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Actualités scientifiques

Gestion et valorisation des collections et de la recherche anthropologique

Une investigation pilote en Provence – Alpes – Côte d’Azur
Daphné Deverly
p. 30-33

Texte intégral

1Depuis longtemps considérée comme l’une des régions les plus productives en matière de recherche archéologique, la région Provence – Alpes – Côte d’Azur ne déroge pas au problème de la gestion des collections archéologiques en général et anthropologiques tout particulièrement. Des lieux de stockage éloignés, inadaptés, des collections dispersées, perdues ou encore des sites archéologiques non ou mal répertoriés, sont choses connues et courantes. Ce problème est une préoccupation nationale tant pour les chercheurs que pour les autorités en charge du patrimoine depuis nombre d’années. Il a nourri plusieurs débats telles les Assises nationales de la conservation archéologique qui ont eu lieu à Bourges en novembre 1998 (Deyber-Persignat 2000).

2Au regard de la volonté conjointe des instances scientifiques et patrimoniales locales, il apparaissait indispensable de faire un bilan des données régionales disponibles. Ma thèse de doctorat (Deverly 2006) avait pour objectif de réaliser l’état des lieux des collections anthropologiques issues de sites archéologiques ayant fait l’objet de fouilles autorisées par l’État et de la recherche anthropologique afférente. Cet état des lieux passe par trois points :

  • inventorier les opérations archéologiques réalisées sur le territoire de la région Paca et ayant livrés des vestiges osseux humains (crémation et inhumation), quelles que soient leur chronologie ou leur structure,

  • visiter les différents lieux de stockage (musées, universités, associations, dépôt Sra...), afin de localiser les collections et d’en établir un premier bilan sanitaire (conditionnement, conservation, mélange),

  • recenser et analyser la bibliographie afférente (archives de fouille, thèses, publications...).

  • Toutes les observations ont été intégrées dans une base de données réalisée sous Access© dont le but est de dresser un bilan objectif de l’état et du potentiel des ensembles ostéo-archéologiques régionaux et, à terme, de permettre un meilleur accès aux données et aux collections.

Méthodologie

3Cette recherche concerne l’ensemble des sites archéologiques funéraires de tous types et de toutes époques, identifiés et fouillés avant 2001, ce qui correspond à un demi-siècle de pratique archéologique régionale.

4La base de données regroupe 212 champs répartis en quatre tables : table générale (fiches de présentation des 2 510 entités archéologiques funéraires régionales enregistrées), table fouille (analyse des 3 194 opérations archéologiques relatives aux entités enregistrées), table dépôt (bilan « sanitaire » des 290 collections anthropologiques inventoriées dans les dépôts visités) et table bibliographie (analyse et résumé des 1 212 références identifiées). Plusieurs requêtes sont préenregistrées et servent de moteur de recherche.

5Quarante-huit lieux de stockage au minimum existent en région Paca (Deverly et al. 2006). Sur cet ensemble, neuf n’hébergent pas de collections anthropologiques, trente-trois en possèdent – dont vingt ont été intégralement inventoriés lors de ce travail ; les six derniers n’ont pu être visités. Pour plus d’informations, voir Lequeux et al. 1990 pour les musées, et Ardagna 2004 pour l’Umr 6578.

6L’analyse bibliographique s’est déroulée en deux temps. Elle a d’abord porté sur le dépouillement de tous les rapports de fouille déposés au service régional de l’archéologie, qu’il s’agisse de sites funéraires ou non, afin de vérifier la présence de sépultures humaines et d’analyser leur contenu scientifique. Ensuite, dix-sept revues archéologiques et anthropologiques ont été dépouillées afin d’y déceler des renseignements sur les sites répertoriés et d’analyser les données diffusées à la communauté scientifique (Deverly 2005). Deux travaux comparatifs ont été utilisés pour l’analyse des revues anthropologiques (Bouali 1988) et des revues interrégionales d’archéologie (Aubin 1996).

Les sites funéraires

7Les entités archéologiques funéraires régionales caractérisées comme « avérées » correspondent aux sites certains ayant fait l’objet d’une intervention archéologique autorisée par l’État, ayant livré des vestiges osseux humains qui ont été prélevés et pour lesquels nous avons des documents de fouille – soit 577 sur les 2 510 enregistrés dans la base nationale Patriarche. À l’heure actuelle, 38 % des fouilles archéologiques ayant livré des vestiges funéraires ont leurs collections anthropologiques localisées, 70 % ont un rapport déposé au SrA, 23 % ont été publiées dans les dix-sept revues dépouillées et, pour 32 %, nous avons retrouvé des données anthropologiques dans les rapports de fouille et/ ou les publications.

Bilan géographique (tableau 1)

8Les départements les plus représentés, quel que soit le critère observé, sont incontestablement les Bouches-du-Rhône, le Var et le Vaucluse, mais il est vrai que le nombre d’entités archéologiques est bien plus grand que les trois autres : il est par conséquent préférable de comparer les pourcentages par périodes plutôt que les données brutes.

9Ainsi, la localisation des collections oscille entre 30 et 36 %, sauf pour les Bouches-du-Rhône où plus de la moitié des entités sont localisées. Ce fait tient à la présence, dans ce département, de nombreux dépôts dont deux sont municipaux et très bien gérés : Marseille et Aix-en-Provence, communes où sont recensées de nombreuses opérations de fouille de sauvetage.

10Les fouilles portant sur le funéraire qui ont fait l’objet d’au moins un document final de synthèse (DfS) déposé au Sra comptent pour 70 % des entités avérées totales. Deux départements sont en dessous de la moyenne : les Alpes-de-Haute-Provence et les Alpes-Maritimes. Pour les données anthropologiques, les entités pour lesquelles nous avons retrouvé des informations proviennent principalement des Bouches-du-Rhône et du Var, puis des Hautes-Alpes et du Vaucluse.

11Les meilleurs scores en matière de documentation issue des fouilles sont ceux des Bouches-du-Rhône, où 81 % des entités avérées ont donné lieu à au moins un DfS déposé au Sra. Les plus bas pourcentages vont aux publications, spécialement pour les départements du nord de la région (Alpes-de-Haute-Provence et Hautes-Alpes).

Tableau 1

Département

Entités avérées

Entités localisées

Entités dfs

Entités publiées

Entités anthropologiques

Alpes-de-Haute-Provence

76

23 (30,3 %)

49 (64,5 %)

11 (14,5 %)

11 (14,5 %)

Hautes-Alpes

28

10 (35,7 %)

21 (75 %)

3 (10,7 %)

9 (32,1 %)

Alpes-Maritimes

87

29 (33,3 %)

31 (35,6 %)

18 (20,7 %)

18 (20,7 %)

Bouches-du-Rhône

151

79 (52,3 %)

123 (81,5 %)

40 (26,5 %)

59 (39,1 %)

Var

125

46 (36,8 %)

95 (76 %)

32 (25,6 %)

52 (41,6 %)

Vaucluse

110

33 (30 %)

85 (77,3 %)

29 (26,4 %)

35 (31,8 %)

Total

577

220 (38,1 %)

404 (70 %)

133 (23,1 %)

184 (31,9 %)

Récapitulatif des résultats pour chaque département de PACA

Bilan chronologique (tableau 2)

12Dans notre étude, la chronologie archéologique a été séparée en six grandes périodes : Préhistoire, âge du Bronze, âge du Fer, Antiquité, Moyen Âge et époques moderne et contemporaine. Les périodes les plus souvent rencontrées lors des opérations archéologiques et les mieux étudiées en région Paca sont le Moyen Âge et l’Antiquité, puis la Préhistoire. Comme pour le récapitulatif géographique, nous allons comparer le pourcentage de chaque période en fonction du nombre initial d’entités avérées.

13Plus de la moitié des collections préhistoriques ont été localisées alors que, pour les périodes plus récentes, ces résultats sont moins bons et avoisinent les 30 à 40 %.

14Concernant les Dfs déposés au Sra, les résultats restent bons avec un maximum pour les entités datées du Moyen Âge (86,4 %) et un minimum pour l’Antiquité (seulement 56 %).

15Les travaux portant sur les périodes anciennes (Préhistoire, âge du Bronze et âge du Fer) ont plus souvent fait l’objet d’une publication, notamment dans des ouvrages collectifs et thématiques spécifiques à ces périodes : Vaucluse préhistorique ; Âge du Bronze en Vaucluse. L’Antiquité est la période dont les entités ont le moins fréquemment été publiées : 11,9 %. Ces constatations sont identiques pour les contributions anthropologiques.

Tableau 2

Période

Entités avérées

Entités localisées

Entités dfs

Entités publiées

Entités anthropologiques

Préhistoire

83

48 (57,8 %)

61 (73,5 %)

34 (41 %)

40 (48,2 %)

Néolithique – âge du Bronze

12

10 (83,3 %)

9 (75 %)

8 (66,7 %)

9 (75 %)

Âge du Bronze

35

12 (34,3 %)

21 (60 %)

16 (45,7 %)

18 (51,4 %)

Âge du Bronze – âge du Fer

2

0 (0 %)

1 (50 %)

1 (50 %)

1 (50 %)

Âge du Fer

25

4 (16 %)

15 (60 %)

8 (32 %)

10 (40 %)

Âge du Fer - Antiquité

3

3 (100 %)

1 (33,3 %)

3 (100 %)

3 (100 %)

Antiquité

168

49 (29,2 %)

94 (56,0 %)

19 (11,3 %)

29 (17,3 %)

Antiquité – Moyen Âge

16

10 (62,5 %)

12 (75,0 %)

4 (25,0 %)

9 (56,3 %)

Moyen Âge

176

62 (35,2 %)

152 (86,4 %)

35 (19,9 %)

51 (29 %)

Moyen Âge - Moderne

3

3 (100 %)

3 (100 %)

2 (66,7 %)

2 (66,7 %)

Moderne et contemporain

34

13 (38,2 %)

25 (73,5 %)

3 (8,8 %)

9 (26,5 %)

Datation inconnue

20

6

10

0

3

Total

577

220 (38,1 %)

404 (70 %)

133 (23,1 %)

184 (31,9 %)

Récapitulatif des résultats pour chaque période archéologique

Confrontation des résultats (Figure 1)

16Provence – Alpes – Côte d’Azur. Pour cela nous avons créé un outil, la base de données, et nous avons analysé quatre paramètres : la localisation et la gestion des collections, la documentation de fouille et les publications, les données anthropologiques. Nous avons vu dans ce travail que, sur 2 510 entités funéraires enregistrées dans la base Patriarche du service régional de l’archéologie de Provence – Alpes – Côte d’Azur, 22,9 % sont liées à des fouilles autorisées par l’État et ont livré des vestiges osseux humains. Très peu d’entités ont des informations complètes, moins de 2 % ont à la fois leur collection localisée, un rapport déposé au Sra, une publication et des données anthropologiques. Et ce constat est sans doute encore optimiste puisqu’il ne tient pas compte des modalités de conservation de la collection, ni de la qualité des études archéologiques et anthropologiques.

Fig. 1

Fig. 1

Confrontation des différents critères

17Dans les publications dépouillées, on constate au cours des dix dernières années un accroissement des monographies où les informations archéologiques et anthropologiques sont traitées simultanément. De plus, pour pallier les manques, divers Projets collectifs de recherche (Pcr) sont en cours sur des collections anciennes inédites ou remises au jour à la suite d’inventaires/reconditionnements de dépôts. De même, au niveau universitaire, plusieurs travaux sont réalisés notamment sur les crémations régionales. L’ostéothèque régionale implantée au laboratoire d’anthropologie de la faculté de médecine de Marseille-nord (Umr 6578) et le nouveau dépôt régional des Milles à Aix-en-Provence apportent sans nul doute des solutions à la gestion raisonnée des collections anthropologiques régionales, en facilitant notamment leur accessibilité.

18Un important travail reste à faire. Plusieurs dépôts régionaux doivent encore être inventoriés en détail. Cet inventaire général apporterait une vision exhaustive de la gestion régionale et de la dispersion des collections. Après cela, il y aura une nécessaire remise en état de certaines collections. D’autres perspectives sont en relation avec l’activité scientifique. Il s’observe ainsi un net clivage archéologique entre le nord et le sud de Paca, certaines périodes comme l’âge du Fer et l’Antiquité sont moins connues d’un point de vue anthropologique et les ossements brûlés sont peu étudiés et publiés.

19Dans ce travail, nous n’avons pas développé la question du devenir des collections qui a été soulevée lors de la table ronde de Carry-le-Rouet. L’intérêt de chaque collection est variable en fonction de chaque spécialiste : paléodémographe (échantillon important, bonne conservation, détermination âge/sexe possible...), paléopathologiste (individus complets, nombreux cas...), paléogénéticien (présence d’adn, pas de contamination...). Il est donc bien difficile de statuer au cas par cas sur les solutions les plus adaptées à la conservation des collections voire, dans certains cas, sur la nécessité de les conserver.

20Enfin, la base de données créée dans le cadre de cette thèse devrait permettre de rechercher rapidement les informations administratives, scientifiques et bibliographiques portant sur les séries et gisements anthropologiques ; cet outil mis à la disposition de la recherche régionale permet d’avoir une vue d’ensemble d’un demi-siècle de recherches archéologiques et anthropologiques. Son développement au niveau régional puis interrégional ou national paraît souhaitable si l’on veut prétendre à une approche sinon exhaustive, du moins objective, des vestiges anthropologiques. Et, à l’échelle régionale, il est primordial de continuer la mise à jour de cette base de données et de mettre en place un comité de pilotage régional, sans quoi ce travail deviendra vite obsolète.

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Bibliographie

Ardagna, Y. 2004. La conservation des archives biologiques et des documents associés en anthropologie biologique. Applications à des collections anthropologiques françaises et hongroises. Thèse d’anthropologie biologique, Université de la Méditerranée Aix-Marseille-II - Faculté de médecine, 281 p.

Aubin,G. 1996. « Analyses et propositions à propos de la publication archéologique en France. Rapport sur les revues interrégionales d’archéologie », Les Nouvelles de l’archéologie, 64 : 5-17.

bouali, M. 1988. « Place de l’anthropologie historique dans cinq grandes revues anthropologiques», in : Actes des 3esjournées anthropologiques. Notes et monographies techniques n° 24. Paris, Cnrs : 31-42.

deyber-persignat, D. 2000. Le dépôt archéologique. Conservation et gestion pour un projet scientifique et culturel : assises de la conservation archéologique, Bourges 1998. Bourges, Service municipal d’archéologie : 456.

deverly, D. 2005. « Méta-analyse des sites archéologiques funéraires de Provence – Alpes – Côte d’Azur : vers une meilleure gestion des collections et de la recherche anthropologiques régionales», Paris, Bulletins et mémoires de la Société d’anthropologie de Paris, n.s., 17, 3-4 : 209-237.

deverly, D. 2006. Les collections et la recherche anthropologiques en région Provence–Alpes–Côte d’Azur. Thèse d’anthropologie biologique, Université de la Méditerranée Aix-Marseille-II - Faculté de médecine, 256 p.

deverly, D., B. bizot, M. signoli et O. dutour. 2006. « Les collections et la recherche anthropologiques en Provence – Alpes – Côte d’Azur », in : Y. Ardagna, B. bizot, G. boëtsch et X. delestre, Les collections ostéologiques humaines : gestion, valorisation et perspectives : actes de la table ronde de Carry-le-Rouet (Bouches-du-Rhône, France) 25- 26 avril 2003. Aix-en-Provence, Éditions de l’association Provence archéologie, Bulletin archéologique de Provence, suppl. 4 : 41-52.

lequeux, B., M. mainjonet-brun et S. roscian. 1990. Les collections archéologiques dans les musées de France. Paris, Cnrs, 304 p.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1
Légende Confrontation des différents critères
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/nda/docannexe/image/143/img-1.png
Fichier image/png, 21k
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Pour citer cet article

Référence papier

Daphné Deverly, « Gestion et valorisation des collections et de la recherche anthropologique »Les nouvelles de l'archéologie, 107 | 2007, 30-33.

Référence électronique

Daphné Deverly, « Gestion et valorisation des collections et de la recherche anthropologique »Les nouvelles de l'archéologie [En ligne], 107 | 2007, mis en ligne le 22 avril 2011, consulté le 09 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/nda/143 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/nda.143

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Auteur

Daphné Deverly

daphnedeverly@hotmail.fr

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