Les langues d’oc d’Aquitaine : compétences, dénominations
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I. Une enquête entre science et idéologie
I.1. Une lecture critique
- 1 « Résultats de l’étude sociolinguistique ‘Présence, pratiques et représentations de la langue occit (...)
1Le rapport diffusé par le Conseil régional sur « la langue occitane en Aquitaine »1 (il sera désigné dans la suite par l’abréviation Rapport) est « monstrueux », dans tous les sens du terme, y compris le sens mélioratif (sens en vogue actuellement) en raison de la richesse de ses données, qui reposent sur des interviews téléphoniques auprès de 6002 habitants de l’Aquitaine (le Pays Basque étant bien sûr exclu), choisis par la méthode des quotas.
2« Monstrueux » a aussi valeur d’avertissement : ce monument est difficile d’accès. Chacune de ses 219 pages présente jusqu’à 500 pourcentages regroupés en des ensembles de tableaux ; ceux-ci donnent le texte de la question posée (ou, à défaut, un titre), l’identification des répondants interrogés (tout l’échantillon, ou seulement telle ou telle de ses composantes) mais les tableaux ne sont précédés d’aucune présentation, suivis d’aucun commentaire. C’est un objet d’étude et non de lecture.
- 2 « Résultats de l’étude sociolinguistique ‘Présence… », déc. 2008. « Enquête sociolinguistique. Prés (...)
3Afin de mettre les résultats de cette enquête à la portée du public, le Conseil régional a diffusé ensuite deux autres documents2 (titres abrégés en Résumé et Enquête), beaucoup plus courts, de présentation agréable et de lecture facile. Je les recommande au lecteur, ils sont accessibles sur Internet. Cependant la lecture du présent article ne leur sera peut-être pas inutile : elle les mettra en garde contre l’a priori idéologique qui sous-tend ces deux documents, comme du reste Rapport, dont je relèverai aussi quelques aspects problématiques non évoqués dans Résumé et Enquête. Ce travail critique m’a malheureusement empêché d’exploiter comme je l’aurais voulu certaines pistes intéressantes ouvertes par cette enquête sur les relations entre variables sociologiques et sociolinguistiques (en particulier les dénominations des langues d’oc), même si sur ces points le travail du chercheur se heurte à l’absence de croisements de certaines données.
4Désireux d’obtenir des précisions sur certaines procédures de l’enquête, j’ai sollicité l’aide du Chargé de mission « Langues et cultures régionales » du Conseil régional, qui n’est « malheureusement pas parvenu à dégager du temps pour répondre » à mes questions et m’a renvoyé à la Directrice Responsable Etudes de Teleperformance France. Celle-ci, après m’avoir aimablement exposé les grandes lignes méthodologiques de l’enquête (que j’ai retrouvées ensuite dans Résumé), s’est ensuite dérobée devant ma demande d’autres éclaircissements, en alléguant la difficulté à se « réapproprier toute la méthodologie maintenant lointaine dans [sa] mémoire » (mail du 10/06/10)…
- 3 Je n’avais pourtant pas eu de tels problèmes d’interprétation avec les sondages que j’ai utilisés p (...)
5Tant pis pour moi, et peut-être tant pis pour eux, car, m’étant lancé seul à l’assaut de cette citadelle, j’ai été amené, pour expliquer les problèmes rencontrés dans l’interprétation des données qu’elle fournit, à incriminer soit l’idéologie occitaniste qui l’inspire, soit ce qui m’a paru être des négligences ou même des incohérences statistiques… mais le lecteur sera libre de dénoncer ma propre idéologie (anti-occitaniste) et les insuffisances de ma compétence en matière d’analyse de sondages3.
I.2. Négligences statistiques ou/et insuffisances du lecteur critique ?
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Les tableaux croisent toujours deux variables, et seulement deux variables, ce qui empêche l’étude des interrelations entre les variables « indépendantes » (variables construites a priori) ; or ces interrelations sont souvent cruciales pour l’interprétation des données quantitatives. Par exemple on ne peut savoir quel était le choix premier de la dénomination (béarnais, patois, occitan etc.) des répondants de la zone béarnaise qui acceptent finalement (à Q42) que l’enquêteur pose ses questions en utilisant la dénomination « occitan ».
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- 4 Je suppose que c’est ce problème de redressement statistique qui m’empêche de comprendre le traitem (...)
L’explication donnée dans Résumé (pp. 9-10) sur le redressement statistique, même complétée par ma consultation de la Directrice Responsable Etudes de Teleperformance France, n’a pas dissipé mes incertitudes sur l’utilisation des pourcentages donnés dans les tableaux des questions filtrées. Je suppose que, si j’avais mieux compris ce point, je me serais expliqué les différences, peu importantes certes, mais toujours troublantes pour le lecteur, entre les effectifs attendus pour ces questions selon les données de la question filtrante et ceux (toujours inférieurs) des tableaux filtrés. J’ai donc raisonné à partir de ces derniers, sans me préoccuper de la cause de ces différences4 . Ou alors ces effectifs en excès seraient-ils dus au problème que je vais aborder maintenant ?
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- 5 Je n’utilise ici le terme oc que comme un artefact (une « fiction méthodologique » (R. A. Lodge, da (...)
Certaines questions posées aux répondants admettent des réponses multiples. Cela pose problème quand il s’agit de totaliser les noms des dénominations oc5 fournis par les répondants. Certains ont pu donner plusieurs noms ; c’est ce que font du reste les occitanistes qui en Béarn alternent, suivant leur public, « occitan » et « béarnais » ou, comme les Béarnais militants dont la majorité préfère « béarnais » mais admet aussi « gascon ». Cette possibilité de réponses oc multiples a été envisagée par les rédacteurs de Rapport (p. 59) mais ils ne disent nulle part comment ils les ont traitées ; or ce traitement a des conséquences sur les résultats chiffrés (cf. infra, sous II.3). D’autre part, l’examen de ces réponses aurait pu révéler des aspects intéressants de l’attitude des locuteurs par rapport à leur langue.
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- 6 Je n’ai trouvé aucune mention ni, à plus forte raison, aucune explication de cette rubrique dans Ré (...)
- 7 Je fournirais volontiers aux lecteurs qui me le demanderaient l’étude détailléedont ils ne liront i (...)
La rubrique « Connaissance de la langue », qui figure dans différents tableaux, paraît a priori redondante par rapport aux réponses données aux questions portant sur la compétence. A posteriori, elle entre en contradiction avec elles6. J’aborderai rapidement (sous II.4), malheureusement sans pouvoir le résoudre, le problème posé par ces données7 ; de toutes façons je ne vois pas quel rôle elles sont censées jouer dans l’enquête.
I.3. Idéologie affichée
- 8 Cf. Résultats de l’étude sociolinguistique « Présence, pratiques et perceptions de la langue occita (...)
6Le site Internet du Conseil régional (/« Culture et patrimoine ») affiche son occitanisme, présenté non comme une idéologie mais implicitement, sans aucune justification, comme un acquis scientifique. Cette conquête semble s’inscrire du reste dans un projet panoccitan puisqu’une enquête inspirée de celle faite en Aquitaine a déjà été réalisée dans la région Midi Pyrénées8.
7Pour les occitanistes, tout ce qui n’est pas occitaniste n’existe pas. Sur le site du Conseil régional, on ne trouve aucune mention :
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ni des critiques ou des réserves suscitées par la notion d’occitan et son utilisation pour la recherche, tout particulièrement quand elle s’applique à la Gascogne, même si ces mises en garde proviennent de personnalités scientifiques incontestées (outre celles qui participent au présent numéro, citons P. Bourdieu, J.-P. Chambon) ;
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ni des réactions hostiles de la plupart des locuteurs aux mesures prises pour l’occitan dans les domaines de l’enseignement et de la communication.
8L’idéologie occitaniste s’affiche dans le protocole d’enquête bien exposé dans Résumé, pp. 4-8 :
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d’abord par le choix des experts responsables de la conception de l’enquête : tous ceux qui sont spécialisés dans le domaine sont des occitanistes bien connus.
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une bonne partie d’entre eux sont de respectables universitaires. Ils ont sans doute, tout à fait légitimement, suggéré le choix de certains de leurs étudiants ou ex-étudiants pour le recrutement des quatre enquêteurs « occitanophones » chargés de donner des versions limousines et languedociennes à la version gasconne des questions (il est quand même curieux que des « occitanophones » recrutent des « occitanophones » pour traduire un texte occitan en… occitan). Il est vrai que l’intercompréhension même à l’intérieur du gascon ne va pas de soi : alors que 16,3 % des répondants classés comme « occitanophones » (soit 8,4 % de l’échantillon) acceptent de répondre aux questions dans leur langue oc (Q15), on apprend à la fin de Rapport (p. 208) que les enquêteurs bilingues n’ont finalement administré le questionnaire en « occitan » qu’à environ la moitié d’entre eux (4,7 %), et bien souvent seulement partiellement (les difficultés de communication entre les locuteurs natifs et les « occitanophones » sont connues).
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Il ne serait pas déplacé de présumer qu’une bonne partie des autres enquêteurs proviennent du même milieu, lequel est tout à fait apte à fournir des individus de « qualité en matière d’attitude et de communication relationnelle au téléphone » (critères affichés).
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Les interviewés ont été recrutés sur la base de quotas mais rien n’est dit sur la façon dont, dans ce cadre préétabli, chacun d’eux est choisi. Les praticiens des sondages savent que souvent ce type de choix est laissé à l’enquêteur et que celui-ci a tendance à recruter dans son milieu, avec le risque de transmettre les traits idéologiques dont il est porteur.
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Les conséquences de ces éventuels tris spontanés sont aggravées par le mode d’enquête : les déclarations enregistrées au téléphone ne peuvent être contrôlées par l’étude du contexte que permettent les enquêtes de terrain.
I.4. Idéologie rampante. Dénominations : choix des répondants ou choix des enquêteurs ?
1. Un long chemin vers « occitan »
a) Le choix de la dénomination « langue occitane » s’affiche dans le titre de l’enquête
- 10 Ces majuscules disparaissent dans Q13 mais l’effet qu’elles ont provoqué sous Q11 doit s’étendre à (...)
9Certes, et c’est heureux, il n’est pas imposé aux interviewés, comme cela a pu être le cas dans certaines enquêtes antérieures. Dans les deux premières questions (Questions 10 et 11 ; abrégées en Q10, Q11), qui visent à connaître la compétence linguistique de l’interviewé, aucune dénomination n’est proposée par l’enquêteur. Cependant, celui-ci a sous les yeux une liste sur laquelle il n’y a rien à redire sauf que seul « occitan » y est écrit en majuscules, « patois », « béarnais », « gascon » et les autres dénominations devant se contenter des minuscules. Bien sûr, à l’autre bout du téléphone, l’interviewé ne voit pas la liste, mais, s’il répond bien, peut-être percevra-t-il les éventuelles marques de satisfaction suggérées à l’enquêteur par la graphie. Si le répondant n’a pas mentionné de dénomination oc lors de ces deux premières questions, l’enquêteur lui en posera une troisième (Q13) en lui lisant la liste, peut-être avec l’intonation d’insistance suggérée par les majuscules d’OCCITAN10.
10Lors de cette première phase du questionnaire, il convenait de ménager les répondants de toute obédience. C’est pourquoi sans doute, dans la liste des « parlers » présentée à Q13, occitan côtoie patois, gascon, béarnais etc. (on ne sait pas dans quel ordre ils sont soumis aux répondants car celui qui est adopté dans le tableau est fondé sur le pourcentages des résultats). Dans le texte de Q12, ces mêmes « parlers » oc (avec, en plus, le basque, ce qui explique peut-être leur promotion), sont devenus des « langues régionales ». C’est une concession de plus faite aux non occitanistes, présumés nombreux parmi les répondants car, selon la stricte doctrine occitaniste, seul l’occitan est une langue, dont le gascon est un dialecte, « béarnais » n’étant qu’une dénomination territoriale de cette langue et de ce dialecte ; quant à « patois », il est proscrit pour sa connotation péjorative. Du reste, dans les consignes données aux enquêteurs avant Q11 et Q13, il est bien question de « la langue occitane ». Il y a donc deux langages : l’un pour l’initié (« la langue occitane »), l’autre pour le commun des mortels où « occitan » est utilisé comme une dénomination ou comme un parler parmi d’autres, en attendant Q42 où on lui proposera de remplacer les dénominations traditionnelles par « Occitan » (avec majuscule).
11Cependant, entre ces deux terminologies, on a vu qu’il peut se produire des flottements, toujours dans le même sens et pour des raisons de stratégie communicationnelle. C’est ainsi qu’en Béarn les occitanistes parlent parfois de « béarnais », voire de « langue béarnaise », concession visant à masquer le hiatus entre le vécu des locuteurs et la vision pyramidale occitaniste de l’emboîtement des parlers. Cette concession terminologique n’en est pas moins une reconnaissance implicite du principe, bien souligné par Ph. Blanchet, de l’autoglossonymie, le droit du locuteur à nommer sa langue, droit que les occitanistes, ou bien enfreignent ouvertement ou bien, comme dans cette enquête, contournent habilement.
b) Après les questions Q10 à Q13, un bilan, « Identification de la “langue de référence” » (p.60), va déterminer la « langue de référence » de chaque interviewé, « occitanophone » ou non11
- 11 Cf. infra, sous II.5c, tableau 4. Cf. n.32 pour le remplacement de Q12 par Q13.
12« Occitan » y est crédité de 45,1 %, au lieu des 12,7 % obtenus dans les réponses à Q10, Q11 et Q12, soit une progression bien plus importante que celle des autres dénominations : « patois » passe de 21,8 % à 34 %, « béarnais » de 6,2 % à 8,3 %, « gascon » de 3,6 % à 4,8 %, l’ensemble des autres dénominations de 5,8 % à 7,8 %. J’examinerai plus loin (sous II.4) le détail de cette progression, qui ne s’appuie sur aucune donnée nouvelle dont le lecteur aurait été informé.
c) Dès lors, l’enquêteur sait quelle est la dénomination utilisée par chaque répondant pour son parler oc et, jusqu’à Q40, c’est elle qu’il emploiera dans ses questions
13Celles-ci portent sur les compétences et les pratiques (passées, présentes et souhaitées) des déclarants oc. Mais, après Q39, surgit « l’idée d’unir tout le monde avec la dénomination “générique” occitan » (Résumé, p. 30). Les répondants qui, jusque-là, ont choisi d’autres dénominations, sont alors progressivement amenés à renoncer à celles-ci en faveur d’« occitan », promu au rang de « dénomination générique ». Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est « l’idée » des concepteurs de l’enquête : on ne peut mieux exprimer leur visée idéologique et leur prosélytisme.
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- 12 Je contesterai ce pourcentage sous II.5 et 6.
- 13 Dans le tableau « Identification de la langue de référence » par les « occitanophones » (p.59), « (...)
1ère étape : Q41[A]. « Pour vous, “la langue de référence” est-elle une des formes d’une langue plus largement parlée dans le sud de la France ? ». La question est posée aux « occitanophones » (51,3 % de l’échantillon, selon le tableau correspondant, p. 59)12 « dont la langue de référence est différente de l’Occitan [avec majuscule] », soit 40,8 % de l’échantillon13 . Un quart répond « Non », quelques-uns (11,8 %) « Ne Sait Pas ». Près des deux tiers (64,8 %, soit 26,4 % de l’échantillon) « Oui ».
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2ème étape. C’était mettre le doigt dans l’engrenage car ils sont ainsi amenés à répondre également « Oui » à la question suivante (qui est aussi posée aux autres répondants à Q41[A]) :
14Q41B : « On utilise souvent le terme Occitan pour regrouper les parlers du sud de la France. Parmi les trois phrases suivantes, laquelle correspond le mieux à ce que vous pensez ? Dites–vous que la ‘langue de référence’ que vous parlez ou comprenez :
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correspond effectivement à ce qu’on appelle l’occitan
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…est une langue qui a ses particularités mais elle peut être rattachée à l’occitan
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…est une langue bien distincte de ce qu’on appelle l’occitan et ne devrait donc pas y être rattachée ? »
- 14 Curieusement, l’opposition la plus forte provient de la Gironde et particulièrement de Bordeaux.
15L’autorité de la parole dominante (« On utilise souvent… »), la pression exercée par cette succession de questions et plus généralement le désir de ne pas déplaire à un enquêteur si aimable (nous y reviendrons), ne convertissent que 17,6 % de ces répondants au rattachement sans condition de leur parler à l’occitan (réponse 1). Un pourcentage à peu près égal (18 %) continue à le rejeter (réponse 3), ce que j’interprète, étant donnée la pression exercée, comme la manifestation d’une vigoureuse opposition14 ; il est intéressant de constater que les jeunes (de 15 à 29 ans) sont à peine moins nombreux (15,9 %) que les autres (de 16,5 % à 19,1 % suivant les catégories d’âge) à adopter cette position, alors qu’un certain nombre d’entre eux ont suivi un enseignement de la langue ouvertement occitaniste (il est vrai qu’ils seront les plus nombreux à accepter la proposition qui suivra, Q42). Quant aux NSP, ils n’ont pas atteint le stade de la résistance, mais leur ignorance ou leur indifférence manifeste l’absence de conscience occitane. Je pense que c’est la réserve prévue dans la réponse 2 qui permet à une petite majorité (52 %) d’accepter le rattachement car, dans ce contexte, cette réserve équivaut à une condition : le maintien des « particularités » du parler de chacun, de sa spécificité et donc de l’identité de ses locuteurs.
16Au total donc, 70 % des répondants interrogés à ces deux questions, représentant 28,6 % de l’échantillon, acceptent la dénomination « occitan », mais sans enthousiasme pour la plus grande partie d’entre eux, comme la suite le confirmera.
17Au lieu d’interroger le segment de la population non encore consulté sur l’acceptation du terme « occitan » (les non « occitanophones » qui n’ont pas cité de mention oc à Q12 –29,7 % de l’échantillon-), la question suivante (Q42) s’adresse à tous ceux, « occitanophones » et non « occitanophones », dont la “langue de référence” n’est pas l’occitan, soit 61,1 % de l’échantillon. C’est la question décisive vers laquelle tendaient les deux précédentes. Si elle est posée dès maintenant, avant que l’enquête statistique entamée par Q41[A] et B ne soit complétée, c’est, dans l’optique du décryptage idéologique auquel je me livre, pour faire valoir un argument de poids :
Il apparaît plus commode de poursuivre le questionnaire en utilisant le terme Occitan pour désigner les parlers du Sud de la France. Acceptez-vous que pour la suite on appelle Occitan “ la langue de référence” que vous parlez ou connaissez ?
- 15 Le passage de l’idée à l’action se traduit par quelques raidissements : c’est le cas en Lot-et-Garo (...)
18La question déplace le débat d’idées sur le plan de l’action immédiate, que traduit bien le mot « commode », commodité des enquêteurs comme des enquêtés : tels des policiers et des suspects dans un interrogatoire, ils ont un intérêt commun à terminer au plus vite un entretien qui se prolonge. 59,2 %, soit 36,2 % de l’échantillon, répondent « Oui »15.
19On suppose que c’est le cas des 28 % qui avaient répondu en ce sens à Q41[A] et Q41B. Donc, en vue du total à faire des répondants acceptant l’emploi d’« occitan », on ne peut les additionner aux 36,2 % précédents.
20Le tableau qui suit (non numéroté, p. 135) n’interroge toujours pas les non « occitanophones » qui n’ont pas cité de mention oc à Q12, il ne porte du reste pas sur des réponses à une question (malgré le « A TOUS » qui le précède) mais se présente comme un nouveau bilan sur « ‘la langue acceptée’, qui corrige et « améliore » le précédent (présenté sous *Q14c) dans le sens souhaité par les enquêteurs grâce aux questions 41 et 42.
21Ce bilan porte sur la totalité de l’échantillon (même si les pourcentages attribués au segment de la population non interrogée ne sont pas donnés). Occitan s’y voit attribuer 77,6 % de « réponses ». Ce pourcentage élevé, non justifié par un relevé exhaustif et un calcul explicite, peut d’abord surprendre si on le compare aux 45,1 % du bilan de « Identification… » (p.61) mais, à partir du moment où on accepte ce dernier (lui-même contestable, on le verra ci-dessous, sous 2), il n’est pas invraisemblable étant donné qu’aux 28,6 % ayant accepté (à Q42) occitan pour la suite de l’enquête, il faut ajouter :
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le s répondants qui, dès le début de l’enquête, ont nommé occitan le parler qu’ils comprenaient (Q10 et Q11 : 7,7 %) ou dont ils connaissaient l’existence (Q12 : 18,6 %), soit, selon mes calculs, 26,3 % de l’échantillon (cf. infra tableau 1) ;
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un pourcentage indéterminé (puisqu’ils n’ont pas été interrogés) des non « occitanophones » qui n’avaient cité aucune mention oc sous Q12 (29,7 % de l’échantillon). Si l’on admet le total de 77,6 % pour les répondants acceptant occitan, cela suppose que presque tous ces non « occitanophones » se soient ralliés à occitan (77,6-[28,6+26,3] = 22,7) ; il n’est pas étonnant qu’ils n’aient pas résisté aux sollicitations occitanistes car leur ignorance de toute dénomination oc montre leur indifférence à la question.
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Le pourcentage donné par Résumé (p.32), 78 %, est donc sans doute exact, même si sa justification n’est pas explicitement donnée dans Rapport, mais le terme politique utilisé dans son annonce est inapproprié : « au final, le terme ‘occitan’ fédère 78 % des répondants ». Une fédération suppose une certaine communauté d’intérêts, d’objectifs, une vision commune, qui paraissent bien étrangers au groupe hétérogène des répondants acceptant « occitan ». Leur regroupement manifeste plus l’idéologie des fondateurs que la volonté des fédérés.
22J’ai évoqué plus haut le manque d’enthousiasme apparent de la majorité des ralliés à la bannière « occitan ». De façon assez surprenante, on peut étendre cette remarque à l’ensemble de ceux qui ont accepté ou même spontanément cité cette dénomination. C’est ce que montrent leurs réponses aux questions portant sur les représentations de la langue comme lien identitaire et communautaire et sur les opinions par rapport aux mesures qui viseraient à sa sauvegarde ; en tout 21 questions (entre Q43 et Q56) s’adressant à l’ensemble de l’échantillon. D’une manière générale, les sociolinguistes sont extrêmement prudents dans l’interprétation des réponses à de telles questions, quand ils ne les rejettent pas totalement : beaucoup d’interviewés n’ont pas de positions établies sur ces sujets, n’y ont jamais vraiment réfléchi, ils n’ont donc pas de raison de donner une réponse qui pourrait déplaire à l’enquêteur. De fait, dans l’enquête du Conseil régional, ces questions reçoivent au minimum 60 % de réponses allant dans le sens manifestement souhaité par l’enquêteur, sauf si elles s’approchent de trop près de la sphère personnelle des répondants (un peu moins de la moitié se dit attaché à la langue : Q55) ou, surtout, si elles laissent craindre une demande d’engagement personnel :
2380 % des répondants d’entre eux se disent favorables à un enseignement de la langue aux adultes mais 31 % seulement se déclarent prêts à le suivre (Q46.4). Le recul devant une quelconque implication se manifeste à l’occasion de la question finale, posée pourtant avec circonspection, au conditionnel : 9 % d’entre eux seulement accepteraient « de communiquer leurs coordonnées pour être éventuellement recontactés » (p. 207).
- 16 Ce pourcentage est légèrement inférieur à celui donné plus haut, comme il arrive souvent dans les q (...)
- 17 Je considère ici le total des réponses « tout à fait d’accord » et « plutôt d’accord », sans distin (...)
24Malgré le doute qu’elles inspirent sur leur validité, les réponses à ces questions ne manquent pas d’intérêt si l’on rapproche les pourcentages obtenus de la « langue de référence » des répondants (bien distingués dans les tableaux ) : occitan (73,3 %)16, patois (15,7 %), béarnais (6,7 %), autres dénominations (4,2 %). En effet, les interviewés qui ont choisi « occitan » ne se distinguent pas de l’ensemble de l’échantillon : dans quatre des six réponses où ils s’en écartent de plus de 1 %, ce sont même eux qui répondent dans le sens d’un moindre accord avec les positions régionalistes, en particulier sur l’attachement à la langue17 ! On aurait attendu plus d’enthousiasme de la part de ceux qui ont accepté, soit spontanément soit sous la pression des enquêteurs, la dénomination nouvelle, introduite par des novateurs qui voulaient ranimer la flamme régionaliste qu’ils jugeaient vacillante. Peut-être n’avaient-ils pas tort sur ce point, mais la flamme ainsi ravivée s’est apparemment affaiblie (non sans susciter des contre-feux).
25Une autre observation (qui sera développée sous II.3) viendra confirmer le fossé qui sépare des positions occitanistes les répondants oc qui choisissent « occitan » : ceux qui font ce choix ne sont pas nombreux à déclarer spontanément leur compétence dans la langue qu’ils nomment ainsi, ils sont même plutôt moins enclins que les autres à l’autodénomination spontanée.
2. La présentation et l’appréciation des résultats de Rapport données dans Résumé et Enquête sont parfois tendancieuses
26Les exemples suivants sont tirés de Résumé (p.16-23).
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(Sous-titre) « Des taux [« d’occitanophones »] grimpant à 75 % » (p.16). Il faut consulter le graphique pour voir que ce taux concerne la Dordogne seulement.
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« Niveau global de compréhension, expression » (p. 20). Un lecteur attentif devrait certes se rappeler que ce niveau, et donc les 25 % présentés comme ayant une « bonne maîtrise globale » de « l’occitan », sont le fait non de l’ensemble de l’échantillon mais seulement des « occitanophones », soit 51 % de l’échantillon : cela a été dûment précisé p. 18. Cependant, même ce lecteur attentif peut faire la confusion quand il lit que cette maîtrise est le fait de « 15 % des interviewés », c’est-à-dire, peut-il comprendre, de « tout l’échantillon » puisqu’il ne trouvera nulle part la mention d’une question dégageant ces 51 % d’« occitanophones ».
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- 18 Je ne comprends pas pourquoi les pourcentages donnés à l’appui de cette affirmation (occitan 3 %, b (...)
« L’occitan : une langue régionale qui a sa place au milieu des langues internationales » (p.23). Ce titre triomphant, coiffant un tableau représentant les choix de ‘la langue de référence’ par les répondants, ne peut être compris par le lecteur que comme un résumé de ces choix. En réalité, c’est l’expression d’un vœu des auteurs de l’enquête : pour obtenir des réponses en accord avec celui-ci, ils ont été obligés de reformuler la question Q10 (Quelles langues parlez-vous ou comprenez-vous…), qui avait obtenu un pourcentage de dénominations oc inférieur à 0,5 %18, en en excluant le français et les langues étrangères (Q11), donc en prenant acte implicitement de la coupure faite par les répondants entre les « langues internationales » et les langues régionales.
3. Le contenu de la « Proposition de typologie des Aquitains dans leur rapport à la langue occitane » (Enquête, pp. 21-29) justifie la modestie de son titre.
27Y sont distingués « les partisans, les attachés par culture, les ouverts sans intérêt personnel, les désintéressés ». Donc aucun opposant… Ou alors classera-t-on parmi les « désintéressés » ceux qui, après le processus manipulateur décrit plus haut, continuent à refuser le rattachement de leur parler à l’occitan ? Il est vrai qu’Enquête reconnaît honnêtement qu’ils « ne sont pas franchement d’accord sur le fait que l’occitan fait partie du patrimoine culturel de la France » (p.28)...
* * *
28Est-ce un effet de failles statistiques, de négligences dans la présentation, de l’a priori idéologique ou… de mes propres insuffisances ? Je n’ai pu obtenir que des résultats incertains sur un point important, susceptible de devenir un élément de communication dans la lutte pour la reconnaissance des langues régionales : les pourcentages des Aquitains ayant une certaine compétence dans leurs langues d’oc (compétence active ou passive, excellente ou minimale). C’est ce point qui sera maintenant développé.
II. « Occitanophones » en Aquitaine
29Après tout, est-ce si important ? Quelques points de pourcentage ne changeront pas le destin des langues d’oc en Aquitaine. Néanmoins, si la quantification a sa place parmi les techniques sociolinguistiques, elle doit être rigoureusement menée et clairement exposée.
II.1. La région
30Je choisis pour cette étude le cadre de l’Aquitaine (amputée bien sûr du Pays Basque) par commodité, parce que c’est celui sur lequel les documents du Conseil régional fournissent les données les plus accessibles. Pourtant, du point de vue linguistique comme sociolinguistique, cette Aquitaine historiquement romane n’est pas un territoire homogène.
31D’une part, la variété des langues d’oc y est grande. Si l’on considère les divisions dialectales traditionnelles, le gascon y est bien sûr très majoritaire, mais une petite partie de la région se rattache aux domaines limousin et languedocien (voire périgourdin).
32Du point de vue sociolinguistique, certains départements, certaines sous-régions ont des personnalités bien marquées, par exemple les Pyrénées-Atlantiques (même indépendamment du Pays Basque), même si la « zone mixte » de l’enquête (essentiellement le BAB) constitue une transition entre le Béarn et le reste du domaine gascon. On le voit bien, entre autres, par les dénominations de la langue qui y sont données (par les locuteurs, mais aussi par les non locuteurs) : très majoritairement béarnais en Béarn, assez équitablement réparties dans la « zone mixte » (le BAB) entre patois, occitan, gascon et béarnais (qui devancent nettement landais). Des sous-régions ont aussi des traits culturels marqués avec des dénominations propres (médocain, bazadais, aspois, ossalois etc.) mais ces marqueurs sociolinguistiques sont plus difficiles à décrire à partir des données de Rapport.
33Notons enfin que les divisions administratives du département et ses subdivisions ne sont sans doute pas sociologiquement les plus pertinentes des divisions territoriales. On a souligné récemment, à propos des élections, qu’elles sont devenues moins clivantes que, par exemple, l’opposition entre centres urbains, périphéries proches ou lointaines et zones rurales. La variable « taille de la commune de résidence » peut donner une appréciation de ces clivages.
II.2. Définition des « occitanophones »
34La première partie de l’enquête (pp. 3-39), intitulée « Profil sociodémographique », est constituée d’un ensemble de tableaux mettant en relation des variables sociodémographiques, qui seront utilisées ensuite comme variables « indépendantes » mises en relation avec les variables sociolinguistiques « dépendantes ».
35Ensuite se placent des tableaux portant sur les compétences linguistiques. L’accent est mis sur la compétence passive : c’est par elle que commence l’enquête (Q10 à Q17) et c’est sur elle que se grefferont les questions sur les compétences actives (orale et écrite ; Q18 à Q20), les pratiques (Q21 à Q39) et une partie de celles portant sur les représentations et les attitudes (Q40 à Q56).
- 19 Les tableaux des pages 59-61 et 63 ne sont pas numérotés mais ils tiennent la place de Q14 et Q16 p (...)
- 20 Cependant la formulation des questions Q43.10 à 13, qui s’adressent aux répondants « qui ont quelqu (...)
- 21 En fait ces pourcentages des locuteurs sont sous-évalués parce qu’ils sont calculés par rapport à u (...)
36Apparemment les deux groupes de tableaux de données sur ce sujet, Q10+Q11+Q13 d’une part et *Q14a et *Q1619 d’autre part, ont des objectifs différents : le premier groupe vise à détecter les répondants qui ont une compétence active ou passive au moins minimale de la langue (Quelles langues parlez-vous ou comprenez-vous, même si vous avez seulement des notions ?), tandis que *Q14a, *Q14c et *Q16 recensent les « occitanophones ». Mais en fait ce sont les mêmes, car les « occitanophones » sont définis à l’encontre du sens du suffixe : « La définition d’occitanophone utilisée dans cette enquête est large : sont considérées comme telles toutes personnes qui comprennent ou parlent cette langue, même si elles n’en ont que quelques notions » (Résumé, p. 18). Dans l’un et l’autre cas la condition optionnelle « ou parlent » est superflue ; on ne peut pas parler une langue, même « avec difficulté », sans comprendre « le sens global » d’une conversation ou au moins « quelques mots ou expressions » : ce sont les deux options minimales proposées par Q17, qui s’adresse aux « occitanophones » définis de façon large et a pour but de distinguer les différents degrés de la compétence passive. Donc, que ce soit pour Q10+Q11+Q13 ou pour *Q14 à *Q16, c’est la compétence passive qui délimite les « occitanophones »20. Les guillemets d’« occitanophones » sont d’autant plus nécessaires ici que les réponses à Q18 (question qui s’adresse à eux) montrent que la moitié d’entre eux (49,8 %) ne parlent pas la langue, ne serait-ce que sommairement ; 11,5 % la parlent « suffisamment pour tenir une conversation simple » ; 7,9 % seulement la parlent « sans difficulté [et peuvent] exprimer ce [qu’ils veulent] »21.
37C’est cette compétence passive qui est placée au premier plan dans cette enquête. Pourquoi ? Pour une raison qui me semble politique et, sur ce plan, tout à fait justifiée : les chiffres obtenus seront évidemment plus élevés que ceux qui porteraient sur la compétence active et, vis-à-vis de ceux qui sont étrangers à la culture traditionnelle de la région, ils reflèteront mieux son fondement linguistique, prolongement d’une longue histoire et peut-être promesse d’un avenir possible.
II.3. Compétence (passive) minimale selon Q10, Q11 et Q13 : 40 % ou 46 % ; Q12
38Dans « Rapport », Q10, Q11 et 13 sont les premières questions se rapportant à la compétence active ou passive des répondants. Il s’agit ici d’une compétence minimale, qui correspond à celle des « occitanophones » tels qu’ils sont définis dans l’enquête.
-
Q10 : « Quelles langues parlez-vous ou comprenez-vous, même si vous avez seulement des notions ? ». Cette question est posée à tout l’échantillon (N =6002) ; elle ne propose pas de liste de langues et admet des réponses multiples (par exemple français et anglais, association probablement la plus fréquente) mais qui ne seront pas recensées comme telles.
39Si l’on additionne les réponses donnant ce que j’appellerai une « dénomination oc » (« variante de l’occitan » selon l’enquête) à savoir patois, occitan, béarnais, gascon, landais etc., le total oc est de 17 %. Ce pourcentage de réponses oc est aussi celui des répondants oc si l’on exclut l’hypothèse (sur laquelle je reviendrai) de réponses oc multiples.
-
- 22 Suite au résultat précédent, on attendrait que soient interrogés 83 % de l’échantillon mais, pour u (...)
Q11 : « FILTRE : Si aucune variante de la langue occitane n’est citée dans la question précédente…A part le Français ou les langues étrangères, que parlez-vous ou comprenez-vous, ne serait-ce qu’un petit peu ? » Cette question est accompagnée d’une liste, non communiquée aux répondants ; les réponses multiples sont ici encore admises22.
40Les réponses oc constituent 25,5 % des réponses à Q11, soit 20,1 % (25,5x78,9/100) de l’échantillon.
-
- 23 Comme pour Q11, le nombre de répondants interrogés (N = 3395, soit 56,6 % de l’échantillon) est inf (...)
Q13 : cette question est posée d’abord département par département. « FILTRE : Si aucune variante de la langue occitane citée en spontané [c’est-à-dire dans les réponses à Q10 ou Q11)] Et parmi les parlers suivants, quels sont ceux que vous parlez ou comprenez, même si vous avez seulement des notions ? ». Suit une liste, variable pour chaque Département, récapitulée en un tableau regroupant tout l’échantillon où figurent toutes les dénominations proposées : d’abord « aucune », puis patois, occitan, gascon, béarnais, médocain, etc.23
41Les réponses oc constituent 16 % du total des réponses à Q13, soit 9,1 % (16x56,6/100) de l’échantillon.
- 24 A moins qu’il ne résulte d’un redressement statistique (cf. supra, I.2.2).
42On relève une anomalie dans les pourcentages des réponses à cette dernière tentative pour détecter des « occitanophones » : leur total s’élève à 102,5 %. Si l’on exclut l’hypothèse de réponses associant contradictoirement « aucune » à une dénomination oc, l’excès de réponses ne peut venir que de réponses oc doubles voire multiples24. Il se pourrait donc, si l’on ne tient pas compte des éventuelles réponses multiples mais seulement des réponses doubles, que 2,5 % de répondants aient cité deux mentions oc et que leurs deux réponses aient été comptabilisées par les enquêteurs ; si ces répondants ont attendu la Q13 pour se déclarer, c’était peut-être justement qu’ils hésitaient, lors des questions précédentes, sur la dénomination à donner à leur parler. Cette hypothèse a été envisagée par les auteurs de Rapport (les « occitanophones » sont définis comme ceux qui « ont déclaré parler ou comprendre au moins une variante de la langue occitane en Q10/11/13 » ; p. 59) mais ils ne disent nulle part comment ils ont traité ces réponses oc doubles ou multiples, qui non seulement ont des conséquences sur le chiffrage des « occitanophones » mais pourraient révéler des aspects intéressants de l’attitude des locuteurs par rapport à leur langue.
43Si l’on accepte cette hypothèse et qu’on l’applique à Q13, les 9,1 % de réponses oc correspondent à 7,6 % de répondants.
44Puisque, vraisemblablement, un certain nombre de répondants ont donné des réponses oc doubles ou multiples à Q13, on ne voit pas pourquoi certains ne l’auraient pas fait à Q10 et Q11, même si les pourcentages ne peuvent le révéler, puisque ces questions autorisaient les réponses multiples. Si l’on suppose que les réponses oc doubles y sont proportionnellement aussi nombreuses que pour Q10, les pourcentages oc de ces questions seraient abaissés à, respectivement, 14,5 % et 18,2 % de l’échantillon, qui seraient alors non plus les pourcentages des réponses mais des répondants oc.
- 25 Sous le titre « Part des occitanophones dans l’échantillon » (p.63), un pourcentage intermédiaire e (...)
45La totalisation de Q10, Q11 et Q13 n’est pas faite dans Rapport même si, on le verra, des pourcentages globaux d’« occitanophones » apparaissent ailleurs, mais sans se référer explicitement aux pourcentages obtenus à ces questions. En pondérant ceux-ci selon le nombre de répondants interrogés à chaque question (100 % pour Q10, 78,9 % pour Q11, 56,6 % pour Q13, selon les effectifs de Rapport) et en additionnant les pourcentages ainsi obtenus aux trois questions, on obtient le total de 40,3 % de répondants oc si l’on accepte l’hypothèse des réponses oc doubles, de 46,2 % si on la refuse25.
46La distribution des réponses oc selon les trois questions successives classe les « déclarants-oc » selon une échelle décroissante de conscience voire de revendication linguistique. Les plus conscients se déclarent dès Q10 (autodénomination spontanée), les moins conscients attendent la dernière question pour le faire (Q13 : hétérodénomination), Q11 recueillant les réponses des « tièdes » (autodénomination sollicitée). Dans l’ensemble de l’Aquitaine, un tiers des répondants oc se déclare à Q10 (36 %), une petite moitié à Q11 (45 %), un cinquième à Q13 (19 %).
47On pourrait supposer que le choix de la dénomination « occitan » qui, pour ses promoteurs, donne une dignité nouvelle aux parlers oc, favorise l’autodénomination. Mais on vérifie ici ce qu’on a déjà observé (cf. I.4.1 fin) à propos des attitudes : il y a un fossé, ou au moins une bonne marge, entre les occitanistes et des répondants oc qui choisissent occitan. En effet, ceux-ci se répartissent entre les trois questions selon la tendance générale qu’on vient de décrire, avec même un petit déficit d’autodénomination spontanée (Q10, 34 %) et un excès notable d’hétérodénomination (Q13, 24 %). Seuls patois et béarnais illustrent la situation inverse (par exemple, pour « béarnais », 39 % à Q10, 15 % à Q13). Il ne faut cependant pas en conclure trop vite que les autres dénominations, dont occitan et gascon, ne sont choisies qu’en dernier recours ; en effet, les écarts qu’on vient de donner sont faibles et il faudrait étudier les interactions avec les autres variables, ce qui n’est pas possible, faute de tableaux croisés.
- 26 A la fin des années 60 en Béarn : cf. A. M. Kristol et J. Th. Wüest, op. cit., p. 139. Le terme a p (...)
48Entre Q11 et Q13 s’intercale Q12, qui s’adresse à la même population que Q13, c’est-à-dire à ceux qui n’ont pas déclaré connaître une dénomination oc sous Q10 ou Q11. A Q12, on ne cherche pas à obtenir de nouvelles réponses positives sur leur connaissance d’un parler oc, on demande seulement aux répondants s’ils savent « quelles langues régionales sont parlées dans la région ». Leurs réponses contrastent avec celles qui ont été obtenues sous Q10 et Q11 (et qui seront confirmées par Q13) : occitan est la dénomination la plus citée ; par rapport aux choix enregistrés sous Q10 et Q11 cette différence positive est compensée uniquement par une différence négative pour la réponse « patois », les autres dénominations, en particulier béarnais et gascon étant citées par les répondants à Q12 proportionnellement à leur pratique (et même plus). Le terme « occitan », d’introduction relativement récente26, s’est donc surtout développé chez les non « occitanophones ». Il est vrai que du point de vue du marketing, il est plus performant car il dispose d’un vaste marché potentiel mais c’est justement pour cette raison qu’il est rejeté par de nombreux locuteurs : en se substituant aux dénominations traditionnelles, il est perçu par eux comme une menace pour leur langue et pour leur histoire.
Tableau 1. Choix des dénominations chez les non « occitanophones » et chez les « occitanophones »
Q12, en % des réponses oc |
Q12, % des réponses oc ramenés à 100 |
Q12, en % d’échantillon |
Q10+11 En % d’éch.1 |
Ratio Q12/Q10+11 En % d’éch. |
|
patois |
27,1 |
31,7 |
17,9 |
20,1 |
0,76 |
occitan |
28,1 |
32,9 |
18,6 |
7,7 |
2,06 |
béarnais |
11,0 |
12,9 |
7,3 |
4,5 |
1,38 |
gascon |
7,3 |
8,5 |
4,8 |
2,3 |
1,78 |
Autres dénominations |
13,0 |
15,2 |
8,6 |
3,4 |
2,18 |
total |
86,5 |
101,2 |
57,2 |
39 |
1,47 |
II.4. « Connaissance de la langue » : 51 %
49Une rubrique intitulée « Connaissance de la langue » figure parmi les tableaux de « Profil sociodémographique », des questions Q10 à Q13 et de *Q14c. ». Elle se compose de deux colonnes, « Quelques notions au moins » et « Aucune notion ».
- 27 On y attend des pourcentages nuls puisque seuls les répondants qui n’ont pas cité de dénomination o (...)
50Dans « Profil sociodémographique », elle est placée parmi les variables « indépendantes » (Age, Sexe etc.) mais, contrairement à celles-ci, elle ne figure pas parmi les variables dépendantes. Sous Q10, Q11 et Q13 au contraire, elle est mise en relation avec la variable dépendante, à savoir la compétence déclarée des répondants, ce qui apparemment est tautologique. En effet, on ne voit pas pourquoi les pourcentages qui sont attribués aux dénominations oc seraient différents de ceux qui figurent dans la colonne « Total » des questions Q10+Q11+Q13 d’une part (pour « Quelques notions au moins »), de Q12 d’autre part (pour « Aucune notion »)27 puisqu’il n’y a pas d’autre source que ces questions pour ces données. Pourtant le pourcentage attribué au total oc en diffère : 51,3 % (N =3082) contre 40,3 % (ou 46,2 %, selon que l’on tienne compte ou non des réponses doubles). On le retrouve dans les colonnes « Quelques notions au moins » des autres rubriques « Connaissance de la langue ».
- 28 Autres bizarreries relevées dans « Connaissance de la langue » :- Les pourcentages attribués dans c (...)
51Ce pourcentage surprend le lecteur car il ne s’appuie sur aucune des données qui lui sont présentées dans Rapport ; de même, il est repris dans Résumé et Enquête sans justification, et même sans référence à cette rubrique. Il serait pourtant important d’en connaître l’origine car il influe sur une bonne partie des chiffres donnés dans la suite du questionnaire : considéré comme le pourcentage des « occitanophones » minimaux, il servira ainsi de filtre aux questions portant sur les diverses compétences passive et active ainsi que sur l’apprentissage et la pratique de la langue (Q17 à Q26) et aussi à quelques-unes des questions sur les représentations et l’attitude des répondants (Q43.10 à 13 et QCOORD, p. 207)28.
52Faute d’explication statistique à cette divergence, on serait tenté de l’imputer à l’idéologie des auteurs de l’enquête mais on verra plus loin que cette interprétation est peu vraisemblable.
II.5. « Identification de la langue de référence » : 51 %
53Trois ensembles de tableaux situés après les Q13 (pp. 59-61) sont regroupés sous ce titre. Deux d’entre eux ne sont pas numérotés mais ils tiennent la place de Q14 puisqu’ils suivent Q13 et précèdent Q15 ; nous les appellerons *Q14. De fait, ils ne se présentent pas comme des réponses à des questions mais plutôt comme des bilans (c’est pourquoi nous ne dirons pas qu’ils traitent de réponses oc mais de « total oc »). Ces tableaux concernent donc toujours les répondants ayant déclaré une compétence au moins minimale, désignés comme « occitanophones », même si la plupart n’ont qu’une compétence passive de la langue ; on verra qu’il est même possible que d’autres répondants n’ayant même pas cette compétence passive s’y amalgament.
a) *Q14a
54Dans ce tableau consacré aux « occitanophones », on retrouve le même pourcentage de 51,3 %, toujours présenté sans données justificatives et malgré l’écart avec les pourcentages donnés suite à Q10, Q11 et Q13.
55Cette même divergence entre *Q14a et les réponses à Q10, Q11 et Q13 se retrouve au niveau des dénominations :
Tableau 2. Pourcentages oc et pourcentages des dénominations oc :
1) dans Q14a (occitanophones) ;
2) selon les réponses à Q10+11+13 ; en pourcentages d’échantillon
*Q14a % d’oc ( % du tableau) |
*Q14a % d’échantillon |
Réponses à Q10+11+13 |
Ratio *Q14a ( % d’éch.)/ Q10+11+13 |
|
patois |
53,4 |
27,4 |
23,8 |
1,2 |
occitan |
20,4 |
10,5 |
9,9 |
1,1 |
béarnais |
11,4 |
5,8 |
5,3 |
1,1 |
gascon |
6,0 |
3,1 |
3,2 |
|
Autres dénominations |
8,9 |
4,6 |
4,7 |
1,0 |
Total des dénominations de Cmin+ |
100,1 |
51,4 |
46,2 |
0,9 |
Total oc (colonne Total) |
51,3 |
51,3 |
46,2 |
1,1 |
c) *Q14b : déficit des non « occitanophones », excès d’« occitan »
56*Q14b est complémentaire de *Q14a puisque ce tableau porte sur les non « occitanophones ». On s’attend donc à ce que son effectif soit obtenu par une simple soustraction : total d’échantillon – « occitanophones » (6002-3082 =2920), soit 48,7 % de l’échantillon. Or l’effectif total du tableau est seulement de 2043, soit 34 % de l’échantillon ; 14,7 % des répondants de l’échantillon manquent à l’appel.
57Le tableau de *Q14b attribue des pourcentages aux différentes dénominations oc pour un total de 100 %. On peut donc supposer que ce tableau recense non pas tous les non « occitanophones », comme l’annonce une dénomination oc alors que 29,7 % des répondants n’ont pu le faire : ce serait un filtre supplémentaire dont la mention aurait été omise. L’utilisation de ce filtre occulte se comprendrait puisque « Identification de la langue de référence » (*Q14) vise à mesurer le poids des diverses dénominations oc pour l’ensemble de l’échantillon ; de là la fusion, non mentionnée dans Rapport mais supposée par nous, des « occitanophones » et des non « occitanophones » ayant fourni le nom d’un parler oc.
58Si cette hypothèse est exacte, les pourcentages attribués aux différentes dénominations par rapport au total oc sous *Q14b d’une part, Q12 d’autre part doivent être identiques. Or ce n’est pas le cas :
Tableau 3. % des dénominations par rapport au total oc chez les non « occitanophones » ayant cité une dénomination oc, sous *Q14b et sous Q12
*Q14b, % de tableau |
Q12, % des réponses oc |
Q12, % des réponses oc ramenés à 100 |
Ratio *Q14b /Q12 col.3 |
|
patois |
30,3 |
27,1 |
31,7 |
0,96 |
occitan |
42,4 |
28,1 |
32,9 |
1,29 |
béarnais |
9,6 |
11,0 |
12,9 |
0,74 |
gascon |
6,4 |
7,3 |
8,5 |
0,75 |
Autres dénominations |
11,2 |
13,0 |
15,2 |
0,74 |
Total |
99,9 |
86,5 |
101,2 |
0,99 |
59Cependant, ne voyant pas d’hypothèse concurrente, je continuerai de supposer que l’effectif de *Q14b est constitué non des non « occitanophones », comme l’annonce le filtre, mais seulement de ceux d’entre eux qui ont pu citer au moins une dénomination oc. Mais il faut alors tenter d’expliquer la disparité des ratios *Q14b/Q12 du tableau, tous négatifs sauf celui d’occitan. Cette question va se poser également pour *Q14c.
d) *Q14c, pourcentage oc et pourcentages des dénominations
- 29 Sauf le petit nombre qui se déclarera à Q13 : cf. la note suivante.
60Ce tableau, comme les deux précédents, ne comptabilise pas des réponses à une question mais se présente comme le bilan final de la « Consolidation des dénominations citées par ceux qui ont au moins quelques notions en occitan et ceux qui n’ont aucune notion pour la suite du questionnaire ». Il concerne ainsi tout l’échantillon (N =6002), regroupant « occitanophones » et non « occitanophones ». Et pourtant le total des pourcentages affichés des dénominations oc est de 100 %, comme si tous les répondants de Q12 (non « occitanophones »)29 avaient cité une dénomination oc. Un tel pourcentage n’aurait été compatible avec les données cumulées de Q10 à Q13, et en particulier de Q12, que si, en complément de cette liste de dénominations oc, avait été prévue une option « Aucune dénomination oc connue » : elle seule aurait convenu aux répondants qui, sous Q12, ont répondu « Aucune autre langue ».
61Comment donc, puisqu’une telle option n’a pas été offerte sous *Q14c, ces répondants non oc à Q12 (14,7 % de l’échantillon) y ont-ils été répartis entre les différentes dénominations ? Le tableau 3 (de *Q14b) a déjà répondu à cette question en ce qui concerne une partie de l’effectif ; le tableau 4 va dans le même sens :
- 30 Q13 ne peut être pris en compte ici, puisqu’elle porte sur le même effectif que Q12. Son inclusion (...)
Tableau 4. Pourcentages des dénominations oc dans l’échantillon, selon *Q14c et selon les réponses à Q10+11+12 ;30 en pourcentages d’échantillon
*Q14c |
Réponses à Q10+11+1 2 |
Réponses à Q10+11+1 2 ramenées à 100 |
Ratio *Q14c/ réponses Q10+11+1 2 col. 3 |
|
patois première |
34,0 |
30,8 |
21,8 |
1,56 |
occitan |
45,1 |
17,9 |
12,7 |
3,55 |
béarnais |
8,3 |
8,8 |
6,2 |
1,34 |
gascon |
4,8 |
5,1 |
3,6 |
1,33 |
Autres dénominations oc |
7,8 |
8,2 |
5,8 |
1,34 |
Total des dénominations oc |
100 |
70,8 |
50,1 |
1,41 |
- 31 Ces écarts se retrouvent dans la répartition des dénominations selon les variables indépendantes qu (...)
62Ainsi, de Q10+Q11+Q12 à *Q14c, le pourcentage attribué à occitan augmente de plus du triple. A l’inverse, les autres dénominations sont en légère baisse, sauf patois qui progresse sensiblement, ce qui n’empêche pas le ratio patois/occitan de passer de 1,72 à 0,4431. Pourtant, entre Q12 et *Q14c, aucune question n’a été posée (sauf Q13, qui s’adresse aux mêmes répondants que Q12), donc aucune donnée nouvelle n’est intervenue.
63Ce processus de « Consolidation des dénominations » affiché sous *Q14 reste obscur. Il ne repose sur aucune des données présentées dans Rapport. Constitue-t-il une étape dans le cheminement qui amènera à l’adoption de la dénomination « occitan » par une grande majorité des répondants lors des questions 41 (cf. supra sous I.4.1) ? Doit-on voir ici un effet de l’idéologie occitaniste revendiquée par les principaux acteurs de l’enquête ? Ce serait une belle mise en scène du combat entre le Bien et le Mal, combat d’autant plus dramatique que c’est le champion incontesté de ce dernier, patois, qui résiste le mieux hors Béarn (où c’est béarnais qui prédomine largement).
- 32 Dans Q43.10 à 13 et QCOORD, p. 207. La formulation de ces questions illustre bien le flou de la not (...)
64Cette inflation d’occitan doit-elle être mise en relation avec les 51,3 % attribués aux « occitanophones », pourcentage qui, lui non plus, ne s’appuie sur aucune donnée accessible au lecteur ? En tout cas, son effet est différent et son efficacité idéologique douteuse (on verra du reste que les documents du Conseil régional préfèreront mettre en avant les 44 % cités ailleurs). Dans la suite du questionnaire, ce sera bien ce pourcentage (et non les 44 %) qui sera attribué aux répondants oc minimaux mais son utilisation pour la détermination des compétences passive et active et de leurs modalités (Q17 à Q26) ne fera que diminuer le pourcentage de celles- ci ; d’autre part, dans les questions portant sur les représentations et l’attitude des répondants, le filtre de cette connaissance minimale ne sera que rarement utilisé32.
II.6. « Part des occitanophones dans l’échantillon » (*Q16) : 44 % ou 51,3 % ?
65Dans le tableau ainsi intitulé, où le total oc n’est pas distribué selon les différentes dénominations, un nouveau pourcentage est attribué aux « occitanophones » minimaux, lui aussi non justifié : 44,1 %. Il provient sans doute d’une totalisation des réponses à Q10, Q11 et Q13, différente certes de la nôtre (cf. n.25 sur les raisons pour lesquelles nous l’avons contestée) mais dont le résultat est assez proche (40,3 % selon mon calcul).
- 33 Cf. « Débat. Quelle politique linguistique pour l’occitan en Aquitaine », Ostau biarnes, avril 2009 (...)
66Ce pourcentage de 44 % est ouvertement affiché, toujours sans justification, dans un encart de Résumé (pp. 12-13 : « Taux global des occitanophones en Aquitaine ») et dans Enquête (p.10). C’est lui aussi qui a été retenu par les médias33.
67Cependant les 51,3 % ne sont pas oubliés. Ce pourcentage apparaît même implicitement en même temps que son concurrent : dans le même encart de Résumé, en face de ce « Taux global » de 44 %. on trouve des pourcentages donnant différents « niveaux de pratiques et compétences ». Or, curieusement, ces pourcentages reprennent ceux des tableaux de Q17 à Q20, dont l’addition donne un pourcentage d’oc de 51,3 % qui contredit celui qui lui fait face dans l’encart.
II.7. « Niveau global de compréhension, expression » : 57 %
68Cette notion, qui ne figure ni dans Rapport ni dans Enquête, est introduite dans Résumé (p.20).
69Il s’agit d’un indice composite, créé à partir des réponses données dans Rapport aux questions sur les compétences orales (compréhension, production) et écrites (lecture, écriture). La procédure de l’amalgame n’est pas donnée, seulement son résultat : « 25 % des interviewés ont globalement [à ces quatre niveaux] une bonne maîtrise de l’occitan ».
70Ce pourcentage est peu crédible puisque aux 19 % (de l’échantillon) à qui est attribuée une bonne compétence passive ne peut se joindre aucun des répondants ayant une bonne compétence active, puisque ceux-ci sont déjà inclus dans ces 19 %. Pour trouver les 6 % manquants, il ne reste donc que l’appoint éventuel des très hypothétiques répondants qui auraient une compétence écrite mais aucune compétence orale. On ne peut de toute façon pas en connaître le nombre puisque le croisement des diverses compétences n’est pas donné dans les tableaux, mais il suffit d’observer que la maîtrise de la lecture (impliquée par celle, moins répandue, de l’écriture) n’est revendiquée que par 5,7 % de l’échantillon (tableau de Q19 : 11,2 % des 51,3 % qui « ont quelques notions au moins en langue occitane ») : ce n’est évidemment pas une base suffisante pour compléter le pourcentage de « niveau global ».
71Selon cette généralisation de Résumé, les répondants n’ayant aucune compétence oc d’aucune sorte, même minimale, ne constitueraient que 43 % de l’échantillon. Le total des « occitanophones » minimaux atteindrait donc 57 %, pourcentage peu crédible, bien supérieur à celui que je propose (40,3 %) et au plus élevé (51,3 %) des autres pourcentages donnés dans les documents du Conseil régional.
* * *
72Appréciation générale : enquête utile certes, à étudier de plus près, à condition d’en manier les résultats avec précaution. Puissent les appréciations du présent article, s’il en reçoit, ne pas être plus sévères !
Notes
1 « Résultats de l’étude sociolinguistique ‘Présence, pratiques et représentations de la langue occitane en Aquitaine réalisée en octobre et novembre 2008 auprès d’un échantillon représentatif de 6002 Aquitains ».
2 « Résultats de l’étude sociolinguistique ‘Présence… », déc. 2008. « Enquête sociolinguistique. Présence … Chiffres et données clés », avril 2009.
3 Je n’avais pourtant pas eu de tels problèmes d’interprétation avec les sondages que j’ai utilisés pour « Béarnais and Gascon today : language behaviour and perception », IJSL, 169 (2004), pp. 25-62.
4 Je suppose que c’est ce problème de redressement statistique qui m’empêche de comprendre le traitement des pourcentages de Q13 dans Résumé (p.26, encadré).
5 Je n’utilise ici le terme oc que comme un artefact (une « fiction méthodologique » (R. A. Lodge, dans Mélanges de l’Ecole française de Rome. Moyen Âge, t. 117, Rome, 2005 ) utile pour la présente étude.
6 Je n’ai trouvé aucune mention ni, à plus forte raison, aucune explication de cette rubrique dans Résumé et Enquête. Leurs auteurs auraient-ils éprouvé les mêmes difficultés que moi à son sujet ?
7 Je fournirais volontiers aux lecteurs qui me le demanderaient l’étude détailléedont ils ne liront ici qu’un rapide résumé.
8 Cf. Résultats de l’étude sociolinguistique « Présence, pratiques et perceptions de la langue occitane en région Midi-Pyrénées/ Résultats du département du Gers, juillet 2011.
9 Outre différents dictionnaires, cf. A. M. Kristol et J. Th. Wüest, Drin de tot, Berne, 1985 : B. et C. Moreux, « La transmission du béarnais en milieu rural aujourd’hui », Langues en Béarn, pp. 255-256.
10 Ces majuscules disparaissent dans Q13 mais l’effet qu’elles ont provoqué sous Q11 doit s’étendre à Q13. Elles réapparaissent immédiatement après, dans la liste de « Identification de la langue de référence’ ».
11 Cf. infra, sous II.5c, tableau 4. Cf. n.32 pour le remplacement de Q12 par Q13.
12 Je contesterai ce pourcentage sous II.5 et 6.
13 Dans le tableau « Identification de la langue de référence » par les « occitanophones » (p.59), « occitan » se voit attribuer 20,4 % du total oc (lequel est ici de 51,3 %), le total des autres dénominations s’élève donc à 79,6 % des répondants à cette question, soit (79,6x51,3/100) 40,8 % de l’échantillon.
14 Curieusement, l’opposition la plus forte provient de la Gironde et particulièrement de Bordeaux.
15 Le passage de l’idée à l’action se traduit par quelques raidissements : c’est le cas en Lot-et-Garonne et dans les Pyrénées-Atlantiques, dans les petites communes, chez les plus âgés, chez les femmes et chez les agriculteurs. Curieusement, la réaction est inverse chez les opposants de la question précédente : ils rentrent dans le rang.
16 Ce pourcentage est légèrement inférieur à celui donné plus haut, comme il arrive souvent dans les questions filtrées (cf. supra sous I.2.2).
17 Je considère ici le total des réponses « tout à fait d’accord » et « plutôt d’accord », sans distinguer les deux types de réponses.
18 Je ne comprends pas pourquoi les pourcentages donnés à l’appui de cette affirmation (occitan 3 %, béarnais 2 %) ne correspondent pas à ceux qui sont donnés dans le tableau correspondant à Q10 (respectivement : 0 % ; 0,2 %).
19 Les tableaux des pages 59-61 et 63 ne sont pas numérotés mais ils tiennent la place de Q14 et Q16 puisqu’ils suivent Q13 et précèdent Q15 ; nous les appellerons *Q14a, *Q14b, *Q14 c et *Q16.
20 Cependant la formulation des questions Q43.10 à 13, qui s’adressent aux répondants « qui ont quelques notions en langue occitane », montre que la notion d’« occitanophonie » minimale est fluctuante : elle est paraphrasée par « parler la langue », dans Q43.10 et 11 (ce qui n’implique, on l’a vu, qu’une petite partie des « occitanophones ») puis par « connaître la langue » dans Q43.12 et 13.
21 En fait ces pourcentages des locuteurs sont sous-évalués parce qu’ils sont calculés par rapport à un pourcentage d’ « occitanophones » (51,3 %) surévalué par rapport à celui qui est calculé d’après les réponses à Q10+Q11+Q13 : cf. infra, sous II.5 et 6.
22 Suite au résultat précédent, on attendrait que soient interrogés 83 % de l’échantillon mais, pour une raison tenant peut-être au redressement statistique (cf. supra sous I.2.2), ou encore au traitement, non expliqué, des réponses oc multiples, le tableau n’affiche que 4736 répondants, soit 78,9 % de l’échantillon.
23 Comme pour Q11, le nombre de répondants interrogés (N = 3395, soit 56,6 % de l’échantillon) est inférieur à celui (63,3 %) qu’on attendrait suite à l’application du filtre sur les résultats de Q11.
24 A moins qu’il ne résulte d’un redressement statistique (cf. supra, I.2.2).
25 Sous le titre « Part des occitanophones dans l’échantillon » (p.63), un pourcentage intermédiaire est avancé : 44,1 % (il est repris dans Résumé (pp. 12-13 ; cf. infra sous II.6). On obtient à peu près ce résultat (43,7 %) si, contrairement à l’ordre que j’ai suivi, on commence par pondérer et additionner les réponses pour chaque question, le total étant ensuite réduit conformément à l’hypothèse des réponses multiples. Mais le taux de cette réduction est arbitraire puisqu’on ne peut l’établir qu’à partir de l’excès du total des réponses à Q13 ; c’est donc à ce niveau des réponses qu’il peut être évalué (à 2,5 %) et non au niveau des répondants (c’est-à-dire après pondération).
26 A la fin des années 60 en Béarn : cf. A. M. Kristol et J. Th. Wüest, op. cit., p. 139. Le terme a pénétré de façon assez égale en Aquitaine : il constitue environ 20 % des réponses oc dans Q10+11+13 des différents départements et zones (zone béarnaise, « zone mixte »), à l’exception, non expliquée, des Landes (12 % seulement).
27 On y attend des pourcentages nuls puisque seuls les répondants qui n’ont pas cité de dénomination oc à Q10 ou Q11 y sont interrogés. A moins que ceux qui se raviseront à Q13 n’y soient recensés. Sur *Q14c, cf. infra, II.5.c.
28 Autres bizarreries relevées dans « Connaissance de la langue » :- Les pourcentages attribués dans cette rubrique aux diverses dénominations sont aberrants.- Sous Q12, des pourcentages sont attribués aux différentes dénominations oc dans la colonne « Quelques notions… » alors que cette question s’adresse à ceux qui n’ont déclaré aucune dénomination oc à Q10 et Q11 (certains se raviseront à Q13, mais l’addition de ceux-ci dépasse le total attendu de 51,3 %).- Sous *Q14c, la colonne « Aucune notion » donne des pourcentages aux différentes dénominations oc…
29 Sauf le petit nombre qui se déclarera à Q13 : cf. la note suivante.
30 Q13 ne peut être pris en compte ici, puisqu’elle porte sur le même effectif que Q12. Son inclusion à la place de Q12 ne permettrait pas de comptabiliser les répondants négatifs à Q10+Q11 et positifs à Q12. Du reste les répondants oc à Q13 l’étaient sûrement aussi à Q12.
31 Ces écarts se retrouvent dans la répartition des dénominations selon les variables indépendantes qui sont recensées ici. Par exemple, le ratio patois/ occitan passe de 3,2 à 1,87 pour la Dordogne, de 2,2 à 0,75 pour les hommes et de 2,84 à 0,76 pour les femmes.
32 Dans Q43.10 à 13 et QCOORD, p. 207. La formulation de ces questions illustre bien le flou de la notion de cette « occitanophonie » minimale : on passe de « parler la langue », dans Q43.10 et 11 (ce qui en réalité n’implique, on l’a vu, qu’une petite partie des « occitanophones ») à « connaître la langue » dans Q43.12 et 13.
33 Cf. « Débat. Quelle politique linguistique pour l’occitan en Aquitaine », Ostau biarnes, avril 2009, p. 1 ; V. Roulet dans Bordeaux Info, 05/05/09 ; Th. Longué, Sud-Ouest, 02/05/09.
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Référence papier
Bernard Moreux, « Les langues d’oc d’Aquitaine : compétences, dénominations », Modèles linguistiques, 66 | 2012, 139-162.
Référence électronique
Bernard Moreux, « Les langues d’oc d’Aquitaine : compétences, dénominations », Modèles linguistiques [En ligne], 66 | 2012, mis en ligne le 07 mars 2013, consulté le 26 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ml/296 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ml.296
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