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III. Les mystères de la toponymie

Transparence(s) et obscurité(s) de la toponymie pyrénéenne

Jean-Louis Massoure

Texte intégral

  • 1 Heidegger, Bâtir, habiter, penser, Gallimard, p. 184 et p. 191.
  • 2 Littéralement : « …poétiquement habite l’homme… », extrait que le philosophe M. Heidegger accommode (...)

Une limite n’est pas ce où quelque chose cesse mais bien, comme les Grecs l’avaient observé, ce à partir de quoi quelque chose commence à être : l’espace est essentiellement ce qui a été ‘‘ménagé’’, ce que l’on a fait entrer dans sa limite. Il s’ensuit que les espaces reçoivent leur être des lieux et non de ‘‘l’espace’’ […] C’est seulement quand nous pouvons habiter que nous pouvons bâtir (Heidegger)1 .
« …dichterlich wohnet der Mensch… ( Hölderlin)2.

1Il n’est pas question, dans le cadre restreint de cet article, de se livrer à une recherche supplémentaire sur la toponymie pyrénéenne. Il existe, pour les départements qui nous occupent, des travaux relativement récents ; ils fournissent des solutions de plus en plus « approchées », même si des zones d’incertitude subsistent et si certains toponymes sont entourés d’épaisses ténèbres ou restent réfractaires à toute explication.

2Ces travaux s’appuient presque toujours sur les cartulaires ou les attestations écrites du Moyen Âge. Toutefois, on sait que les sources écrites doivent être exploitées avec prudence : il n’y a aucune raison pour que les rédacteurs de l’époque n’aient pas fait des erreurs d’interprétation, fixé des mécoupures ou des mélectures, usé de graphies aberrantes… au fond les mêmes erreurs que l’on peut rencontrer de nos jours sur les cartes IGN ou dans les pages du Cadastre ; deux exemples simples suffiront à illustrer cette remarque : Lac d’Escoubous (carte IGN 275) en vallée de Barège, lac formé par la retenue du barrage de même nom et alimenté par le ruisseau de même nom ; en fait le toponyme aurait dû être écrit eths coubous, eths étant l’article défini pyrénéen masculin pluriel (fçs. « les ») et couboùs désignant les endroits où le cours d’eau disparaît avant de ressurgir plus loin ; Pont d’Esdouroucats (carte IGN, id°) en aval de Pragnères, sur la route qui mène au Cirque de Gavarnie, Pont d’Arroucat (Cadastre) : il faut comprendre Pont deths Tourroucats, le nom signifiant « éboulements » – ceux-ci sautent aux yeux, si l’on peut dire ainsi, en cet endroit, rive droite du gave.

  • 3 Grosclaude, M., Dictionnaire toponymique des communes des Hautes-Pyrénées, op. cit., p 189. La bibl (...)

3Aussi la façon dont le toponyme est prononcé par les autochtones est- il d’une grande importance, non seulement pour corriger les erreurs des géomètres, mais encore les propositions des chercheurs, surtout lorsqu’ils n’ont pas une bonne connaissance des parlers locaux. Prenons Chèze, notre village natal, canton de Luz Saint-Sauveur ; les éléments suivants sont fournis dans l’un des ouvrages mentionnés3 :

  • Dénominations historiques : De exesa, De Xesa (XIIe s., Cartulaire Bigorre) ; Xese (1285, Montre Bigorre) ; De Sheza (1313, Debita regi Navarre) ; de Exesa (1342, Pouillé de Tarbes) ; de Xesa, latin (1379, Procuration Tarbes ; Xesa (1429, Censier de Bigorre) ; Chese (1614, Guillaume Mauran ; 1760, Larcher, Pouillé Tarbes ; 1768, Ducos) ; Chèze (1748, Registres paroissiaux).

  • Prononciation locale figurée : [chè’zo].

4Or la prononciation locale actuelle est ["sjEzO]. : il va de soi que, dans ce cas précis, le va-et-vient qui devrait être établi entre les formes historiques et la prononciation vernaculaire est faussée dès les prémices à cause de la méconnaissance de la véritable oralité.

5Observons par ailleurs que, dans les attestations anciennes, la palatalisation de C- initial ( ?) est notée par X / Sh / Ch, lesquels sont des graphèmes équivalents. En revanche, pas de trace écrite de la semi voyelle [j]. Peut-être n’existait-elle pas à cette époque. Peut-être a-t-elle tout simplement été occultée par le rédacteur. On mesurera donc, à cette occasion, l’écart qui peut exister entre les formes attestées et la forme dialectale actuelle.

  • 4 Ibid., p. 12.

6Disons un mot, puisque l’occasion se présente, de la graphie adoptée. Il est courant de faire le choix aujourd’hui de « la graphie occitane moderne »4 — pour Chèze : « nom occitan : Shèsa ». Nous n’ouvrirons pas le débat récurrent sur le fait de savoir si le gascon est une langue à part entière ou un dialecte de l’occitan. Nous versons au dossier, pour rester sur le plan scientifique, les conclusions suivantes ; d’abord, J.-P. Chambon, Notes du cours d’introduction…, op. cit., 2003, p. 5 rappelle que :

Si dans le cas du gascon […], tous les linguistes reconnaissent que celui-ci pourrait être considéré comme une langue indépendante, alors que très peu d’entre eux le comptent effectivement comme langue indépendante, c’est qu’en réalité la main invisible du renaissantisme a tranché le débat […]. […] L’influence de ce mouvement s’est fait fortement sentir sur le développement de la linguistique occitane. Non seulement, beaucoup de renaissantistes se sont intéressés à la langue en tant qu’amateurs ou en tant que pédagogues, mais encore un grand nombre des linguistes français qui ont étudié ou étudient l’occitan ont été et sont des mainteneurs militants. On pourrait citer beaucoup de noms : Jules Ronjat, Charles Camproux, Robert Lafont, Pierre Bec sont parmi les plus connus (les trois derniers étant aussi des auteurs littéraires de qualité en oc).

7Ensuite, l’analyse des pièces mérovingiennes par J.-P. Chambon et Y. Greub, « Note sur l’âge du proto-gascon », Revue de linguistique romane, juillet-août 2003, pp. 477-493, peut sans doute être considérée comme ce qu’il y a de plus décisif depuis longtemps :

  • 5 On pourra aussi se reporter à : Massourre, J.-L., 2012, Le gascon, les mots et le système, Editions (...)

L’individuation était entièrement acquise en 600 au plus tard, […] le début de ce processus remonte au moins à la période wisigothique. Il s’agit des « innovations » suivantes : F > h, N intervocalique > ø, LL intervocalique > r, LL en finale romane > t, MB et ND intervocalique > m, n, fusion de B et de W, développement du r- prosthétique. […] À la date où le gascon est nettement individualisé, l’occitan ne pourrait se définir génétiquement que par une seule innovation ancienne à la fois commune à tout son espace spécifique, à savoir l’évolution en [-jr-] des groupes -TR-, - DR- primaires ou secondaires, c’est-à-dire du groupe */dr/. […] En résumé, le gascon n’a pu se détacher d’un ensemble linguistique [l’occitan] qui n’existait pas – ou, si l’on préfère, qui n’existait pas encore – au moment où il était lui-même constitué. Il ne peut par conséquent être considéré comme un dialecte ou une variété d’occitan au sens génétique de ces termes (« forme évoluée de »). Du point de vue génétique, le (proto)gascon est à définir comme une langue romane autonome. On pourrait dire, en s’inspirant de la formule de Tagliavini, que cette langue s’est coordonnée ensuite, socio linguistiquement et, dans une certaine mesure, linguistiquement, au provençal »5.

1. Transparence(s) et obscurité(s)

  • 6 Lecolle, M., Paveau, M.-A. et Reboul-Touré, S. (éds.), 2009, « Le nom propre en discours », CEDISCO (...)

8Le nom de lieu est un nom propre dit « prototypique »6, c’est-à-dire désignant un référent concret, d’ailleurs univoque, qui ne se modifie pas dans le temps. Il est donc très important de l’étudier dans le contexte où il apparaît.

  • 7 Ravier, X., Sur le débat entre lexique ouvert et onomastique : le Glossaire du Val d’Azun de Michel (...)

9On peut remarquer aussi que, puisqu’il s’agit non seulement de signification mais encore – et surtout – de nomination, le couple saussurien signifiant / signifié n’est peut-être pas tout à fait pertinent ; il est plus explicite de le remplacer par le couple nommant / nommé7.

10Commençons par des réflexions simples, à la limite de l’évidence : le genre et le nombre peuvent ne faire aucun doute lorsqu’ils sont déterminés : Les Hautes-Pyrénées, Les Pyrénées-Atlantiques, La Bigorre sont féminin-pluriel ou féminin-singulier. Le Tourmalet, Le Néouvielle, L’Ossau, Le Balaitous sont masculin-singulier. La détermination est la norme aujourd’hui pour ce type de toponymes dont certains ne datent que de la création des départements.

11La Barthe-de-Neste, Labastide, contraction de La Bastide (canton de La Barthe-de-Neste) Laborde, contraction de La Borde (id°), Lacassagne, contraction de La Cassagne (canton de Rabastens-de-Bigorre), Lagrange, contraction de La Grange (canton de Lannemezan), Lahourcade, contraction de La Hourcade (canton de Salies-du-Béarn), Lalonquère, contraction de La Lonquère (canton de Lembeye), Lasclaveries, contraction de Las Claveries (canton de Thèze), etc. sont manifestement féminins.

  • 8 Ces deux toponymes font partie des sept noms de lieu dans lesquels F- initial n’est pas passé à H-  (...)

12Lorsqu’ils ne sont pas déterminés, le nombre peut être nettement marqué : Frechet-Aure (canton d’Arreau), Fréchou-Frechet8 (canton de Tournay) sont masculin-singulier, Hèches < FASCIAS « bandes de terrain » (canton de La Barthe-de-Neste) est féminin-pluriel, etc.

  • 9 Joan Coromines a mené sur le versant sud, en Haut Aragon notamment, une étude des toponymes (résumé (...)

13Mais face à ces toponymes déterminés avec clarté, combien dont le genre et le nombre – pour ne rien dire du sens – nous restent inaccessibles : ainsi Asson (canton de Nay-ouest), Baleix (canton de Montaner), Béost (canton de Laruns), Arbéost (canton d’Aucun), Banios (canton de Bagnères-de-Bigorre), etc. dont la base et la terminaison semblent prélatines. La quantité de ces noms difficiles à élucider est conséquente. C’est ici l’occasion de rappeler brièvement que les langues, dites aquitaniques dans le territoire qui nous concerne, étaient les langues parlées par les tribus qui vivaient dans le périmètre de l’actuelle Gascogne avant le début de la conquête romaine et de la romanisation – le gascon étant issu, pour la plus grande partie, du contact de ces langues avec le latin. Depuis les travaux de J. Coromines9, on peut affirmer que des deux côtés de la frontière pyrénéenne actuelle existait une civilisation de même nature et vraisemblablement de même langue.

14Pour montrer la difficulté qu’il y a à affronter les noms de lieu des hautes vallées pyrénéennes, nous nous réfèrerons au Dictionnaire toponymique des communes des Hautes-Pyrénées. L’ouvrage fournit, de façon synthétique, un certain nombre de renseignements qu’on ne s’attendait pas à trouver, nécessairement, dans une telle étude :

  • Altitude de la commune.

    • 10 À l’époque de la parution de l’ouvrage évidemment.

    Population (le chiffre le plus ancien connu avant la révolution ; le premier après 1789 ; celui du maximum démographique du XIXe siècle ; le plus récent10, celui du recensement de 1999).

  • Nom du saint patron.

  • Sobriquets et dictons se rapportant aux habitants du lieu.

  • Historique administratif.

  • 11 On reconnaît ici la « patte » de Jean-François Le Nail qui possède ses archives sur le bout du doig (...)

15Les éléments qui présentent un intérêt pour notre étude sont les « Dénominations historiques » : il s’agit des formes écrites des noms des villes ou villages attestées dans les cartulaires et recueils de textes, dans les censiers, dans les pouillés, dans les listes laïques et dans les listes religieuses11.

16Prenons pour exemple le canton de Luz Saint-Sauveur (vallées de Barèges, de Gavarnie et de Luz).

17Pour les 17 communes du canton, le Dictionnaire propose :

  • 5 étymologies données comme vraisemblables ou assurées (Betpouey, Sère, Viella, Viscos, Vizos).

  • 5 étymologies plausibles ou prudentes (Barèges, Gavarnie, Luz, Saligos, Sazos).

  • 7 renoncements (origine du nom « obscure » pour : Chèze, Esquièze, Esterre, Gèdre, Grust, Sers, Viey).

18Ainsi 41 % des toponymes correspondant aux noms de villages seraient inexplicables en l’état actuel de la recherche ; si on ajoute à ce pourcentage, celui des toponymes pour lesquels cette étymologie est très hypothétique, soit 29 %, on arrive à un total de 70 % !

19Pour les 10 toponymes plus ou moins élucidés, les bases fournies par le Dictionnaire et les explications subséquentes sont les suivantes :

1. Pré-latin (hydronyme) :

    • 12 Cette piste avait déjà été explorée par X. Ravier dans un article — référence infra, note 28.

    Luz : à mettre en rapport avec Le Luz, affluent de l’Arros12, Le Luz, affluent du Gave de Pau, Le Luzoué, affluent du Gave de Pau.

    • 13 On observera que lorsqu’on a dit « hydronyme prélatin », on ne donne qu’une indication chronologiqu (...)

    Gavarnie qui « comporte le nom ‘‘gave’’, hydronyme13 pré-latin ».

2. Latin :

    a) Noms de personnes : 2

  • Sazos : « peut-être NP latin ‘‘Satius’’ et suffixe aquitain, ‘‘-ossum’’ ».

  • Vizos : « NP latin ‘‘Visus / Vitius’’ et suffixe aquitain, ‘‘-ossum’’ ».

    b) Noms communs : 3

  • Barèges : « latin ‘‘valletica’’ ».

    • 14 En fait, de BELLUM, accusatif de l’adjectif latin BELLUS. En phonétique gasconne, la géminée -LL de (...)

    Betpouey : « du gascon ‘‘bèth’’ 14 ( = beau) et ‘‘puei’’ (latin ‘‘podium’’ = hauteur ».

  • Viella : « du gascon ‘‘vielar’’ (latin ‘‘villa’’ et suffixe ‘‘-are’‘ = dépendance d’un domaine, puis hameau) »)

    c) Flore : 1

  • Saligos : « probablement latin ‘‘salica’’ ( = saulaie) et suffixe aquitain ‘‘- ossum’’« ).

3. Etymon basque :

    1 exemple :

    • 15 Racine euskarienne déjà signalée par X. Ravier, cf. n. 28.

    Viscos : « racine basque ‘‘bisk’’15 ( = dos, crête) et suffixe aquitain ‘‘-ossum’’« ).

20Nous allons nous attarder sur cinq noms de lieux, afin de montrer que même les plus clairs, disons plutôt ceux qui semblent les mieux assurés, sont sujets à discussion ; nous allons donc mettre en regard, pour chacun d’eux, la proposition du Dictionnaire et notre hypothèse.

Barèges

21Proposition du Dictionnaire : 1. [bar’εdyo] 2. « Apparemment du latin vallem ( = vallée) et suffixe -eticam, masquant peut-être un nom prélatin ».

  • 16 Pour ajouter une nouvelle hypothèse à celles déjà évoquées, rappelons celle d’un érudit de la Vallé (...)
  • 17 Dans le Livre vert de Bénac, Immmunités de Sent Orens, p. 117 et Charte des Soumissions de Sent Sab (...)
  • 18 Cartulaire de Saint-Savin vers 1075, p. 7, (id.) ; Cartulaire de Bigorre (vers 1168) ; Pouillé de T (...)
  • 19 L’utilisation des pâturages d’Ossoue provoqua de nombreuses querelles entre pasteurs des deux versa (...)

22Notre hypothèse : L’origine et le sens de ce toponyme sont controversés16, comme le montre la recension des propositions étymologiques déjà formulées par le passé. Pour essayer de surmonter quelques-unes des difficultés, essayons à notre tour de nous appuyer sur les graphies attestées dans les documents du Moyen Âge. Nous ne donnerons pas ici toutes les attestations (il y en a vingt du XIe siècle au XVe siècle dont la plupart montrent une base Baregd-/ Baredg-/ Baretg-, enfin Bareg- à partir du XIVe siècle) : Ainsi, vers 1060, on écrit Baredga17 ; en 1064, (puis à deux reprises par la suite, au XIIe siècle d’abord, au XIVe siècle ensuite), très curieusement, le toponyme gascon laisse sa place à la forme latine Valletica18 « la petite Vallée », forme sans doute fautive d’ailleurs, comme il sera montré ci-dessous). Puis la forme première réapparaît vers la fin du XIe siècle et le début du XIIe siècle pour devenir quasiment la forme canonique par la suite ; ne citons que trois occurrences de cette forme, mais dans des documents très importants : en effet, le premier de ces documents fixe les droits des Barègeois vis-à- vis du Comte de Bigorre, les deux autres règlent momentanément un différend entre les communautés du Val de Broto en haut Aragon et la Vallée du Barège, règlements majeurs s’il en est puisqu’il s’agit rien moins que de réguler l’occupation et l’utilisation des pâturages frontaliers d’Ossoue et d’Estaubé ; on rencontre donc Barrega dans les Privilèges de Centot, comte de Bigorre, Baretge dans l’acte de partage du 8 juin 1319, Baretcha dans les traités des Lies et Paxeries19 passés entre les pasteurs aragonais et barègeois.

  • 20 Larrouy, A., Le nom Barèges. Etymologie et histoire, Revue des Hautes-Pyrénées, XXX, 1935. L’auteur (...)
  • 21 Ravier, X., Le récit mythologique en Haute-Bigorre, Édisud / Editions du C.N.R.S. 1986, note 11, p. (...)
  • 22 Signalons, pour compléter l’observation de X. Ravier, que l’on trouve un toponyme Cot de Baredje à (...)

23Les formes Barèdge, Barètge et leurs diverses déclinaisons seraient- elles des dérivations de Valletica ? Certains érudits locaux du début du siècle l’ont pensé20. Mais cette interprétation est contestée par X. Ravier 21 qui écrit : « En ce qui concerne le nom Barèges, il faut savoir que cette étymologie est purement fantaisiste : elle est induite à partir d’une latinisation VALLATICA, à moins que ce ne soit une étymologie populaire qui ait elle-même motivé ce VALLETICA. Barèges est en fait un toponyme d’origine prélatine (autres attestations dans la région de Bagnères-de- Luchon22 ) ». L’hypothèse d’une latinisation suggérée par X. Ravier nous semble confortée par l’habitude qu’avaient prise les notaires locaux de latiniser aussi les noms et prénoms des personnes de la Vallée : il est fréquent de relever dans les actes notariés de tels exemples ; citons-en deux : « Johannes de Bellepodio » pour « Jean de Betpouey », « Marcus de Viridario » pour « Marc de Bériè »… Si donc, comme l’indique X. Ravier, il faut retenir une étymologie populaire, peut-on penser que, à moment donné, la Vallée a pu être ainsi nommée par opposition à la « grande » vallée du Lavedan toute proche, vallée dont elle faisait juridiquement partie ?

  • 23 Pour le passage de VERVACTUM à barè(y)t, J. Bouzet, Th Lalanne, Du gascon au latin, librairie Bénes (...)
  • 24 Respectivement « et Barét » et « et arriü dets Baréts ».
  • 25 Cf. Massoure J.-L., Le Pays toy d’une part, et, d’autre part, du même auteur, dans Le dialecte des (...)

24S’il y avait un étymon latin qui pourrait être plus vraisemblablement à l’origine de ce toponyme Barège, nous proposerions plutôt le nom VER(V)ACTUM « terrain en friche » d’où est issu le nom gascon barèt23. Barét est la forme gasconne en général ; le Dictionnaire de Palay (p. 104) en donne la définition suivante : « terre labourée après une récolte et laissée en repos, mise en jachère, ou encore terre mise au point pour recevoir la semence » ; l’ALGc II, 250, 251 définit baretá « premier labour » dans les HPyr ; bareitánt « second labour ». Dans la vallée de Barège, le mot barét s’emploie souvent comme toponyme : à Viscos, près du village, un quartier de champs et le ruisseau qui longe ces parcelles porte ce nom24 ; à Sère, la portion de terres située entre le torrent Le Bastan et la route nationale s’appelle ets Baréts… Est-il inouï de penser que le toponyme Barège pourrait décrire le « Barét par excellence » dans lequel les premiers défricheurs prirent pied à une date indéterminée, mais vraisemblablement après le VIe siècle25 ?

25Nous avons donc, pour expliquer l’étymologie de Barège, deux hypothèses à examiner, l’hypothèse « établie » qui ferait remonter Barège à VALLETICA (hypothèse 1) et déjà réfutée par X. Ravier, et la nôtre, Barège ayant une base barét (hypothèse 2).

26Nous allons examiner successivement chacune de ces deux hypothèses :

  • Hypothèse 1 : l’étymon VALLETICA présente l’avantage d’aboutir phonétiquement à Barège, mais nous nous heurtons à deux écueils : d’abord à celui de la chronologie historique puisque, nous venons de le voir, le toponyme Baredga, relevé dans un texte de 1060 est premier, ce que semble par ailleurs confirmer son utilisation, comme nous l’avons signalé encore, dans des documents de grande importance pour la civilisation pastorale du Moyen Âge. On peut évidemment objecter que la forme latine se trouvait peut-être, auparavant, dans des documents qui ont été perdus ou qui n’ont pas été encore exhumés, mais cette objection semble peu recevable ; le second écueil est de nature morphologique : la forme attendue aurait dû être Vallatica et non Valletica, le suffixe latin -ATICA marquant l’appartenance, l’origine ( = « de la vallée ») : y a-t-il eu contamination par le -E de VALLE ? Autre fait troublant : il existe un autre toponyme Barège dans un secteur qui s’apparente peu à une vallée ; en effet, un micro toponyme Barètge, à Gavarnie, s’applique à un lieu qui se trouve en aval du village, sur la rive droite du Gave de Pau ; c’est un coteau où il y avait des prés (anciennement des champs ?) gagnés sur la montagne et sur le bois.

    • 26 Mais, peut-être, est-ce l’hypothèse de X. Ravier qu’il nous faut retenir : Barège pourrait venir du (...)

    Hypothèse 2  : l’étymon VERVACTUM paraît sémantiquement cohérent ; toutefois, le passage de -CT- à -dg- est difficile à expliquer par la phonétique. C’est pourquoi il nous semble plus plausible de partir non de VERVACTUM mais de VERVACTICAM issu d’un *TERRAM VERVACTICAM : il n’est pas exclu en effet que l’adjectif ait pu, par la suite, se substantiver, phénomène qui n’est pas si rare en toponymie26.

Viella

27Proposition du Dictionnaire : 1. [bja’la / bjε’la] 2. « Du gascon vielar (latin villa et suffixe -are = dépendance d’un domaine, puis hameau »).

28Notre suggestion :

  1. Voici les attestations fournies dans le Dictionnaire : Bilar vers 1340, Livre vert de Bénac, Vilar, 1077-1078, Cartulaires Saint-Savin, Bielar, XIIe s., Cartulaires Bigorre, Bielar, 1429, Censier de Bigorre, Viela, 1614, Guillaume Mauran, 1760, Larcher, Pouillé Tarbes, Viala en Barèges, 1789, Cahiers doléances. Toutes ces attestations, sauf la dernière, dérivent d’une base latine VĪLLA « maison de campagne, propriété, maison des champs, ferme, métairie ». Mais cet étymon, en fait, ne va pas de soi : le résultat, selon la phonétique gasconne (-LL- > r), serait biéro (ou bíro que l’on retrouve dans [bira"naBO] Villenave, ancien hameau rattaché aujourd’hui à la commune de Luz Saint-Sauveur. Il faut donc supposer que, sur le modèle de STĒLLAM > *STĒLAM (simplification de la géminée), VĪLLAM est passé à *VĪLAM ; quant au suffixe, on pourrait penser au suffixe -ARIS, donc, en définitive, à un étymon *VILĀRIS « relatif à la maison des champs, de ferme ».

  2. La forme [bja"la] attestée dans les Cahiers de Doléances pose un problème d’ordre différent  ; rappelons qu’il s’agit là, d’une part, de la prononciation locale actuelle, d’autre part de la graphie de 1789 choisie par les habitants du village ; on peut observer qu’il est difficile de justifier le -a- atone du radical à partir de *VĪLAM. Peut-on alors supposer une base VĬAM « voie, chemin, route », ce que semble conforter le parler lui-même ? En effet, il existe dans le parler de la Vallée, l’adjectif bialè et les noms bialèro, bialà : u camí bialè désigne un « chemin se dirigeant vers un hameau », uo bialèro, une « voie », un « chemin », u bialà un « hameau écarté du bourg » (mais auquel conduit … un chemin).

Betpouey

29Proposition du Dictionnaire : 1. [bap :w’eī] 2. « Du gascon bèth ( = beau) et puei (latin podium = hauteur) ».

  • 27 Dans notre étude Le dialecte haut-pyrénéen des vallées de Luz, de Barèges et de Gavarnie, op. cit., (...)

30Notre suggestion : la forme Bèt- pourrait résulter d’un détournement sémantique de Bat « vallée » (forme dont nous rappelons qu’elle est de tradition orale affirmée). En effet, si l’interprétation bèt = « beau » est séduisante et peut coller à la configuration du site, on s’explique mal, à moins de tenir pour nulles et non avenues les graphies Batpouey et la prononciation ancestrale [bat] / [bap :], le passage du -Ĕ- bref de BĔLLUM à -a-27. Aussi, notre première hypothèse est qu’il faut privilégier la forme fournie par la tradition orale et rester circonspect devant les attestations écrites ; notre seconde hypothèse nous pousse, dans ces conditions, à interpréter [bat] / [bap :] comme le résultat de l’évolution, en phonétique gasconne, soit de VALLEM « vallée », soit, par aphérèse, de la réduction de l’adverbe de lieu gascon dabàt « dessous » en bat. Le territoire de la paroisse de Betpouey était jadis très vaste (grosso modo jusqu’au Tourmalet) : il n’est pas invraisemblable de définir, dans ce cadre, ce village soit comme « la vallée du village de la colline », soit comme « le village dominé [par les crêtes adjacentes].

Luz

31Proposition du Dictionnaire : 1. [lys], 2. « Probablement hydronyme ».

32Notre proposition : nous aurions tendance à suivre l’auteur qui reprend les rapprochements suggestifs déjà effectués par X. Ravier, cf. n. 24.

33Toutefois, on ne peut esquiver une objection : comment se fait-il que cet hydronyme d’origine prélatine n’ait qualifié aucun des gaves, ruisseaux ou torrents de la vallée et se soit parfaitement conservé pour désigner, dans le Piémont, à la fois un affluent de l’Arros (Gerde, Uzer, Argelès), un premier affluent du Gave de Pau (Canton de Nay, Pyr.-Atl.) puis, sous forme du diminutif Luzoué ( ?), un petit cours d’eau entre Lahourcade et Lagor, Pyr.-Atl. ? Et pourquoi aurait-il été choisi pour désigner un village (aujourd’hui gros bourg) dont on sait que la construction fut bien postérieure à celle d’autres villages de la vallée ?

Viscos

34Proposition du Dictionnaire : 1. [bis"kOs] 2. « Racine basque bisk ( = dos, crête) et suffixe aquitain -ossum. »

  • 28 D’après nos recherches, l’église de Boussu (1059-1078) fit partie, sans y figurer jamais, du Pascal (...)
  • 29 Ces quelques exemples concrets permettent de vérifier l’assertion que J.-F. Le Nail nous propose da (...)

35Notre suggestion : la proposition du Dictionnaire nous paraît la plus pertinente dans l’état actuel de la recherche.
Le Pic de Viscos, s’il a effectivement la forme d’un toit, semble s’être d’abord appelé Pic Boussu, du nom du village28 , aujourd’hui disparu, qui se trouvait, rapporte la tradition, rive gauche du Gave de Pau, en amont de Soulom. Signalons, pour conclure cet alinéa, que le suffixe bisk- se retrouve dans le substantif local bisquèro « poutre faîtière ».
Le nom de lieu Viscos se rapproche de façon étonnante d’un autre nom d’un village de la vallée, Vizos. Pour ce dernier, le Dictionnaire fournit l’étymologie : « NP latin Visus / Vitius et suffixe aquitain -ossum ». Cette étymologie pose une double question : peut-on alléguer un anthroponyme latin, alors qu’on sait que la vallée fut tardivement peuplée ? Peut-il y avoir à proximité deux villages construits à la même époque, dont l’un aurait une base euskarienne et l’autre une base latine29 ?

2. L’essence du toponyme

36Pour essayer de cerner cette essence, nous avons placé notre réflexion sur la toponymie, bien que celle-ci soit aujourd’hui considérée comme une science, sous les auspices d’un philosophe de la phénoménologie et d’un poète romantique, tous deux allemands.

  • 30 Vaxelaire, J.-L., 2005, Les noms propres - Une analyse lexicologique et historique, Paris, Honoré C (...)
  • 31 Canton de Navarrenx, Pyrénées-Atlantiques.
  • 32 Canton d’Oloron-ouest, Pyrénées-Atlantiques.
  • 33 Canton de Garlin, Pyrénées-Atlantiques.
  • 34 Canton de Galan, Hautes-Pyrénées.
  • 35 Canton d’Aucun, Hautes-Pyrénées.
  • 36 Canton de Luz-Saint-Sauveur, Hautes-Pyrénées.

37N’est-ce pas compliquer à l’envi – ou à tort ? N’est-ce pas une attitude anti scientifique ? « Pour le linguiste, le nom propre est avant tout une lexie. Les considérations d’ordre métaphysique ne sont pas de son ressort » 30 . En effet, faut-il s’engager dans un travail herméneutique pour trouver l’essence des noms de lieux… en présupposant que cette essence existe ? Qu’ont à voir, par exemple, les noms des communes : Préchacq- Josbaig31, Esquiule 32, Mendousse 33, Recurt34 , Bun35, Barèges 36, etc. avec ce qui ressemble bien à une espèce de métaphysique ?

38Pourtant…

  • 37 Hiedegger, Ibid., « Au sens propre du terme, c’est le langage qui parle », p. 223. « Le langage nou (...)

39Nommer c’est « habiter en poète », c’est signifier que le langage demeure le souverain puisque lui seul établit « l’être d’une chose » 37.

40Que veut dire « être » ?

  • 38 Parménide, fragment 3 du Poème.

41Le verbe implique, nous semble-t-il, nécessairement la question : « Qui suis-je ? » ; il n’y a, dès lors, pas d’existence qui ne renvoie à l’homme, donc à la pensée humaine. « Car la même chose sont pensée et être » 38.

  • 39 Ibid. p. 190-191.

42En même temps, l’épigraphe souligne le rapport que la poésie entretient avec la pensée : le mode de pensée poétique n’est pas moins vrai que le mode de pensée philosophique ou scientifique. Le critère de la vérité n’est plus seulement l’enchaînement logique des pensées, mais leur capacité réciproque d’illumination ou, si l’on préfère, le vrai ne s’épuise pas dans l’adéquation de l’intellect à la chose. Nous avons affaire là à deux dimensions, deux contrées de vérité distinctes. La relation de l’homme au monde est uniquement « l’habitation pensée de son être […]. C’est seulement quand nous pouvons habiter que nous pouvons bâtir »39.

43Aussi, peut-être, faut-il considérer la toponymie non seulement comme une science – plus ou moins performante d’ailleurs, comme on vient de l’observer – mais comme une tentative de l’homme pour raconter comment une chose est venue non seulement à l’existence, mais encore pour nous dire, en quelque sorte, l’état séminal du monde : grâce à la parole, le village, les prairies et les champs, les plaines et les montagnes, les rivières et les fleuves furent créés une seconde fois par le Fiat humain. Dans le micro cosmos que constituent une communauté, une vallée pyrénéennes, tout se tient même si nous avons perdu aujourd’hui le sens de ce lien, le sens de cette totalité, de ce monde nouveau en étroite symbiose avec la condition humaine et avec son aptitude à la nomination. Cette symbiose du langage avec la façon « d’habiter le monde » est à l’origine de l’entrée véritable de la société des pasteurs et des agriculteurs dans l’histoire.

44Semblable essence fait du toponyme un élément lexical particulier, peut-être même, à ses débuts, rattaché à l’environnement par des attaches teintées de sacralité, en tout cas de profondeur, avant de devenir un simple marqueur géographique.

  • 40 Réseau d’autant plus efficace que le nom de lieu est peu soumis à la variation flexionnelle.
  • 41 Il est vraisemblable que, mutatis mutandis, ce même processus s’applique à bien d’autres contrées.
  • 42 Massourre, J.-L., La Maison en Barège du Moyen Âge à nos jours, Langues et civilisations romanes, O (...)

45Car le toponyme, bien qu’il ait une valeur fonctionnelle indéniable, celle de désigner, celle de matérialiser par la parole ou par l’écrit le lieu et l’espace de notre action – labourer tel champ, faucher tel pré, mener un troupeau dans telle estive, gravir telle colline, fixer tel itinéraire – ne survivrait pas s’il ne renvoyait pas à tout un réseau mémoriel40 et symbolique lui-même lié au concept gascon de la « Maison » (era / la casa, eth / l’oustau) et au mode de transmission du patrimoine41 . Ce fait se vérifie en creux : au fur et à mesure que la civilisation pastorale se délite, les toponymes perdent toute intériorité. Et dans le cas de la vente de la propriété, on constate bien vite que les nouveaux propriétaires, souvent urbains ou rurbains (affreux oxymore !) ne s’intéressent plus à ces antiques appellations, et que celles-ci s’oublient à une vitesse confondante. Dans la société pastorale qui nous a précédés, le nom de lieu comme le micro toponyme étaient destinés à survivre à ceux qui travaillaient ou occupaient la terre après leur séjour ici-bas, parce que les générations qui leur succédaient en héritaient, non seulement par acte notarié ou en vertu du droit coutumier, mais encore par une sorte d’incorporation spirituelle et presque transcendantale, la Maison étant au-dessus de l’individu. Il y a une généalogie du toponyme et plus encore du micro toponyme qui relie le nom de lieu aux ascendants, une généalogie dont le noyau est le nom même de la Maison42 , pérenne depuis des siècles et qui survit aux vicissitudes de l’état civil et même aux changements de propriétaires : le nom de lieu n’est pas un repérage commode dans un espace sans signification, mais une cartographie dans la psyché individuelle et communautaire : réalité d’une présence qui structure la mémoire de l’homme et du groupe dans ses composantes affectives, culturelles, spirituelles.

  • 43 « Limites » avec la signification que Heidegger attribuait à ce nom et avec celle que Wittgenstein (...)

46Davantage : à l’échelle de la famille et de la communauté villageoise, le toponyme était la partie d’un savoir collectif, et pas seulement une science : il ne circonscrivait pas uniquement un espace individualisé ; au contraire, dans un monde où tout était nommé, où pas un mètre carré de la terre ne restait en dehors de la nomination, il bordait d’autres espaces, nommés eux aussi : tour à tour, chacun devenait le centre d’une constellation de signes, de sens, de limites43. Ce qui nommait alors, c’était la parole collective qui s’exprimait au travers de chacune des paroles individuelles : dire un nom de lieu, c’était dessiner et placer, au sens littéral, une « pièce » dans le puzzle du territoire occupé par la communauté, le rattacher aux personnes, aux types de mise en valeur, d’exploitation et, avant tout à la Maison.

  • 44 Aujourd’hui, l’art contemporain, par exemple, se veut, au contraire, le chantre de l’éphémère, du h (...)

47On peut donc dire qu’alors le nom de lieu était un signe culturel d’une importance primordiale, à condition de définir la culture par les deux critères qui l’ont, depuis toujours, définie jusqu’à une époque récente, son caractère durable44 et le fait de ne pas être à but uniquement utilitaire.

  • 45 Le « monde paysan » ne représente plus que 2,8 % de la population française.
  • 46 Illustrons ce fait par le micro toponyme Le Doumet ; il désignait un pré, en fait une longue pente, (...)

48Désormais, avec la disparition progressive et rapide de la microtoponymie consécutive à la disparition du monde paysan45 montagnard, ne subsistent presque plus, en dehors des noms de villes et des villages, que les « espaces » liés au loisir (excursion, randonnée, ski, canyoning, camping, etc.) ou à l’activité commerciale rattachée au tourisme (nom de résidence ou de lotissement emprunté au micro toponyme par ex.46 ). Dans notre ère de consommation effrénée et habilement sollicitée par la publicité et par des idéologies de surface, le train des choses n’accorde que peu d’importance, voire aucune, à ces éléments du passé dont nous n’avons fait que suggérer qu’ils s’ancraient profondément, par des racines à la fois symboliques et spirituelles, dans le corps même de la personne et de la collectivité.

  • 47 C’est pourquoi la décomposition analytique du nom de lieu n’atteint jamais le « cœur » du sens.

49Nous avons essayé – mais ce n’est ici qu’une ébauche – de mettre en relief les connexions entre le nom de lieu et la Psyché humaine, de montrer que le toponyme n’était pas un mot vide, un mot inerte coupé du monde vécu, ou juxtaposé à ce monde, ou uniquement rattaché à lui par un fonctionnalisme sans épaisseur humaine ; il ne cartographiait pas seulement ce monde, il le construisait, il était un bloc de significations dans lequel se superposaient, mais en restant poreuses, les différentes couches de la culture d’une communauté, de sa mémoire, de son « agir », de son « être » dans un minuscule canton de l’univers : cette stratigraphie révèle qu’il y avait entre le mot et l’espace désigné un rapport organique47, une relation directe de l’existence à l’essence. Le toponyme était à la fois maîtrise de l’ici-bas et représentation conceptuelle et affective du séjour de l’homme dans le terroir très resserré habité par nos ancêtres pasteurs et agriculteurs.

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Bibliographie

Nous n’incluons dans la Bibliographie, en dehors des travaux très connus de Dauzat, & Rostaing et de Nègre, que les travaux des auteurs qui se sont intéressés à la toponymie pyrénéenne.

Aymard, R. (1996), Dictionnaire des noms de lieux des Hautes-Pyrénées, Uzos. Bérot, M. (1998), La vie des hommes et de la montagne dans les Pyrénées, Parc National des Pyrénées, Éditions Milan.

Dauzat, A., Deslandes, G. & Rostaing, Ch. (1978), Dictionnaire étymologique des noms de rivières et de montagnes en France, Editions Klincksieck, Paris.

Dauzat, A. & Rostaing, Ch. (1978), Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France, 2e édition, Guénéguaud, Paris.

Coromines, J., 1960, La toponymie hispanique préromane et la survivance du basque jusqu’au bas moyen âge (Phénomènes de Bilinguisme dans les Pyrénées Centrales, IV Congrès International de Sciences Onomastiques.

Grosclaude, M. (199), Dictionnaire toponymique des communes du Béarn, Pau, Escòla Gaston Febus.

Grosclaude, M. & Le Nail, J.-F. (2000), Dictionnaire toponymique des communes des Hautes-Pyrénées, Conseil Général des Hautes-Pyrénées, Mission Culture Occitane, Tarbes.

Raymond, P. (1992), Dictionnaire topographique du département des Basses- Pyrénées (1865), Pau.

Fénié, J.-J. & Fénié, B. (1992), Toponymie gasconne, Editions Sud-Ouest, 2e édition, Bordeaux.

Massoure, J.-L. (2011), Le Pays toy, 3e édition, Langues et civilisations romanes, Orthez.

Massoure, J.-L. (2007), 2e édition, Le dialecte des vallées de Luz, de Barèges et de Gavarnie, Aperçus géographiques et historiques, Phonétique, Morphologie nominale et pronominale, Mots invariables, Morphologie verbale, Tiroirs verbaux, Dérivation et préfixation, Notes de syntaxe, Glossaire thématique, Glossaire, Langues et civilisations romanes, Orthez.

Massoure, J.-L. (2010), La Maison en Barège, Langues et civilisations romanes, Orthez.

Nègre,E. (1990), Toponymie générale de la France, vol. 1er (Formations préceltiques, celtiques, romanes), Droz, Genève.

Orpustan, J.-B. (1990), Toponymie basque, Centre d’Etudes linguistiques et littéraires basques, Presses Universitaires de Bordeaux.

Poumarède, J. (1972), Géographie coutumière et mutations sociales : les successions dans le Sud-Ouest de la France au Moyen Âge, Paris, P.U.F.

Ravier, X. (1963), Le suffixe toponymique pyrénéen -un ; le problème de ses relations avec d’autres suffixes à caractéristique nasale de l’Ibéro-Aquitaine, Via Domitia X, Annales publiées par la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Toulouse, Année XII, Fascicule 5.

Ravier, X. (1967), ¿ Tres vasquismos en la toponimia medieval de Bigorra ?, Real Sociedad Vascongada de los Amigos del Pais, Año XXIII, cuadernos 3° y 4°, San Sebastian.

Ravier, X. (1978), Toponymes en dunu(m) dans le domaine aquitano-gascon et configurations géo-dialectales modernes, Via Domitia XX-XXI, Annales publiées par l’Université de Toulouse-Le Mirail, tome XIV, Fascicule 6.

Ravier, X. (1982), Kalma et autres mots de substrat dans la région pyrénéenne occidentale : problèmes de linguistique prélatine, Actes du Colloque d’onomastique romane de Dijon (27-30 mai 1981).

Ravier X. (date ?), Toponymes gascons en -r final sensible, un fait de substrat aquitano-pyrénéen, Symbolae Ludovico Mitxelena Septuagenario Oblatae, MCMLXXXV, A. D., Victoriaco Vasconum.

Zink, A. (1992), L’héritier de la maison. Géographie coutumière du Sud-Ouest de la France, Paris, éditions de l'E.H.E.S.S.

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Notes

1 Heidegger, Bâtir, habiter, penser, Gallimard, p. 184 et p. 191.

2 Littéralement : « …poétiquement habite l’homme… », extrait que le philosophe M. Heidegger accommodera en : « L’homme habite en poète », Ibid. p. 224. Voici, en traduction, une partie du contexte de cet extrait : « […] / Un homme, quand la vie n’est que fatigue, un homme / Peut-il regarder en haut, et dire : tel / Aussi voudrais-je être ? Oui. Tant qu’en son cœur / Dure la bienveillance, toujours dure, / L’homme peut avec le divin se mesurer / Non sans bonheur. Dieu est-il ; inconnu ? / Est-il, comme le ciel, évident ? Je le croirais / Plutôt. Telle est la mesure de l’homme. / Riche en mérites, mais poétiquement toujours, / Sur terre habite l’homme. […]. »

3 Grosclaude, M., Dictionnaire toponymique des communes des Hautes-Pyrénées, op. cit., p 189. La bibliographie consacrée à ce domaine est d’ailleurs assez fournie ; citons : Aymard, R., Dictionnaire des noms de lieux des Hautes-Pyrénées, Uzos, 1996 ; Grosclaude, M., Dictionnaire toponymique des communes du Béarn, Pau, Escòla Gaston Febus, 1991 ; Grosclaude, M. & Le Nail, J.-F., Dictionnaire toponymique des communes des Hautes-Pyrénées, Conseil Général des Hautes- Pyrénées, Mission Culture Occitane, Tarbes, 2000 ; Raymond, P., Dictionnaire topographique du département des Basses-Pyrénées (1865), publié en 1992, Pau. S’ils sont le plus souvent de qualité, ils ne recensent pourtant dès lors que les noms des lieux habités. C’est pourquoi on pourra avoir recours à des études plus généralistes : Fénié, J.-J. & Fénié, B., Toponymie gasconne, Editions Sud-Ouest, 2e édition, Bordeaux, 1992 ; Bérot, M., La vie des hommes et de la montagne dans les Pyrénées, Parc National des Pyrénées, Éditions Milan, 1998 – toutefois, il est vraisemblable que la microtoponymie, qui marque le rapport le plus étroit de l’homme à son terroir ait davantage à nous dire.

4 Ibid., p. 12.

5 On pourra aussi se reporter à : Massourre, J.-L., 2012, Le gascon, les mots et le système, Editions Champion-Slatkine, Paris-Genève, dont le dernier chapitre traite de la nature du gascon.

6 Lecolle, M., Paveau, M.-A. et Reboul-Touré, S. (éds.), 2009, « Le nom propre en discours », CEDISCOR 11 - dans, Sciences du langage, 2009.

7 Ravier, X., Sur le débat entre lexique ouvert et onomastique : le Glossaire du Val d’Azun de Michel Camelat : « Le couple signifiant / signifié, relève [...] de ce que, philosophiquement parlant, on appelle des idéalités, alors que beaucoup des mots que nous employons ne se rapportent qu’à des realia : il en est ainsi de noms d’outils ou d’ustensiles désignés à partir de l’usage que l’on en fait, de la matière utilisée pour leur confection ou de la forme qui leur est donnée (par ex. les ruches7 ). Dans de tels cas, j’ai pris l’habitude depuis des années de me servir des termes nommant et nommé et à cet égard les toponymes sont foncièrement des nommants, des nommés ; cela qui n’enlève rien à leur valeur en tant qu’êtres de langage, bien au contraire : en effet, les référents de ces mots, loin de se limiter à une ébauche intellectuelle généralisante, réunissent le lieu nommé en tant que tel et le nom qu’il a reçu, c’est ainsi qu’il appartient pleinement à l’existence menée par les locuteurs dans les contrées où ceux-ci poursuivent leurs travaux et vivent leurs jours. Pour nous représenter pleinement cette situation, souvenons-nous que Rilke, dans la neuvième Élégie duinésienne proclamait : « irdish gewesen zu sein, scheint nicht widerrufbar » (avoir été de la terre ne paraît pas récusable).

8 Ces deux toponymes font partie des sept noms de lieu dans lesquels F- initial n’est pas passé à H- ; il s’agit de : Ferrère < FERRERIA « forge, mine de fer » – canton de Mauléon-Barousse ; Ferrières < id° – canton d’Aucun ; Fontrailles < FONTE « fontaine » et, p.-e., de « Eulalie » – canton de Trie-sur-Baïse ; Fréchède < FRAXINETA « lieu où croissent les frênes » – canton id° ; Frechendets < FRAXIN-ET-ELLUM « le petit bois de frêne » – canton de Lannemezan ; Fréchet-Aure < FRAXINU + ETU « lieu planté de frênes » ; Fréchou-Fréchet < FRAXINU « frêne » – canton de Tournay.

9 Joan Coromines a mené sur le versant sud, en Haut Aragon notamment, une étude des toponymes (résumé in La toponymie hispanique préromane et la survivance du basque jusqu’au bas moyen âge (Phénomènes de Bilinguisme dans les Pyrénées Centrales). Cet auteur a concentré ses travaux sur les noms de lieux du Nord de la Catalogne, du haut Aragon, donc, et du Pays Basco-Navarrais. La recherche, déplore-t-il, est un peu minée par la vieille polémique entre les partisans et adversaires du basco-ibérisme, même si « on voit de plus en plus clair que la réponse peut-être tranchante dans le terrain ethnographique (c’est-à-dire les basques n’étaient point des ibères), mais que dans le terrain linguistique la solution ne saurait se trouver qu’au milieu : le basque du temps de l’Empire romain était sans doute un langage différent des parlers proprement ibériques, mais il avait avec eux des éléments communs, éléments très nombreux en fait de lexique, bien moins nombreux probablement mais pas du tout négligeables en morphologie et en phonétique ». Néanmoins, « nous trouvons des noms explicables par le basque ». Pour ne retenir que ce qui concerne le Haut Aragon, on y voit que les noms à « parenté basque se trouvent en masse […] Ce basque ou bascoïde ancien des Pyrénées Centrales et Orientales était sans doute bien différent des dialectes basques d’aujourd’hui ». J. Coromines a recensé pour le seul Sobrarbe 248 noms de village « purement romans » qui « ont un aspect très archaïque tout de même, très aberrant par rapport au castillan » : la cause en serait « une longue symbiose du basque et du latin ».

10 À l’époque de la parution de l’ouvrage évidemment.

11 On reconnaît ici la « patte » de Jean-François Le Nail qui possède ses archives sur le bout du doigt… mais qui avance à pas comptés : « Il ne faut pas chercher [dans ces formes écrites] l’exact reflet des formes parlées à l’époque où ces noms sont enregistrés sur le parchemin ou sur le papier » ; il faudra donc accorder à ces attestations « une confiance mesurée », se garder « de vouer une confiance aveugle aux formes anciennes ».

12 Cette piste avait déjà été explorée par X. Ravier dans un article — référence infra, note 28.

13 On observera que lorsqu’on a dit « hydronyme prélatin », on ne donne qu’une indication chronologique et qu’une pseudo indication sémantique ; que signifiait « gave » dans le vocabulaire de la prélatinité ? En quoi « gave » se distinguait-il de « neste », autre toponyme considéré comme prélatin et servant de nom / de base à un certain nombre de cours d’eau ou de localités des Hautes-Pyrénées — la part belle est faite à la vallée d’Aure : La Neste de Badet, La Neste de Saux, La Neste de la Géla, La Neste de Couplan, La Neste de Moudang, La Neste du Louron, Le Nistos, Le Nez, Nestier, Pierrefitte-Nestalas ?

14 En fait, de BELLUM, accusatif de l’adjectif latin BELLUS. En phonétique gasconne, la géminée -LL devenue finale après chute de la voyelle atone finale passe à -t.

15 Racine euskarienne déjà signalée par X. Ravier, cf. n. 28.

16 Pour ajouter une nouvelle hypothèse à celles déjà évoquées, rappelons celle d’un érudit de la Vallée, J. P. Rondou, instituteur à Gèdre dans le premier tiers du XXe siècle, qui a pensé au nom celtique Bar « vallée » ; à ce nom serait accolé, selon lui, le diminutif -eto ( > bareto) qui indique, d’après cet auteur, « une moindre dimension, ce qui plaît, ce qui est agréable » (Essai de toponymie). Mais la thèse du substrat celtique en Bigorre a été contestée indirectement par une étude assez récente (M. Grosclaude, Dictionnaire toponymique des communes du Béarn, Escola Gaston Fébus, Pau, 1991) : cette étude semble montrer qu’il n’existe en Béarn « aucune couche gauloise ou franque susceptible d’éclairer les noms de lieu ». Toutefois, pour nuancer les conclusions de ce dernier ouvrage, signalons qu’on trouve des marques de l’invasion celtique dans le Sud-Ouest de la chaîne pyrénéenne, cf. J.C. Baroja, Los Vascos, Ediciones Istmo, Madrid, 1990. À propos du passage des Celtes dans nos contrées, notons aussi qu’il y a des tumuli de type hallstattien en Bigorre, sur le plateau de Ger dans le bassin de l’Adour…

17 Dans le Livre vert de Bénac, Immmunités de Sent Orens, p. 117 et Charte des Soumissions de Sent Sabi à l’abbaye Saint Victor de Marseille (d’après J.P. Rondou).

18 Cartulaire de Saint-Savin vers 1075, p. 7, (id.) ; Cartulaire de Bigorre (vers 1168) ; Pouillé de Tarbes (1342).

19 L’utilisation des pâturages d’Ossoue provoqua de nombreuses querelles entre pasteurs des deux versants tout au long des siècles.

20 Larrouy, A., Le nom Barèges. Etymologie et histoire, Revue des Hautes-Pyrénées, XXX, 1935. L’auteur pense que le vocable serait attesté depuis le milieu du XIe siècle. L’évolution de VALLETICA à Barège est, dit-il, phonétiquement correcte. Etymon étudié aussi, et adopté par Nègre, abbé E., Toponymie générale de la France, Genève, 1990.

21 Ravier, X., Le récit mythologique en Haute-Bigorre, Édisud / Editions du C.N.R.S. 1986, note 11, p. 13. L’auteur ajoute que, pour les gens de Barèges, les « Lavelanais » sont les habitants du Bas-Lavedan, en particulier ceux du bassin d’Argelès-Gazost et des terroirs immédiatement périphériques. »

22 Signalons, pour compléter l’observation de X. Ravier, que l’on trouve un toponyme Cot de Baredje à Bossost dans le Val d’Aran et un micro-toponyme « Barètge » à Gavarnie ; toujours à Gavarnie, le toponyme « Pont Baratgin », souvent attesté dans les textes anciens, et prononcé « Bradgi », se fonde sans doute aussi sur une base Barège.

23 Pour le passage de VERVACTUM à barè(y)t, J. Bouzet, Th Lalanne, Du gascon au latin, librairie Bénesse, Saint-Vincent-de-Paul, 1937, § 23 : « dissimilation de l’initiale par rapport à la tonique ».

24 Respectivement « et Barét » et « et arriü dets Baréts ».

25 Cf. Massoure J.-L., Le Pays toy d’une part, et, d’autre part, du même auteur, dans Le dialecte des vallées de Luz, de Barèges et de Gavarnie, Aperçus géographiques et historiques, Phonétique, Morphologie nominale et pronominale, Mots invariables, Morphologie verbale, Tiroirs verbaux, Dérivation et préfixation, Notes de syntaxe, Glossaire thématique, Glossaire général, § 1.2 chapitre « Le Peuplement ».

26 Mais, peut-être, est-ce l’hypothèse de X. Ravier qu’il nous faut retenir : Barège pourrait venir du basque Ibarretegui « le lieu de la vallée ». Cette proposition pose évidemment, le problème du substrat basque dans le parler et la toponymie des vallées de l’actuel canton de Luz : l’étude n’en a pas été encore menée.

27 Dans notre étude Le dialecte haut-pyrénéen des vallées de Luz, de Barèges et de Gavarnie, op. cit., (cf. § 3.2.1.4), nous n’avons trouvé aucun exemple d’un tel traitement de ? tonique.

28 D’après nos recherches, l’église de Boussu (1059-1078) fit partie, sans y figurer jamais, du Pascal de l’abbaye de Saint-Savin. Par ailleurs, dans la Sentence arbitrale de 1291, Cartulaire de Noalis, qui définit les limites du Lavedan, on peut lire : « E comensan a estermia per lad. part de Baretya, despux Sarramouset, terra de Solon, entro a Poey de Herecho e pic Gran, que confronta ad pic Bossu de Biscos… ».

29 Ces quelques exemples concrets permettent de vérifier l’assertion que J.-F. Le Nail nous propose dans la Préface du Dictionnaire : « […] se rappeler combien, même face aux noms les plus transparents, la toponymie reste une science conjecturale et révisable en permanence ».

30 Vaxelaire, J.-L., 2005, Les noms propres - Une analyse lexicologique et historique, Paris, Honoré Champion. Toutefois, nous ferons observer que les sciences humaines ne sont pas les sciences pures ou appliquées : assimiler les premières aux secondes est un peu spécieux ; bien sûr, le nom de lieu ne relève pas du galimatias, il est doué de sens mais il est, en même temps et in fine, issu de la perception et de la nomination humaines, donc d’une genèse complexe dans laquelle la langue, la psychologie et le réel s’interpénètrent et cette interpénétration, de même que la force déterminante de chaque élément ne sont pas quantifiables de façon exacte : il existe entre les diverses composantes un « jeu » qui échappe à toute évaluation analytique.

31 Canton de Navarrenx, Pyrénées-Atlantiques.

32 Canton d’Oloron-ouest, Pyrénées-Atlantiques.

33 Canton de Garlin, Pyrénées-Atlantiques.

34 Canton de Galan, Hautes-Pyrénées.

35 Canton d’Aucun, Hautes-Pyrénées.

36 Canton de Luz-Saint-Sauveur, Hautes-Pyrénées.

37 Hiedegger, Ibid., « Au sens propre du terme, c’est le langage qui parle », p. 223. « Le langage nous fait signe et c’est lui qui, le premier et le dernier, conduit ainsi vers nous l’être d’une chose », p. 228.

38 Parménide, fragment 3 du Poème.

39 Ibid. p. 190-191.

40 Réseau d’autant plus efficace que le nom de lieu est peu soumis à la variation flexionnelle.

41 Il est vraisemblable que, mutatis mutandis, ce même processus s’applique à bien d’autres contrées.

42 Massourre, J.-L., La Maison en Barège du Moyen Âge à nos jours, Langues et civilisations romanes, Orthez, 2009. Le concept de Maison comme englobant les biens meubles, les terres, les droits d’usage et de parcours, la famille, est attesté depuis le Moyen Âge. Cette Maison était, en principe, indivisible. Elle était transmise à l’aîné(e) de génération en génération dans les Pyrénées centrales, occidentales et dans le Pays basque. Seule la vallée de l’Adour, qui avait adopté très tôt le droit romain, semble être la seule qui ait échappé à ce droit coutumier ; cf. sur ce sujet : Poumarède, J., Géographie coutumière et mutations sociales : les successions dans le Sud-Ouest de la France au Moyen Âge, Paris, P.U.F., 1972 et Zink, A., L’héritier de la maison. Géographie coutumière du Sud-Ouest de la France, Paris, éditions de l'E.H.E.S.S., 1992.

43 « Limites » avec la signification que Heidegger attribuait à ce nom et avec celle que Wittgenstein affirmait de façon radicale lorsqu’il écrivait que les bornes du monde sont les bornes du langage – « Tout est dans le langage » (Grammaire philosophique, 1969, Folio essais, p. 190, 2001).

44 Aujourd’hui, l’art contemporain, par exemple, se veut, au contraire, le chantre de l’éphémère, du happening.

45 Le « monde paysan » ne représente plus que 2,8 % de la population française.

46 Illustrons ce fait par le micro toponyme Le Doumet ; il désignait un pré, en fait une longue pente, peu inclinée, allant de l’aval du village de Villenave à la Nationale qui venait la border entre Luz et Esterre. Nous y faisions du ski après les années 50. Aujourd’hui, le pré est occupé par un vaste lotissement : on aperçoit comment le même toponyme peut changer de définition en fonction, pour ne prendre ici que le seul critère que nous avons mis en relief, du groupe d’âge ; la perception qu’en ont les nouvelles générations n’est évidemment plus la même que la nôtre.

47 C’est pourquoi la décomposition analytique du nom de lieu n’atteint jamais le « cœur » du sens.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jean-Louis Massoure, « Transparence(s) et obscurité(s) de la toponymie pyrénéenne »Modèles linguistiques [En ligne], 66 | 2012, mis en ligne le 01 mars 2013, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ml/304 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ml.304

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Auteur

Jean-Louis Massoure

Professeur agrégé et docteur d’État

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Droits d’auteur

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