- 1 Sonnet VI.
- 2 Edition de référence : Louise Labé, Œuvres complètes, Sonnets-Elégies, Débat de Folie et d’Amour, ( (...)
- 3 « La manipulation se caractérise comme une action de l’homme sur d’autres hommes, visant à leur fai (...)
1Les Œuvres de Louise Labé2 , ensemble assez atypique, présentent une certaine cohérence qui nous semble en partie liée à la présence de stratégies de la manipulation ; celle-ci étant envisagée au sens le plus large et en dehors de toute considération morale. Ces stratégies s’observent à plusieurs niveaux et dans chaque élément constitutif de l’œuvre,. Ainsi, à l’échelle du volume, de la macro structure, une relation indirecte s’établit entre l’auteur et le lecteur dans deux pièces qui encadrent le corps même de l’œuvre. L’épître liminaire, A M.C.D.B.L., destinée à orienter la lecture des textes, est placée sous les auspices d’une jeune femme de haute condition sociale et de réputation irréprochable, Clémence de Bourges, dédicataire de l’œuvre, mais en même temps caution de sa légitimité et de sa qualité. À l’autre bout du volume, les Escriz de divers poètes à la louenge de Louize Labé Lionnoize, comme le sonnet qui les précède, Aus poètes de Louize Labé, marquent pareillement la volonté de l’auteur d’agir sur le lecteur via une parole oblique, celle des différents poètes sonnant la louange de la poétesse. Une stratégie analogue s’observe au niveau de la diégèse de l’œuvre, dans les différentes pièces du recueil. Ainsi, dans le Débat, Apollon et Mercure se font les avocats respectivement d’Amour et de Folie dans le but d’influencer le verdict de Jupiter. Le rôle joué par Apollon et Mercure dans le Débat a son pendant dans les sonnets où diverses instances sont chargées d’intercéder auprès de l’amant en faveur de la poétesse délaissée. Enfin, au niveau micro structural, celui des techniques d’écriture employées, et bien que l'on ne puisse guère se fonder sur des données quantitatives qui supposeraient des comparaisons impossibles à établir, un constat purement empirique semble faire apparaître une récurrence assez exceptionnelle de tours factitifs ou apparentés ainsi que de constructions avec attribut de l’objet. Ces tours sont les constructions grammaticales supports par excellence de la manipulation d’autrui, au sens plus spécialisé que lui donnent Greimas et Courtès3. Ce sont ces constructions qui retiendront ici notre attention. Elles sont intéressantes par leur variété, puisque, comme nous le verrons, elles ne se limitent pas à celles qui mettent en jeu faire, factitif par excellence. Elles sont également intéressantes par la visée pragmatique qui en découle : elles sont l'indice de l'affirmation d'un pouvoir sur autrui, ou du désir de disposer d'un pouvoir sur autrui, ou encore du regret de ne pouvoir agir sur autrui.
2Cette étude s’organisera autour de deux volets : un premier volet plus formel qui vise à établir d’un point de vue linguistique une typologie des différentes constructions grammaticales supports des stratégies de la manipulation, un second, plus stylistique ou pragmatique, où nous tenterons de définir le rôle stratégique que jouent ces expressions dans le contexte de l’œuvre de Louise Labé.
- 4 A.J. Greimas, J. Courtès, Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, 1993, pp. 221-222.
- 5 Voir Greimas et Courtès (1993), p. 220.
3Les différentes configuration discursives qui nous intéressent ici relèvent de la syntaxe actantielle : un actant, sujet n° 1, ou Destinateur pour reprendre la terminologie de Greimas et Courtès4 exerce un pouvoir sur un deuxième actant, sujet n° 2, Destinataire selon ces mêmes linguistes, en vue de lui faire faire quelque chose, ou de l’empêcher d’agir. On le voit, la question touche également les problèmes de diathèse verbale, puisque les tours actantiels introduisent un deuxième actant dans un énoncé donné. Les structures vecteurs de la manipulation d’autrui sont globalement de trois types. Les plus représentées (et les plus étudiées par les linguistes) ont pour pivot le verbe faire employé à la voix active ou à la voix pronominale ; si laisser est généralement cité à côté de faire, le périmètre des constructions dites « factitives » dessiné par les différentes grammaires ne s’étend guère au-delà de ces deux verbes. Pourtant il apparaît que d’autres expressions verbales ont un fonctionnement syntaxique et pragmatique tout à fait analogue à faire ou à laisser, ce sont les constructions organisées autour de verbes comme contraindre, prier ou permettre. Enfin, la manipulation d’autrui peut consister à faire agir autrui, mais aussi à l’en empêcher ; entrent alors en jeu des verbes comme garder, empêcher ou défendre. Trois des configurations de la manipulation telles que les ont répertoriées Greimas et Courtès sont représentées chez Louise Labé : faire-faire, expression de l’intervention, ne pas faire ne pas faire, expression du laisser faire, faire ne pas faire, expression de l’empêchement5.
4Ce qui apparaît immédiatement c’est le nombre écrasant de constructions faisant intervenir le verbe faire, ce verbe pouvant être considéré comme un semi-auxiliaire en raison de la solidarité qu’il affiche avec l’infinitif qui le suit.
- 6 Syntaxe du français. Le cycle transformationnel, 1977, pp. 196-306.
- 7 « Ce type de construction appartient à une classe plus vaste de constructions infinitives », Gramma (...)
- 8 Il se place en fait dans la lignée de Damourette et Pichon (Des Mots à la pensée, 1911-1930), qui a (...)
- 9 Grammaire de la Phrase Française, § 195.
5Les constructions qui mettent en jeu faire ont été l’objet d’études précises, et les analyses qui en découlent diffèrent quelque peu selon le point de vue des auteurs. Dans une perspective transformationnelle, une étude très exhaustive a été réalisée par Richard S. Kayne6 ; une vision plus « classique » est représentée par la Grammaire méthodique du français, laquelle rapproche ces constructions des constructions infinitives7 , tandis que Pierre Le Goffic considérant l’appellation « proposition infinitive » comme inadéquate, parle lui, dans sa Grammaire de la Phrase Française, de constructions transitives à plusieurs compléments 8 et donne l’appellation « contrôleur de l’infinitif » 9 à l’agent de l’infinitif. Nous adopterons ce terme, davantage pour sa commodité que comme un signe de rejet à l’égard d’analyses différentes du phénomène entre lesquelles nous ne prétendons pas trancher.
6Ce qui caractérise les constructions avec faire, et celles-là seulement, c’est la cohésion très forte au sein du groupe faire+ infinitif, dans lequel aucun élément ne peut théoriquement s’intercaler.
- 10 Les différentes constructions possibles ont été décrites avec une très grande précision par Richard (...)
7La plupart des combinaisons possibles avec faire sont représentées dans les Œuvres. Pour éviter de surcharger ces quelques pages, nous ne viserons pas l’exhaustivité, et nous contenterons de citer une ou deux occurrences de chaque construction10 .
Faire + V inf. intransitif + GN
Tu as fait aymer Jupiter (D.1, p. 53, l. 1)
Et sa variante avec pronominalisation du groupe nominal : Pro. + faire + V inf.
Ne les ay je fait sortir de leurs abimes […] ? (D. 1, p. 50, l. 23)
8La coalescence entre faire et l’infinitif régulièrement invoquée pour justifier le sort particulier fait à ce verbe par rapport à d’autres de sens voisin et de construction approchante, est d’ailleurs un peu moins absolue dans la langue du XVIe siècle que de nos jours. Un tour comme
Folie ha fait les autres obeir (D.3, p. 86, l. 8)
- 11 En Français Moderne, cette possibilité d’insertion d’un pronom entre faire et le verbe à l’infiniti (...)
montre la plasticité de la langue et met en question les cloisonnements que la langue contemporaine a amené à établir 11.
Faire + V inf. transitif + GN + GN prép.
9Avec un verbe à l’infinitif transitif suivi de l’objet de ce verbe, le contrôleur de l’infinitif est alors construit de façon indirecte. La construction subit diverses variantes en fonction des éléments pronominalisés (objet et/ou contrôleur de l’infinitif).
- 12 Sur la place des clitiques dans la construction faire + infinitif, voir encore une fois Kayne (1977 (...)
Contrôleur pronominalisé : pro datif + faire + V inf. + GN12
Je te ferai connoitre en peu d’heure ton arc et tes flesches […] estre plus molz que paste (D. 1, p. 51, l. 34)
Ne lui fis je dresser une armee de mer […] ? (D. 1, p. 53, l. 10)
10On remarquera que l’opposition complément direct / complément indirect n’est marquée morphologiquement que pour les personnes de rang 3 et 6.
Objet pronominalisé : Pro + faire + V inf + (GN prep)
Les effets et issues des choses les font louer ou mespriser (D. 1, p. 53, l. 24)
11Ces constructions admettent un certain nombre de variantes. Ainsi il est fréquent que le verbe à l’infinitif n’ait pas de contrôleur ou plus exactement un contrôleur indéterminé
Et quand toy seul ferois aymer […] (D. 1, p. 53, l. 1)
12L’indétermination du contrôleur n’empêche pas le verbe à l’infinitif d’admettre des compléments :
Les effets et issues des choses les font louer ou mespriser (D. 1, p. 53, l. 24)
13Faire en construction pronominale
14La coréférence entre le sujet de faire et l’objet du verbe à l’infinitif s’observe fréquemment. La séquence se faire + V inf peut prendre un sens passif :
Je ne suis accompagné de Furies, Harpies et tourmenteurs de monde, pour me faire craindre avant le combat.(D. I, p. 51, l. 1)
15Elle peut être suivie d’un attribut de l’objet :
Les plus esventez d’entre eus […] se sont fait couronner Rois de quelque feuillage de Chesne (D.V, p. 85, l. 32)
16Si faire est en quelque façon l’archétype de la construction factitive, il nous faut constater, et l’oeuvre de Louise Labé nous invite à le faire, que la classe des verbes « factitifs » est peu étanche ; un certain nombre de verbes de sens « factitif » bien que moins solidaires du verbe à l’infinitif qui les suit, ont un fonctionnement assez proche de celui de faire.
17Des verbes comme prier, commander, ordonner, contraindre sont en effet moins solidaires du verbe à l’infinitif que ne l’est faire, puisque le contrôleur de ce dernier peut se glisser devant lui. Nous les avons classées selon leur sémantisme, du plus faible au plus affirmé. On remarquera toutefois que ces verbes se construisent encore directement au XVIe siècle ; cette construction, qui est également celle de laisser, est un argument supplémentaire justifiant la pertinence des rapprochements opérés ici.
Prier
Vous prieray reduire en memoire (D. V, p. 85, l. 17)
18L’exécution de l’acte souhaité reste du domaine du souhait. Bien que l’aboutissement de l’acte ne soit pas assuré, la volonté d’influer sur le comportement d’autrui est manifeste, si bien que la prise en compte de ce tour, comme des suivants nous paraît nécessaire.
Commander
Elle m’a commandé venir vers toy te donner le bon jour. (D. IV, p. 62, l. 6)
Ordonner
O que ces belles Destinees ont aujourd’hui fait un beau trait, de m’avoir ordonné estre aveugle. (D. II, p. 57, l. 5)
Contraindre
Les grans qu’Amour contreignoit aymer les petits et les sugetz qui estoient sous eus, changeront en sorte qu’ils n’aymeront plus que ceus dont ils en penseront tirer service (D. V, p. 77)
Laisser
Il vaut mieus que me retire en quelque lieu apart, et laisse passer ce festin. (D. I, p. 55, l. 27)
Laisse moy aller (D. I, p. 49, l. 15)
Combien dureroient peu aucuns mariages, si la sottise des hommes ou des femmes laissoit voir les vices qui y sont ?
19Un certain nombre d’autres verbes sont sémantiquement et syntaxiquement très proches de laisser, comme permettre, autoriser à.
Permettre
Ton ignorance […] ne te permet connoitre le haut degré que je tiens. (D. I , p. 50, l. 7)
Je dy : que les loix et raisons humaines ont permis à tous se defendre contre ceus qui les voudraient offenser (D.V, p. 83, l. 10)
20On observera, par ailleurs, que l’opération factitive que l’on envisage habituellement comme favorisant le procès exprimé par le verbe à l’infinitif peut s’envisager comme un frein à sa réalisation. Les pendants de faire ou de laisser dans l’ordre de la prévention sont les verbes garder, au sens d’ « empêcher », sens aujourd’hui disparu, très représenté chez Louise Labé, défendre et empêcher. Le verbe à l’infinitif est construit soit directement, soit de façon indirecte avec la préposition de.
Garder + GN + de V inf intransitif
Est-il besoin reciter les autres passetemps, qu’a inventez Folie pour garder les hommes de languir en oisiveté ? (DV, p. 90, l. 9)
Pro objet + garder/ défendre / empêcher + (de) V inf
Si je t’usse aperçue, je t’usse bien gardé de passer (D. I, p. 49, l. 8)
Défendre
Folie m’a defendu le plorer, n’embrasser vos genous, vous adjurer par les gracieus yeus, […] ny amener ses parens (D. V, p. 85, l. 1)
Empêcher
Et ay belle peur […] qu’elle (Folie) n’empesche les jeunes gens de suivre les armes et de faire service à leur Prine. (D. V, p. 78, l. 26)
- 13 À propos de faire, laisser, voir et entendre, Damourette et Pichon (1911-1930) observaient déjà qu’ (...)
21Sans doute, l’absence de soudure entre ces verbes et l’infinitif jointe au fait que leur sémantisme est plus précis que celui de faire est il un frein à leur glissement vers la catégorie des semi-auxiliaires dans laquelle on classe faire13. Pourtant, force nous est de constater que toutes ces constructions se caractérisent par le fait qu’elle font intervenir un actant supplémentaire, contrôleur ou agent du verbe à l’infinitif. Elles touchent donc toutes à la question de la voix, ce qui est une autre problématique.
22Participent également de la manipulation d’autrui les tours introduisant un attribut de l’objet ; cet attribut pouvant revêtir différentes natures : participe passé, adjectif verbal, ou encore adjectif qualificatif. Ces tours se construisent à partir de pivots comme faire, rendre
23La séquence suivante présente deux constructions de ce type, la première construite à partir de rendre, la seconde à partir de faire :
Qui fit prendre Mars au piege avec ta mere, si non moy, qui l’avais rendu si mal avisé que venir faire un povre mari cocu dedans son lit mesme ! (D. I, p. 53, l. 6)
24Cette réplique de Folie présente donc successivement un attribut participe passé suivi d’un attribut adjectif. Mais la nature de l’attribut peut aussi être adjectif verbal comme dans cet exemple où Apollon présente sa requête à Jupiter en faveur d’Amour :
Et te prians […] assugetissant à perpetuité Folie à Amour, et le faisant plus cler voyant que nul autre des Dieus (D. V, p. 80, l. 25)
25Le tour peut être réflexif. Dans le discours de Mercure, on trouve la séquence suivante :
Si en trouverez vous peu, qui n’ayent esté abruvez de Folie […] Empedocle qui se fust fait immortel sans ses sabots d’erain… (D. V, p. 86, l.29)
- 14 Damourette et Pichon (1911-1930), §869, 910.
26Ces tours sont analysés par Damourette et Pichon comme des « abouts dicéphales » 14, la dibicéphalité étant constituée par l’objet et son attribut.
27Bien qu’articulées autour de pivots relativement variées toutes ces constructions ont en commun d’être des « abouts bicéphales » exprimant des actions exercées sur le monde, soit directement dans le cas des attributs de l’objet, soit indirectement dans le cas des constructions factitives. C’est la nature de ces actions et leurs enjeux qui retiendront notre attention dans la deuxième partie de cette étude.
28La récurrence d’ « abouts dicéphales », tours factitifs ou avec attribut de l’objet, n’est pas sans implication sur le sens de l’œuvre de Louise Labé ou des différents éléments qui la composent. Si tous témoignent d’une volonté plus ou moins explicite d’avoir « quelque crédit » sur autrui, ils ne prennent pas nécessairement le même sens selon la nature du texte où ils sont employés. L’auteur elle-même nous guide dans notre interprétation en adoptant ostensiblement une « posture d’autorité » dès l’épître liminaire.
- 15 C’est le cas pour les Elégies, qui tiennent de l’autobiographie et de la fiction poétique.
29Cette posture, qui est une constante dans l’ensemble du volume, prend une signification différente selon que l’autorité s’exerce sur l’univers extra-diégétique ou sur les personnages de la diégèse de l’œuvre encore que la distinction entre les deux univers soit parfois brouillée par le genre15.
30Dès l’Epître dédicatoire, Louise Labé énonce sa conception de la mission dont elle voudrait investir les femmes, mission en apparence modeste, mais dictée par le regret que la condition des femmes soit telle qu’elles ne puissent détenir qu’un pouvoir limité. Il appartient dès lors aux femmes d’agir sur l’univers qui les entoure :
[…] je ne puis faire autre chose que prier les vertueuses Dames d’eslever un peu leurs esprits par-dessus leurs quenouilles et fuseaus, et s’employer à faire entendre au monde que si nous ne sommes faites pour commander, si ne devons nous estre desdaignees pour compagnes tant es affaires domestiques que publiques, de ceus qui gouvernent et se font obeïr (Epître, p. 41-42).
31Dans cet emboîtement de structures factitives, la poétesse pèse de toute son autorité de femme éclairée pour agir sur ses compagnes qui, elles mêmes, doivent s’affirmer et s’imposer dans tous les domaines, y compris dans ceux qui sont traditionnellement réservés aux hommes.
32À l’autre extrémité des Oeuvres, l’existence de la section Escriz de divers poètes à la louenge de Louize Labé Lionnoize et le texte même du sonnet Aus poëtes de Louize Labé semblent montrer que l’entreprise est aboutie :
Louïze […]
Trop plus se fait par sa plume estimer.
Et de soymesme elle se faisant croire,
A ses loueurs est cause de leur gloire.
- 16 Daniel Martin (2004), p. 48.
33A la lecture de ce tercet on peut d’ailleurs se demander quelle est la part de parodie de l’écriture de notre poétesse tant est forte la ressemblance des tours de ce sonnet attribué à Jacques Peletier du Mans ou à Jean de Tournes avec les tours factitifs qui parsèment les Œuvres de Louise Labé. En tout état de cause, conformément à une tradition que l’on observe au même moment dans les sonnets encomiastiques des Regrets de Du Bellay, Louise Labé joue sur l’idée que les poètes acquièrent gloire et renommée en faisant l’éloge de personnages eux-mêmes couverts de gloire et de renom, si bien que, comme l’a bien observé Daniel Martin, le volume dans son agencement spécifique « se révèle comme le lieu d’une manipulation où se fabrique de façon artificielle la gloire poétique de son auteur […] »16.
34Dans le Débat on ne sera pas surpris par le nombre, très élevé, de tours
35« factitifs ». On peut sans doute avancer deux explications à la récurrence assez exceptionnelle de tours de ce type. Au début du premier discours les verbes factitifs reflètent parfaitement le conflit qui s’est instauré entre Amour et Folie : chacun des deux protagonistes, soucieux de ne pas arriver en dernier lieu au banquet offert par Jupiter, tente d’empêcher l’autre d’avoir la préséance. C’est ainsi qu’Amour ouvre le premier les hostilités :
Si je t’usse aperçue, je t’usse bien gardé de passer (D. I, p. 49, l. 8)
Tandis que Folie se défend et force le passage :
Laisse moy aller (D. I, p. 49, l. 15)
36À la bousculade initiale succède un échange polémique entre les deux personnages prenant la forme de longues tirades dont la visée argumentative est assez simple et l’enjeu dérisoire et burlesque : il s’agit pour chacun de se montrer supérieur à l’autre, justifiant en cela qu’il doive le précéder dans l’ordre d’arrivée au banquet ; pour cela chacun d’eux tente de faire étalage de l’étendue de son pouvoir sur toutes sortes d’entités, tout en s’efforçant de contraindre l’autre, parfois physiquement, à tel ou tel comportement.
- 17 Isabelle Garnier-Mathez (2004) a bien observé l’importance centrale dans ce début du premier discou (...)
37La symétrie de l’organisation du premier discours, où la parole se distribue entre Amour et Folie, met en évidence le parallélisme des constructions et de leur effet pragmatique. Le but de chacun des protagonistes est identique, il s’agit de convaincre l’autre de sa suprématie ; mais aucun des deux opposants n’est réceptif aux arguments de l’autre, chacun renvoyant son contradicteur à son discours. Le sémantisme des infinitifs qui suivent les factitifs est éloquent, il tourne autour des notions de connaissance, de savoir accepté ou refusé17.
Amour met en avant l’ignorance de Folie qui ne [lui] permet connoitre le grand degré qu’[il tient] (D. I, p. 50, l. 7).
38Chacun refuse donc de reconnaître l’autre dans l’auto-portrait qu’il brosse de lui même et ce, en ayant recours aux mêmes formules. Folie refuse d’abord d’entrer dans le jeu d’Amour en contre-attaquant soit directement, soit par le biais d’une question rhétorique :
Tu t’es mal adressé pour me faire croire le contraire de ce que je say (D.I, p. 51, l.16)
Me feras tu passer devant les yeus, qu’un esprit leger comme le tien […] soit dine de telle signeurie, puissance et autorité, que tu t’attribues ? (D. I, p. 51, l. 24)
39Puis elle lui oppose une autre vision de ce qui est pour elle la réalité :
Je te feray connoitre en peu d’heure ton arc, et tes flesches […] estre plus molz que paste (D.I, p. 51, l. 34)
40Quant à Amour, il ne se laisse pas davantage convaincre que Folie :
Je ne sache jamais que personne ait manié mon arc, que moy : et tu me veus faire à croire, que sans toy je n’en pourrois faire aucun effort (D.I, p. 51, l. 40).
41Dans l’image qu’il veut donner de lui-même, il fait état ou étalage de son pouvoir sur les éléments puis sur les « infernaux » par une question rhétorique destinée à piéger son interlocutrice, qui aurait dû être contrainte à l’assentiment :
Ne les ay je fait sortir de leurs abismes, et venir espouventer les humains et ravir les filles à leurs meres ? (D. I, p. 50, l. 25)
42En jeune vantard, Amour pousse l’outrecuidance jusqu’à se présenter tel un matamore invincible :
Je ne suis acompagné de Furies, Harpies et tourmenteurs de monde, pour me faire craindre avant le combat (D. I, p. 50-51, l. 1).
43L’absence de contrôleur de l’infinitif confère en effet aux propos d’Amour une extension maximale.
44Folie, de son côté, non seulement refuse de reconnaître son interlocuteur dans ce portrait flatteur et hyperbolique, mais elle montre à son tour sa suprématie en se plaçant sur le même terrain que son rival, en utilisant les mêmes thèmes et les mêmes structures grammaticales que lui. L’univers évoqué demeure celui des dieux, des demi-dieux, des héros de la mythologie et les tours favoris sont les constructions factitives qui marquent à la fois les parallélismes et les oppositions :
Quand toy seul ferois aymer, quelle seroit ta gloire si je ne faisois paroitre cet amour par mille invencions ? (D. I, p. 53, l. 1)
Tu as fait aymer Jupiter : mais je l’ai fait transmuer en Cigne, en Taureau, en Or, en Aigle […] (D. I, p. 53, l. 3)
Si tu fais aymer, j’en suis cause le plus souvent (D. I, p. 53, l. 25)
- 18 Nous avons là un bel exemple de concession argumentative. Le locuteur « cède à l’adversaire un terr (...)
45L’habileté du discours est remarquable : en usant de structures concessives qu’elle met au service de son argumentation, Folie reconnaît à Amour la validité de ce qu’il a énoncé mais ce n’est que pour en tirer un plus grand bénéfice pour elle-même18.
46L’accumulation des actes de Folie se poursuit, appuyée le plus souvent sur les mêmes tournures syntaxiques construites autour du factitif :
Qui fit prendre Mars au piege avec ta mere sinon moy […] ? (D. I, p. 53, l. 6)
Ne lui (à Paris) fis je dresser une armee de mer […] ? (D. I, p. 53, l. 10)
47Mais la véritable suprématie de Folie vient de sa capacité à faire savoir. Folie témoigne en cela d’un sens de la communication extrêmement moderne :
Je crois qu’aucune mencion ne serait d’Artemise, si je ne lui eusse fait boire les cendres de son mari (D. I, p. 53, l. 21)
48Dans cette joute oratoire qui oppose Amour et Folie, cette dernière l’emporte sur son contradicteur en s’attribuant le mérite de la réputation dont Amour jouit :
Tu as ofensé celle qui t’a fait avoir le bruit que tu as : et ne s’est souciee de faire entendre au monde, que la meilleure partie du lot qu’il te donnoit, lui estoit due.( D. I, p. 54, l. 27)
49Dans le Discours V, deux nouveaux actants s’immiscent dans le couple Amour-Folie puisque Mercure vient défendre Folie et Apollon Amour. Ainsi la micro-structure qui fait intervenir un troisième actant par le biais de constructions factitives a un pendant au niveau de la structure de l’œuvre avec ces personnages qui agissent ou tentent d’infléchir le jugement de Jupiter en lieu et place des intéressés eux-mêmes. Le plaidoyer d’Apollon résume de façon succincte, voire simpliste la lutte pour le pouvoir et la domination d’autrui qui a violemment opposé Amour et Folie dans le premier discours :
Elle commence à se hausser en paroles, fait Amour petit (D. V. p. 66, l. 6)
Il la veut faire aymer, elle evite le coup (D. V, p. 66, l. 8)
50Puis il énumère tous les bienfaits dont Amour a gratifié l’Humanité :
C’est celui, qui fait multiplier les hommes, vivre ensemble et perpetuer le monde […] (D. V. p. 67, l. 2)
51Dans une perspective différente de la nôtre, Marie-Madeleine Fontaine a bien noté que le discours d’Apollon montre comment Amour est à l’origine du « lien de solidarité qui unit universellement les hommes […], du lien de bénivolence […] à l’origine de tous les autres ». On observera que ce que Marie-Madeleine Fontaine appelle « lien de solidarité » ressemble fort à une action manipulatrice d’Amour sur la communauté humaine et que la verbalisation de cette action passe par le recours massif aux tours factitifs.
52Le discours de Mercure, s’il ne répond pas à celui d’Apollon, oppose le comportement du sage à celui du fol, et ce sont des constructions factitives réflexives qui expriment le plus souvent les signes de la folie. ; ce que résume assez bien la formule suivante :
Le sage attendra qu’on le prie […], le fol se fera estimer grand homme (D. V, p. 87, l. 30)
53Ainsi, lorsqu’elle se coule dans le moule de la réflexivité, la manipulation d’autrui est considérée comme un signe de folie. C’est particulièrement explicite dans le discours de Mercure où chacun des procès réflexifs est associé à un lexème faisant référence à la folie :
Les plus esventez d’entre eus […] se sont fait couronner Rois de quelque feuillage de Chesne (D.V, p. 85, l. 32)
Ce qu’ils ont estimé n’estre licite aus autres, se sont pensé estre permis. Folie ha premierement mis en teste à quelcun de se faire creindre. (D. V, p. 86, l. 7)
Qui fut plus fol qu’Alexandre, qui […] se faisoit adorer comme Dieu ? (D. p. 86, l. 20)
Le fol se fera estimer grand homme (D. p. 87 , l. 30)
[…] comment se peuvent exempter d’estre nommez fols, ceus qui les representent, ayans pris, et prenans tant de peines à se faire sembler autres qu’ils ne sont ? (D. V, p. 90, l. 7)
54Dirigée vers autrui et centrée sur le don, le procès factitif est connoté positivement, en revanche, quand le sujet de faire et l’objet de l’infinitif sont coréférentiels, le procès, déjà discrédité par l’énoncé environnant, renvoie à un univers où règne la folie.
55Au cœur du schéma narratif du Débat, les structures de la manipulation participent de l’unité de cette partie des Œuvres, elles reflètent un univers régi par un jeu de forces s’exerçant sur autrui et générant des effets divers révélateurs de la vision labéenne du monde.
56Dans les Elégies, l’affirmation de la toute puissance d’Amour passe également par le recours fréquent à des tours factitifs. Cette puissance s’impose à plusieurs niveaux différents ; celui du récit donné comme autobiographique d’une part et celui de l’expérience poétique, de l’autre.
- 19 Louise Labé cite Sémiramis, reine de Babylone, dans l’Elégie I, Marphise et Bradamante, héroïnes de (...)
57Amour a le pouvoir de rendre amoureux, il fait brûler les cœurs de toutes les amantes, fussent-elles réputées par leur force de caractère ou leur vaillance19 :
N’estimez point que l’on doive blamer
Celles qu’a fait Cupidon inflammer (E.I, v. 53-54)
58La poétesse, consciente du pouvoir d’Amour en tant que personnage mythologique, l’invoque pour qu’il fasse partager sa flamme amoureuse à un amant lui-même tout puissant, puisqu’il détient le pouvoir de rendre gaie ou triste la poétesse énamourée :
[Amour] Fay que celui que j’estime mon tout,
Qui seul me peut faire plorer et rire […]
Sente en ses os, en son sang, en son ame,
Ou plus ardente, ou bien egale flame. (E.III, vv. 98-102)
59Après avoir enflammé le cœur de la poétesse-amante, Amour devient un sujet d’inspiration poétique. La poétesse oppose ainsi le rappel du passé vécu au présent de l’écriture :
Au tems qu’Amour, d’hommes et Dieus vainqueur,
Faisoit bruler de sa flamme mon cœur […] (E. I, v. 1-2).
[…] meintenant … [Amour]
Chanter me fait (E. I, v. 11)
60Le chant insufflé par Amour, d’inspiration ovidienne, nous renvoie l’image d’une femme amoureuse, délaissée par son amant. Et si l’amour vécu a été ressenti comme douloureux, le souvenir qui perdure ne l’est pas moins :
Je sen desja un piteus souvenir,
Qui me contreint la larme à l’œil venir. (E. I, vv. 23-24)
- 20 Cf. Daniel Martin (2004), p. 150 et 155.
- 21 In Louise Labé, Les voix du lyrisme (1990), p. 220.
61Dans cette « autobiographie amoureuse fictive » 20, que sont les Elégies, Amour et ses attributs, parés du manteau de la fable mythologique, deviennent les actants d’une manipulation généralisée dont la sphère d’influence s’étend aux amants dans leur relation amoureuse mais aussi au-delà à l’acte même d’écrire. Et la reprise de structures identiques contribue à imposer l’idée de cette « équivalence entre aimer et écrire » dont parle François Lecercle21 .
62Dans les Sonnets, ces mêmes tours évoquent la force d’Amour, mais ce qui domine dans cet ensemble, c’est la plainte indirecte de la poétesse appelant de ses vœux la réciprocité de l’amour. Au début du recueil, l’accent est à nouveau mis sur la puissance d’Amour :
Tant plus qu’Amour […]
[…] nous fait nos forces recueillir,
Et toujours frais en ses combats fait estre. (S. IV)
63Mais dès lors que l’amour n’est pas réciproque, que les qualités de l’amante ne sont pas susceptibles de la faire aimer, l’objet de la quête de la poétesse est l’instance qui favorisera la réciprocité des sentiments qu’elle éprouve. C’est là qu’interviennent les tours factitifs qui introduisent un troisième actant entre les deux actants majeurs, le sujet et l’objet, l’amante et l’amant ou plutôt, l’amante et l’aimé ; la dimension dialogique des sonnets favorisant l’intercession d’un tiers. Dans le sonnet X, de façon assez étrange, cette instance n’est pas extérieure à l’amant puisqu’il s’agit de ses propres qualités :
Tant de vertus qui te font estre aymé,
Qui de chacun te font estre estimé,
Ne te pourroient aussi bien faire aymer ? (S. X)
64Le raisonnement sous-jacent, fondé sur le principe de réciprocité, est le suivant : puisque tu es aimé de tout le monde, ne pourrais-tu aimer à ton tour ? Le jeu sur l’actif et le passif suggère une étrange relation, dépourvue d’échange, où l’amant apparaît enfermé dans sa propre sphère. On notera en effet que l’infinitif du dernier vers cité n’a pas d’objet : la poétesse, du moins dans un premier temps, s’exclut de la requête, donnant l’image d’un amant exclusivement préoccupé de lui-même. De façon assez pathétique, les tours factitifs mettent en évidence la passivité de l’amant qui malgré des qualités reconnues semble incapable d’aimer en retour.
65Un autre sonnet, le sonnet XV, nous paraît assez emblématique de cet univers médiatisé où toute action est action indirecte, où personnes et personnages sont présentés de façon oblique. Ainsi dans ce quinzième sonnet, c’est au Zéphyr que s’adresse la poétesse à défaut de pouvoir s’adresser à son amant. C’est lui l’interlocuteur les quatre derniers vers du sonnet, c’est lui qui est chargé d’intercéder en faveur de l’amante délaissée :
Fay mon Soleil devers moy retourner.
66Dans ce sonnet les éléments et les saisons sont liés par un pouvoir qu’ils détiennent les uns sur les autres :
Pour le retour du Soleil honorer,
La Zéphyr, l’air serain lui appareille :
Et du sommeil l’eau et la terre esveille,
Qui les gardoit l’une de murmurer,
En dous coulant, l’autre de se parer
De mainte fleur de couleur nompareille
- 22 Voir Daniel Martin, Signe(s) d’amante (1999), p. 284.
- 23 Daniel Martin, Signe(s) d’amante (1999), p. 283.
67Comme le Zéphyr, symbole du renouveau et signe du retour du printemps, est doté du pouvoir de réveiller une nature endormie par l’hiver, la poétesse espère que les pouvoirs des éléments naturels s’étendront aux sentiments des humains. Si l’intertexte pétrarquiste est assez évident22 et le thème de la « reverdie » traditionnel, on observera que le rôle de Zéphyr est tout à fait original ici. De simple représentation métaphorique du retour du printemps, Zéphyr devient actant à part entière dans l’histoire des amours de la poétesse et de celui qu’elle aime. Le tour nous révèle à la fois un Zéphyr doté du pouvoir de rallumer la flamme amoureuse chez l’amant indifférent, en même temps qu’il met en évidence « l’impuissance de l’amante à infléchir son destin en agissant directement sur l’amant »23.
- 24 L’expression oblique n’est pas propre à Louise Labé, les synecdoques de la bouche de l’amante, de l (...)
68Au-delà des conventions de l’écriture poétique24 , la récurrence de ces tours est sans doute révélatrice de la difficulté de s’affirmer comme poète et tout particulièrement comme femme-poète.
- 25 La question est d’actualité depuis que Mireille Huchon (2005) a émis l’hypothèse que les Œuvres pou (...)
69Au terme de cette étude, il apparaît qu’avec les tours factitifs et constructions avec attribut de l’objet, nous sommes en présence d’un stylème, d’une marque d’écriture propre à Louise Labé qui peut laisser penser que le Débat, les Elégies et les Sonnets ont été écrits par la même main25.
- 26 Au sujet du lien qui unit les Elégies aux Sonnets, on se réfèrera à l’article de François Lecercle (...)
- 27 Cohésion soulignée par Marie-Madeleine Fontaine (1990), p. 231 et ss.
70A ce titre, ce stylème participe de la cohésion de l’œuvre ; à un niveau infra sémantique, il renforce le lien entre les différentes pièces du volume26 et dévoile incidemment un trait de la personnalité de l’auteur. En effet, l’œuvre témoigne en filigrane d’une très forte volonté de s’affirmer et de s’affirmer sur autrui, que cette volonté émane de la poétesse ou des personnages de la diégèse de l’oeuvre. Au-delà des effets de sens propres à chacune des pièces du volume, on remarquera qu’il y a un faire faire manipulateur et un faire faire inhérent à la nature des choses : les tours syntaxiques que nous avons décrits ici participent de la construction d’un univers où les hommes et les choses sont unis par un lien de solidarité, de l’évocation d’un ordre du monde caractérisé par une cohésion entre tous les éléments de la création27.
- 28 On se réfèrera notamment à l’article de Françoise Charpentier (1990 ), et à son commentaire du sonn (...)
- 29 Voir à ce sujet François Rigolot (1997) et Ilana Zinguer (1982).
71Ces mêmes tours apparaissent aussi comme l’un des supports verbaux des revendications féministes qui font l’originalité des Œuvres. Ces revendications se heurtent toutefois aux réalités, réalités de l’amour qui n’est pas toujours partagé, réalités du temps aussi. D’ailleurs, les observations sur la récurrence de tours mettant en jeu faire ou des verbes équivalents devraient être tempérées par le fait que le semi-auxiliaire pouvoir, qui bride la volonté d’agir sur le monde, est également très représenté28 . Sans doute l’organisation de la société française du XVIe siècle et la condition de la femme à l’époque29 ne favorisent elles pas l’épanouissement de ces tendances que l’on devine extrêmement fortes chez notre poétesse, du coup leur expression littéraire apparaît comme une sublimation aux accents tantôt burlesques dans le Débat, tantôt pathétiques dans les Sonnets. De ce fait, on pourra se demander si le volontarisme très fort qui s’affiche dans les Œuvres de Louise Labé n’est pas le signe visible de la conscience d’une grande fragilité.
- 30 Joseph Courtès (1993), préface d’A.J. Greimas de 1976, p. 24 : « au lieu de considérer le pouvoir c (...)
72En définitive, nous rejoindrons l’analyse de Greimas qui considère que le faire-faire n’est pas nécessairement le signe d’un pouvoir préexistant à l’action exercée sur autrui, c’est l’acte même de manipulation d’autrui qui crée le rapport hiérarchique30 : dans un univers ressenti comme frustrant, où il est difficile pour une femme de ne pas se cantonner aux « quenouilles et fuseaux », la manipulation verbale d’autrui apparaît comme un acte compensatoire, établissant dans la fiction littéraire un ordre rêvé, plus conforme aux aspirations de l’auteur.