Ce Pcr bénéficie ou a bénéficié de financements provenant du ministère de la Culture et de la Communication (service régional de l’archéologie de Midi-Pyrénées), du conseil général de Dordogne (service de l’archéologie de Dordogne), de la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme d’Aix-en-Provence ainsi que des laboratoires Traces et Pacea. Nous les remercions donc pour leur aide financière indispensable au bon déroulement des séances expérimentales. Messieurs Hugues Plisson et Loïc Daulny y ont collaboré lors des expérimentations et de l’analyse d’une partie du matériel, nous les remercions pour leur participation. Enfin, les documents vidéo ont été réalisés par Nicolas Thiébaut et Aurélien Royer que nous tenons à remercier très sincèrement.
1Mis en œuvre en 2007, le Programme collectif de recherche « Des traces et des Hommes » regroupe une quinzaine de chercheurs d’horizons variés (Cnrs, université, ministère de la Culture, Inrap, secteur privé) aux spécialités diverses (technologie lithique, archéozoologie, tracéologie) et rattachés à différents laboratoires.
2L’objectif principal de ce Pcr est d’identifier les différents facteurs à l’origine de la diversité des industries du Paléolithique moyen. Il s’inscrit dans une dynamique générale perceptible au sein de la communauté scientifique qui tend vers une meilleure compréhension de la signification des différents faciès moustériens.
3Le Paléolithique moyen en Europe occidentale est composé d’une mosaïque d’industries lithiques, aux caractéristiques techno-économiques parfois fort différentes. Cette diversité perçue dès 1872 (de Mortillet 1872) a été catégorisée en différents faciès par F. Bordes et ses contemporains en fonction du type d’outil retouché dominant et de la présence ou non d’un débitage Levallois (Blanc 1937 ; Bordes 1948, 1953, 1981 ; Bordes & Bourgon 1951 ; Taschini 1979). Depuis une vingtaine d’années, cette classification est apparue réductrice car elle ne permet pas d’appréhender les comportements techno-économiques et les choix techniques des Néandertaliens. Différentes hypothèses ont néanmoins été proposées pour expliquer l’existence d’une telle variabilité. Elle a été interprétée comme le reflet de groupes culturels (Bordes 1961) ou comme celui de manifestations socio-économiques des groupes néandertaliens ; les différents types d’outils correspondraient ainsi à une activité spécifique (Binford 1973). Pour P. Mellars, les ensembles typologiques représentent les différentes phases d’une évolution chronologique (Mellars 1969) et, selon N. Rolland, ils seraient en relation directe avec l’environnement, le climat et le type d’occupation (Rolland 1990, 2001).
4Ces différentes hypothèses ont été discutées, parfois remises en question, sans qu’aucune d’entre elles ait été retenue. L’un des obstacles majeurs à une meilleure compréhension des ensembles technologiques tient au fait qu’aucune étude récente, qui engloberait les aspects technologiques, le contexte économique et les données fonctionnelles des industries rattachées aux différents faciès, n’a été réalisée.
5Dans le cadre de ce Pcr, nous proposons de documenter les modalités d’acquisition et de traitement des matières végétales et des carcasses animales par les Néandertaliens à travers l’étude des traces présentes sur l’outillage lithique et les restes fauniques. En effet, si l’on considère que la production d’un groupe humain est en partie liée à des objectifs fonctionnels, il semble alors cohérent de s’interroger sur les modes d’utilisation des différents types d’outils afin d’identifier les contraintes fonctionnelles pesant sur leur production.
6Nous avons ainsi orienté une partie de nos recherches vers l’identification de la fonction et du mode de fonctionnement précis de différents types d’outils caractérisant parfois un faciès et dont le statut fonctionnel restait vague.
7Les bifaces sont ainsi souvent présentés comme des outils multifonctionnels. Toutefois, les études tracéologiques, relativement rares, ont en général été réalisées sur de faibles échantillons. Il était donc nécessaire de tester cette hypothèse à la lumière de nouvelles données techno-fonctionnelles (thème 1, responsable É. Claud). De la même manière, les pièces encochées du Paléolithique moyen, souvent associées au travail du bois, n’ont pas fait l’objet d’expérimentations systématiques et les études fonctionnelles concernent aussi des échantillons numériquement faibles. Mieux comprendre la signification des denticulés moustériens vise à mieux appréhender la place du Moustérien à denticulés dans le Paléolithique moyen (thème 2, responsable C. Thiébaut). À de rares exceptions près, les hachereaux moustériens, caractérisant le Vasconien, ne sont connus que dans la région franco-cantabrique. Si l’on peut a priori mettre en relation l’importante résistance du tranchant actif des hachereaux avec la pratique d’activités en percussion lancée, aucune expérimentation n’a jusqu’à présent été menée pour confirmer cette hypothèse fonctionnelle et très peu d’études tracéologiques ont été effectuées. Nous souhaitons donc contribuer à documenter les modalités d’utilisation de ces outils, pour in fine mieux évaluer la part culturelle qui a éventuellement influencé la réalisation de ce type d’objet (thème 10, responsable M. Deschamps). Enfin, un autre objectif est de mieux cerner la fonction des pointes du Paléolithique moyen, leur diversité morphologique et technologique pouvant refléter une diversité fonctionnelle. Se pose en effet la question de leur usage comme arme de chasse, et plus généralement celle des stratégies d’acquisition des matières animales au Paléolithique moyen (thème 3, responsable A. Coudenneau).
8Un autre volet, plus transversal, concerne la recherche d’éventuels liens entre la fonction des outils et la nature de la matière première dans laquelle ils ont été réalisés. Au Paléolithique moyen, l’utilisation de matériaux « réputés médiocres », tels les quartz et les quartzites, est relativement fréquente. Si les quartz et quartzites ont longtemps été délaissés par les lithiciens lors de l’analyse des séries archéologiques, les études technologiques intègrent désormais assez systématiquement ces matériaux. Certaines ont montré que les méthodes de débitage mises en œuvre étaient adaptées aux matériaux utilisés et conduisaient à la production de supports aux caractéristiques morphologiques diversifiées (Jaubert & Mourre 1996 ; Thiébaut, Mourre & Turq 2009). Selon une idée largement répandue, quartz et quartzite seraient des matériaux de substitution utilisés en l’absence de silex. Mais, jusqu’à présent, les analyses tracéologiques sont le plus souvent restées cantonnées aux supports en silex. Afin de tester la validité de cette hypothèse et d’évaluer dans quelle mesure le type de support réalisé est lié à une fonction particulière, l’élaboration de référentiels expérimentaux et le développement d’analyses tracéologiques sur ces matériaux sont entrepris (thème 4, responsable V. Mourre).
9Toujours en rapport avec les comportements des Néandertaliens et la gestion de leurs outils, nous nous sommes aussi intéressés à la fonction des nucléus et des bifaces portant des traces d’impacts. L’existence de telles pièces a depuis longtemps été signalée par la communauté scientifique. Si plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer l’origine de ces stigmates, aucune expérimentation permettant de les discuter n’avait jusqu’à présent été effectuée (thème 8, responsables C. Thiébaut, É. Claud).
10Concernant plus spécifiquement les ressources animales, nous souhaitons contribuer à une meilleure caractérisation des activités de boucherie. À propos des analyses des stries de découpe présentes sur les ossements, nous nous sommes fixés deux objectifs complémentaires :
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augmenter le corpus de données sur la localisation, l’organisation, l’orientation et la taille des stries en fonction des différentes activités de boucherie et confronter nos résultats à ceux déjà présentés dans la littérature (Binford 1981 ; Bez 1995 ; Abe 2005) ;
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réaliser l’interface entre lithique et os en cherchant à corréler la morphologie de la strie aux caractéristiques de l’outil utilisé (matière première, type de tranchant), pour chaque étape de la boucherie (thème 5, responsable M.-P. Coumont).
11Les expériences antérieures, relatives à l’extraction de la moelle contenue dans les ossements, ont principalement visé à une meilleure caractérisation des traces d’impact (voir notamment Sadek-Kooros 1972 ; Capaldo & Blumenschine 1994). Dans le cadre de ce programme, nous souhaitons distinguer, à travers l’analyse des stigmates présents sur les os, les gestes adaptés aux contraintes physiques des ossements de ceux qui se réfèrent à des traditions techniques (thème 6, responsable M. Gerbe). Parallèlement, la rareté des portions spongieuses d’os longs mise en évidence dans certains assemblages osseux bien conservés soulève la question d’une possible extraction de la graisse contenue dans le tissu spongieux des os dès le Moustérien. L’immersion de fragments osseux dans de l’eau portée à ébullition, qui permet de mobiliser la graisse des tissus osseux, est un procédé largement utilisé chez les chasseurs-cueilleurs sub-actuels (Vehik 1977 ; Saint-Germain 2005). Les expérimentations, qui débuteront dans le courant de l’année 2010, ont pour but de mieux comprendre les facteurs qui peuvent sous-tendre cette pratique, d’identifier des critères diagnostiques signant l’emploi de ce procédé sur un site archéologique et, à terme, de déterminer si les Néandertaliens utilisaient cette technique (thème 7, responsable S. Costamagno).
12Enfin, le dernier thème de recherche, faisant l’interface entre l’outillage lithique et les restes fauniques, concerne la caractérisation et l’identification du fonctionnement des retouchoirs en os. De nombreux sites du Paléolithique moyen étudiés dans le cadre de ce programme ont livré des fragments osseux présentant des stigmates de percussion qu’il est tentant d’identifier comme des retouchoirs. Plusieurs expérimentations ont été effectuées par le passé pour le démontrer et des similitudes avec le registre archéologique avaient ainsi été mises en avant. Nous avons entrepris de rechercher les critères permettant de discuter du type de matière première percuté avec les retouchoirs et de l’état de fraîcheur de ces derniers (thème 9, responsables J.-B. Mallye, V. Mourre).
13Pour atteindre l’ensemble des objectifs fixés, la réalisation d’un référentiel expérimental aussi exhaustif que possible a été entreprise et a déjà en partie servi de base à l’étude du matériel archéologique de différents gisements (fig. 1).
Fig. 1
Gisements archéologiques dont l’étude est intégrée au Pcr
14L’élaboration des protocoles expérimentaux et la pratique des activités ont été menées de manière collective selon une approche interdisciplinaire, en favorisant la restitution de deux chaînes opératoires interconnectées (fig. 2) :
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le traitement des carcasses animales (de l’acquisition de l’animal à l’extraction de la moelle et l’utilisation d’os comme support d’outil) ;
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le travail du bois (depuis le tronçonnage jusqu’à la fabrication d’objets).
15Parmi les trois thèmes (5, 6 et 7) qui reprennent les étapes de l’exploitation des carcasses animales, le premier concerne l’ensemble des activités de boucherie nécessaires au prélèvement de la peau, de la viande et des tendons. Le deuxième traite de la fracturation des os longs comme méthode d’extraction de la moelle osseuse. Le troisième reprend les différentes modalités d’extraction de la graisse animale contenue dans les parties spongieuses des os. Toutes ces étapes sont effectuées à l’aide d’outils lithiques expérimentaux qui correspondent à ceux rencontrés sur les gisements archéologiques que nous étudions (thèmes 1 à 4, 8 et 10). Pour l’utilisation des matières dures animales, des fragments d’os ont servi comme retouchoirs sur des supports en silex et en quartzite (thème 9).
16Les matières végétales ne se conservant que dans de très rares gisements, les modalités d’acquisition et de traitement de végétaux au Paléolithique moyen ne peuvent être abordées, pour la quasi-totalité des gisements, que par le biais des analyses tracéologiques sur les outils. L’abri Romani (Catalogne, Espagne) avec ses négatifs et positifs de matières ligneuses (Carbonell & Castro-Curel 1992), le gisement de Lehringen (Allemagne) qui a livré un épieu en if (Movius 1950), celui de Schöningen (Allemagne) daté du Paléolithique inférieur (Thieme 1997), font en effet figure d’exceptions. Dans le cadre de ce Pcr, l’acquisition et le traitement des matières végétales sont donc appréhendés par une approche expérimentale et une analyse tracéologique des pièces expérimentales et archéologiques en pierre (thèmes 1 à 4, 8 et 10).
17Toutes les expériences ont été photographiées, chronométrées et certaines filmées.
18La description soigneuse des actions effectuées à l’aide de fiches élaborées en commun permet de restituer les gestes effectués lors des différentes activités et d’envisager la reproductibilité des résultats par l’ensemble de la communauté scientifique.
19Les tranchants des outils en pierre retouchés ont été moulés avant leur utilisation afin de mieux identifier les traces qu’ils produisent. Les pièces expérimentales lithiques et osseuses ont été examinées à la loupe binoculaire (grossissement × 20). Ces observations ont permis de décrire et de caractériser les stigmates présents sur chacun des outils utilisés et sur chaque carcasse traitée (fig. 3).
20Les différentes expériences menées depuis 2007 se sont concentrées sur l’acquisition et le traitement de différentes essences de bois et de différentes espèces animales ainsi que sur l’utilisation de fragments osseux comme retouchoirs.
Fig. 2
Chaînes opératoires de traitement et d’acquisition des matières végétales et animales
Fig. 3
Exemples de stigmates observés sur le matériel expérimental1) stries observées à la loupe (× 10, en noir) et à la loupe binoculaire (× 20, en gris) sur la patte arrière gauche d’un cerf ; 2) stigmates observés à la loupe binoculaire (× 20) sur un retouchoir ;3) traces observées sur un denticulé à la loupe binoculaire (× 20)
21Deux activités principales ont été pratiquées (tabl. 1) : l’acquisition de hampes en bois et la fabrication d’épieux. L’objectif était, d’une part de fabriquer des structures en bois pour tendre la peau des animaux traités et, d’autre part, d’obtenir des épieux ou des hampes pouvant servir comme armes. Les troncs et les branches étaient donc de faibles diamètres (de 2 à 8 cm pour les troncs sciés, et de 5 à 14 cm pour les troncs abattus). De la poudre de galles de chêne a également été produite puis utilisée pour le tannage des peaux.
Tabl. 1
Actions effectuées sur des matières végétales
22Lors des expérimentations, différentes espèces ont été traitées (tabl. 2). Les peaux ont été travaillées pour servir de récipients au bouillon gras ou de lanières pour de futures ligatures. Afin de comparer les stigmates résultant de la fracturation des os de ceux provenant d’une percussion sur du minéral, nous avons aussi débité et retouché des éclats avec des nucléus et des bifaces en silex.
Tabl. 2
Actions effectuées sur des carcasses animales
23Certains fragments diaphysaires obtenus lors de la fracturation d’os ont servi frais ou dégraissés pour la réalisation d’outils retouchés en silex et en quartzite.
24En premier lieu, nous pouvons souligner l’ampleur du référentiel créé et disponible. À ce jour, ce sont 74 bifaces, 65 pièces encochées, 70 pointes moustériennes, 32 pointes brutes, 36 racloirs, 28 éclats bruts en quartzite, 9 éclats bruts en silex, 12 hachereaux en quartzites et 74 zones de nucléus, de « choppers » ou de bifaces qui ont été utilisés sur divers matériaux présentant des états de fraîcheur et des duretés différents. En ce qui concerne les matières animales, 7 carcasses ont été traitées et conservées, 90 os ont été fracturés sans être utilisés après fracturation et 73 retouchoirs ont été obtenus. En outre, une importante documentation photographique et vidéo est aussi disponible.
25Les travaux expérimentaux ont aussi permis de tester nos hypothèses fonctionnelles en nous confrontant aux limites et contraintes relatives aux différentes catégories d’outils dans le cadre de leur utilisation pour diverses actions.
26Les principaux résultats obtenus à ce jour sont les suivants :
27Thème 1 — Le référentiel expérimental de traces d’utilisation a permis de mettre en évidence le caractère diagnostique des macrotraces et de proposer des clés de lecture adaptées aux bifaces. Ces résultats sont développés au sein d’un article dans ce volume (Claud et al. p. 55-60). L’application de ces clés de lecture à plusieurs séries archéologiques du Sud-Ouest de la France attribuées au Moustérien de tradition acheuléenne (Mta) remet en question l’idée selon laquelle les bifaces sont multifonctionnels (Claud 2008). En effet, la majorité des bifaces Mta « classiques », c’est-à-dire à bords convergents, ont été utilisés pour couper des matières carnées. De plus, les modes de fonctionnement identifiés sont conditionnés par la forme des bifaces (à bords convergents versus à tranchant distal transversal) et par leur état de réduction.
28Thème 2 — Nous avons mis en évidence que les pièces encochées ne réagissaient pas de la même manière que les éclats bruts ou les racloirs à des activités identiques et des matières travaillées similaires. Les stigmates présents sur le matériel expérimental comportent des caractères distincts en fonction de la dureté de la matière travaillée, de la durée du travail et de l’action effectuée. Enfin, les premières comparaisons avec le matériel archéologique de Mauran (Farizy, David & Jaubert 1994) mettent en évidence l’utilisation des denticulés en silex, principalement lors d’activités en relation avec le traitement de matières animales. Ces premières analyses tendent donc à infirmer la relation généralement établie entre pièces encochées et travail du bois.
29Thème 3 — L’analyse des pointes expérimentales a permis de définir les fractures associées aux activités de chasse mais également les traces (macro- et microscopiques) résultant des autres activités effectuées. Leur comparaison avec le matériel archéologique du gisement de Payre a montré qu’il n’y a pas d’éléments permettant de conclure à l’emploi des pointes comme armatures. Leur utilisation s’inscrit en fait dans un large éventail d’activités conditionné en partie par les caractères morpho-techniques des pièces.
30Thème 4 — L’utilisation systématique de matériaux variés (silex, quartz, quartzite) lors des expériences conduites dans les différents thèmes a permis la création d’un important référentiel qui contribuera, à terme, à une meilleure compréhension du statut fonctionnel des matériaux réputés médiocres.
31Thème 5 — Le relevé des stries de décharnement, comparé à celui d’autres référentiels très usités (Binford 1981), permet d’ores et déjà de montrer que l’attribution d’une strie à une action spécifique (décharnement ou désarticulation) à partir de son orientation et de sa localisation est difficilement réalisable. Ainsi, une partie des stries liées au décharnement possèdent des caractéristiques (localisation et orientation) proches de celles identifiées par L. Binford comme résultant de l’étape de désarticulation. Il s’agit d’un résultat important car il remet en cause notre capacité à pouvoir cerner certaines des activités de boucherie.
32Thème 6 — L’étude du matériel expérimental montre une fragmentation plus importante des os congelés par rapport aux frais. La fracturation de mandibules de chevaux a démontré que la percussion entraîne un morcellement transversal des jugales. Seules les dents semblent être un marqueur fiable de cette fracturation car la mandibule porte peu de traces de percussions, et les rares points d’impact présents seraient voués à disparaître au cours de la fossilisation. Enfin, la localisation des points d’impacts sur les ossements fracturés expérimentalement et les ossements issus des collections archéologiques a été entreprise. Il apparaît que la méthode employée expérimentalement (percussion directe) entraîne la sélection de zones préférentielles pour la percussion, liées aux contraintes anatomiques des ossements.
33Thème 8 — Grâce à la conduite de nombreuses expériences (fracturation d’os, concassage de matière végétale et animale, débitage et retouche), nous avons caractérisé les différents stigmates résultant de l’utilisation de bifaces, de « choppers » et de nucléus en percussion sur différentes matières et mis en évidence l’existence de critères diagnostiques en fonction de la matière percutée et de l’intensité de l’utilisation. Nous avons aussi démontré que les nucléus et bifaces provenant des sites archéologiques étudiés et présentant des traces d’impacts avaient été utilisés en percussion sur un matériau minéral. Ces traces sont compatibles, par leur morphologie et leur distribution, avec une utilisation comme percuteurs de taille (débitage et retouche).
34Thème 9 — L’analyse des retouchoirs expérimentaux a permis de décrire des enfoncements et des entailles dont la morphologie caractérise la matière première retouchée et dans une moindre mesure, l’état de fraîcheur des os utilisés.
35Thème 10 — Les expériences ont débuté en 2009 et leur poursuite permettra la création d’un référentiel sans équivalent et pourtant indispensable à l’analyse des hachereaux archéologiques.
36Si la plupart des expériences réalisées dans le cadre de ce Programme collectif de recherche ne sont pas fondamentalement nouvelles, elles acquièrent un caractère novateur par le cadre dans lequel elles s’inscrivent : d’une part, un travail d’équipe pluridisciplinaire qui mutualise les compétences et les moyens, d’autre part un enregistrement systématique et rigoureux des expériences dont les résultats seront rapidement accessibles à l’ensemble de la communauté scientifique, grâce à diverses publications et un site Web dont la mise en ligne est prévue pour l’hiver 2010. De plus, les premiers résultats obtenus laissent déjà poindre de nouvelles interrogations : par exemple, l’utilisation de bifaces ou de denticulés en boucherie relève-t-elle de choix techniques appropriés à certaines phases du traitement d’une carcasse ou de réelles traditions techniques propres à des entités culturelles ?