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A la recherche d'un concept introuvable

La barbarie de la réflexion

Maria Donzelli
p. 69-83

Texte intégral

1On abordera le sujet de la barbarie sur le plan de la « réflexion », c’est-à-dire à partir du processus interne à la connaissance. Ce processus s’installe quand notre rationalité, après un parcours d’acquisition de nouvelles données et d’actions déterminées, qui coïncide avec sa propre fonction, retourne sur soi même, réexamine les données acquises et les actions produites et en prend conscience pour une autre élaboration, un autre parcours, d’autres actions. Il s’agit d’un moment très important car il implique l’audace de la raison mais aussi la conscience, la volonté, les choix de l’action ; il ne s’agit pas seulement d’un processus cognitif, il s’agit de la fonction rationnelle de l’homme qui détermine sa vie individuelle, la société civile, son organisation, ses formes du pouvoir, son niveau culturel, politique et éthique, en somme l’histoire humaine.

2Dans les langages des cultures occidentales en particulier, la barbarie est une expression utilisée souvent dans le sens contraire à celui de civilisation. Selon l’acception classique, le barbare serait celui qui n’appartient pas à la « civilisation ». C’est l’étranger par excellence qui ne connaît pas notre civilisation et notre culture et qu’on décrit comme un envahisseur violent, inculte, sans une identité précise. Par conséquent, la civilisation coïnciderait avec notre tradition culturelle ; c’est une équation qui est d’ailleurs continuellement démentie par notre même réalité historique, étant donné le grand nombre d’hommes civilisés qui se sont comportés et se comportent comme des barbares.

  • 1 Cf. Samuel P. Huntington, Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 1997.
  • 2 Cf. Tzvetan Todorov, La peur des barbares. Au-delà du choc des civilisations, Paris, Robert Laffont (...)

3Dans l’acception la plus courante, le barbare est donc « l’Autre » qui détermine les limites entre les actions civilisées et celles qui ne le sont pas. C’est celui qu’il faut « civiliser », en niant son identité et sa culture pour l’inclure, ou bien qu’il faut repousser et détruire, en tant qu’ennemi externe qui provoque la peur de la diffusion d’actions barbares, susceptibles de contaminer la pureté présumée d’une civilisation conçue comme supérieure, non contaminée et non contaminable1. Cette ligne de pensée a conduit récemment l’Occident à la théorisation du choc des civilisations, avec les conséquences tragiques des guerres de notre temps qui, en dehors des intérêts économiques, sont dues à la « peur des barbares »2.

  • 3 Cf. Tzvetan Todorov, La peur des barbares, op. cit. Parmi les intellectuels étrangers reconnus comm (...)

4En outre, comme nous le font remarquer surtout la plupart des intellectuels reconnus de notre temps, qui ont vécu ou vivent en Occident la condition de l’étranger, et donc celle du barbare classique, la relation entre l’unicité et la diversité est inhérente à la condition humaine. Elle doit être continuellement soumise à la réflexion afin de combattre la peur qui transforme tout étranger en une source de dangers3.

5Or, à cette acception externe du concept de barbarie, correspond une acception interne qui concerne toute civilisation, puisque la barbarie constitue un risque réel de la faculté propre de l’homme qui est la raison, dont les implications sont d’ordre conceptuel et éthique en même temps. Je veux dire par là que la raison peut devenir barbare sans perdre son caractère d’instrument de connaissance. Mais, au contraire, elle devient encore plus barbare quand elle se retrouve à l’acmé de sa productivité scientifique et cognitive, quand elle prend conscience de ses possibilités infinies et donc de sa puissance, quand elle veut prendre la place de Dieu, l’omnipuissant par excellence, tout en perdant la sacralité de l’idée de Dieu et donc la sacralité et la dimension créatrice de l’homme qui la produit et l’exprime.

6La réflexion sur le concept interne de barbarie me paraît très utile pour tenter d’éliminer toutes sortes d’ennemis fictifs créés par notre imagination et par effet de la peur, pour admettre la pluralité des civilisations et des cultures, pour vivre comme naturelles la relation et la contamination des cultures – relation et contamination que je considère originaires par rapport au concept même de culture –, pour favoriser la conscience des risques et des potentialités des fonctions de la raison qui ne doit jamais oublier d’être d’abord humaine, c’est-à-dire au service de l’homme, pour assumer la responsabilité de notre subjectivité et, comme l’a dit Emmanuel Levinas, la responsabilité de « l’Autre », pour développer la conscience que la reconnaissance et le bien-être de Soi-même passe par la reconnaissance et le bien-être de « l’Autre », et vice-versa, etc.

  • 4 D’ailleurs, sur les conséquences culturelles, sociales et même économiques de la séparation de Logo (...)

7Je me permets d’attirer l’attention sur le fait que la fonction rationnelle, cognitive, de la raison et, par conséquent, son pouvoir, ne devraient jamais se séparer de la dimension éthique, puisque la perte de l’une ou de l’autre –fonction rationnelle et dimension éthique – conduit à la perte du but même de la raison qui reste l’homme et la construction de son monde4.

8La barbarie ne dépend pas de l’éducation et de la culture : on peut être bien élevé et cultivé, mais avoir des comportements qui correspondent à ceux des barbares. L’histoire de l’humanité est pleine des exemples des hommes cultivés qui se comportent comme des barbares.

  • 5 Cf. Fabio Gambaro, « Lo straniero, la cultura, la legge », Interview à Tzvetan Todorov, La Repubbli (...)

9D’autre part, si la barbarie ne dépend ni de l’éducation, ni de la culture, elle n’est pas une catégorie culturelle, mais plutôt une catégorie morale qui définit notre relation avec l’altérité, et qui désigne un comportement tourné à ne pas reconnaître la pleine humanité de l’Autre. En tant que catégorie culturelle, éminemment descriptive, elle engendre la peur des barbares et risque de nous transformer en barbares dans le sens moral, puisqu’elle nous pousse à l’intolérance, à la guerre et à l’utilisation des moyens les plus barbares, comme la torture, devenue récemment une action permise même par les démocraties occidentales5.

  • 6 Giambattista Vico, La science nouvelle, (1744), traduit et présenté par A. Pons, Paris, Fayard, 200 (...)

10Pour argumenter mon sujet, je me référerai à un auteur moderne qui est devenu classique et a vécu entre le xviie et le xviiie siècle à Naples. Il s’agit de Giambattista Vico, qui a utilisé l’expression « barbarie de la réflexion » selon une acception proche de celle que nous proposons ici. J’utiliserai l’expression de Vico comme un paramètre épistémologique qui nous permettra d’assumer le concept de barbarie comme interne à la raison et à l’histoire humaines. Pour poursuivre mon objectif, je serai obligée d’entrer brièvement dans la boîte à outils de Vico, en me référant spécialement à La science nouvelle, dont le titre complet et significatif est Principes d’une science nouvelle relative à la nature commune des nations6.

1. Vico ou de « la barbarie de la réflexion »

  • 7 « Par conséquent, notre Science en vient dans le même temps à décrire une histoire idéale éternelle (...)

11Avant Vico, l’histoire était considérée comme une chronologie des événements. Vico par contre montre qu’elle répond à un ordre fondamental qui suit des lois immutables et communes à toutes les nations. Une histoire « idéale et éternelle », dans laquelle la « providence » représente une rationalité supérieure à celle consciente de tout homme, mais qu’on peut expliquer en faisant appel au concept vichien de « nature humaine » ou « humanitas » qui fait aussi l’objet de la narration de la nouvelle Science7.

12Sur cette base d’universalité, Vico construit une théorie de l’histoire humaine et de la nature commune des nations. Du reste, l’histoire est le produit de l’homme et est donc la seule science que l’homme peut vraiment connaître puisqu’il la fait.

  • 8 Idem, pgr. 331, p. 130.

Ce monde civil a certainement été fait par les hommes et, par conséquent, on peut, parce qu’on y est obligé, trouver ses principes à l’intérieur des modifications de notre propre esprit [mente] humain8.

  • 9 Vico découvre ce principe en 1710 dans une importante œuvre écrite en latin dont le titre est De an (...)

13Vico part de l’idée qu’on peut connaître seulement ce qu’on fait, selon le principe du verum ipsum factumi ou verum et factum convertuntur, qui est un instrument conceptuel déjà appliqué à l’époque aux entités mathématiques, et qui devient pour Vico la « catégorie » fondamentale de la connaissance9. L’œuvre propre à l’homme est donc l’histoire du « monde civil des nations », dont il peut avoir une vraie connaissance : elle constitue l’objet principal de La science nouvelle.

14Cette grande œuvre de Vico – parue dans les éditions de 1725, 1730 et 1744 – est, en général, une tentative de fonder une science nouvelle sur la nature commune des différents peuples et de comprendre les lois qui déterminent le développement des différentes cultures. Dans ce contexte, l’histoire assume un statut fondamental puisqu’elle ne se présente pas comme un amas confus des faits, mais comme un ensemble qui suit des lois déterminées et se déroule selon certains principes dans l’espace et dans le temps. Vico considère qu’il existe des parallélismes entre les différentes cultures et que c’est seulement sur la base de ces parallélismes qu’il est possible d’introduire une forme scientifique dans l’étude de l’histoire. Les parallélismes sont l’équivalent des « éléments universels », qui sont esquissés par Vico dans la deuxième section du livre I de La science nouvelle.

  • 10 « Nous observons que toutes les nations, barbares aussi bien que civilisées, quoique ayant été fond (...)

15Vico n’a pas de doutes sur l’existence de la pluralité des cultures présentes dans le monde, mais il souligne que les hommes, malgré les diversités culturelles et géographiques, ont des modalités communes de penser et d’agir. La confrontation entre différentes cultures le conduit à identifier trois coutumes fondamentales et communes, même dans la diversité des rituels activés : les religions, les mariages solennels et les enterrements10. En plus chaque peuple a tendance à s’attribuer la paternité des connaissances et des découvertes (boria ou vanité des nations), comme les hommes qui se consacrent aux études ont tendance à considérer leur culture comme la plus importante par rapport à celle des autres (boria ou vanité des doctes).

16La science historique de Vico ne trouve pas ses fondements seulement dans la spéculation, mais dans la synthèse entre spéculation et faits concrets. Les méthodologies adoptées dans la recherche relèvent de la philologie, la science du particulier qui permet la vérification rigoureuse des faits, et de la philosophie, la science de la raison qui permet la compréhension des causes des événements. La synthèse des deux disciplines est, pour Vico, indispensable pour la théorie et la science modernes, dont il est considéré comme le précurseur.

17La genèse de chaque événement se retrouve toujours dans l’esprit des hommes (de l’individu ou de la nation) qui l’ont produit : l’histoire, après une phase dite préhistorique – décrite par Vico comme l’époque des « bestioni », les géants primordiaux errants –, suit la succession des phases naturelles, comme le développement mental de l’homme (de l’enfance à la maturité). Même les modalités du développement des nations suivent les phases de la vie de l’homme. D’abord l’enfance, qui correspond à l’âge des dieux, caractérisée par l’intuition archaïque qui produit les mythes, en tant que première perception de la sacralité de l’homme et fruit d’une réflexion nourrie de l’imagination et de la fantaisie : il s’agit de l’époque de la grande et magnifique barbarie naturelle, qui est l’expression de la puissance sacrale des mythes. Cette époque est suivie par celle de la jeunesse, qui correspond à l’âge des héros (la Grèce homérique), avec la prédominance de la poésie, mais aussi de la lutte entre les patriciens et les plébéiens qui conduit à la reconnaissance progressive de l’égalité de tous les citoyens. Enfin, au troisième stade on trouve la maturité, ou l’âge des hommes (la Grèce classique, la Rome républicaine et la civilisation moderne), caractérisée par l’affirmation de la raison « toute déployée » (tutta dispiegata) et par l’activité productive de tous les citoyens devenus égaux.

  • 11 Idem, pgr. 241, p. 109.
  • 12 Idem, pgr. 242, p. 109.

18Toutefois, le schéma des phases de l’histoire de Vico n’est pas irréversible : la raison peut perdre complètement sa référence, soit à l’imagination et à la fantaisie, soit à la force créatrice de la poésie (la force poétique), soit à la conquête de l’égalité des citoyens et des formes de pouvoir inspirées de la justice et du droit. La raison peut donc devenir raison mathématique, abstraite, autoréférentielle et produire le scepticisme, l’anarchie, la décadence des coutumes, la perte de l’austérité, la dégénération du pouvoir. Vico décrit l’évolution des hommes par rapport à la richesse de la manière suivante : « Les hommes sentent d’abord le nécessaire, puis ils font attention à l’utile, ensuite ils prennent en considération le commode, plus tard ils aiment le plaisir et par là se dissipent dans le luxe, et enfin ils deviennent fous et dilapident leurs richesses »11. Cette évolution ne diffère pas de l’évolution morale des peuples : « la nature des peuples est d’abord cruelle, puis sévère, ensuite bienveillante, plus tard délicate, et finalement dissolue »12.

  • 13 Idem, pgr. 1046, p. 507.

19Les hommes, et les peuples, sont donc susceptibles de tomber dans une époque dite de la « barbarie de la réflexion » ou « barbarie seconde » ou « barbarie retournée », qu’il faut distinguer de la « barbarie première » de l’époque préhistorique. Selon Vico, les temps de la seconde barbarie sont « restés dans l’obscurité plus encore que ceux de la première barbarie, pourtant déclarés “obscures” par Marcus Terentius Varron »13, et ils ont marqué la période historique de la transition entre l’Empire romain et le Moyen âge. Toutefois, Vico parle aussi d’une « nouvelle barbarie de la réflexion », qui est l’expression des formes dégénératives de la science de son temps, qui utilise la raison comme un mètre rigide et qui ne reconnaît pas la complexité de la réalité humaine et la composition multiple de ses cultures.

20Dans le cinquième livre de La science nouvelle, Vico analyse les parallélismes qui existent entre la culture antique, celle de la Grèce, de Rome et celle du premier Moyen âge, en montrant les possibles chutes des sociétés humaines dans la barbarie, qui peuvent assumer un rythme périodique et cyclique.

21Toutefois, la question du retour de la barbarie acquiert chez Vico des caractères tout à fait particuliers : sa théorie diffère des interprétations cycliques du processus historique, déjà élaborées dans l’antiquité, spécialement par les stoïciens. D’abord, le retour à la barbarie n’est pas nécessaire, c’est un risque ou une possibilité, puisqu’il dépend du développement de la structure mentale humaine, de la raison dotée du libre arbitre, et de sa capacité de maîtriser ses potentialités sans perdre le contact avec sa propre genèse historique et sa force créatrice ; en outre, le retour de la barbarie n’est pas une catastrophe historique pour Vico : elle est aussi une opportunité pour l’homme qui doit retrouver le sens et la fantaisie perdus pour donner une nouvelle vigueur et un nouvel élan à la construction de son histoire et pour apprendre aux hommes que la civilisation atteinte n’est jamais une conquête définitive, ni la meilleure de toutes. Vico a considéré profondément le problème de la connaissance des « âges archaïques » et donc des cultures différentes. C’est l’un des premiers philosophes qui a indiqué la nécessité de faire abstraction des préjugés, de la « boria » des doctes et de celle des nations, pour « éprouver » (ou avoir la perception de) la mentalité des hommes qui appartiennent à d’autres cultures, pour connaître et faire de leurs actions l’objet de nos études.

22Il a voulu comprendre comment nous pouvons entrer dans la « mentalité » d’une culture différente de la nôtre. Les mentalités différentes n’ont pas seulement des contenus différents, mais elles impliquent d’autres formes de la pensée, qui, selon Vico, comportent la nécessité de faire abstraction de nos préjugés, qui s’expriment surtout dans la boria des doctes. Pour Vico nous ne pouvons pas « sentir » comme sentent les hommes d’autres cultures : nous pouvons seulement connaître, étudier et comprendre, non sans fatigue, la mentalité des autres peuples.

  • 14 Cf. Idem, Glossaire, p. XXXVI-XXXVII.

23La théorie vichienne de l’ « ingegno » (ingenium) constitue une prise de position tant par rapport à l’intellectualisme sceptique des libertins, que par rapport à celui des cartésiens : c’est un intellectualisme qu’on peut bien inscrire dans la boria des doctes du temps de Vico. Or, d’après lui, pour sortir de la « barbarie de la réflexion », il faut recourir à l’ingenium, en récupérant aussi sa puissance symbolique. Le terme « ingegno » désigne au sens large les facultés intellectuelles d’un individu, mais chez Vico il a un sens plus précis, emprunté à la rhétorique. Il s’agit de la « faculté mentale qui permet de relier de manière rapide, appropriée et heureuse des choses séparées », une faculté synthétique et topique qui permet l’invention et la création, indispensable à la création poétique, mais aussi à l’invention technique, à la découverte scientifique, à la narration et au langage. Cette faculté est particulièrement développée chez les enfants et les peuples jeunes14, par contre elle est mortifiée ou absente dans l’époque de la barbarie de la réflexion, qui toutefois peut être une opportunité pour récupérer cette importante faculté capable de remettre en mouvement le processus historique.

2. Effets et opportunités de la Barbarie de la réflexion

24En effet, Vico, qui a vécu entre le xviie et le xviiie siècle, a pressenti la dialectique des lumières et les risques d’une forme de rationalisme universaliste et autoréférentielle. Il avait l’idée claire que la culture, produit du progrès technologique et scientifique, pouvait conduire la société humaine dans une nouvelle condition de la barbarie. Ainsi, la réflexion, c’est-à-dire le savoir réfléchi et scientifique, qui est l’expression d’une humanité très évoluée, peut devenir barbare. Comment cela est-il possible ?

25La réflexion commence à devenir barbare quand, devenue auto-admirative, elle se sépare de l’expérience humaine élémentaire et préscientifique, qui est à son origine. En réalité, Vico souligne avec force que l’expérience primaire et fondamentale de l’homme ne se construit pas à travers les théories, les analyses, les procédures et les raisonnements, mais elle est constituée des significations et des représentations qui concernent la totalité de l’existence humaine. Il s’agit des biens fondamentaux, des valeurs unificatrices et décisives, qui appartiennent à l’univers du mythe, de l’art, de la religion, des savoirs, en un mot à la culture, ou bien aux cultures. La réflexion devient barbare quand elle se détache d’un savoir plus ample et fondamental, se spécialise et, dans sa particularité, prétend être la source et le but uniques du savoir, transforme le savoir en pouvoir aveugle et provoque le recul de la civilisation. Dans ce cas, le progrès du savoir se transforme en un recul de la civilisation.

26Les conséquences de la barbarie de la réflexion sont présentes à l’esprit de tous, puisque nous vivons une période qui nous paraît profondément barbare, au sens de Vico, sur plusieurs plans.

27D’abord, il y a une question qui regarde le langage : aujourd’hui on reconnaît exclusivement aux discours de la technologie scientifique la capacité de parler de la réalité et de produire des formes d’évolution sociale qui vont dans une direction unique. Cette direction est le pouvoir sur les consciences soumises aux règles de la productivité économique globale dépendant d’un système capitaliste dans ses formes extrêmes d’auto- reproduction financière. L’autoréférence de la techno-science au service de ce système par rapport à la réalité, à sa compréhension et à sa factualité, conduit la raison à produire une connaissance qui nourrit exclusivement le pouvoir et l’argent, signe manifeste et symbolique du pouvoir.

28La conséquence primaire de cette attitude est d’un côté l’émargination de toute forme de culture par rapport à l’appareil productif, de l’autre l’utilisation perverse de cette émargination conduite avec persévérance et entêtement par le pouvoir politique qui se sert de toute forme des tecno- sciences, surtout dans le domaine de l’information et de la communication, pour diffuser le modèle du système, pour organiser le consensus d’une manière subtilement anti-démocratique, puisqu’il contribue à la barbarie de la réflexion, à la séparation entre la connaissance et la dimension éthique, à l’abandon de l’activité critique et à la cession de toute volonté individuelle au pouvoir en place.

  • 15 Cf. Anna Politkovskaja, Un piccolo angolo d’inferno, Milano, Rizzoli, 2008 ; id., Proibito parlare, (...)

29La guerre récente des pays à régime totalitaire contre la liberté d’information sur Internet est la manifestation de l’intolérance des pouvoirs constitués envers ceux qui essayent de rendre intelligible les actions du pouvoir et d’exercer une fonction de contrôle sur le pouvoir en place. Dans les pays dits démocratiques, la forme institutionnelle est caractérisée par un gouvernement qui doit être d’abord visible au public. Cette caractéristique a été représentée par le Parlement, mais aujourd’hui on assiste à l’affaiblissement du rôle du Parlement et au transfert de la visibilité politique sur l’arène de la télévision : le rôle et la responsabilité du système de l’information sont devenus essentiels. En même temps, le conflit d’une bonne partie des mass media avec le pouvoir en place s’amplifie progressivement, et on assiste à l’utilisation d’une série d’instruments en mesure de contrôler le système de l’information : de la censure au conditionnement économique, à la sélection des journalistes complaisants, des menaces à la destruction morale des journalistes non alignés jusqu’à leur élimination physique dans les démocraties autoritaires, comme dans le cas de Anna Politkovskaja15.

  • 16 Cf. Stefano Rodotà, « Libertà di stampa. Quando il potere teme il controllo », La Repubblica, 1er S (...)
  • 17 Cf. Hannah Arendt, La menzogna in politica, Genova, Marietti, 2005.

30Toutefois, non seulement dans les régimes totalitaires et autoritaires, mais aussi dans les pays démocratiques, le pouvoir politique considère le système de communication comme un instrument essentiel pour organiser et maintenir le consensus. On assiste donc à l’altération de la nature du système de l’information qui devient l’instrument principal du pouvoir en place. Par cette voie, le pouvoir se libère du contrôle externe exercé par une libre information et renforce son contrôle sur la société, tout en gardant des formes apparentes de pluralisme16. On oublie souvent à quel point l’œuvre du pouvoir, même dans nos démocraties imparfaites, parvient à conditionner et manipuler efficacement la pâte morale des sociétés et dans quelle mesure il peut devenir lui-même « barbare » en utilisant le mensonge dans l’exercice de la politique17.

31La deuxième conséquence est directement d’ordre moral et/ou éthique. Les techno-sciences soulèvent des problèmes d’ordre moral et éthique qu’elles ne peuvent pas résoudre et qui concernent la vie même de l’homme. Les traditions religieuses appartenant à toute culture sont en train de reprendre leur place sur toute la planète et de déterminer l’identité culturelle d’une centaine de millions d’hommes, à travers les mécanismes de l’appartenance à une religion plutôt qu’à l’autre et de la radicalisation de la dialectique inclusion/exclusion, mécanismes qui véhiculent la guerre et l’application des techno-sciences liées à l’utilisation des moyens de destruction des masses.

32La troisième conséquence est l’émargination de la communauté civile de tous ceux qu’on considère différents en fonction de la culture, de la religion, de la tradition communautaire, de la couleur de la peau, de la langue, etc. Le phénomène de l’immigration et la réaction des pays occidentaux envers ce phénomène est aujourd’hui un thème très chaud et concerne surtout l’Europe et l’Italie, en particulier, qui, à cause de sa position géographique, devient actuellement la porte d’entrée de l’Europe pour les immigrés qui arrivent à travers la Méditerranée.

33La défense de l’importance de la confrontation continuelle entre les cultures n’implique pas une vision simpliste de la réalité. Il est évident que l’immigration massive dont l’Europe est actuellement destinataire soulève de nombreux problèmes. Toutefois, une nouvelle réflexion sur le terme même de migration dans notre contemporanéité est tout à fait opportune.

  • 18 Corti Paola et Sanfilippo Matteo (éd.), Storia d’Italia, Annali 24, Migrazioni, Torino, Einaudi, 20 (...)

34Récemment, un nouveau volume des Annali de la Storia d’Italia de l’éditeur Einaudi, dont le titre est Migrazioni, a été publié en Italie18. Le point de départ de cette nouvelle réflexion et de cette reconstruction historique des migrations vers l’Italie et en dehors de l’Italie, est la négation de la distinction classique entre les peuples sédentaires et les peuples nomades, avec la conséquence que les concepts d’émigration et d’immigration se dissolvent dans celui de mobilité de période longue. Ce dernier concept est effectivement plus approprié à notre réalité contemporaine dans laquelle la précarité du travail, la facilité des moyens de communication et de transport, l’affirmation des formes culturelles de plus en plus globalisées et globalisantes, nous ont tous transformés en « migrants ».

35L’Italie d’aujourd’hui est en train de construire un nouvel ennemi identifié à travers la figure de l’immigré, le nouveau « barbare » qui arrive cette fois par la Méditerranée. Un barbare qu’il faut repousser sans pitié, malgré les exigences des droits de l’Homme, et qui est devenu l’objet des sentiments et d’actions racistes. L’Italie semble avoir oublié que ses frontières ont toujours été traversées à l’entrée et à la sortie. On pourrait même considérer comme des « migrations », plutôt que comme des « invasions », les passages de ces soi-disant « barbares » historiques, comme les Visigots, les Ostrogots, les Normands, mais aussi les Angevins ou les Aragonais. Les problèmes et les conflits d’intégration ont toujours intéressé l’Italie et les Italiens, à l’intérieur et à l’extérieur de leurs frontières, et l’accueil de l’étranger a toujours été une harassante négociation qui a produit la violence et des guerres, mais aussi des intégrations culturelles, la croissance, le développement, etc.

36Le concept de l’émigrant « clandestin », né avec les États nationaux, est lié à l’identité bureaucratique déterminée par l’obligation de l’acquisition des papiers, qui a produit les « sans-papiers » : il trouve sa référence au droit de citoyenneté. Ce dernier est un concept juridique contradictoire et difficile à saisir, si on pense qu’on considère comme citoyens authentiquement italiens les descendants d’émigrés qui n’ont jamais vécu en Italie, alors qu’en même temps, éprouvent des difficultés à devenir citoyens italiens et à avoir les mêmes droits, des gens qui travaillent depuis des années en Italie, payent les impôts et ont des enfants nés et ayant grandi en Italie.

37On le sait, les lois peuvent créer les délits et peuvent aussi créer l’omerta, la volonté de ne pas vouloir entendre les cris d’aide qui se lèvent des barques pleines d’Africains qui naviguent dans la mer de la Sicile. Les récentes lois sur l’immigration en Italie ont créé le délit de clandestinité. L’omerta et le silence, qui caractérisent l’opinion publique italienne à ce sujet, sont la conséquence de la peur, la peur des barbares, une peur nourrie par le pouvoir en place qui ne cesse de produire des lois incompatibles avec la justice, sans laquelle la loi est arbitre, violence, injustice suprême, en un mot « barbarie ».

  • 19 Cf. John Fitzgerald Kennedy, « Io sono un immigrato », dans id., La nuova frontiera, Rome, Donzelli (...)

38J. F. Kennedy, Président d’une nation constituée d’immigrés, a écrit : « Les lois sur l’immigration devraient être généreuses, devraient être justes, devraient être flexibles » ; et avant lui G. Washington : « l’Amérique est prête à accueillir non seulement l’étranger riche et respectable, mais aussi les opprimés et les persécutés de toute nation et religion ; à ceux-ci, nous devons garantir la participation à nos droits et privilèges, si, avec leur moralité et leur conduite, ils montrent d’en être dignes »19. Les problèmes de l’intégration ne sont pas encore résolus aux États-Unis, mais au moins l’esprit législatif est plus conforme aux droits de l’Homme.

39On arrive à la quatrième conséquence, qui est d’ordre politique et géostratégique.

  • 20 Cf. Tito Perlini (dir.), Verità relativismo relatività, « L’Ospite ingrato », NS.1, Annuario del Ce (...)

40Nous assistons aujourd’hui en Occident, mais pas seulement, à la dégénérescence des formes démocratiques : la politique a abdiqué à toute vision du monde et se réduit à une simple gestion – qui est parfois appropriation – de ce qui existe. Elle a déclassé la démocratie et l’a transformée en « une dictature de l’opinion publique manipulée, qui légitime toute forme de démagogie au service des intérêts dominants sur le plan économique et financier »20.

41L’Italie d’aujourd’hui, par exemple, est habitée par une « classe moyenne » qui a perdu – et peut-être ne les a jamais eues – les caractéristiques de la bourgeoisie classique, mais qui produit et consomme une « culture moyenne », résultat de l’action conjointe des journaux, souvent soumis au pouvoir en place, de l’école et de l’université, dans lesquelles on assiste à une démarcation de plus en plus évidente entre des petites îles d’excellence et une grande médiocrité dans la production du savoir, de la TV, devenue l’instrument principal du pouvoir en place, d’une bonne partie des éditions, du débat intellectuel de plus en plus abstrait ou conforme à la médiocrité générale et incapable d’utiliser l’ « ingenium ». En somme, il s’agit d’une espèce de « mélasse » culturelle qui aplatit toutes les valeurs, émousse toute contradiction réelle et désarme tout élément capable de mettre en discussion l’ordre dominant. Cette « aurea mediocritas » est l’élimination totale de toute tension entre ordre et chaos, vie et mort, soutenue par une sorte de relativisme qui met tout sur le même plan, dans lequel tout peut être changé. Cette attitude, qui peut être définie comme « barbare », n’a rien à faire avec le respect laïc des différentes valeurs des autres, qu’on peut contester respectueusement, même durement, au nom de nos propres valeurs. Il s’agit du triomphe de l’indifférence pour le maintien d’une hégémonie, qui devient intolérante vers toute forme d’exercice de la raison. Il s’agit d’une forme de relativisme qui devient l’autre face du fondamentalisme, et qui n’a rien à faire avec le relativisme sain qui contrôle le dogmatisme intolérant.

42Un dernier mot sur les guerres actuelles et sur celles que récemment quelqu’un a définies comme « la barbarie stratégique ». Les guerres nouvelles, qui sévissent actuellement au Moyen-Orient, posent une nouvelle question : Qui est l’ennemi dans la nouvelle guerre asymétrique ? Avec les nouvelles armes technologiquement avancées, les dommages collatéraux devraient théoriquement tendre à zéro. Toutefois, avec les nouveaux adversaires, il n’y a pas de structures militaires et productives à détruire, il y a directement seulement les maisons, les églises, les mosquées, les personnes, les femmes et les enfants. Le mixage explosif des nouvelles technologies, du pouvoir aveugle, de la boria des doctes et des nations a mis en place une barbarie stratégique, qui ne fait même plus de nouvelles, puisqu’il est parfaitement en ligne avec la barbarie de la réflexion de notre époque.

43Vico nous rappelle que la barbarie peut être aussi une opportunité. Comment cela est-t-il possible ?

  • 21 Giambattista Vico, La science nouvelle, op. cit., pgr. 142, p. 89.

44En réalité, la confrontation, toujours plus forte et inévitable entre les différentes cultures, devrait nous convaincre de la nécessité et de l’opportunité de connaître plus de langages et d’interpréter la réalité sur plusieurs plans. Le niveau de destruction, humaine et de l’environnement, devrait nous convaincre que la recherche d’un système de cohabitation plus conforme aux intérêts de l’humanité et moins conforme à celui du marché, du profit et du pouvoir, est plus convenable et répond à cette faculté que Vico appelle « sens commun » (senso comune) et qu’il définit comme étant « un jugement sans aucune réflexion, senti en commun par tout un ordre, par tout un peuple, par toute une nation ou par le genre humain tout entier »21.

45Je suis certaine que l’avenir de la cohabitation dans une époque globalisée comme la nôtre dépendra aussi de la construction d’une nouvelle mentalité culturelle capable de faire cohabiter les formes plurielles du savoir et des cultures. Je suis également certaine que la condition de barbarie de la réflexion dans laquelle se retrouve notre présent peut être utile, comme nous l’a dit Vico, pour remettre en fonction notre esprit créatif, notre ingenium et surtout pour retrouver la centralité de l’être humain dans toute notre action. Ce n’est pas facile, mais c’est nécessaire. Je pense que la philosophie dans cette tâche a un rôle indispensable.

  • 22 Cf. Hannah Arendt, La crise de la culture, Paris, Gallimard, 1972, p. 11-27.

46D’ailleurs, l’homme est comme un funambule qui se place entre le passé révolu et l’avenir infigurable. Il ne peut se tenir en équilibre que dans la mesure où il pense. Chaque nouvelle génération, chaque nouvel homme doit redécouvrir l’activité de la pensée pour pouvoir se tenir sur le fil de l’existence22.

  • 23 Giambattista Vico, La science nouvelle, op. cit., pgr. 129, p. 86.

47Nous finissons par une citation de Vico : « La philosophie, pour être utile au genre humain, doit relever et soutenir l’homme déchu et faible, sans faire violence à sa nature ni l’abandonner à sa corruption »23, sans oublier d’en cultiver le doute et l’esprit critique.

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Notes

1 Cf. Samuel P. Huntington, Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 1997.

2 Cf. Tzvetan Todorov, La peur des barbares. Au-delà du choc des civilisations, Paris, Robert Laffont, 2008 ; id., Nous et les autres, Paris, Le Seuil, 1989.

3 Cf. Tzvetan Todorov, La peur des barbares, op. cit. Parmi les intellectuels étrangers reconnus comme tels en Occident qui ont traité ce sujet : E. Levinas, J. Derrida, Adonis, D. Grossmann et beaucoup d’autres.

4 D’ailleurs, sur les conséquences culturelles, sociales et même économiques de la séparation de Logos et Phronésis, on renvoi au livre de Serge Latouche, Le Défi de Minerve. Rationalité occidentale et raison méditerranéenne, Paris, La Découverte, 1999.

5 Cf. Fabio Gambaro, « Lo straniero, la cultura, la legge », Interview à Tzvetan Todorov, La Repubblica, 12 Septembre 2008.

6 Giambattista Vico, La science nouvelle, (1744), traduit et présenté par A. Pons, Paris, Fayard, 2001.

7 « Par conséquent, notre Science en vient dans le même temps à décrire une histoire idéale éternelle que parcourent dans le temps les histoires de toutes les nations dans leur naissance, leur progrès, leur maturité, leur décadence et leur fin », idem, pgr. 349, p. 140.

8 Idem, pgr. 331, p. 130.

9 Vico découvre ce principe en 1710 dans une importante œuvre écrite en latin dont le titre est De antiquissima italorum sapientia ex linguae latinae originibus eruenda. Traduction française par J. Michelet, De l’antique sagesse de l’Italie, présentation et notes par B. Pinchard, Paris, GF Flammarion, 1993.

10 « Nous observons que toutes les nations, barbares aussi bien que civilisées, quoique ayant été fondées séparément, éloignées qu’elles étaient les unes des autres par d’immenses distances d’espace et de temps, gardent les trois coutumes humaines suivantes : toutes ont quelque religion, toutes contractent des mariages solennels, toutes ensevelissent leurs morts ». Giambattista Vico, La science nouvelle, op. cit., pgr. 333, p. 131.

11 Idem, pgr. 241, p. 109.

12 Idem, pgr. 242, p. 109.

13 Idem, pgr. 1046, p. 507.

14 Cf. Idem, Glossaire, p. XXXVI-XXXVII.

15 Cf. Anna Politkovskaja, Un piccolo angolo d’inferno, Milano, Rizzoli, 2008 ; id., Proibito parlare, Milano, Mondadori, 2007.

16 Cf. Stefano Rodotà, « Libertà di stampa. Quando il potere teme il controllo », La Repubblica, 1er Septembre 2009, p. 36 ; id., Intervista su privacy e libertà, Roma-Bari, Laterza, 2005.

17 Cf. Hannah Arendt, La menzogna in politica, Genova, Marietti, 2005.

18 Corti Paola et Sanfilippo Matteo (éd.), Storia d’Italia, Annali 24, Migrazioni, Torino, Einaudi, 2009.

19 Cf. John Fitzgerald Kennedy, « Io sono un immigrato », dans id., La nuova frontiera, Rome, Donzelli Ed., 2009.

20 Cf. Tito Perlini (dir.), Verità relativismo relatività, « L’Ospite ingrato », NS.1, Annuario del Centro di Studi Franco Fortini (2007), Macerata, Quodlibet, 2008, p. 4.

21 Giambattista Vico, La science nouvelle, op. cit., pgr. 142, p. 89.

22 Cf. Hannah Arendt, La crise de la culture, Paris, Gallimard, 1972, p. 11-27.

23 Giambattista Vico, La science nouvelle, op. cit., pgr. 129, p. 86.

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Pour citer cet article

Référence papier

Maria Donzelli, « La barbarie de la réflexion »Noesis, 18 | 2011, 69-83.

Référence électronique

Maria Donzelli, « La barbarie de la réflexion »Noesis [En ligne], 18 | 2011, mis en ligne le 01 décembre 2013, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/noesis/1745 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/noesis.1745

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Auteur

Maria Donzelli

Maria Donzelli est Professeur d’Histoire de la Philosophie à l’université de Naples « l’Orientale » depuis 1989, après avoir enseigné l’Histoire de la Philosophie moderne et contemporaine à l’université de Salerne. Docteur en Philosophie, a fait des stages au Conseil national de la recherche (CNR), au ministère de l’Université et de la Recherche scientifique, à l’ « Istituto per gli Studi Storici » de Naples. Elle a été « Visiting Professor » aux universités de Dijon, Nice, Valencia, Tunis, Rabat, Paris 1 Sorbonne et à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris ; a participé à plusieurs colloques en Italie et à l’étranger et a dirigé de nombreux programmes de recherche sur l’Histoire de la Philosophie et sur les questions de l’inter-culturalité en Méditerranée. Actuellement elle est responsable scientifique de plusieurs programmes et projets de recherche nationales et internationales. Membre plusieurs fois des Commissions de doctorat, et des différents concours pour l’attribution du titre de professeur universitaire, elle est actuellement président de la Commission ministérielle et nationale pour la confirmation des professeurs universitaires en Histoire de la Philosophie. Elle fait partie du collège des professeurs du doctorat de « Philosophie et Politique » de l’Orientale et de celui de « Philosophie » de l’Institut des sciences humaines à Naples ; directeur scientifique d’un master d’Études méditerranéens à l’Orientale, président du Centre d’études sur les cultures de la Méditerranée, elle a été déléguée du Recteur aux Relations internationales de « l’Orientale » jusqu’en 2008. Actuellement elle fait partie de la Commission pour les Relations internationales de l’Orientale et s’occupe spécifiquement des relations euro-méditerranéennes. Ses nombreuses publications portent sur l’Histoire de la Philosophie des xviiie, xixe et xxe siècles, et notamment sur la pensée de J.B. Vico, A. Comte, Antonio Labriola, B. Croce, A. Gramsci, etc. Elle a dédié ses études les plus récentes à la comparaison entre les cultures (AA.VV., Comparatismi e Filosofia, M. Donzelli (éd.), Napoli, Liguori, 2006) et a publié plusieurs articles et essais sur les thèmes des identités et des cultures en Europe et en Méditerranée dans une perspective inter-culturelle (parmi les plus récents cf. « Multculturalismo e interculturalità », dans AA.VV., Relazioni socio-economiche e culturali euro-mediterranee. Materiali e strumenti, B. Bovenzi et V. Panza (éd.), Napoli, Il Torcoliere, 2008 ; « Le frontiere dell’identità euro-mediterranea », dans AA.VV., Atti del Convegno “Napoli-Vienna”, C. Miglio-G. Zanasi (éd.), 2009 ; « La question de la construction de l’identité euro-mediterranéenne », dans AA.VV., La nouvelle Méditerranée : conflits et co-existence pacifique, D. Bendo-Soupou (dir.), Turin, L’Harmattan, 2009 ; « La forza della parola creatrice mediterranea », dans M. Bennis, Il Mediterraneo e la parola. Viaggio, poesia, ospitalità, a cura di F. Corrao-M. Donzelli, Donzelli ed., Roma, 2009 ; « Le rôle des intellectuels dans la construction de la démocratie : l’Europe et le Maghreb à l’heure actuelle », dans AA.VV., Le rôle des sociétés civiles, dans le nouvel ordre maghrébin au xxie siècle, A. Temimi (dir.), Tunis, Publications de la Fondation Temimi pour la Recherche, 2009.

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