de définition, et que de lui il ne peut y avoir de démonstration, mais il est lui-même la démonstration de tout ce qui est, bien plus toutes choses sont de lui des signes (datâ’il, signa) manifestes. Quand on désigne ce qu’il est, on ne désigne que le fait qu’il est (anniyya, anitas) en niant ce qui est totalement pareil à lui, en affirmant tout ce qui est en relation avec lui-même, car tout ce qui est vient de lui et tout ce qui vient de lui ne communique pas avec lui. Il est le Principe de tout ce qui est et n’est aucune des choses qui viennent de lui.

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Notes

1 Prius formamus : une forme se produit dans notre intellect.

2 Cf. Metaphysica, III, 10.

3 Sur le terme anniyya, voir S. van den Bergh, article anniyya, dans Encyclopédie de l’Islam, Nouvelle édition, Tome I, 1960, p. 529 ; M.-Th. d’Alverny, Anniyya-anitas, dans Mélanges Étienne Gilson, Paris, Vrin, 1959, p. 59-91.

4 Le texte latin omet ce passage du texte arabe : « tu as appris, au début de notre exposé, ce que signifie la quiddité (al-mâhiyya) et ce par quoi elle se distingue de l’anniyya ».

5 Cf. Liber primus de naturalibus (Sufficientia) I, 4, édition de Venise 1508, folio 16 r.

6 Ce membre de phrase n’est pas repris dans la traduction latine : « Si la nécessité est prise en considération absolument, sans lien avec l’être pur (al-wujûd al-sirf) qui devrait accompagner la quiddité, et si elle est prise comme étant concomitante à la quiddité ».

7 O. Lizini lit hâl al-wujûd, selon elle G. Anawati (Met. II, p. 87) opte pour anniyya sans donner les raisons de ce choix ; cf. O. Lizini, note 118, p. 1215, Avicenna, Metafisica, trad. italienne, avec texte arabe et latin, Milan, Bompiani, 2006 (1re éd. 2002).

8 Ce passage se trouve dans le texte arabe et n’est pas repris dans le texte latin, il ne se trouve pas non plus dans le manuscrit arabe de signe m : « si l’être particulier (al-anniyya) ou l’être (al-wujûd) était accidentel à la quiddité, il faudrait qu’il la suive nécessairement pour elle-même ou pour quelque chose d’autre. Or il est impossible que cela advienne à la quiddité elle-même, car ce qui suit ne suit qu’un étant ; il faudrait dès lors que la quiddité ait un être avant le sien ; or cela est impossible ».

9 Sur ce chapitre et celui qui lui correspond dans la Najât, cf. A.-M. Goichon, La distinction de l’essence et de l’existence d’après Ibn Sinâ (Avicenne), Paris, Desclée de Brouwer, 1937, p. 169-178.

10 Nicolas de Cues réfutera les raisons de ce refus dans le De aequiltate, Introduction, trad., et notes de H. Pasqua, éd. du Cerf (à paraître), en affirmant le caractère unitrine de l’un, qui est unitas, aequalitas et connexio, de sorte que l’égalité est intégrée à la vie même de l’Un, qui est acte.

11 L’être est négation de tout ce qui le nie en s’ajoutant à lui ; en ce sens, on peut reprendre la formule, dont Eckhart fera usage, de negatio negationis. Mais la question est alors de savoir si on parle de l’Esse ou de l’Unum néoplatonicien.

12 « Igitur primo nihil communicat ». Anawati traduit : « Le Premier n’a donc pas d’associé », p. 93

13 « Quando ».

14 L’arabe ajoute : « ni d’associé, wa-lâ sharik lahu ».

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Pour citer cet article

Référence papier

« Appendice I. Avicenne »Noesis, 32 | 2018, 243-258.

Référence électronique

« Appendice I. Avicenne »Noesis [En ligne], 32 | 2018, mis en ligne le 15 décembre 2020, consulté le 26 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/noesis/5031 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/noesis.5031

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