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Conceptualisation et textualisation dans le manuscrit de l’article « Le langage et l’expérience humaine » d’Emile Benveniste1

Une contribution à la génétique de l’écriture en sciences humaines
Irène Fenoglio
p. 71-99

Texte intégral

  • 1 Je tiens à remercier ici l’Académie des Inscriptions et Belles lettres, ayant-droit d’Emile Benveni (...)
  • 2 Voir la rubrique « Ressources en ligne » sur le site http://www.item.ens.fr/index.php?id=200861
  • 3 Emile Benveniste a légué l’ensemble de ses manuscrits à la Bibliothèque nationale par testament . V (...)

1Les fonds d’archives linguistiques n’ont donné lieu, jusqu’ici, à aucune exploitation systématique. Seules existent des incursions dans des fonds spécifiques comme le fonds Saussure ou bien certaines recherches selon les nécessités de tel ou tel chercheur. L’équipe « Génétique du texte et théories linguistiques » de l’Institut des Textes et Manuscrits Modernes (ITEM) ouvre ce champ et tente de faire un état des connaissances sur les différents fonds d’archives et manuscrits de linguistes2 en parallèle avec une exploration spécifique du fonds Emile Benveniste de la BnF3. C’est dans ce cadre innovant de la critique génétique que cette contribution prend place.

2Je ne développerai pas, ici, tout ce qui pourrait l’être sur la place majeure d’Emile Benveniste dans la linguistique contemporaine ; j’indiquerai juste combien il est enthousiasmant de pouvoir entrer dans son laboratoire de travail – avec son accord anticipé ! puisqu'il a gardé ses notes les plus infimes et ses brouillons et les a lui-même destinés aux chercheurs en les léguant à la BnF. Mais cet enthousiasme se paye d’une lourde responsabilité qui impose de clarifier le point de vue auquel on se place pour engager notre observation.

3Je pars du principe qu’une notion ou un concept s’élabore dans l’ensemble d’une œuvre et qu’une théorie linguistique, à supposer qu’elle soit cernable en tant que telle, n’est pas le produit d’un seul "texte" aussi fondateur fût-il, mais d’un travail au long cours dont l’élaboration et la genèse peuvent être étudiées sur l’ensemble d’un fonds d’archives et de manuscrits et les textes qui en sont – en quelque sorte – issus.

4Cependant, tout concept est transmis par des textes particuliers qui le mettent en œuvre. Approcher ces textes au plus près de leur génération, de leur procès d’écriture apporte de singulières informations, précieuses, dans la mesure où elles précisent l’élaboration scripturale des concepts avant leur stabilisation textuelle.

  • 4 Lorsqu’après de nombreuses recherches je "tombais" enfin sur le renseignement adéquat : les archive (...)

5Le fonds Benveniste de la BnF est extrêmement important. Son contenu est d’un intérêt majeur tant pour l’histoire de la linguistique que pour la compréhension du processus d’écriture linguistique. En 20044, à partir du premier catalogue établi par la BnF lors du dépôt des papiers de Benveniste, et de l’observation des archives, j’ai pu établir virtuellement une première répartition des documents suivant qu’ils appartiennent à des articles publiés (essentiellement dans les Problèmes de Linguistique Générale), ou à des cours (EPHE ou Collège de France), ou à des archives inédites (notes de cours prises par lui-même durant sa formation, notes de lectures, correspondance, etc.). Ce travail se poursuit au fur et à mesure des découvertes des très rares chercheurs qui travaillent sur ce fonds.

6Parallèlement à l’enrichissement de ce fonds par "reconnaissance" de manuscrits et leur classement, il a été nécessaire de se pencher sur des dossiers génétiques correspondant à l’écriture d’un article. Je m’attacherai, ici, au dossier d’archives correspondant à l’article « Le langage et l’expérience humaine » en tentant de faire apparaître la façon dont se construit, par l’écriture, la conceptualisation linguistique : de quelle façon Benveniste pense et élabore des concepts en écrivant, ruminant, raturant, reprenant… etc. Comment la réflexion linguistique s’articule au discours qui la fixe.

  • 5 Désormais, pour tout renvoi au texte de l’article « Le langage et l’expérience humaine » publié, no (...)

« Le langage et l’expérience humaine »5

7Il s’agit d’un des articles où, me semble-t-il, Benveniste montre avec le plus de conviction et de brio la conjonction, dans sa théorie du langage, entre l’anthropologique et le linguistique. Comme Jean-Claude Coquet (2007, 121-122) le remarque, « le projet scientifique [de Benveniste] est situé, à l’instar de Saussure, dans le cadre très étendu d’une théorie du langage » alors que « la cible habituellement visée est commune à presque tous les linguistes : le langage "organisé" ou encore "normalisé" ».

  • 6 Voir en particulier PLG 2, p. 68, 75.
  • 7 Exemple grammatical type de l’accompli/inaccompli en arabe. On remarquera une transcription différe (...)

8Dans la perspective de ce « projet », cet article est caractéristique de la façon dont Benveniste élabore sa pensée théorique, en particulier à partir d’un savoir précis sur diverses langues dont les exemples sont notés dans le texte6. Mais qui sont plus nombreux encore dans les brouillons, ainsi au 515 du premier brouillon, un exemple : « arabe qataba-yaqtubu »7 qui ne sera pas repris dans l’article.

  • 8 in Diogène, Paris, UNESCO/Gallimard, n° 51, p. 3-13.
  • 9 Publié dans Langages n° 17, en 1970.

9« Le langage et l’expérience humaine », publié en septembre 19658, annonce clairement l’article plus tardif (mais qui le suit immédiatement dans le volume des PLG) et considéré comme texte fondateur « L’appareil formel de l’énonciation »9.

Genèse d’un article linguistique

10Le présent article a pour objectif de rendre compte de la façon dont se construit un discours théorique linguistique.

11La génétique des textes considère un texte publié comme "arrêté" après une série de métamorphoses ou une suite de simples modifications, un texte final. L’objectif est d’observer le processus d’écriture pour approcher, par son analyse, le processus de création par l’écriture : création qui peut être esthétique, dans le cas des textes littéraires ou scientifiques, ce qui est le cas ici. La génétique du texte s’est, jusqu’ici, essentiellement concentrée sur des textes littéraires. Sur le plan de la textualisation par elle-même et du substrat linguistique qui la permet, observée dans son acte même, cela ne devrait rien changer. Mais il est possible que pour ce qui est du geste processuel de l’écriture discursive les choses diffèrent. C’est ce que nous interrogeons, ici, en portant notre attention sur l’écriture pensante, sur l’émergence de la pensée théorique par une mise en œuvre énonciative. A ce niveau, seule l'observation génétique permet de comparer l'élaboration scripturale d’un discours théorique à celle d’un discours esthétique.

12La création scientifique dont il est question ici est celle d’une innovation théorique linguistique par l’écriture d’un article, c’est-à-dire l’inscription d’un savoir destiné à être transmis à une communauté scientifique. La complexité scientifique que l’écriture de l’article doit clarifier est-elle appréhendée, explicitée, voire réduite au cours de l’élaboration scripturale ? Quels repentirs viennent témoigner de la difficulté de l’expression théorique ? Qu’est-ce qu’un linguiste généticien du texte peut apporter dans la compréhension de ce processus ?

13Le généticien linguiste enrichit l’observation des manuscrits d’une dimension spécifique : il fait apparaître l’espace de la micro-genèse, autrement dit, le linguiste généticien peut prendre le temps de déplier consciencieusement les différentes strates énonciatives d’une formulation de pensée, les différentes couches ayant été tentées avant qu’ait pu être inscrit l’énoncé définitif ; or, chaque couche, chaque strate dépose son volume d’alluvions, plus ou moins fertiles, au texte final en train d’advenir. Le généticien remue, déplace les alluvions, redensifie, le temps de l’analyse, la trajectoire énonciative pour en mesurer l’épaisseur qui sous-tend le texte final de l’article, lissé, lisible, transmissible et transmis.

1. Le dossier génétique correspondant à l’article « Le langage et l’expérience humaine »

  • 10 A noter que tout ce qui est nommé "folio" (f°), "foliotation" ou "folioté" renvoie au classement ar (...)

14Au cours de l’observation de fourmi que je mène sur le fonds Emile Benveniste de la BnF depuis 2004, j’ai tenté de reconstituer virtuellement, pour chaque article des PLG un ensemble d’archives et de brouillons correspondant. Ces documents ont été foliotés10 par la BnF en fonction du classement initial qui respecte l’ordre d’empilement du dépôt mais non l’ordre chronologique d’écriture. J’ai reclassé virtuellement (c’est-à-dire non pas dans la réalité des archives mais dans mon ordinateur) les papiers et documents – distribués en différentes "boites" et "chemises". C’est ainsi que j’ai pu constituer des dossiers génétiques correspondant aux articles des PLG.

1. 1. Habitus de travail d’Emile Benveniste

  • 11 Pour le détail voir Fenoglio, 2009, 25-26.

15Ce travail (qui reste en cours) permet de comprendre la façon dont Emile Benveniste fonctionne habituellement pour l’écriture d’un article, car, en effet, nous retrouvons, chaque fois, à peu près les mêmes éléments11 : des notes manuscrites, puis un brouillon manuscrit parfois suivi d’une mise au net manuscrite avec instructions de mises en pages, souvent une dactylographie avec un double carbone, quelquefois un ou plusieurs jeux d’épreuves.

16La réitération d’une même suite d’éléments manuscrits et de documents pour de nombreux articles permet d’imaginer la façon dont Benveniste écrivait ses articles. Benveniste ne se passait jamais de "notes", nombreuses, sur divers supports, parfois répétitives ou comme je l’exposerai plus loin, ruminatives. Leur observation est essentielle à la compréhension de l’élaboration scripturale et permet l’analyse du passage des notes au brouillon qui reste un moment essentiel pour la textualisation théorique.

1. 2. Composition du dossier génétique de « Le langage et l’expérience humaine »

17Voici la composition du dossier relatif à l’article que nous étudions ici, tel que j’ai pu la reconstituer ; les différents éléments qui le composent sont distribués dans deux enveloppes différentes, provenant de deux cartons différents (enveloppe 139 de la boite 46 et enveloppe 179 de la boite 50) :

  • 12 Cote BnF : PAP OR 46, env.139, f° 496 à 503.
  • 13 Il est possible que l’on en retrouve ailleurs, ses notes pouvaient servir à plusieurs projets d’écr (...)

1. Notes12 : il y en a peu dans ce dossier comparativement à d’autres13.

  • 14 Cote BnF : PAP OR 46, env.139, f° 496 et f° 504 à 535.

2. Un premier brouillon très "brouillonné"14 : [désormais B1].
Les premiers feuillets sont numérotés par Benveniste de 1 à 33 et signés « E B » à la dernière page (p. 33, f° 535).

  • 15 Cote BnF : PAP OR 50, env. 179, f°47 à 95.

3. Un brouillon mis au net15 [désormais B2]
Ce brouillon est numéroté par Benveniste de la page 1 à 33.
Le premier feuillet jaune, non numéroté mais correspondant à la page 1, a très certainement été écrit en fin de rédaction car son support est constitué du même papier jaune que celui qui porte la fin de l’article (p. 26/f° 88 à p 33/f° 95). Or, ce changement de support est purement matériel car, entre la p. 25/f° 87 et la p 26/f° 88, une très longue phrase se continue tout d’une haleine, une seule pause intervenant au moment de la rature de la fin :

« si je raconte ce qui "m’est arrivé", le passé auquel je [changement de page] me réfère n’est défini que par rapport au présent de mon acte de parole, mais l’acte de parole surgit de moi et que personne autre [sic] ne peut parler par ma bouche non plus que voir par mes yeux ou éprouver ce que je sens, c’est à moi seul que ce "temps" se rapportera et c’est ma seule expérience qu’il ordonnera organisera. »

4. Double carbone du tapuscrit correspondant à l’article publié
On peut noter que le nombre de pages de B1 et de B2 (numérotées par Benveniste) est exactement identique : 33. Pourtant, nous le verrons, sept pages de B1 sont réduites à un seul paragraphe au début de B2. À partir de la p. 13 (515) pour B1, p. 5 (67) pour B2, et jusqu’à la fin, il n’y a, en gros, que des variantes de style, c’est-à-dire que B2 apparaît comme une véritable mise au net de B1 avec une écriture plus aérée, plus large ; d’où le même nombre de pages malgré la suppression de 7 pages (sur laquelle nous reviendrons).

18Nous n’utiliserons pas, ici, la dactylographie car elle ne porte aucune correction manuscrite, cela n’aurait pas d’intérêt génétique, le texte qu’elle porte est identique au deuxième brouillon dont elle enregistre le dernier état.

1. 3. Le propos du texte final : l’article

19Benveniste s’attache à montrer dans cet article comment le linguistique fonde, donne une assise à l’expérience humaine, c’est-à-dire à la subjectivité.

20Dans « le langage et l’expérience humaine », si le mot « énonciation » n’apparaît pas (mais il faut noter qu’il apparaît dans le premier brouillon, à deux reprises, f° 506 et f° 509), en revanche, le terme « discours » est omniprésent. L’article met en œuvre particulièrement le rapport entre « discours », « langue » et « langage ».

21Par ailleurs, apparaît de façon marquée le terme "subjectivité" dont on sait qu’il expose un pan spécifique de la pensée théorique de Benveniste.

22L’avancée scientifique de l’article consiste à faire apparaître que l’expérience humaine n’est autre que l’expérience de la subjectivité qui s’appuie immanquablement sur « deux catégories fondamentales, d’ailleurs conjointes nécessairement, celle de la personne et celle du temps » (PLG 2, 69) catégories qui ont, en toute langue, leur expression linguistique structurée et structurante.

1. 3. 1. Omniprésence (omnipotence ?) du discours

23Dans cet article la notion de discours prend une place capitale. Nous pourrions lister toutes les attributions que Benveniste lui accorde, je résume ses propositions :

  • le discours constitue l’espace d’observation pour le linguiste où se donne à voir le fonctionnement des catégories universelles et structurables de toute langue

  • le discours est le lieu de fonctionnement de « l’instrument linguistique » (pronom personnel, déictique, marqueurs de temps)

  • le discours actualise l’instrument linguistique

  • le discours permet à l’instrument linguistique de fonder l’expérience humaine subjective

  • le discours permet à l’instrument linguistique de fonder la subjectivité

  • le discours est l’axe d’ordonnancement de la langue

  • le discours installe la temporalité

  • le temps du discours est facteur d’intersubjectivité

24Nous pourrions dire, pour synthétiser le propos de cet article, que le discours y apparaît comme ce qui présentifie en "personne" les pronoms je et tu, autrement dit, le discours événementialise tout énoncé le faisant du même coup exister dans un temps subjectivé ; ce faisant, il rend seul possible l’actualisation du langage humain.

1. 3. 2. La subjectivité = l’intersubjectivité

25Cependant « la possibilité même du discours » est déterminée par « l’expérience centrale », « l’expérience essentielle » de l’intersubjectivité « dont on ne conçoit pas que l’instrument puisse jamais manquer à une langue » (PLG 2, 68). « Dès que le pronom je apparaît dans un énoncé où il évoque — explicitement ou non — le pronom tu pour s’opposer ensemble à il, une expérience humaine s’instaure à neuf et dévoile l’instrument linguistique qui la fonde. » (PLG 2, 68)

26L’expression du temps « compatible avec tous les types de structure linguistique » est l’élément le plus riche de l’expérience subjective mais le plus difficile à encadrer dans une forme linguistique tant « les illusions de "bon sens", les pièges du psychologisme sont tenaces ».

27Quittons cette lecture de l’article pour entrer dans l’espace antérieur de son écriture, dans son avant-texte élaboratif.

2. Une écriture ruminante16

2. 1. Notes éparses

  • 17 Il n’est pas exclu qu’à un moment ou à un autre de nos recherches nous en retrouvions d’autres car (...)

28Dans ce dossier, les notes préparatoires à l’écriture retrouvées ne sont pas nombreuses17 ; on peut en compter six : folios 497, 499, 500, 501, 502, 503. Je laisse de côté, ici, les notes prises dans le processus d’écriture de l’incipit de l’article que nous allons voir en détail, je m’en tiendrai aux notes dont le statut est plus pragmatique que les notes d’entrée dans l’écriture. A les examiner, nous voyons que dans chacune est pointée, de façon programmatique, une difficulté théorique. Nous n’avons aucun moyen de savoir dans quel ordre les notes ont été écrites ; les numéros figurant sur les fiches n’étant pas de la main de Benveniste, nous pouvons juste noter que les folios 502 et 503 se présentent sur des supports semblables : petites fiches jaunes rectangulaires (semblables à nos actuels post-it). J’ai considéré que la fiche 503 devait avoir été écrite avant la 502. Nous pouvons noter aussi que la note du 500 pourrait être la suite de 499. Nous l’examinerons en 3. 2.

  • 18 Par facilité d’édition, et peut-être de lecture, j’ai décidé, dans la mesure où j’ai la chance de p (...)

29Voyons la note du f° 50118

                                                                                 501
                              Mon article
expérience signifiant correspondant apparemment à une nécessité ou fonction naturelle et indépendante de toute détermination culturelle. Défini par l’affrontement de la réalité par le sujet, son insertion dans le réel.

30Nous pouvons noter que le terme « expérience » est pointé ; l’indication soulignée « Mon article » montre bien qu’il s’agit d’une note préparatoire où le linguiste s’explicite pour lui-même la notion qu’il veut développer. Auto-réflexion à la fois épistémologique et méthodologique, ce n’est qu’en écrivant qu’il la pense.

31La note du f°503 pointe les deux éléments de l’expérience humaine qu’il développera dans l’article, de ce fait, je considère qu’elle a dû être écrite avant celle du 502 qui ne s’intéresse qu’au temps. Elle constitue à la fois un « support de réflexion » et un « support de mémoire » (2009, 27).

                                                                                 503
Les deux catégories fondamentales du discours, relati liées ensembles, relatives l’une à l’au la personne, l’autre au temps

                                                                                 502
tracer dans un sujet très touffu quelques distinctions de principe en vue de séparer, dans ce qu’on entend désigne par temps, ce qui relève résulte de la réflexion consciente et ce qui revient à la conceptualisation du langage

32La note du 502 est un « support méthodologique » (2009, 26). On sait que ce programme méthodologique aura été respecté dans l’écriture de l’article au point que le passage concernant l’expérience humaine du temps sera beaucoup plus important que celui concernant l’expérience intersubjective exprimée linguistiquement par les pronoms.

2. 2. Un incipit précautionneux

33Pas moins de six étapes sont nécessaires à l’écriture du début de l’article

2. 1. 1. Les notes : f° 499, f° 497

                                                                                 499
les langues <possèdent toutes c e r t a i n e s c a t é g o r i e s fondamentales et qu’elles> reproduisent en certaines de leurs catégories un même modèle <constant> et qu’elles
Il
ne s’agit pas t toujours des catégories visibles <ici moins des catégories formelles>, sujettes à description, que de catégories implicites élémentaires qui s’observent moins dans le texte enregistré qui est l’objet de la description que dans le fonctionnement d’activité de la langue. Pour les

34Les deux notes suivantes (f°497) se tiennent sur une même feuille pliée en deux mais n’ont vraisemblablement pas été écrite dans la foulée.

Par delà… les langues possèdent toutes certaines catégories et les expriment selon un modèle constant <explicite ou non>. Il s’agit de catégories qui sont les unes explicites et caractérisées formellement, d’autres les autres implicites. Elles ont ce ce caractère commun de sembler naturelles et répondre à une nécessité évidente et n’ont pas ne retiennent pas l’attention besoin d’autre justification, celles des linguistes descripteurs. A vrai dire elles sont moins frappantes pour des la la préoccupation de la description étant





Les langues ont en commun certaines particularités formelles <catégories certaines particularités formules <catégories <qui doivent révéler des faits de langage>> qui apparaissent moins dans la structures telle que l’enregistre et l’analyse le linguiste descripteur qui agit ici en qualité de récepteur, que <chez l’émetteur> dans l’activité de producteur du/e <la> langage/ue propre au locuteur, <émetteur de>

Nous y trouvons Par leur constance même, ces doivent révéler dans le langage l’expérience humaine. D’une part l’existence de certaines catégories formelles, de l’autre leur fonctionnement.

2. 2. 2. Les brouillons : deux versions en B1, f° 496 et f° 498 et une mise au net en B2 f° 62

  • 19 Fenoglio, 2009, p. 33-35.

35Le folio 498, ci-dessous, que j’avais initialement rangé parmi les notes19 me semble, par la présence du titre, entrer déjà dans le processus d’écriture de l’article. Par ailleurs, entre les deux versions de B1, j’ai estimé que celle du 496 est antérieure à celle du 498 par le fait que le terme « humaine » du titre est ajouté (encre bleue, sur écriture en noir). Le 498 est plus proche de B2. Qu’on en juge :

                                                                                496
                Le langage et l’expérience <humaine>
La manière habituelle <dont le linguiste> d’aborder les faits linguistiques <Ceci peut sembler une seule approche possible, puisqu’il faut constater <et observer> un objet pour l’étudier> est de les prendre comme des données naturelles. On s’attache etudie <la langue>aussi étendu que possible au/dans texte <les éléments d’une description> et du texte on tire, <les éléments d’une description> à mesure que le texte s’elargit toutes les unités à tous les niveaux et les règles ou particularités qui gouvernent leur agencement. C’est a/Ainsi que se construit <se construit> peu à peu une description, et c’est une tâche aussi nécessaire que rigoureuse maintenant qu’elle l’a jamais été. Nous n’aurons jamais assez de descriptions et nous ne n’apporterons jamais trop < assez> de rigueur à tr décrire les langues. Mais ce n’est pas le seul point de vue possible. Il y en a un autre qui ne prend pas la langue dans sa réalité de texte (écrit ou perçu <oral>, il n’importe), mais dans son fonctionnement d’activité ; non pas comme en tant qu’elle est une langue particulière, distincte/ fférente de toute autre, mais en tant qu’elle reproduit un certain à sa manière <dans une version définitive> les données et les exigences du langage <génériques constantes> Il arrive que le <En général> le linguiste les néglige par habitude de métier ou par les traite comme sous-entendues et juge en

                                                                                498

                Le langage et l’expérience humaine

A mesure que s’étend notre connaissance des langues en usage dans les différentes régions du monde et de celles qui se sont parlées autrefois, à mesure aussi que les descriptions des langues se font plus précises et rigoureuses, nous sommes amenés à constater <observons que> par delà toutes les différences de structure, <certaines catégories> Les langues reproduisent <présentent une cer> en certaines de leurs catégories <toutes langues> un même modèle et constant. Ce sont des catégories élémentaires

36Il est visible à l’œil nu (même sans la couleur qui ferait apparaître de nombreux changements de stylo, autrement dit de reprises) que le 496 est beaucoup plus « brouillon » que le 498. Benveniste peine à introduire son propos, à énoncer son entrée en matière. Il semblerait qu’il ne s’y retrouve pas lui-même. Il reprend donc ses fils et les remet sur le métier. Le titre se stabilise au 498, c’est-à-dire à la deuxième version du premier brouillon.

37Le premier feuillet de B2 (f°62) a vraisemblablement été écrit ou réécrit après que l’article ait été terminé car son support est une feuille épaisse, jaune, reconnaissable comme étant exactement semblable à celles qui supportent toute la fin de B2, à partir de la p. 26 (f°88). Il est donc possible que le 498 soit une première version de B2.

Le langage et l’expérience humaine

Toutes les langues ont en commun certaines catégories d’expression qui semblent répondre à un modèle constant. Les formes que revêtent ces catégories apparaissent <sont enregistrées et inventoriées> dans toutes les descriptions, mais leur fonctionn /s n’apparaissent clairement qu’éventuell <que> dans l’activité locutrice des suj <l’exercice du langage> et dans la production du discours.

Ce sont des catégories élémentaires, qui doivent sont indépendantes de toute détermination culturelle et où nous voyons l’expérience subjective des sujets qui se posent et se situent dans et par le langage. Nous essayons ici d’éclairer deux catégories fondamentales du discours, d’ailleurs conjointes nécessairement, celle de la personne et celle du temps.

  • 20 « Toutes les langues ont en commun certaines catégories d’expression qui semblent répondre à un mod (...)

38L’étape de la mise au net, B2 (62), est marquée par l’entrée par une formule impersonnelle « toutes les langues », « les formes… », etc. Dans ce brouillon qui est très proche du texte final20, la pensée théorique s’affirme pour elle-même et d’abord. L’auteur linguiste qui se désigne par le « nous » en usage alors pour toute rédaction scientifique, n’intervient qu’après, à l’intérieur du cadre théorique posé pour indiquer son objectif et sa démarche : « nous essayons ici d’éclairer… » alors qu’à l’étape antérieure du 496 (première version de B1) il apparaît d’emblée : « La manière dont le linguiste aborde… ».

39Il n’est pas rare, sur l’ensemble des dossiers manuscrits parcourus de Benveniste, de voir le contenu d’une note repris sur plusieurs folios : un engagement ruminatif dans l’écriture. En ce sens, Benveniste expose lui- même dans son faire, et sans le savoir, l’idée qu’il défend selon laquelle la pensée n’existe pas préalablement au discours qui l’exprime : une écriture hésitative, répétitive, pensante où la répétition est la marque à la fois de l’hésitation et de l’insistance. Hésitation pour continuer de rechercher la formulation la plus adéquate. Insistance car la pensée est là qui fraye dans le fil des mots son chemin.

40La démarche est cumulative et progressive à la fois. La « rumination » permet de garder tous les éléments essentiels, de les reprendre, de les faire circuler sur le papier, mais progressivement, l’ensemble avance vers un fil discursif décanté et ordonné. Les notes préparatoires réfléchissent les éléments qui constitueront l’enjeu du discours théorique de l’article : son cadre et sa problématique.

41Lorsque l’on observe ainsi de près la façon dont a été généré l’incipit de cet article, il est frappant de noter que Benveniste va passer d’une recherche épistémologique : le regard du linguiste, sa position, son point de vue, à une position de scripteur non marqué. Il ne déictique plus la posture du linguiste, il ne se désigne plus lui-même comme linguiste ; il entre, en linguiste, dans le vif du sujet.

3. Une écriture pensante : l’élaboration conceptuelle

42Recueillir les traces manuscrites et les observer a pour principal mérite de compliquer la tache du linguiste pour ce qui est de la description énonciative mais aussi, et en même temps, de faire apparaître le processus de scription, son effet direct sur l’énoncé.

43De la même façon que le rêve n’est accessible que par le récit du rêve (rêve et pensée sont pareillement d’une matérialité spécifique, instable, insaisissable), la saisie de la pensée ne peut s’opérer que par la mise en mots, par leur énonciation en énoncé. Dans le domaine de l’écrit, c’est l’écriture en train de se faire qui inscrit la pensée qui ne préexiste pas à cette inscription, plus exactement qui l’articule afin de pouvoir être lisible et transmissible. Car qu’est-ce qu’écrire un « article » (du latin articulus : articulation) scientifique sinon articuler des concepts pour faire avancer une réflexion et articuler cette réflexion (cet article) à d’autres. Or, voici ce que l’on trouve sur le 504 de B1 :

C’est le texte perçu qui est l’objet ordinaire de la linguistique ; c’est un texte articulé (ou écrit) mais en tant qu’il est reçu <perçu> ou enregistré. La linguistique<le linguiste> est donc <fait donc sa tâche en tant qu’il est> récepteur ou qu’il se place instinctivement dans la situation de récepteur que postule <qui est> son attitude ordinaire.

44À remarquer la présence du mot « texte » qui de fait, sera par la suite remplacé par « discours » plus approprié.

45Ainsi naissent les notions théoriques, ainsi c’est l’écriture elle-même qui est pensante, par sa rumination ou par sa fulguration, par la rature ou par la répétition, par tous les repentirs divers et multiples qui tissent la textualisation et qui habitent, qui continuent d’habiter le texte théorique final qui sera transmis pour être à nouveau articulé à d’autres pensées et réflexions.

46L’avant-texte de « Le langage et l’expérience humaine » est d’une très grande richesse ; nous ne pourrons, dans le cadre de cette contribution, nous arrêter sur tous les éléments qui le mériteraient. J’ai donc choisi deux focalisations conceptuelles pour lesquelles nous ne pourrons donner que quelques exemples : celle qui tourne autour de l’articulation entre langage, langue et discours et celle qui explicite et développe à la fois la notion d’expérience humaine. Les deux sont majeures dans l’article de Benveniste, mais elles sont essentielles aussi pour la compréhension de son œuvre.

3. 1. Langage / langue / Discours

3. 1. 1. Instabilité dans la distribution des termes

47On peut observer de nombreuses hésitations dans l’emploi de l’un de ces termes. Il est donc important de relever les rectifications qui, la plupart du temps, sont visibles en ratures suivies d’une substitution, pas forcément sur les termes focalisant mais sur leur entour. Il s’agit bien de chercher l’articulation discursive la plus adaptée à l’utilisation de ces termes. Sur ce plan le 505 de B1 est assez remarquable :

Très différent est l’aspect du /es mêmes choses considér/ré dans l’exercice du locuteur. Ici nous avons un homme qui parle, et qui parle seul, et qui exprime sa subjectivité propre en tant qu’il s’exprime. Il s’approprie la langue <qui est> commune avec aux fins son auditeur, mais <la matière de la langue est ici peu importante> il s’approprie cette langue et il la modèle, < il l’emploie à convoquer sa pensée première il la met en action > aux fins que lui dicte < selon l’impulsion du moment,> selon son psychisme propre, selon son attitude à l’égard de l’auditeur. On peut dire qu’il se sert bien moins de la langue qu’il ne produit le langage.<Qu’il se sert d’une langue donnée est d’intérêt secondaire à côté de ce fait qu’il <certes à considérer> le fait primordial est <qu’il> met en exercice sa faculté de langage>

48J’y encadre les occurrences de « langue » et « langage », on y voit à la fois l’insistance et la confusion, rumination que B2 évitera en mettant au net l’essentiel. De très nombreux exemples pourraient être montrés, ainsi l’hésitation entre langage et langue au 506 de B1 :

On reconnaît alors est amené ainsi à distribuer en deux registres ou deux univ <qui sont en f a i t > d e u x u n i v e r s distincts quoique formés d'un e n s e m b l e inséparables la matière — trop uniformément traitée par les linguistes — du lang qui est mise sous le nom de langue.

49À la toute fin de l’article, où nous pouvons remarquer à la fois une substitution pour plus de précision en B1 : « langage », remplacé par « discours », la suppression d’une explicitation peu claire (« région, plan distinct ») et hésitation à nouveau pour le dernier mot en B1 : « la langage », article féminin dont on peut raisonnablement penser qu’il anticipait l’inscription de « langue », qui n’a pas été accomplie.

B1, 535
Là se reflète < dans la langue> l’expérience d’une réalité, qui est celle d’une <la> relation primordiale entre le parlant et son partenaire dans une subjectivité tour à tour assumée grâce au langage <dans le discours> par l’un et par l’autre et qui crée dans la langue <une région> un plan distinct. En dernière analyse c’est toujours à l’acte de parole <donc/ans au/le procès de l’échange> que renvoient les indices d/l’expérience humaine inscrite dans la langage

B2, 95
Là se reflète dans la langue l’expérience de ceux qui l d’une relation primordiale <constante, indéfiniment réversible> entre le parlant et son partenaire.
En dernière analyse, c’est toujours dans à l’acte de parole dans le procès de l’échange que renvoie l’expérience humaine dans le langage.

3. 1. 2. Trouver la place théorique du « discours »

50Sept pages de B1 sont réduites à un paragraphe B2 et dans le texte final. Ces sept pages ruminantes (comme le 505 que nous avons observé plus haut) vont permettre à Benveniste d’écrire plus librement sur le rapport de personne et la relation entre locuteur et l’autre partenaire de l’échange. À la fin de l’article dans B1, comme dans B2, l’expression retenue est « le parlant et son partenaire ». Il est clair alors que la conceptualisation s’est opérée car aux notions de locuteur (émetteur)/ récepteur d’où Benveniste est parti, est ajoutée la dimension d’échange, de lien : « partenaire » indique un lien de réciprocité à « parlant » que « récepteur » n’indique pas. On sait tout le poids que prend cette dimension dans une théorie qui veut exhumer « la subjectivité dans le langage ». On a ici, en élaboration hésitante, une explicitation de la notion de discours.

51Les premiers exemples qui suivent appartiennent à ces pages initiales de B1 où la notion de « locuteur/récepteur » s’étoffe et se complexifie du même coup en celle de « parlant/partenaire »

52Le 506 dont nous venons de voir un fragment est particulièrement riche de ce point de vue :

Il s’ensuit que le même texte doit prêter à <en théorie> deux analyses différentes selon qu’en sont possibles <du même donné linguistique>. Sont <seraient>possibles. En tout cas Sans pousser aussi loin, on peut comprendre que <ce phénomène linguistique,> la phrase, <qui est la vérité <seule réalité> de l’usage linguistique> comme fait linguistique puisse à la fois être considérée comme une donnée et alors analysée comme spécimen <exemple de récurrence> de certaines structures syntaxiques <non dépourvues de redondance et> ou <prise> comme une création chaque fois originale, témoignage sur celui qui la prononce bien, et l manifestation de son du pouvoir <et specimen unique de la variété> illimitée <et imprévisible> d’énonciation qui appartient à tout locuteur <ou qu’elle soit soit vue> sous l’aspect d’une création perpétuelle. Il n’y a donc pas contradiction à la prendre dans l’une ou dans l’autre de interprétation, qui correspondent à l’une/e ou à l’autre face de la fonction linguistique, d’émétrice et réceptrice ensemble.

53La lecture de ce manuscrit remplace tout commentaire, cependant il faut noter deux ou trois choses pertinentes :

  • le remplacement de « texte » par « donné linguistique », autrement dit, une avancée vers la notion théorique, celle de discours.

  • la répétition du mot « création » couplée aux expressions « variété illimitée et imprévisible d’énonciation », la place du discours se dessine entre faculté de langage et langue

54La page 23 de B1, 525, précise la place du discours, non plus seulement par rapport à « langage » et « langue » mais par rapport à « parole », dans ce qui se dessine comme une théorie de l’énonciation

Le présent linguistique <est le> fonde<ment> tout le système tem des oppositions temporelles dans la langue. Ce présent qui reste présent tout en se déplaçant avec chaque instance de discours nous crée la ligne de partage entre deux <autres> moments également inhérents à l’exercice du discours <de la parole> : celui <le moment> où le présent tombe dans le passé <l’événement n’est plus contemporain au discours est sorti du présent> et doit être évoqué par la faculté mémorielle le rappel mémoriel ; et celui <le moment> où l’événement <n’est pas encore présent> est anticipé et est doit être des d et est vu par anticipation <prospection>

55Un dernier exemple où le concept de discours prend sa fonction par rapport à l’exercice du langage, il s’agit de la p. 25 de B1, 527.

On arrive à cette constatation surprenante à première vue mais profondément accordée à la nature réelle du langage – que le seul temps pres inhérent au langage est le présent impliqué ds le <axial du> discours : et celui est implicite. Ceux qui sont linguistiquement explicités ne sont pas des temps <reflètent pas des états propres du temps>, mais des vues sur ces états, projetés <en arrière et en avant> à partir du présent implicite.

56Nous terminerons en rappelant cette rature à la toute fin de B1 (535) vu plus haut, qui impose l’assise théorique spécifique du concept de « discours » par rapport à la notion de « langage » :
la relation primordiale entre le parlant et son partenaire dans une subjectivité tour à tour assumée grâce au langage <dans le discours > par l’un et par l’autre…

3. 2. La notion d’« expérience » : prémisses d’une théorie de l’énonciation

57Dans B1, le 500 doit être considéré comme une note préalable à la rédaction proprement dite de B1. Elle est remarquable pour montrer la façon dont la mise en place de la notion d’expérience est difficile et passe par « présence de l’homme », « présence humaine », s’éloigne du cadre des catégories linguistiques avec « vie affective ». Le terme « expérience » n’arrive qu’en fin de page, dans une note non explicitée :

Ces catégories <formes> qui remplissent <s’alignent dans> les grammaires il faut les remplir de la présence de l’homme pour qu’elles retrouvent leurs dimensions et leurs rapports. Mais il faut au préalable les avoir enregistrées comme les réalités formelles qui constituent la matière ou la substance de la langue <décrites et analysées dans leur réalité linguistique comme données de langue> pour pouvoir ensuite les ramener à <les interroger sur> la présence humaine qui les habite.

Tout ce qui les touche à la vie affective est marquée dans l’expression linguistique du sceau du particulier particulier à chaque langue et ne trouve jamais de correspondance exacte <entre les langues> ; tout ce qui est de l’ordre intellectuel ou noétique est tend au contraire à la généralité et est assez généralement transmissible d’une langue à l’autre. Plus on tend <l’expression tend> vers l’exact, l’abstrait, donc vers le moins personnel, plus on converg facilement s’établissent entre les langues convergences ou même identités. À la limite il y a les/a manie réduction des concepts en symboles <universellement compris>, et la manipulation identique de ces symboles en toute langue.
— la structure même du langage suppose l’
expérience du vécu.
— Le savoir comme certitude visuelle

58Mais une fois entré dans la rédaction de B1, si le terme « expérience » s’impose, il n’est pas pour autant conceptuellement stabilisé. Ainsi dans le 508 (p. 6), le terme est répété trois fois, il est testé, ruminé pour trouver sa place propre, cependant, le propos reste bien confus, même sans rature.

Toutes les langues ont

Ce qui est du langage et ne manque et qui ne peut manquer à aucune langue, c’est ce qui <grâce à quoi> s’énonce l’expérience de <vécue par> celui qui se sert de la langue. , les formes, les catégories, l’organisation qui sont apparemment congéniaux à l’homme en tant qu’il énonce ds le langage son expérience propre.

Or toute langue dispose d’un certain nombre de grandes catégories d’expression qui correspondent justement à ce que nous désignons ici comme expérience humaine, et qui est le

59Voyons la suite immédiate au folio suivant 509 (p. 7 de B1)

langage vécu.

Il faut bien <Il ne s’agit pas de l’expérience racontée> Prévenons ici tout malentendu. Il ne s’agit pas de décrire l’expérience, <l’expérience, consciente et décrite qui ne peut être que particulière, épisodique consciente> ce qui est une question simple encore des choses entre mille autres que la <toute> langue peut décrire ce dont toute langue est capable <à volonté> mais tout au contraire de ne pas la décrire, seulement de <l’expérience> impliquée et d’une manière à la fois nécessaire et inconsciente. <qui constitue le substrat des grandes catégories de toute langue et qui est> inhérente à certaines formes linguistiques

60La rédaction est laborieuse. Ici, ce sont les ratures et ajouts successifs qui permettent à la conceptualisation de frayer sa voie. Mais le soulignement aussi est utilisé, comme une marque d’objet à cerner, à différencier : langage vécu/expérience racontée ; décrire.

61Notons ce remarquable passage où la recherche de… ce qu’il faut faire de la notion d’expérience ne trouve pas son mot : « Il ne s’agit pas de décrire l’expérience […] mais tout au contraire de ne pas la décrire, seulement de » et qui finit par ne s’inscrire qu’en négatif : « ne pas », « ne pas », à quoi s’ajoute la négation que constituent les ratures.

62Après tout ce mouvement de rature, ajout, reprise, Benveniste retombe sur ses pieds de théoricien, énonce une définition de l’expérience, définition constituée par le dernier ajout de ce fragment qu’il insère dans du déjà écrit conservé : « l’expérience <qui constitue le substrat des grandes catégories de toute langue …>.

63Le rattrapage du fil énonciatif, de la linéarité discursive, par Benveniste, sur ce fragment, est remarquable, mais il est assez courant de le trouver dans ses brouillons.

64Tous les exemples précédents font partie de cet ensemble des sept folios qui ne seront pas repris dans B2 mais réduit en un paragraphe. Mais le passage de B1 à B2 reste encore riche du point de vue de cette notion. Les nombreux repentirs en B1 (p. 8, 510) et le passage de B1 à B2 (p. 2, 64) témoignent encore de la difficulté à énoncer théoriquement la notion d’expérience :

B1

[…] Dès que le pronom je apparaît dans un énoncé où il évoque – explicitement ou non – tu pour s’opposer <ensemble> à il, une expérience humaine est introduite. Là est le fondement de toute expérience verbalisée se fonde devant nous <dévoile deva à nos yeux l’instrument qui la fonde>. Les <En <Et ici entre la donnée linguistique et sa fonction dans le langage, il y a une distance immense et dérisoire. En> tant que> données linguistiques, les pronoms s’enseignent, on les trouvent consignés dans les grammaires, ils sont là, offerts <disponibles>, comme tous les autres signes de la langue ; mais que l’un ou l’autre <des personnes> s’en empare et les convertisse en réalité <son langage> <la forme <pronominale> d’élément d’un paradigme se transmue en une désignation unique en quelque de vécu dans sa subjectivité irréductible>, cette appropriation effectue cette appropriation transmue une forme <donnée> linguistique en f la réalisation d’une en l’énoncé de la cette donnée linguistique se transmue en l’affirmation d’une est l’instrument qui fonde u <Elle > devient le fondement linguistique de la personne.

C’est l’ex la l’expérience essentielle, permanente, si nécessaire à/qu’on ne conçoit ,pas de langue qui n’en

B2

[…] Dès que le pronom je apparaît dans un énoncé où il évoque – explicitement ou non – le pronom tu pour s’opposer ensemble à il, une expérience humaine s’instaure à neuf et dévoile l’instrument linguistique qui la fonde. On mesure par là la distance à la fois infime et immense entre la donnée et sa fonction. Ces pronoms sont là, consignés et enseignés dans les grammaires offerts comme les les autres signes dis et également disponibles. Que l’un des hommes les prononce, il les assume, et le pronom je d’élément d’un paradigme est transmué en une désignation unique et produit chaque fois une personne nouvelle. C’est là, <l’actualisation d’une> l’expérience essentielle, dont on ne conçoit pas que l’instrument puisse












65Je voudrais enfin montrer combien ce qui se joue au cours de la scription pensante laisse des traces … dans l’œuvre. Dans B1 (p. 13, 515) apparaît liée à la notion d’expérience l’expression… « appareil formel » :

De toutes les formes d’expérience inhérentes au langage et que l’analyse d/les langues révèlent <reflètent> toutes, aucune n’est aussi riche que celle du temps ; aucune n’est aussi difficile à reconnaître et à décrire. C’est celle qui semble d’accès immédiatement à l’analyse, et celle qui se dérobe le plus malignement à l’appréhension. On la croit directement saisissable et <éludant toute saisie directe> elle se cache dans un appareil formel qui la dissimule plutôt qu’il ne la démontre.

66Les éditeurs des PLG – qui n’ont pas consulté les brouillons – en ont- ils eu la préscience, eux qui ont placé « L’appareil formel de l’énonciation », écrit cinq ans plus tard, à la suite immédiate de « Le langage et l’expérience humaine » ?

Conclusion

67Nous avons engagé ce parcours avec l’observation d’un début lent, ruminant, difficile ; l’incipit de l’article a été longtemps travaillé.

68La fin de l’article est, au contraire, "trouvée" dès B1 (p. 33, f° 535), certes il s’agit d’un ajout en dernière relecture de ce premier brouillon (style beaucoup plus clair), mais la phrase finale est là, et même le paragraphe :

                                                                          535 (33) 

la temporalité intersubjective dans la chronie 

L’ordre de la L’intersubjectivité a ainsi ses dimensions propres ; ses/a temporalité, sa/es termes. Là se reflète < dans la langue> l’expérience d’une réalité, qui est celle d’une <la> relation primordiale entre le parlant et son partenaire dans une subjectivité tour à tour assumée grâce au langage <dans le discours> par l’un et par l’autre et qui crée dans la langue <une région> un plan distinct. En dernière analyse c’est toujours à l’acte de parole <donc/ans au/le procès de l’échange> que renvoient les indices d/l’expérience humaine inscrite dans la langage.

E. B.

69Comparons avec la fin de B2 (p. 33, 95)

33                                                                                                                          95

„ aujourd’hui“ doit devenir „ ce jour-là“. Ces opérateurs effectuent la/e passage <transfert> du temps linguistique au temps chronique.

L’intersubjectivité a ainsi sa temporalité, ses termes, ses dimensions. Là se reflète dans la langue l’expérience de ceux qui l d’une relation primordiale <constante, indéfiniment réversible> entre le parlant et son partenaire. En dernière analyse, c’est toujours dans à l’acte de parole dans le procès de l’échange que renvoie l’expérience humaine dans le langage.

70Ainsi, l’explicit de cet article est quasi stable depuis le premier brouillon, en dépit des repentirs analysés plus haut. Cela signifie-t-il que Benveniste sait exactement où il va, dès le départ ? Ou bien sa rumination de la notion d’expérience lui permet-elle la trouvaille, c’est-à-dire l’énoncé final ? L’ajout que l’on peut lire en marge me fait pencher pour cette deuxième réponse. À « primordiale », qui caractérise la relation « entre le parlant et son partenaire », est ajoutée « constante » et « indéfiniment réversible », que l’on retrouvera dans le texte de l’article. Jusqu’au bout le linguiste réfléchit ce qu’il va transmettre et qui va s’inscrire en théorie.

71Nous pouvons voir sur le fac simile que Benveniste ne signe pas sa mise au net (B2), alors qu’il signe son premier brouillon (B1). Pourquoi ? je tenterai une réponse. B1 est, avec les notes, le lieu de l’inscription de la pensée, de l’écriture qui se réfléchit. C’est à ce lieu de rumination que le linguiste fait naître l’expression théorique, c’est à ce lieu de ratures et de reprises qu’il signe sa création, c’est là qu’il convoque la langue pour exprimer sa pensée. B2 ne fait que la "recopier" en en améliorant le style.

il s’approprie cette langue et il la modèle, <il l’emploie à convoquer sa pensée première il la met en action>

72En B1 il signe, en B2 il est attentif à montrer qu’il a bien accompli son programme, l’article est encadré en amont par le titre et, en aval, par le dernier mot : « l’expérience humaine inscrite dans le langage ».

73Il est clair que le moment scriptural le plus important dans ce dossier est celui du passage des notes au premier brouillon mais aussi du premier brouillon lui-même, dans la confusion de ses différents états. De fait, la plupart des exemples de mise en place conceptuelles proviennent de B1. De ce point de vue, l’observation des manuscrits à laquelle Benveniste lui- même nous convie, en léguant ses papiers à la communauté, nous apprend autre chose : le génie théorique ne va pas sans travail, sans erreurs, sans retours en arrière, sans repentirs. À l’inverse, il ne va pas avec l’économie de l’efficacité à tout prix, la visée d’une rentabilité immédiate. Non. L’écriture théorique prend du temps et impose le droit à la réécriture, encore et encore.

74Je notais en introduction l’importance du fonds Benveniste pour l’histoire de la linguistique et pour la compréhension linguistique elle- même, puisqu’elle met au jour la fabrication conceptuelle. Il faut ici noter combien l’observation de corpus scientifiques est pertinente pour la compréhension du processus d’écriture en général : le lieu le plus riche est celui où la variation est la plus représentée et la plus pertinente. Presque tous les articles de ce volume le disent : le plus de traces manuscrites (Jean-Louis Lebrave), le plus de variantes textuelles (J.-M. Adam), le plus de retour dans le « déjà-écrit » (C. Leblay). Mais alors qu’il s’agit en général dans des corpus littéraires de reprise stylistique (pour employer un terme générique), en ce qui concerne l’écriture scientifique, la confusion des lignes et des linéarités linguistiques sont au service de l’expression d’un dit théorique dont le contenu doit pouvoir être reçu et transmis, et non d’une narration à lire. Dans le manuscrit scientifique, l’ajustement stylistique n’intervient qu’après, il n’est plus conceptuel, il est didactique.

75L’écriture fictionnelle a pour objectif large de transmettre un récit, quelque forme que prenne cette "histoire" et quel que soit l’objectif de sa communication. L’écriture scientifique a pour principal objectif de transmettre un savoir, elle se consacre, en priorité, à construire ce savoir. Ecrire en sciences humaines c’est penser pour faire penser.

76Je souhaite, en cette fin de parcours, me pencher sur le titre de cet article. L’habitude de le lire ne nous permet plus le recul nécessaire pour l’entendre et pourtant … Ce titre est d’une profondeur et d’une force qu’il faut souligner.

77À l’heure où certains voudraient nous faire croire que le langage n’est qu’un instrument de communication et que la communication est parfaitement modélisable et reproductible à l’identique, il est heureux de pouvoir relire « Le langage et l’expérience humaine », ne serait-ce que l’explicit de l’article dont nous venons de suivre la genèse :

« L’intersubjectivité a ainsi sa temporalité, ses termes, ses dimensions. Là se reflète, dans la langue, l’expérience d’une relation primordiale, constante, indéfiniment réversible, entre le parlant et son partenaire. En dernière analyse, c’est toujours à l’acte de parole dans le procès de l’échange que renvoie l’expérience humaine inscrite dans le langage ».

78Benveniste nous rappelle au fondement de l’humanité : une relation intersubjective qui ne prend forme et acte que par le langage duquel l’humain ne peut s’exclure. Cette faculté langagière ne prend acte que dans l’actualisation de discours — toujours intersubjectifs, quelles que soient leurs formes — qui, eux-mêmes, n’ont lieu que sur la base de structurations linguistiques répertoriables et transmissibles. La personne et le temps ne sont observables psychologiquement que parce que préalablement leur expérience langagière a eu lieu, et non l’inverse : là est la force du titre d’Emile Benveniste « Le langage et l’expérience humaine ».

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Notes

1 Je tiens à remercier ici l’Académie des Inscriptions et Belles lettres, ayant-droit d’Emile Benveniste, en particulier, en la personne de Jean Leclant, son secrétaire perpétuel, pour l’autorisation de publication des images de manuscrits. Nous remercions, de la même façon, le Département des manuscrits de la BnF, légataire testamentaire des papiers de Benveniste qui a autorisé la numérisation des manuscrits exploités.

2 Voir la rubrique « Ressources en ligne » sur le site http://www.item.ens.fr/index.php?id=200861

3 Emile Benveniste a légué l’ensemble de ses manuscrits à la Bibliothèque nationale par testament . Voir « Fonds Emile Benveniste » présenté par Emilie Brunet, rubrique « Ressources en lignes », site http://www.item.ens.fr/index.php?id=200861

4 Lorsqu’après de nombreuses recherches je "tombais" enfin sur le renseignement adéquat : les archives de Benveniste sont bien à la BnF mais se trouvent dans ce qui s’appelait alors le « Département des manuscrits orientaux » et que je me suis rendue à ce Département pour consultation, une seule personne, depuis leur dépôt 30 ans auparavant, consultait ces manuscrits : Chloé Laplantine qui préparait sa thèse « Emile Benveniste : poétique de la théorie », aujourd’hui soutenue (juin 2008, Université Paris 8). C’est dire que ce fonds est resté endormi durant 30 ans.

5 Désormais, pour tout renvoi au texte de l’article « Le langage et l’expérience humaine » publié, nous indiquerons PLG 2 suivi de la page dans l’édition Gallimard (coll Tel).

6 Voir en particulier PLG 2, p. 68, 75.

7 Exemple grammatical type de l’accompli/inaccompli en arabe. On remarquera une transcription différente de celle utilisée actuellement où le /q/ est réservé à la transcription du “qaf” et /k/ au “kaf” de kataba

8 in Diogène, Paris, UNESCO/Gallimard, n° 51, p. 3-13.

9 Publié dans Langages n° 17, en 1970.

10 A noter que tout ce qui est nommé "folio" (f°), "foliotation" ou "folioté" renvoie au classement archivistique de la BnF. La suite des numéros de folio ne représente donc pas l’ordre chronologique d’écriture.

11 Pour le détail voir Fenoglio, 2009, 25-26.

12 Cote BnF : PAP OR 46, env.139, f° 496 à 503.

13 Il est possible que l’on en retrouve ailleurs, ses notes pouvaient servir à plusieurs projets d’écriture (Cf. Fenoglio, 2009)

14 Cote BnF : PAP OR 46, env.139, f° 496 et f° 504 à 535.

15 Cote BnF : PAP OR 50, env. 179, f°47 à 95.

16 Je conserve ce terme de "rumination" (repasser une chose dans son esprit, soumettre plusieurs fois à l’attention) employé dans un article précédent (Fenoglio, 2009, 46), pour sa parfaite adéquation à ce que l’on observe sur ces manuscrits de Benveniste.

17 Il n’est pas exclu qu’à un moment ou à un autre de nos recherches nous en retrouvions d’autres car les notes peuvent passer d’un dossier d’écriture à un autre (Fenoglio, 2009).

18 Par facilité d’édition, et peut-être de lecture, j’ai décidé, dans la mesure où j’ai la chance de pouvoir fournir des images de fragments manuscrits, de m’en tenir à une transcription linéaire et non pas diplomatique qui reproduit à l’identique le manuscrit. La transcription linéaire adoptée est des plus simple : une rature marque les éléments raturés dans le manuscrit, les crochets <ajout> indiquent ce qui a été ajouté par rapport à l’inscription au fil de la plume, cet ajout est placé à l’endroit où le manuscrit marque sa place

19 Fenoglio, 2009, p. 33-35.

20 « Toutes les langues ont en commun certaines catégories d’expression qui semblent répondre à un modèle constant. Les formes que revêtent ces catégories sont enregistrées et inventoriées dans les descriptions, mais leurs fonctions n’apparaissent clairement que si on les étudie dans l’exercice du langage et dans la production du discours. Ce sont des catégories élémentaires, qui sont indépendantes de toute détermination culturelle et où nous voyons l’expérience subjective des sujets qui se posent et se situent dans et par le langage. Nous essayons ici d’éclairer deux catégories fondamentales du discours, d’ailleurs conjointes nécessairement, celle de la personne et celle du temps. » PLG 2, p. 67.

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Pour citer cet article

Référence papier

Irène Fenoglio, « Conceptualisation et textualisation dans le manuscrit de l’article « Le langage et l’expérience humaine » d’Emile Benveniste »Modèles linguistiques, 59 | 2009, 71-99.

Référence électronique

Irène Fenoglio, « Conceptualisation et textualisation dans le manuscrit de l’article « Le langage et l’expérience humaine » d’Emile Benveniste »Modèles linguistiques [En ligne], 59 | 2009, mis en ligne le 16 avril 2013, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ml/335 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ml.335

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Auteur

Irène Fenoglio

Institut des Textes et Manuscrits Modernes (ITEM) CNRS/ENS

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