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Comment penser l’informalité dans les villes « du Nord », à partir des théories urbaines « du Sud » ?

Thinking informality in Northern cities from urban Southern theories
Sébastien Jacquot et Marie Morelle

Résumés

Depuis la seconde moitié des années 2000, plusieurs auteurs anglophones discutent de la place des villes du Sud au sein des études urbaines, souhaitant rompre avec une approche jugée normative. Il s’ensuit la constitution d’un réseau avec des publications collectives à l’appui, pensé comme la pierre d’angle d’un travail de déstabilisation des paradigmes issus « du Nord » et d’une nouvelle problématisation des théories urbaines, depuis des approches provenant des Suds. La notion d’informalité urbaine devient pour certains un élément central de leur réflexion et de cette déstabilisation. Prenant acte de ce renouveau, nous proposons à notre tour de discuter de cette partition entre le « Nord » et le « Sud » dans les études urbaines et en aménagement à partir de cette notion. Cette dernière étant largement construite à partir de l’étude des villes du Sud, quelle peut être la portée de l’informalité pour comprendre des situations urbaines dans les villes du Nord ? Opérant un glissement de l’informalité économique vers l’informalité politique, nous proposons d’analyser les reconfigurations de l’action publique en ville, en dépassant la partition Nord-Sud souvent structurante des études urbaines. Nous prêtons attention à la diversité des registres de l’action publique, conduisant à tolérer voire à organiser des activités économiques informelles exercées à des fins de subsistance.
Nous prenons appui sur des recherches conduites dans plusieurs contextes urbains (migrants et commerce ambulant dans la ville de Gênes, activités économiques informelles en Seine-Saint-Denis, en particulier la « mécanique de rue ») croisées avec une lecture critique de l’état de l’art.

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Texte intégral

Introduction

1Depuis la seconde moitié des années 2000, plusieurs auteurs anglophones discutent de la place des villes du Sud au sein des études urbaines. J. Robinson plaide pour un changement de regard sur les villes des pays en développement, qu’elle estime reléguées hors du champ d’une certaine « modernité urbaine », incarnée par les seules villes du Nord aux yeux des experts et de nombreux chercheurs en sciences sociales (Robinson, 2006). Durant ces mêmes années, A. Roy souhaite rompre avec une approche jugée normative de la planification dans les villes du Sud. Selon elle, l’augmentation des analyses menées depuis ces dernières doit permettre de « provincialiser » les villes du Nord, en écho au courant des Subaltern Studies, et de créer un sursaut heuristique au bénéfice de la théorisation de la ville et de l’aménagement (Roy, 2009a, 2011b). Il s’agirait de reconnaître la possibilité de conduire une réflexion théorique au sein des études urbaines depuis le Sud, notamment de dépasser l’opposition entre villes « globales », situées au Nord, érigées en modèles de la théorie urbaine, et mégacities en crise, localisées au Sud (Roy, 2011b).

  • 1 En réponse à l’appel du colloque « Champ libre ? L’aménagement et l’urbanisme à l’épreuve des cadre (...)

2Plus récemment, A. Roy insiste sur la diversité des régimes d’historicité dans lesquels s’inscrivent les dynamiques d’urbanisation, aussi mondialisées soient-elles, afin d’en finir avec une lecture théorique universalisante de la ville (Ong, 2011 ; Roy, 2016). C’est dans ce contexte scientifique que se situe notre réflexion, accompagnant un questionnement sur les cadres théoriques contemporains de l’aménagement et de l’urbanisme1.

3La notion d’informalité urbaine devient pour certains auteurs (Roy, AlSayyad, 2004 ; Yiftachel, 2009) un élément central de la réflexion et de cette déstabilisation d’une telle théorie universalisante. Prenant acte de ce renouveau dans les recherches sur les villes du Sud, nous articulerons notre réflexion à la notion d’informalité et la pluralité de ses significations : informalité économique, urbaine ou encore politique. Inventée pour analyser les dynamiques économiques des pays en développement, la notion d’informalité continue de structurer les études conduites dans les villes du Sud. Inversement, l’informalité peut sembler résiduelle ou transitoire au Nord. Toutefois, dans des contextes urbains post-industriels, elle tend à devenir centrale dans certains travaux. Dans cette perspective, en utilisant la notion d’informalité pour comprendre des situations urbaines au Nord, nous souhaitons réfléchir à la possibilité de transcender la division Nord-Sud dans les études urbaines.

4Dans un premier temps, nous discuterons de la séparation des études urbaines en deux ensembles géographiques (le Nord et le Sud) et de la pertinence de réfléchir aux dynamiques urbaines au Nord à partir de la notion d’informalité, généralement appréhendée au Sud.

  • 2 Notion développée dans le cadre du programme Inverses (Programme Emergences, Mairie de Paris 2010-2 (...)

5Dans un second temps, nous réfléchirons aux régulations politiques et à la position des pouvoirs publics à l’égard de l’informalité économique. Notre analyse prendra pour objet l’étude des arrangements avec la règle de droit pour l’accès à diverses activités urbaines (commerces et services à titre principal, logement à titre secondaire), et les éventuelles tolérances auxquelles ces transgressions conduisent, relevant de l’informalité politique2. Nous mettrons l’accent sur les configurations de pouvoirs, étudiées au prisme de l’informalité, à l’articulation de régulations locales et mondiales. Cela nous conduit à reconsidérer des modalités de la théorisation urbaine distinguant villes du Nord et du Sud.

6Cet article a donc pour objectif de revenir sur la dimension située des écrits sur l’urbain, partant de l’apport d’une discussion de la notion d’informalité politique, du Sud vers le Nord, dans la compréhension du fait urbain (Scott et Storper, 2015 : 12). Il s’appuie sur une lecture critique croisant champ anglophone (urban planning), champ francophone (aménagement) et travaux ancrés dans plusieurs aires culturelles. Il constitue une démarche réflexive pour deux chercheurs ayant travaillé sur des terrains principalement au Sud (M. Morelle) et au Nord (S. Jacquot), et s’appuie sur des recherches (dont certaines sont exploratoires) conduites dans plusieurs contextes urbains (migrants et commerce ambulant dans la ville de Gênes, activités économiques informelles en région Ile-de-France).

1. Les études urbaines au Nord à l’épreuve de l’informalité

7Cette première partie a pour objectif de relativiser la séparation entre villes au Nord et au Sud opérée dans les études urbaines, en appliquant au Nord la notion d’informalité, inventée à partir des espaces urbains au Sud.

1.1. Des études urbaines en tension entre Nord et Sud

  • 3 Nous reprenons dans cet article le terme « théorie », associé au Nord et au Sud, dans une volonté d (...)

8En 2015, un numéro collectif paru dans la revue Urban Studies fait état de la mise sur pied d’un réseau de recherches sur les villes du Sud, par les chercheurs du Sud (plus précisément du « Global South ») (Sheppard et al., 2015). Ce projet, où l’on retrouve notamment A. Roy, vise la déconstruction d’un regard à prétention universalisante, construit en Europe de l’Ouest ou en Amérique du Nord, porté sur les dynamiques urbaines au Sud. Il annonce le déploiement de nouvelles recherches au service d’un autre discours scientifique sur ces villes. Ce réseau deviendrait la pierre d’angle d’un travail de déstabilisation d’une théorie « du Nord »3 (p. 1954), d’une nouvelle problématisation des thèses d’une théorie urbaine jusqu’ici occidentalo-centrée (p. 1956), mais tendant à se limiter cette fois-ci au Sud.

9Dans quelle mesure, au prétexte de s’émanciper d’une pensée urbaine critiquée comme faussement universaliste, ce programme ne conduit-il pas à réifier une différence entre villes du Nord et villes du Sud ? Au motif de récuser une vision occidentale, misérabiliste ou exotique de la ville du Sud, énoncée sous l’angle de ses « dysfonctionnements », ne court-on pas le risque, malgré tout, de reconduire des lectures stéréotypées en continuant à scinder l’étude de l’urbain en plusieurs aires, réparties un peu hâtivement entre le Nord et le Sud (et de ne pas problématiser les circulations et les transferts de modèles entre villes du Nord et Sud, voir les analyses à ce sujet de Gervais-Lambony, Landy, 2007 ; Roy et Ong, 2011 ; McFarlane, 2011) ? C’est là l’une des critiques classiques adressées aux postcolonial studies (Smouts, 2007). Nous nous interrogeons alors sur la transformation d’un projet de départ qui en appelait à davantage de travaux au Sud sans renoncer à une analyse critique commune.

  • 4 A cet égard, on peut citer le travail de R. Bromley (2003) sur la construction d’un discours sur l’ (...)
  • 5 M. Santos (1975), dans sa Préface à L’espace partagé, affirmait ainsi d’emblée : « j’appartiens au (...)

10A. Roy et ses co-auteurs n’ignorent pas les difficultés et les ambivalences inhérentes à leur démarche : ils remarquent par exemple le risque de faire de leur réseau un espace sélectif, en lien avec la difficulté à obtenir des financements, d’une part, et le nécessaire usage de la langue anglaise, d’autre part4. A cet égard, on ajoutera à leurs remarques que l’univers des sciences sociales n’est pas soumis aux mêmes agendas ni aux mêmes censures selon que l’on se situe dans un régime autoritaire ou démocratique. Pour certains, il peut être ardu de mentionner les jeux clientélistes, les rentes de corruption ou la dimension répressive des évictions concernant les occupations informelles (Iyébi Mandjek, 2013). De fait, bien des villes du Sud semblent exclues des diverses publications en cours, où l’essentiel des « villes mondiales du « Global South » - « Global South » qu’il resterait à définir - se résume souvent à Rio de Janeiro, Johannesburg et Mumbai, bien que l’on puisse noter une inflexion relative de cette position par un appel récent à l’étude des villes africaines… depuis Johannesburg et Le Cap (Parnell, Peters, 2016). En outre, dans une optique bourdieusienne, dans quelle mesure la multiplication d’articles sur l’importance de penser l’urbain depuis le Sud n’est-elle pas à interpréter comme la constitution d’un champ autonome au sein des études urbaines, dans un contexte de concurrence accrue pour les ressources en sciences sociales et humaines, constitution relevant autant de contraintes académiques (et financières) que de courants théoriques ? Quoi qu’il en soit, ce collectif d’auteurs semble se référer pour l’essentiel à la problématique de la représentativité des villes et des chercheurs du Sud au sein des études urbaines. Néanmoins, cet enjeu n’est pas nouveau : il a déjà été soulevé par de nombreux chercheurs, y compris issus d’universités hors des mondes ouest-européens et nord-américains, pour revendiquer la construction locale d’un savoir localisé (Mora-Osejo, Fals Borda, 2004) ou pour appeler à la construction de théories davantage partagées (Fals-Borda, 1990), intégrant les travaux de chercheurs hors des mondes académiques euro-américains, ces démarches constituant le cadre plus général des théories issues du Sud, de J. et J. Comaroff à R. Cornell 5 (Rosa, 2014).

  • 6 Et non plus la ville du Sud en référence à la ville du Nord, comme le critiquait déjà M. Santos dès (...)

11Toutefois, l’enjeu ne concerne pas seulement la sous-représentation des villes du Sud dans les théories urbaines, mais touche également au statut du savoir produit, et à la prétention de construire une théorisation générale, voire universelle. Ainsi, C. Vainer (2014), en même temps qu’il approuve le développement de perspectives décolonisées, estime que toute connaissance est localisée et par conséquent ne peut être universelle. De même, en 2016, A. Roy rappelle que la globalisation des processus n’implique pas une lecture universaliste du fait urbain, répondant aussi à A. Scott et M. Storper (2016). Pour J. Robinson (2014) ou H. Leitner et E. Sheppard (2016), penser la ville depuis le Sud6 doit être une étape permettant de déstabiliser certains des paradigmes conçus au Nord, sans renoncer à plus long terme à une analyse s’émancipant de telles frontières. Si cette position permet de remettre en cause la stricte opposition Nord-Sud, a-t-elle pour effet de rendre impossible une théorie partagée à l’échelle mondiale ? Ainsi, A. Mbembe (2005) avertissait dans un autre contexte qu’« à force de trop insister sur la différence et l’altérité, ces courants ont perdu de vue le poids du semblable sans lequel il est impossible d’imaginer une éthique du prochain encore moins d’envisager la possibilité d’un monde commun, d’une commune humanité ».

12Il existe donc plusieurs enjeux épistémologiques : la place accordée aux chercheurs et aux villes du Sud, mais aussi à la partition dans la théorie urbaine entre villes du Nord et villes du Sud. Cela pose la question du statut du savoir produit, entre singularités urbaines locales, analyse de processus globalisés en ville et portée, universelle ou non, des théories ainsi conçues.

  • 7 Piste mentionnée rapidement dans l’article de positionnement d’Urban Studies (Sheppard et al, 2015)

13Dans l’optique d’une théorie partagée, à défaut d’être forcément universelle, d’autres auteurs (Schindler, 2014b ; Hentschel, 2015 ; Mukhija, Loukaitou-Sideris, 2014) proposent d’opérer un glissement du Sud vers le Nord en discutant au Nord de concepts et d’approches forgés à l’occasion de recherches dans les villes du Sud, afin d’éviter un dualisme théorique7. Cela correspond à notre volonté de mobiliser la notion d’informalité pour comprendre de façon plus large des reconfigurations politiques et économiques en ville.

1.2 La ville théorisée à partir des Suds : la place centrale de la notion d’informalité

14La notion d’informalité reste appliquée majoritairement aux villes du Sud. Née en partie d’analyses économiques, à partir de l’étude des pratiques des populations pauvres, elle revêt une dimension politique, permettant d’étudier par exemple les arrangements avec les agents de l’Etat, jusqu’à devenir une notion utile à l’appréhension de l’action publique et de sa structuration.

15Deux origines sont en général données au terme « informel » (Lautier, 2004). En 1971, un anthropologue anglais, K. Hart, définit le revenu informel comme un complément budgétaire à l’échelle des ménages, face à la stagnation des salaires, l’inflation et les limites de l’accès au crédit. En 1972, le BIT (Bureau International du Travail) caractérise le secteur informel dans le rapport Kenya, le définissant à partir de sept critères permettant d’identifier les unités de production qui en relèvent. Dès lors, on parle d’« économie informelle », de « secteur informel » ou d’« activités informelles », alternativement considérés comme signe d’un « retard » ou comme ressource pour l’avenir des pays du Tiers Monde, éventuellement signe d’un entrepreneuriat en devenir, bloqué par des réglementations dont la transgression entraîne corruption et reproduction des élites (de Soto, 1994 [1986]).

16Au fil des décennies, la notion d’informalité va donner lieu à tout un ensemble de travaux en études urbaines et notamment en géographie sur les villes du Sud, de l’habitat informel au fonctionnement d’activités économiques informelles : par exemple, les filières d’accès au sol et au logement (Durand Lasserve, 1986), l’autoconstruction et l’autopromotion de l’habitat (Antoine et al., 1987), le secteur des transports (Lombard, Steck, 2004) ou les systèmes d’accès à l’eau (Jaglin, 2004).

  • 8 A l’exception d’un article, mais qui aborde la question des migrants à Bruxelles.

17Plus récemment, un numéro de la revue Espaces et Sociétés (Azaïs, Steck, 2010) explore à son tour la problématique de l’informel : bien qu’appelant en introduction à dépasser une approche opposant le Nord au Sud, cinq articles du dossier sur six prennent appui sur des ethnographies conduites en Amérique latine, en Algérie, au Cambodge, en bref, au Sud8. La notion, articulée aux analyses du Tiers Monde, reste donc fortement ancrée dans des aires géographiques spécifiques.

18La notion d’informalité est historiquement liée à celle de marginalité, mobilisée pour analyser la place de populations pauvres en marge du salariat, contraintes de s’installer illégalement sur des terrains le plus souvent en périphérie des principales villes (Schneier-Madanes, 1980 ; Fassin, 1998) dites « du Tiers Monde ». La ville y est un cadre à partir duquel discuter des rapports de domination aux échelles nationale et internationale, et des capacités de résistance des habitants les plus pauvres (Vernière, 1973 ; Le Bris, 1986). Ces enjeux sont partiellement repris des décennies plus tard sous l’angle des « compétences citadines » dans les villes du Sud (Berry-Chikhaoui, Deboulet, 2002, Dorier-Apprill, Gervais-Lambony, 2007) ou par les subaltern studies. On voit donc un lien fort entre dimension économique et dimension politique au sein de la conceptualisation de l’informalité, ici en partant des « arts de faire » des populations en situation de domination.

19Dans les années 1980 déjà, L. Lomnitz (1978), partant de ses travaux sur la marginalité à Mexico, proposait une théorisation de la dimension politique de l’informalité : elle montrait comment se constituaient des relations asymétriques de patronage dans les bidonvilles, entre travailleurs journaliers du « secteur informel » et intermédiaires (patrons, courtiers) aptes à faire embaucher les premiers de manière informelle et précaire sur des chantiers formels. Elle évoquait aussi le rôle de ces intermédiaires dans l’octroi de soutiens politiques populaires à des personnalités politiques, en échange de faveurs pour les communautés et quartiers marginaux.

20Dans ses premiers travaux, le chercheur brésilien A. Machado évoquait lui aussi l’absence de droits des citadins exclus du marché du travail dans les villes latino-américaines (cité par Cortado, 2014). Ses premiers constats permettaient aussi, à l’instar de ceux de L. Lomnitz, une analyse des arrangements existant entre citadins « marginaux » et agents de l’Etat, au Brésil cette fois-ci. Au fil de ses travaux, A. Machado va ainsi montrer la coexistence de plusieurs régimes de gouvernement, fortement territorialisés : par exemple, des arrangements corruptifs entre policiers et trafiquants dans des favelas (2016). Dans son sillage, M. Misse (2016) proposera le concept de « marchandise politique » dont la circulation renseigne sur la relation informelle entre les agents de l’Etat garants de l’ordre légal et les individus et groupes impliqués dans des marchés informels et illégaux. Cette relation dépasse l’étude de la circulation de l’argent dans le cadre de pactes de corruption et donne à comprendre les manières de gouverner, entre recours à la violence et négociations en vue d’une pacification sociale. Leurs travaux ouvrent la voie à une étude des pratiques politiques informelles.

21Dans cette veine, des travaux récents sur les services urbains (de distribution d’eau par exemple) ont largement mis l’accent sur leur caractère composite, impliquant l’entrée en scène d’une pluralité d’acteurs, des petits opérateurs privés non déclarés aux firmes multinationales (Jaglin, Zerah, 2010). Il s’agit non seulement de saisir la dimension informelle de l’économie urbaine - la production informelle de services urbains -, mais aussi d’étudier les arrangements entre acteurs privés et publics, officiels ou en marge du droit (clientélisme, corruption). L’informalité permet donc d’étudier les pratiques politiques hors des arènes officielles du politique, éventuellement en marge des cadres légaux qui concourent à l’administration des espaces urbains (Collectif Inverses, 2016). Elle permet d’appréhender autrement le champ de la régulation.

  • 9 Pour A. Roy, la notion d’espace subalterne renvoie à quatre axes de réflexion : à l’idée de périphé (...)

22Dans les années 2000, A. Roy donne d’ailleurs une nouvelle résonance à la notion d’informalité dans les analyses contemporaines sur les villes des pays du Sud. Elle place au centre de sa réflexion « l’informalité urbaine », pour sortir à son tour de la dichotomie formel / informel, estimant que les occupations de terrain, le logement et les services en marge de la légalité sont le produit d’une régulation étatique. L’Etat, suivant son analyse, définit les frontières entre le formel et l’informel, jouant de sa compétence à tolérer, à reconnaître ou à repousser des occupations informelles (Roy, 2005). Poursuivant cette perspective, elle en appelle à repenser les études urbaines depuis les villes du Sud, pour dépasser une vision naturalisante de la ville des pays en développement réduite aux bidonvilles, dont les habitants apparaîtraient selon les études comme des individus passifs subissant leur condition de pauvreté, ou comme des héros réinventant leur statut de citadin jour après jour (Roy, 2011a). C’est à cette occasion qu’elle développe l’idée d’un « urbanisme subalterne »9. Les bidonvilles ne sont pas situés hors de toute logique de régulation, et doivent être interprétés comme le résultat d’actions planificatrices : ils ne sont pas le résultat d’un système non régulé, mais d’un système dérégulé permis par l’Etat (Roy, 2009b ; Yiftachel, 2009 ; McFarlane, 2012). A. Roy croise une analyse des formes de régulation publique à une réflexion inspirée par les subaltern studies. Pour elle, repenser l’informalité depuis le Sud doit permettre non seulement de renouveler la théorie urbaine, mais aussi de proposer des pistes de réflexion sur les modes d’aménagement (Roy, Robinson, 2016).

23Dans le même laps de temps, la notion d’informalité semble connaître une trajectoire différente dans les travaux sur les villes du Nord.

1.3 Informalité économique au Nord : des enclaves urbaines caractéristiques du Sud ?

24Pensée comme trace du passé, l’informalité tend à être associée dans l’appréhension commune aux pratiques de migrants du Sud vivant dans des villes du Nord. Il importe de dépasser cette approche culturaliste.

25En Europe, la place des petits métiers de rue, en marge de la législation, semble de prime abord appartenir à l’histoire urbaine (Farge, 1992 ; Charpy, 2011). Pourtant, des géographes et des anthropologues (Balan, 2014 ; Milliot, 2015) ont mené récemment des travaux sur les chiffonniers en France . Plus précisément, la prégnance du lien entre commerce, rue et immigration est mise en évidence, par exemple dans l’étude des quartiers de Château Rouge et de la Goutte d’or à Paris. De même, la problématique des squats demeure fréquemment liée à la question migratoire : en l’absence d’un titre de séjour, les voies d’accès à des logements sociaux se ferment. La construction d’une question « Rom » depuis la création de « campements » (terme se substituant le plus souvent à celui de « bidonville », Cousin et Legros, 2014) et l’étude de certaines activités telles que la récupération de la ferraille (Olivera, 2015) semble emblématique d’une ethnicisation de l’informalité, voire de sa « racialisation » (Fassin et Fassin, 2009 ; Fassin, 2014).

26Ainsi, ces problématiques liées à l’informalité demeureraient cantonnées dans les villes du Nord aux réflexions et aux études sur la condition de migrant et d’immigré, du moins dans les discours publics. En somme, l’existence d’un marché du logement et d’activités économiques relevant de processus informels s’expliquerait quasiment par l’importation d’un mode de vie par des populations migrantes. S’agirait-il finalement de continuer à étudier ce qui relève des pays en développement, par transfert de ces situations dans les contextes urbains et périurbains du Nord ?

  • 10 Parti Démocratique (Marco Doria)

27Cette approche culturaliste imprègne aussi la réponse des pouvoirs publics : la municipalité de gauche10 à Gênes propose en 2013 et 2014 aux vendeurs ambulants sénégalais positionnés sur le Porto Antico (waterfront touristique), comme stratégie de sortie de l’activité de vente de produits contrefaits, la création d’un marché ethnique. Toutefois, cet objectif d’intégration de ces migrants par le biais d’une activité formalisée ne rencontre pas leur enthousiasme. En effet, ces derniers se font peu d’illusions sur son potentiel économique, tandis qu’une partie d’entre eux pratiquent la vente ambulante dans les interstices d’une activité salariée précaire, et non comme choix professionnel (Jacquot, Notorangelo, 2016).

28Cet exemple illustre la nécessité de sortir d’une approche culturaliste, pour élargir la discussion à la place de l’informalité en ville, en intégrant les effets structurants des rapports sociaux sur les contextes de développement de l’informalité. Une approche culturaliste, née de certains discours politiques et médiatiques, tend à passer sous silence l’asymétrie des rapports sociaux et l’influence des encadrements politiques comme facteurs explicatifs du développement informel d’activités urbaines.

29Dès 1988, L. Lomnitz discutait des pratiques informelles dans plusieurs contextes politiques, après des recherches sur le Mexique. Pour elle, l’informalité n’était pas le résidu d’une quelconque tradition, mais un élément intrinsèque et imbriqué à la formalité, fortement lié aux positions sociales et à la circulation de capitaux sociaux en divers réseaux constitués. Autrement dit, l’informalité est incorporée au monde social dans lequel elle se déploie, et dépend de la géométrie de rapports sociaux situés, de la circulation et de l’échange de faveurs, de formes de tolérance comme de soutiens électoraux, en somme de configurations socio-politiques locales. L. Lomnitz invitait à conduire une analyse comparée, au-delà des seuls pays du Sud.

30Plus récemment, si A. Bayat mentionne la possible comparaison entre les populations urbaines pauvres au Sud et les migrants illégaux internationaux au Nord, ce n’est pas en raison d’une origine commune, mais plutôt sur la base de leur statut. Un habitant occupant illégalement un terrain comme un migrant en situation irrégulière ne sont pas autorisés à revendiquer des droits, et tous deux pratiquent ces micro-empiètements quotidiens qu’A. Bayat décrit dans plusieurs villes au Sud (Bayat, 2010).

31Ces éléments indiquent un prolongement de l’urbanisme subalterne au Nord, en partant des mutations socio-économiques des villes au Nord, notamment dans le contexte d’une crise économique aux effets territoriaux différenciés.

2. L’informalité pour penser les reconfigurations de l’action publique en ville

32Nous formulons l’hypothèse que l’informalité est structurante des économies et des sociétés urbaines au Nord. Non réductible au symptôme d’une crise postindustrielle, elle devient un élément plus fondamental de la régulation des espaces et de leurs usages. Il convient alors d’étudier la place et les registres de la tolérance des pouvoirs publics à l’égard d’activités économiques informelles, afin d’identifier en quoi cette tolérance révèle la dimension informelle des politiques publiques (informalité politique). Ces reconfigurations des rapports politiques et sociaux à l’aune de l’informalité nous conduisent finalement à rediscuter la pertinence d’une partition des études urbaines entre villes du Nord et du Sud.

2.1 L’informalité structurante des sociétés urbaines au Nord

33Dans quelle mesure l’informalité économique se redéploie-t-elle en marquant de son empreinte la fabrique urbaine au Nord, dans un contexte de désindustrialisation ? Constitue-t-elle une étape transitoire de sociétés urbaines en reconversion ? A l’inverse, peut-on la considérer comme un élément structurant des économies, mais aussi des régulations politiques urbaines en contexte de crise ? Doit-on y voir un alignement par rapport aux sociétés urbaines au Sud, qui apparaissent comme précurseurs des dynamiques néolibérales et de dérégulation favorisant les logiques informelles, comme le questionnent J. et J. Comaroff (Rosa, 2014) ?

34Un certain nombre de villes du Nord sont marquées par un processus de déclin industriel, entraînant une dynamique de déclassement, éventuellement de requalification (Fol, Cunningham-Sabot, 2010). Des activités informelles se déploient dans les interstices urbains et les friches industrielles de ces espaces désertés, en attente de projets de rénovation urbaine. Aux Etats-Unis, plusieurs travaux évoquent les initiatives populaires d’habitants dans des villes américaines frappées par la décroissance, à l’image de Detroit ou de Flint (Schindler 2014b ; Mukhija, Loukaitou-Sideris, 2014). A Roubaix, le collectif Rosa Bonheur (2014) étudie le développement de garages clandestins et l’émergence d’un marché informel du logement, constituant des formes de centralité populaire reposant sur des dynamiques économiques informelles. Cette mécanique de rue existent aussi dans des parkings de cités d’habitat collectif (constituant d’autres espaces marqués par la précarité économique) (Denis, 2013).

  • 11 Depuis janvier 2016, nous menons des enquêtes auprès de mécaniciens « de rue” » dans deux espaces d (...)
  • 12 Il n’est pas évident durant nos enquêtes de discuter avec les clients sur le lieu même des réparati (...)

35De même, nos enquêtes témoignent d’une activité non déclarée de réparation mécanique en Seine-Saint-Denis, le long de plusieurs rues (vidanges, petits réglages, réparations, changements de pneu, etc.)11. Ces activités peuvent se développer à la faveur d’un processus de restructuration urbaine : les habitations murées, les friches et les chantiers de construction permettent ici à des hommes de se rassembler et de s’approprier un espace. La faible présence d’un voisinage tendrait à expliquer également la relative tolérance des autorités municipales, du moins à ce jour (quand bien même des garagistes se plaignent de leur concurrence). Ces espaces dédiés à la mécanique deviennent visibles, connus d’une clientèle aux revenus souvent modestes12.

36Il se constitue donc des réseaux d’échanges de service, mais aussi de biens construits par des populations pauvres pour des consommateurs eux-mêmes démunis dans le cadre de l’économie informelle. Dans cette perspective, au cours de nos enquêtes auprès des mécaniciens de rue, nous avons aussi constaté le développement d’une petite restauration de rue : à l’heure des repas, des femmes (migrantes, originaires, comme les mécaniciens de Côte d’Ivoire) proposent des plats ivoiriens (barquettes de riz avec de la viande, jus de gingembre, yaourt mélangé à des graines de mil) contre quelques euros. De manière plus générale, la production formelle massive de biens et de services pour classes moyennes n’est pas accessible (en matière de prix, de distance par rapport aux lieux d’approvisionnement, d’offre de services, etc.). Cette interdépendance entre activités informelles de services est également étudiée dans certains quartiers nord-américains, par exemple à Chicago par S. A. Venkatesh (2006). L’informalisation concerne aussi le fonctionnement de services publics. En Ile-de-France, un « marché officieux » de l’habitat social se développe dans un contexte d’appauvrissement (vieillesse, chômage, ruptures familiales), marqué par « une économie pratique, informelle, de l’espace habité » où « des actes remodèlent la distribution des statuts et l’ordre des contrats » (p. 580), non sans dilemmes pour les offices HLM (Schijman, 2012).

37De tels constats doivent-ils nous amener à conclure que les villes désindustrialisées sont le lieu privilégié, voire unique, où discuter de l’informalité (Hentschel, 2015) ? En voulant échapper à une lecture culturaliste de l’informalité dans les villes du Nord, sommes-nous en train de restreindre à outrance son utilité conceptuelle à des situations urbaines spécifiques, celles des espaces de la crise des économies industrielles au Nord ? Cette question rejoint les réflexions de certains auteurs en études urbaines au Sud qui regrettent la concentration des recherches sur le slum, au point d’en faire l’élément essentiel (voire essentialisé) de « l’urbanisme subalterne » et le point focal de la recherche urbaine au Sud, au détriment d’autres échelles et espaces d’analyse.

38Or les travaux menés par et autour d’A. Tarrius (2000, 2002) montrent que cette économie informelle ne se limite pas aux enclaves urbaines paupérisées, mais s’appuie sur un ensemble de circulations à diverses échelles, produisant des « territoires circulatoires » et mobilisant des modes spécifiques de régulation. En outre, ces circulations « poor-to-poor » (ou « entre-pauvres ») ne sont pas déconnectées des stratégies commerciales des grandes entreprises internationales (Tarrius, 2015, Missaoui, 2016) et s’inscrivent dans des reconfigurations capitalistiques plus globales, au-delà de la logique des Etats.

39Ainsi, à partir de l’informalité en ville, ne devons-nous pas cerner les effets d’une reconfiguration plus large des économies capitalistes à l’échelle mondiale ?

40Dès 1994, S. Sassen considère l’économie informelle comme le produit d’un nouveau stade du capitalisme, lié à l’accroissement des inégalités, au déclin des activités industrielles manufacturières et au développement d’une économie de services. Le spectre de cette informalité est large, relevant d’un contournement du droit du travail, d’une norme d’hygiène ou du non-paiement d’une taxe. L’informalité n’est alors ni une anomalie ni simplement un phénomène transitoire compensatoire, mais un phénomène structurant, alimenté notamment par les entreprises du secteur formel qui cherchent à réduire leurs coûts et externalisent certaines de leurs activités vers des entreprises informelles (qui elles-mêmes cherchent à réduire leurs coûts), comme en témoigne le secteur du BTP en France (Jounin, 2009). C’est ce que démontrent aussi N. Théodore (2016) et A. Valenzuela (2014) dans leurs travaux sur les sites d’embauche « à ciel ouvert » de travailleurs journaliers aux Etats-Unis. Même la promotion de la ville entrepreneuriale et business friendly s’appuie sur le recours à des formes informelles et invisibilisées de travail (Coleman, Tombs et Whyte, 2005). Plus récemment, le développement de nouvelles formes de production des services, à tort qualifiées d’« économie collaborative », entraîne aussi un accroissement des pratiques informelles. Par exemple, le développement d’AirBnB à Paris se traduit par un usage informel des appartements à des fins commerciales, la constitution d’investissements spéculatifs motivés par des revenus locatifs supérieurs à la location habituelle grâce à la location saisonnière, ou l’apparition de métiers informels de conciergerie (Richon, 2016).

41La ville n’est pas un cadre où observer le déploiement de l’économie informelle. Pour N. Brenner et C. Schmid (2015), les mutations des systèmes productifs entraînent de « nouvelles géographies du développement spatial inégal », en rupture avec les anciennes cartographies du fait urbain, et conduisent à appréhender l’urbanisation à différentes échelles, et dans la diversité croissante de ses formes. Pour J. Monnet (2006a et b), les reconfigurations de l’espace urbain (métropolisation), articulées à de nouvelles mobilités et de nouveaux modes de vie (individualisation) dans un contexte de « cosmopolitisation », deviennent aussi un facteur explicatif du redéploiement de l’informel (mbulantage).

42Si l’on considère la présence, voire le développement de pratiques informelles dans la sphère économique, il convient d’étudier, en miroir, la position des pouvoirs publics. Que fait l’informalité économique à l’action publique en ville ? Cette question a déjà été théorisée depuis les villes du Sud. A la suite, nous souhaitons formuler l’hypothèse d’une reconfiguration de l’action publique urbaine au prisme de l’informalité politique dans les villes du Nord.

2.2 Pour une circulation de la notion d’informalité politique des villes du Sud vers celles du Nord

43Dans la première partie, nous avons montré que la notion d’informalité a rapidement été saisie dans ses dimensions politiques dans l’étude des villes du Sud, étendue à une analyse des transgressions et des contournements des règles légales à des fins politiques et sociales et à une compréhension des modes de gouvernement urbain. L’enjeu de cette section est d’identifier l’usage de l’informalité politique au Nord, à travers l’étude des logiques et des registres de l’action publique en ville.

44Les tenants d’une théorie urbaine décentrée en appellent à comprendre la façon dont l’action de l’Etat s’incarne localement (Schindler, 2014a), à travers l’étude des institutions chargées de l’aménagement, de la justice, ou par le canal d’élus et d’associations. Une telle perspective implique par exemple de mettre en évidence les motivations des agents de ces institutions à réprimer ou inversement à tolérer certaines transgressions, tels les lotissements informels ou encore le commerce ambulant (Yiftachel, 2009 ; Roy, 2011a). L’enjeu est de saisir les négociations avec les habitants et les intérêts sous-jacents, en créant éventuellement des rapports d’obligation, de domination, parfois aussi des situations d’émancipation (Benjamin, 2008). Ces différentes approches de la gouvernance urbaine menées dans les villes du Sud évitent une lecture normée des institutions du développement, en étudiant les effets des régulations politiques, dans des arènes institutionnelles ou non, d’un point de vue matériel, mais aussi sur la reconfiguration des pouvoirs urbains (Lindell, 2008 ; Simone, 2004). Dans quelle mesure peut-on utiliser ces perspectives théoriques élaborées au Sud dans les contextes urbains du Nord, suivant l’appel de divers auteurs (Mukhija et Loukaitou-Sideris, 2014 ; Schindler, 2014b ; Hentschel, 2015 ; Boudreau et al., 2016) ?

45La question des usages sociaux et politiques du droit à des fins de faveur ou de tolérance n’est guère récente, y compris dans les contextes de l’aménagement dans les pays du Nord. Dans l’étude de champs territoriaux au sein de l’action publique, à partir de l’exemple de la DDE (Direction Départementale de l’Equipement), P. Bourdieu (1990) montrait la marge de manœuvre existant dans l’application (et la transgression) des règlements, révélant ainsi l’existence de passe-droits. Plus récemment, en géographie urbaine, P. Melé (2013) invite à discuter de la place du droit dans la fabrique urbaine, que F. Maccaglia (2009) appréhende en Italie par le biais du contournement de la règle dans la passation de marchés publics. L’informalité politique, entendue comme le fait de s’arranger avec la règle de droit (Collectif Inverses, 2016) ne peut être restreinte ni au contexte de villes en développement, ni aux seuls espaces en crise, ni aux pratiques d’habitants en situation de pauvreté, mais concerne plus largement l’aménagement matériel de la ville, à travers les jeux d’acteurs et les coalitions, y compris entre élites. De façon concomitante, plusieurs travaux ont déjà élargi l’idée de pratiques informelles au sein de régimes urbains dominants, tant au Nord (Stone, 1989) qu’au Sud, comme en Inde (Weinstein, 2008). Le recours à l’informalité peut marquer aussi l’activité de contrôle institutionnel des activités marginales, comme le montrent R. Devlin (2011) au sujet de la gestion des ambulants de rue à New York dans le cadre des Business Improvement Districts, et S. Potot (2016) au sujet des politiques et pratiques publiques à l’égard des migrants roumains ethnicisés.

  • 13 Utilisant des charrettes, ils ne sont pas soumis aux mêmes réglementations sanitaires que les resta (...)
  • 14 Il parle de « loi de cristal » (crystal) et de « loi de boue » (mud) en référence aux travaux de Ca (...)

46Plus récemment, des auteurs analysent les pratiques de régulation mises en œuvre par les pouvoirs publics, en interaction avec des associations plus ou moins formalisées, et divers groupes sociaux, se référant directement aux travaux sur l’informalité urbaine au Sud. Ainsi, dans l’ouvrage dirigé par V. Mukhija et A. Loukaitou-Sideris (2014) sur des situations d’informalité économique aux Etats-Unis, G. Browne, W. Dominie et K. Mayerson (2014) s’intéressent aux vides juridiques permettant à des vendeurs ambulants d’échapper à certaines réglementations et de proposer ainsi des marchandises à Portland (Oregon)13. Ils soulignent des formes de tolérance de la part des pouvoirs publics, visant à ne pas réglementer davantage la vente ni l’occupation des espaces publics à des fins répressives. A leur suite, G. Kettles (2014) discute de la nature de la loi appliquée à la vente de rue à New York. Il oppose les lois « dures »14, aux attendus explicites, aux lois « molles », donnant lieu à une diversité d’interprétations éventuellement contradictoires (par exemple, entre vendeurs et agents publics). Constatant que les infractions aux lois « dures » sont finalement majoritaires, il postule que l’informalité ne tient pas tant à des lectures différentielles de la loi, mais relève soit d’une action publique répressive multipliant les contrôles, soit d’un rejet des règles par les vendeurs (par impuissance ou par sentiment d’injustice). Tous posent la question de l’interprétation et de l’application variables de la règle de droit dans des contextes de pauvreté urbaine. Il s’agit non seulement de discuter du fonctionnement d’activités informelles, mais aussi, dans un contexte socio-économique donné, de réfléchir aux modalités de l’action publique aux prises avec l’informalité.

47Partant alors du constat qu’il existe des formes de tolérance vis-à-vis de certains écarts à une pluralité de réglementations (hygiène publique, fiscalité, droit du travail), s’agit-il de proposer une nouvelle grille de lecture des modes de gouvernement urbain, ou de donner un écho plus fort aux théorisations de l’informalité appréhendée dans sa dimension politique ?

2.3 Gouverner l’informalité par la tolérance

48Comme l’énoncent F. Weber et L. Fontaine (2011 : 7), dans le contexte de désindustrialisation en Europe, « la principale question politique devient (...) celle de la plus ou moins grande tolérance aux pratiques et aux acteurs qui jouent avec les règles de l’économie officielle. Faut-il privilégier une approche pragmatique – mieux vaut une économie de survie, si illégale soit-elle, que les morts individuelles et les révoltes collectives liées à la misère – ou une approche en termes de régulation – c’est alors une réforme des règles qu’il faut viser, sans être sûr que cette réforme sans nul doute nécessaire puisse s’imposer au cœur même de la crise ? ». C’est la question de la tolérance de l’écart à la règle, dans sa dimension politique (question de la régulation) et morale (question de la légitimation), qui se pose aux acteurs institutionnels et politiques. Partant de la tolérance d’activités économiques informelles, il s’agit de cerner les logiques de l’action publique et la possibilité de pratiques de régulation extra-légales. Comment font les gouvernements urbains face aux situations d’informalité au quotidien ? En passant d’une lecture de l’informalité comme exceptionnelle ou résiduelle à une perspective plus large, quelle théorie développer ? Faut-il envisager une institutionnalisation de la tolérance ?

  • 15 « I use a very specific term (epistemology) to indicate that policy approaches are not only techniq (...)

49R. Recio, I. Mateo-Babiano et S. Roitman (2017) reprennent les différents registres de traitement de la vente de rue informelle de la part des autorités publiques, en reprenant la notion de policy epistemologies d’A. Roy15. Ces registres découlent de la façon dont ces autorités thématisent l’activité informelle, en lien avec l’économie formelle (sur une base dualiste ou de façon plus articulée). Entre l’« orientation hostile » (répression de l’activité) et l’« accomodating environment » (reconnaissance, voire formalisation) se dégage aussi une « atmosphère tolérante », identifiée dans de nombreuses villes dans le monde, qui dépend à la fois des actions menées par les vendeurs (résistance, arrangements, etc.) et des attitudes des agents chargés de définir et de faire appliquer la loi, voire de pratiques corruptives ou clientélistes. Cette tolérance est toujours précaire, ne vaut pas reconnaissance formelle ou légale d’un droit, mais repose plutôt sur des arrangements, y compris dans des situations mixtes combinant formes de reconnaissance et maintien de logiques informelles, comme le montre L. Salès (2016) à propos de la vente ambulante à Mumbai.

50Si, dans les contextes urbains du Nord, de nombreux travaux insistent sur la « tolérance zéro » et la volonté de maintenir un ordre urbain sur des bases légales fortes (Smith, 2001), quelques travaux récents cernent plus précisément les dispositifs de prise en charge des situations d’informalité. Par exemple, à Flint (Schindler, 2014b) ou encore à Barcelone dans le cas des espaces vacants (Orduña-Giró, Jacquot, 2014), les pouvoirs publics interviennent a posteriori pour encadrer des initiatives populaires informelles, considérées par les autorités comme transitoires, voire comme des pis-aller dans un contexte de transition urbaine. L’occupation informelle de l’espace y est tolérée, à titre temporaire, et éventuellement formalisée dans le cadre d’un urbanisme temporaire revendiqué comme tel. D’autres motifs peuvent justifier cette tolérance publique : dans une recherche collaborative sur la vente de rue alimentaire à Los Angeles, M. Vallianatos (2014) suggère de travailler à une régularisation des vendeurs à des fins de promotion d’une alimentation saine, légitimant ces commerçants à la fois comme relais d’une politique de santé publique, acteurs de la tranquillité publique et constituant une centralité commerciale.

51De même, nous formulons l’hypothèse d’une certaine tolérance, temporaire, de la part des autorités municipales à l’occasion de notre recherche auprès des mécaniciens de rue : la police nationale intervient très peu, la police municipale tend à donner des contraventions aux propriétaires des véhicules (même si les espaces de mécanique ont connu des resserrements au gré des contrôles policiers). Toutefois, certaines rues semblent finalement laissées au déploiement - sous contrôle - de l’activité, tandis que les mécaniciens ne semblent pas être l’objet de contrôles spécifiques. Pour certains acteurs de l’aménagement, les dernières destructions de bâtiments à l’abandon et les livraisons des chantiers sonneront le glas de leur présence. Dans ce cas, la tolérance croise un relatif sentiment d’impuissance à l’égard de situations massives de pauvreté dans des communes désindustrialisées, marquées par de forts taux de chômage.

52Dans d’autres situations, les pouvoirs publics tendent à encadrer en vue de normaliser ou de résorber les usages d’un espace, en faisant progressivement appliquer le droit. C’est ce que démontre T. Aguilera (2014) au sujet des squats parisiens, en particulier ceux relevant d’activités culturelles, perçus comme plus légitimes à l’échelle de l’ensemble des habitants et normalisés au bénéfice d’une politique culturelle (et non de logement), à l’image des friches à usage culturel inscrites dans des dynamiques d’institutionnalisation (Andres, Gresillon, 2011). Le récent travail de B. Barbier (2015) sur des squats dits « de pauvreté » tend toutefois à montrer la propension de certaines municipalités en périphérie parisienne à tolérer la présence de squats relevant d’un hébergement d’urgence. Un dialogue s’installe entre habitants, militants venus en appui et personnel municipal pour réguler les usages du squat et mettre en place des aides en vue de donner accès au parc de logement. Pour certains militants, le squat fait alors l’objet d’un sas aux vertus intégratrices.

  • 16 Ces éléments proviennent d’une enquête en cours sur les services informels et formalisés destinés à (...)

53Cette tolérance de l’informalité économique au titre de la subsistance est aussi visible dans le cas de la restauration et de l’alimentation des plus pauvres. Le statut précaire des migrants dans les foyers de travailleurs (renommés « résidences sociales » en France) a entraîné le développement d’une forme de restauration collective, fonctionnant de façon informelle, c’est-à-dire longtemps non déclarée, produisant des repas à très faible coût, recyclant des invendus de la grande distribution, tolérée par les entités gestionnaires des bâtiments. A proximité des espaces de mécanique informelle que nous étudions, un foyer ayant fait l’objet d’une rénovation est désormais équipé d’une cuisine reconnue par les gestionnaires : les cuisiniers bénéficient d’un emploi déclaré au titre d’un programme d’insertion par l’emploi, subventionné par l’Etat. Ces aides publiques permettent de maintenir des repas à des prix très faibles (2,90 euros une large assiette de viande avec céréales et sauce). Toutefois, cette formalisation reste articulée à des logiques informelles. Comme la cantine ne fonctionne pas le dimanche ni pendant le ramadan, des usagers de cette cuisine continuent d’utiliser des services de restauration informelle dans des espaces proches16.

54Ces différents travaux et exemples montrent l’influence de la question morale sur la tolérance d’un écart à la règle, dans des contextes de pauvreté. Cela amène à considérer des normes alternatives (qualifiées de « normes pratiques » par exemple par Olivier de Sardan, 2008), comme y invitaient déjà les travaux de l’Ecole de Chicago et la notion de « région morale » (Park, 1990). Ces normes alternatives peuvent servir d’appui à des justifications d’actions contraires ou alternatives à l’ordre légal dominant. Les orientations légales définissant l’aménagement tendraient à être renégociées localement, entre impératif moral, volonté de formalisation et impuissance des pouvoirs publics. Cette ambiguïté entre légalité et moralité est manifeste dans le documentaire italien Prove di Stato (réalisé par Di Costanzo, 1998), sur la commune d’Ercolana près de Naples. La maire y applique une politique légaliste à l’égard des vendeurs de rue, des taxis informels, etc., qui dès lors rétorquent à cette convocation du droit une critique morale, fondée sur l’incapacité des pouvoirs publics à offrir des alternatives pour survivre dignement.

55Ces exemples révèlent un croisement entre économies informelles et économies morales. La notion d’économie morale fait d’abord écho aux travaux de l’historien E. P. Thompson (2012), qui expliquait la portée politique de révoltes paysannes anglaises aux prises avec des aliments aux prix trop élevés au XVIIIe siècle, situation vécue comme « injuste et immorale » (p. 81). Dans un contexte de changement économique annonçant l’avènement de la classe ouvrière, l’« économie morale paternaliste » qui régit les rapports liant la classe dominante aux paysans entre en crise, avec une définition du prix du pain qui ne relève plus de la coutume, mais du jeu du marché. La notion, reprise ensuite par J. Scott pour l’étude des économies paysannes de subsistance, implique de penser l’imbrication entre logiques économiques, sociales et morales (Siméant, 2010), et permet d’analyser tant les régulations des activités économiques que leurs contestations.

  • 17 Cette réflexion tend à se déployer aussi en France à une autre échelle, comme l’illustre l’organisa (...)

56Ces éléments motivent l’emploi à nouveau de cette notion : c’est bel et bien l’enjeu de subsistance de populations désaffiliées (Castel, 1995), en marge du salariat, qui saisit les pouvoirs publics dans un registre moral (Collectif Rosa Bonheur, 2014), et qui peut justifier la mise en œuvre d’un cadre de régulation spécifique et éventuellement dérogatoire. Dans cette perspective, suivant A. Bayat (2010), des micro-empiètements existent au quotidien dans l’espace public, justifiés par la nécessité de travailler pour subsister. Leur remise en cause par l’Etat, c’est-à-dire la fin d’une tolérance tacite, peut entraîner des conflits ouverts. Les modes de gouvernement tendraient donc à se recomposer : face aux occupations et activités informelles, de facto implantées sur certains territoires urbains, des dispositifs alternatifs de régulation sont conçus, qui peuvent imprégner à leur tour l’action publique, selon des durées variables17. L’informalité n’est pas seulement l’objet d’interventions des politiques publiques, elle entraîne aussi une transformation des modes de gouvernement urbain (Davis, 2017). Cette transformation des régulations urbaines nécessite de discuter, aux échelles locale et internationale, des effets des mutations du capitalisme. Dès lors, une démarche comparatiste élargie peut remettre en cause la pertinence d’une ligne de partage entre études urbaines au Sud et au Nord. Cela implique, entre des études de cas de type ethnographique et un discours surplombant sur la ville et les influences néolibérales, de tenter de comprendre les configurations et les reconfigurations socio-politiques qui rendent possible l’existence, de façon plus ou moins pérenne et située, de dynamiques urbaines en marge de la loi.

2.4 Etudier des configurations urbaines de pouvoir à partir de l’informalité

57En 1975, M. Santos évoquait les « comparaisons hasardeuses » avec l’Europe, et en réponse à une approche opposant Tiers Monde et Europe, appelait à penser plutôt les processus de développement et le sous-développement dans leurs relations. Si le vocabulaire des études urbaines a beaucoup changé, et si l’évidence de certaines limites géographiques s’est estompée, nous pouvons retenir l’idée d’interroger des processus localisés, plutôt que d’ériger les localisations spatiales en entités stabilisées de l’analyse.

58Dans cette lignée, une façon de transcender une approche opposant les villes du Nord à celles du Sud consiste à questionner plus en amont la généralité et la dimension globale de processus socio-économiques et politiques. Ainsi, le renouveau de l’informalité dans les études urbaines, en particulier au Nord, mais en écho avec les travaux menés au Sud, se fait en lien avec la dérégulation et les situations de flexibilité où s’enchevêtrent travail formel et sous-traitance auprès de travailleurs informels, relevant de dynamiques d’informalisation (Sassen, 1994 ; Boudreau et al., 2016 ; Theodore, 2016 ; Valenzuela, 2014).

59Pour autant, penser des dynamiques générales de portée globale ne revient pas à imposer une lecture universalisante ou des lectures univoques. Comme le rappelle A. Lipietz (1985 : 14), « plusieurs systématisations partielles, plusieurs concepts, peuvent concourir à éclairer le même objet : aucun sectarisme, aucun fétichisme du concept n’est admissible dans l’analyse concrète ». Dans cette perspective, N. Brenner et N. Theodore (2002) appellent à penser les diverses configurations de pouvoirs urbains, produits de rapports entre processus sociaux, économiques, historiques, politiques plus ou moins extravertis. En conséquence, il convient de se méfier de conceptualisations trop englobantes et finalement perçues comme clefs de lecture universelle (Roy, 2016), pour mettre en œuvre des démarches plus ouvertes, non réductibles à un paradigme (Duhau, 2015, Ong, 2011). La volonté d’un dépassement Nord-Sud consiste aussi à intégrer aux analyses centrées sur les dimensions économiques d’autres processus liés au genre, à la question raciale, coloniale … Par exemple, les théories du revanchisme urbain ont été enrichies par la prise en compte des races studies, des motifs nationalistes, comme le montre G. Van Eijk (2010) dans le cas de Rotterdam, tandis que plusieurs travaux critiquent l’application trop directe d’une analyse en termes de néolibéralisme, et montrent les bénéfices de l’étude d’espaces plus périphériques des lieux principaux de la production des théories urbaines pour en recalibrer la portée (Baptista, 2013). Toutefois, cette dernière proposition apparaît équivoque : comme le formule M. Rosa (2014), s’agit-il seulement de confronter aux théories dominantes des contre-exemples dans les périphéries aux Suds, pour en relativiser et en nuancer la portée ?

60L’enjeu de l’espace d’analyse prend alors deux significations : quels sont les lieux où s’élaborent les savoirs urbains, et quel est statut de la ville dans la production de ces savoirs ?

61Suivant P. Gervais Lambony (2000), la méthode n’est pas de comparer des villes, mais des configurations (par exemple, l’informalité de l’urbanisme spéculatif), ce qui permet de trouver d’autres critères de différenciation que l’appartenance à une aire socio-culturelle donnée, laquelle est déjà nuancée par les pratiques comparatives des acteurs de l’aménagement eux-mêmes (Jacquot, 2007 ; Tauri et al. 2017). Le choix de raisonner en termes de configurations urbaines de pouvoir permet de ne pas s’enfermer dans une partition entre un Nord et un Sud.

62La notion de « configuration » évacue-t-elle la spécificité de la ville comme objet d’analyse ? En revient-on à la question soulevée par les tenants des thèses marxistes qui faisaient de la ville d’abord un espace où décoder les rapports de pouvoir en présence (Lefebvre, 1974, Harvey, 2008) ? Le récent débat au sein de la revue International Journal of Urban and Regional Research permet d’éclairer l’éventail possible des positionnements. A. Scott et M. Storper (2015) tentent de distinguer ce qui constituerait le propre de la ville par rapport aux processus ayant lieu en ville. Pour eux, cette distinction est la base nécessaire d’une théorisation urbaine, où sont étudiés des processus dotés d’une dimension éminemment géographique (essentiellement les dynamiques de l’agglomération et le traitement foncier). A l’inverse, les réponses qui leur sont apportées insistent sur plusieurs enjeux : la difficile identification de dynamiques proprement urbaines, qui seraient distinctes de processus économiques, sociaux et politiques plus larges (Mould, 2016) ; la nécessité de ne pas dépolitiser l’histoire et la théorie urbaine, pour montrer que même l’agglomération est à lire comme imbriquée dans des relations de pouvoirs ; et la nécessité de penser une pluralité d’échelles (Roy, Ong, 2011), au-delà de la seule échelle urbaine, en intégrant plus fortement le rôle des Etats (Walker, 2016).

63Si une partie de ces débats ne traitent pas spécifiquement de la pertinence d’une partition Nord Sud, ils permettent toutefois de déplacer l’analyse de l’étude des villes vers l’étude de configurations de pouvoirs à l’articulation de plusieurs échelles. On ne compare pas ville du Nord et ville du Sud. Ainsi, il nous semble pertinent de penser l’action publique (et politique) dans ses interactions avec l’informel à partir des études ancrées en ville afin de saisir la fabrique politique urbaine autant que sa matérialisation en termes d’économie locale, comme de voir la ville comme une entrée pour saisir les configurations politiques et économiques contemporaines.

Conclusion

64Cet article s’inscrit dans la lignée d’un colloque organisé à Paris sur les cadres théoriques contemporains de l’aménagement et de l’urbanisme. Il avait pour premier objectif de discuter du renouveau des questionnements sur la place de la ville du Sud dans les théories urbaines, en particulier dans le champ anglophone.

65Plusieurs des auteurs impliqués dans ce Southern Turn abordent la problématique de l’aménagement des villes du Sud à partir de la notion d’informalité. Prenant acte de ces approches, nous avons à notre tour souhaité articuler notre réflexion à cette notion et à ses différents usages. Partant d’études conduites sur des activités économiques informelles, nous nous sommes intéressés aux régulations dont elles font l’objet. Opérant un glissement des travaux menés dans les villes du Sud, nous avons considéré l’exercice de ces activités dans les contextes des villes du Nord. Il s’agit alors de questionner la dimension opératoire d’une notion construite dans les villes du Sud pour analyser les formes de régulation urbaine au Nord. Nous postulons que l’informalité, dans ses dimensions économiques et politiques, est une entrée pertinente pour penser les reconfigurations de l’action publique en ville, dans un contexte de mutations du capitalisme. Cette notion permet en particulier de saisir la diversité des registres de justification appelant à des formes de tolérance, temporaires ou institutionnalisées, d’activités informelles menées à des fins de subsistance. Cela nous conduit à ne plus raisonner selon une grille de lecture distinguant les villes du Nord des villes du Sud, mais, dans un contexte globalisé, de réfléchir aux facteurs explicatifs des reconfigurations d’une action publique urbaine, aux prises avec l’informalité, en analysant l’émergence, la pérennité et les effets de pratiques de régulations extra-légales qui tolèrent ou organisent l’exception. Nous suggérons de raisonner non pas en termes de décloisonnements de terrains d’étude, mais de décloisonnements conceptuels.

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Documentaire

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Notes

1 En réponse à l’appel du colloque « Champ libre ? L’aménagement et l’urbanisme à l’épreuve des cadres théoriques » (14 et 15 janvier 2016, Paris).

2 Notion développée dans le cadre du programme Inverses (Programme Emergences, Mairie de Paris 2010-2014, www.inverses.org (Collectif Inverses, 2016).

3 Nous reprenons dans cet article le terme « théorie », associé au Nord et au Sud, dans une volonté de discuter des travaux anglophones évoquant des « theories of the south » (Rosa, 2014), « northern theory », « southern theory » (Connell,2013), dans le cadre de l’étude des « geographies of Theory » (Roy, 2009a) et de l’étude de ce qui est couramment nommé « urban theory » (Leitner, Sheppard, 2016 ; Mould, 2016 ; Walker, 2016). L’enjeu est alors de discuter la fabrique et circulation des savoirs sur la ville, considérés comme théories urbaines, y compris dans le croisement entre mondes académiques et professionnels de l’urbanisme.

4 A cet égard, on peut citer le travail de R. Bromley (2003) sur la construction d’un discours sur l’autoconstruction en urbanisme, depuis les travaux de J. Turner, au détriment de la mise en circulation des expériences et des idéologies péruviennes. L’usage de l’anglais a permis aux études de J. Turner de s’imposer dans le champ international du développement urbain au détriment de projets en langue espagnole.

5 M. Santos (1975), dans sa Préface à L’espace partagé, affirmait ainsi d’emblée : « j’appartiens au Tiers-Monde ».

6 Et non plus la ville du Sud en référence à la ville du Nord, comme le critiquait déjà M. Santos dès 1975.

7 Piste mentionnée rapidement dans l’article de positionnement d’Urban Studies (Sheppard et al, 2015).

8 A l’exception d’un article, mais qui aborde la question des migrants à Bruxelles.

9 Pour A. Roy, la notion d’espace subalterne renvoie à quatre axes de réflexion : à l’idée de périphéries définies comme espaces en devenir ; à la question de la régulation (et de la dérégulation) de ces espaces par l’Etat ; à l’émergence de zones urbaines d’exception (suspension de la loi) et à la tolérance d’espaces « gris ».

10 Parti Démocratique (Marco Doria)

11 Depuis janvier 2016, nous menons des enquêtes auprès de mécaniciens « de rue” » dans deux espaces de la Seine-Saint-Denis, selon une démarche ethnographique impliquant une présence régulière auprès des mécaniciens. Cette activité est très majoritairement le fait d’hommes, migrants en situation souvent irrégulière, originaires de Côte-d’Ivoire.

12 Il n’est pas évident durant nos enquêtes de discuter avec les clients sur le lieu même des réparations : nous remarquons toutefois l’état des véhicules, souvent d’anciennes séries, avec des carrosseries parfois faites d’un patchwork de tôles, et leur volonté de négocier les tarifs et d’obtenir des pièces à moindre coût. Selon les mécaniciens, leur clientèle est surtout celle issue de l’immigration : “les Africains”, “les Arabes”, pas de “Blancs” pour reprendre leurs registres de qualification.

13 Utilisant des charrettes, ils ne sont pas soumis aux mêmes réglementations sanitaires que les restaurateurs opérant dans des constructions « en dur ».

14 Il parle de « loi de cristal » (crystal) et de « loi de boue » (mud) en référence aux travaux de Carol Rose sur les droits de propriété.

15 « I use a very specific term (epistemology) to indicate that policy approaches are not only techniques of implementation but also ways of knowing. Such forms of knowledge are a crucial ingredient of the "diagnosis and solution" calculus of policymaking. » (Roy, 2005, note 11).

16 Ces éléments proviennent d’une enquête en cours sur les services informels et formalisés destinés à des clientèles populaires, en banlieue parisienne (observations, entretiens), en lien avec celle menée sur la mécanique de rue.

17 Cette réflexion tend à se déployer aussi en France à une autre échelle, comme l’illustre l’organisation d’une journée d’étude en novembre 2015 par la CGET (Commissariat Général à l’Egalité des Territoires), marquée par la question des parcours de formalisation des activités informelles.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Sébastien Jacquot et Marie Morelle, « Comment penser l’informalité dans les villes « du Nord », à partir des théories urbaines « du Sud » ? »Métropoles [En ligne], 22 | 2018, mis en ligne le 25 avril 2018, consulté le 03 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/metropoles/5601 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/metropoles.5601

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Auteurs

Sébastien Jacquot

Maître de conférences en géographie
IREST, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
EA EIREST, associé UMR PRODIG
Collectif Inverses

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Marie Morelle

Maîtresse de conférences en géographie, HDR
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
UMR PRODIG
Collectif Inverses

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