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De l’acceptabilité du discours sur le faux. Deux cas : Hans Van Meegeren et Elaine Sturtevant

On the Acceptability of a discourse on falsehood. Two cases: Hans Van Meegeren and Elaine Sturtevant
Ondine Bréaud-Holland
p. 91-107

Résumés

L’article propose une réflexion autour de deux personnages qui, à deux moments-clés du xxe siècle, ont pratiqué un art du « faux », de façon quasi inversée sur les plans moral et artistique : Hans Van Meegeren et Elaine Sturtevant. Après un exposé de leurs pratiques comme de leurs destins, il tente de montrer comment ont fonctionné des systèmes de légitimation de formes artistiques a priori problématiques, en produisant des effets parfois logiques, parfois contradictoires ; et comment des contextes idéologiques mais surtout une phraséologie bien précise à laquelle ont participé les protagonistes eux-mêmes, ont permis l’instauration d’œuvres profondément ambiguës où des valeurs telles que l’engagement, l’intégrité, voire l’authenticité, sont restées, en dernière analyse, essentielles.

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Texte intégral

1Pour répondre à l’intitulé « éthique et esthétique de l’authenticité », j’ai pensé proposer une réflexion autour de deux personnages qui, à deux moments du xxe siècle, ont pratiqué un art du « faux » de façon quasi inversée sur les plans moral et artistique. Voyant en eux en quelque sorte la figure d’un chiasme, j’ai voulu mettre en relation Hans Van Meegeren, l’illustre faussaire des années d’avant-guerre, auteur véreux de « Vermeer » originaux, et Elaine Sturtevant, la célèbre « copiste » des années 1970, auteur sincère de doubles presque parfaits d’œuvres de son temps (Oldenburg, Stella, Warhol, etc.). J’ai souhaité revenir sur leurs pratiques comme sur leurs destins, ahurissant pour le premier, inattendu pour le second. Comment des systèmes de légitimation de formes artistiques a priori problématiques, le faux d’un côté, la copie de l’autre, ont-ils fonctionné à deux reprises, en produisant des effets parfois logiques, parfois contradictoires ? Comment des contextes, pour ainsi dire, idéologiques mais surtout une phraséologie bien précise ont-ils permis l’instauration d’œuvres profondément ambiguës où des valeurs telles que l’engagement, l’intégrité, voire l’authenticité resteront, en dernière analyse, essentielles ? Comment les instigateurs de ces « œuvres-limites », à l’étrange ontologie, monstrueuse si l’on veut, ont-ils su, par le pouvoir de l’argumentation, retourner la situation en leur faveur ? Voilà ce que j’ai examiné, dans la mesure où Hans Van Meegeren comme Elaine Sturtevant ont eu l’occasion, de belles occasions même, de défendre leur travail.

1. Je vous peindrai un original

  • 1 Selon les ouvrages, les titres des tableaux de Van Meegeren varient. Ainsi, on peut trouver Supper (...)
  • 2 « C’est un moment merveilleux dans la vie d’un passionné d’art lorsqu’il est brusquement confronté (...)
  • 3 Sur la question de l’élaboration du « I. V. Meer », ibid., p. 127-131.

2Commençons par un rapide retour sur la célèbre supercherie de Van Meegeren. Nous sommes en 1937 et apparaît sur le marché un tableau (Le Christ à Emmaüs 1) que l’éminent critique d’art, Abraham Bredius, non seulement déclare, contre l’avis des experts américains, un authentique Vermeer, mais encore perçoit comme un miracle : avec sa facture caravagesque d’une part et son thème religieux d’autre part, le tableau vient corroborer la thèse fraîchement défendue selon laquelle le maître de Delft n’aurait pas réalisé que des scènes d’intérieur. Inutile de revenir sur la célèbre déclaration de Bredius qui s’extasie devant la toile2. Or il s’agit d’un faux que Van Meegeren a peint lui-même après avoir mis au point, entre autres, des techniques de vieillissement accéléré des matériaux, et longuement réfléchi à ce qui pourrait emporter la décision des spécialistes : la trace d’une signature probante par exemple3. Or la supercherie n’aurait jamais été découverte, si Van Meegeren n’avait été obligé d’avouer son délit.

  • 4 Une quarantaine de toiles sont connues à l’époque.
  • 5 Grâce à The Rembrandt Society pour la somme de 520,000 guilders (soit 3,9 millions de dollars). Sur (...)
  • 6 Il arrive de trouver : Christ in the temple ou The Young Christ Teaching in the Temple.

3Second retour en arrière : nous sommes maintenant en 1945 et la police néerlandaise trouve dans la collection privée du maréchal Goering un Vermeer inédit (Le Christ et la femme adultère). Compte tenu de la rareté de l’œuvre du maître flamand4, elle ouvre une enquête qui la mène rapidement à Van Meegeren dont nul n’ignore les activités de marchand d’art. Livrant des explications bien peu convaincantes sur l’origine de la toile, et se gardant bien de dire qu’il en est l’auteur, Van Meegeren se voit alors accusé d’avoir fait fuir en Allemagne un patrimoine artistique inestimable (haute trahison !) et encourt la peine maximale. Or, à la perspective du verdict, le suspect préfère clamer « son innocence à travers sa culpabilité » en déclarant qu’il est l’auteur de plusieurs faux : celui déniché dans les réserves du maréchal mais surtout Le Christ à Emmaüs qui, après avoir été acheté à prix d’or, est entré dans les collections du musée Boijmans à Rotterdam5. Mais, comme les juges doutent de la sincérité de Van Meegeren (l’individu est connu pour ses mœurs dissolues !), il leur soumet une idée : il peindra sous leurs yeux une œuvre dont il n’existe aucun antécédent. Défi que le faussaire remporte au bout de deux mois environ, après avoir réalisé, devant témoins et dans un atelier prévu à cet effet, une « nouvelle toile du maître », une toile au titre encore plus provocateur que les précédents Jésus parmi les docteurs 6.

  • 7 Par exemple : L. Guarnieri, La double vie de Vermeer, op. cit. ; F. Wynne, I Was Vermeer : The Rise (...)
  • 8 Alfred Lessing, « What is Wrong with a Forgery », The Journal of Aesthetics and Art Criticism, vol. (...)
  • 9 Nelson Goodman, « Art et authenticité », Langages de l’art, Jacqueline Chambon, 1990.
  • 10 Denis Dutton, « Artistic Crimes », Arguing about Art, 2002, et The Forger’s Art and the Philosophy (...)

4Les faits ainsi résumés, venons-en aux principaux arguments qui furent à l’origine de la réhabilitation du faussaire. Pour mieux les saisir, c’est naturellement vers les enquêtes historiques que je me suis tournée, biographies et autres récits. Ils se sont d’ailleurs multipliés ces dernières années, avec l’ambition déclarée de rétablir la vérité sur le personnage et de remonter aux sources de sa légende – à vie de faussaire, narration falsifiée7 ! Ce qui signifie que j’ai écarté de mon analyse, à quelques exceptions près, des textes essentiels comme ceux d’Alfred Lessing8, de Nelson Goodman9 ou de Denis Dutton10 ; textes qui rappellent combien l’affaire Van Meegeren a été profitable pour alimenter une réflexion sur la dévaluation spontanée de la « contrefaçon » et ce qui la justifierait après coup ; ou encore pour repérer des critères qui fonderaient son infériorité. Textes précieux par conséquent sur le plan esthétique mais qui n’évoquent peut-être pas suffisamment la place consentie aux ruses langagières et autres stratégies du faussaire, au moment où le problème du faux et de sa légitimité refaisait surface. Car, comme je l’évoquais en introduction, il semble que la question se pose aussi de l’influence qu’ont eue Van Meegeren et ses défenseurs dans le débat, voire de la manière dont ils n’ont finalement cessé de déplacer ses enjeux : de la valeur artistique de l’objet à celle, morale, de son producteur et vice versa.

5Aussi reviendrai-je sur les deux moments où Van Meegeren eut l’occasion de prendre la parole : lors de son arrestation en 1945, puis lors de son procès en 1947. Regardons la façon dont l’accusé a introduit certaines notions, susceptibles, d’une part, d’invalider tout discours sur le « faux » et, d’autre part, de fabriquer l’image d’un être aux qualités humaines supérieures à la moyenne, bref les principaux arguments qui ont contribué à son salut.

  • 11 « Likewise, and perhaps more tellingly, the entire question of Van Meegeren’s nazi sympathies was s (...)
  • 12 Il s’agit de l’ouvrage Teekeningen 1.
  • 13 J. Lopez, The Man Who Made Vermeers, op. cit., p. 212.

6Premier argument présenté par le faussaire lui-même au moment des interrogatoires de l’été 1945 : le patriotisme. Si l’on en croit l’écrivain Frank Wynne dont l’ouvrage est paru en 2006, Van Meegeren se serait en effet présenté comme un résistant. En fait, ce fut la presse (le Saturday Evening Post publia The man who swindled Goring) qui s’empara de cette idée plutôt que la justice, bien trop consciente du passé trouble de l’individu11. Quant à savoir pourquoi Van Meegeren fut érigé en héros national alors que tout allait à l’encontre de cet honneur (sa rencontre probable avec Alois Miedl, sa signature dans la copie d’un ouvrage ayant appartenu à Hitler12, etc.), on peut avancer la thèse d’un besoin national de catharsis. C’est en tout cas celle qu’a proposée Jonathan Lopez, dans un ouvrage de 200913.

  • 14 « To paint a copy is no proof of artistic talent. In all my career I have never painted a copy ! », (...)
  • 15 Pour Denis Dutton, le style de Hans van Meegeren aurait davantage à voir avec celui des expressionn (...)
  • 16 Voir D. Dutton, « Artistic Crimes », The British Journal of Aesthetics, no 19, 1979, p. 304-314.
  • 17 « I must confess, sir, that we find your œuvre excellent, indeed it is phenomenal », « our search f (...)
  • 18 Il s’agit de Daniel George van Beuningen avec l’assistance de l’historien Jean Decoen.

7Deuxième argument : une disposition à la peinture, voire un certain génie, qui s’exprime dans le fait que les œuvres de Van Meegeren ne sont jamais des copies. Idée que l’on retrouve dans une déclaration du faussaire au moment de la première accusation : « Peindre une copie n’est pas preuve de talent artistique. De toute ma carrière, je n’ai jamais peint la moindre copie ». « Je vous peindrai un original, une nouvelle toile dans le style de Vermeer… », « Mais je vous peindrai un chef-d’œuvre »14. On se demande ici si le fait que Van Meegeren ait peint en direct, dans une situation de « flagrant délit », pour le coup nécessaire, n’a pas agi sur la perception esthétique de son travail. Car il restera, somme toute, de l’ordre du pastiche15. Plus exactement, on peut se demander si, en réalisant une « performance » avant la lettre, acte authentique par excellence selon Alfred Lessing16, Van Meegeren n’aurait pas influencé le jugement du public, l’incitant à voir en lui un artiste plus qu’accompli. Même si elles contiennent une part d’ambiguïté, les déclarations de Paul Coremans, directeur du laboratoire de chimie des Musées nationaux en charge de l’enquête, appuient cette hypothèse : « Je dois confesser, Monsieur, que nous trouvons votre œuvre excellente, en effet elle est phénoménale », « Notre quête de vérité et de beauté nous a aveuglés et trahis »17. Toujours sur la question de la suprématie de Van Meegeren et de ses œuvres, il est intéressant de remarquer le refus, par certains collectionneurs et experts de l’époque18, d’accepter que le Christ à Emmaüs et La Cène, autre tableau du faussaire, ne fussent pas des Vermeer ; déni explicable d’un point de vue psychologique (reconnaître les faits, c’était reconnaître avoir été bernés), mais que l’on peut aussi interpréter comme un geste à l’encontre de tous ceux qui avaient opéré une sorte de transfert d’aptitude du maître flamand à l’habile créateur de tableaux trompeurs. Enfin, il convient de rappeler le processus de muséification dont ses toiles furent l’objet. Accrochées sur les murs de la salle d’audience, nul doute qu’elles relevaient d’emblée de l’Art !

8Troisième argument qui va dans le sens du précédent et dont on peut penser qu’il a, lui aussi, brouillé le jugement des œuvres de Van Meegeren : l’expertise technique dont « l’artiste » a fait preuve pour fabriquer ses faux. Une bonne partie du procès l’a largement montré, sous couvert d’épreuve vérificative ; je pense au long processus d’explication des procédés mis au point par Van Meegeren pour abuser ses pairs, « intoxiqué » non plus par la térébenthine – pour reprendre la formule qu’employait Duchamp à propos des peintres classiques –, mais par la résine de phénol formaldéhyde. Rien d’étonnant alors que Jacques Van Meegeren ait déclaré au moment de la mort de son père :

  • 19 « Too many young artists think that skillful drawning and command of painting techniques are no lon (...)

Trop de jeunes artistes pensent qu’il n’est plus nécessaire pour devenir un honnête artiste de posséder une expertise technique en dessin et en peinture. Ils feraient bien de prendre exemple sur mon père19.

  • 20 Je fais allusion au célèbre âne Boronali, auteur, s’il en est, de Coucher de soleil sur l’Adriatiqu (...)

9Ce qui pourrait ressembler à un acte de provocation, sinon d’ignorance par rapport au travail entrepris par les avant-gardes, pour « dés-amalgamer » des notions encore solidaires, pour démanteler un système de valeurs, quitte à faire appel à un âne barioleur20.

  • 21 Dirk Hannema, le directeur du Boijmans Museum, D. A. Hoogendijk, l’intermédiaire et marchand d’art, (...)

10Van Meegeren intelligent ? Cela va sans dire, notamment dans la manière dont il défia la critique. Cette habileté, le procès l’a mise en avant en allant, cette fois, dans le sens d’une modernité qui, avec un esprit plus ou moins rageur, n’avait pas hésité à ridiculiser doctes et docteurs de l’art : rappelons-nous les Incohérents, Dada, les surréalistes, avec leurs parodies des salons, leurs caricatures féroces et leurs systèmes de notation extravagants. De là, l’invitation à la barre des principales victimes de l’escroquerie de Van Meegeren21 pour qu’ils y relatent les faits certes, mais aussi y révèlent leur incompétence. Je ne donnerai qu’un exemple : la confession assez consternante du marchand d’art Hoogendijk :

  • 22 « When I sold The Last Supper to Van Beuningen, my first impression was that it was an extraordinar (...)

Quand j’ai vendu La Cène à Van Beuningen, ma première impression fut que c’était un tableau extraordinaire, et ma première impression est souvent la meilleure22.

  • 23 « The defendant’s character leads to sensitiveness to criticism, fed by a revenge complex which exp (...)
  • 24 Thierry Lenain a bien montré comment Van Meegeren, contrairement à d’autres faussaires, avait chois (...)

11Or ce qui est intéressant, c’est que se dissimule, à l’intérieur de ce quatrième argument, un cinquième plus efficace encore : la « pensée calculante » – pour paraphraser Heidegger – de Van Meegeren n’aurait existé qu’à son corps défendant. Autrement dit, s’il réalisa des faux, ce fut pour des raisons de revanche personnelle, voire de survie en tant qu’artiste, et certainement pas pour d’autres motifs. Par nécessité intérieure ! Je passerai sur la citation de Van der Horst qui fut appelé à la barre23 en tant que psychiatre, pour privilégier celle de Van Meegeren rappelant combien la critique avait été sévère à son égard au début de sa carrière, alors qu’il peignait dans un style qui ne correspondait pas à celui de ses contemporains24.

  • 25 « Your Honour, I had been so slandered by the critics that I couldn’t exhibit my own work any longe (...)

Votre Honneur, j’ai été calomnié par la critique et il ne m’était plus possible d’exposer mon propre travail. La critique qui ne connaissait rien à l’art m’a systématiquement, cruellement détruit25.

  • 26 « So you acted entirely without thought for financial gain ? Judge Boll’s voice scoured the depths (...)
  • 27 Par exemple chez Armand Colin dans le Vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines, (Loui (...)

12Et, de cette situation que je qualifierais volontiers de pur pathos, Van Meegeren réussira à arguer que sa seule motivation fut le désir de peindre selon des techniques sophistiquées, et nullement de s’enrichir – je passe la citation où il va jusqu’à invoquer un acte désintéressé26. Ce qui nous ramène, d’une certaine façon, à la définition assez commune de l’artiste authentique, considéré comme un être qui résiste aux diktats de son époque et reste indéfectiblement fidèle à lui-même, définition qui perdure aujourd’hui dans certains dictionnaires de la philosophie et des sciences humaines27.

  • 28 Ne serait-ce que par son titre qui rappelle l’épisode où le Christ apparut à deux disciples, le jou (...)

13Il serait intéressant d’entrer dans telles interprétations du Christ à Emmaüs en tant que tableau autobiographique28, comme d’explorer ce que pourrait bien signifier sur le plan psychanalytique « ce mode d’être » qui passe par l’autre. De même qu’il serait passionnant de confronter le cas Van Meegeren à la pensée existentialiste, naissante à l’époque, dans le problème qu’il pose en tout cas à la double question de l’identité et de la liberté. Pour ne pas m’éloigner de ma problématique, j’insisterai seulement sur le fait que l’ensemble des arguments invoqués par Van Meegeren ou par sa défense, tout comme l’attitude somme toute bienveillante des juges à son égard, lui vaudront la faveur d’être condamné à un an, à un an seulement ! d’emprisonnement. Pouvoir des mots et des idées opérant des va-et-vient entre conceptions traditionnelles, voire romantiques de l’art et de l’artiste, et conceptions plus modernes. Pouvoir du langage de faire remonter à la surface des catégories esthétiques (pas de copies, rien que des originaux !) et morales (résistance, courage…) encore bien installées dans le régime de pensée d’une époque. Pouvoir d’un étrange complexe verbal où la question de la valeur intrinsèque des œuvres-limites deviendra accessoire en fin de compte par rapport à celle du pouvoir de l’artiste de nous faire croire en la véracité de ses propos. Ce qui me permet de passer à la seconde partie de cet exposé.

2. Je vais prétendre être l’artiste

  • 29 Elaine Sturtevant récuse le terme, elle déclare par exemple : « Penser la copie par rapport à cette (...)
  • 30 C’est le cas de Warhol qui lui aurait fourni certains de ses écrans de sérigraphie.

14Van Meegeren avait réalisé des faux de qualité discutable en réussissant à faire oublier le caractère vénal de son entreprise. Si on l’érigea en héros, pourquoi a contrario Elaine Sturtevant, à peine vingt ans plus tard, fut-elle quasiment contrainte de cesser son activité d’artiste alors qu’elle ne faisait a priori rien de répréhensible ? Rien de condamnable, du moins, en comparaison de ce qui s’était passé quelques années plus tôt. Car, chez elle, tout semblait « honnête », dénué de ce malin génie qui avait fait la renommée, et paradoxalement la gloire, du faussaire néerlandais. J’entends par là le désir chez elle de réaliser, de façon quasi artisanale ou manuelle, lorsque cela était possible, des « copies »29 des œuvres de ses contemporains avec, dans bien des cas, leur approbation30 et la mention de leur nom dans le titre même de ses travaux. Totale transparence donc, souci de déontologie !

  • 31 « Pour les Black Paintings de Stella, la composition chimique de la peinture avait été modifiée, ce (...)
  • 32 Catalogue raisonné 1964-2004, 2 vol., Ostifildern-Ruit, Hatje Cantz Verlag, 2005.
  • 33 épisode narré maintes fois. « Famously, Andy found Elaine’s idea fabulous, lending her his skikscre (...)
  • 34 B. Blistène, « Label Elaine », dans Catalogue raisonné 1964-2004, op. cit., p. 36.

15La démarche d’Elaine Sturtevant supposait également le respect, à quelques écarts près, du format de l’œuvre de référence, re-produite alors de mémoire, ainsi que de ses matériaux constitutifs31, qu’il s’agisse de plâtre ou de peinture acrylique, d’objets manufacturés ou d’une portion du réel : si l’on s’en tient au catalogue raisonné de son œuvre32, de 1965 à 1974 l’artiste aurait réalisé de nouveaux exemplaires des œuvres sérigraphiques de Warhol, lequel lui aurait fourni le matériel nécessaire33, mais également un double du film Empire. On note aussi des « faithful reproductions »34 – selon sa propre expression – des peintures concentriques de Stella, des drapeaux de Jasper Johns et des comic strips de Lichtenstein, mais aussi des répliques des sculptures de Georges Segal et des objets en papier mâché de Claes Oldenburg, ceux présentés dans son célèbre Store qui était alors situé à quelques « blocs » seulement de la galerie Bianchini où elle fit sa première exposition. Je pourrais ajouter à cette liste non exhaustive un double de Peinture haute tension de Martial Raysse, des « copies » des sculptures de Duchamp et – travail déjà plus problématique – de ses readymade, enfin la réactivation de certaines performances de Beuys où elle se met directement en scène.

  • 35 En effet, ce n’est que vers le milieu des années 2000 que les œuvres d’Elaine Sturtevant acquirent (...)
  • 36 Voir A. E. Lamn, « As brave as a blizzard », art. cit., p. 260.

16De cet ensemble d’œuvres, retenons donc l’idée d’un acte de création ou de re-création à partir de « modèles » existants mais surtout celle d’un geste désintéressé, en ce sens qu’Elaine Sturtevant ne cherchait ni à s’enrichir aux dépens d’autrui ni à tromper qui que ce fût, comme Van Meegeren en avait eu le dessein envers l’éminent Bredius : dans un entretien avec Peter Halley, elle déclare n’avoir rien vendu à l’époque35 et, comme le remarque April Elizabeth Lamm36, on se demande bien ce que les galeristes auraient pu avancer en faveur de ces piètres et honnêtes répliques – elles portaient au dos le nom de leur exécutrice – d’œuvres d’artistes vivants.

  • 37 Même si Sturtevant ne voue pas un culte particulier à Duchamp, ce terme me semble convenir à la dém (...)
  • 38 « Le choc émotionnel et intellectuel de la rencontre d’un objet connu qui est alors nié dans son co (...)
  • 39 Voir sur les approches respectives de Nelson Goodman et Arthur Danto, Denis Dutton, « Forgery and P (...)
  • 40 Voir l’interview UBS Openings : Saturday Live : Sturtevant : Modes of Thought, [en ligne], http://w (...)
  • 41 « The work was not something that just popped into my head, it was a result of very long thinking » (...)
  • 42 Voir l’interview par Tony Benn, dans Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking, op. cit., p. 274.
  • 43 Je pense au texte Culte du génie par vanité (chapitre IV « De l’âme des artistes et des écrivains » (...)

17L’objectif était ailleurs : il s’agissait de provoquer l’étonnement du « regardeur »37, une réaction d’ordre esthétique et cognitif pour ainsi dire38 – qui rappelle, sans que Sturtevant s’y réfère jamais, les réflexions de Nelson Goodman puis d’Arthur Danto sur le moment où la perception de l’œuvre s’infléchit au contact de l’information donnée sur son statut39. Il fallait produire chez celui qui regarde une inquiétude et, plus encore, un questionnement intime sur le fond où l’œuvre d’art s’origine40 ; ce que Sturtevant appelle aujourd’hui « la structure sous-jacente de l’art ». Et, pour se convaincre du sérieux de l’artiste, il suffit de revenir sur quelques-unes de ses déclarations, notamment : « Le travail n’avait pas jailli de ma tête, juste comme ça ; il était le résultat d’une très longue réflexion »41. Pensée nourrie, il faut le préciser, par la lecture de textes philosophiques classiques allant de Kant à Nietzsche, en passant par Spinoza et Schopenhauer42, du moins si l’on en croit l’artiste à propos de ce moment fondateur de son art. Car, à mon sens, des zones d’ombre subsistent quant à la nature exacte des textes qu’elle aurait lus avec ferveur : certains passages de Humain trop humain 43 par exemple permettraient de mieux comprendre sa conception anti-romantique du génie. Mais c’est une autre question…

  • 44 « L’intention était de développer des questions actuelles en esthétique, de sonder les concepts et (...)
  • 45 Voir l’entretien avec Peter Halley, dans Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking, op. cit., p. 26 (...)
  • 46 Voir, entre autres, l’interview par Joerg Bader, « Elaine Sturtevant, l’éternel retour des chefs-d’ (...)

18Aussi « nobles », au sens intellectuel du terme44, que fussent les intentions de l’artiste, elles ne furent donc d’aucun poids, d’aucune valeur extrinsèque, pour empêcher le phénomène d’épouvantable hostilité – pour la citer encore45 – qui se développa à l’égard de sa production. Elaine Sturtevant avait tout de même l’ambition de dépasser l’expressionnisme abstrait, ainsi que ce courant qu’elle semblait pourtant affectionner, le pop art, l’un comme l’autre restant, à ses yeux, encore trop attachés à la « surface des choses »46.

  • 47 Comme le fait très justement remarquer Anaël Lejeune dans son article « Elaine Sturtevant, petite l (...)
  • 48 Anne Dressen a bien souligné cette ambiguïté. « Ainsi en va-t-il de la question de la subjectivité (...)

19Quant aux raisons de son rejet, on peut en invoquer plusieurs. Et déjà l’idée que la présence du Moi – ce Moi que Van Meegeren avait offert comme preuve de sa bonne foi au moment de son accusation – fonctionnait encore comme un impératif esthétique dans les années 1960 et 1970. Cela, malgré des tentatives comme celle de Donald Judd pour défaire ce qu’il restait de l’expressionnisme abstrait47 et engager la réflexion autour d’objets non personnalisés, minimalistes. Encore faudrait-il nuancer le propos pour l’artiste « copiste », en creusant par exemple la question du travail manuel et prétendument de mémoire, lequel engagerait un processus de subjectivation important48 ; le fait qu’Elaine Sturtevant ait fait disparaître peu à peu son prénom de sa signature, ne changeant, sur ce point, pas grand-chose à l’affaire.

  • 49 Au sens où le concept de copie aurait une valeur ontologique.
  • 50 « Years ago, people use to say, “oh my god, this is terrible, this is a copy, this is bad” », Entre (...)
  • 51 Anne Dressen est conservateur au Musée d’art moderne de la Ville de Paris et commissaire de l’expos (...)
  • 52 Voir « Les Faux mirages de Sturtevant », dans Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking, op. cit.

20Sturtevant, en l’occurrence, répète souvent : « le procédé est crucial mais pas important ». Une autre raison de son discrédit serait à chercher dans la supériorité, à l’époque, de la notion d’inventivité par rapport à celle de mérite artistique, valeur à laquelle, même si elle en minimise l’idée, elle n’aurait pas renoncé. Pour dire les choses autrement, le concept de copie, malgré son historicité, manquait de consistance. Pas encore assimilé par les instances de l’art des années 1960 et 1970 comme un concept clé au plan esthétique (ou d’une philosophie de l’art49), il n’avait, ai-je envie de dire, éclos qu’à moitié. Cet état d’esprit retardataire, – « retard mental » dit-elle –, Sturtevant le reconnaît aujourd’hui sans y apporter de commentaires particuliers si ce n’est que : « Il y a des années, les gens disaient, oh ! mon dieu, c’est terrible, c’est une copie, c’est mal »50. Elle le reconnaît, tout en laissant à d’autres le soin de raffiner l’analyse : je pense à Anne Dressen51, citant au passage Rosalind Krauss et la manière dont la modernité s’est constituée autour du mythe de l’originalité52.

  • 53 Comme le dit Sturtevant dans un texte paradoxalement assez critique, sur Duchamp, où elle précise q (...)
  • 54 « Je pense que ce serait vraiment fantastique si davantage de gens utilisaient les écrans de sérigr (...)
  • 55 Catalogue fort précieux en ce qu’il permet d’accéder aux textes d’Elaine Sturtevant ainsi qu’aux en (...)
  • 56 Udo Kittelman la présente par exemple comme « a figure of outstanding signifiance in the art histor (...)

21Que fallait-il donc pour que Sturtevant sorte de l’ombre, que son retrait relève d’une attitude duchampienne ou non ? Que fallait-il pour que la caution intellectuelle et même morale qui lui manquait soit reversée au bénéfice non pas du doute mais de la foi en sa pleine appartenance au monde de l’art ? – certains de ses travaux avaient été pris pour des plaisanteries ou bien des exercices d’autosatisfaction. Que fallait-il pour que paraisse soudainement sensé ce qui, dix ans auparavant, avait semblé ridicule voire absurde ? Et ce, en dépit des propositions de Duchamp sur « l’abandon de la créativité »53, et de Warhol sur la répétition, sans parler de ce que ce même Warhol avait intenté à la notion d’ « auctorialité »54 ? Autrement dit, Sturtevant avait été refoulée du monde de l’art dans les années 1970 malgré son charisme et son aplomb. Comment expliquer qu’elle devint, à partir du milieu des années 1980, une artiste régulièrement exposée et même célébrée ? Au MMK de Francfort en 2004 qui lui consacra une exceptionnelle exposition monographique (The Brutal Truth), à la Tate Modern qui l’invita en 2008 (Modes of Thought), au Musée d’art moderne de la Ville de Paris qui lui dédia un solide catalogue en 2010 55 (Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking), et surtout à Venise où elle reçut le Lion d’Or en 2011, comblant sans doute de joie ceux qui, dès les années 1990, l’avaient donnée comme une des plus grandes artistes du xxe siècle56.

22Que s’était-il produit pour que les choses s’inversent à ce point ? Un changement de paradigme, de toute évidence, qui tient à deux facteurs.

  • 57 Voir le film de Judith du Pasquier Elaine Sturtevant plasticienne (L’art et la manière), diffusé le (...)

23D’une part, l’installation de pratiques dites conceptuelles et surtout de relations de plus en plus ténues entre le domaine de la création artistique et celui de la philosophie, avec, en tête de liste, des penseurs comme Deleuze et Foucault (fameux « assujettissement philosophique de l’art » !). Et il va de soi que de telles pratiques conceptuelles et intellectualistes permettent alors de regarder sous un autre angle les œuvres de Sturtevant et surtout de considérer rétrospectivement avec grand intérêt les traductions langagières qu’elle proposait de leurs enjeux : même si ses principaux textes ont été rédigés dans les années 1990 et 2000, on notait très tôt chez elle un désir de questionner les choses. C’est du moins ce que rapporte Taddaeus Ropac dans une interview où il revient sur la visite qu’il lui fit dans son atelier de New York en 1985 57.

24Quant au second facteur, il consisterait en l’émergence, au début des années 1980, d’un mouvement tout entier tourné vers la question de la reproductibilité des choses en général et de l’art en particulier : le simulationnisme que l’on rencontre aussi sous le nom d’appropriationnisme. Ce courant, je le rappelle, reprend à son compte certaines thèses de Baudrillard et propulse dans le monde de l’art des photographies de photographies, les fameux « after » de Sherrie Levine, ou encore, pour citer cette fois-ci le travail de Richard Pettibone, des tableaux à échelle réduite de toiles que Sturtevant avait déjà reproduites dans les années 1960 et 1970. Bref, il met sur le devant de la scène toute une série d’œuvres « secondes » rendant a posteriori dignes d’intérêt celles prémonitoires de cette tendance duplicatoire.

  • 58 Voir le reportage diffusé sur internet à l’occasion de l’exposition « L’Abécédaire de Gilles Deleuz (...)
  • 59 Je pense à Anne Dressen qui a eu l’amabilité de me recevoir à Paris pour me parler du travail d’Ela (...)

25Aussi, parmi les arguments ayant contribué à sa reconnaissance historique, peut-on citer une intelligence anticipatrice. Propos sur lequel Sturtevant, loin de le contredire, va jusqu’à renchérir en déclarant, par exemple, avec bravoure, avoir devancé Différence et répétition de Deleuze58 ! Or, à cette faculté, certains connaisseurs pointus de son œuvre59 ajoutent une capacité de jugement hors pair qui, d’une certaine manière, pointerait non pas les incompétences de la critique comme dans l’affaire Van Meegeren, mais plutôt ses insuffisances : je citerai comme exemple la Fat Chair de Beuys que Sturtevant aurait reproduite en 1974, soit cinq ans avant que le Guggenheim ne consacre à l’artiste allemand une importante rétrospective.

  • 60 « Well, she is definitely somewhere else : different issues and concerns », Sturtevant interviewée (...)
  • 61 J’évoque ici son apparition, à la Tate Modern en 2008, UBS Openings : Saturday Live : Sturtevant : (...)
  • 62 Sur « l’épisode » Kiefer et la rencontre entre les deux artistes, voir l’interview Gerd de Vries-Le (...)
  • 63 « Art contemporain et fabrication de l’inauthentique », Terrains, no 33, septembre 1999.

26Un regard particulièrement aiguisé et une prescience des phénomènes à venir, voilà l’explication. à ce double argument, j’en ajouterai un d’ordre différent : l’esprit d’indépendance de Sturtevant qui ne cessera d’insister sur sa non-appartenance à l’art conceptuel et surtout sa non-participation – elle se situerait ailleurs – aux efforts des simulationnistes : « problématiques et préoccupations différentes »60, dira-t-elle au sujet de Sherrie Levine. Et cela, en ne changeant jamais rien au propos, c’est-à-dire en répétant mot pour mot son discours, au cours d’interviews qu’elle rejouera d’une salle de conférences à l’autre61. Or, s’il fallait chercher la preuve de la fidélité de Sturtevant à elle-même, ce serait, je crois, dans la présence de nouvelles « copies » d’œuvres déjà reproduites par elle, comme ces mêmes Stella au début des années 1990, alors qu’entre-temps l’artiste avait changé de style. Ou encore dans la présence de copies d’œuvres pas encore entrées dans son champ d’action. Je pense aux « tags » de Keith Haring qui surgissent au milieu des années 1980, aux sculptures en plomb d’Anselm Kiefer qu’elle reproduit, dixit Kiefer, avec un étonnant esprit de pénétration62, aux installations de Félix Gonzáles-Torres qui lui permettraient, sans trahir la pensée de l’artiste aujourd’hui décédé, d’endosser le rôle, modeste, d’assistant. Jeu, soit dit en passant, avec des pratiques, courantes aujourd’hui, où la création de l’œuvre se voit confiée à d’autres que l’artiste, comme l’a montré Nathalie Heinrich dans un texte sur la fabrication de l’inauthentique dans l’art contemporain63.

27Persistance donc de Sturtevant à répéter les mêmes gestes selon la même logique, c’est-à-dire avec le souci, si tant est qu’on puisse la suivre dans ses raisonnements, d’articuler objet immanent et activité de la pensée, visibilité et puissance de l’art, énigme de son origine et persistance du matériau, le tout répondant à la conviction – c’est mon hypothèse – qu’il existerait finalement un bon usage, au sens philosophique du terme, du double. Car une menace pointait à l’horizon, qui allait retirer à ce dernier son pouvoir et sa force subversive : le numérique. Lequel allait progressivement pousser Sturtevant à abandonner sa démarche de copiste tombée pour ainsi dire dans une impasse, pour développer celle d’auteur à part entière ; mais sans pour autant renoncer à exposer les œuvres qui relevaient de cette démarche principielle. Ce fut, du moins, le cas au Moderna Museet de Stockholm où elle exposa au cours de l’été 2012.

28Ainsi, l’on pourrait expliquer l’estime manifestée à Sturtevant au tournant des années 1980-1990 et les honneurs dont on la gratifie aujourd’hui, par le maintien d’une attitude engagée. La revendication d’un geste inaugural, fort et courageux, signe d’une personnalité somme toute intègre et « authentique ». Cette ligne de conduite, elle s’emploiera à en parler dans des écrits dont le statut reste à définir mais dont la quantité la hisse peu à peu au rang d’essayiste. Je ne m’aventurerai pas dans l’étude de ces textes parsemés de formules alliant couples de concepts (intérieur/extérieur, visibilité/invisibilité, etc.) et réflexions sur des problèmes aussi vastes et complexes que celui de la ressemblance ou de l’imitation.

  • 64 « La résolution d’utiliser d’autres œuvres d’art comme autant de catalyseurs potentiels pour mettre (...)
  • 65 à titre d’exemple, voir « La copie sans origine : le moi en tant que disparition », dans Sturtevant (...)
  • 66 Ainsi, pour Stéphanie Moisdon, une « artiste qui a toujours considéré avec la plus grande netteté l (...)
  • 67 Un exemple toutefois, la rencontre d’Elaine Sturtevant avec le public au Walter Art Center en avril (...)
  • 68 Voir l’article de Stéphanie Moisdon « Sturtevant, Vertical Monad », texte repris dans « Image over (...)

29Je n’irai pas plus loin dans l’analyse de ces écrits nourris d’une assez haute estime de soi64 mais aussi d’un esprit quasi moralisateur : j’entends par là les prises de position de Sturtevant à l’égard du monde actuel tombé sous le régime de la stupidité, de la haine de l’autre, du capitalisme sauvage et des technologies numériques toutes puissantes65. Si leur rhétorique particulière a, de toute évidence, séduit la critique66, il me semble qu’ils appellent toutefois une lecture plus rigoureuse que celle qui leur a été réservée jusqu’à présent, à ma connaissance en tout cas67. Au même titre d’ailleurs que les œuvres originales de l’artiste, vidéos principalement, qui fleuriront à partir des années 1990, allant jusqu’à produire chez d’éminents critiques d’art quelques beaux amalgames philosophiques : Spinoza créateur des monades repliées sur elles-mêmes de Leibniz, pour ne prendre qu’un exemple68.

  • 69 Par exemple, Duchamp wanted (1969).
  • 70 Opening-Day Artist Talk : Sturtevant, YouTube [en ligne], op. cit.
  • 71 Fake ? The Art of Deception, British Museum, 1990. Seconde Main, Musée d’art moderne de la Ville de (...)

30Sans tomber dans une entreprise de démolition de l’œuvre de Sturtevant – certains aspects de sa création m’échappant encore – ni prôner un scepticisme radical, je voudrais cependant remettre en question l’authenticité de la parole de l’artiste et, du même coup, des œuvres qui semblent l’avoir requise. J’aimerais la discuter, eu égard non pas au contenu des écrits de Sturtevant ni à la présence des œuvres originales, mais bien aux signes qu’elle insère ici ou là pour nous confondre. D’abord ces titres, placés en frontispice de ses expositions « La pensée tape-à-l’œil » (Paris 2010) et « L’éloge du doute » (Venise 2011) dont on ne peut s’empêcher d’imaginer qu’ils sont réflexifs. Ensuite, ces figures de « criminels »69 qu’elle aime introduire dans son œuvre, notamment celle de John Dillinger dont la légende raconte qu’il réussit à s’échapper de prison grâce à un leurre : un pistolet taillé dans du savon. Enfin, ces moments où l’artiste fait croire en la possibilité d’une fiction, en jouant sur de vieux procédés de mise à distance d’elle-même dans une théâtralité de plus en plus affirmée : « Je vais prétendre être l’artiste », dit-elle dans une interview avec Peter Halley70. Bref, ces signes au sujet desquels on aimerait la questionner pour savoir s’ils relèvent ou non d’une volonté d’ajouter à son panel de réflexions la grande question de l’imposture ; question que Van Meegeren avait réussi à noyer en demandant aux juges, au moment des aveux, de « suspendre leur incrédulité », et qu’elle, Elaine Sturtevant, laisserait en suspens, dans un magnifique état d’indétermination. à moins, pour creuser encore et toujours la question de l’authenticité, que les signes qu’elle distille ne procèdent d’une stratégie bien réfléchie. J’entends par là récupérer « le pouvoir », dans une situation à double entrée où, d’une part, la parole « légitimante » reviendrait moins aux artistes qu’aux autorités extérieures, et, d’autre part, où l’objet douteux, c’est-à-dire la copie conforme, après le faux prétendument honnête, serait devenu l’objet le plus « estimable » au monde : je ne dénombrerai pas les expositions construites, ces vingt dernières années, autour de la présentation d’œuvres sosies, de fac-similés et plagiats en tout genre71, avec, en tête, celle du Boijmans Museum qui, oublieux des affronts qui lui avaient été faits quelque soixante-dix ans plus tôt, consacra en 2010 une rétrospective à Van Meegeren. Encore faudrait-il, pour vérifier si toutes les propositions de Sturtevant sont d’égale valeur et juger de sa croyance en ses propres idées, que son procès ait lieu…

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Notes

1 Selon les ouvrages, les titres des tableaux de Van Meegeren varient. Ainsi, on peut trouver Supper at Emmaus, ou Christ and the Disciples at Emmaus.

2 « C’est un moment merveilleux dans la vie d’un passionné d’art lorsqu’il est brusquement confronté au chef-d’œuvre inconnu d’un grand maître, immaculé, encore sur le châssis d’origine et sans aucune trace de restauration, comme s’il venait de quitter l’atelier du peintre. La magnifique signature I.V. Meer et les pointillés, sur le pain que le Christ s’apprête à bénir, ne font que prouver, si besoin était, qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre – je dirais même du chef-d’œuvre de Johannes Vermeer de Delft… ». L. Guarnieri, La double vie de Vermeer, Arles, Babel, 2007, p. 141.

3 Sur la question de l’élaboration du « I. V. Meer », ibid., p. 127-131.

4 Une quarantaine de toiles sont connues à l’époque.

5 Grâce à The Rembrandt Society pour la somme de 520,000 guilders (soit 3,9 millions de dollars). Sur les modalités de la transaction, voir E. Dolnick, The Forger’s Spell, A true story of Veermer, nazis and the greatest hoax of the twentieth century, New York, Harper Perennial, 2008, p. 198-200.

6 Il arrive de trouver : Christ in the temple ou The Young Christ Teaching in the Temple.

7 Par exemple : L. Guarnieri, La double vie de Vermeer, op. cit. ; F. Wynne, I Was Vermeer : The Rise and Fall of the Twentieth Century’s Greatest Forger, New York, Bloomsbury, 2006 ; J. Jonathan, The Man Who Made Vermeers : Unvarnishing the Legend of Master Forger Han van Meegeren, Boston, Mariner Book, 2008 ; et E. Dolnick, The forger’s Spell…, op. cit.

8 Alfred Lessing, « What is Wrong with a Forgery », The Journal of Aesthetics and Art Criticism, vol. 23, no 4, été 1965.

9 Nelson Goodman, « Art et authenticité », Langages de l’art, Jacqueline Chambon, 1990.

10 Denis Dutton, « Artistic Crimes », Arguing about Art, 2002, et The Forger’s Art and the Philosophy of Art, 1983. Voir M. Thériault, « Faux tableaux, vrais problèmes : la question de la contrefaçon » [en ligne], http://www.uqtr.uquebec.ca/AE/Vol_11/libre/melissa.htm (consulté en septembre 2012).

11 « Likewise, and perhaps more tellingly, the entire question of Van Meegeren’s nazi sympathies was studiously avoided by the crown prosecutor », J. Lopez, The Man Who Made Vermeers, op. cit., p. 218.

12 Il s’agit de l’ouvrage Teekeningen 1.

13 J. Lopez, The Man Who Made Vermeers, op. cit., p. 212.

14 « To paint a copy is no proof of artistic talent. In all my career I have never painted a copy ! », « I shall paint you an original. A new work in the Vermeer style…», « But I shall paint you a masterpiece », F. Wynne, I Was Vermeer…, op. cit., p. 249.

15 Pour Denis Dutton, le style de Hans van Meegeren aurait davantage à voir avec celui des expressionnistes allemands des années 1920 et 1930, qu’avec celui de Vermeer, ainsi les visages d’Emmaus rappelleraient les expressions de Greta Garbo. Voir « Hans van Meegeren », Encyclopedia of Hoaxes, Détroit, Gordon Stein, 1993.

16 Voir D. Dutton, « Artistic Crimes », The British Journal of Aesthetics, no 19, 1979, p. 304-314.

17 « I must confess, sir, that we find your œuvre excellent, indeed it is phenomenal », « our search for truth and beauty blinded and betrayed us », F. Wynne, I Was Vermeer…, op. cit., p. 270.

18 Il s’agit de Daniel George van Beuningen avec l’assistance de l’historien Jean Decoen.

19 « Too many young artists think that skillful drawning and command of painting techniques are no longer necessary to become an honest artist. They would do well to take an example from my father », Art Forgery, Memphis, Books LLC, 2011, p. 31.

20 Je fais allusion au célèbre âne Boronali, auteur, s’il en est, de Coucher de soleil sur l’Adriatique, exposé au Salon des Indépendants de 1910.

21 Dirk Hannema, le directeur du Boijmans Museum, D. A. Hoogendijk, l’intermédiaire et marchand d’art, l’antiquaire De Boer, etc.

22 « When I sold The Last Supper to Van Beuningen, my first impression was that it was an extraordinary painting, and my first impression is often the best ». Ou encore « I walked into a trap. When I saw the painting, I immediately thought of the Emmausgängers. Without the Emmaus, I would never have seen Vermeer’s hand in it, but the most prominent Dutch experts had acclaimed the Emmaus as an extraordinary work ; as a simple art dealer, what was I supposed to think…», F. Wynne, I Was Vermeer…, op. cit., p. 278.

23 « The defendant’s character leads to sensitiveness to criticism, fed by a revenge complex which explains his anti-social tendencies », ibid., p. 279.

24 Thierry Lenain a bien montré comment Van Meegeren, contrairement à d’autres faussaires, avait choisi le camp de la tradition contre une modernité en participant, sans le vouloir, à une attitude post-moderne qui « jouerait » sans scrupule avec des formes historiques de l’art. Voir « Le faussaire, un post-moderne », Les Cahiers du GRIT [en ligne], no 2, 2012, (consulté en novembre 2012).

25 « Your Honour, I had been so slandered by the critics that I couldn’t exhibit my own work any longer. Critics who didn’t know the first thing about art had systematically, spitefully destroyed me », F. Wynne, I Was Vermeer…, op. cit., p. 283.

26 « So you acted entirely without thought for financial gain ? Judge Boll’s voice scoured the depths of incredulity. “I did what I did only out of a desire to go on painting”, Hans replied. “I decided to carry on, not because I wanted to paint forgeries, but simply to make the best use of the technique I had discovered. I hope to use it again, it’s a very fine technique, but I will never again age my paintings or present them as old masters” », ibid., p. 284.

27 Par exemple chez Armand Colin dans le Vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines, (Louis-Marie Morfaux, Jean Lefranc), Paris, 2011.

28 Ne serait-ce que par son titre qui rappelle l’épisode où le Christ apparut à deux disciples, le jour de Pâques (évangile selon Saint Luc).

29 Elaine Sturtevant récuse le terme, elle déclare par exemple : « Penser la copie par rapport à cette œuvre, c’est la rendre impuissante », dans Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking, Paris, Paris Musées, 2010, p. 73.

30 C’est le cas de Warhol qui lui aurait fourni certains de ses écrans de sérigraphie.

31 « Pour les Black Paintings de Stella, la composition chimique de la peinture avait été modifiée, ce qui conférait à l’œuvre une qualité différente. Le problème fut résolu après avoir déniché l’un de ces magasins aux rayons surchargés, de Little Italy. Non parce qu’on y trouvait de vieux pots de peinture noire, mais parce que le commerçant avait un ami à Brooklyn dont la cave était encombrée de vieux pots de peinture noire. Mais c’était un vrai coup de poker » : « Vice Inhérent ou Vice Versa », dans Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking, op. cit., p. 73.

32 Catalogue raisonné 1964-2004, 2 vol., Ostifildern-Ruit, Hatje Cantz Verlag, 2005.

33 épisode narré maintes fois. « Famously, Andy found Elaine’s idea fabulous, lending her his skikscreens so that she could make copies of works that he himself had planned to have produced and reproduced over and over again by the members of his factory. When asked years later how he did, he responded, I don’t remember. Ask Elaine », A. E. Lamm, « As brave as a blizzard », dans Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking, op. cit., p. 260.

34 B. Blistène, « Label Elaine », dans Catalogue raisonné 1964-2004, op. cit., p. 36.

35 En effet, ce n’est que vers le milieu des années 2000 que les œuvres d’Elaine Sturtevant acquirent une valeur marchande. Voir A. Roxana, « Les “appropriationnistes” captés par le marché », Le Journal des Arts, no 228, 2006.

36 Voir A. E. Lamn, « As brave as a blizzard », art. cit., p. 260.

37 Même si Sturtevant ne voue pas un culte particulier à Duchamp, ce terme me semble convenir à la démarche de l’artiste qui, à l’époque, n’intègre pas dans sa production artistique des signes-symboles de la « société du spectacle » dont nous ferions partie.

38 « Le choc émotionnel et intellectuel de la rencontre d’un objet connu qui est alors nié dans son contenu a pour conséquence, si ce n’est un rejet immédiat, un mode de pensée changeant et troublant », «Visibilités intérieures/extérieures », dans Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking, op. cit., p153.

39 Voir sur les approches respectives de Nelson Goodman et Arthur Danto, Denis Dutton, « Forgery and Plagiarism », Encyclopedia of Applied Ethics, San Diego, Academic Press, 1998.

40 Voir l’interview UBS Openings : Saturday Live : Sturtevant : Modes of Thought, [en ligne], http://www.tate.org.uk/context-comment/video/ubs-openings-saturday-live-sturtevant-modes-thought (consulté en novembre 2012).

41 « The work was not something that just popped into my head, it was a result of very long thinking », entretien avec Peter Halley, dans Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking, op. cit., p. 266.

42 Voir l’interview par Tony Benn, dans Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking, op. cit., p. 274.

43 Je pense au texte Culte du génie par vanité (chapitre IV « De l’âme des artistes et des écrivains »).

44 « L’intention était de développer des questions actuelles en esthétique, de sonder les concepts et les limites de l’originalité, de dévoiler l’infrastructure de la peinture et de la sculpture, et d’ouvrir de vastes espaces à la nouvelle pensée », « Visibilités intérieures/extérieures », dans Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking, op. cit., p151.

45 Voir l’entretien avec Peter Halley, dans Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking, op. cit., p. 267.

46 Voir, entre autres, l’interview par Joerg Bader, « Elaine Sturtevant, l’éternel retour des chefs-d’œuvre », Art Press, no 236, ou simplement : 032c.com/2008/elaine-sturtevant, http://032c.com/2008/elaine-sturtevant/, (consulté en octobre 2012).

47 Comme le fait très justement remarquer Anaël Lejeune dans son article « Elaine Sturtevant, petite leçon d’histoire (de l’art) », Revue Dits, no 15, automne-hiver 2010.

48 Anne Dressen a bien souligné cette ambiguïté. « Ainsi en va-t-il de la question de la subjectivité (de l’ego, autant que de l’altérité) dans l’œuvre de Sturtevant, souvent présentée comme une rigoriste conceptuelle, qui demeure assez trouble mais tout aussi passionnante et paradoxale », « Elle serait l’auteur d’une reconstruction approximative et subjective, lui garantissant dès lors le statut d’original », dans « Sturtevant a.k.a. l’altère ego tapageuse », Pétunia, n2, 2010.

49 Au sens où le concept de copie aurait une valeur ontologique.

50 « Years ago, people use to say, “oh my god, this is terrible, this is a copy, this is bad” », Entretien avec Peter Halley, dans Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking, op. cit., p. 267.

51 Anne Dressen est conservateur au Musée d’art moderne de la Ville de Paris et commissaire de l’exposition « Sturtevant, the Razzle Dazzle of thinking ». Je tiens à la remercier tout particulièrement pour son aide précieuse dans cette recherche.

52 Voir « Les Faux mirages de Sturtevant », dans Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking, op. cit.

53 Comme le dit Sturtevant dans un texte paradoxalement assez critique, sur Duchamp, où elle précise que « c’est en abandonnant la créativité que Duchamp est devenu un grand créateur ». « L’indifférence rétive de Marcel Duchamp », dans Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking, op. cit., p. 168.

54 « Je pense que ce serait vraiment fantastique si davantage de gens utilisaient les écrans de sérigraphie, personne ne pourrait alors savoir si mon tableau est de moi ou de quelqu’un d’autre », cité par Mélissa Thériault dans : « Faux tableaux, vrais problèmes : la question de la contrefaçon », art. cit.

55 Catalogue fort précieux en ce qu’il permet d’accéder aux textes d’Elaine Sturtevant ainsi qu’aux entretiens réalisés avec elle.

56 Udo Kittelman la présente par exemple comme « a figure of outstanding signifiance in the art history of the second half of the twentieth century », Préface, Catalogue raisonné 1964-2004, op. cit., p. 17.

57 Voir le film de Judith du Pasquier Elaine Sturtevant plasticienne (L’art et la manière), diffusé le 25 octobre 2011, Arte.

58 Voir le reportage diffusé sur internet à l’occasion de l’exposition « L’Abécédaire de Gilles Deleuze » à la galerie Thaddaeus Ropac, 11 septembre - 6 octobre 2012, Sturtevant, Galerie Thaddaeus Ropac, Paris, 2012, video de Nikolai Saoulski, http://www.youtube.com/watch ?v=n51O8DfidY4, (consulté en novembre 2012).

59 Je pense à Anne Dressen qui a eu l’amabilité de me recevoir à Paris pour me parler du travail d’Elaine Sturtevant qu’elle connaît particulièrement bien.

60 « Well, she is definitely somewhere else : different issues and concerns », Sturtevant interviewée par Tony Benn, dans Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking, p. 274.

61 J’évoque ici son apparition, à la Tate Modern en 2008, UBS Openings : Saturday Live : Sturtevant : Modes of Thought, op. cit., et au Walker Art Center en 2009, Opening-Day Artist Talk : Sturtevant, YouTube [en ligne], http://www.youtube.com/watch?v=5m5XSHgKARI, (consulté en novembre 2012).

62 Sur « l’épisode » Kiefer et la rencontre entre les deux artistes, voir l’interview Gerd de Vries-Lena Magulan, Catalogue raisonné, vol. 1, op. cit.

63 « Art contemporain et fabrication de l’inauthentique », Terrains, no 33, septembre 1999.

64 « La résolution d’utiliser d’autres œuvres d’art comme autant de catalyseurs potentiels pour mettre au jour le sous-jacent a été à la fois surprenante et terrifiante. Surprenante dans sa validité et sa véracité, terrifiante dans ses conséquences possibles », « Visibilités intérieures/extérieures », dans Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking, op. cit., p. 151. Aussi « ce noble et courageux effort pour ramener l’art vers les origines (ce qu’il n’a jamais été), vers l’originalité, pour rendre à l’art son illumination plastique… Une entreprise peut-être impossible », « Structures mentales mouvantes », dans Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking, op. cit., p. 141.

65 à titre d’exemple, voir « La copie sans origine : le moi en tant que disparition », dans Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking, op. cit., ou encore l’entretien avec Hans Ulrich Obrist où elle dénonce par exemple l’impossibilité actuelle d’avoir un dialogue fructueux autour de la notion de copyright.

66 Ainsi, pour Stéphanie Moisdon, une « artiste qui a toujours considéré avec la plus grande netteté les mots et le langage, et a fortiori les titres », « Sturtevant Vertical Nomad », dans Sturtevant. The Razzle Dazzle of Thinking, op. cit., p. 247 ; ou encore dans le texte de présentation de l’exposition « Image over image » (Moderna Museet, Stockholm, 17 mars 2012 - 26 août 2012 et Kunsthalle Zurich, 17 novembre 2012 - 20 janvier 2013) : « Differentiating repetition in the Deleuzian sense and the question of the original in a reality shaped by simulacra are central to her approach to art, which is characterised by rigorous and tenacious thinking », [en ligne], http://www.kunsthallezurich.ch/_site_eng/_sturtevant/_index.htm, (consulté en décembre 2012).

67 Un exemple toutefois, la rencontre d’Elaine Sturtevant avec le public au Walter Art Center en avril 2009, où la salle a bien exprimé son désarroi face à certaines œuvres de l’artiste ainsi que son trouble devant l’aspect confus de sa pensée.

68 Voir l’article de Stéphanie Moisdon « Sturtevant, Vertical Monad », texte repris dans « Image over Image », op. cit.

69 Par exemple, Duchamp wanted (1969).

70 Opening-Day Artist Talk : Sturtevant, YouTube [en ligne], op. cit.

71 Fake ? The Art of Deception, British Museum, 1990. Seconde Main, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 25 mars - 24 octobre 2010, Van Meegeren’s Fake Veermers, Boijmans Museum, 12 mai - 22 août 2010.

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Pour citer cet article

Référence papier

Ondine Bréaud-Holland, « De l’acceptabilité du discours sur le faux. Deux cas : Hans Van Meegeren et Elaine Sturtevant »Noesis, 22-23 | 2014, 91-107.

Référence électronique

Ondine Bréaud-Holland, « De l’acceptabilité du discours sur le faux. Deux cas : Hans Van Meegeren et Elaine Sturtevant »Noesis [En ligne], 22-23 | 2014, mis en ligne le 15 juin 2016, consulté le 26 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/noesis/1890 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/noesis.1890

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Auteur

Ondine Bréaud-Holland

Ondine Bréaud-Holland est docteur en arts et sciences de l’art. Depuis 2004, elle enseigne l’esthétique à l’école supérieure d’arts plastiques de la Ville de Monaco où elle mène des recherches autour de la scénographie dans les arts vivants. Ses préoccupations l’orientent aujourd’hui vers des questions d’ontologie, et c’est à ce titre qu’elle rédige actuellement un ouvrage sur l’esthétique de Clément Rosset. Elle a publié dans plusieurs revues, au nombre desquelles Recherches poïétiques, Figures de l’art, Nouvelle revue d’esthétique, Pavillon.

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