Shooting into the Corner : Anish Kapoor et l’authenticité de l’aléatoire
Résumés
Le concept d’authenticité sert de base à la valorisation de la thématique de « l’identité » qui domine aujourd’hui. Anish Kapoor présente toutes les garanties de cette « hybridité » actuellement très à la mode. Toutefois, il résiste explicitement à toute tentative de « mise en boîte » qui le cantonnerait à l’expression d’une quelconque « indianité ». Kapoor est connu pour l’aspect sensoriel et aléatoire de son travail. Shooting into the Corner (2008-2009) est un excellent exemple d’une œuvre qui évacue l’identification culturelle ; elle trouble par ailleurs les catégories goodmaniennes habituelles d’autographique et d’allographique. Son slogan – « Je n’ai rien à dire » – semble confirmer ce rejet de l’authenticité. Je compte démontrer que même l’aléatoire et l’auto-engendré sont reliés au critère d’authenticité, si cette notion repose sur l’intentionnalité et « l’intensionnalité » (Brentano) de l’œuvre d’art. Redéfini ainsi, le concept d’authenticité deviendrait une « règle constitutive » (Searle) de notre institution.
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1. Plateau de fromages…
- 1 Comme on dit dans les séries américaines : « The name has been changed to protect the innocent ».
1Par beau temps, on trouvera au Belvédère du Revard, station alpine surplombant le lac du Bourget, deux petits stands de vente directe. Le premier est tenu par un vieux fermier moustachu qui étale ses tommes de montagne du pays des Bauges. Le deuxième stand est moins habituel pour ce genre d’endroit. On y voit un jeune homme assis derrière une petite pile de livres posés sur une table où figure le panneau suivant : « Joseph Lambert – écrivain savoyard »1. Certes, les touristes sont un peu plus nombreux à repartir avec les tommes plutôt qu’avec ces curieux tomes. Mais j’ai tout de même vu cet écrivain savoyard vendre et dédicacer son petit roman à plusieurs reprises.
2Ici donc la véritable tomme de pays est complétée par une littérature du cru, une littérature authentique susceptible de capturer et de pérenniser l’âme du Savoyard. La littérature peut en effet être considérée comme le domaine exemplaire pour ce genre d’authenticité. Même si l’on n’est pas forcément attiré par un tel projet, ce type d’entreprise artistique est devenu monnaie courante. La valorisation de l’authenticité culturelle va de pair avec la notion d’origine. On pourra toutefois se demander si cette valorisation actuelle de l’authenticité culturelle est une mode purement artistique, ou davantage un phénomène éthique et politique (si on peut m’autoriser provisoirement une distinction que bon nombre de philosophes rejettent de nos jours).
2. Questions ontologiques, herméneutiques et culturelles
3Il faudrait également articuler ce concept précis d’authenticité culturelle avec les autres formes que la notion peut prendre dans le domaine des arts. On trouve dans l’appel à communication – à juste titre, me semble-t-il – trois acceptions générales du concept d’authenticité suivies d’un certain nombre de questions ou d’applications connexes. Il y a en premier lieu 1) l’authenticité en termes d’identité numérique, c’est-à-dire l’authenticité au sens de l’identification d’une œuvre originale et/ou singulière. Ici nous sommes essentiellement dans le domaine de l’ontologie et de la question du « statut de l’œuvre ». Il y a ensuite 2) l’authenticité au sens d’exactitude d’une interprétation ou d’une performance. Ici des questions herméneutiques, épistémologiques et axiologiques viennent se greffer aux interrogations plus purement ontologiques. Il y a enfin 3) l’authenticité au sens d’un état spécifique de l’artiste et de son œuvre. Il s’agit d’une analyse de sa posture (ou de son imposture), et ce sont donc les notions de sincérité et d’intentionnalité qui rentrent en jeu. Ici certains critères éthiques et sociopolitiques priment sur l’ontologie, l’herméneutique et les autres domaines (même s’il va de soi que les autres questions fournissent l’arrière-plan du débat). Dans ce qui va suivre, je ne vais pas insister spécialement sur l’authenticité numérique (sur les notions de copie ou de plagiat, par exemple), ni sur l’authenticité d’une interprétation (je ne m’étendrai pas sur les paramètres qui permettraient de dire que tel ou tel écart des normes habituelles sont à tolérer ou non). Je vais me concentrer surtout sur une forme particulière de l’authenticité comme valeur éthique, en espérant que l’examen de cette valeur puisse nous apprendre quelque chose sur le fonctionnement actuel de l’art.
4En effet, l’authenticité culturelle est devenue en quelque sorte le ciment thématique d’un grand nombre d’œuvres ; elle est la source de cet intérêt porté à « l’identité et l’altérité » depuis une bonne trentaine d’années maintenant. C’est sans doute le « tournant éthique » de l’esthétique anglo-saxonne et le « retour du référent » qui ont poussé certains philosophes et critiques d’art à formuler des positions qui valident l’authenticité comme une fin en soi. Voici, à titre d’exemple (parmi bien d’autres), l’argumentation d’Arnold Berleant dans son ouvrage Art and Engagement (1991) :
- 2 Arnold Berleant, Art and Engagement, Philadelphia, Temple UP, 1991, p. 15, 26.
The contemporary arts… frequently insist on experiences of engagement by provoking us into movement or action or by forcing us to adjust our vision and imagination. […] Disinterestedness no longer identifies what is distinctive in the aesthetic situation. […] artists have been moving toward producing work that denies the isolation of art from the active involvements of daily life. […] one need not dissociate oneself from practice and use in order to take something on its own terms, as disinterestedness would have us do. Aesthetic experience thus becomes rather an emphasis on intrinsic qualities and lived attitudes… Artists have been forcing us to realize that entering the world of art requires the active engagement of the total person and not just a subjective cast of mind. Such engagement emphasizes connections and continuities, and it leads ultimately to the aestheticization of the human world2.
- 3 Wayne C. Booth, The Company We Keep : An Ethics of Fiction, Berkeley, University of California Pres (...)
5La bête noire de Berleant dans cet essai est la théorie kantienne du « désintéressement » car, selon lui, l’autonomie de l’expérience esthétique qu’elle implique trahit notre véritable engagement avec l’œuvre. Il faut savoir que les théoriciens de la génération de Berleant ont été largement exposés (initialement au moins) aux valeurs de la « New Criticism », école qui prônait la mort de l’auteur et qui avait comme slogan la devise du poète Auden : Poetry makes nothing happen. L’autonomie de l’œuvre d’art semblait aller de soi et toute allusion au contexte politique devait paraître inconcevable pour bon nombre de jeunes thésards. Wayne C. Booth évoque cette période dans The Company We Keep, mais on peut imaginer que des théoriciens plus jeunes comme Hal Foster ont vécu des expériences similaires3. Revendiquer, dans ce contexte, un « retour au réel », diriger des ouvrages collectifs sur les rapports entre éthique et esthétique, c’était défier l’ordre établi des pratiques anglo-saxonnes en la matière.
- 4 Colette Garraud, « Une esthétique du déplacement », dans Colette Garraud, Michel Guérin et al., Fra (...)
6Ce retour au réel et ce rejet du désintéressement kantien autorisaient, implicitement, la valorisation de l’authenticité au sens que je viens d’esquisser. Influencés par des penseurs tels que Levinas, Homi Bhabha ou Edward Said, ce sont notamment les adeptes des études « postcoloniales » qui ont érigé l’altérité comme une fin en soi, qui ont célébré la représentation des éléments « authentiques » de telle ou telle culture. Plus subtilement, et de façon plus générale, on trouvera cette même insistance sur l’authenticité dans le rapport de l’artiste à son œuvre. L’œuvre devient trace de son corps ; elle est authentifiée par sa présence. Par exemple, le plasticien français François Méchain inclut souvent dans ses œuvres ou dans leurs paratextes ce que Colette Garraud appelle « l’enregistrement de l’instant » de sa création4.
François Méchain, La Rivière noire (1990)

Source : http://www.francoismechain.com/in-situ/cana/riviere-noire/170b.jpg
- 5 Exemple que j’emprunte également à Colette Garraud (qui s’en servait autrement) – voir Garraud, p. (...)
7Les informations fournies de façon légèrement codée en bas à droite – par exemple, « taille de l’artiste », « durée de l’action, date » (40) – ancrent l’artiste dans l’œuvre et l’œuvre dans le réel, établissant ainsi son authenticité. Un autre exemple de cette authenticité par inscription de l’artiste dans son œuvre même sera la pièce de Giuseppe Penone intitulée Ma hauteur, la longueur de mes bras, mon épaisseur dans un ruisseau, 1969. Comment l’artiste pourrait-il ne pas être sincère, ne pas être authentique, puisqu’il nous livre la trace même de son corps, puisqu’il va jusqu’à nous offrir son souffle vital ?5
3. L’Emprise de l’Autre
8Que ce soit en termes de sincérité personnelle ou en termes de représentativité culturelle, l’authenticité est omniprésente dans l’art actuel. Sans vous inonder d’exemples, j’aimerais évoquer une œuvre récente pour montrer comment le thème de « l’Autre » se retrouve dans toutes sortes de contextes, y compris des contextes peu habituels. Voici le texte de présentation du Pavillon Canadien lors de la dernière Biennale d’architecture à Venise :
- 6 Texte en français disponible uniquement sur un panneau lors de l’exposition. à toutes fins utiles, (...)
Le thème de la Biennale, Common Ground, fait écho au travail de Migrating Landscapes qui s’interroge sur les frontières sociopolitiques, sur la migration des peuples et des idées et, essentiellement, révèle l’attitude que nous avons devant l’Autre, que ce soit consciemment ou non6.
9J’avoue que je n’ai pas vraiment perçu le lien entre ce texte de présentation et l’installation elle-même dont voici quelques images :
10Certes, une installation en bois est assez attendue pour évoquer le Canada, grand pays de sylviculture. Le bois fait authentique. Mais je ne suis pas certain de comprendre comment ces multiples planches et poteaux peuvent figurer « l’Autre » et le multiculturalisme évoqués en préambule.
11On peut applaudir l’idéologie de ce genre de projet tout en estimant que l’authenticité culturelle pourrait rapidement devenir une impasse pour l’art. Il y a, me semble-t-il, des limites à toute hégémonie géographico-ethnique qui voudrait que chaque artiste et chaque œuvre traduise obligatoirement l’essence d’un lieu ou d’une culture. Puisque le multiculturalisme et le régionalisme sont des valeurs absolues et puisque les différences géographiques les plus minimes sont potentiellement pertinentes, va-t-on devoir un jour distinguer la littérature de Massy de celle de Palaiseau ? Si ces deux localités ont chacune leur âme spécifique, ne méritent-elles pas chacune leur propre Joseph Lambert ?
12Je ne vais pas poursuivre plus avant de telles considérations aigries et peu correctes politiquement. Il me semble en revanche utile de préciser sur quelles bases logiques repose ce genre de valorisation. Si on peut apprécier Joseph Lambert pour la saveur authentiquement savoyarde de ses écrits, on verrait mal, en revanche, comment la notion d’origine pourrait jouer un rôle dans d’autres sortes de production. Une paella dont tous les ingrédients sont fabriqués en Espagne plutôt qu’en Belgique sera sans doute plus authentique et sera donc plus appréciée par le gastronome amateur du plat. En dira-t-on autant pour une boîte de vitesses de la marque Ford ? On le sait, cette société multinationale possède des usines à la fois en Flandres et à Valence. Certes, l’acheteur espagnol peut préférer que la boîte de sa nouvelle Ford soit fabriquée chez lui afin de préserver l’emploi local. Mais si par hasard il se retrouve avec une boîte belge, cela ne changera rien aux performances de son bolide. Ici l’authenticité ne joue pas de rôle.
13Prenons ensuite les deux exemples suivants, glanés dernièrement lors d’un séjour à Venise :
14On peut comprendre en quoi l’identité ou l’origine des matériaux peuvent influer sur la qualité d’un produit de luxe. En dehors des considérations purement économiques et politiques, on peut préférer acheter l’objet authentique pour des raisons que je pense pouvoir qualifier d’intrinsèques. L’artisanat vénitien fabriqué selon les règles de l’art avec les matériaux habituels produits localement sera de meilleure qualité qu’une copie chinoise. L’origine ici est garante d’une réelle authenticité, même s’il est certes concevable qu’un jour le savoir-faire et les matériaux de la Sérénissime puissent être exportés à Shanghai. Prenons en revanche ce panneau apparemment analogue :
- 7 I Musici Veneziani. Voir http://www.imusiciveneziani.com/.
15En lisant l’expression « Interpreti Veneziani », on croit comprendre (dans un premier temps) que l’œuvre de Vivaldi va être interprétée par des musiciens cent pour cent vénitiens – que c’est bien cela la marque spécifique de cet ensemble. La beauté du concert viendrait-elle de l’authenticité des musiciens eux-mêmes ? Serait-ce si grave si l’un d’eux vivait plutôt à Mestre qu’à Venise ? Ne pourrait-on pas imaginer qu’un célèbre ensemble de Shanghai puisse donner une meilleure interprétation des Quattro Stagioni que ces artistes locaux ? Dans un deuxième temps, on se rendra compte (quand même…) que « Interpreti Veneziani » n’est que le nom de cet ensemble local, et non pas une véritable revendication d’origine, ni une liste d’ingrédients. Mais on remarquera que Venise est remplie d’ensembles musicaux aux noms patriotiques revendiquant leur italianité et leur attachement au terroir, et que l’un de ces ensembles en particulier se targue de jouer Vivaldi en « costumes d’époque »7. Or, si l’utilisation des instruments d’origine peut évidemment avoir une influence sur la réception musicale d’une œuvre, si cela peut avoir un effet sur l’expérience sensorielle qui est ainsi produite, le port des costumes d’époque ne semble pas être d’ordre à affecter l’expérience purement musicale. Ce genre d’authenticité ludico-touristique pourrait toutefois se justifier, comme effet plutôt visuel et théâtral, mais on verrait mal les mêmes interprètes s’habiller ainsi pour une séance en studio. L’authenticité ethnique et culturelle qui vient ainsi se greffer sur une composition sonore pour des raisons touristiques semble reposer sur une légère confusion des genres – si toutefois on peut en effet distinguer une œuvre de son habillage externe. Or, je ne prétends pas qu’une telle distinction soit facile à appliquer à l’ensemble des œuvres ayant existé ou à venir, et il serait inopportun de compartimentaliser notre expérience ainsi (car je peux être mélomane averti et touriste niais lors d’une même soirée). Mais il me semble au moins possible conceptuellement de distinguer l’œuvre elle-même de ses circonstances, et c’est tout ce qu’il me faut pour la suite de mon argumentation. Sans la possibilité d’une telle distinction, on devrait compter comme faisant partie de l’œuvre de Vivaldi l’éternuement de mon amie Nicole qui a pris froid dans sa gondole avant le concert.
16J’aimerais clore ce tour d’horizon de l’authenticité identitaire et de l’altérité triomphante avec un dernier exemple puisé dans la littérature. Les écrivains indiens les plus célèbres actuellement, comme Arundhati Roy ou Kiran Desai, recherchent visiblement une authenticité culturelle indienne et leurs œuvres tournent autour de cet objectif. Voici un extrait de La perte en héritage (2007) de Desai :
17C’est un passage assez représentatif du roman. Qu’ils soient en italiques ou pas, les termes que j’ai surlignés assurent la couleur locale, cette couleur locale qui est le gage de l’authenticité de cet écrit. La fréquence des termes en italiques est comme un compteur identitaire, et Desai pousse la technique assez loin. Vers la fin du roman, on lit une blague à propos de deux Sikhs qui voient des parachutistes sauter d’un avion militaire et décident de s’engager :
Ils se rendent aussitôt au bureau de recrutement le plus proche, et, quelques mois plus tard, les voilà à leur tour dans l’avion. « Wahe Guruji Ka Khalsa, Wahe Guruji Ki Fateh », dit Santa, et il saute. « Wahe Guruji Ka Khalsa, Wahe Guruji Ki Fateh » dit Banta, et il saute. « Arre, Banta, » dit Santa deux secondes plus tard, « ce sala de parachute ne s’ouvre pas. » « Ai Santa, » dit Banta, « le mien non plus ». Intezaam typique du gouvernement… (p. 469)
- 8 Je songe bien évidemment ici à Joyce qui avait poussé la réception littéraire à ses limites dans Fi (...)
18Le lecteur non spécialiste saisit vaguement le sens de la blague, mais tout cela finit par être fastidieux. Un linguiste cognitiviste pourrait peut-être établir un seuil à ne pas dépasser pour le confort du lecteur. Mettons (par exemple) qu’au-delà de 40 % de mots inconnus, le lecteur décroche, et la couleur locale devient grisaille informe – sauf, bien sûr, pour le lecteur idéal souffrant d’une insomnie idéale, qui est prêt à apprendre toutes les langues du monde8.
4. Kapoor : « Je n’ai rien à dire »
- 9 Le lien entre mon écrivain savoyard et les études « Post-Co » est peut-être plus étroit que l’on po (...)
19Les titres d’Anish Kapoor sont bien en deçà des 40 % que je viens d’évoquer : une seule œuvre majeure fait allusion directement à la culture indienne. Pourtant, Kapoor présente toutes les garanties de cette « hybridité » actuellement très à la mode : d’origine indienne, de mère juive, vivant en « exil » et donc faisant partie d’une diaspora, naviguant au sein d’un artworld international, sa biographie correspond parfaitement aux valeurs contemporaines. Et pourtant il résiste explicitement, à la fois dans ses pratiques et dans ses écrits, à toute tentative de « mise en boîte » qui le cantonnerait à l’expression d’une quelconque « indianité » (ce terme étant déjà tout un programme et toute une problématique). Kapoor est connu pour l’aspect purement sensoriel et souvent aléatoire de son travail. Shooting into the Corner (2008-2009) est un excellent exemple d’une œuvre qui semble évacuer totalement le politically correct de l’identification culturelle. L’un des plus grands spécialistes de l’œuvre de Kapoor est pourtant Homi Bhabha, auteur de The Location of Culture (1994) et donc défenseur de ce que l’on pourrait appeler par chiasme The Culture of Location – la « culture du site » pour ainsi dire. C’est le genre d’approche qui justifie tous les Joseph Lambert de la planète9. Or, Kapoor est très dubitatif, même en conversation avec son ami Bhabha, lorsqu’il s’agit d’évoquer son identité culturelle qui n’est ni anglaise, ni indienne :
- 10 Voir Richard Leydier (dir.), I Have Nothing to Say. Interviews with Anish Kapoor, Paris, RMN, 2011, (...)
L’une des choses que l’on voit dans l’art produit en Inde de nos jours, c’est qu’il semble assumer sa condition indienne, et je pense que nous nous trouvons dans une position quelque peu curieuse en n’acceptant de n’être ni l’un ni l’autre10.
20Un peu plus loin dans le même entretien il prend ses distances vis-à-vis de toute notion d’entre-deux qui deviendrait une revendication trop mécanique et rigide, insistant sur la priorité « poétique et spirituelle » (Leydier, p. 43) de ses œuvres, les reliant ainsi (pour le dire autrement) à leur potentiel universalisant. Ailleurs dans le même recueil il remarque :
- 11 « Anish Kapoor avec William Furlong », dans Leydier, p. 30-31.
Je m’oppose vivement à cette recherche de l’indianité dans mes œuvres […] je pense qu’il faut s’y opposer avec beaucoup de colère et d’énergie11.
21Installation aux dimensions variables comportant un canon et des obus de cire rouge, Shooting into the Corner est peut-être la moins réussie d’une série d’œuvres jouant sur la plasticité de la cire mélangée à de la vaseline :
22Cette série est assez connue en France grâce à l’exposition il y a quelques années de Svayambh (2007), gros bloc de cire qui traversait imperceptiblement quelques salles du musée des Beaux-Arts de Nantes.
23« Svayambh » veut dire « auto-engendré » en sanskrit, et, en effet, cette œuvre, tout comme Shooting into the Corner, se forme et se modifie elle-même au fur et à mesure du mouvement ou des manipulations. On dira la même chose de My Red Homeland (2003) :
24Or, l’aspect aléatoire de ces installations semble minimiser la place de l’artiste au sein de l’œuvre. En imaginant de telles œuvres « auto-engendrées », Kapoor rend trouble leur statut ontologique et donne parfois l’impression d’écarter tout appel à l’authenticité, que ce soit en termes d’expression personnelle ou en termes d’identité numérique de l’œuvre. Son célèbre slogan vaguement anti-herméneutique – « Je n’ai rien à dire » – semble à première vue confirmer ce rejet de l’authenticité. Je compte démontrer au contraire que même l’aléatoire et l’auto-engendré sont intimement reliés à un autre critère d’authenticité, puisqu’en dernière analyse, cette notion repose (me semble-t-il) sur l’intentionnalité, et peut-être aussi sur « l’intensionnalité » (au sens de Brentano), de l’œuvre d’art. Redéfini ainsi, le concept d’authenticité serait intimement relié à une « règle constitutive » (au sens de Searle) de notre institution – une règle pragmatique concernant la production et la réception des œuvres.
- 12 à ma connaissance, il n’existe pas d’instructions détaillées pour la réalisation de cette œuvre dan (...)
25Par son indéterminisme et son aspect continu, Shooting into the Corner problématise les catégories goodmaniennes habituelles d’allographique et d’autographique. S’agit-il d’une sculpture, d’une performance, ou des deux ? En s’inspirant des spécialistes comme Goodman, Genette ou Pouivet, on pourrait dans un premier temps classer Shooting dans la catégorie œuvre autographique à instances multiples. à la différence, toutefois, d’une gravure ou d’un moulage, ici les nouvelles installations de la « même » œuvre seraient forcément différentes, le caractère aléatoire étant relié à la site-specificity de Shooting et à l’impossibilité de prévoir parfaitement l’action du canon et de la cire. Mais, en même temps, il ne serait pas impossible de concevoir une sorte de partition pour cette œuvre. On pourrait établir un script détaillé qui préciserait l’heure de chaque tir, l’emplacement et l’angle du canon, la quantité de cire tirée, et même les gestes du technicien (qui pourrait – si on veut – être habillé en costume d’époque…)12. Shooting deviendrait de la sorte une œuvre allographique, même si certains aspects du résultat resteraient largement aléatoires. Il y aurait forcément de l’imprévisible : la vitesse du vent, l’humidité de l’air, une qualité variable des obus et l’usure des pièces du canon produiraient des effets variables. Mais ces éléments-là ne seraient pas plus graves pour son statut ontologique que les toux des spectateurs en salle de concert. N’importe quelle performance rigoureuse de la partition compterait comme une instance de l’œuvre. Sur le plan ontologique, donc, l’aléatoire n’efface pas totalement le rôle de l’artiste comme agent.
26En revanche, l’aléatoire pourrait être vu comme une sorte de désengagement de l’artiste qui voudrait ainsi libérer sa pratique de sa propre intentionnalité, transformant son œuvre en art achéiropoïète. Une telle vision s’accorde bien avec les prises de position de Kapoor, avec son « je n’ai rien à dire » qu’il explique ainsi :
Je veux tout d’abord déclarer que je n’ai rien à dire en tant qu’artiste. C’est un point essentiel de ma démarche : l’expression ne fait pas partie de mes préoccupations. […] Ce que je cherche, ce sont des modes d’être, des conditions de la matière… (Leydier, 60)
27Selon Kapoor lui-même, l’expression « shooting into the corner » est une allusion à la masturbation (Leydier, 151) mais on pourrait également entendre un écho de l’expression française « tirer au flanc ». Ici l’artiste semble vouloir éviter la responsabilité, éviter de fixer lui-même une forme ou un sens à son œuvre. L’aléatoire met entre parenthèses la personnalité de l’artiste, et Kapoor confirme cette absence d’inscription personnelle dans son œuvre :
- 13 « Conversation between curator Marcello Dantas and Anish Kapoor », ‘Ascension’, Rio de Janeiro/Braz (...)
L’art que j’admire fait bien plus que raconter ma petite histoire psycho-biographique. On s’en fiche ! On est ici sur terre pour quelques minutes et puis on est mort. […] Je n’ai rien à dire13.
- 14 Alain Badiou, « Esquisse pour un premier manifeste de l’affirmationnisme », dans Ciro Giordano-Brun (...)
28Kapoor semble illustrer ici une position défendue par Alain Badiou dans un manifeste s’insurgeant contre « la dictature du particulier ». Selon Badiou, « L’art ne saurait être l’expression de la particularité, qu’elle soit ethnique ou moïque. Il est la production impersonnelle d’une vérité qui s’adresse à tous »14. Pourrait-on garder une quelconque notion d’authenticité tout en écartant, comme le fait Kapoor apparemment, toute expression de soi ?
5. L’Aléatoire et l’intentionnalité
29La réponse me semble relativement évidente. S’abandonner à l’aléatoire ne revient pas à nier toute détermination de l’œuvre – il ne s’agit que de repousser ce déterminisme à un autre niveau. Le manque d’intention explicite revendiquée par Kapoor est de toute évidence une méta-intention vis-à-vis de sa pratique. Si la forme précise de la cire sur le mur n’est ni calculée ni contrôlée par la main de l’artiste, l’œuvre dans sa totalité et dans son idée directrice reste le produit de ses intentions plastiques. Celles-ci ne sont certes pas reliées de façon exclusive à des questions personnelles – même si My Red Homeland est visiblement une référence à son sang, son cœur, et son pays natal. Les intentions de Kapoor sont en revanche intimement liées à son projet artistique, précisément à l’exploration des « modes d’être » et des « conditions des matières ». Quels que soient les moyens utilisés, toute œuvre réalisant ces intentions plastiques sera une œuvre authentique.
30Il me semble en effet que, pragmatiquement, la notion d’authenticité va de pair avec l’intentionnalité de l’art : puisque l’œuvre n’est pas seulement une expérience mais aussi le résultat d’un acte intentionnel, la réception de l’œuvre comporte forcément une dimension historique ou « génétique » : scruter une œuvre, c’est scruter une œuvre de quelqu’un faite pour faire ou dire quelque chose. C’est pour cela que j’ai évoqué la notion d’« intension » au sens de Brentano : souvent écrit ainsi avec un « s », le concept souligne qu’un état mental fait référence à un contenu, se dirige vers un objet, concerne quelque chose, possède automatiquement une visée. En philosophie anglaise, on parle parfois de la aboutness d’un état mental. Or, scruter une œuvre implique donc un effort non seulement pour déceler son aboutness, mais aussi un effort pour remonter à sa source. C’est cela qui instaure la notion d’authenticité puisque le cheminement vers cette source peut être faussé de différentes façons, et la source elle-même peut être plus ou moins « pure ». Toute insistance sur la production d’un artefact est forcément une insistance sur l’intention qui l’a produite et cela rend automatiquement pertinent un critère d’origine et d’authenticité. En revanche, on ne dira pas qu’un coucher de soleil (par exemple) est « authentique » puisque ce genre d’événement n’est pas le résultat d’un agent. L’authenticité d’un acte artistique pourra donc être définie comme la correspondance entre une intention plastique et sa réalisation. L’authenticité de Kapoor serait alors l’adéquation de la technique aléatoire à son désir d’explorer la plasticité des modes d’être. L’aléatoire est précisément la technique qui correspond le mieux aux visées indéterministes qui, paradoxalement, déterminent son art. Ce n’est pas une sincérité culturelle, mais une adéquation entre projet et produit. L’œuvre purement alimentaire, en revanche, est le résultat d’une intention moins authentique car motivée par des considérations dites « extrinsèques ». Encore une fois, je ne prétends pas qu’il est facile d’appliquer une telle distinction entre le pur et l’impur, entre l’intrinsèque et l’extrinsèque, dans la pratique. Pour le faire concrètement et efficacement, il faudrait être omniscient ou au moins télépathe. Je prétends uniquement que ces distinctions sont conceptuellement utiles.
- 15 Je songe ici à un certain nombre d’ouvrages ou de colloques récents sur ces thèmes.
31Le « régime de singularité » qui caractérise notre institution artistique va de pair avec une « singularité » presque métaphysique ou cosmologique de chaque grande œuvre. On se rappellera que la singularité en physique est ce moment dans l’espace-temps où les lois habituelles n’ont plus cours. La grande œuvre serait donc celle qui engendre une énergie analogue, qui nous oblige ainsi à poser des questions potentiellement illimitées. Devant chaque détail d’une œuvre, nous pouvons toujours dire pourquoi ? La grande œuvre est celle où ce questionnement ne s’arrête jamais totalement. Sur le plan pragmatique, poser ces questions, c’est rechercher un sens ou une organisation voulue par un agent, et c’est cela qui rend central les notions d’intention et de « aboutness ». Certes, cet « aboutness » n’est pas forcément un acte référentiel. Parfois l’œuvre va viser non pas tel ou tel thème humain, mais le sens ou l’effet plastique de ce rouge-là sur ce mur-ci étalé de cette façon exactement. Parfois, un « thème » sera non pas une référence, mais l’effet sonore de précisément cette suite de tonalités-là au sein du silence. Les tonalités n’auront pas d’autre sens que la séquence qu’elles produisent, mais cela ne veut pas dire qu’elles ne sont pas le résultat d’un choix. Insister sur l’authenticité dans ce sens d’intentionnalité réalisée par un moyen adéquat semble alors écarter toute valorisation artistique et théorique de la désinvolture, de l’imperfection, ou de l’inachevé, termes vaguement à la mode dernièrement15. La désinvolture intentionnelle n’est pas une véritable désinvolture, l’imperfection validée ou même voulue par l’artiste n’est pas une véritable imperfection, et l’inachèvement choisi et signé par l’artiste est par là même un méta-achèvement de l’œuvre.
6. Authenticité et métaéthique
32Je vais prendre comme dernier exemple une œuvre et un contexte qui montrent combien l’intentionnalité caractérise notre rapport à l’art. La pièce suivante n’est pas celle d’une artiste établie. Elle pourra toutefois nous permettre de cerner quelques bases de notre pratique.

Source : http://reunion.orange.fr/news/reunion/six-etudiants-diplomes-100-de-reussite,626176.html
33Il s’agit d’une installation réalisée par une étudiante pour l’obtention de son DNSEP valant grade de master dans une école d’art française. Le jury était composé de deux enseignants de l’école, de deux plasticiens assez connus et d’un professeur d’université. Or, la candidate a eu uniquement la « mention » mais pas les félicitations du jury. En effet, cette installation de moulages d’abdomen pendue à la manière d’une Annette Messager avait provoqué, lors de la soutenance, quelques critiques et quelques questions de la part du jury : Doit-on se mettre dedans ? Les vêtements collés à l’intérieur correspondent-ils aux vêtements portés par les personnes moulées ? Pourquoi avoir largement gommé l’identité sexuelle de chaque sujet ? Enfin : Les moulages sont-ils suspendus à une hauteur correspondant à la taille de la personne moulée ? On aura compris la portée de ces questions. Chaque fois que la candidate savait répondre à nos questions, chaque fois qu’elle pouvait nous donner ses raisons, elle grappillait des points. Chaque fois qu’elle ne savait pas (ou n’avait pas su) donner un sens à tel détail ou telle démarche, sa note baissait un peu.
34Ces questions ne doivent pas nous surprendre. Demander (par exemple) si les moulages étaient suspendus à une hauteur conforme à la personne moulée, c’était exiger cette transcription authentique du réel qui est devenue l’une de nos principales valeurs artistiques. Mais, plus profondément, le simple fait de demander Pourquoi ?, le simple fait de poser ce genre de question, c’est exiger de l’œuvre un déterminisme et une complétude. Idéalement, tout devrait être motivé, tout devrait aller au bout de la logique mise en œuvre par la pièce elle-même. Il me semble que l’on peut en effet appeler cela l’authenticité – mais à vrai dire le terme m’importe peu.
- 16 Voir (par exemple) Ronald Shusterman, « Ce qui se vend, ce qui arrive, et ce qui explose : théories (...)
35Ce qui m’importe, c’est la curieuse dialectique entre déterminisme et liberté que l’on vient de constater. L’authenticité de l’œuvre, c’est (dans ce sens) l’adéquation entre son état et l’intention qui la motive. Mais en même temps, l’art est une activité où nous jouissons d’une grande liberté, où rien n’est prévisible. Le paradoxe, c’est que nous nous servons de cet espace de liberté pour déterminer l’expression. Mon dernier exemple vient de nous montrer comment on joue ce jeu de langage qui s’appelle la critique. Demander à la candidate pourquoi les moulages sont à telle hauteur, c’est la rendre consciente, c’est nous rendre conscients, des choix possibles. C’est faire comprendre la nature même d’une intention, faire comprendre son fonctionnement et ses enjeux. C’est valoriser comme une fin en soi la recherche de sens et de système, c’est expérimenter la forme même de cette recherche. C’est être conscient non pas de telle ou telle valeur éthique concrète mais explorer la forme même de tout jugement. C’est voir par le jeu de qualités et d’imperfections ce que cela veut dire d’évaluer. Nous vivons tout cela chaque fois que nous façonnons une œuvre ; nous vivons tout cela chaque fois que nous y portons notre regard, un regard qui valorise l’authenticité en tant qu’adéquation. C’est cette expérience vécue de la dialectique du sens et du jugement que j’appelle l’effet métaéthique de l’art16.
Notes
1 Comme on dit dans les séries américaines : « The name has been changed to protect the innocent ».
2 Arnold Berleant, Art and Engagement, Philadelphia, Temple UP, 1991, p. 15, 26.
3 Wayne C. Booth, The Company We Keep : An Ethics of Fiction, Berkeley, University of California Press, 1988.
4 Colette Garraud, « Une esthétique du déplacement », dans Colette Garraud, Michel Guérin et al., François Méchain : l’exercice des choses, Paris, Somogy, 2002, p. 37.
5 Exemple que j’emprunte également à Colette Garraud (qui s’en servait autrement) – voir Garraud, p. 40. Je songe également aux Soffi de Penone.
6 Texte en français disponible uniquement sur un panneau lors de l’exposition. à toutes fins utiles, voici la version anglaise : « Canada’s entry to the 13th International Architecture Exhibition of Venice is Migrating Landscapes… […] The theme of Common Ground resonates with Migrating Landscapes, which questions sociopolitical borders, the migration of people and ideas, and, at its core, exposes attitudes we all hold of others, consciously or unconsciously. At the same time, Migrating Landscapes proposes questions about contemporary architecture that is practiced cross-culturally and negotiated across political and social borders. As more and more people move around the globe, the issue of im/migration is more important than ever… In spite of people’s increased mobility, many countries are becoming less willing to welcome new immigrants. […] MLO has designed a wooden exhibition infrastructure that acts as an abstract and “new landscape” onto which each architectural “dwelling” is “settled,” representing a first act of immigration. […] the topography celebrates our differences and reveals our cultural multiplicity ». Voir MLO Architecture, dans Paolo Baratta, David Chipperfield et al., Common Ground. Biennale Architecture 2012, Venise, Marsilio, 2012, p. 176.
7 I Musici Veneziani. Voir http://www.imusiciveneziani.com/.
8 Je songe bien évidemment ici à Joyce qui avait poussé la réception littéraire à ses limites dans Finnegans Wake.
9 Le lien entre mon écrivain savoyard et les études « Post-Co » est peut-être plus étroit que l’on pourrait penser à première vue. Selon bon nombre de Savoyards actuellement, les deux Savoie ont été colonisées par la France et méritent désormais leur indépendance.
10 Voir Richard Leydier (dir.), I Have Nothing to Say. Interviews with Anish Kapoor, Paris, RMN, 2011, p. 41-42.
11 « Anish Kapoor avec William Furlong », dans Leydier, p. 30-31.
12 à ma connaissance, il n’existe pas d’instructions détaillées pour la réalisation de cette œuvre dans un nouveau lieu.
13 « Conversation between curator Marcello Dantas and Anish Kapoor », ‘Ascension’, Rio de Janeiro/Brazil/San Paulo 2006-2007, voir http://c4gallery.com/artist/database/anish-kapoor/anish-kapoor-interview-1000-names.html.
14 Alain Badiou, « Esquisse pour un premier manifeste de l’affirmationnisme », dans Ciro Giordano-Bruni (dir.), Utopia 3 : La question de l’art au 3e millénaire, Paris, GERMS (Université de Paris 8), 2002, p. 18, 22.
15 Je songe ici à un certain nombre d’ouvrages ou de colloques récents sur ces thèmes.
16 Voir (par exemple) Ronald Shusterman, « Ce qui se vend, ce qui arrive, et ce qui explose : théories de la valeur après la “fin” de l’art », Revue des sciences humaines, no 283, 2006, p. 193-208 et « Olafur Eliasson et la métaéthique de l’art », Nouvelle revue d’esthétique, no 6, 2010, p. 101-112.
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Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Ronald Shusterman, « Shooting into the Corner : Anish Kapoor et l’authenticité de l’aléatoire », Noesis, 22-23 | 2014, 109-125.
Référence électronique
Ronald Shusterman, « Shooting into the Corner : Anish Kapoor et l’authenticité de l’aléatoire », Noesis [En ligne], 22-23 | 2014, mis en ligne le 15 juin 2016, consulté le 25 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/noesis/1892 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/noesis.1892
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