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AccueilNuméros26-27Nicolas de Cues aujourd’hui

Résumé

Le sujet de l’article est la situation actuelle de la recherche internationale sur le Cusain et ses perspectives pour l’avenir.
Au cours du xxe siècle, la recherche internationale sur Nicolas de Cues a connu une expansion énorme. L’édition historique-critique de son œuvre est achevée. Aujourd’hui, il existe des centres sur le Cusain pas seulement en Allemagne, au Japon et aux États-Unis, mais aussi aux Pays-Bas, en Italie, en Argentine, en Russie et en France. à l’échelle mondiale, beaucoup de thèses de doctorat sont écrites sur Nicolas de Cues, sans parler des nombreux articles le concernant.
à l’occasion du 25e anniversaire de l’American Cusanus Society en mai 2008 à Kalamazoo, le philosophe américain Clyde Lee Miller a étudié la recherche sur Nicolas de Cues sous quatre angles différents que l’article reprend pour esquisser les futures perspectives de la recherche sur le Cusain.

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Texte intégral

1. La situation actuelle de la recherche internationale sur Nicolas de Cues

1Au cours du xxe siècle, la recherche internationale sur le Cusain a connu une expansion énorme. Le point de départ de ce développement a ses racines non seulement en Allemagne, mais aussi en France. En 1920, juste après la première guerre mondiale, le théologien catholique, plus tard évêque, Edmond Vansteenberghe a publié un hommage pionnier de la vie et l’œuvre de Nicolas de Cues à Paris, qui reste encore hors concours, Le cardinal Nicolas de Cues (1401-1464) : l’action, la pensée. Sa caractérisation de la personnalité intellectuelle du Cusain est toujours fort pertinente :

  • 1 Edmond Vansteenberghe, « Nicolas de Cusa », dans Dictionnaire de théologie catholique, Paris, Let (...)

Esprit curieux, pénétrant, personnel, il a su tout ce qu’à son époque on pouvait savoir du passé, réfléchi profondément aux besoins de son temps, posé pour l’avenir quelques jalons qui sont des traits de génie. Il s’est préoccupé surtout, de façon constante, des plus hautes questions philosophiques et théologiques, les abordant à toute occasion dans ses traités, ses sermons, sa correspondance1.

  • 2 Ibid., col. 611.

[…] Dans le cadre de ces idées essentielles, Nicolas de Cues a spéculé inlassablement, variant sans cesse ses points de vue, empruntant à des philosophies diverses les conceptions ou le langage dont il croyait pouvoir faire son profit. Il a beaucoup lu, et tout fournissait un aliment à ses méditations, comme en témoignent les innombrables notes marginales dont il couvrait ses livres. […] sa spéculation […] s’inspire surtout du pseudo-Denys, de Proclus, de saint Augustin, de l’école de Chartres, de saint Bonaventure, voire même de Scot Érigène et de maître Eckhart, aux expressions les plus hasardées desquelles il attachait un sens orthodoxe2.

  • 3 Voir Werner Beierwaltes, « Cusanus-Edition », dans Volker Sellin (éd.), Die Forschungsvorhaben de (...)

2Quant à l’Allemagne, l’année 1927 a donné une impulsion décisive dans la recherche sur Cusanus : en effet, la parution de l’œuvre d’Ernst Cassirer Individuum und Kosmos in der Philosophie der Renaissance [L’individu et le cosmos dans la philosophie de la Renaissance] y a contribué. Ce livre, dont l’auteur était considéré comme un des principaux philosophes allemands de la première moitié du xxe siècle, voit Nicolas de Cues comme le personnage central du tournant du Moyen Âge vers les temps modernes. C’était probablement la première fois que Nicolas fut étudié brillamment avec une précision détaillée devant le grand public. Quelques mois plus tard, la Commission sur Nicolas de Cues de l’Académie des Sciences de Heidelberg a été fondée, grâce à Ernst Hoffmann, professeur de philosophie à Heidelberg, et son assistant Raymond Klibansky3. Cette Commission était chargée de s’occuper de l’édition historique-critique de l’œuvre de Nicolas de Cues. L’importance d’avoir le soutien d’une Académie des Sciences mondialement renommée dans le développement de la recherche sur Cues, qui se consacrât à cette œuvre à travers des décennies et restât fidèle à cette entreprise malgré des adversités nombreuses, ne peut s’exprimer avec des mots. Il faut garder à l’esprit qu’il n’y avait pratiquement que des impressions de textes originaux en latin datant du xvie siècle jusqu’au début de l’édition de l’Académie de Heidelberg. Un coup d’œil dans les lexiques et les manuels spécialisés de l’époque suffit à se rendre compte que Nicolas de Cues n’était pas vraiment connu et qu’il avait même été souvent considéré comme un personnage obscur. Rares sont ceux qui ont eu l’idée de le mentionner ne serait-ce qu’une seule fois avec Anselme de Canterbury, Thomas d’Aquin, Descartes ou Kant. Cela a profondément changé !

3Cette initiative née à Heidelberg a connu un écho positif et s’est développée organiquement, bien que l’édition historique-critique ait souvent été compromise. Des constellations personnelles et chanceuses y ont contribué : les philosophes Ernst Hoffmann et Raymond Klibansky, qui d’ailleurs, étant juif, avait dû fuir l’Allemagne en 1933, ont été rejoints par le théologien catholique Joseph Koch, qui s’intéressait aussi à la recherche sur Maître Eckhart. Koch a mis l’accent sur le personnage historique de Nicolas et sa profession comme théologien, similaire à Vansteenberghe avant lui. C’est lui qui avait mené les recherches fondamentales sur la prédication de Nicolas de Cues, sur lesquelles Rudolf Haubst a basé ses recherches. De plus, c’était également Koch qui, étant le premier directeur de l’Institut Thomas à l’université de Cologne après la deuxième guerre mondiale, avait conduit deux jeunes historiens talentueux et très travailleurs, Erich Meuthen et Hermann Josef Hallauer, à choisir le Cusain comme leur objet de recherches historiques toute leur vie. Grâce à cela et en combinaison avec beaucoup d’autres choses, le projet de l’Acta Cusana : Quellen zur Lebensgeschichte des Nikolaus von Kues [Acta Cusana : Sources sur la biographie de Nicolas de Cues] a vu le jour. Cette œuvre est un admirable assemblage et une mise en valeur approfondie de la totalité des sources historiques traitant Cusanus et son entourage.

4L’édition historique-critique de l’œuvre de Nicolas de Cues est achevée en grande partie. Il ne reste que le fascicule I du tome XV à paraître : « Opuscula Bohemica », qui sera bientôt publié. Au « Cusanus Portal » (portail sur Cusanus), qui a été établi par l’Institut de recherches sur Nicolas de Cues, tous les textes de l’édition de Heidelberg (conjointement avec leurs sources) avec une version allemande et anglaise des textes, ainsi qu’une bibliographie et un lexique peuvent être consultés (www.cusanus-portal.de).

5L’importance de l’édition de Heidelberg ne se limite pas au texte de Nicolas de Cues qui est expliqué par l’apparat critique. Le désenclavement complet des sources permet de comprendre la relation de Nicolas de Cues avec la tradition philosophique et théologique, l’apparat parallèle rend possible d’observer le développement du personnage de Cusanus. Quelques tomes de l’édition de Heidelberg comprennent un quatrième apparat contenant des témoignages : ce sont des témoignages sur l’histoire des influences de Nicolas de Cues. L’édition historique-critique est un excellent moyen de recherche sur les textes du Cusain, et tous ceux qui ont pour but de publier des livres sur Nicolas de Cues dans un milieu académique devraient la consulter. De manière analogue, cela s’applique aussi aux Acta Cusana, œuvre restée inachevée. Les Acta Cusana ont été publiées jusqu’à la date du 29 mai 1453.

6Perceptible à la vue de notre « Encyclopédie sur les mystiques rhénans », la recherche sur Nicolas de Cues s’est élargie et globalisée énormément au fil des précédentes décennies. Aujourd’hui, il existe des centres sur Nicolas de Cues non seulement en Allemagne, au Japon et aux États-Unis, mais aussi aux Pays-Bas, en Italie, en Argentine et en Russie. Depuis quelques années, on peut aussi constater un intérêt croissant pour Nicolas de Cues en France, dont l’ultime expression est la fondation de la Société Française Cusanus à Nice à l’occasion de ce colloque. Des chercheurs importants travaillant sur Nicolas de Cues et internationalement renommés comme Maurice de Gandillac, qui restera une figure incontournable, ont fait beaucoup pour l’expansion de la pensée du Cusain dans la sphère francophone, d’où cet élan magnifique actuellement. Nombreux textes de Nicolas sont aujourd’hui entre les mains des traducteurs. Tout cela donne l’espoir que toute l’œuvre philosophique et théologique du philosophe mosellan sera accessible en français dans quelques années. Malheureusement, les prédications du cardinal allemand semblent encore avoir une faible importance en France.

7À l’échelle mondiale, beaucoup de thèses de doctorat sont écrites sur Nicolas de Cues, sans parler des nombreux articles le concernant. La meilleure façon de concevoir la progression de la recherche internationale sur Cues est de consulter l’American Cusanus Society Newsletter qui est publiée par Morimichi Watanabe deux fois par an depuis 1983 et qui liste soigneusement quasiment toutes les nouveautés et les annonces de congrès actuelles.

2. Les futures perspectives de la recherche sur Cusanus

  • 4 Clyde Lee Miller, « The Future of Cusanus Studies - Some Proposals », American Cusanus Society Ne (...)

8À l’occasion du 25e anniversaire de l’American Cusanus Society en mai 2008 à Kalamazoo, le philosophe américain Clyde Lee Miller a étudié la recherche sur Nicolas de Cues sous quatre angles différents que je vais reprendre et concrétiser4.

  • 5 Ibid., 49 : « to contextualize the intellectual vision of Nicholas of Cusa. We need to be as clea (...)

9La première mission de la recherche sur Cues, d’après Miller, est de « mettre en cohérence la vision intellectuelle de Nicolas de Cues. Il faut que nous soyons aussi précis que possible concernant les circonstances dans lesquelles il écrivait et pensait, et qui ont influencé la production et le caractère de son œuvre. Tout cela est une question du contexte étendu des forces religieuses, socio-culturelles, politiques et économiques existant en Europe au xve siècle, de même qu’une question des circonstances concrètes de la vie de Cusanus »5. Cette mise en cohérence de l’œuvre de Nicolas mentionnée par Miller soulève effectivement des défis énormes pour la recherche sur Nicolas de Cues. En principe, la recherche historique traitant le personnage de Nicolas de Cues et le xve siècle en général a progressé énormément à travers les précédentes décennies, tout d’abord grâce aux Acta Cusana, dont la recherche sur Nicolas de Cues profite de façon extraordinaire. En fait, il est impossible de le comprendre et de le valoriser suffisamment si on l’observe hors du contexte de son époque, d’autant plus qu’il était un des grands acteurs de son temps et non un professeur de philosophie ou de théologie, qui regardait la vie avec distance. Malheureusement, dans la nouvelle génération d’historiens, il n’y a que peu d’experts sur le Cusain qui pourraient être intégrés dans notre travail.

  • 6 Ibid. : « To interpret, in its simplest terms, is just to tell others what Nicholas says and its (...)

10Miller décrit la deuxième tâche de la recherche sur Nicolas de Cues comme « classique », l’interprétation des idées et de l’œuvre de Cusanus : « Interpréter, tout simplement, c’est expliquer aux autres ce que Nicolas dit et ce que cela signifie »6. C’est sans doute sur ce point précis qu’on a fait les plus grands progrès dans le passé. Les efforts faits par beaucoup de savants pour mieux comprendre le Cusain et pour déchiffrer sa façon de penser n’étaient certainement pas vains. Dans les pays germanophones, l’interprétation de la pensée de Nicolas de Cues a profité de la publication du livre de Kurt Flasch en 1998 : Nikolaus von Kues : Geschichte einer Entwicklung. Vorlesungen zur Einführung in seine Philosophie [Nicolas de Cues : Histoire d’un développement. Cours magistral de l’introduction à sa philosophie]. Cette présentation importante, intellectuellement stimulante et simple à la fois, a été prise comme le point de départ d’une discussion diversifiée abordant quelques questions de base sur l’interprétation de Cusanus.

11D’un côté, on a discuté sur le développement de la pensée de Nicolas de Cues, de l’autre on se demandait si Nicolas était philosophe ou théologien. D’un point de vue personnel, j’en viens à la conclusion qu’il faut, plus que jamais, faire attention aux tensions intérieures de la pensée de Nicolas de Cues, à une polarité, qui ne doit pas être dissoute au détriment de l’autre. Par conséquent, il est complètement insensé de se servir du Cusain auteur de l’œuvre du De docta ignorantia contre le Cusain des Sermons. Il est également insensé d’opposer Nicolas de Cues comme canoniste rigide au Cusain visionnaire intellectuel du De pace fidei ou de l’injonction permanente du devoir d’obéissance concernant ses subordonnés à l’anthropologie de liberté dans ses écrits centraux, etc.

  • 7 Kazuhiko Yamaki, « Cusanus-Rezeption in Japan », Litterae Cusanae, t. 1, 2001, p. 63.
  • 8 Ibid., p. 64-66.

12L’expert japonais de Nicolas de Cues Kazuhiko Yamaki a grandement stimulé la compréhension de la pensée cusaine et je partage son point de vue. Il parle de sa pensée elliptique et ce qu’elle signifie pour lui, c’est-à-dire être détenteur de deux centres comme pôles (on pourrait aussi dire qu’elle a deux pôles comme centres au même titre)7. On peut identifier cette bipolarité de la pensée de Nicolas dans beaucoup de domaines. Elle est également secourable, comme Yamaki l’a bien montré, pour illustrer la signification de l’œuvre de Nicolas de Cues aujourd’hui8.

13Selon Clyde Lee Miller, le troisième devoir de la recherche sur Cusanus est celui de l’évaluation :

  • 9 Miller, « The Future of Cusanus Studies », p. 50 : « To evaluate, therefore, means to say, with c (...)

Évaluer, cela signifie juger, en s’appuyant sur une solide justification, ce qu’est la valeur de la pensée de Cues dans sa totalité et dans sa structuration. Je suis prêt à entendre un exposé sur les fautes de Nicolas comme penseur… Nous devons même nous poser la question si tout ce que dit Nicolas est vrai – ou s’il est seulement intéressant, bien que ce mot n’ait pas une grande signification parmi les universitaires9.

14La thèse de Miller est :

  • 10 Ibid. : « My own view is that evaluation may be the weakest area in current work on Nicholas of C (...)

Mon point de vue est que l’évaluation est probablement la partie la plus faible parmi les différentes branches de recherche sur Nicolas de Cues. On entend souvent louer son originalité, mais peu d’interprètes expliquent comment ils définissent cette originalité ou pourquoi ils pensent qu’il est préférable d’être original plutôt que d’avoir tout simplement raison10.

15Cette réflexion de Miller m’a tout d’abord laissé perplexe. Il me semble douteux d’approcher Nicolas, ce penseur important, comme un pédant qui juge ses fautes et ses méprises. Mais je pense que la réflexion de Miller vise aussi autre chose. Généralement, nous, chercheurs, devrions nous libérer de la tentation d’être apologétique. La recherche sur Nicolas de Cues devrait être clairement séparée de l’apologie, bien que cela soit parfois difficile, surtout si des intérêts personnels, on peut même parler ici d’intérêts professionnels, suggèrent un point de vue apologétique. Il n’y a aucune raison, et même si sur ce point je suis absolument d’accord avec Miller, de considérer uniquement les caractéristiques positives de Cues et sa grandeur en omettant son interdépendance avec son environnement. De même, il n’y a aucune raison de voir Nicolas de Cues comme précurseur ou plutôt avant-gardiste des temps modernes à tous égards, quoique ce que Edmond Vansteenberghe a écrit est et restera juste : Nicolas de Cues « a posé pour l’avenir quelques jalons qui sont des traits de génie ». Considérer ce dernier d’une façon indifférenciée ne peut que mener à des distorsions anachroniques, qui ne satisfont ni le temps de Nicolas de Cues, ni les temps modernes.

16Ainsi, je reviens sur la dernière mission de la recherche sur Cues d’après Clyde Lee Miller : le problème de l’application, en allemand « Anwendung » ou « Umsetzung » de la pensée de Nicolas de Cues. Miller le formule de la façon suivante :

  • 11 Ibid. : « Can we utilize at all what we discover and appreciate about Nicholas of Cusa to answer (...)

Sera-t-il possible d’utiliser généralement tout ce qu’on a découvert et tout ce qu’on a apprécié sur Nicolas de Cues afin de répondre à nos questions intellectuelles et proposer nos propres problèmes ? Que devrions-nous ajuster et changer ? Y a-t-il ici une relation ou n’est-il que quelqu’un d’intéressant d’un point de vue historique, un penseur original qui n’a influencé que peu d’autres et qui vient d’un temps terminé depuis trop longtemps de façon qu’il n’a aucun effet sur le présent ?11

17Avec ces questions, nous sommes sans doute sur le fil du rasoir. Il n’y a pas tellement longtemps il était absolument proscrit, au moins en Allemagne, de poser la question, comme chercheur sérieux, de savoir quelle signification pouvait avoir un auteur du Moyen Âge pour nos temps modernes. Que pourrions-nous apprendre de lui ?

18Aujourd’hui, on observe souvent une tendance contraire : il faut justifier, souvent presque d’une façon abusive, la signification d’un auteur de l’époque. Si on ne le fait pas, des critiques se font entendre, soulignant le fait que se préoccuper de lui n’est pas profitable et ne peut pas être alimenté par des institutions officielles, comme par exemple la Deutsche Forschungsgemeinschaft (Société allemande de recherche). Ce point de vue simplement fonctionnel est fondamentalement faux et périlleux pour la conservation de notre culture. Je partage l’attitude du philosophe allemand Werner Beierwaltes, qui a défendu le projet de l’édition historique-critique sur Cues grâce à la métaphore de la tête de Janus :

  • 12 Werner Beierwaltes, « Hans Gerhard Senger. Ein Leben mit Cusanus », Litterae Cusanae, t. 2, 2002, (...)

Regarde le passé afin de conserver tout cela pour l’avenir qui doit être préservé et ouvert grâce à sa dignité intellectuelle. La valeur de Nicolas de Cues est comparable à celle de ces grands hommes de la philosophie comme Kant, Fichte, Hegel et Schelling. Leurs textes, étant rendus accessibles sous forme d’éditions historiques-critiques, et ainsi privés d’interprétations quelconques – quantum potest – ne sont pas une galerie de sciences ésotériques, mais un thesaurus intellectualis qui devrait être exploré par chaque génération et utilisé pour des prises de conscience nouvelles : une mémoire culturelle comme provocation, devoir et clarification12.

19La considération de la pensée de Nicolas comme « thesaurus intellectualis », ou comme « trésor intellectuel », donne une indication cruciale pour une estime juste. Bien sûr, cela s’applique aussi à la pensée de Maître Eckhart. L’étude d’un penseur majeur du passé comme Nicolas de Cues ne va certainement pas contribuer à maîtriser les questions complexes de notre ère d’une manière plus facile, car les idées ne peuvent être conférées directement du passé au présent que rarement. Mais elle élargit notre horizon intellectuel et ouvre le champ visuel de notre esprit.

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Notes

1 Edmond Vansteenberghe, « Nicolas de Cusa », dans Dictionnaire de théologie catholique, Paris, Letouzey et Ané, 1931, t. XI, col. 603-604.

2 Ibid., col. 611.

3 Voir Werner Beierwaltes, « Cusanus-Edition », dans Volker Sellin (éd.), Die Forschungsvorhaben der Heidelberger Akademie der Wissenschaften 1909-2009, Heidelberg, Winter, 2009, p. 107.

4 Clyde Lee Miller, « The Future of Cusanus Studies - Some Proposals », American Cusanus Society Newsletter, t. 25/1, 2008, p. 49-50.

5 Ibid., 49 : « to contextualize the intellectual vision of Nicholas of Cusa. We need to be as clear as we can about the circumstances under which he wrote and thought that had an impact on the production and character of his works. This is both a matter of the broader context of the religious, socio-cultural, political and economic forces at work in Europe during the fifteenth century and a matter of the particular circumstances of Cusanus’ own life ».

6 Ibid. : « To interpret, in its simplest terms, is just to tell others what Nicholas says and its significance ».

7 Kazuhiko Yamaki, « Cusanus-Rezeption in Japan », Litterae Cusanae, t. 1, 2001, p. 63.

8 Ibid., p. 64-66.

9 Miller, « The Future of Cusanus Studies », p. 50 : « To evaluate, therefore, means to say, with cogent reasons, just how good Cusan thought is both as a whole and in its parts. I am ready to hear a paper about Nicholas’ errors and mistakes as a thinker []. We even need to ask whether what Cusanus says is true – or is it merely “interesting”, that slippery value-term so often in currency among academics ? ».

10 Ibid. : « My own view is that evaluation may be the weakest area in current work on Nicholas of Cusa. [We often hear Nicholas praised for his originality, but few interpreters say how they judge originality or why it is better to be original than just to be right ».

11 Ibid. : « Can we utilize at all what we discover and appreciate about Nicholas of Cusa to answer our own intellectual questions and to address our own problems ? What would we have to adjust and change ? Is there any relationship here at all, or is Nicholas just someone of historical interest, an original thinker who has influenced very few others and who is from a time too remote to have an impact today ? ».

12 Werner Beierwaltes, « Hans Gerhard Senger. Ein Leben mit Cusanus », Litterae Cusanae, t. 2, 2002, p. 52-53 : « Blick in die Vergangenheit, um in der Gegenwart dasjenige für die Zukunft vor dem Vergessen zu bewahren, was aufgrund seiner intellektuellen und unter Umstaenden auch lebensformenden Dignitaet bewahrt und aufgeschlossen werden muss. Cusanus gehoert zu den grossen Gestalten der Philosophie genauso dazu wie Kant, Fichte, Hegel, Schelling. Deren Texte, in historisch-kritischen Ausgaben zugaenglich gemacht und dadurch auch beliebigen Deutungen – quantum potest – entzogen, sind kein Museum esoterischer Gelehrsamkeit, sondern ein thesaurus intellectualis, der von jeder Generation fuer neue Einsichten entdeckt und gehoben werden sollte : Kulturelles Gedaechtnis als Provokation, Aufgabe und Aufklaerung ».

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Pour citer cet article

Référence papier

Walter Andreas Euler, « Nicolas de Cues aujourd’hui »Noesis, 26-27 | 2016, 265-273.

Référence électronique

Walter Andreas Euler, « Nicolas de Cues aujourd’hui »Noesis [En ligne], 26-27 | 2016, mis en ligne le 15 juin 2018, consulté le 14 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/noesis/2708 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/noesis.2708

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Auteur

Walter Andreas Euler

Walter Andreas Euler, professeur de théologie fondamentale et de théologie œcuménique à la faculté de théologie de Trèves (depuis 2001). Directeur de l’Institut für Cusanus-Forschung à l’université et à la faculté de théologie de Trèves (depuis 2007) et président du conseil consultatif scientifique (Wissenschaftlicher Beirat) de la German Cusanus Society (depuis 2008). Ses publications traitent de Nicholas de Cues et des problèmes de théologie fondamentale.

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Droits d’auteur

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