4. Bréal, Saussure, Prieto
Plan
Haut de pageTexte intégral
1Sous ce titre, on s’efforce de retracer le trajet d’un courant de pensée qui constitue sans doute la trame de ce que l’on a appelé « le structuralisme » en linguistique.
2Genève occupe une place de premier plan dans l’affaire : elle est le lieu où a pu se nouer le lien entre les résultats de la linguistique historique « née en Allemagne, développée en Allemagne, chérie en Allemagne », dira Saussure, une science qui se préoccupe essentiellement de reconstruction du plan de l’expression, et une tradition spécifiquement française, instaurée par les synonymistes, laquelle découvre le point de vue synchronique en pratiquant la pesée des valeurs respectives de termes qu’a priori on peut juger équivalents. Ainsi naîtra la linguistique générale.
- 1 Bréal Michel, Essai de sémantique, reprint de Gérard Monfort, Brionne, 1982 [1re édition, Paris, Ha (...)
- 2 Sur ce point, voir M-C. Capt-Artaud, « Redouter, craindre, avoir peur… ou la plus belle pièce de l’ (...)
3Bréal est à la fois bien familiarisé avec la linguistique allemande et fortement marqué par la tradition française, axée sur l’examen du sens. Il sera le premier à soutenir que l’intervention de l’homme est le seul facteur d’évolution de la langue, une hypothèse qui n’aboutira à rien moins qu’à définir, face à « l’histoire naturelle », « les sciences humaines » comme telles. L’Essai de sémantique1 installe ce face à face : dénonçant avec une belle témérité intellectuelle les pièges des conceptions organicistes en vigueur, Bréal propose de considérer le mot comme « un concept de l’esprit » ; ce terme fait écho aux textes de ces stylisticiens avant la lettre que sont l’abbé Girard ou Dumarsais, auteurs qui avaient déjà recours aux « besoins » de « l’esprit » pour rendre compte du fait que les locuteurs reconnaissent des rapports d’équivalence (et partant d’opposition) entre certaines expressions2.
4C’est fort de sa formation allemande, qui lui permet d’envisager le plan de l’expression comme un système, que Saussure vient à la rencontre de cette démarche à la française, laquelle, pour s’attacher à la face signifiée, prend nécessairement en compte la bifacialité du signe. Dès lors, Saussure est taraudé par la question de comment penser la transformation de ces « concepts de l’esprit » qui échappent à la causalité naturelle.
- 3 Troubetzkoï, Nicolaï, Principes de Phonologie, Paris, Librairie Klincksieck, 1949.
- 4 Prieto, Luis J., Principes de noologie, La Haye, Mouton, 1964. Soulignons que la sémantique conçu (...)
5Voilà bien la question sur laquelle l’œuvre de Prieto va maintes fois rebondir. Lecteur de Bréal et de Grammont, romaniste de formation, Prieto est fasciné par les Principes de phonologie de Troubetzkoï3. Puisque les phonologues praguois se sont magistralement acquittés de l’explicitation du « comment les sujets parlants construisent la connaissance des phonies », Prieto imagine d’abord que le moment est venu de faire une analyse du contenu qui ferait pendant à ce que la phonologie praguoise constitue pour l’expression. Plus précisément, il imagine que, du domaine que Bréal continue à envisager sous l’angle historique, il allait pouvoir faire, lui, grâce à l’enseignement de Saussure, ce que les phonologues avaient fait de manière exemplaire pour le plan de l’expression. Une première tentative avec les Principes de noologie4 s’avère prématurée et commande un retour aux prémisses de la linguistique générale.
6Formée de « concepts de l’esprit », « d’entités bifaciales », c’est la langue qui peu à peu s’explicite en termes de construction cognitive, à coup de définitions de plus en plus élaborées, et généralisables. Désormais, comme le voulait Bréal, « la linguistique parle à l’homme de lui-même : elle lui montre comment il a construit […] le plus nécessaire instrument de civilisation » (p. 2).
Le statut linguistique du sens : la découverte du « signifié »
- 5 Valéry, Paul, compte rendu de l’Essai de sémantique de Michel Bréal, paru dans le Mercure de Fran (...)
7Tenter de retracer le trajet d’une réflexion sur le langage qui traverse le siècle, c’est faire ressortir l’apport de quelques penseurs parmi ceux que Paul Valéry salue ainsi : « ceux qui ont pris la charge d’approfondir le difficile du langage5 ». Tellement « approfondir », en effet, qu’en menant leur réflexion sur la langue, ils ont contribué de manière essentielle à la définition d’objets qui constitueront « les sciences humaines ». Le concours de la linguistique en l’affaire commence par la découverte de la bifacialité du signe, c’est-à-dire la prise en compte du statut linguistique du sens.
8La réflexion traditionnelle sur le langage, rappelons-le, situe les sens hors de la langue. Référons-nous, par exemple, à l’entrée Langue de l’Encyclopédie :
Une langue est la totalité des usages propres à une nation pour exprimer les pensées par la voix […] les idées sont indestructibles et antérieures à toutes les conventions arbitraires ou fortuites qui ont donné naissance aux différents idiomes […] Le mot ne devient le signe de l’idée que par une convention tacite mais libre.
9Comme on le voit, la thèse conventionnaliste ne s’aventure guère plus loin que ne portait le regard des Stoïciens, qui avaient déjà établi que les mots dont nous parons les choses sont de pures conventions. Un tel point de vue réduit la langue à sa dimension phonique, l’assimilant à un simple stock de vocables. Il faut attendre Saussure pour que nous soit dévoilée la « nature du signe linguistique » : une entité à deux faces, qui
10Une telle innovation confronte Saussure à une difficulté terminologique embarrassante, car le mot signe, dans l’acception qu’il revêt alors, ne peut pas référer à l’ensemble, la combinaison du « concept » et de « l’image acoustique » ; il aura toujours tendance à désigner « la moitié plus matérielle ». Par ailleurs, l’expression « image acoustique » ne fait pas vraiment de la phonie le partenaire définitoire adéquat de ce à quoi renvoie ici le terme « concept », cette « image » étant elle-même d’ordre conceptuel (c’est l’image acoustique « intérieure », « l’empreinte psychique du son » précise Saussure). Il faut trouver deux termes qui soulignent le rapport de solidarité, d’interdépendance entre « l’image » et « le concept », mais aussi leur parité. Quelque chose d’analogue à ce qui est dit, par exemple, du lien entre le recto et le verso d’une feuille de papier par ces mots-là. Il faut des mots auxquels ne s’attache pas
- 7 CLG/E, op. cit., tome II, 1974 (3342.4). C’est nous qui soulignons.
toute une série d’idées inévitables, indépendante de leur opposition même, ainsi, si je parle de l’endroit et de l’envers d’un habit, il y a immédiatement autour de cette seule idée d’envers l’idée de quelque chose de contraire à l’attente, de sorte qu’envers n’est plus littéralement le simple correspectif d’endroit. Si je parle en revanche du recto et du verso d’une page, ce sont là des contraires qui restent parfaitement correspectifs l’un à l’autre, puisqu’il n’existe d’avance aucun caractère qui distingue plus spécialement le recto du verso ou vice-versa.7
11Quand il s’agit de dévoiler des aspects encore inaperçus de la substance, la forme arrêtée fait toujours défaut. Réussir l’admission par la langue de nouveaux termes, tel a été le fort du fondateur de la linguistique générale. Valéry l’écrit à propos de Bréal, mais c’est vraiment grâce à Saussure que
- 8 Valéry, Paul, op. cit., p. 1453.
le langage se montre : proposé comme difficulté ; privé de l’accoutumance où il se cache, forcé de parler de lui-même, de se nommer ; pourvu, à cette fin, de nouveaux signes.8
- 9 Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, Paris, Payot, 1916, p. 171. Sur les rappor (...)
12Ces mots correspectifs l’un de l’autre, Saussure les invente en exploitant avec méthode « les rapports associatifs », lesquels « font partie de ce trésor intérieur qui constitue la langue chez chaque individu »9. Les deux faces du signe, on le sait, seront baptisées « le signifiant » et « le signifié », termes dorénavant inscrits en voisins dans le même groupe d’association, où ils prendront chacun leur valeur de leur coexistence même. Saussure a très peu publié. Dans ce qu’il a écrit, beaucoup de notes, de brouillons : un dialogue avec lui-même au cours duquel il traquait sa pensée. Mais son génie linguistique lui a fait consigner dans la langue elle-même les mots qui manquaient pour que le langage se laisse apercevoir. De comprendre en effet comment l’individu puise dans « le trésor commun » lui a permis d’y effectuer ses dépôts. En nommant le signifiant et le signifié, Saussure dote la communauté de moyens pour comprendre l’arbitraire du signe, moyens dont les phonologues ont été les premiers bénéficiaires. Saussure a eu pleinement conscience du pouvoir d’élucidation des termes créés. Ainsi, quand après avoir énoncé « les deux vérités fondamentales » :
131. Le signe linguistique est arbitraire
142. Le signe possède une étendue
15il ajoute
- 10 CLG/E, op. cit. p. 147 (cahier Constantin).
Une amélioration peut être apportée à la formule de ces deux vérités en employant les termes de signifiant et de signifié10.
16Aussi, quand Martinet a livré une telle formulation, celle-ci a-t-elle pu apparaître comme la définition canonique de l’arbitraire du signe :
17Avec les mots mis à disposition par Saussure, on pouvait désormais concevoir la langue comme un réseau d’entités bifaciales. C’est sans doute déjà, dans une large mesure, la conception que Bréal en avait. Mais la pensée novatrice du premier sémanticien reste prisonnière du vocabulaire en vigueur dans la deuxième moitié du xixe siècle, vocabulaire avec lequel on parvient mal à parler de la langue autrement que comme d’un organisme vivant, soumis à la causalité naturelle.
18Or, la découverte de la bifacialité du signe, en offrant un tout autre aperçu sur le statut du sens, a amené à reconsidérer l’objet même de la linguistique et ainsi a bouleverser la classification des sciences. La linguistique, devenue générale, sort des sciences naturelles pour se placer au sein des disciplines qui doivent rendre raison de faits qui ne sont pas explicables par un enchaînement inéluctable de cause à effet.
Priver la langue de l’accoutumance où elle se cache
- 12 La Vie des mots, Paris, Champ libre, 1979 [1re éd. 1887].
19C’est avec vigueur que Bréal s’en est pris à un petit livre intitulé la Vie des mots publié par son ancien collègue Arsène Darmesteter12. Le titre complet précise : « la vie des mots étudiée dans leurs significations ». C’est donc bien de leur manière de vivre que dépendra le sort de leur signification. L’ouvrage se compose en effet de trois parties : « comment naissent les mots », « comment les mots vivent entre eux (contagion, concurrence vitale) », « comment meurent les mots ». Le livre s’ouvre sur la phrase suivante :
S’il est une vérité banale aujourd’hui, c’est que les langues sont des organismes vivants dont la vie peut se comparer à celle des organismes du règne végétal ou du règne animal.
20Au fil des pages, on y apprend comment les mots « donnent naissance à d’autres mots » et « créent des familles » (p. 28), comment les mots se livrent à des « luttes » pour « se disputer leur signification » (p. 118). Quant aux « causes de destruction », elles seraient doubles :
1° Tantôt certains mots portent en eux-mêmes des germes de mort.
2° Tantôt certains mots sont écrasés par d’autres qui s’emparent de leur signification, les vident pour ainsi dire et les font mourir par épuisement.
21Premier constat fait par Bréal dans son Essai de sémantique :
L’abus des métaphores, tel a été, tel est encore le péril de nos études. On nous a dit que les mots naissaient, se livraient des combats, se propageaient et mouraient […] Il ne faut pas cesser de protester contre une terminologie qui, entre autres inconvénients, a le tort de nous dispenser de chercher les causes véritables (p. 2).
22Mais comment penser à ces questions avec une langue qui ne sait parler d’elle-même qu’en langage imagé, qui dit communément par exemple que « clou prend un s au pluriel ». Car ce n’est pas seulement la linguistique qui « conforme ses hypothèses sur le modèle de la zoologie », c’est la langue toute entière qui avalise ce modèle. Comment dès lors donner forme à une autre représentation des faits linguistiques ? Voilà pour Bréal la tâche la plus difficile comme la plus nécessaire. Pour renouveler la manière d’aborder l’explication des mécanismes qui président à l’évolution des langues, et en particulier des significations, la première précaution consiste à prendre du recul vis-à-vis des mots à disposition. Il n’y a pas de langue-fille, il n’y a pas de langue-mère. La langue n’est pas davantage une végétation répandue à la surface du globe. Elle n’a pas une vie à elle. Bréal n’a cessé de le répéter : « Le langage est un acte de l’homme : il n’a pas de réalité en dehors de l’activité humaine » (p. 309). Il faut donc sans relâche souligner le statut de métaphore des expressions en vigueur :
Toutes ces expressions sont excellentes à condition d’être prises pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire des images. Il est permis en ce sens de dire que le langage est un organisme. Mais […] c’est là une manière de parler figurée, et il semble que des hommes habitués par métier aux métonymies et aux tropes auraient dû être les derniers à s’y laisser prendre (p. 315).
23Bréal se corrige lui-même, fournissant une traduction limpide du langage imagé :
- 13 C’est nous qui soulignons.
J’ai autrefois proposé d’appeler du nom de contagion un phénomène qui se présente assez souvent, et qui a pour effet de communiquer à un mot le sens de son entourage. Il est bien clair que cette contagion n’est pas autre chose qu’une forme particulière de l’association des idées (p. 205)13
24Mais nous le verrons parfois lâcher prise aux moments les plus cruciaux de son travail ; par exemple, alors qu’il met en œuvre sa « loi de répartition » pour écrire l’« histoire des mots » et indique qu’« un mot est amené à restreindre de plus en plus sa signification parce qu’il a un collègue qui étend la sienne », le voilà dérapant à nouveau dans les pièges tendus par la langue à laquelle il s’en remet pour penser :
C’est également l’histoire de sevrer, que séparer a dépossédé presque entièrement. Cette sorte de lutte, ou comme on l’appelle en langage darwinien, de concurrence vitale, est particulièrement frappante quand les deux concurrents sont, comme dans le dernier exemple, des enfants de même souche (p. 283).
25Même glissement lorsque, après avoir souligné qu’un mot pris dans une locution n’est plus qu’une « partie intégrante d’un ensemble », et de ce fait « perd son individualité et se désintéresse de ce qui arrive au dehors », il conclut ses considérations sur le destin particulier de ces éléments qui échappent aux changements de la langue, en tentant un distinguo assez douteux :
- 14 C’est nous qui soulignons.
Ce n’est sans doute point par un don spécial de longévité qu’ils ont survécu à leurs congénères : c’est grâce aux locutions où ils étaient comme embaumés (p. 297)14.
26Le propos de Bréal n’est pas encore quitte des images organicistes qui imprègnent si complètement les mots les plus habituels pour parler de la langue. Tant il est vrai qu’une pensée neuve doit d’abord parvenir à se dégager de tout ce que la langue — sur laquelle elle doit nécessairement prendre appui — retient fatalement des pensées antérieures. Tout comme ceux de Saussure, les efforts de Bréal dans ce domaine n’en sont pas moins une parfaite illustration des postulats novateurs qu’il énonce audacieusement par ailleurs tout au long de son livre :
- 15 C’est nous qui soulignons.
Le peuple […] est tout à la fois le dépositaire et le fabricant du langage (p. 27). Le langage a sa résidence et son siège dans notre intelligence. […] S’il nous a précédés, s’il nous survit, c’est qu’il existe dans l’intelligence de nos concitoyens comme dans la nôtre, c’est qu’il a existé avant nous chez nos parents, et à notre tour nous le transmettons à nos enfants. Il est fait du consentement de beaucoup d’intelligences, de l’accord de beaucoup de volontés, les unes présentes et agissantes, les autres depuis longtemps évanouies et disparues (p. 314). Nous sommes tous, et à tous les moments du jour, les inventeurs du langage (p. 328). Le langage est une œuvre en collaboration (p. 140)15.
Cette algèbre particulière qui nous sert à communiquer nos pensées
- 16 Prieto radicalisera l’opposition en utilisant, face au terme transformation, le terme substitutio (...)
27La tentative la plus simple faite par Bréal pour se dégager des conceptions antérieures a été, on l’a vu, de faire ressortir le plus possible la dimension métaphorique des expressions usitées et ainsi de mettre la langue, et en particulier celle qu’utilisent les linguistes de son temps, en doute. Une fois cette distance prise, il peut revenir à son propre « trésor intérieur » : solliciter la langue en tant qu’instrument adéquat au déploiement de nouvelles idées, recourir « à cette algèbre particulière qui nous sert à communiquer nos pensées » (p. 329). « Pour qui sait l’interroger, le langage est plein de leçons, puisque depuis tant de siècles l’humanité y dépose les acquisitions de sa vie matérielle et morale », nous dit-il dès la page 1 de la Sémantique. Le français, par exemple, permet de distinguer les métamorphoses des transformations. Voilà une opposition disponible, utilisable pour faire le départ entre des phénomènes attribués à la causalité naturelle et des phénomènes imputables à une causalité d’un autre type16. Ainsi peut-on lire à la page 311 que les
métamorphoses des divers idiomes d’une même famille ont l’air de se mouvoir sous l’influence d’un seul et même principe. Mais ce ne sont pas là […] des lois inhérentes au langage : ce sont les lois de notre esprit, qui se manifestent dans les transformations de la parole.
- 17 La comparaison n’est établie que dans certaines limites, puisque Bréal n’a cesse de le souligner : (...)
28La sollicitation la plus forte à laquelle Bréal soumet la langue concerne sans doute le mot loi, dont il fait miroiter les facettes jusqu’à ce qu’il en trouve la valeur adéquate. Il réussit à faire sortir de la valeur de ce mot ce qui en faisait le plus souvent un équivalent du mot « règle », « règle invariable » par un autre travail, cette fois sur « les rapports syntagmatiques ». Il extrait le mot loi des syntagmes alors les plus courants (« loi naturelle », « loi nécessaire ») pour lui conférer une valeur proche de l’expression « tendance qui se dégage à l’observation des faits humains ». Les lois qu’il énonce n’ont ainsi rien à voir avec « les lois aveugles des phonéticiens », qu’il stigmatise par ce terme ; elles seraient plutôt comparables aux lois édictées par le législateur17 ; ce sont des « lois intellectuelles », les « lois de notre esprit ».
- 18 Rappelons-le : avant que la linguistique ne prenne en charge l’étude des significations — tâche do (...)
29La question récurrente, celle qui traverse l’Essai de sémantique, est formulée à la page 315 dans les termes suivants : « Est-il vrai, comme cela est dit et répété, que le langage soit régi par des lois nécessaires et aveugles ? ». Bréal souligne que, pour soutenir une telle affirmation, il faut s’intéresser exclusivement à la partie la plus matérielle du langage (comme le font les phonéticiens). Au contraire, dès qu’il est question de sens, « la contre-vérité apparaît trop clairement ». C’est à la rhétorique que Bréal demande une fois de plus d’étayer son propos ; ce sera encore une occasion pour lui de miser sur la pertinence d’une discrimination inscrite dans des signes de la langue afin d’opposer, face à une causalité régie par la nécessité, un autre mode d’explication18.
- 19 C’est nous qui soulignons.
Aucune nécessité n’exigeait par exemple […] que le mot bureau, qui désignait d’abord une sorte de bure ou étoffe de laine, signifiât successivement le tapis qui couvre une table à écrire, puis la table elle-même, puis la pièce où cette table est placée, et finalement les personnes qui se tiennent dans cette pièce ou à cette table. Si chacun de ces changements a sa raison d’être, aucun certes n’était obligé (p. 316)19.
30Bréal a sans doute été le premier à parler explicitement des mots de la langue comme de « constructions intellectuelles » et, entendant par « mots » sons et signification ensemble, le premier à les traiter comme des « concepts de l’esprit ». Aussi doit-on considérer sa démarche comme le coup d’envoi de la découverte de la bifacialité et de son corollaire, l’arbitraire du signe.
Généralisation de la notion de bifacialité : La sémioticité de toute connaissance
- 20 Prieto, Luis J., Pertinence et Pratique, Paris, Minuit, 1975.
31A l’origine de l’important travail laissé par L. Prieto se trouve la réflexion du linguiste formé à l’école des phonologues de Prague. Nous allons essayer de montrer la double marque que l’impact des Principes de phonologie a laissée sur l’œuvre de Prieto. Ici, un rigorisme qui a abouti à calquer le modèle proposé par l’analyse phonologique pour le plan de l’expression sur l’analyse du contenu : c’est l’échec des Principes de noologie. Là, une assurance qui a donné essor à la mise en place d’un cadre épistémologique permettant de décrire en terme de bifacialité — c’est-à-dire de pertinence — les relations entre l’homme et l’instrument : pourquoi l’homme se dote-t-il d’un tel outillage, à quelles fins s’en sert-il, et, partant, comment construit-il, face à la réalité naturelle, une réalité culturelle et historique (i.e. « arbitraire »). Cette épistémologie des sciences humaines, exposée notamment dans Pertinence et pratique20, se soutient en effet d’un impressionnant déploiement de la notion de bifacialité.
32La phonologie a permis de comprendre que l’identité sous laquelle les sujets parlants connaissent les sons de la parole n’est pas imposée par les sons eux-mêmes mais s’expliquent par le rôle qu’ils jouent dans la communication. Prieto étend la validité de ce principe à toute connaissance, à toute identification d’objet : l’identité sous laquelle un sujet connaît un objet matériel, résultant nécessairement d’une pratique, admet une explicitation analogue à celle que la phonologie a proposé pour l’identification des sons du langage.
- 21 Pour les pratiques matérielles, la mise en relation des deux ordres de faits peut également consi (...)
33Toute pratique suppose la mise en relation de deux ordres de faits, les uns jouant le rôle de buts poursuivis, les autres de moyens pour atteindre ces buts. Quand un sujet fait intervenir un objet dans une pratique, il le considère soit en tant que but, soit en tant que moyen21. Pour la pratique que constitue l’interprétation d’indices, l’univers des buts sera dit univers de « l’indiqué », l’univers des moyens sera dit univers de « l’indiquant ». Pour la pratique que constitue la communication, les deux univers s’intituleront respectivement « signifiant » et « signifié ». Ainsi, pour Prieto,
la langue est la connaissance des sons et des sens que le sujet parlant construit en tenant compte du rapport de moyens à buts dans lequel les uns se trouvent à l’égard des autres.
- 22 Pour un exposé moins rapide de ces questions arides, voir M-C. Capt-Artaud, « Qu’est-ce que la re (...)
34Identifier un objet requiert l’identification d’au moins quatre termes. Quand il est amené à le considérer comme moyen, le sujet reconnaît l’objet à la fois comme équivalent et comme opposé à d’autres moyens. Amené à le considérer comme but, le sujet établit pareillement des rapports d’équivalence et d’opposition entre les objets composant l’univers des buts, qu’il met en regard des objets composant l’univers des moyens. Toute construction cognitive suppose cette mise en rapport de deux univers, chacun d’eux — constitué par des rapports d’opposition qui font système — fournissant sa pertinence à l’autre. Prieto appelle « structure sémiotique » l’ensemble formé par les deux systèmes : l’organisation de l’un ne s’expliquant qu’en référence à l’organisation de l’autre. Ainsi la connaissance de la langue se fonde-t-elle sur la structure sémiotique que constitue la corrélation de deux systèmes d’oppositions : les phonies et les signifiés correspondants22.
35Expliquer la pertinence des caractéristiques reconnues aux objets à partir de la langue prise comme modèle conduit Prieto à envisager la sémiologie comme « l’étude des connaissances de la réalité matérielle qui font sens pour le sujet ». La sémiologie est alors définie comme « théorie de la raison d’être de la connaissance ». Elle a pour tâche de dégager les structures sémiotiques avec lesquelles opère le sujet. Toute connaissance est structurante : en découvrir la sémioticité revient à expliciter la pertinence sur laquelle elle se fonde.
36Saussure a découvert que toutes les activités de l’homme peuvent être envisagées comme des « systèmes de signification », avait déjà précisé Lévi-Strauss, après avoir écouté Jacobson. Prieto, lui, a établi « la sémioticité de toute connaissance ».
Le même principe que la phonologie applique à l’étude des sons
37Dans ses Principes de noologie, Prieto prétend proposer une analyse du signifié qui fasse pendant pour le contenu à ce que la phonologie constitue pour l’expression : « aétudier le sens en appliquant le même principe que la phonologie applique à l’étude des sons » (p. 24). Le premier fourvoiement de cette entreprise est dû à une interprétation de la distinction langue / parole calquée sur la façon dont ce concept saussurien a été utilisé par Troubetskoï. Prieto a imaginé que le rapport qui relie le son, objet concret, au phonème, entité abstraite, est le même que celui qui permet de passer du sens au signifié. Il entend ainsi une des définitions que Saussure a donné de la langue : « La langue est un principe de classement », exactement de la même façon en ce qui concerne les sons et les sens. Toutes les entités linguistiques reçoivent le même traitement, comme nous nous en persuadons dès le premier paragraphe de l’Introduction du livre :
Ces entités, phrases, mots, phonèmes, etc., en effet, ne sont pas des FAITS CONCRETS, mais des CLASSES DE FAITS CONCRETS, c’est-à-dire des entités abstraites. Pour se servir d’une langue, le sujet parlant doit classer les faits concrets d’après les systèmes de classement que forment les entités composant cette langue (Les majuscules sont de Prieto).
38La tâche du linguiste serait alors de « mettre en lumière le principe de classement des faits concrets qui détermine l’existence des entités linguistiques ».
- 23 Que le lecteur nous accorde la faveur de ne pas présenter ici cette notion autrement qu’en la met (...)
39Par ailleurs, Prieto fait la même option que Buyssens : il prend le sens de l’acte de parole comme unité. Il suppose donc une équivalence parfaite entre la phonie, réalisation concrète d’une entité linguistique abstraite (« le signifiant », classe de phonies) et le sens d’un acte de parole, objet concret, réalisation d’une entité linguistique abstraite (« le signifié de l’énoncé », considéré dès lors comme une classe de sens). La démarche est ainsi d’emblée doublement faussée, comme nous allons le voir en commentant l’illustration de la notion de noème23. Nous reproduisons ci-après la page où figure cette illustration :
40Prieto semble ici considérer la langue comme une combinatoire de traits, dissociables ou non, en fonction de l’arbitraire linguistique qui la régit. Cette combinatoire permettrait au locuteur d’ajuster, selon les besoins du moment, la quantité d’informations fournies par l’énoncé utilisé, en tenant compte de l’apport des circonstances à l’établissement du sens. Cette conception de l’ajustement du signal linguistique repose sur une hypothèse logicienne qui formule la relation entre le sens du propos tenu et le signifié de l’énoncé en termes de passage de l’abstrait au concret. Aussi Prieto envisage-t-il l’identification linguistique du sens par l’énoncé, relativement à l’identité extra-linguistique de « ce que l’on va comprendre », comme un simple rapport entre un objet concret et la classe qui le détermine. C’est pourquoi il raisonne ici, en fait, sur les différentes manières d’identifier « un message concreta » en le rapportant à différentes classes en rapport d’inclusion qui admettraient également ce dernier comme membre.
Un réseau infiniment relié
41Nous ne pouvons pas nous laisser convaincre par cette analyse fondée sur la logique des classes, d’autant que celle-ci ne laisse aucune place au « mécanisme de la languea » tel que Saussure a commencé à le décrire en termes de « rapprochements associatifs et syntagmatiques » : « c’est cet ensemble de rapports qui préside au fonctionnement de la langue », a-t-il expliqué. Le chapitre 6 du CLG intitulé précisément « Mécanisme de la langue » (avec le chapitre 5, l’un des plus parfaitement fidèles à l’enseignement de Saussure) insiste d’entrée sur « les solidarités syntagmatiques » :
La première chose qui nous frappe dans cette organisation, ce sont les solidarités syntagmatiques : presque toutes les unités de la langue dépendent soit de ce qui les entoure sur la chaîne parlée, soit des parties successives dont elles se composent elles-mêmes.
42Examinons à nouveau les petites phrases proposées par Prieto. Certes, ce corpus est très succinct, et surtout il a été échantillonné dans le but précis de faire contraster les différentes formulations possibles « du même message » : mon livre, le mien, le livre. Nous sommes ainsi rendus attentifs au seul point du syntagme où apparaissent les variantes. Or, même sur un matériau aussi restreint, tout francophone sera sensible au fait que ce qui varie le plus dans ces différents énoncés est bel et bien la valeur du mot donnez. En effet, l’insertion de ce terme dans l’une ou l’autre des configurations syntagmatiques envisagées ci-dessus n’inscrira pas le mot donnez dans les mêmes listes associatives. Le simple fait que les énoncés donnez-moi mon livre et donnez-moi le mien indiquent que le possesseur du livre est l’émetteur invitera à construire des rapports d’équivalence entre donner, restituer, rendre, ou passer par exemple (« rendez-le moi », « passez-le moi ») et non entre donner et offrir ou entre donner et prêter. En revanche, le fait que les énoncés donnez-moi le livre et donnez-le moi n’indiquent pas de lien entre l’émetteur et le complément d’objet, les rend compatibles avec la valeur que prend donner quand il est l’équivalent d’offrir ou de prêter. En outre, pour ces deux énoncés, le mot donner devient un possible équivalent de lexèmes très différents : « confiez-le moi », « laissez-le moi », « cédez-le moi », « attribuez-le moi », voire « vendez-le moi »…
43D’autre part, on ne peut réduire le rôle des circonstances à un simple apport d’informations dont le signal linguistique peut faire l’économie. En effet, comme l’a déjà indiqué Bréal :
Le mot arrive préparé par ce qui le précède et ce qui l’entoure, commenté par le temps et le lieu, déterminé par les personnages qui sont en scène […] Cet ensemble de circonstances, comme la clé en musique, fixe la valeur des signes (p. 287).
44Même sur de toutes petites phrases du type de celles que Prieto a examinées, les circonstances jouent à plein sur la valeur des signes. De dire chez le boucher par exemple : « Donnez m’en deux ! » (des côtelettes) signifiera aussi bien « Vendez-m’en deux ! », alors que les mêmes mots prononcés à table voudront dire « Attribuez-m’en deux ! ». Les deux valeurs du vocable « Donnez ! » restent par ailleurs comparables, du simple fait que ces petites phrases pourraient l’une comme l’autre être remplacées par une troisième : « Servez-m’en deux ! »
- 24 Tous les lecteurs du Cours ont en mémoire l’exemple venu à Saussure pour illustrer la notion de val (...)
45Prieto pensait qu’il pourrait isoler les traits pertinents de la substance du contenu en transposant la commutation utilisée par les phonologues : le rapprochement de signifiés ne présentant de différence qu’en un point donné de l’énoncé figurerait dans sa noologie le pendant de ce que les « paires minimales », rapprochement de phonies, ont représenté pour l’analyse phonologique. Le résultat de ces confrontations n’est pas probant. Or on disposait, pour l’analyse de la structuration du plan du contenu, d’un tout autre modèle que celui de la récente analyse du plan de l’expression, un modèle que Saussure, dans le sillage de Bréal, avait déjà retenu pour définir la valeur, à savoir le travail des synonymistes et la notion d’opposition qui en résulte24.
- 25 Valéry, Paul, op. cit., p. 1455.
46Le signifié d’une langue naturelle ne se laisse pas décrire en termes de combinatoire de traits dissociables ou non. La logique des classes n’est pas un modèle suffisant du « principe de classement » qu’est la langue. Les précisions que Saussure a données sur la notion de valeur, sur les rapports associatifs et les rapports syntagmatiques, laissent voir le plan du signifié comme « un incalculable réseau » de signes « infiniment reliés », pour reprendre encore les mots de Valéry25.
- 26 Voir en particulier « Caractéristique et Dimension », in Cahiers Ferdinand de Saussure n° 42, Genèv (...)
- 27 Prieto, Luis, Messages et Signaux, Paris, P.U.F, 1966.
47Notre présentation de la noologie va néanmoins quitter le terrain de la critique pour souligner que, derrière les analyses de langue que nous venons de contester, se trouvent de puissantes hypothèses concernant la caractérisation des objets, hypothèses qui seront reprises et développées plus tard26. Il en est de même pour un petit livre qui paraît peu après les Principes de noologie, intitulé Messages et Signaux27, et qui recèle, sous l’apparence modeste de son propos, une pensée forte. Le rapport entre l’homme et le signal, replacé dans le cadre plus large du rapport entre l’homme et l’instrument, conduit à une théorie de la connotation qui donne à cette sémiologie son ampleur anthropologique.
A titre de conclusion
- 28 Voir Wilhelm von Humboldt, Introduction à l’œuvre sur le Kavi et autres essais, traduction et intro (...)
48Il semble certain que Saussure ait lu Humboldt et ait subi l’influence de ces vigoureux écrits sur le langage. Bréal, premier titulaire de la première chaire de grammaire comparée en France, et traducteur de Bopp, se doit de référer ici ou là à l’œuvre linguistique de Humboldt. En effet, des travaux comme l’Introduction à l’œuvre sur le Kavi28 marquent probablement l’avènement d’une discipline qui va se développer d’abord en Allemagne au cours de la première moitié du xixe siècle, pour n’être que plus tardivement instituée en France, la linguistique. Cette discipline va être l’occasion d’une profonde réflexion d’ordre épistémologique autour de découvertes cardinales : la langue, ensemble de signes, est une création humaine ; le signe, entité bifaciale, est arbitraire. Nous avons vu en quoi les grands penseurs auxquels nous venons de nous attacher ont fait avancer la compréhension du phénomène linguistique autour d’un problème qu’ils ont soulevé, et qui reste ouvert : comment rendre raison de l’évolution d’un ensemble d’entités psychiques ancrées dans une communauté. Cette problématique, née d’une réflexion sur la langue, les a ainsi conduits à une méditation plus générale sur le fait humain. Le linguiste qui s’est le plus résolument avancé sur ce terrain est sans doute, à la suite de Bréal et de Saussure, Luis Prieto. Prieto ne s’est jamais intéressé à Humboldt. Aussi est-il frappant de rapprocher des fragments de textes qui interrogent l’un comme l’autre la part de la causalité naturelle dans le pouvoir de création de l’homme.
49L’un est écrit par Prieto au terme d’une réflexion sémiologique qui vise à montrer que, par l’intermédiaire des instruments dont il se dote, l’homme, n’étant plus réduit à son destin biologique, peut agir sur la causalité naturelle et, partant, créer, à côté de la réalité naturelle, une réalité historique. C’est la « capacité de décision dont est doué l’être humain » qui lui permet de « devenir ainsi le créateur de l’histoire ».
Notes
1 Bréal Michel, Essai de sémantique, reprint de Gérard Monfort, Brionne, 1982 [1re édition, Paris, Hachette, 1897].
2 Sur ce point, voir M-C. Capt-Artaud, « Redouter, craindre, avoir peur… ou la plus belle pièce de l’héritage rhétorique » Cahiers Ferdinand de Saussure 47, Droz, 1997.
3 Troubetzkoï, Nicolaï, Principes de Phonologie, Paris, Librairie Klincksieck, 1949.
4 Prieto, Luis J., Principes de noologie, La Haye, Mouton, 1964. Soulignons que la sémantique conçue par Bréal s’érige face à la phonétique et reste apparentée à la rhétorique. Or, si la phonétique s’est constituée sous l’angle historique, la rhétorique, elle, a d’emblée fait le départ entre figure « vive » et figure « morte ». De plus, Bréal, en démarquant toujours nettement son propos de l’approche étymologique, met bien en évidence le point de vue du sujet parlant qui « ne connaît que la signification du jour ». La noologie, étude synchronique, se place ostensiblement du côté des nouvelles disciplines conscientes du double point de vue synchronique et diachronique (sémiologie, phonologie). Mais elle souffrira d’ignorer les enseignements de la rhétorique (et de la stylistique), qui rendent attentif à la notion synchronique par excellence : la notion de « valeur ».
5 Valéry, Paul, compte rendu de l’Essai de sémantique de Michel Bréal, paru dans le Mercure de France en janvier 1898, texte reproduit dans Œuvres II, Bibliothèque de la Pléiade, 1960, p. 1449.
6 F. de Saussure, Cours de linguistique générale, ed. Rudolf Engler, Wiesbaden, Otto Harrassowitz, tome I, 1968, (= CLG/E), cahier Constantin (variante in Dégallier : « ces deux termes sont également dans le sujet […] concentrés au même lieu psychique par l’association ») p. 148-149.
7 CLG/E, op. cit., tome II, 1974 (3342.4). C’est nous qui soulignons.
8 Valéry, Paul, op. cit., p. 1453.
9 Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, Paris, Payot, 1916, p. 171. Sur les rapports associatifs, on peut se rapporter à tout le chapitre 5 (et en particulier p. 173 à 175).
10 CLG/E, op. cit. p. 147 (cahier Constantin).
11 Martinet André, « Arbitraire linguistique et double articulation », in Cahiers Ferdinand de Saussure, n° 15, Genève, Droz, 1957 [reproduit dans la Linguistique synchronique, Paris, P.U.F., 1965].
12 La Vie des mots, Paris, Champ libre, 1979 [1re éd. 1887].
13 C’est nous qui soulignons.
14 C’est nous qui soulignons.
15 C’est nous qui soulignons.
16 Prieto radicalisera l’opposition en utilisant, face au terme transformation, le terme substitution qu’il a repris à Saussure.
17 La comparaison n’est établie que dans certaines limites, puisque Bréal n’a cesse de le souligner : « nous sommes tous, et à tous les moments du jour, les inventeurs du langage ». C’est dans le même esprit que Saussure a commenté la formule de Whitney : « la langue est une institution ». En en convenant, Saussure s’est empressé d’ajouter : « une institution qui ne ressemble à aucune autre ».
18 Rappelons-le : avant que la linguistique ne prenne en charge l’étude des significations — tâche dont la Sémantique de Bréal constitue le fait inaugural — cette partie de l’étude du langage était, depuis l’Antiquité, réservée à la rhétorique.
19 C’est nous qui soulignons.
20 Prieto, Luis J., Pertinence et Pratique, Paris, Minuit, 1975.
21 Pour les pratiques matérielles, la mise en relation des deux ordres de faits peut également consister à établir les caractéristiques que doivent présenter des objets identifiables comme causes au regard d’objets déterminés comme effets.
22 Pour un exposé moins rapide de ces questions arides, voir M-C. Capt-Artaud, « Qu’est-ce que la relation de signification ? », Semiotica, 122-3/4, Berlin, Mouton de Gruyter, 1998.
23 Que le lecteur nous accorde la faveur de ne pas présenter ici cette notion autrement qu’en la mettant en regard de la notion de phonème : « Les entités que j’ai appelé « noèmes », qui composent les signifiés des énoncés, et les phonèmes, qui composent leurs signifiants, sont des entités foncièrement analogues », lit-on à plusieurs reprises dans l’exposé de la noologie. Pour ceux qui souhaitent se reporter à une définition circonstanciée, voir en particulier « La notion de Noème », communication présentée au IXe Congrès International des Linguistes, Cambridge Mass. 1962, reproduit dans Etudes de linguistique et de sémiologie générales, Genève, Droz, 1975, p. 63-72.
24 Tous les lecteurs du Cours ont en mémoire l’exemple venu à Saussure pour illustrer la notion de valeur : « des synonymes comme redouter, craindre, avoir peur n’ont de valeur propre que par leur opposition ; si redouter n’existait pas, tout son contenu irait à ses concurrents » (CLG, p. 167). Une variante dit, plus précisément : « si redouter venait à disparaître ». En effet, ce modèle-ci admet le double point de vue synchronique et diachronique, comme l’indique déjà « la loi de répartition » dégagée par Bréal.
25 Valéry, Paul, op. cit., p. 1455.
26 Voir en particulier « Caractéristique et Dimension », in Cahiers Ferdinand de Saussure n° 42, Genève, Droz, 1988, texte fondateur de ce que les Saussuriens pourraient entendre par « syntaxe ».
27 Prieto, Luis, Messages et Signaux, Paris, P.U.F, 1966.
28 Voir Wilhelm von Humboldt, Introduction à l’œuvre sur le Kavi et autres essais, traduction et introduction de Pierre Caussat, Paris, Seuil, 1974 [1re parution de ce texte en allemand, Berlin, 1836].
Haut de pageTable des illustrations
![]() |
|
---|---|
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ml/docannexe/image/1440/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 107k |
Pour citer cet article
Référence papier
Marie-Claude Capt-Artaud, « 4. Bréal, Saussure, Prieto », Modèles linguistiques, 41 | 2000, 38-52.
Référence électronique
Marie-Claude Capt-Artaud, « 4. Bréal, Saussure, Prieto », Modèles linguistiques [En ligne], 41 | 2000, mis en ligne le 01 juin 2017, consulté le 17 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ml/1440 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ml.1440
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page