Janicaud et la question du politique
Résumés
Même s’il serait abusif d’attribuer à Janicaud une « pensée politique » systématiquement développée, sous la forme d’une théorie générale de la domination, son intérêt pour le politique ne s’est jamais démenti tout au long de son œuvre : qu’il s’agisse de déciller les naïfs pour qui la métaphysique serait fautrice de totalitarisme, de mettre au jour les raisons pour lesquelles Heidegger lui-même a méconnu la spécificité et l’autonomie du politique, ou de nous ouvrir les yeux sur le dépérissement contemporain du politique, à un moment où le potentiel de domination et de terreur mis en réserve par la technique déchaînée s’accroît dangereusement.
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Mots-clés :
cité, décisionnisme, démocratie, domination, historialisme, technicisme, totalitarisme, volonté de puissanceKeywords:
city, decisionism, democracy, domination, historialism, technicism, totalitarianism, will to powerPlan
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- 1 A. Villani, dans Fr. Dastur (dir.), Dominique Janicaud. L’intelligence du partage, Paris, Belin 2 (...)
- 2 D. Janicaud, « Heideggeriana », dans D. Janicaud et J.-F. Mattéi, La métaphysique à la limite, Pa (...)
- 3 D. Janicaud, Heidegger en France, Paris, Albin Michel, 2001, t. I, p. 311. Je remercie Marc Herce (...)
- 4 Dont un linéament est énoncé par Janicaud dans la foulée de mai 68 : « Sans doute ne doit-on pas (...)
- 5 D. Janicaud, La puissance du rationnel, Paris, Gallimard, 1985, p. 39.
- 6 Cf. infra, le début de notre partie 3.
- 7 D. Janicaud, La puissance du rationnel, op. cit., p. 375.
- 8 Ibid., p. 9.
- 9 Ibid., p. 83.
- 10 Ibid., p. 376.
- 11 D. Janicaud, « La raison démocratique et ses revers », Critique, mai 1992, p. 340.
1Au moment d’engager l’exploration de ce qu’Arnaud Villani a fort bien nommé « le possible politique de Dominique Janicaud »1, gardons en tête l’avertissement que Janicaud lui-même adresse aux lecteurs de Heidegger, mais qui pourrait aussi concerner les siens : « Ceux qui cherchent à tout prix une pensée politique positive dans son œuvre […], de miettes ne confectionnent qu’un brouet trop clair »2. De fait, le dialogue intitulé « De la domination » « reste à ce jour inédit »3 ; la tentation de « construire une théorie générale de la domination »4 est écartée dans La puissance du rationnel 5, et le « projet 2003 » des Alliages de l’Oppression 6 a été tragiquement interrompu. On trouve cependant dans l’œuvre publié un concept du politique – l’« affrontement du possible par un peuple, à la vie, à la mort »7 – qui nous introduit d’un trait au cœur de la chose même : on qualifiera de politiques, par excellence, les choix et les enjeux vitaux. On y trouve aussi la formulation d’une question : celle de savoir si la responsabilité politique reste « intacte »8 à l’époque de la technique, ou si la techno-science en tant que Puissance vient « contester la primauté prétendue du politique »9, au point que la décision politique se retrouve « étouffée par l’appareil de la techno-structure »10. Et l’indication d’une tâche : « On n’attend pas d’un philosophe qu’il s’engage dans la politique, mais plutôt qu’il éclaire celle-ci pour préparer les choix fondamentaux »11. Nous verrons que Janicaud ne s’est pas dérobé devant cette responsabilité.
1. La politique selon la métaphysique
2Contemporain d’André Glucksmann, Janicaud n’aura pas cédé pour sa part à la mode inspirée du néo-libéralisme des années 1930, qu’a imposée en France après Mai 68 la « nouvelle philosophie » médiatique : dénigrer les « maîtres penseurs » de la métaphysique, assimilés à des fauteurs de totalitarisme.
- 12 « Platon et nous » (conférence de 2001), dans Dominique Janicaud. L’intelligence du partage, op. (...)
- 13 Ibid., p. 82.
- 14 Ibid., p. 83.
- 15 Sur la critique de l’identification libérale de l’autoritarisme au totalitarisme, voir Hannah Are (...)
- 16 D. Janicaud, ibid., p. 83.
- 17 Popper, op. cit., p. 130.
- 18 D. Janicaud, Les bonheurs de Sophie, Fougères, Encre marine, 2003, p. 90.
- 19 D. Janicaud, « Platon et nous », art. cit., p. 82.
- 20 Ibid.
- 21 Ibid. Voir en effet Popper, op. cit., p. 124-127.
- 22 D. Janicaud, Les bonheurs de Sophie, op. cit., p 29.
- 23 D. Janicaud, « Platon et nous », art. cit., p. 82.
- 24 Popper, op. cit., p. 162.
- 25 J. Freund, L’essence du Politique, Paris, Sirey, 1965, p. 150.
- 26 D. Janicaud, « Platon et nous », art. cit., p. 83.
- 27 Ibid., p. 82.
- 28 D. Janicaud, Aristote aux Champs-Élysées, Fougères, Encre Marine, 2003, p. 26.
- 29 D. Janicaud, « Platon et nous », art. cit., p. 83.
3S’agissant – pour commencer par le commencement – de Platon, Janicaud rappelle certes qu’au jugement de Popper, l’auteur de La République mériterait d’être considéré comme « le premier théoricien du totalitarisme »12. Mais Janicaud signale ce que cet anachronisme a d’égarant : il n’y a guère de sens à « appliquer à la République platonicienne le concept de “totalitarisme” qui est un produit spécifique du xxe siècle »13. D’autant, pourrions-nous ajouter, qu’à confondre « politique autoritaire »14 et totalitarisme, le néo-libéralisme risque d’en venir, du fait d’un contresens complet sur la notion d’autorité, à confondre hiérarchie et tyrannie, pouvoir et violence, législation rigoureuse et arbitraire sans lois15. En outre, il serait tout aussi anachronique de profiter de la lumière apportée tardivement par « les tragédies du xxe siècle »16 sur les dangers de l’utopie, pour attribuer à la méthode platonicienne d’« utopian engineering »17 la même virulence et les mêmes potentialités exterminatrices qu’aux idéologies contemporaines. Soucieux de restituer à « l’héritage politique platonicien » sa complexité, et même sa part d’ambiguïté, Janicaud reconnaît volontiers que « Platon et Aristote ne sont pas des démocrates »18, et que Platon est peut-être « allé trop loin dans ses préceptes »19, notamment en matière de réglementation de l’éducation et des mœurs ; mais c’est pour souligner que « Popper est sans doute allé trop loin »20 dans sa critique, aussi bien. Rien ne justifie, par exemple, qu’on projette sur La République un « racisme biologisant comme celui des nazis »21. L’honnêteté commande en revanche de noter que la philosophie, qui fait son apparition en Grèce à la même époque que la « science rigoureuse », s’est mise dès sa naissance, au moment où la raison s’émancipait des mythes, « en quête d’un régime politique libéré de la tyrannie »22 ; que Platon s’est personnellement opposé à la tyrannie de Denys en Sicile, comme Socrate à celle des Trente à Athènes, avec un courage qui atteste « la vertu du philosophe devant le pouvoir personnel »23 ; et que le Gorgias place dans la bouche de Socrate un plaidoyer énergique contre la brutalité prônée par Calliclès. Popper objecterait que la méfiance de Platon à l’égard de la tyrannie est subordonnée à sa crainte de la démocratie : il ne rejetterait la tyrannie que dans la mesure où, par ses abus criants, elle allume dans le peuple « la flamme de l’esprit révolutionnaire », et contraint le pouvoir à composer avec « les revendications égalitaires des masses »24. Et Julien Freund pourrait ajouter que c’est vraisemblablement « par le truchement de Calliclès », plutôt que de Socrate, que Platon fait part au lecteur attentif de son véritable parti pris, réaliste et non pas moraliste : son propos étant de « saisir le politique dans son essence » – à savoir sans doute les impératifs de la puissance, la loi du commandement et de l’obéissance – plutôt que de prétendre l’expliquer par des principes extrinsèques comme ceux « de l’économie ou de l’éthique »25. Plutôt que de lire ainsi Platon entre les lignes, Janicaud préfère le prendre au mot, et lui faire crédit d’une « inspiration fondamentale » orientée, dans la droite ligne de Socrate, par « le souci de la Justice et du Bien »26. Mieux, Janicaud loue les Anciens d’avoir encore une leçon à nous délivrer : conscients que l’unité de la cité est conditionnée par la limitation raisonnable de son territoire et de sa population, ils nous mettraient en garde contre le gigantisme en y opposant leur sens de « la juste limite à ne pas dépasser »27. « Avions-nous tort de marquer les limites au-delà desquelles le sens et le goût du politique se perdent ? », demande Aristote rencontré aux Champs-Élysées28. La réponse est non. La sagesse grecque vaut mieux que le goût de l’indéfini, la passion de l’illimité, qui rendraient nos États modernes « monstrueux »29 aux yeux de penseurs qui vivaient, déjà, la crise de la Cité.
- 30 D. Janicaud, Hegel et le destin de la Grèce, Paris, Vrin, 1975, p. 185.
- 31 Ibid., p. 187.
- 32 Popper, op. cit., t. II, Hegel et Marx, p. 21.
- 33 Ibid., p. 42.
- 34 « Seules les universités de l’Autriche catholique parvinrent à surnager », écrit plaisamment Popp (...)
- 35 Ibid., p. 44.
- 36 Ibid., p. 55.
- 37 D. Janicaud, Hegel et le destin de la Grèce, op. cit., p. 187.
- 38 Ibid., p. 163.
- 39 Ibid.
- 40 Hegel, Leçons sur la philosophie de l’histoire, trad. fr. J. Gibelin, Paris, Vrin, 1979, p. 193.
- 41 Ibid., p. 195.
- 42 Ibid., p. 171.
- 43 Hegel, Leçons sur la philosophie de l’histoire, op. cit., p. 196.
4Peut-on voir dans Hegel un héritier de Platon ? La « compréhension de la Cité grecque par l’idéalisme spéculatif »30 a-t-elle permis à la métaphysique moderne de bien saisir « le mouvement par lequel l’homme en Grèce se découvre à travers la Cité »31 ? À nouveau, Popper nous met en garde : passer de Platon à Hegel, ce serait tomber de Charybde en Scylla ; « l’adoration platonicienne de l’État » atteint dans sa « réédition » hegélienne une intensité paroxystique qui « confine à l’hystérie »32. De Hegel à Hitler la conséquence est bonne : la « transsubstantiation de l’hegélianisme en racisme et de l’Esprit en sang ne modifie guère ses tendances profondes »33, qui se ramènent à un nationalisme agressif communément répandu dans le monde académique germanophone34 dès le début du xixe siècle, et psychologiquement explicable, entre autres, par un profond complexe « d’infériorité à l’égard des Anglais »35 ; de sorte que « l’historicisme hegélien s’identifie à la philosophie du totalitarisme moderne »36. À mille lieues de ce mauvais roman, Janicaud fait valoir une exigence élémentaire : « Justice doit être rendue à Hegel »37 ! D’une part, ce dernier n’est pas otage de ses sources : qu’il ait vu dans La République « une œuvre de réaction »38 ne fait pas de lui un réactionnaire. Loin d’être captif de l’hostilité supposée de Platon à la démocratie, Hegel comprend que Platon a « recueilli et sauvé l’esprit de son époque » en s’opposant à « l’évolution de son temps »39. C’est ce qui permet à la philosophie dialectique de l’histoire de saisir que « seule la constitution démocratique » convenait à l’esprit de « l’œuvre d’art politique »40. Mais pour que la démocratie pût être « belle »41, encore fallait-il que la Cité gardât des dimensions modestes – garantes, souligne Janicaud, de son équilibre et de sa cohésion internes42. Que la Cité antique ne soit guère plus étendue qu’une ville, rend possible selon Hegel « une culture commune et une démocratie vivante » ; rien à voir avec les procédures électorales de la Première République française, qui substituent « un monde de paperasses » à la discussion en face à face, et permettent au despotisme de se faufiler « sous le masque de la liberté et de l’égalité »43.
- 44 D. Janicaud, Hegel et le destin de la Grèce, p. 168.
- 45 Ibid., p. 169.
- 46 Ibid., p. 172 sq.
- 47 Ibid., p. 185. Janicaud déplore en revanche « l’absence totale » du thème de la liberté civile ch (...)
- 48 Janicaud relève du reste, ce qui nuancerait la sociologie hegélienne, que maints citoyens ruraux (...)
- 49 Ibid., p. 185.
5N’en déplaise à ses détracteurs les plus malveillants, Hegel considère donc bien, résume Janicaud, que « la démocratie était la finalité réelle de l’esprit grec »44. Démocratie non pas libérale, cependant, mais substantielle (ce qui ne signifie pas unanimiste, ou coercitive). Elle ne se fonde pas sur l’adhésion raisonnée aux normes d’une Constitution, mais sur l’adhérence à un monde social vécu, au sein duquel le patriotisme coule de source et ne demande pas un effort de vertu particulier : « seule une Cité profondément unie peut s’offrir le luxe vital de la démocratie »45. On peut donc douter que l’individu s’y voie reconnaître en tant que tel des droits naturels et inaliénables. Si le sujet individuel n’est qu’un accident de la substance (éthique), libre du seul fait (contingent) qu’il est né de condition libre, et reconnu comme homme parce qu’il a la chance d’être citoyen, il n’a pas d’autre conscience de soi que celle qui lui est conférée par l’exercice de la citoyenneté ; le citoyen antique paraît donc « aliéné »46 à nos regards modernes. Janicaud reconnaît du coup que Hegel n’est pas aveugle à deux « carences essentielles de la Cité » : l’absence de « droits civils universels »47, et le rejet de la partie laborieuse de la population (les esclaves)48 hors de la communauté politique – autrement dit, « la non-intégration de la société civile dans l’État »49.
- 50 Sic (ibid., p. 181). Même s’il peut surprendre, le terme est sans doute choisi à dessein par Jani (...)
- 51 Ibid., p. 182.
- 52 Ibid., p. 184.
- 53 Ibid., p. 188.
6Pour autant, deux carences au moins devraient également, selon Janicaud, être repérées dans la rétrospection hegélienne de la Sittlichkeit. Par excès de schématisation (son objet d’étude est « la » Cité, non pas Athènes en particulier), Hegel minimise l’écart séparant Athènes de Sparte, qui constitue aux yeux de Janicaud une exception aux principes éthico-politiques des Hellènes – tant ses principes et ses actes sont « en opposition absolue avec le libéralisme50 et le sens du beau de la démocratie athénienne ». Hegel glisse aussi sur la dureté de l’impérialisme athénien, qui fait pourtant « tache sur la beauté de la politique grecque »51. Cette schématisation débouche sur une idéalisation de la démocratie antique qui rend Hegel à peu près aveugle aux « luttes de partis dans la Cité »52, et lui fait prendre pour une description fiable de la réalité athénienne son évocation enjolivée, que Thucydide place dans la bouche de Périclès. Parfois formaliste, enfin, Hegel considérerait que l’abolition de l’esclavage suffit aux Modernes pour surmonter définitivement l’antique scission entre condition laborieuse et citoyenneté. Reprenant sur ce point53 la critique marxisante par Merleau-Ponty, dans Humanisme et Terreur, de l’humanisme tronqué, voire hypocrite, des sociétés capitalistes, qui ne supprime ni la misère, ni l’exploitation, Janicaud semble donc, pour finir, envisager qu’il arrive à Hegel de pécher par excès de libéralisme.
- 54 Z. Sternhell, Les Anti-Lumières : du xviiie siècle à la guerre froide, Paris, Fayard, 2006, p. 37
- 55 D. Janicaud, Aristote…, op. cit., p. 56.
- 56 Ibid., p. 59.
- 57 D. Janicaud, Les bonheurs de Sophie, op. cit., p. 137 sq.
- 58 D. Janicaud, Aristote…, op. cit., p. 45.
- 59 D. Janicaud, Les bonheurs de Sophie, op. cit., p. 139.
- 60 D. Janicaud, « L’adieu critique aux utopies », dans G. Hottois (dir.), Aux fondements d’une éthiq (...)
- 61 Ibid., p. 97.
- 62 Titre de la 23e mini-leçon des Bonheurs de Sophie.
7Un tel soupçon, on s’en doute, ne saurait être nourri à l’adresse de Nietzsche. Bien au contraire, celui-ci se voit régulièrement reprocher – encore récemment, par l’historien des idées politiques d’extrême droite Zeev Sternhell – de figurer, du fait de son hostilité déclarée aux Lumières, à l’égalitarisme et à la démocratie, au nombre « des fondateurs du nazisme »54. Là encore, Janicaud inviterait à beaucoup plus de prudence dans le jugement. Il ne lui a pas échappé qu’à certains moments « Nietzsche se fourvoie »55, par exemple lorsqu’à l’instar de Hegel (mais pour des motifs bien différents) il fait preuve de complaisance envers Napoléon, ce « héros de la Puissance comme fin en soi » : occasion pour Janicaud de marquer son « désaccord complet avec Hegel et Nietzsche », en même temps que son aversion pour « la plupart des héros de l’Occident »56. N’empêche, refuser de suivre Nietzsche dans son « apologie d’une “grande politique” conduite par des génies sanguinaires et cyniques comme César ou Napoléon », et peu soucieuse de gouverner l’humanité « selon la Justice »57, ne justifie pas qu’on le voue aux gémonies. Il n’y a en effet, précise le dialogue « Sur le chemin Nietzsche », « rien de plus opposé au fascisme, à l’autoritarisme »58 et à toute forme de despotisme que la manière dont l’auteur du Zarathoustra, loin d’imposer des prescriptions, appelle ses lecteurs à créer de nouvelles tables de valeurs, et à donner un nouveau contenu à l’idée de noblesse : « Un mélange paradoxal d’anarchisme et d’esprit aristocratique »59 serait pour la manière qu’a Nietzsche d’envisager le politique, ou plutôt de nous conduire à la question politique, une désignation plus pertinente que sa caricature en précurseur ou « prophète » du nazisme. De nos jours, au demeurant, ce n’est plus guère par un fascisme revendiqué comme tel que « la force de rayonnement et d’attraction de l’idéal nietzschéen de surhomme » risquerait le plus d’être détournée60. À l’ère des manipulations génétiques, nous serions bien davantage exposés à des tentatives d’ « utilisation du nietzschéisme au profit d’un nihilisme scientifique cynique »61… « Nietzsche l’inclassable »62, donc, quoi qu’il en soit. Peut-on encore en dire autant de Heidegger ?
2. Le vide politique de la pensée de l’être
- 63 D. Janicaud, Heidegger en France, op. cit., t. I, p. 523.
- 64 Ibid., p. 387.
- 65 G.-A. Goldschmidt dans Le Monde des livres du 29 oct. 1999 (cit. dans ibid., p. 534).
- 66 D. Janicaud, L’ombre de cette pensée, Grenoble, Millon, 1990, p. 58.
- 67 Ibid., p. 60.
- 68 Ibid., p. 62.
- 69 Ibid., p. 61.
- 70 C. Schmitt, Théorie de la Constitution, trad. fr. L. Deroche, Paris, PUF, 1993, p. 347.
- 71 Ibid., p. 352.
- 72 Ibid., p. 353.
- 73 Ibid., p. 342.
- 74 Ibid., p. 365.
- 75 Ibid., p. 369.
- 76 Ibid., p. 352.
- 77 D. Janicaud, L’ombre de cette pensée, op. cit., p. 62.
- 78 Sein und Zeit, p. 127 sq (trad. fr. E . Martineau, Authentica, 1985, p. 108).
- 79 D. Janicaud, L’ombre de cette pensée, op. cit., p. 63.
- 80 Ibid., p. 62.
- 81 Ibid.
8Alors que s’épaissit sans cesse la « méfiance généralisée » à son encontre, Heidegger semble avoir en France, plus que jamais, le statut d’auteur « maudit »63. Janicaud a ainsi eu la surprise de voir « de grands portraits de Heidegger portant l’insigne nazi sur les kiosques des marchands de journaux de la bonne ville de Nice »64. L’acheteur des gazettes y lit régulièrement le portrait de Heidegger en « militant nazi par excellence »65 : à propos de l’auteur de Sein und Zeit, le point Godwin n’a plus besoin d’être franchi, puisqu’on y campe durablement. Relisant le maître livre de Heidegger au prisme de la question politique, Janicaud remarque cependant qu’on y chercherait en vain une pensée politique. Et pour cause : Heidegger s’y détourne à dessein de l’anthropologie philosophique, en rompant explicitement avec la caractérisation métaphysique de l’homme comme vivant politique et vivant doué de raison-langage. L’analytique existentiale est une a-politique, parce que l’Existant (Janicaud nous émancipe au passage du mythe de l’intraductibilité de Dasein) est « apolis »66, et donc neutre vis-à-vis de l’alternative politisation/apolitisme : ces deux possibilités, qui laissent libre cours, chacune à sa manière, au bavardage, à la curiosité et à l’équivoque, relèvent de la quotidienneté déchue. La « concaténation » qui, dans la métaphysique, « soude l’humain au rationnel-citadin-politique »67 n’est décidément pas, selon Heidegger, à la mesure ou à la démesure de la manière d’être spécifique de l’Existant. Il n’y a pas d’ontologie sociale dans Sein und Zeit, ni à plus forte raison d’esquisse d’une « phénoménologie positive de la sociabilité politique »68, ni même de délimitation d’un espace public authentique, irréductible à l’être l’un avec l’autre quotidien. Dès lors, les fondements ontologiques d’une éventuelle « étude structurelle et critique des formes de souveraineté »69 font défaut. D’accord sur ce point avec Janicaud, nous pourrions ajouter que c’est précisément l’un des mérites phénoménologiques de Carl Schmitt que d’avoir tenté, dès sa Théorie de la Constitution de 1928, de fonder la démocratie sur l’irréductibilité du « genre supérieur d’être », par lui nommé « Existenz politique »70, auquel peut s’élever un peuple « lorsqu’il est en mesure de distinguer ami et ennemi en vertu de sa propre conscience politique et de sa propre volonté nationale »71, à la manière d’être infra-politique, « seulement culturelle, seulement économique ou seulement végétative »72 d’une population en tant que collectivité humaine empirique. À ce compte, on peut distinguer en les hiérarchisant les deux modalités de l’unité d’un peuple : l’une qui dérive de « frontières naturelles précises »73 ou de « l’idée d’une race commune »74, l’autre qui transcende ces déterminations ontiques en prenant appui sur « l’expérience historique commune, la volonté consciente de maintenir cette communauté », et oriente l’action en fonction « de grands événements et de grands projets »75. Or, non seulement Sein und Zeit ne s’engage pas sur la voie d’une possible politique de l’être-authentique – qui conduira le Carl Schmitt de 1928 à proclamer qu’à proprement parler, « il n’y a de démocratie que directe »76 – mais Janicaud note finement77 que Heidegger ne recourt jamais tant à un vocabulaire politique que lorsqu’il s’agit d’éclairer sous un jour défavorable l’emprise du On sur l’Existant : c’est là (au § 27) qu’il est question d’autoritarisme, de « domination têtue », et même d’une « véritable dictature »78. Pour le reste, on pourrait admettre que l’évocation heideggérienne de l’être-pour-la-mort résolu a souvent une tonalité éthique ; mais, sans forcément aller jusqu’à parler de solipsisme existential, il faut bien reconnaître que la quête d’authenticité ontologique se déploie en première personne : comme le remarque fort bien Janicaud, « l’appropriation extrême de ma condition mortelle […] m’écarte de la Cité »79. La question de savoir « comment les existants ontologiquement souverains […] vont vivre ensemble, suivant quelle distribution de l’autorité, quelles règles de gouvernement, en fonction de quelles lois civiles »80 n’est donc pas abordée. Ainsi donc, une fois refermé Sein und Zeit, « le problème proprement politique […] reste totalement ouvert »81.
- 82 Ibid., p. 63.
- 83 C. Schmitt, Théorie de la Constitution, op. cit., p. 374.
9Faut-il voir dans cet escamotage du politique une faiblesse de Sein und Zeit ? À tout prendre, mieux vaut peut-être que Heidegger ait provisoirement échappé aux périls qu’aurait pu présenter l’élaboration au débotté d’une « politique ontologique », uniquement fondée sur « la différence »82 entre l’Existant absolument singularisé par le devancement de sa possibilité ultime, et le commun des mortels oublieux de l’être. De fait, quand on voit la description schmittienne de l’Existenz politique et son éloge des formes les plus radicales d’affirmation de l’égalité démocratique se conclure sur le constat réjoui du fait qu’« une dictature n’est possible que sur une base démocratique »83, on peut avoir des raisons de se sentir rétrospectivement soulagé du peu d’empressement de Heidegger à donner des prolongements politiques à son décisionnisme éthique.
- 84 D. Janicaud, L’ombre de cette pensée, op. cit., p. 72.
- 85 Ibid., p. 74.
- 86 Ibid., p. 64.
- 87 Ibid., p. 69.
- 88 C’est le point que Janicaud a placé au centre de son entretien avec J.-P. Faye, dans Heidegger en (...)
- 89 L’ombre de cette pensée, op. cit., p. 156.
- 90 Ibid., p. 108.
- 91 Heidegger, Apports à la philosophie, § 7, trad. fr. F. Fédier, Paris, Gallimard, 2013, p. 41.
- 92 Ibid., p. 167.
- 93 L’ombre de cette pensée, op. cit., p. 117.
- 94 Ibid., p. 119.
- 95 Ibid., p. 121.
- 96 Ibid., p. 171.
- 97 Ibid., p. 100.
- 98 D. Janicaud, La métaphysique à la limite, op. cit., p. 45.
- 99 L’ombre de cette pensée, op. cit., p. 119.
- 100 Ibid., p. 170.
- 101 Ibid., p. 106.
- 102 Ibid., p. 74.
- 103 Cf. Ibid., p. 115.
- 104 Ibid., p. 157.
- 105 Ibid., p. 169.
- 106 Ibid., p. 172.
- 107 Ibid.
- 108 La métaphysique à la limite, op. cit., p. 217.
- 109 Interview de Heidegger au Spiegel (1966), dans Écrits politiques, Paris, Gallimard, 1995 (trad. f (...)
- 110 La métaphysique à la limite, op. cit., p. 45.
10Mais ce n’était que reculer pour mieux sauter, ou plutôt pour mieux tomber dans le piège : une quinzaine d’années après la publication de Sein und Zeit, Heidegger succombe à la tentation du « décisionnisme pratique »84 ; sous la pression des circonstances, il croit venue l’heure de « construire une politique à partir de l’ontologie »85, et « l’apolitique » ontologique se mue en « politique existentiale »86. L’appel à la résolution devient soutien à la révolution nationale-socialiste de l’existence allemande, formulé dans le langage volontariste de la mobilisation : la pensée cède à la « volonté de puissance »87. S’il a ainsi pu mettre en relation l’impensé politique de Sein und Zeit avec l’engagement ultérieur de Heidegger, Janicaud n’en souligne pas moins que l’échec du rectorat est aussi pour beaucoup dans le virage de l’ontologie fondamentale à la remémoration pensante de la métaphysique en son histoire – d’Anaximandre à Nietzsche. La catégorie de « nihilisme » étant, notamment au travers de sa déclinaison en « nihilisme actif », rapidement devenue centrale dans l’interprétation heideggérienne de l’aventure occidentale88, Janicaud peut ainsi souligner la pertinence relative et les limites certaines de l’élucidation heideggérienne du nazisme en tant que version spécifiquement allemande de la moderne « course mondiale à la puissance ». Il ne s’agit plus alors de se demander comment Heidegger a pu devenir nazi, mais de déterminer avec lui, autant qu’il peut nous y aider, ce que le nazisme a pu être : « volonté inconditionnée de maîtrise planétaire », « volontarisme impérialiste et raciste »89. Or Heidegger peut donner l’impression de noyer le poisson, en réduisant le national-socialisme à l’expression « adaptée en Allemagne »90 d’un nihilisme actif qui étend son emprise au monde entier. Surtout, Janicaud met en garde contre l’apparent relativisme avec lequel Heidegger met sur le même plan les modalités nazie, communiste et démocratique-libérale d’accomplissement de ce destin funeste. Reconnaissons en effet que la lecture des Beiträge a de quoi dérouter, lorsqu’on y voit Heidegger affirmer que la « vision du monde » völkisch n’est « qu’en apparence opposée au christianisme », et que, « quant à l’essentiel », elle s’accorde avec « la manière de penser qui caractérise le “libéralisme” »91. Pour autant, on pourrait aussi trouver saisissants les accès de lucidité politique de Heidegger, comme celui qui lui fait envisager, des années à l’avance, non pas seulement l’inéluctable lutte à mort entre bolchevisme et nazisme, mais aussi son très probable résultat : « Si les deux formes d’opposition extrême du nihilisme entrent en guerre, l’une contre l’autre, et à la vérité nécessairement, leur combat conduit d’une manière ou d’une autre à la victoire du nihilisme »92. Toutefois Janicaud se refuse à cautionner le geste heideggérien consistant à « dissoudre la spécificité du nazisme »93 en établissant une sorte d’équivalence métaphysique, sous l’enseigne du technicisme, non seulement entre nazisme et bolchevisme, mais entre les totalitarismes en général et la démocratie libérale. La vision trop globalisante qu’a Heidegger du nihilisme planétaire, et le défaitisme avec lequel il semble anticiper sa complète victoire, font trop peu de cas des ressources éthiques et politiques que le triomphe de la puissance technicienne n’a pas encore épuisées. Refusant de se laisser entraîner par Heidegger à « penser que le totalitarisme est inévitable »94, Janicaud estime que « l’historialisme paralyse la rationalité politique »95, et cela de deux manières. D’une part il inhibe l’action ; l’« a-politique historiale-destinale »96 se résoud en une « a-politique de l’attente »97, pour laquelle il n’y a plus rien, ou rien encore, à faire : « Heidegger n’a jamais positivement envisagé une réorientation de l’action »98. Tant il est vrai que pour l’auteur de « Sérénité », le cours du monde ne dépend nullement de nous, abandonné qu’il est au déchaînement de la volonté de volonté. En second lieu, l’historialisme bloque l’intelligence du politique en sa positivité. La rationalité propre du politique étant selon Janicaud « toujours relative »99, et ne pouvant se présenter que comme un « art de la mesure, de l’équilibre des forces et des pouvoirs, de l’économie des possibles »100, elle ne peut qu’échapper à un historialisme destinal encore plus inapte que l’analytique existentiale à s’enquérir des « articulations positives de la vie publique » et de ses « déterminations rationnelles »101. Bref, Heidegger serait incapable d’élucider le politique, parce que « la politique est principalement ontique »102. Mais surtout, le dernier Heidegger n’aurait même plus jugé nécessaire de s’enquérir du politique, parce qu’à ses yeux une politique entièrement asservie à la technique, bras armé du nihilisme, n’était même plus digne de questionnement103. Étant donné l’extrême et double « fragilité de la pensée heideggérienne du côté politique »104, voire le « vide politique »105 de l’œuvre heideggérien, la « permanence de la tâche politique »106 ne laisse donc pas d’autre choix à Janicaud que de se passer du secours du maître pour tenter d’éclairer « l’espace quotidien de “l’animal politique” »107. Il ne s’agira plus de penser avec Heidegger contre Heidegger, mais de penser sans Heidegger (ou au moins : après Heidegger) au-delà de Heidegger. Non sans s’être pourvu au préalable d’une hypothèse de travail, sorte de fil conducteur utile à « l’effort conscient pour réorienter l’action »108. Non plus : « Je ne suis pas persuadé que ce soit la démocratie » qui puisse correspondre « à l’âge technique »109, mais : « Le régime politique approprié à l’ère technique, je ne suis pas persuadé que cela ne soit pas la démocratie »110.
3. Le politique à l’époque de la technique
- 111 D. Janicaud, La puissance du rationnel, op. cit., p. 51.
- 112 La métaphysique à la limite, op. cit., p. 186.
- 113 Je m’appuie ici sur un feuillet inédit, que Mme Nicole Janicaud a trouvé dans une chemise intitul (...)
11Se prétendre « attaché à la démocratie »111, en même temps que sceptique quant à la portée et aux chances de succès des « révoltes pratiques »112, ne doit toutefois pas empêcher d’admettre que l’innovation politique majeure du xxe siècle aura été le totalitarisme, et qu’il n’y a guère de raisons de penser que celui-ci a définitivement disparu de notre horizon politique. C’est pourquoi l’ouvrage projeté sur Les alliages de l’oppression, présenté comme « une réflexion sur la convergence du techno-scientisme avec le fanatisme totalitaire-utopique » visant à dégager les moyens d’« éviter le retour d’un tel alliage en sa masse critique », aurait dû pour commencer « revenir sur nazisme et communisme »113.
- 114 D. Janicaud, La métaphysique à la limite, op. cit., p. 217.
- 115 D. Janicaud, « Face à la domination. Heidegger, le marxisme et l’écologie », dans Cahier de l’Her (...)
- 116 Les bonheurs de Sophie, op. cit., p. 129.
- 117 Heidegger en France, op. cit., t. II, p. 178.
- 118 Heidegger, Édition intégrale, vol. IX, p. 340.
- 119 D. Janicaud, « Face à la domination », art. cit., p. 482.
- 120 La métaphysique à la limite, op. cit., p. 217.
- 121 « Face à la domination », art. cit., p. 483.
- 122 Ibid., p. 484.
12Revenir sur le communisme pour mieux prévenir son éventuel retour, c’est ce que Janicaud a déjà commencé à faire dans son œuvre publié. Nul doute que Sue, la plus véhémente des voix qu’entrecroise le dialogue « Heidegger à New York », ne soit l’interprète des vues personnelles de l’auteur du texte sur le bilan catastrophique du « socialisme réel ». La promesse de collectivisation des moyens de production a débouché sur une « collectivisation du culte du travail et de la production », la promesse d’émancipation sur « l’oppression […] du Parti et de son appareil »114. Même étendu à la Chine, le communisme n’aura représenté qu’une « péripétie dans la course mondiale à la puissance »115, sinistrement figurée par une « société maoïste » limitant l’humain « à l’élémentaire […], sans horizon autre, sans élévation possible »116. Jugement sans appel. Mais pour mieux mesurer l’étendue du désastre, il faut revenir à ses sources. D’accord avec Gérard Granel pour penser que Heidegger n’a pas « suffisamment pris Marx au sérieux »117, Janicaud tente d’approfondir le « dialogue productif avec le marxisme » promis par la lettre à Jean Beaufret « sur l’ “humanisme” »118. Il en ressort que l’obsession de la domination de classe et de la lutte des classes rend le co-auteur du Manifeste captif d’une position métaphysique fondamentale que Janicaud définit en termes de « subjectivisme collectif »119 – ou, aussi bien, d’ « intersubjectivité de masse »120. Surtout, l’absence d’une véritable pensée politique chez Marx, le « grand vide sur l’essence même de la domination »121 creusé au cœur même de l’œuvre (comme plus tard chez Heidegger…), facilite la foi naïve dans « l’abolition de toute domination » une fois advenue la société sans classes, au terme de siècles de transition qui ne sauraient prendre la forme que d’une « nouvelle entreprise d’oppression »122.
- 123 La puissance du rationnel, op. cit., p. 61.
- 124 Ibid.
- 125 D. Janicaud, L’homme va-t-il dépasser l’humain ?, Paris, Bayard, 2002, p. 35.
- 126 Ibid., p. 67.
- 127 Ibid., p. 76.
- 128 P. Sloterdijk, Règles pour le parc humain (1999), trad. fr. O. Mannoni, Paris, Mille et une nuits (...)
- 129 D. Janicaud, L’homme va-t-il dépasser l’humain ?, op. cit., p. 78.
13À l’ère des manipulations génétiques et de la banalisation de l’ultra-violence, le retour du nazisme est sans doute encore plus à craindre que celui du communisme. Retour ? À en croire Janicaud, il n’avait jamais vraiment disparu. Écrasé militairement (au prix, pour les démocraties occidentales, de l’alliance avec Staline), il n’est même pas « sûr que le nazisme ait été moralement vaincu »123. Les variantes non ouvertement totalitaires de l’ordre technicien, qui ont pris sa suite, partagent son obsession de la puissance, d’abord militaire, et de l’efficacité : « L’esprit du nazisme s’est répandu comme un gaz et nous a contaminés »124. L’arraisonnement de la médecine par la technique, la marchandisation du vivant et l’artificialisation de la reproduction pourraient aujourd’hui lui servir de relais. Évoquant pêle-mêle les bébés-éprouvettes, le commerce des gamètes, la GPA et l’éventualité du clonage reproductif, Janicaud estime que la perspective d’une « programmation intégrale de la vie humaine par un biopouvoir politico-médical » ne relève plus de la seule « science-fiction »125. Ironie de l’histoire, L’homme va-t-il dépasser l’humain ? est contemporain de l’ « Épisode II » de La guerre des étoiles, « L’attaque des clones ». Et Janicaud y envisage, non sans effroi, que la cupidité de quelques laboratoires s’allie un jour prochain à l’appétit de puissance d’États totalitaires, afin de procéder à « des clonages cauchemardesques […], par exemple la production de clones en série à des fins militaires »126… Le « biologisme crypto-nazi »127, que certains critiques ont cru déceler à l’arrière-plan de la méditation fin de siècle de Peter Sloterdijk sur la gestion biopolitique du troupeau humain128, serait donc moins une prise de parti idéologique du philosophe qu’une menace objective ; c’est peut-être le destin que nous réserve le « progrès » des biotechnologies et de la « bio-ingéniérie »129.
- 130 D. Janicaud, « La raison démocratique et ses revers », art. cit., p. 335.
- 131 Ibid., p. 336.
- 132 Ibid., p. 337.
- 133 Ibid., p. 337.
- 134 D. Janicaud, La puissance du rationnel, op. cit., p. 121.
- 135 D. Janicaud, « La raison démocratique et ses revers », art. cit., p. 337.
- 136 Ibid., p. 340.
- 137 Ibid., p. 337.
- 138 Ibid., p. 341.
14N’allons pas croire pour autant que Janicaud fasse peu de cas des résistances que la démocratie pourrait opposer à la réalisation d’un programme aussi terrifiant. Simplement, il prend acte du rôle historique relativement modeste auquel elle est reléguée de nos jours : pour ce qui est, par exemple, des « grandes orientations » d’un État comme la France, et de ce qui le concernant « compte vraiment » (finances, politique énergétique, politique étrangère), force est de constater que sous la Ve République les décisions principales sont prises « sans aucun débat démocratique réel » ; qu’on songe seulement, pour prendre la mesure de ce déficit démocratique criant, au « contrôle du nucléaire par le complexe militaro-industriel dont EDF est l’articulation »130 ! Ce triste constat n’entraîne pas chez Janicaud d’appel à une démocratie absolue, assimilée à « l’espace ouvert et total de la volonté se donnant le possible »131. Le volontarisme révolutionnaire et « l’électrisation des masses »132 permettraient au contraire à la pure volonté de puissance de se donner libre cours – tant il est vrai que la mystique de la volonté générale plonge ses racines dans une métaphysique de « la subjectivité s’érigeant en fondement inconditionné »133. N’oublions pas à quelles catastrophes a déjà pu conduire la « foi en l’autoproduction de l’homme et de la société », ni qu’au xxe siècle « Hitler, Staline furent les champions du volontarisme »134. À la voie absolutiste ouverte par Hobbes et Rousseau, et poursuivie par Nietzsche dans son rêve d’une « grande politique », Janicaud oppose pour s’y inscrire « la voie des “sages”, de Montesquieu, Constant, Tocqueville »135. La vraie politique devrait être prudente, légaliste, réaliste et calculatrice, soucieuse des impératifs de la survie plutôt que de la réalisation d’un projet utopique ou de la fin de l’histoire. En s’inspirant de l’exemple naguère offert par le « réformisme à la scandinave »136, et en restant fidèle à l’option libérale d’une « autodélimitation de la volonté »137 dans le cadre d’un régime constitutionnel-pluraliste, il s’agirait de sacrifier l’illusion des lendemains qui chantent à l’effort tenace pour « éviter toute régression et préserver le possible »138.
- 139 Aristote…, op. cit., p. 121.
- 140 D. Janicaud, « La raison démocratique et ses revers », art. cit., p. 339.
- 141 D. Janicaud, « France-Europe : la politique en désespérance ? », Esprit, février 1997, p. 144.
- 142 Ibid., p. 151.
- 143 Ibid., p. 144.
- 144 Ibid., p. 147.
- 145 Ibid., p. 148.
- 146 Ibid., p. 150.
- 147 Ibid., p. 152 sq. Sur le dernier point, rappelons que Janicaud refuse de voir jetées « à la poube (...)
- 148 D. Janicaud, La puissance du rationnel, op. cit., p. 121.
- 149 « France-Europe : la politique en désespérance ? », art. cit., p. 147.
- 150 Ibid., p. 151.
- 151 D. Janicaud, « La raison démocratique et ses revers », art. cit., p. 346.
- 152 Aristote…, op. cit., p. 123.
- 153 Ibid., p. 127.
15N’est-il pas toutefois trop tard pour ce réformisme prudent, résolu à exploiter autant que possible la faible « marge de manœuvre » existant « entre le capitalisme social-démocrate et ses formes néolibérales »139 ? Déjà conscient, en 1992, que « la règle de l’instituteur Delors ne saurait plus faire rêver que des masochistes d’école maternelle »140, Janicaud se demande en 1997 s’il ne faudrait pas désespérer de la politique, en France et en Europe. Ne serions-nous pas, demande-t-il alors, « au début d’une révolution mondiale »141 ? Révolution ultra-libérale, en l’occurrence, dont l’unique contenu serait « l’extension de la logique néolibérale à toute la planète »142, et dont les principaux promoteurs seraient d’abord « une Amérique plus dominatrice que jamais »143, abandonnée à « son économisme effréné, son culte de la richesse, son obsession du quantitatif, […] au mépris de la planète entière »144, ensuite une Europe enkystée dans le monétarisme, la déréglementation des marchés et le chômage de masse par « le trio Delors-Mitterrand-Kohl »145, enfin des dirigeants politiques français obnubilés par « la réduction des déficits publics », et dans la phraséologie desquels « la réduction du chômage se fait mythique »146. Confronté à un tel verrouillage de l’avenir, le philosophe peut néanmoins descendre dans l’arène pour suggérer, dans l’urgence, quelques modestes contrefeux : « référendum sur l’euro », « protectionnisme européen », « élection du président de la Commission européenne au suffrage universel », injonction à l’Union européenne de « respecter les valeurs nationales »147 pour tâcher de lui éviter un scénario d’éclatement à la yougoslave – par exemple. Peu importe le détail des réformes envisagées par Janicaud ; après tout, « l’idéal démocratique n’a rien à gagner à reprendre le jeu éculé des slogans »148. Retenons-en surtout l’inspiration fondamentale, qui est de réintroduire dans le processus apparemment neutre, objectif et irrésistible de la mondialisation capitaliste des impératifs démocratiques (et donc des éléments de démocratie directe) et une intention civilisatrice ; d’aider au surgissement d’une « puissance politique européenne » en lieu et place de la « gigantesque technostructure sans personnalité ni volonté politique » mise en place au nom de la rationalité gestionnaire, et de son sidérant « vide spirituel »149. Toutefois, si la mondialisation a déjà « décidé de notre destin », et pris elle-même un « caractère de fatalité »150, la lucidité philosophique peut-elle en quoi que ce soit influer sur le cours des choses ? Une voix solitaire qui dit la vérité et tente d’ouvrir un chemin « à la recherche d’un nouveau partage mondial »151 peut-elle réduire au silence « la mystique crypto-terroriste de nouveaux matins qui chantent »152, et réveiller de sa torpeur consumériste la « société technoscientifique mondialisée »153 ?
- 154 Feuillet inédit déjà cité supra.
- 155 Cf. le titre du chap. 8 d’Aristote…
- 156 Aristote…, op. cit., p. 128.
- 157 Ibid.
- 158 D. Janicaud, La puissance du rationnel, op. cit., p. 376.
- 159 « France-Europe : la politique en désespérance ? », art. cit., p. 144.
- 160 Aristote…, op. cit., p. 88.
- 161 D. Janicaud, La puissance du rationnel, op. cit., p. 375.
- 162 D. Janicaud, La métaphysique à la limite, op. cit., p. 186.
16À la question : « Le néo-capitalisme peut-il précipiter une nouvelle catastrophe ? », Janicaud prévoyait de répondre dans Les alliages de l’oppression que « Pour l’instant, non » – en prenant appui sur « le côté soft de la nouvelle oppression »154. Sous le coup du 11 septembre, l’interprète des « terreurs du réel »155 s’était pourtant vivement alarmé des virtualités catastrophiques d’une « réalité mondiale chaotique », où « l’égoïsme sacré de Super-États (multinationaux) et de quelques États » ne connaît plus de frein, tandis que « de nouvelles formes de terrorisme servent d’exutoire à l’esprit de vengeance »156. Surtout, il s’inquiétait alors des effets que pourrait avoir à brève échéance le modelage d’un « inconscient collectif mondialisé » par le dispositif technologique et médiatique qui impose au plus grand nombre la loi d’une « communication » instantanée, universelle, obligatoire et sans autre fin qu’elle-même. Non seulement la « démocratie représentative » et la « raison instituée » pourraient s’en trouver ébranlées, mais l’espèce humaine devrait désormais faire face à une menace d’une gravité inédite : c’est « au cœur du psychisme de chacun » que « la Mégaviolence manipulatrice est installée ». À ce compte, les formes prises par cette nouvelle « jonction démonique (et démoniaque) entre masse et puissance »157 risqueraient fort de ne pas rester « soft » bien longtemps… Il n’en est que plus remarquable que Janicaud n’ait pas davantage voulu céder au pessimisme de l’intelligence qu’à l’optimisme de la volonté – deux formes de bêtise, peut-être. Ce n’est pas seulement qu’à ses yeux, tout bien pesé, notre avenir n’est « point encore tout à fait désespéré »158, mais surtout que la « désespérance », pour lui, n’a pas d’autre sens qu’un « appel à la lucidité »159. L’intelligence critique et démystificatrice de notre inquiétant « partage mondial » est elle-même au service, non pas d’un projet politique de transformation du monde (le moment serait plutôt venu de l’interpréter diversement), mais d’une aspiration éthique : « une volonté de vivre au cœur de la vie »160. Le politique aura donc surtout été envisagé par Janicaud dans son essentielle contiguïté avec l’éthique. Au lecteur qui hésiterait à s’engager dans la lecture des travaux que Janicaud a consacrés à l’élucidation de cette « part sacrée »161, nous ne pouvons donc pas promettre qu’il parviendra à en tirer un programme politique ; mais nous lui garantirons au moins une chose : « Ils te laisseront moins inapte à tenir debout dans le bourbier moderne »162.
Notes
1 A. Villani, dans Fr. Dastur (dir.), Dominique Janicaud. L’intelligence du partage, Paris, Belin 2006, p. 381.
2 D. Janicaud, « Heideggeriana », dans D. Janicaud et J.-F. Mattéi, La métaphysique à la limite, Paris, PUF, 1983, p. 40.
3 D. Janicaud, Heidegger en France, Paris, Albin Michel, 2001, t. I, p. 311. Je remercie Marc Herceg de m’avoir signalé cette allusion.
4 Dont un linéament est énoncé par Janicaud dans la foulée de mai 68 : « Sans doute ne doit-on pas comprendre le Logos à partir de la domination, mais la forme spécifiquement occidentale de la domination à partir du Logos » (« Marcuse hors de la mode », Les études philosophiques, n° 2, 1969, p. 166). Sur cette base, la discussion pourrait s’engager avec la « Théorie critique »…
5 D. Janicaud, La puissance du rationnel, Paris, Gallimard, 1985, p. 39.
6 Cf. infra, le début de notre partie 3.
7 D. Janicaud, La puissance du rationnel, op. cit., p. 375.
8 Ibid., p. 9.
9 Ibid., p. 83.
10 Ibid., p. 376.
11 D. Janicaud, « La raison démocratique et ses revers », Critique, mai 1992, p. 340.
12 « Platon et nous » (conférence de 2001), dans Dominique Janicaud. L’intelligence du partage, op. cit., p. 81. Popper n’hésite pas, en effet, à prétendre que le propos politique de Platon « n’est pas moralement supérieur, mais fondamentalement identique, au totalitarisme » (La société ouverte et ses ennemis, t. I, L’ascendant de Platon, trad. fr. J. Bernard et Ph. Monod, Paris, Seuil, 1979, p. 80).
13 Ibid., p. 82.
14 Ibid., p. 83.
15 Sur la critique de l’identification libérale de l’autoritarisme au totalitarisme, voir Hannah Arendt, « Qu’est-ce que l’autorité ? », dans Crise de la culture, trad. fr. sous la dir. de P. Lévy, Paris, Gallimard, 1972, p. 128.
16 D. Janicaud, ibid., p. 83.
17 Popper, op. cit., p. 130.
18 D. Janicaud, Les bonheurs de Sophie, Fougères, Encre marine, 2003, p. 90.
19 D. Janicaud, « Platon et nous », art. cit., p. 82.
20 Ibid.
21 Ibid. Voir en effet Popper, op. cit., p. 124-127.
22 D. Janicaud, Les bonheurs de Sophie, op. cit., p 29.
23 D. Janicaud, « Platon et nous », art. cit., p. 82.
24 Popper, op. cit., p. 162.
25 J. Freund, L’essence du Politique, Paris, Sirey, 1965, p. 150.
26 D. Janicaud, « Platon et nous », art. cit., p. 83.
27 Ibid., p. 82.
28 D. Janicaud, Aristote aux Champs-Élysées, Fougères, Encre Marine, 2003, p. 26.
29 D. Janicaud, « Platon et nous », art. cit., p. 83.
30 D. Janicaud, Hegel et le destin de la Grèce, Paris, Vrin, 1975, p. 185.
31 Ibid., p. 187.
32 Popper, op. cit., t. II, Hegel et Marx, p. 21.
33 Ibid., p. 42.
34 « Seules les universités de l’Autriche catholique parvinrent à surnager », écrit plaisamment Popper (Ibid., p. 20).
35 Ibid., p. 44.
36 Ibid., p. 55.
37 D. Janicaud, Hegel et le destin de la Grèce, op. cit., p. 187.
38 Ibid., p. 163.
39 Ibid.
40 Hegel, Leçons sur la philosophie de l’histoire, trad. fr. J. Gibelin, Paris, Vrin, 1979, p. 193.
41 Ibid., p. 195.
42 Ibid., p. 171.
43 Hegel, Leçons sur la philosophie de l’histoire, op. cit., p. 196.
44 D. Janicaud, Hegel et le destin de la Grèce, p. 168.
45 Ibid., p. 169.
46 Ibid., p. 172 sq.
47 Ibid., p. 185. Janicaud déplore en revanche « l’absence totale » du thème de la liberté civile chez Heidegger, alors qu’il s’agit pourtant de « la forme d’organisation juridique de l’expérience la moins défavorable au questionnement » (La métaphysique à la limite, resp. p. 211 et 214).
48 Janicaud relève du reste, ce qui nuancerait la sociologie hegélienne, que maints citoyens ruraux et bon nombre d’artisans d’Athènes étaient à la fois citoyens et professionnellement actifs (ibid., p. 188).
49 Ibid., p. 185.
50 Sic (ibid., p. 181). Même s’il peut surprendre, le terme est sans doute choisi à dessein par Janicaud, car ce dernier souligne un peu plus loin que Hegel a par ailleurs sous-estimé « le rôle de la liberté civile et individuelle » (ibid., p. 183) dans la démocratie athénienne.
51 Ibid., p. 182.
52 Ibid., p. 184.
53 Ibid., p. 188.
54 Z. Sternhell, Les Anti-Lumières : du xviiie siècle à la guerre froide, Paris, Fayard, 2006, p. 37.
55 D. Janicaud, Aristote…, op. cit., p. 56.
56 Ibid., p. 59.
57 D. Janicaud, Les bonheurs de Sophie, op. cit., p. 137 sq.
58 D. Janicaud, Aristote…, op. cit., p. 45.
59 D. Janicaud, Les bonheurs de Sophie, op. cit., p. 139.
60 D. Janicaud, « L’adieu critique aux utopies », dans G. Hottois (dir.), Aux fondements d’une éthique contemporaine. H. Jonas et H. T. Engelhardt en perspective, Paris, Vrin, 1993, p. 96.
61 Ibid., p. 97.
62 Titre de la 23e mini-leçon des Bonheurs de Sophie.
63 D. Janicaud, Heidegger en France, op. cit., t. I, p. 523.
64 Ibid., p. 387.
65 G.-A. Goldschmidt dans Le Monde des livres du 29 oct. 1999 (cit. dans ibid., p. 534).
66 D. Janicaud, L’ombre de cette pensée, Grenoble, Millon, 1990, p. 58.
67 Ibid., p. 60.
68 Ibid., p. 62.
69 Ibid., p. 61.
70 C. Schmitt, Théorie de la Constitution, trad. fr. L. Deroche, Paris, PUF, 1993, p. 347.
71 Ibid., p. 352.
72 Ibid., p. 353.
73 Ibid., p. 342.
74 Ibid., p. 365.
75 Ibid., p. 369.
76 Ibid., p. 352.
77 D. Janicaud, L’ombre de cette pensée, op. cit., p. 62.
78 Sein und Zeit, p. 127 sq (trad. fr. E . Martineau, Authentica, 1985, p. 108).
79 D. Janicaud, L’ombre de cette pensée, op. cit., p. 63.
80 Ibid., p. 62.
81 Ibid.
82 Ibid., p. 63.
83 C. Schmitt, Théorie de la Constitution, op. cit., p. 374.
84 D. Janicaud, L’ombre de cette pensée, op. cit., p. 72.
85 Ibid., p. 74.
86 Ibid., p. 64.
87 Ibid., p. 69.
88 C’est le point que Janicaud a placé au centre de son entretien avec J.-P. Faye, dans Heidegger en France, op. cit., t. II, p. 135-140.
89 L’ombre de cette pensée, op. cit., p. 156.
90 Ibid., p. 108.
91 Heidegger, Apports à la philosophie, § 7, trad. fr. F. Fédier, Paris, Gallimard, 2013, p. 41.
92 Ibid., p. 167.
93 L’ombre de cette pensée, op. cit., p. 117.
94 Ibid., p. 119.
95 Ibid., p. 121.
96 Ibid., p. 171.
97 Ibid., p. 100.
98 D. Janicaud, La métaphysique à la limite, op. cit., p. 45.
99 L’ombre de cette pensée, op. cit., p. 119.
100 Ibid., p. 170.
101 Ibid., p. 106.
102 Ibid., p. 74.
103 Cf. Ibid., p. 115.
104 Ibid., p. 157.
105 Ibid., p. 169.
106 Ibid., p. 172.
107 Ibid.
108 La métaphysique à la limite, op. cit., p. 217.
109 Interview de Heidegger au Spiegel (1966), dans Écrits politiques, Paris, Gallimard, 1995 (trad. fr. J. Launay).
110 La métaphysique à la limite, op. cit., p. 45.
111 D. Janicaud, La puissance du rationnel, op. cit., p. 51.
112 La métaphysique à la limite, op. cit., p. 186.
113 Je m’appuie ici sur un feuillet inédit, que Mme Nicole Janicaud a trouvé dans une chemise intitulée « Projets 2003 », et dont elle m’a généreusement donné connaissance ; ce dont je la remercie d’autant plus vivement, que j’ai pu voir dans ce projet d’ouvrage une confirmation décisive de l’intérêt croissant prêté par Janicaud, après la publication de La puissance du rationnel, à la question du politique.
114 D. Janicaud, La métaphysique à la limite, op. cit., p. 217.
115 D. Janicaud, « Face à la domination. Heidegger, le marxisme et l’écologie », dans Cahier de l’Herne Heidegger (1983), rééd. Livre de poche, Paris, LGF, 1986, p. 482.
116 Les bonheurs de Sophie, op. cit., p. 129.
117 Heidegger en France, op. cit., t. II, p. 178.
118 Heidegger, Édition intégrale, vol. IX, p. 340.
119 D. Janicaud, « Face à la domination », art. cit., p. 482.
120 La métaphysique à la limite, op. cit., p. 217.
121 « Face à la domination », art. cit., p. 483.
122 Ibid., p. 484.
123 La puissance du rationnel, op. cit., p. 61.
124 Ibid.
125 D. Janicaud, L’homme va-t-il dépasser l’humain ?, Paris, Bayard, 2002, p. 35.
126 Ibid., p. 67.
127 Ibid., p. 76.
128 P. Sloterdijk, Règles pour le parc humain (1999), trad. fr. O. Mannoni, Paris, Mille et une nuits, 2000.
129 D. Janicaud, L’homme va-t-il dépasser l’humain ?, op. cit., p. 78.
130 D. Janicaud, « La raison démocratique et ses revers », art. cit., p. 335.
131 Ibid., p. 336.
132 Ibid., p. 337.
133 Ibid., p. 337.
134 D. Janicaud, La puissance du rationnel, op. cit., p. 121.
135 D. Janicaud, « La raison démocratique et ses revers », art. cit., p. 337.
136 Ibid., p. 340.
137 Ibid., p. 337.
138 Ibid., p. 341.
139 Aristote…, op. cit., p. 121.
140 D. Janicaud, « La raison démocratique et ses revers », art. cit., p. 339.
141 D. Janicaud, « France-Europe : la politique en désespérance ? », Esprit, février 1997, p. 144.
142 Ibid., p. 151.
143 Ibid., p. 144.
144 Ibid., p. 147.
145 Ibid., p. 148.
146 Ibid., p. 150.
147 Ibid., p. 152 sq. Sur le dernier point, rappelons que Janicaud refuse de voir jetées « à la poubelle les valeurs nationales » (Aristote…, op. cit., p. 125). La puissance du rationnel voit dans « l’esprit du peuple » (p. 72) et « l’honneur d’un peuple face à l’avenir » (p. 376) des foyers de résistance à la domination.
148 D. Janicaud, La puissance du rationnel, op. cit., p. 121.
149 « France-Europe : la politique en désespérance ? », art. cit., p. 147.
150 Ibid., p. 151.
151 D. Janicaud, « La raison démocratique et ses revers », art. cit., p. 346.
152 Aristote…, op. cit., p. 123.
153 Ibid., p. 127.
154 Feuillet inédit déjà cité supra.
155 Cf. le titre du chap. 8 d’Aristote…
156 Aristote…, op. cit., p. 128.
157 Ibid.
158 D. Janicaud, La puissance du rationnel, op. cit., p. 376.
159 « France-Europe : la politique en désespérance ? », art. cit., p. 144.
160 Aristote…, op. cit., p. 88.
161 D. Janicaud, La puissance du rationnel, op. cit., p. 375.
162 D. Janicaud, La métaphysique à la limite, op. cit., p. 186.
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Référence papier
Philippe Ducat, « Janicaud et la question du politique », Noesis, 29 | 2017, 61-79.
Référence électronique
Philippe Ducat, « Janicaud et la question du politique », Noesis [En ligne], 29 | 2017, mis en ligne le 15 juin 2019, consulté le 17 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/noesis/3447 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/noesis.3447
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