Présentation
Texte intégral
1L’œuvre du persan Avicenne (Ibn Sinâ 980-1037), offre le témoignage d’une pensée de l’être qui traverse l’histoire de la philosophie et en fait le contemporain, aussi bien d’Aristote et de Plotin, que de Thomas d’Aquin et de Duns Scot, ou de Husserl et de Heidegger. Les contributions réunies dans ce volume le confirment. Les textes analysés, les thèmes traités, mettent en relief le rôle et l’apport décisif d’un auteur qui se situe à un carrefour où se croisent l’héritage aristotélicien et néoplatonicien, où se rencontrent la philosophie et la théologie, où se nouent tous les éléments d’un dialogue entre les trois religions monothéistes qui opposent à l’idée grecque de l’éternité du monde, la vérité révélée de la création. En effet, le constat de la contingence radicale des choses a conduit Avicenne à distinguer l’être ou l’existence (wuǧūd, esse) et l’étant ou l’existant (mawǧūd, ens) – notions auxquelles nous introduit Ghessan Finianos et qu’étudie avec perspicacité Olga Lizzini – en concevant Dieu comme l’être (wuǧūd, esse) nécessaire et l’univers comme un étant (mawǧūd, ens) possible. Cette pensée puissante était appelée à jouer un rôle déterminant en philosophie au Moyen Âge. Elle est aujourd’hui encore susceptible de contribuer à la question de l’être, comme le montre Nader El-Bizri en confrontant dans son article la pensée avicennienne à celle de Heidegger et sa postérité.
- 1 Voir A. de Libera, La philosophie médiévale, Paris, PUF, 1993, p. 9 sqq.
- 2 Voir la synthèse de M. Aouad, dans R. Goulet (dir.), Dictionnaire des philosophes antiques, t. 1, (...)
- 3 Pour ce qui suit, nous renvoyons à ce qu’écrit Étienne Gilson dans La philosophie au Moyen Âge, P (...)
2Comment cette pensée s’est-elle formée ? Quand, en 529 après J.‑C., l’empereur Justinien décrète la fermeture des écoles philosophiques d’Athènes, l’Occident semble se couper définitivement de l’héritage hellénique. La pensée grecque, cependant, avait commencé à rayonner en Orient. De là, la pensée d’Aristote et le néoplatonisme arriveront en Occident par l’intermédiaire des philosophes syriens, arabes et juifs. Entre-Temps, la spéculation hellénique avait rencontré la religion chrétienne en Mésopotamie et en Syrie. L’école d’Edesse en Mésopotamie, fondée en 563 par saint Ephrem (366-373), enseignait Aristote, Hippocrate et Galien. Les Syriens convertis au Christianisme se trouvant dans la nécessité d’apprendre le grec pour lire l’Ancien et le Nouveau Testament, cela leur ouvrit l’accès aux textes classiques de la philosophe grecque qui purent être traduits en syriaque. La philosophie d’Aristote prit ainsi racine en Syrie. À l’époque où l’Islam apparaît en Orient, les Syriens chrétiens émigrent et deviennent les transmetteurs de la philosophie hellénique. Les califes Abbassides, dont la dynastie se fonde en 750, font appel aux services des Syriens qui poursuivent leurs recherches et leur enseignement sous les auspices de leurs nouveaux maîtres. C’est ainsi que les œuvres d’Archimède, Ptolémée, Hippocrate, Galien, Aristote, Théophraste et Alexandre d’Aphrodise, sont traduites, soit directement du grec en arabe, soit indirectement du grec en syriaque, puis du syriaque en arabe. Ainsi, les écoles syriaques ont été les intermédiaires par lesquels la pensée grecque est parvenue aux Arabes musulmans, en attendant le moment où elle passera des Musulmans aux Juifs et aux Chrétiens de l’Occident. Dans cette translatio studiorum, chère aux travaux d’Alain de Libera1, les œuvres d’Aristote constituaient la partie la plus importante. Mais deux traités néoplatoniciens passèrent pour des œuvres du Stagirite et infléchirent profondément l’interprétation de sa pensée : la Théologie d’Aristote, d’une part, dont le contenu reproduisait en vérité des extraits paraphrasés des livres IV et VI des Ennéades de Plotin, et l’Isagoge de Porphyre ; et, de l’autre, le Liber de Causis qui reprenait l’Elementatio theologica de Proclus2. Il s’ensuivit que ce qui se présentait comme la pensée d’Aristote se révélait être une synthèse de l’aristotélisme et du néoplatonisme. Sur cette base, les philosophes musulmans au Moyen Âge prenaient la suite de la spéculation grecque donnant jour à un aristotélisme néoplatonisant, dont Avicenne est un des plus grands représentants3.
- 4 Y. Mahdavi dénombre 244 textes qui lui sont attribués, G. A. Anawati en dénombre 270. (2) Y. Mahd (...)
3Ce dernier mena une vie agitée, elle fut remplie de vicissitudes, alternée de plaisirs et chargée du poids des responsabilités politiques qu’il a assumées durant une période de trouble. Il a été deux fois vizir (wâzîr signifie « celui qui porte le fardeau »), il a connu les fastes de la cour et été emprisonné plusieurs mois à la mort de son protecteur, le prince samanide Nûh ibn Mansûr, qu’il avait guéri d’une grave maladie. Il n’en trouvait pas moins le temps d’étudier et rédigeait ses œuvres la nuit. Sa bibliographie compte deux cent quarante-deux titres. Il mourut épuisé à l’âge de cinquante-huit ans, en 10374. Dans son Autobiographie, Avicenne nous apprend qu’il commença à étudier, dès l’âge de seize ans, les lettres, la géométrie, la physique, la jurisprudence, la théologie. Il lit l’Isagogé de Porphyre, la Géométrie d’Euclide et l’Almageste de Ptolémée. À dix-huit ans, il pratique la médecine et se met à étudier la Métaphysique d’Aristote. Il eut toutefois, selon son propre aveu, du mal à comprendre cette œuvre qui restait inintelligible à ses yeux. Opiniâtre, il la relut quarante fois jusqu’à la connaître par cœur, mais sans en saisir le sens :
J’ai lu le livre de la Métaphysique, écrit-il, sans rien y comprendre ; le dessein de son auteur était pour moi obscur. Je l’ai lu quarante fois, de sorte que je l’ai appris par cœur. Pourtant je ne pouvais pas encore saisir ce qu’il y avait là-dedans ni le dessein de son auteur. Désespérant de moi-même, je me dis : il n’y a pas moyen de comprendre ce livre.
- 5 Sur cet épisode, voir D. Gutas, Avicenna and the Aristotelian Tradition. Introduction to reading (...)
4Ayant acheté par hasard un traité intitulé Le dessein de la Métaphysique du philosophe Al Fârâbi (né en 872 et mort à Damas en 950), qu’on appelait le « second maître » après le Stagirite, « les écailles lui tombèrent des yeux ». Il fut si heureux d’avoir enfin compris l’œuvre d’Aristote qu’il manifesta sa gratitude à Dieu le lendemain même en distribuant de généreuses aumônes aux pauvres. Cet épisode justement célèbre5 révèle le climat de ferveur inquiète qui l’agitait et le poussait à chercher dans la médecine, dans la logique, dans les mathématiques, une réponse à ses questions, qu’il ne pouvait trouver après avoir exploré et maîtrisé très jeune tous les champs du savoir que dans la métaphysique et il se tourna vers Aristote.
- 6 Ibn Sinâ, Al-Shifâ’, al-Ilàhiyyât, G. C. Anawati (éd.), Le Caire, L’organisation égyptienne génér (...)
- 7 Avicenne, al-Najât, éd. M. al-Kurdi, Le Caire, Murtadawi, 1938 ; Beyrouth, éd. Fakhry, 1985.
- 8 Le Livre de science, trad. M. Achéna et H. Massé, Paris, Les Belles Lettres, 1986, 2e éd.
- 9 Le commentaire sur le le Livre Lambda a été édité : Commentaire sur le Livre Lambda de la Métaphy (...)
5Avicenne était avant tout un grand médecin et il fut connu au Moyen Âge comme l’auteur d’une œuvre magistrale intitulée le Canon de médecine (Al-Qânûn fi’l-Tibb), qui servit longtemps à l’enseignement de la médecine. Il a également composé une Philosophie orientale (hikmat mashriqîya), où il développe une mystique spéculative restée méconnue en Occident. Son autorité philosophique s’imposa au xiiie siècle avec l’œuvre qui a exercé une influence prépondérante sur la pensée occidentale, Le livre de la guérison (Kitâb al-Shifâ)6, traduit en latin au xiie siècle, c’est une immense encyclopédie philosophique et scientifique qui inspirera les Sommes philosophiques et théologiques médiévales, il contient son interprétation de la philosophie d’Aristote, dont il expose la doctrine fortement colorée de néoplatonisme. Il en réunit des morceaux choisis dans le Livre de la délivrance (Kitâb al-Najât)7. À la fin de sa vie, il composa d’autres ouvrages dont Le livre de la science (Dânish-nâma)8 qui reprend en les résumant les thèmes traités dans son Shifâ. Un livre qui aurait pu être la synthèse de toute son œuvre, le Livre du jugement équitable (Kitâb al-Insâf) a été perdu lors du sac d’Ispahan ; nous en possédons des notes consacrées au livre Lambda de la Métaphysique d’Aristote9.
6Son œuvre témoigne d’un haut génie spéculatif. Roger Bacon (1214- ?) l’a dénommé « chef et prince des philosophes ». La théologie et la philosophie des xiiie et xive siècles européens s’en inspireront. Il faudra attendre saint Thomas d’Aquin pour trouver un philosophe qui égalât, voire dépassât, son génie. Du côté musulman, sa pensée rencontrera des adversaires redoutables, tels Al Ghazâli (mort en 1111) qui le réfute au nom du Kalâm (la Parole) dans L’incohérence des philosophes (Tahâfut al-falâsifa) et Averroès (mort en 1153). Du côté des philosophes juifs, l’œuvre avicennienne eut la meilleure réception chez Maïmonide (né à Cordoue en 1135, mort en 1204 à Fostat en Égypte), mais rencontra un adversaire déterminé en la personne de Juda Halévi (mort en 1141).
- 10 Voir A. de Libera, L’art des généralités, Paris, Aubier, 1999, p. 500 sq.
7On peut interpréter l’œuvre d’Avicenne comme fait Alain de Libera, en la situant dans un « réseau épistémique » et choisir tel réseau interprétatif en lisant – à la lumière de la philosophie analytique anglo-saxonne – le grand philosophe persan dans le cadre restreint de l’« épistémée alexandrine », assorti d’un « dialogue imaginaire où ses interlocuteurs seraient Boèce et Abélard »10. On peut, également, opter pour une lecture moins « imaginaire », moins « analytique » et plus spéculative, en tenant compte du problème capital et « existentiel » qui se pose au croyant Avicenne – qui ne se pose plus aux philosophes a-religieux – et qui est le même que celui qui se pose aux philosophes juifs et chrétiens, à savoir celui d’accorder la vérité selon la raison et la vérité selon la foi pour laquelle le monde est créé. La métaphysique confirme-t-elle ou s’oppose-t-elle au Kalâm, c’est-à-dire à la Parole révélée ? Cette question se pose dans les mêmes termes pour les Musulmans, les Juifs et les Chrétiens, car elle trouve son point d’appui sur le statut de l’être créé et s’interroge sur la nature du rapport entre l’être contingent et l’être nécessaire. Mais elle déborde la sphère propre de la religion révélée et revêt une dimension universelle en rejoignant un questionnement détaché de tout enracinement historique : comment se fait-il qu’il y ait quelque chose et non pas rien ?
- 11 Aristote, Métaphysique, Z, 1, 1028b : « L’objet éternel de toutes les recherches, présentes et pa (...)
8Les historiens de la philosophie s’exposent, en raison de leur spécialité – et, pour certains, en raison de l’idée qu’ils se font de l’histoire – au risque de réduire la philosophie à son histoire et d’oublier qu’elle est l’histoire de la pensée de ceux qui, d’âge en âge, pensent en formulant les questions intemporelles, lesquelles constituent l’objet de la philosophie et la justifient en tant que philosophie. Ainsi, il y a une histoire de la philosophie au Moyen Âge, non une philosophie médiévale. L’histoire est au service de la philosophie. Si la question fondamentale du philosophe est « pourquoi y a-t-il quelque chose et non pas rien ? » et si, comme dit dans sa Métaphysique celui qu’on appelait « le Philosophe », la seule et unique question qui restera toujours posée est « qu’est-ce que l’être ? »11, alors la philosophie a un objet qui défie l’histoire, et elle peut se constituer comme une science, mais non au sens de la science qui s’appuie sur la raison calculatrice pour laquelle la réalité se réduit au quantifiable, au chiffre (de l’arabe zîfr qui signifie zéro), et n’est pas concernée dans son être. La métaphysique n’est donc pas sans un objet qui la définit et la spécifie. Cet objet est le plus universel qui soit : l’être. Il n’est pas à construire, mais à chercher et on ne le chercherait pas si on ne l’avait déjà trouvé. Être ou ne pas être, telle est la question à laquelle nul n’échappe. S’il y a opposition entre les doctrines, elles s’opposent sur ce fond commun. La crise des universaux est née de la question de savoir à quoi l’être s’attribue, à quoi il s’identifie. Penser la résoudre en recourant à la notion de réseaux, ou de collection, ou d’enquête statistique, c’est substituer à l’universalité l’erzats du plus « grand nombre » et imposer par la force quantifiée le point de vue exclusif d’un groupe ou d’un individu particuliers. Il s’agit alors de multiplier les points de vue, de recenser les contextes, de dénombrer les influences, de décrire les transferts, de s’ouvrir à l’interdisciplinarité. Une non-discipline apparaît, dont l’objet s’effrite et finit par se perdre en s’enlisant dans le sable. « On soulève la poussière et on se plaint de ne plus voir », comme disait le facétieux Berkeley. Tout devient interprétation, l’historien se trouve contraint d’inventer l’histoire, de la « fabriquer ». L’hégémonie herméneutique s’impose et bâillonne l’intelligence métaphysique, dont l’objet échappe au changement et aux statistiques du calculateur qui s’identifie au penseur.
- 12 Telle est, par exemple, l’approche de K. Flasch dans son Introduction à la philosophie médiévale, (...)
9Les études avicenniennes ont la vertu de libérer la parole métaphysique. De très beaux travaux honorent la république des chercheurs et de grands progrès ont été faits depuis les pionniers que furent R. Gosselin, L. Jolivet, A. M. Goichon, E. Gilson, G. C. Anawati, G. Verbeke, Suzanne van Riet… relayés par une nouvelle génération dont les œuvres sont autant de contributions remarquables, auxquelles renvoie dans son article Olga Lizzini, dont les travaux font d’elle l’une des meilleurs spécialistes de notre auteur auprès de J. Janssens, P. Porro, A. Bertolacci, R. Brague, D. Gutas, C. d’Ancona Costa et, dans l’aire anglo-saxonne, M. E. Marmura, R. Wisnovsky, H. A. Davidson… Les historiens peuvent mettre l’accent sur la réception de l’œuvre avicennienne dans l’Occident chrétien ou sur le contexte arabo-islamique dans lequel elle a vu le jour, la rattacher à l’héritage grec ou ne pas en tenir compte, ou suivre le parcours par lequel une pensée rayonne et se transmet, la translatio studiorum qui l’a conduite d’Athènes à Harran, de Harran à Bagdad, de Bagdad à Cordoue, de Cordoue à Paris. Toutes ces approches se valent et s’enrichissent en se croisant. Mais une grande pensée est une pensée qui dépasse les frontières spatio-temporelles, dans lesquelles une approche historiciste trop restrictive voudrait l’enfermer en faisant sa genèse à partir des condionnements socio-linguistico-culturels ou économico-politiques12. Elle naît des profondeurs du cœur humain qui s’interroge sur sa condition et sur la nature de l’homme, qui dépasse infiniment l’homme. En ce sens, l’Autobiographie d’Ibn Sinâ est riche d’enseignements par ses interrogations fondamentales, lesquelles l’élèvent au niveau des plus grands philosophes, en leur donnant une dimension véritablement universelle sans laquelle la philosophie ne vaudrait pas une heure de peine. La première grande question d’Ibn Sinâ est celle de la guérison : ici, le médecin rejoint le métaphysicien. Elle prend sa véritable dimension à la lumière de la question qui agite quiconque s’interroge sur son destin : y a-t-il un salut pour lui ? En la posant, le Musulman rejoint le Juif et le Chrétien. S’il y a un « choc des civilisations », la ligne de départage passe entre ceux qui se posent cette question et ceux qui ne se la posent pas.
10Avicenne fut ainsi conduit à demander quelle est la fin ultime du savoir et, par conséquent, de la métaphysique qui en est le sommet. En d’autres termes, quel en est l’objet ? Une science se définit par son objet. Qu’est-ce qui définit la métaphysique ? La métaphysique est-elle science de la substance, de l’ousia ? La science de l’ousia est-elle science de l’universel ? L’ousia est-elle universelle ? L’universel est-il ousia ? Aristote répondait : c’est la science de ce qui est en tant qu’il est, de l’étant en tant qu’étant (τὁ ὂν ἢ ὀν). Or, tout est. Définir l’être de ce qui est, c’est donc introduire le défini dans la définition. Ce qui est est ce qui est ! Nous sommes devant une tautologie, qui conduit à une aporie. La seule façon de dépasser l’aporie est-elle de dépasser la science de l’étant en tant qu’étant, en affirmant un étant sans puissance, un acte pur qui est, dit Aristote au livre Lambda de sa Métaphysique, la pensée qui se pense (noesis noeseôs) ? Dans ce livre, on ne trouve plus de référence à une science de l’étant en tant qu’étant, il suggère une sorte de reductio ad unum de tout ce qui est pensé en tant que pensable. La fin ultime de la métaphysique et son objet suprême serait donc la pensée qui se pense, acte pur et science divine. L’ontologie s’achèverait ainsi téléologiquement en hénologie gnoséologique, voire gnostique.
- 13 Cf. A. Bertolacci, « From Al Kindi to al Farabi ; Avicenna’s Progressive Knowledge of Aristotle’s (...)
- 14 Le mot « lettres » dans ce titre fait référence aux lettres qui désignent les chapitres de la Mét (...)
11La pensée d’Avicenne affrontera la question de savoir si le principe premier de la métaphysique est l’étant en tant qu’étant ou l’étant en tant que pensé. Autrement dit, est-ce l’être ou l’Intellect qui est premier ? C’est ici que le néoplatonisme fait irruption. L’Intellect émane de l’Un. L’Un néoplatonicien et le Dieu de l’Islam étaient appelés à se rencontrer. L’ambiance intellectuelle inaugurée par la figure d’Al Kindi favorisait une telle rencontre13. Avicenne se réfère aussi dans son Autobiographie à des textes, probablement des extraits et des commentaires renvoyant à des positions alkindiennes, qui conduisent à une interprétation théologique néoplatonisante de la métaphysique. Sans aller jusqu’à dire qu’Avicenne a lu Aristote avec les yeux d’Al Kindi, on peut conjecturer qu’il hérite, à travers les textes qui lui sont attribués, de toute la tradition métaphysique de langue arabe. Cela n’exclut pas l’idée que l’influence qu’a exercée sur lui la découverte de l’opuscule d’Al Fârâbi fut décisive. Rappelons-en le titre : Sur le but de chacun des livres de l’œuvre appelée « Livre des lettres »14. L’exorde souligne que la métaphysique parle du Créateur, de l’intellect, de l’âme et de tout ce qui s’y rapporte. Or, le livre Lambda se réfère à la pensée qui se pense comme à l’acte pur, mais ignore le concept de création, qui est une vérité révélée à laquelle le Musulman adhère autant que le Juif et le Chrétien. Avicenne ne l’ignore pas, mais il pense en philosophe et non en théologien. Puisque tout est, il faut partir de l’être qui est commun à toutes choses. Je ne peux donc penser sans penser que je suis. La métaphore de « l’homme volant » en est une illustration. L’être se présente comme une condition a priori de toute pensée. La notion de création conduit ainsi Avicenne, à la suite d’Al Fârâbi, à chercher la cause de tout ce qui est et faire prévaloir de manière typiquement néoplatonicienne que tout le réel se déduit de l’Un. Mais la question va prendre un tour inattendu, dès lors que la logique hénologique exclut l’idée que de l’Un puisse sortir autre chose que l’Un.
12Or l’Un ne peut être l’objet d’aucune science, parce qu’il est pure indétermination. Le véritable objet de la métaphysique est ce qui se trouve déjà là, devant moi, donné aux sens, déterminé et par soi évident. Mais Dieu créateur, cause de tout ce qui est, précède nécessairement tout ce qui est et ne peut, dès lors, être l’objet de la métaphysique, il doit l’être d’une science supérieure. Or, il n’y a pas de science supérieure à la métaphysique. À la métaphysique, par conséquent, de démontrer l’existence de cet objet. Mais la métaphysique est la science générale de l’étant en tant qu’étant, non une science particulière qui étudie l’étant en tant qu’il est considéré sans la matière, comme en mathématiques, ou en tant qu’il est considéré dans la matière et en mouvement, comme en physique. Avicenne, comme plus tard saint Thomas à sa suite, veut considérer ce qui est en tant qu’il est indépendamment de la matière.
13L’objet propre de cette science n’est donc pas la cause, ni Dieu, mais l’être. L’existence des causes, comme celle de Dieu, n’est pas évidente, elle doit être démontrée. Elle n’est donc pas le point de départ, mais le point d’arrivée de la métaphysique. La composante théologique n’est pas sous-évaluée, au contraire, puisqu’Avicenne affirme que la connaissance de Dieu et des causes ultimes constitue la fin et la perfection de la philosophie première. Elle en est l’accomplissement, car la démonstration de l’existence de Dieu comme être nécessaire est métaphysique, elle ne consiste pas à remonter à un principe immobile de tout ce qui se meut, elle ne relève pas de la physique. Cette doctrine fera l’objet de la critique sévère d’Averroès, pour qui cette démonstration relève de la Physique. La théologie métaphysique d’Avicenne n’est plus, comme chez Aristote, science du moteur immobile, mais science de ce qui instaure le monde en donnant l’être par la médiation de l’Intellect Premier, ce qui est davantage en accord avec l’idée d’un monde créé. La cosmologie émanationniste avicennienne mêle ainsi à la hiérarchie aristotélicienne des moteurs la doctrine néoplatonicienne de la procession et ouvre une perspective eschatologique, une prophétologie, une éthique, une politique et une économie domestique suggestives.
- 15 Cf. M. E. Marmura, « Quiddity and Universality in Avicenna », dans Morewedge (éd.), Neoplatonism (...)
14Avicenne est à l’origine de la doctrine de la distinction réelle de l’être et de l’essence. Elle repose sur la théorie de la neutralité de l’essence selon laquelle l’essence, quelle qu’elle soit – l’equinitas par exemple – n’est en soi ni particulière ni universelle, mais seulement elle-même. L’universalité, c’est-à-dire la possibilité de la prédication logique, est une intention (intentio, ma’na), elle ne se confond pas avec l’essence, elle s’ajoute à elle15. De même, l’existence singulière. L’essence a donc son statut propre, celui d’intention dans l’esprit. Ce qui conduit Avicenne à distinguer l’esse in re et l’esse in intellectu, distinction d’une importance considérable et dont l’interprétation selon que l’on mettra l’accent sur l’esse in re ou sur l’esse in intellectu commandera l’histoire à venir de la philosophie.
- 16 Cf. G. Endress, « La Concordance entre Platon et Aristote. L’Aristote arabe et l’émancipation de (...)
- 17 AL Ghazali a si bien reproduit la pensée d’Avicenne que les auteurs médiévaux latins ont cru qu’i (...)
- 18 Cf. J. Janssens, Ibn Sina and his Influence on the Arabic and Latin World, Aldershot, Ahsgate, 20 (...)
15La pensée avicennienne a exercé une forte attraction sur toute la philosophie non seulement musulmane, mais aussi bien hébraïque que chrétienne. Le Kitab al Shifa’ s’est pratiquement imposé comme une véritable introduction à la lecture des œuvres d’Aristote16. Ce rayonnement ne s’est cependant pas effectué sans susciter une réaction négative auprès des défenseurs du Kalam, des théologiens, tout autant que des aristotéliciens attachés à la lettre du Stagirite. L’opposant le plus emblématique à Avicenne, étudié dans ce volume par Katarzyna Pachniak, fut Al Ghazâli (mort en 1111), auteur du fameux Destruction des philosophes 17, ouvrage dans lequel il se dresse contre toutes les thèses philosophiques en total désaccord avec l’Islam. D’autres adversaires s’opposèrent également à l’avicennisme, tels Al Suhrawardi, l’École d’Isfahan, Al Shahrastani18. Du côté de l’Islam occidental, les philosophes andalous ne suivront pas Avicenne, mais plutôt Al Fârâbi et la tradition aristotélicienne de Bagdad, les plus représentatifs d’entre eux étant Avempace (Ibn Bagga) et Averroès (Ibn Ruschdi) le Commentator par excellence des œuvres d’Aristote, lequel cependant prit la défense d’Avicenne contre Al Ghazâli dans son Destruction de la destruction des philosophes, alors même qu’il le critique âprement de s’être par trop éloigné du texte d’Aristote en lui reprochant, notamment, d’avoir commis une grave erreur en considérant l’être comme un accident de l’essence.
- 19 Cf. M.-Th. d’Alverny, Avicenne en Occident. Recueil d’articles, Paris, Vrin, 1993. Voir E. Gilson (...)
- 20 Cf. A. Rucquoi, « Gundisalvus ou Dominicus Gundisalvi ? », Bulletin de Philosophie Médiévale, no (...)
16La diffusion de l’œuvre avicennienne en Occident passe par l’Espagne dans la seconde moitié du xiie siècle, en particulier par Tolède, centre d’un mouvement important de traduction de l’arabe au latin. Nous devons aux travaux de M. Th. D’Alverny nos connaissances sur le cas spécifique des traductions de l’œuvre d’Avicenne19. Concernant la traduction de la Métaphysique (nous disposons d’un manuscrit [Venise, Bibl. Marc. 2665]), elle est attribuée à Gérard de Crémone, ou selon d’autres témoignages à Dominicus Gundissalvus (d’après le ms. Cité du Vatican, Vat. Lat. 4428), à moins que ce ne soit un certain Gundisalinus dont le nom apparaît dans un manuscrit de la bibliothèque de Nicolas de Cues (ms. Kues, Hospitalbibl. 205)20.
- 21 Voir O. Boulnois, Être et représentation, p. 432-455 ; A. de Muralt, « Esse objectivum », Philoso (...)
17Un des plus grands héritiers d’Avicenne est Jean Duns Scot. Étienne Gilson a analysé les thèmes les plus importants de la doctrine scotiste sur laquelle l’influence avicennienne a été décisive : l’être, objet de la métaphysique comme ce qui tombe en premier dans l’intellect et deviendra l’esse objectivum 21, la valeur de la connaissance empirique, les rapports du sensible et de l’universel. Tel est le point de départ de la pensée du Docteur subtil, qui va le conduire à la conception d’un être infini sans dépendre des données sensibles, lesquelles ont été à l’origine de ce qui est conçu (telle la chose en soi de Kant, scotiste sans le savoir, pour qui la connaissance commence avec les sens, se poursuit dans la raison et s’achève dans l’entendement). Ainsi, écrit Étienne Gilson,
- 22 Cf. E. Gilson, « Avicenne et le point de départ de Duns Scot », Archives d’Histoire Doctrinale et (...)
[…] il est impossible de comprendre la pensée de Duns Scot, à moins que l’on ait le texte d’Avicenne sous les yeux : il l’étudie, le discute, le prolonge, le modifie, l’approfondit, prenant pour accordé que nous le connaissons comme lui-même et ses étudiants le connaissant. Avicenne doit être sur notre table de travail comme il était sur la sienne22.
18La pensée scotiste va développer le germe essentialiste de la doctrine avicennienne en mettant l’accent sur la conception de l’esse in intellectu. La gnoséologie l’emportera définitivement sur l’ontologie (au sens de philosophie de l’esse in re). Le ma’na avicennien – l’intentio latine – captera désormais toute l’attention. L’être est réduit exclusivement à sa représentation, à une notion qui s’imprime dans l’esprit – l’âme ou l’intellect –, à une species impressa dont l’origine est dans l’intellect, lui-même producteur de concepts, et non plus dans la forme abstraite de la matière dont elle est indissociable dans la réalité, dans l’esse in re unifié en tant qu’être, et dont elle se distingue en tant qu’intelligé, ou esse in intellectu. Ainsi, ce qui est en tant qu’il est dans la réalité, c’est-à-dire l’objet de la métaphysique, est absorbé par la considération de ce qui est en tant qu’il est dans l’intellect. L’acte d’être est assimilé à l’acte d’intelliger, et l’acte d’intelliger est réduit à l’acte de se représenter ce qui est comme un objet de connaissance, un esse objectivum. L’oubli de l’esse in re est consommé.
- 23 Cf. O. Lizzini, « The relation between Form and Matter : some brief observations on the “homology (...)
- 24 Cf. E. Gilson, « Pourquoi saint Thomas a critiqué saint Augustin », Archives d’Histoire Doctrinal (...)
19Cette évolution a son origine dans la nature de l’aristotélisme néoplatonisant de la pensée avicennienne, telle qu’elle se présente dans sa réception latine, en se diffusant grâce à la naissance de l’université et des centres d’études qui facilitent la circulation des textes. Un aspect important de la doctrine du flux 23 des intelligibles dans l’intellect agent sera accentué dans le sens de l’illuminisme augustinien (dans la sphère franciscaine) donnant lieu à ce qu’Étienne Gilson a appelé « augustinisme avicennisant »24.
20L’hénologie néoplatonicienne risque toujours de rejeter dans l’ombre l’ontologie aristotélicienne et finir par prendre sa place sous la forme d’une psychologie, qui accorde à l’intellect le rôle décisif, consistant à produire son objet ; Jean Duns Scot le témoin subtil en développera la doctrine. Dès lors, l’Intellect agent, le dixième et dernier de la série des intellects intermédiaires émanés à partir du premier émané, et non l’Un qui est au-delà de l’Intellect, car de l’Un ne peut sortir que l’Un, est la source de tout ce qui est (en tant qu’intelligé) dans le monde sublunaire. Avicenne le nomme le Dator formarum qui donne l’être en donnant la forme à la matière prête à la recevoir.
- 25 Cf. A. Bertolacci, « Subtilius speculando. Le citazione della Philosophia prima di Avicenna nel C (...)
- 26 Voir C. Vansteenkiste, qui donne une liste de citations d’Avicenne dans Tijdschrift voor Philosop (...)
21Il faut aussi mentionner la place que prend Avicenne dans l’œuvre de saint Albert le Grand25. Son illustre disciple Saint Thomas d’Aquin fut, sans doute, l’un des rares sinon le seul à avoir reçu d’Avicenne le versant non néoplatonisant de sa pensée en mettant l’accent sur la nature de l’esse in re comme étant le véritable objet de la métaphysique. Il tenait en haute estime le philosophe persan, mais pour lui la forme n’est pas reçue du dehors, d’un Dator formarum séparé du monde, elle est constitutive de l’étant auquel elle inhère. Dans les écrits de l’Aquinate, on rencontre plus de quatre cent cinquante références à la doctrine avicennienne26, dont il faut souligner celle selon laquelle « l’étant est ce qui tombe en premier dans l’intellect » (ens est quod cadit primum in intellectu), ou encore, celle qui mentionne la fameuse distinction réelle entre l’être et l’essence, deux thèmes majeurs de la métaphysique thomasienne. Mais celle-ci met l’accent sur la conception selon laquelle ens et unum ne sont pas des prédicats accidentels de l’essence, ils la constituent du dedans et ne s’ajoutent pas à elle du dehors. Pour Avicenne, en effet, qualifier une chose d’étant consiste à signifier son esse in intellectu, non l’esse in re, de sorte que le non-être ne s’oppose pas à l’être dans la chose, mais à l’être dans l’intellect ; en vérité, il faudrait parler plutôt de non-étant. Car, pour l’Aquinate, la distinction entre l’être et l’essence s’opère dans l’intellect, mais dans la réalité ils sont unis : il s’agit davantage d’une composition. Ni l’esse, ni l’unum ne s’ajoutent donc à l’ens. Saint Thomas parle toujours de l’ens comme de l’être créé, composé d’être et d’essence, par opposition à l’esse ipsum per se divin qui est simple et, par conséquent, en lequel il n’y a pas de distinction entre l’être et l’essence, doctrine qu’il partage avec Avicenne. L’esse est un en vertu de son acte d’être, il est un parce qu’il est, son unité se confond avec lui, elle ne s’ajoute pas à lui. Quant à l’étant créé, il est un d’une unité numérique. Il faut donc distinguer l’un comme principe du nombre et l’un transcendantal, qui n’est pas un nombre.
- 27 Cf. J. Janssens, « Some elements of Avicennian Influence on Henry of Ghent’s Psychology », dans W (...)
22Après saint Thomas, il faut évoquer Gilles de Rome, Godefroid de Fontaines et surtout le brabançon Henri de Gand (1217-1293), philosophe le plus marqué par la Métaphysique d’Avicenne, qui suit fidèlement la doctrine de l’indifférence de l’essence à partir de laquelle il élabore une théorie de la distinction intentionnelle qui lui est propre, consistant à distinguer entre elles des notions intentionnelles qui sont inséparables dans la réalité. C’est une reprise originale de la distinction entre esse in intellectu et esse in re 27. L’influence d’Avicenne passera par Henri dans la pensée de Duns Scot – que nous avons évoquée antérieurement en raison de son importance –, fût-ce sous la forme d’une rupture avec certains aspects de la doctrine avicennienne, le refus de l’exemplarisme et de la théorie de l’indifférence de l’essence, par exemple.
- 28 Voir par exemple : Avicenna Latinus, Liber De Philosophia prima sive Scientia divina I-IV, éd. S. (...)
23Il faut évoquer également, en renonçant à être exhaustif, l’influence d’Avicenne sur Maître Eckhart chez qui les notions héritées du néoplatonisme d’Un, d’Intellect, d’Âme, réapparaîtront sous une forme originale d’Homme noble, de détachement, de béatitude. La conception eckartienne de la « créature comme pur néant » est en relation avec la doctrine avicennienne du caractère accidentel de l’être, de « l’être emprunté » qui devient « prêt de l’être »28, et de l’indifférence de l’essence. L’essence ne se donne pas l’être. L’être est extérieur à la structure substantielle des étants qui, pris en eux-mêmes, sont de « purs néants » : il est un événement (Ereignis), un don, qui advient à l’essence d’une chose pour se l’approprier non pour la constituer.
Notes
1 Voir A. de Libera, La philosophie médiévale, Paris, PUF, 1993, p. 9 sqq.
2 Voir la synthèse de M. Aouad, dans R. Goulet (dir.), Dictionnaire des philosophes antiques, t. 1, Paris, CNRS, 1989, p. 541-590. Sur le Livre des causes, voir H. D. Saffrey, Introduction à Sancti Thomae de Aquino super librum de causis expositio, Fribourg-Louvain, Société philosophique, 1954 ; « L’état actuel des recherches sur le Liber de causis comme source de la métaphysique au Moyen-Âge », Miscellanea med., no 2, 1963, p. 267-281 ; O. Bardenhewer, Die peudo-aristotelische Schrift bakannt unter dem Namen « Liber de causis », Fribourg (Br.), Nabu Press, 2010 (reproduction de l’édition de 1923) ; A. Pattin, Le « Liber de causis », Tijdschrift v. Filos. 28, 1966, p. 90-203 ; C. d’Anconna-Costa, « Le fonti e la struttura del Liber de causis », Medioevo, no 15, 1989, p. 3-38 ; Tommaso d’Aquino. Commento al libro dlle cause (Introduction), Milan, 1986 ; Recherches sur le Liber de causis, Paris, Vrin, 1995.
3 Pour ce qui suit, nous renvoyons à ce qu’écrit Étienne Gilson dans La philosophie au Moyen Âge, Paris, Payot, 1986/1999, p. 351.
4 Y. Mahdavi dénombre 244 textes qui lui sont attribués, G. A. Anawati en dénombre 270. (2) Y. Mahdavi, Bibliographie d’ibn Sina, Téhéran, 1954 ; G. C. Anawati, Essai de bibliographie avicennienne, Le Caire, 1950.
5 Sur cet épisode, voir D. Gutas, Avicenna and the Aristotelian Tradition. Introduction to reading Avicenna’s Philosophical Works, Leyde-New York, Kebenhaven, Köln, E.J. Brill, 1988, p. 238-242.
6 Ibn Sinâ, Al-Shifâ’, al-Ilàhiyyât, G. C. Anawati (éd.), Le Caire, L’organisation égyptienne générale du livre, 1960 ; Avicenne, La métaphysique du Shifâ’, deux tomes, Livres I à V et VI à X. Intro., trad. et notes de G. C. Anawati, Paris, Vrin, 1985.
7 Avicenne, al-Najât, éd. M. al-Kurdi, Le Caire, Murtadawi, 1938 ; Beyrouth, éd. Fakhry, 1985.
8 Le Livre de science, trad. M. Achéna et H. Massé, Paris, Les Belles Lettres, 1986, 2e éd.
9 Le commentaire sur le le Livre Lambda a été édité : Commentaire sur le Livre Lambda de la Métaphysique d’Aristote (chapitres 6-10) par Ibn Sinâ (Avicenne), édition critique, traduction et notes par M. Geoffroy, J. Janssens et M. Sebti, Paris, Vrin, 2014. Voir A. Badawi, Aristoteles apud Arabes, Le Caire, 1945. Sur les œuvres complètes, voir bibliographie en fin de volume.
10 Voir A. de Libera, L’art des généralités, Paris, Aubier, 1999, p. 500 sq.
11 Aristote, Métaphysique, Z, 1, 1028b : « L’objet éternel de toutes les recherches, présentes et passées, le problème toujours en suspens est : que-ce que l’être ? (Καὶ δὴ καὶ τὸ πάλαι τε καὶ νῦν καὶ ἀεὶ ζητούμενον καὶ ἀεὶ ἀπορούμενον, τί τὸ ὄν) ». Peu importe, ici, pour notre propos de discuter du sens que donne le Stagirite à τὸ ὄν.
12 Telle est, par exemple, l’approche de K. Flasch dans son Introduction à la philosophie médiévale, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1992. Rééd. aux éditions du Cerf en 2010 augmentée d’une postface. Préface de Ruedi Imbach.
13 Cf. A. Bertolacci, « From Al Kindi to al Farabi ; Avicenna’s Progressive Knowledge of Aristotle’s Metaphysics According to his Autobiography », Arabic Sciences and Philosophy, no 11, 2001, p. 257-295.
14 Le mot « lettres » dans ce titre fait référence aux lettres qui désignent les chapitres de la Métaphysique d’Aristote. L’opuscule a été édité par F. Dieterici dans Alfarabi’s philosophische Abhandlungen, Leyde, E.J. Brill, 1890. Une traduction française en a été donnée par Th. A. Druart, « Le traité d’al Farabi sur les buts de la Métaphysique d’Aristote », Bulletin de Philosophie Médiévale, no 24, 1982, p. 38-43.
15 Cf. M. E. Marmura, « Quiddity and Universality in Avicenna », dans Morewedge (éd.), Neoplatonism and Islamic Thought, Albany (NY), State University of New York Press, 1992, p. 77-87 ; voir également A. de Libera, L’art des généralités. Théories de l’abstraction, Paris, Aubier, 1999, p. 499-607 et les remarques de P. Porro, « Universaux et esse essentiae : Avicenne, Henri de Gand et le “Troisième Reich” », Cahiers de Philosophie de l’Université de Caen, no 38-39 (Le réalisme des universaux. Philosophie analytique et philosophie médiévale), 2002, p. 9-51.
16 Cf. G. Endress, « La Concordance entre Platon et Aristote. L’Aristote arabe et l’émancipation de la philosophie en Islam », dans B. Moisiche et O. Pluta, Historia Philosophiae Medii Aevi. Studien zur Geschichte der Philosophie der Mittelalters (Festschrift für Kurt Flasch zt seinen 60. Geburtstag), Amsterdam-Philadelphie, B.R. Grüner, 1991, p. 3-152.
17 AL Ghazali a si bien reproduit la pensée d’Avicenne que les auteurs médiévaux latins ont cru qu’il en était un disciple et n’ont pas perçu les visées du détracteur.
18 Cf. J. Janssens, Ibn Sina and his Influence on the Arabic and Latin World, Aldershot, Ahsgate, 2006 ; D. Gutas, « Acicenna’s Eastern (‘Oriental’) Philosophy : Nature, Contents, Transmission », Arabic, Sciences and Philosophy, no 10, 2000, p. 159-180. Sur la réception critique de l’œuvre d’Avicenne, voir W. Madelung et T. Mayer (éd), Struggling with the Philosopher. A Refutation of Avicenna’s Metaphysics. A New Arabic Edition and English Translation of Muhammad b. ‘Abd al-Karim b. Ahmad al-Shahrastani’s al-Kitab al-Musara’a, Londres-New-York, I.B. Tauris Publischers / The Institut of Ismaeli Studies, 2001.
19 Cf. M.-Th. d’Alverny, Avicenne en Occident. Recueil d’articles, Paris, Vrin, 1993. Voir E. Gilson, « Avicenne en Occident au Moyen Âge », Archives d’Histoire Doctrinale et Littéraire du Moyen Age, no 34, 1969, p. 89-121.
20 Cf. A. Rucquoi, « Gundisalvus ou Dominicus Gundisalvi ? », Bulletin de Philosophie Médiévale, no 41, 1999, p. 85-106. Cette hypothèse a cependant été fortement mise en doute par A. Fidora et M. J. Soto Bruna, « Gundisalvus ou Dominicus Gundisalvi ? Algunas observaciones sobre un reciente articulo de Adeline Ruscquoi », Estudios ecclesiasticos, no 76, 2001, p. 467-473.
21 Voir O. Boulnois, Être et représentation, p. 432-455 ; A. de Muralt, « Esse objectivum », Philosophes médiévaux : Anthologie de textes philosophiques, xiiie-xive siècles, 10/18, Ruedi Imbach, p. 169-206 ; E. Gilson, Jean Duns Scot. Introduction à ses postions fondamentales, Paris, Vrin, 1952, p. 511-574.
22 Cf. E. Gilson, « Avicenne et le point de départ de Duns Scot », Archives d’Histoire Doctrinale et Littéraire du Moyen Âge, no 2, 1927, p. 89-149 ; J.-M. Counet, « Avicenne et son influence sur la pensée de Jean Duns Scot », dans J. Janssens et D. De Smet (éd.), Avicenna and His Heritage. Acts of the International Colloquium, Leuven - Louvain-la-Neuve, September 8 - September 11, 1999, Louvain, Leuven University Press, 2002, p. 81-97.
23 Cf. O. Lizzini, « The relation between Form and Matter : some brief observations on the “homology argument” (Ilāhiyyāt, II, 4) and the deduction of fluxus », dans J. McGinnis et D. C. Reisman (éd.), Interpreting Avicenna. Proceedings of the Second Conference of the Avicenna Study Group, Leyde/Boston, Brill, 2004, p. 175-185.
24 Cf. E. Gilson, « Pourquoi saint Thomas a critiqué saint Augustin », Archives d’Histoire Doctrinale du Moyen Âge, no 1, 1926, p. 6-127 et « Les sources gréco-arabes de l’augustinisme avicennisant », Archives d’Histoire Doctrinale du Moyen Âge, no 4, 1929, p. 5-149.
25 Cf. A. Bertolacci, « Subtilius speculando. Le citazione della Philosophia prima di Avicenna nel Commento alla Metafisica di Alberto Magno », Documenti e studi sulla tradizione metafisica medievale, no 9, 1998, p. 261-339.
26 Voir C. Vansteenkiste, qui donne une liste de citations d’Avicenne dans Tijdschrift voor Philosophie, « Avicenna-citation bij S. Thomas (p. 437-507) », Utrecht, 1953 ; A. Lobato, « Avicena y santo Tomas. Presencia del filosofo arabe en las primeras obras del Aquinatense », Estudios filosoficos, no 4, 1955, p. 45-80 ; no 5, 1956, p. 83-130 et 511-551 ; P.M. de Contensos, « Saint Thomas et l’avicennisme latin », Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques, no 43, 1958, p. 3-31 ; G.C. Anawati, « Saint Thomas d’Aquin et la métaphysique d’Avicenne », dans St Thomas Aquinas, 1274-1974, Commemorative Studies, Toronto, Pontifical Insitute of Medieval Studies, 1974, p. 449-465 ; L. Gardet, « Saint Thomas et ses prédécesseurs arabes », dans St Thomas Aquinas…, op. cit., p. 419-448 ; C. Giacon, « La distinzione tra l’essenza e l’esistenza in Avicenna e s. Tommaso », Doctor Communis, no 27, 1974, p. 30-45 ; Y. Chizaka, « Saint Thomas d’Aquin et Avicenne. Sur les interprétations de l’être et de l’essence », dans Thomas d’Aquino, Atti del Congresso internazionale « Tommazo d’Aquino nella storia del pensiero », Naples, Edizioni Domenicane, 1975, p. 284-295 ; I. Craemer-Ruegenberg, « Ens est quod primum cadit in intellectu – Avicenna und Thomas von Aquin », dans U. Tworuschka, Gottes ist der Orient. Gottes ist der Okzident. Festschrift für Abdoljavad Falaturi zum 65. Geburtstag, Köln-Wien, Böhlau Verlag, 1991, p. 133-142 ; J. F. Wippel, « The Latin Avicenna as a source for Thomas Aquina’s Metaphysics », Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie, no 37 1990, p. 51-90 ; P. Porro, « Tommaso d’Aquino, Avicenna e la struttura della metafisica », dans S. Brock (dir.), Tommaso d’Aquino e l’oggetto della metafisica, Rome, Armando, 2004, p. 65-87.
27 Cf. J. Janssens, « Some elements of Avicennian Influence on Henry of Ghent’s Psychology », dans W. Vanhamel (éd.), Henry of Ghent. Proceedings of the International Colloquium on the Occasion of the 700th Anniversary of His Death (1293), Louvain, Leuven University Press, 1996, p. 155-169.
28 Voir par exemple : Avicenna Latinus, Liber De Philosophia prima sive Scientia divina I-IV, éd. S. Van Riet, introduction G. Verbeke, Leyde, Brill, 1977, p. 72.
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Référence papier
Hervé Pasqua, « Présentation », Noesis, 32 | 2018, 7-21.
Référence électronique
Hervé Pasqua, « Présentation », Noesis [En ligne], 32 | 2018, mis en ligne le 15 décembre 2020, consulté le 25 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/noesis/4971 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/noesis.4971
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