Navigation – Plan du site

AccueilNuméros75De l’impressionnisme littéraire

7

De l’impressionnisme littéraire1

Max Saunders
Traduction de Modèles linguistiques
p. 155-170

Résumés

Cet article procède par une série d’oppositions. En partant de la peinture, deux conceptions opposées du terme impressionnisme sont examinées : (i) la première – sans oublier que certains de ces exposants, notamment Cézanne, Gauguin et Seurat se sont progressivement éloignés du mouvement vers un style appelé par la suite, « postimpressionnistes » – désigne spécifiquement les principes esthétiques des peintres ayant participé aux expositions dites impressionnistes tenues à Paris entre 1874-1886, (ii) la seconde, qui adopte une optique plus large, explique l’impressionnisme par un changement d’attitude par rapport à la fonction de la lumière : pour les Anciens, elle véhiculait une signification spirituelle ; en revanche, les peintres de la seconde moitié du dix-neuvième siècle, influencés par les avancées scientifiques, s’intéressent à la lumière surtout en tant que phénomène sensoriel et psychologique. Le critique Richard Bretell oppose l’impressionnisme immédiat («transparent »), où le peintre se borne à reproduire fidèlement le contenu de son champ visuel, à l’impressionnisme médiat, où la représentation que propose le peintre est indissociable de son contexte social. Est abordée ensuite l’influence des peintres impressionnistes sur l’écriture. Le premier critique à en parler s’avère être le redoutable Ferdinand Brunetière qui, en 1889 dans un essai sur un roman de Daudet, parle d’impressionnisme littéraire. Mais il ne faut pas oublier les précurseurs : en France, l’essai de Baudelaire « Le peintre de la vie moderne » (1863) et en Angleterre, le livre de Walter Pater sur la Renaissance. L’essai se poursuit en opposant deux conceptions de l’impressionnisme littéraire, (i) la première qui le situe dans le créneau de l’impressionnisme pictural, c’est-à-dire, dans l’intervalle entre Réalisme et Modernisme, (ii) la seconde qui recouvre une période plus large allant de Flaubert à Virginia Woolf. La réticence initiale de certains écrivains, comme par exemple James et Conrad, est opposée à l’enthousiasme de Ford qui s’en est immédiatement donné à cœur joie. Celui-ci propose également deux modèles d’impressionnisme littéraire, le premier où une multiplicité d’impressions se superpose spontanément, et le second, où des perspectives contrastives se suivent, produisant un effet d’instabilité et d’incertitude. L’impressionnisme littéraire est également producteur de moments d’aliénation, lorsque l’identité de l’être est menacée et sa manière d’être au monde est mise en cause. La conscience accrue de la réalité qui en résulte fournit les bases du flot de conscience du modernisme. Comme l’impressionnisme pictural, c’est un mode qui insiste sur le style, sur la matière, sur la construction et sur les moyens formels. Dans ce contexte, V. Woolf, au vu de la manière dont elle associe impressionnisme et modernisme, est présentée comme une artiste exemplaire. Pourtant certains critiques modernistes expriment une gêne certaine par rapport à l’absence d’intrigue dans son écriture romanesque. Certains critiques reprochent également à l’impressionnisme littéraire, une préférence pour le flou et l’ambigu qui conduit à une obscurité abusive ; cette tendance est également condamnée par la critique marxiste post-colonialiste qui déplore la manière dont les réalités sociales et politiques sont escamotées.

Haut de page

Texte intégral

  • 1 Une première version de cet essai ‘Literary Impressionism’, a été publiée dans A Companion to Moder (...)
  • 2 « Je jetai un coup d'œil sur l'élève de Bertin : son visage tournait au rouge sombre. Une catastrop (...)

1Quand la « Société anonyme des peintres, sculpteurs et graveurs » organisa la première des huit expositions qui eurent lieu à Paris entre 1874 et 1886, aucun des participants ne se déclara Impressionniste. C’est le critique d’art Louis Leroy qui, sans le vouloir, a appliqué ce nom au mouvement dans sa critique malveillante du tableau de Claude Monet, « Impression, soleil levant », une sorte d’esquisse où le scintillement de la lumière fait penser à l’art japonais2. Leroy avait intitulé son article du 25 avril 1874 L’exposition des Impressionnistes : « Que représente cette toile ? écrivait-il. « Impression ! Impression, j’en étais sûr. Je me disais aussi puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l’impression là-dedans ». Depuis cette époque, le terme « impressionniste » n’a rien perdu de son ambiguïté. Les critiques d’art et les critiques littéraires mettent en doute son bien-fondé. Selon Richard Bretell, l’un des plus éminents : « Il est incontestable que, dans l’histoire de l’art, l’impressionnisme est le mouvement le plus connu mais, paradoxalement, le moins bien compris » (Bretell 1999 : 15).

2Bretell distingue deux sens fondamentaux. Le premier, le plus étroit, renvoie aux peintres qui ont participé aux expositions du groupe dont les chefs de file sont Monet, Pissarro, Renoir, Degas, Sisley et Berthe Morisot. Mais, même dans ce cas, la définition de l’Impressionnisme est plutôt vague. Des artistes qui ont développé leur technique au-delà de l’Impressionnisme, comme par exemple Cézanne ou Gauguin et Seurat, étaient représentés dans certaines expositions du groupe. Ces trois peintres, ainsi que Manet et Van Gogh, faisaient partie de la première des deux célèbres expositions de Londres en 1910 – expositions organisées par le critique d’art Roger Fry, sous le titre « Manet and the Post-Impressionists ». L’autre sens, plus large, mais probablement plus contestable, se propose de définir l’Impressionnisme en termes esthétiques :

  • 3  “[…] as an offshoot of Realism interested principally in the transcription of visual reality as it (...)

[…] comme un dérivé du Réalisme dont l’objectif essentiel est la transcription de la réalité visuelle, pour autant qu’elle affecte la rétine du peintre dans la brièveté de l’instant. Ainsi, les tableaux de Monet seraient des impressions qui peuvent être mis en étroit rapport avec la pensée contemporaine sur la photographie (cf. Bretell 1999 : 15-16)3

3Cette analyse repose sur deux constats, dont le premier est que l’Impressionnisme met la perception visuelle au premier plan. On pense à la célèbre boutade de Cézanne à propos de Monet : « Monet, ce n’est qu’un œil, mais, bon Dieu, quel œil ! ». Bien que toute peinture passe obligatoirement par le truchement de la vision, dans la peinture de la Renaissance et dans celle de l’époque classique, la représentation du réel ne se suffit pas à elle-même, elle comporte le plus souvent une seconde dimension – une idée spirituelle ou religieuse, un récit biblique, un événement historique, un paysage idéalisé et ainsi de suite. De la même façon, dans la peinture impressionniste, la lumière se dote d’une signification supplémentaire. Alors que dans la peinture antérieure, la lumière enferme souvent une signification spirituelle, et que la technique du clair-obscur est mise au service de la représentation de la plasticité, l’Impressionnisme est informé, non seulement, des avancées techniques de la photographie, mais des travaux scientifiques sur la lumière, les rayons lumineux et les vibrations, les traités sur les couleurs et les analyses de la couleur des ombres. Le second constat est que, paradoxalement, si ces tendances profanes détournent l’Impressionnisme pictural de la recherche du réalisme littéral (ou de la vérisimilitude), en les orientant vers une interprétation psychologique, elles les éloignent également de tout essai de représentation des objets perçus par le réalisme de la photographie en les orientant vers le processus de la perception, vers l’expérience subjective de la vision.

4Bretell distingue deux sens fondamentaux. Le premier, le plus étroit, renvoie aux peintres qui ont participé aux expositions du groupe dont les chefs de file sont Monet, Pissarro, Renoir, Degas, Sisley et Berthe Morisot. Mais même dans ce cas, la définition de l’Impressionnisme est plutôt vague. Des artistes qui ont développé leur technique au-delà de l’Impressionnisme, comme par exemple Cézanne ou Gauguin et Seurat étaient représentés dans certaines expositions du groupe. Ces trois peintres, ainsi que Manet et Van Gogh faisaient partie de la première des deux célèbres expositions de Londres en 1910 – expositions organisées par le critique d’art Roger Fry, sous le titre « Manet et les Post-Impressionnistes ».

5L’autre sens, plus large, mais probablement plus contestable, se propose de définir l’Impressionnisme en termes esthétiques, comme un dérivé du Réalisme dont l’objectif essentiel est la transcription de la réalité visuelle, pour autant qu’elle affecte la rétine du peintre dans la brièveté de l’instant. Ainsi, les tableaux de Monet seraient des impressions qui peuvent être mises en étroit rapport avec la pensée contemporaine sur la photographie (cf. Bretell 1999, pp. 15-16).

6Cette analyse repose sur deux constats, dont le premier est que l’Impressionnisme met la perception visuelle au premier plan. On pense à la célèbre boutade de Cézanne à propos de Monet : « Monet, ce n’est qu’un œil, mais, bon Dieu, quel œil ! Bien que toute peinture passe obligatoirement par le truchement de la vision, dans la peinture de la Renaissance et dans celle de l’époque classique, la représentation du réel ne suffit pas à elle-même, elle comporte le plus souvent une seconde dimension – une idée spirituelle ou religieuse ; un récit biblique, un événement historique, un paysage idéalisé et ainsi de suite. De la même façon, dans la peinture impressionniste, la lumière se dote d’une signification supplémentaire. Alors que dans la peinture antérieure, la lumière enferme souvent une signification spirituelle, et la technique du clair-obscur est mise au service de la représentation de la plasticité, l’Impressionnisme est informé, non seulement, des avancées techniques de la photographie, mais des travaux scientifiques sur la lumière, les rayons lumineux et les vibrations, les traités sur les couleurs et les analyses de la couleur des ombres. Le second constat est que, paradoxalement, si ces tendances profanes détournent l’Impressionnisme pictural de la recherche du réalisme littéral (ou de la vérisimilitude), en les orientant vers une interprétation psychologique, elles les éloignent également de tout essai de représentation des objets perçus par le réalisme de la photographie en les orientant vers le processus de la perception, vers l’expérience subjective de la vision.

  • 4 “ […] visual reality is conceived not as a vibrant coloured field, but as a social world in which t (...)

7Brettell introduit deux sous-ensembles à l’intérieur de la peinture impressionniste : d’une part, l’Impressionnisme immédiat («transparent »), où les peintres essaient de reproduire « ce qui a l’apparence de la réalité visuelle ». Ici, c’est Monet le peintre canonique : « le sujet de la peinture se limite au champ visuel du peintre, plutôt que dans les formes constituantes de l’espace imaginaire ». D’autre part, l’Impressionnisme médiat («mediated »), où les peintres suivent l’exemple de Degas ou de Renoir. Pour ceux-ci : « la réalité visuelle est conçue, non pas comme un champ de couleurs vibrantes, mais comme un espace social où l’interprétation des figures et les divers champs nécessitent une analyse préalable »4.

  • 5 “[…] in aesthetic criticism the first step towards seeing one’s object as it really is, is to know (...)

8Pour ce qui est de l’application du terme à l’écriture et à la musique, la première mention officielle se trouve dans l’essai du redoutable Ferdinand Brunetière « Les rois en exil d’Alphonse Daudet », qui paraît dans la Revue des deux mondes en 1879 (« Et c’est ce mélange en lui de l’artiste et du poète que j’essaie de caractériser d’un trait, quand je l’appelle un impressionniste dans le roman »). Mais d’un autre point de vue, on pourrait dire que c’est également sous l’influence de l’essai de Charles Baudelaire le Peintre de la vie moderne (1863) que les peintres impressionnistes, à leur tour, commencent à s’inspirer de la littérature. L’essai de Baudelaire, consacré à l’œuvre du peintre « pré-impressionniste » Constantin Guys, peut être lu comme un manifeste de l’impressionnisme, par l’éloge qu’il fait de la beauté de la vie quotidienne – surtout du loisir qu’offre la vie dans une ville moderne – de la rapidité de l’exécution, et de sa préférence pour les cérémonies de la modernité, par rapport à celles de l’époque classique. Parallèlement, en Angleterre, le maître à penser est l’écrivain Walter Pater, qui dès 1873 commence à explorer la notion d’impression (avant la première exposition de la « Société anonyme ») quand il écrit dans Studies in the History of the Renaissance : « Dans la critique esthétique, le premier pas vers l’appréhension de l’objet se fait par la découverte que fait l’observateur de la vraie nature de son impression »5.

9Toutes les discussions sur l’Impressionnisme comme terme de genre littéraire ont tendance à commencer par le bilan des différents types de résistances au mot – à commencer par une certaine réticence quant à son application à l’expression verbale plutôt qu’à l’expression visuelle. Dans son célèbre article de Charivari (1874), Louis Leroy présentait comme une absurdité le projet d’une école de peinture fondé sur le gribouillis mystique. Par ailleurs, le critique Jesse Matz estime que l’impressionnisme comme terme de critique littéraire est par définition imprécis (Matz, 2001 : 17-18). L'impressionnisme littéraire ressemble-t-il à l’impressionnisme pictural – une écriture qui avance à toute allure (par analogie avec le pinceau de l’impressionniste), sans se soucier du détail – préoccupé qu’il est par l’opérativité de la perception plutôt que par l’objet perçu et surtout intéressé par l’esthétique et la perception de la beauté ?

10À ce problème de définition s’ajoute celui du contexte historique. Dans le domaine de l’histoire de l’art, la chronologie est plus simple. L’impressionnisme pictural est clairement l’affaire des dernières années du dix-neuvième siècle et de la période appelée fin de siècle. Le mouvement postimpressionniste se situerait vers 1910, année où, selon Virginia Woolf, le caractère humain aurait radicalement changé (Woolf, 1988 : 421). En littérature, il y a deux manières de comprendre la chronologie de l’impressionnisme. Pour la première, plutôt simpliste, elle serait calquée sur celle de l’impressionnisme pictural : un mouvement qui occupe l’espace entre le Réalisme et le Modernisme, et qui coïnciderait avec la genèse de la Phénoménologie. La seconde, plus intéressée par l’origine historique de la notion même d'« impression », l’attribue, en philosophie, aux empiristes britanniques et au scepticisme de Locke, de Hume et de Berkeley, et en littérature, au réalisme psychologique du milieu du dix-neuvième siècle.

11Depuis quelque temps, on constate, chez les critiques littéraires, un renouveau d’intérêt pour le concept d’impressionnisme littéraire, dont la nouveauté est de concilier les deux écoles de pensée exposées ci-dessus. Bon nombre de monographies fort intéressantes, consacrées à l’influence de l’impressionnisme sur certains auteurs de la fin du dix-neuvième et du début du vingtième siècle, ont été publiées, comme par exemple, Henry James (Hoople 2000), Stephen Crane (Nagel 1980), Joseph Conrad (Peters 2001), et Katherine Mansfield (van Gunsteren 1990). Il existe également des travaux dans le cadre de la littérature comparée, comme par exemple, ceux de Peter Stowell (restreints à la fin de siècle) et ceux de Todd Bender, dont l’éventail est plus large. Mais, parmi tous ces travaux, les plus innovants, ceux qui ont transformé l’histoire de l’Impressionnisme littéraire dans son rapport au Modernisme sont : (i) The Challenge of Bewilderment : Understanding and Representation in James, Conrad and Ford de Paul B. Armstrong et, (ii) Literary Impressionism and Modernist Aesthetics de Jesse Matz. L’ouvrage de Paul Armstrong, qui se borne à étudier les trois auteurs anglais considérés comme les représentants canoniques, propose une lecture novatrice de leurs écrits de fiction, lecture informée par la philosophie. Mais, autant la fourchette temporelle que propose Armstrong pour sa lecture chronologique de l’impressionnisme est réduite, autant celle de Jesse Matz est large. à l’instar de Michael Levenson et de Frederic Jameson, il prétend, que c’est l’impressionnisme, théorisé dans un premier temps par les philosophes empiristes (Locke, Berkeley et Hume), qui est à l’origine du modernisme littéraire et non le contraire. Si comme Armstrong, Matz reconnaît le trio James, Conrad et Ford comme représentants canoniques de l’impressionnisme littéraire, il inclut également Hardy et Proust, sans pour autant nier le rôle de Walter Pater et de Virginia Woolf.

12Matz explique la confusion autour de la notion d’impression par ses origines empiristes. à cette époque, le terme était entendu, à la fois comme le résultat de l’empreinte passive de l’expérience du monde, et comme l’opérativité mentale de la perception et de la pensée. Il commence par Proust, montrant comment celui-ci passe sans transition de moments de sensation visuelle intense à la prose picturale, ce qui pourrait paraître à première vue comme typiquement impressionniste, mais cette définition est aussitôt rejetée, à la faveur d’une autre définition proustienne de l’impressionnisme : les moments classiques de mémoire involontaire où une impression présente convoque une impression passée. C’est grâce à cette façon de relier les impressions du présent et du passé que Proust réussit à combler les interstices et à se reconstituer le temps perdu, accédant ainsi à la transcendance ; et c’est ce passage en transcendance qui constitue l’impressionnisme proustien. Grâce à cette analyse, Matz réussit à établir une continuité allant du milieu du dix-neuvième siècle au milieu du vingtième, reliant la flamme sacrée qui consomme Pater à la conscience tantôt émerveillée, tantôt tourmentée, des romans de James, à la ténacité de Conrad dans ses efforts à « faire voir », aux épiphanies modernistes de Proust, de Joyce et de Woolf : tout cela (et on pourrait en ajouter d’autres : la vitalité visionnaire de D.H. Lawrence, le détachement du Tiresias de T.S. Eliot, le désir d’Ezra Pound de retrouver l’énergie divine d’Homer et de Dante) représente un paradigme qui correspond à une nouvelle façon de comprendre le fonctionnement de l’esprit humain, ainsi que la relation entre le percevoir et le comprendre.

13Envisagée de cette façon, l’histoire de l’Impressionnisme complexifie à la fois le réalisme et le modernisme, montrant que l’Impressionnisme n’était pas seulement le simple antécédent du Modernisme, mais le terreau à partir duquel le modernisme s’est construit. Tout compte fait, le style indirect libre, aussi bien chez Joyce que chez Flaubert n’est rien d’autre qu’une technique pour rendre des impressions. Cela ne veut pas dire pour autant que des écrivains tels que Proust et Woolf ne sont pas des modernistes, mais que l’idée de l’impression et des moyens de sa représentation restent au centre de leurs préoccupations.

14Bon nombre d’écrivains qui, depuis, sont classés parmi les impressionnistes, ont témoigné, du moins dans un premier temps, une certaine hostilité, voire la méfiance à l’égard du concept, comme l’indique cet extrait d’une lettre que Flaubert écrit à Tourgueniev en 1877 : « D’abord les Réalistes, ensuite nous avons les Naturalistes et les Impressionnistes. Quel progrès ! Quelle bande de clowns » (Heath 1992 : 29). Le jugement que Henry James porte sur les Impressionnistes en 1876 peut sembler étonnamment sévère aujourd’hui :

  • 6 “The young contributors to the exhibition of which I speak are partisans of unadorned reality and a (...)

Les jeunes contributeurs de l’exposition dont je parle sont des partisans de la réalité crue et des opposants acharnés à toute mise en scène, tout embellissement, toute sélection, et au droit dont l’artiste a joui, depuis le commencement du métier, de se consacrer à la poursuite de l’idée qu’il se fait du beau… rien chez eux ne donne qu’ils possèdent un talent hors de pair et, il me semble de surcroît que les doctrines de l’impressionnisme sont incompatibles, dans leur esprit, avec l’existence d’un talent de premier plan.
Pour y adhérer, il faut être doté d’une grande absence d’imagination. Les « Impressionnistes » déclarent qu’un sujet choisi sans discernement doit être traité sans trop d’application. Ils jettent le détail au rebut et se concentrent sur l’expression générale6.

15Mais par la suite, James devait adopter une attitude moins tranchée. Et comme Matz le démontre, il a fini par se réconcilier avec le concept d’impressionnisme, tant et si bien que la notion même joue un rôle central, non seulement dans son œuvre critique (L’art de la fiction), mais dans ses romans tardifs, comme dans, par exemple, Ce que savait Maisie et dans Les Ambassadeurs.

16Selon Eloise Knapp Hays, cela s’explique en partie par le fait que le terme a perdu progressivement ses connotations négatives. L’attitude de Joseph Conrad a été également ambivalente, passant d’un rejet initial de la peinture impressionniste, par des éloges mitigés de l’écriture de Stephen Crane à une attitude opposée, où il s’est mis à essayer consciemment de parvenir à des effets impressionnistes (Hay : 55). Sa préface au Nègre du « Narcisse » est souvent considérée par les critiques comme un plaidoyer pour l’impressionnisme :

  • 7 “ […] art itself may be defined as a single-minded attempt to render the highest kind of justice to (...)

L’art se définit surtout comme la tentative obstinée de rendre le mieux possible justice au monde visible, en mettant en lumière la vérité dans la multiplicité et l’unicité qui sous-tend chacune de ses manifestations. C’est une tentative pour trouver dans ses formes et dans ses couleurs, dans sa lumière, dans ses ombres, dans les aspects de la matière et dans les vérités de l’existence, ce qui est fondamental, ce qui est pérenne et essentiel – leur unique essence, éclatante et décisive – la vérité même de leur être. […] une telle ambition, pour être efficace, doit nécessairement prendre la forme d’une impression portée par les sens […]. Ce que j’essaie de réussir est, par le seul pouvoir du vocable écrit, de vous faire entendre, de vous faire sentir – avant tout de vous faire voir7.

17Ce manifeste fait apparaître deux paradoxes. Dans un premier temps, l’impressionnisme est censé se concentrer sur le monde visible. Mais, il le fait pour atteindre quelque chose qui n’est pas immédiatement percevable visuellement, à savoir la vérité qui sous-tend ce monde. Par conséquent, le célèbre credo de Conrad – « surtout de vous faire voir » est doublement ambigu. Et comment faudrait-il comprendre « avant tout » ? Chronologiquement : dans un premier temps, on perçoit, dans un second temps, on comprend ? Autrement dit, il s’agirait de ce que Ian Watt définit comme « décodage décalé » (delayed decoding) ? Ou bien, faudrait-il le comprendre comme un superlatif : « par-dessus tout, plus que toute autre chose » ? En d’autres termes, que l’effort conscient de compréhension ne serait pas primordial, qu’il suffirait de se laisser envahir par les impressions, les sensations, l’expérience, qu’il faudrait agir en artiste, plutôt qu’en philosophe. Quoi qu’il en soit, tout tourne autour de la manière dont Conrad insiste sur le mot "see", et c’est cette insistance qui est à la source de l’ambiguïté : quel sens faudrait – il retenir : voir ou comprendre ?

18Le second paradoxe est que, bien que l’art de Conrad s’attache à faire voir le monde comme moyen de révéler ses secrets sous-jacents, la révélation consiste à découvrir qu’il s’agit précisément de secrets, d’énigmes, de mystères qui échappent à la compréhension rationnelle et resteront à tout jamais des phénomènes irréductibles et insaisissables.

19Le cas de Ford Madox Ford est tout autre. Pour lui, l’impressionnisme littéraire précède l’impressionnisme pictural. Par là, il entend les moyens techniques que l’artiste met en œuvre consciemment lorsqu’il traduit en mots ses impressions d’impressions vécues. De son point de vue, la littérature a atteint la maturité technique au milieu du dix-neuvième siècle avec les œuvres de Stendhal, et surtout de Flaubert et de Maupassant ; et il conçoit le prolongement de ce courant dans les travaux de Henry James, et au vingtième siècle par les expériences formelles pratiquées par des modernistes comme Conrad, comme Ford, lui-même, et comme Ezra Pound. Les deux extraits suivants offrent les meilleures définitions de l’impressionnisme fordien classique :

  • 8 “I suppose that Impressionism exists to render those queer effects of real life that are like so ma (...)

Je suppose que l’impressionnisme existe afin de rendre les effets insolites de la vraie vie, des effets qui ressemblent à la multiplicité d’images perçues à travers une vitre d’une transparence éclatante : une vitre si lucide que, tout en distinguant clairement le paysage ou le jardin, vous êtes conscient du reflet dans la vitre du visage de la personne qui est debout derrière vous. Car la vie est ainsi faite. Nous avons beau occuper un espace-temps déterminé dans l’univers phénoménal, nos esprits, dans le même temps, nous situent ailleurs8.

20Le second exemple, extrait de son essai sur Joseph Conrad, illustre également le problème de la superposition de perspectives multiples. Dans ce cas précis, il s’agit de l’impression d’un homme, d’une personne qui aurait beaucoup en commun avec Edward Ashburnham (le personnage principal du roman Le bon soldat). Et le passage décrit parfaitement la méthode utilisée – surtout dans ce roman – caractéristique également de sa méthode de critique impressionniste, méthode qui consiste à bâtir des théories à partir de l’analyse d’un extrait de fiction :

  • 9 […] it became very early evident to us that what was the matter with the Novel, and the British nov (...)

Nous avons pris conscience que le problème principal du roman – surtout du roman britannique – était sa linéarité prospective. Or lorsqu’on apprend à connaître quelqu’un dans la vraie vie, c’est plutôt en empruntant des chemins détournés. Nous rencontrons un gentleman anglais dans notre club de golf. Il est d’apparence robuste, en bonne santé, le parfait exemple du jeune homme issu d’une des meilleures écoles privées de l’empire britannique. Mais vous découvrez petit à petit qu’il est désespérément neurasthénique, pas très « réglo » quand il s’agit de ses petites dettes, étonnement altruiste, que c’est un menteur invétéré, un passionné d’entomologie et finalement, vous découvrez, en fouillant dans des archives, qu’il est bigame, qu’il a changé d’identité et qu’il a perdu une grosse somme en Bourse… Et le voilà devant vous : un gars robuste, bien en chair, le parfait produit de l’élite de l’Empire britannique. Si vous voulez décrire un tel homme dans un roman, ce n’est pas la peine de commencer au début et de parcourir sa vie chronologiquement du début à la fin. Il faut d’abord l’actualiser par une impression saisissante et puis procéder par des allers-retours dans son passé — c’est du moins la théorie que nous avions, Conrad et moi, développée progressivement (Ford, 1924b : 129-30)9.

21Ici, l’accent est mis sur le processus : sur l’instabilité des impressions ; sur la manière dont elles se transforment et nous surprennent ; sur la nécessité de décaler le temps : d’avancer et de reculer. Alors que le premier extrait se concentre sur l’aspect phénoménal de l’impressionnisme – Ford examine le processus de la perception – le second tient compte également de l’aspect épistémologique : il examine le fonctionnement du savoir et du comprendre.

22Hormis son écriture romanesque, qu’il définissait lui-même comme impressionniste, Ford était également un critique prolifique, responsable, sans doute, de l’examen le plus approfondi et le plus complet de la question de l’impressionnisme littéraire au vingtième siècle, prenant comme point de départ le réalisme, en intégrant le mouvement esthétique et le modernisme.

23à l’instar de l’impressionnisme pictural qui ouvre la voie au pointillisme, au postimpressionnisme et au cubisme, l’impressionnisme littéraire se métamorphose en modernisme. L’impressionnisme littéraire est particulièrement attiré par des crises existentielles où l’identité du personnage est menacée, et sa manière d’être au monde bousculée ; ces moments de conscience intense donnent au lecteur un accès privilégié à la conscience perceptive du personnage, le rendant ainsi plus vivant. En cela, on est proche du courant de conscience que le modernisme développe à partir de l’impressionnisme. Le lecteur devient plus conscient de la construction, de la composition, de la forme, de la technique, tout comme l’impressionnisme pictural attire l’attention sur l’aspect technique du tableau.

24La promenade au phare de Virginia Woolf (1927) peut être considérée, de bien des points de vue, comme un roman postimpressionniste, en raison du désir d’innovation de l’auteur et de son souci de ne pas procéder comme la génération précédente. Et pourtant, le thème ressemble beaucoup à celui des peintres impressionnistes : la bourgeoisie en vacances au bord de la mer. V. Woolf partage avec les écrivains impressionnistes et modernistes le désir de libérer le roman de la tyrannie de l’histoire. Dans son essai clé « Modern Fiction », elle rejette le complexe institutionnel-patriarchal qui nous enchaîne à la linéarité, à la chronologie et à l’autorité structurante : « Il existe un être puissant et sans scrupule, écrit-elle, qui tyrannise l’auteur en lui imposant de produire comédie, tragédie, intrigue amoureuse, le tout emballé dans une nuée de probabilités […] ». Elle poursuit son argumentation en se posant la question de savoir s’il est absolument nécessaire que le roman procède de cette façon :

  • 10 “Look within and life, it seems, is very far from being "like this". Examine for a moment an ordina (...)

Regardez à l’intérieur et vous verrez que la vie est tout autre chose. Réfléchissez un instant à ce qui se passe tous les jours dans la tête d’un être ordinaire. Son esprit reçoit une myriade d’impressions — triviales, fantastiques, éphémères, ou gravées aussi nettement que sur l’acier. Elles arrivent de toutes parts, ces impressions, comme une pluie continue d’innombrables atomes ; tandis qu’elles tombent, et prennent la forme d’un lundi ou d’un mardi, l’emphase n’est jamais placée aux mêmes endroits ; on préfère accorder de l’importance à cet instant plutôt qu’à celui-là ; de sorte que, si l’écrivain était un homme libre et non un esclave, s’il pouvait choisir d’écrire ce qui lui plaît, non ce qu’on lui impose, s’il pouvait fonder ses œuvres à partir de ses sentiments, non de conventions sociales, il n’y aurait ni intrigue, ni comédie, ni tragédie, ni histoire d’amour ou encore de catastrophes telles qu’on les connaît […]. La vie n’est pas comparable à une série de réverbères disposés symétriquement ; la vie est un halo éclatant, un voile semi-transparent qui nous enveloppe depuis l’émergence de la conscience jusqu’à son extension. La tâche du romancier n’est-elle pas de saisir cet esprit insaisissable, inconnu et sans limites, en dépit de l’absurdité et de la complexité qu’il peut présenter, tout en écartant autant que possible les influences étrangères et extérieures ? Nous ne plaidons pas simplement pour le courage et la sincérité ; ce que nous suggérons, c’est que la fibre réelle de la fiction est quelque peu différente de ce à quoi nous avons été accoutumés (V. Woolf, [1918-1925] 1968 : 188-9)10.

25L’inconvénient est que les lecteurs de fiction, et surtout les amateurs de romans d’une certaine longueur sont, en général, moins favorables à l’élimination de l’histoire que les amateurs de la peinture, sans doute à cause de la manière différente dont le problème de la temporalité se pose dans les deux moyens d’expression (voir Empson 1987 : 448). La plupart des autres objections tournent autour de l’accusation que l’impressionnisme, au lieu de nous rapprocher de l’expérience de la réalité, en fait nous en éloigne. L’avis de certains modernistes était que la préoccupation concernant la perception visuelle posait des problèmes. Pour Ezra Pound, par exemple, « l’impressionnisme appartient à la peinture, domaine de la perception visuelle » ; il estimait qu’« une balle d’or et une balle dorée donnent la même impression au peintre. Le domaine de la poésie est, d’une façon plutôt curieuse, la gravité spécifique des objets et de leur nature » (Lindberg-Seyersted : 10). Cela dit, l’observation des faits est, il va sans dire, le fondement de la méthode scientifique, et l’on ne peut pas dire que l’emploi qu’en fait Pound soit scientifique (d’une façon plutôt curieuse). Mais d’autres écrivains plus intéressés par la science (tels que Conrad, Wells, Woolf, Lawrence, ou Joyce), prenaient également conscience de la manière dont la science et la technologie commençaient à démontrer les limites de la perception visuelle humaine – de l’invisibilité de l’électricité, des atomes, des rayons X, de la radiation, des virus et des gènes.

26Certains considèrent l’impressionnisme comme une source d’obscurité. E.M. Forster, par exemple, écrit à propos de Conrad : « il est aussi fumeux au milieu que sur les bords, la cassette secrète de son génie enferme non pas une pierre précieuse, mais une nébuleuse » (Forster 1936 : 135). Pour Lawrence, l’impressionnisme en peinture était une vaine tentative pour échapper au royaume de la chair pour accéder à celui de la lumière (Lawrence 1936 : 563). Cette objection peut aussi avoir une dimension politique : on peut arguer que ce sont les inégalités sociales, que ce soit le sexe, la classe sociale ou la race, qui sont escamotés. On a en effet reproché à la plupart des auteurs impressionnistes leurs idées politiques. On reproche souvent à James de décrire exclusivement une élite sociale. On traite souvent Proust et Woolf de snobs. Les échanges idéalisés entre paysans et propriétaires que prône Ford ont été condamnés comme une survivance irréaliste du féodalisme. La fiction de Conrad, surtout celle qui a trait à la mer, a été critiquée en raison du microcosme qu’elle offre d’un monde exclusivement masculin, et le débat se poursuit pour savoir si, oui ou non, il condamne l’impérialisme, ou dans quelle mesure, il ne serait pas complice du racisme. Toujours est-il que la plupart des genres artistiques ont fait l’objet de ce genre d’accusations qui ne doivent par pour autant nier l’influence qu’a exercée l’impressionnisme dans tous les domaines artistiques dans les dernières années du dix-neuvième siècle.

Haut de page

Bibliographie

Armstrong Paul B. (1983), « The Hermeneutics of Literary Impressionism », Centennial Review, 27, 4 : 244-69.

Armstrong Paul B. (1987a), The Challenge of Bewilderment : Understanding and Representation in James, Conrad, and Ford, Cornell University Press, Ithaca.

Armstrong Paul B. (1987b) « The Epistemology of Ford’s Impressionism », Richard Cassell, ed., Critical Essays on Ford Madox Ford, G. K. Hall. Boston.

Bender Todd K. (1997), Literary Impressionism in Jean Rhys, Ford Madox Ford, Joseph Conrad, and Charlotte Brontë, Garland, New York and London.

Brantlinger Patrick (1985). ‘Heart of Darkness : Anti-Imperialism, Racism, or Impressionism ?’, Criticism, 27 : 363-85.

Bretell Richard (1999), Modern Art 1851-1929 : Capitalism and Representation, Oxford University Press, Oxford.

Brunetière Ferdinand ([1879] 1896), «L’Impressionnisme dans le roman », Le Roman naturaliste Calmann-Lévy, Paris (75-102).

Conrad Joseph. (1897), Preface to The Nigger of the 'Narcissus' : first printed as an 'Author’s Note' after the serialisation of the novel in the New Review, 17, 628-31.

Empson, William (1987), Argufying, Chatto and Windus, London.

Ford Ford Madox [as Hueffer], (1911). The Critical Attitude, Duckworth, London.

Ford Ford Madox [as Hueffer]. (1913). Henry James. Martin Secker, London.

Ford Ford Madox [as Hueffer] (1914a). ‘Preface’, Collected Poems, London : Max Goschen.

Ford Ford Madox [as Hueffer] (1914b), ‘On Impressionism’, Poetry and Drama, 2 (June and December), 167-75 : 323-34

Ford Ford Madox [under the pseudonym ‘Daniel Chaucer’], (1924a), ‘Stocktaking : Towards a Revaluation of English Literature’, Transatlantic review.

Ford Ford Madox (1924b), Joseph Conrad Duckworth, London.

Ford Ford Madox (1929), The English Novel : From the Earliest Days to the Death of Joseph Conrad, J. B. Lippincott, Philadelphia.

Ford Ford Madox. (1935). ‘Techniques’, Southern Review, 1, 20-35.

Ford Ford Madox. (1938). The March of Literature. New York : The Dial Press.

Forster, E. M. (1936), « Joseph Conrad : A Note, » Abinger Harvest, Edward Arnold, London.

Gunsteren (van) Julia, (1990), Katherine Mansfield and Literary Impressionism, Rodopi, Amsterdam and Atlanta.

Hay Eloise Knapp (1976), « Impressionism Limited », Joseph Conrad : A Commemoration, ed., Norman Sherry, Macmillan, London.

Heath Stephen (1992), Gustave Flaubert : Madame Bovary, Cambridge University Press ; Cambridge.

Hoople Robin (2000), In Darkest James : Reviewing Impressionism, 1900-1905, Bucknell University Press, Lewisburg, Pa.

James Henry ([1876] 1956), «The Impressionists », The Painter’s Eye, ed. John L. Sweeney, Rupert Hart-Davis, London.

Lawrence, D. H. (1936), Phoenix, ed., Edward. D. McDonald, Heineman ; London.

Lindberg-Seyersted Brita, ed. (1982), Pound/Ford. Faber, London.

Matz Jesse (2001), Literary Impressionism and Modernist Aesthetics ; Cambridge University Press, Cambridge.

Nagel James (1980), Stephen Crane and Literary Impressionism, Pennsylvania State University Press, Pennsylvania.

Pater Walter (1910), The Renaissance, Macmillan, London.

Peters John G. (2001), Conrad and Impressionism. Cambridge : Cambridge University Press.

Saunders Max (2004), « Modernism, Impressionism, and Ford Madox Ford’s The Good Soldier », Études Anglaises, 57 : 4 (Oct.-Dec. 2004) : 421-37.

Stowell Peter H. (1980), Literary Impressionism, James and Chekhov, University of Georgia Press, Athens.

Woolf Virginia ([1921] 1968), «Modern Fiction », The Common Reader : First Series, Hogarth Press, London.

Woolf Virginia ([1924] 1988), Character in Fiction’(subsequently reprinted as ‘Mr Bennett and Mrs Brown’). The Essays of Virginia Woolf, vol. 3, ed. Andrew McNeillie. The Hogarth Press, London (420-38).

Haut de page

Notes

1 Une première version de cet essai ‘Literary Impressionism’, a été publiée dans A Companion to Modernist Literature and Culture, éd. David Bradshaw et Kevin Dettmar par Blackwell, 2005 : 204-211. Modèles linguistiques remercie vivement les éditeurs d’avoir autorisé sa reproduction.

2 « Je jetai un coup d'œil sur l'élève de Bertin : son visage tournait au rouge sombre. Une catastrophe me parut imminente, et il était réservé à M. Monet de lui donner le dernier coup.
- Ah ! le voilà, le voilà! s'écria-t-il devant le n° 98. Je le reconnais le favori de papa Vincent ! Que représente cette toile ? Voyez au livret :
- « IMPRESSION, Soleil levant ».
- Impression, j'en étais sûr. Je me disais aussi, puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l'impression là-dedans ... Et quelle liberté, quelle aisance dans la facture ! Le papier peint à l'état embryonnaire est encore plus fait que cette marine-là!
- Cependant qu'auraient dit Michalon, Bidault, Boisselier et Bertin devant cette toile impressionnante ?
- Ne me parlez pas de ces hideux croûtons ! hurla le père Vincent. En rentrant chez moi, je crèverai leurs devants de cheminée !
Le malheureux reniait ses dieux ! (Louis Leroy, « L’exposition des impressionnistes » (Louis Leroy, Le Charivari, 25 avril, 1874).

3  “[…] as an offshoot of Realism interested principally in the transcription of visual reality as it affects the retina of the painter within a discrete, and short, period of time. Hence, Monet’s paintings are impressions that can, again, be closely linked to the contemporary writing and thinking about photography” (Bretell 1999 : 15-16).

4 “ […] visual reality is conceived not as a vibrant coloured field, but as a social world in which the figure and its various ‘grounds’ must be analysed to be understood” : 18).

5 “[…] in aesthetic criticism the first step towards seeing one’s object as it really is, is to know one’s own impression as it really is.” (Pater, 1910 : viii).

6 “The young contributors to the exhibition of which I speak are partisans of unadorned reality and absolute foes to arrangement, embellishment, selection, to the artist’s allowing himself, as he has hitherto, since art began, found his best account in doing, to be preoccupied with the idea of the beautiful. . . . None of its members show signs of possessing first-rate talent, and indeed the ‘Impressionist’ doctrines strike me as incompatible, in an artist’s mind, with the existence of first-rate talent.
To embrace them you must be provided with a plentiful absence of imagination. The ‘Impressionists’ declare that a subject which has been crudely chosen shall be loosely treated. They send detail to the dogs and concentrate themselves on general expression” (
The Painter’s Eye: Notes and Essays on the Pictorial Art, November 15, 1989, Henry James, 1956: 114-15).

7 “ […] art itself may be defined as a single-minded attempt to render the highest kind of justice to the visible universe, by bringing to light the truth, manifold and one, underlying its every aspect. It is an attempt to find in its forms, in its colours, in its light, in its shadows, in the aspects of matter and in the facts of life, what of each is fundamental, what is enduring and essential -- their one illuminating and convincing quality -- the very truth of their existence. […] Such an appeal, to be effective, must be an impression conveyed through the senses […]. My task which I am trying to achieve is, by the power of the written word, to make you hear, to make you feel – it is, before all, to make you see.” ( préface au Nègre du « Narcisse », 1897).

8 “I suppose that Impressionism exists to render those queer effects of real life that are like so many views seen through bright glass – through glass so bright that whilst you perceive through it a landscape or a backyard, you are aware that, on its surface, it reflects a face of a person behind you. For the whole of life is really like that; we are almost always in one place with our minds somewhere quite other.” (Ford 1914b: 174)

9 […] it became very early evident to us that what was the matter with the Novel, and the British novel in particular, was that it went straight forward, whereas in your gradual making acquaintance with your fellows you never do go straight forward. You meet an English gentleman at your golf club. He is beefy, full of health, the moral of the boy from an English Public School of the finest type. You discover, gradually, that he is hopelessly neurasthenic, dishonest in matters of small change, but unexpectedly self-sacrificing, a dreadful liar but a most painfully careful student of lepidoptera and, finally, from the public prints, a bigamist who was once, under another name, hammered on the Stock Exchange. . . . Still, there he is, the beefy, full-fed fellow, moral of an English Public School product. To get such a man in fiction you could not begin at his beginning and work his life chronologically to the end. You must first get him in with a strong impression, and then work backwards and forwards over his past … That theory at least we gradually evolved. (Ford 1924b: 129-30)

10 “Look within and life, it seems, is very far from being "like this". Examine for a moment an ordinary mind on an ordinary day. The mind receives a myriad impressions--trivial, fantastic, evanescent, or engraved with the sharpness of steel. From all sides they come, an incessant shower of innumerable atoms; and as they fall, as they shape themselves into the life of Monday or Tuesday, the accent falls differently from of old; the moment of importance came not here but there; so that, if a writer were a free man and not a slave, if he could write what he chose, not what he must, if he could base his work upon his own feeling and not upon convention, there would be no plot, no comedy, no tragedy, no love interest or catastrophe in the accepted style, and perhaps not a single button sewn on as the Bond Street tailors would have it. Life is not a series of gig lamps symmetrically arranged; life is a luminous halo, a semi-transparent envelope surrounding us from the beginning of consciousness to the end. Is it not the task of the novelist to convey this varying, this unknown and uncircumscribed spirit, whatever aberration or complexity it may display, with as little mixture of the alien and external as possible? We are not pleading merely for courage and sincerity; we are suggesting that the proper stuff of fiction is a little other than custom would have us believe it.” (V. Woolf, [1918 - 1925] 1968 : 188-9).

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Max Saunders, « De l’impressionnisme littéraire »Modèles linguistiques, 75 | 2017, 155-170.

Référence électronique

Max Saunders, « De l’impressionnisme littéraire »Modèles linguistiques [En ligne], 75 | 2017, document 7, mis en ligne le 10 avril 2019, consulté le 21 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ml/4346 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ml.4346

Haut de page

Auteur

Max Saunders

Membre du centre pour « Life Writing Research »

« Professor of English », Directeur de l'« Arts & Humanities Research Institute » à King’s College London

max.saunders@kcl.ac.uk

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search