1Soucieux de l’image sociale de leur discipline, les archéologues français se montrent souvent critiques vis-à-vis de ce qu’ils qualifient de détournements ou simplifications opérées, à leur corps défendant, par les professionnels des médias mais aussi les conservateurs de musées. Les Nouvelles de l’archéologie s’intéressent de longue date à ces questions. Isabelle Sidéra a expliqué l’échec du réalisateur Jacques Mitsch et de ses garants scientifiques Jean Guilaine et Jean Vaquer dans Vivre au Néolithique, life-show télévisé diffusé sur France 3 (n° 95, 2004 : 46). Maxence Bailly et Marc-Antoine Kaeser ont vivement polémiqué à propos de la représentation des lacustres offerte à Zürich par le Musée national suisse (n° 97, 2004 : 21-26 et 27-31). Despina Liolios a dit sa stupéfaction devant le film L’Odyssée de l'Espèce (n° 100, 2005 : 43-45). Armelle Bonis a réfléchi sur la diffusion des connaissances et le partage du savoir en analysant trois expositions sur la préhistoire présentées par trois musées d’Île-de-France (n° 103, 2006 : 18-33), avant que Jean-Bernard Roy ne fasse l’éloge d’une autre exposition novatrice sur les résultats acquis par les fouilles préventives du tracé Tgv Est (n° 106, 2007 : 77-79). Charlotte Arnauld, enfin, s’est indignée du mélange pervers auquel s’est livré Mel Gibson pour Apocalypso, en recyclant maints détails exacts pour soutenir une fiction aberrante (n° 107, 2007 : 35-36).

2Le dossier que propose aujourd’hui Brigitte Röder, professeur de pré- et protohistoire à l’université de Bâle, adopte un point de vue sensiblement différent des thèses communément admises en France. Intitulé « Images publiques de l’archéologie », il privilégie la fonction sociale de cette dernière. Comment les dessinateurs projettent-ils, dans leurs restitutions de la vie quotidienne des hommes préhistoriques, les rapports qui jouent entre hommes et femmes, parents et enfants, nature et culture, origine et avenir, dans la société contemporaine (B. Röder) ? Que montre la télévision, quand le montre-t-elle, et de quelle manière (N. Aubert) ? Comment les manuels scolaires allemands prennent-ils en compte la préhistoire et l’archéologie, tout en persistant à transmettre des stéréotypes (M. Sénécheau) ? En quoi les archéologues sont-ils responsables au premier chef des poncifs qui circulent à leur propos (M.-A. Kaeser) ? Pourquoi ont-ils autant de difficultés à comprendre le langage et les pratiques des journalistes scientifiques (G. Lüscher) ? Et comment, entre culture scientifique et culture populaire, s’insère la « marque archéologie » (C. Holtorf) ?

3Les deux articles publiés sous la rubrique « Actualités scientifiques » prolongent ces réflexions toniques. Dans Positif/négatif, Serge Lewuillon écrit l’histoire de l’imagerie scientifique, qui hésita longtemps entre estampe et photographie. Claudie Voisenat, elle, saute à pieds joints dans les arcanes virtuels et intemporels de Wold of Warcraft, jeu de rôle en ligne peuplé de nains archéologues et d’elfes historiens.

4Après ces lectures stimulantes mais un peu déstabilisantes, les archéologues reprendront pied dans le monde réel de la politique de la recherche avec trois articles : Jean-François Charnier annonce des évolutions positives pour la gestion des mobiliers archéologiques ; Alain Chartrain retrace dix ans d’opérations archéologiques dans le Montpelliérais ; et Bruno Dufaÿ esquisse le nouveau panorama de l’archéologie des collectivités territoriales.

La Rédaction

5Erratum

6Dans la légende de l’illustration publiée en couverture du numéro 111/112, une erreur typographique a induit une grave erreur chronologique. Le maïs n’est pas apparu il y a 65 000 ans mais, bien sûr, vers –6 000/5 000 ans. De plus, page 6, il ne faut pas lire « Cercle de recherche et d’action pédagogique (CRAP) » mais « Centre de recherche en archéologie précolombienne (CRAP) ».