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Notas
Cité par TARAYRE, M – «Le sang dans le Speculum Maius de Vincent de Beauvais. De la science aux miracula», in FAURE, M. - Le Sang au Moyen Âge. Actes du quatrième colloque international de Montpellier, 27-29 novembre 1997). Les Cahiers du C.R.I.S.I.M.A., 4. Montpellier : Presses de l’Université Paul Valéry, 1999, p. 351.
Romanic Review, 79 (1988), p. 89-104.
Voir, à ce sujet, l’étude de J.-P. Roux qui scrute les diverses (mais bien souvent convergentes) significations/utilisations et croyances sur le sang dans différents contextes culturels et historiques: Le Sang. Mythes, symboles et réalités. Paris : Fayard, 1988.
Voir RUBIN, M. - Corpus Christi: The Eucharist in the Late Medieval Culture. Cambridge: Cambridge University Press, 1991; PALAZZO, E. - Liturgie et société au Moyen Âge. Paris: Aubier, 2000; MCCRACKEN, P. - «The Grail and Its Hosts», in The Curse of Eve, The Wound of the Hero. Blood, Gender, and Medieval Literature. Philadelphia: University of Pennsylvania Press, 2003, p. 92-117).
Sur cette question, je renvoie aux arguments habilement mis en œuvre par Tertullien, notamment dans le traité De Carne Christi ainsi qu’aux réflexions d’A. Leupin dans Fiction et Incarnation. Littérature et théologie au Moyen Age. Paris : Flammarion, 1993.
Enjeu central de l’herméneutique chrétienne suggéré par le célèbre anathème lancé par saint Paul aux Corinthiens (II, 3, 6) - «Littera occidit, spiritus autem vivificat» - et amplement repris par saint Augustin dans le De Doctrina Christiana (III, V, 9 sq.).
Une histoire du corps au Moyen Âge. Paris : Liana Levi, 2003, p. 39.
Voir LE GOFF, J. - «Métiers licites et métiers illicites dans l’Occident médiéval», in Pour une autre Moyen Âge. Temps, travail et culture en Occident. Paris : Gallimard, 1977, p. 91-107.
Voir VAN PROYEN, M. - «Sang et hérédité. À la croisée des imaginaires médicaux et sociaux des XIIIe et XIVe siècles», in Le sang au Moyen Âge, p. 69-75.
Pour les sources et les principales théories sur le sang (notamment sur les suspicions concernant sur le sang et les fluides féminin) dans le cadre de la médecine médiévale, voir JACQUARD. D. et THOMASSET, Cl. - Sexualité et savoir médical au Moyen Âge. Paris : PUF, 1985 ; LE GOFF, J. et TRUONG, N. - Une histoire du corps, p. 119-121), ainsi que l’excellente synthèse de THOMASSET, Cl.- «De la nature féminine», in KLAPISCH-ZUBEL, Ch. (dir.) - Histoire des femmes en Occident. II – Le Moyen Âge. Paris : Plon, 2002, p. 65-98.
À la suite des auteurs de l’Antiquité, dont la pensée s’enrichit peu à peu grâce aux apports des médecins et philosophes arabes, le Moyen Âge reprend et développe la théorie selon laquelle tous les fluides, plus ou moins impurs ou inquiétants selon les contextes, dérivent du sang, qu’il s’agisse du sperme, de la sueur, de l’urine ou du lait.
Éd. R. E. Lewis : Athènes, 1978.
Comme le rappellent J. LE GOFF et N. TRUONG (Une histoire du corps, p. 131), l’ouverture des corps était davantage destinée à confirmer les théories de Galien plutôt qu’à chercher de nouvelles interprétations pour les phénomènes médicaux.
Attirant au point de pétrifier le héros au seuil d’une l’extase mortelle, ravissant et aux effets potentiellement dévastateurs, nous trouvons le discours du sang au centre du parcours de Perceval de Chrétien de Troyes lors du célèbre épisode des trois gouttes de sang sur la neige où l’oubli amoureux du valet gallois émerge sur fond d’une violente et sanglante étreinte sexuelle marqué par la faille et l’impossibilité d’atteindre/de saisir l’autre dans da plénitude. Le sang répandu par l’oie sauvage puis gommé de cette surface neigeuse devenue emblème du palimpseste, n’est ainsi que l’image déplacée de ce drame infiniment rejoué autour d’un manque à dire primordial qui se place entièrement sous le signe de la blessure et du sang, le silence du nice sur le cortège du Graal (qui contient l’aliment eucharistique, comme nous le saurons par la suite) et la Lance-qui-Saigne empêchant la régénération de cet autre-monde dont la stérilité mortelle est justement emblématisée par l’infirmité du Roi Pêcheur blessé – comme le fut naguère le père du héros – entre les jambes. Dans les deux cas, la faute de Perceval n’est pas tant dans le silence, infécond en soi, mais plutôt dans le fait qu’il s’agisse-là d’un silence qui refuse (consciemment ou non) d’interroger un rituel qui a un rapport singulier au sang à travers l’émergence d’une parole qui permettrait d’en circonscrire/saisir le sens et, par conséquent, de stopper cette énigmatique hémorragie qui finira par affecter, à la fin du récit, le royaume même d’Arthur.
BÉROUL, Le roman de Tristan, éd. LACROIX, D. et WALTER, Ph. - Tristan et Iseut: les poèmes français, la saga norroise. Paris : Librairie Générale Française, Coll. Lettres Gothiques, 1989, p.21-231.
Voir notamment les réflexions de HUCHET, J.-Ch. - Tristan et le sang de l’écriture. Paris : PUF, 1990.
Éd. ROQUES, M. Paris : Champion, 1983.
Ce qui dévoilerait, sous le signe du mensonge ou du voile fictionnel, un autre type de vérité inconsciente (l’interdit sexuel durant la menstruation). Avant que la théorie psychanalytique n’ait fait le rapprochement entre le saignement nasal et le sang menstruel (voir, à ce sujet, MCCRACKEN, P. - The Curse of Eve, p. 13-14), déjà Aristote, suivi par la pensée médiévale que si les femmes n’ont pas de saignement de né, c’est parce qu’à défaut de pouvoir se purger de leurs résidus par la chaleur du corps, elles se purifient régulièrement à travers les menstrues (THOMASSET, Cl. - «De la nature féminine», p. 80).
PERROT, J.-P. - «Du sang au lait: l’imaginaire du sang et ses logiques dans les Passions de martyrs», in Le Sang au Moyen Âge, p. 459-470.
The Curse of Eve.
Milk and Blood. Gender and Genealogy in the «Chanson de Geste». Berne: Peter Lang, 2003.
PAYEN, J.-Ch. - «Une poétique du génocide joyeux: de voir de violence et plaisir de tuer dans la Chanson de Roland», Olifant, 6, 3-4 (1979), p. 226-236.
En effet, resté seul sur le fatidique lieu de Larchamp (espace où résonne encore, sur le plan de l’imaginaire, la défaite traumatisante de Roncevaux) où les troupes françaises sont décimées, le héros se désincorpore progressivement de tous ses attributs guerriers. Après la mort de son cheval, il souffre les effets de la faim, de la soif, de la chaleur insupportable et de la fatigue physique et existentielle. Ayant semé stérilement sur le chemin ses armes, symbole de la dispersion d’un Chrétienté en péril et d’une désintégration de la sémiologie épique, il laisse finalement tomber l’emblème ultime de l’identité, l’étendard (laisses 64-65 de l’éd. de REGNIER, Cl. Paris : Champion, 2 vols, 1990). Les innombrables blessures infligées à son corps transforment celui-ci en un objet poreux (laisses 65-71) qui se vide peu à peu de sa substance vitale (sang, organes, eau). La mort approchant, les yeux «li sunt trublez» et même le désir de revoir une dernière fois Guillaume lui est refusé (v. 895). Dilacéré par les païens afin qu’il ne puisse être retrouvé, son corps est fragmenté («Tuit le detrenchent contreval al graver», v. 925) et dissimulé. Placé sous le signe de la dispersion, la mort de Vivien n’a rien d’un sacrifice régénérateur (modèle rolandien) et la désincorporation du héros, touchant à l’effacement, conduit l’écriture épique à l’impasse devant l’absence de tous signes corporels à partir desquels on puisse lire/écrire les vestiges d’une geste exemplaire et structurer une mémoire fondatrice/identificatrice.
Comme le rappelle F. E. SINCLAIR, c’est justement parce que le corps féminin est un corps poreux, perméable d’où s’écoulent des fluides énigmatiques tenues comme potentiellement néfastes qu’il devient figure de l’altérité par excellence: «The construction, presentation, and manipulation of the female character in the text reflects this predominance, yet, […] the conflicting impulses within contemporary ideaological discourse can work to produce na aver-all image of women which is incoherent or fragmebted […]. The definition of this space [le corps maternel] is to great extend predicated on the alterity and specificity os the female body: a body that bleeds, secretes, gestates and lactates» (Milk and Blood, p. 19).
The Curse of Eve, p. 14.
Étymologie et généalogie. Une anthropologie littéraire du Moyen Age français. Paris : Seuil, 1989, p. 113-145.
Éd. BARRETT, M. Meddium Aevum Monographs, New Series, 6: Oxford, Society for the Study of Mediaeval Languages and Literatures, 1975.
Version donné par BARNETT (éd. cit. p. 150).
Cette séquence rend compte, en amont, d'un premier stratagème (manqué) des païens (déguisés en marchands) envoyés par Thibaut pour s'emparer de Rainouart et d'Aélis (laisses I-XI), l'objectif étant la reconquête d'Orange et d'Orable (comme si le Cycle de Guillaume d'Orange se déployait maintenant à rebours), et, en aval, de la naissance de Maillefer (qui entraîne la mort d'Aélis – laisse XI) et de son enlèvement par l'étrange Picolet lou legier, le nain au service du géant païen Loquifer et de Thibaut (laisse 48).
Le thème de l’enlèvement, fondé sur le schéma structural de la famille séparé (conte-type Placide-Eustache: AT 938) est un schéma abondamment exploré par la chanson de geste à partir du XIIIe siècle permettant, au niveau structurel, de relier la partie épique du récit à la partie «romanesque» (Rainouart à Avalon).
La complexion sanguine (chaude et humide) ne se traduit pas forcément en violence et en démesure irrationnelle, les vertus guerrières des héros sarrasins ainsi que leur respect méticuleux du code et de l’éthique chevaleresques étant clairement soulignés au long de La Bataille Loquifer. Elle se caractérise toutefois par une tendance à extérioriser les pulsions à travers un langage du corps qui se situe aux antipodes d’un certain idéal de contention: «Les sanguins qui ne prendent partie d’autre complexion si doivent estres […] largues, amans, legiers, rians et vermaux, cantans, carnus, hardis par raison et debonnaires: tel doit estre nature li homs sanguins. Tele menniere de gent font volontiers coÿt et moult le peuent faire, pour ce qu’il sont cauls et moistes; par le caleur, il en sont talentieus; par le moisteur, il en peuent faire assés» (Placides et Timéo ou Li secrés as philosophes, 427. Éd. critique par THOMASSET, Cl. Genève : Droz, 1980).
Voir aussi le v. 1708 (colère de Loquifer), le v. 1502 (Loquifer arrachant «par maltalant» ses cheveux avec une telle rage «que li sens en est enprés saillis»: s’agissant d’un sang qui émerge de l’organe de la raison par excellence, le tête, l’écoulement du sang devient ici à nouveau clairement isomorphe d’une perte du sens), le v. 3486 (Thibaud apprenant la mort de Déramé) et le v. 3648 (rivalité entre les quatre fées à l’égard de Rainouart).
Mais loin d’être unique au XIIIe siècle: qu’on se souvienne de la pierre guérisseuse dans le Moniage Rainouart ou de l’herbe médicinale d’Orable (la princesse sarrasine qui prend remarquablement l’allure de la fée des récits bretons) dans les Enfances Guillaume. Cependant, l’organisation et l’omniprésence structurante de ces éléments hétérogènes à la tradition épique à l’intérieur du récit me semble assez singulière surtout dans un poème aussi bref que La Bataille Loquifer.
Les indices sont nombreux tout au long du récit, ce qui confirme que le basculement final dans l’Autre-Monde n’a rien d’incohérent ou de gratuit, comme on l’a souvent suggéré. Ainsi, dès les premiers vers, Rainouart est vu par les païens comme un être enchantés (v. 113) et faeez (v. 120) dont les origines même sont inquiétantes et menaçantes. Aux vers 234 et 270, le texte nous montre le héros tenant à la main un bâton de pommier (arbre aux significations multiples mais convergentes, pouvant symboliser le renouvellement, l’immortalité et un savoir secret réservé aux initiés). Or, cet attribut sera aussi celui de Guiborc (la sœur de Rainouart) au vers 2751 qui se servira justement de cet objet pour agresser violemment Déramé (son père) lorsque celui-ci était sur le point de vaincre son mari (Guillaume). Nous aurons l’occasion de retrouver d’autre indices (liés, notamment, à une certaine conception de la féminité et du temps – motif de l’arbre) au long de ces réflexions.
Ce déplacement a été clairement remarqué et commenté par H. BLOCH (Étymologie et généalogie, p. 217-270) qui en limite toutefois l’impact à l’économie du roman, alors qu’en réalité il me semble affecter également l’économie de la chanson de geste devenant même, à mon avis, l’enjeu essentiel de cette translatio fictionnel de motifs et de séquences appartenant traditionnellement au monde romanesque. Le passage du symbole au signe traduit essentiellement l´éclatement d’un rapport jadis stable et cohérent entre les signes et un signifié transcendant, bien que toujours disponible et récupérable selon l’utopie médiévale (voir la démarche étymologique d’un Isidore de Séville, par exemple) qui désormais devient de plus en plus distant, opaque et intangible. Comme l’explique F. E. SINCLAIR à partir des thèses de J. KRISTEVA, «The symbol thus appears stable and entire, despite the ambiguity perceptible in this referring back to an unknowable transcendence. The monologic quality of the symbol and the gulf which lies between it and that which it symbolises does, however, lend it a self-limiting, self-fulfilling quality; the positive aspects of the symbol are countered by its inherently static, repressive nature. Kristeva sees the thirteenth century as the critical point that marks the beginning of the transition from symbol to sign […]. The unity and coherence of the relation between the symbol and the transcendence which it evoked began to replaced by ‘the strained ambivalence of the sin’s connection’ with it signified, a distancing which […] gave rise to the increasingly material nature of the signifying unit (the sign), and to fragmentation and heterogeneity (Milk and Blood, p. 211).
The Chanson de Geste in the Age of Romance. Political Fictions. Oxford: Clarendon Press, 1995.
The Political Unconscious: Narrative as a Socially Symbolic Act. New York, Ithaca: Cornell University Press, 1981.
Même des critiques autrement avisés comme M.-L. Ollier, pour ne citer qu’un exemple, semblent avoir parfois du mal à échapper à ce lieu-commun particulièrement tenace de la mémoire littéraire: «Mais quel qu'ait été le succès du genre, on aperçoit aussi les limites qui lui sont inhérentes; la chanson de geste, comme système de représentation, ne peut pas être protéiforme, comme le sera le discours romanesque; sa primarité s'entend aussi en termes d'unicité; cette forme de discours est historiquement condamnée [...]. Son rôle prend fin dès que, par elle et à travers elle, une communauté s'est reconnue comme telle; dès que chacun de ses membres s'y définit par son appartenance» (OLLIER, M.-L. - La forme du sens. Textes narratifs des XIIe et XIIIe siècles. Études littéraires et linguistiques. Orléans : Ed. Paradigme, 2000, p. 35). En ce sens, Dans cette perspective, nous sommes à peine surpris par les commentaires de Gerald A. Bertin dans son introduction à l’édition du Moniage Rainouart, lorsqu’il compare ce récit à celui qui va justement faire l’objet de nos remarques, La Bataille Loquifer: «Par contraste avec la Moniage Rainouart, où tout est soigneusement motivé et où la matière épique est préservée malgré les incidents héroï-comiques, La Bataille Loquifer, qui est moitié moins longue (3890), est caractérisée par une suite médiocre d'évènements mal liés où le merveilleux et les coïncidences réduisent l'épopée au niveau du roman d'aventure banal» (BERTIN, Gerald A. - Le Moniage Rainouart I. Paris : Éd. A. & J. Picard & Cie, 1973, p. LV-LVI).
Voir ROUSSEL, Cl. -«Le mélange des genres dans les chansons de geste tardives», in ALVAR, C. et PAREDES, J. - Les Chansons de geste. Actes du XVIe Congrès Internationale de la Société Rencesvals pour l’Étude des Épopées Romanes (Granada, 21-25 juillet 2003). Granada : Université de Granada, 2005, p. 73.
En s'aventurant dans l'univers arthurien, la chanson de geste peut ainsi surgir comme une sorte d'inconscient poétique (et idéologique ou politique) du roman, traduisant (au sens médiéval de la translatio, d’un déplacement discursif et métaphorique des signifiants fictionnels), questionnant ou rendant manifeste ce que celui-ci a voulu réprimer au niveau du dit, Comme le suggère S. Kay (The Chanson de geste in the age of the romance, p. 6), le roman, par exemple, semble mettre en scène «a politics of evasion which sanitize or disguise the rifts in the social and symbolic order which chansons de geste exhibit.»
Face au spectre de la fragmentation et du morcellement du corps (physique et poétique) qui menace la chanson de geste, la présence du baume magique alimente le rêve d’une unité/intégrité infiniment retrouvée: «n‘i parut plaie an ses jambes ne trous» (v. 2310).
L’épisode biblique (rapporté par Matthieu et par certains apocryphes) racontant la guérison, par Jésus, de la femme (Véronique, d’après L’Évangile de Nicodème) soufrant d’hémorroïsse est, dans cette perspective, très révélateur. Voir, à ce sujet, les commentaires de ROUX, J.-P. - Le Sang…, p. 88-90.
Sans parlé de l’autre figure de la Loi (absente de ce texte) qui incarne la faille durant tout le cycle de Guillaume d’Orange, à savoir, le roi Louis le Pieux (voir SINCLAIR, F. E. - Milk and Blood, p. 208-210).
Les deux personnages ont en effets plus de points en communs que de différences: tous deux sont présentés comme des géants aux attributs telluriques ou chtoniens; tous deux refusent la plupart du temps de combattre avec l’emblème par excellence du guerrier, l’épée, préférant la massue (Rainouart) et la loque (Loquifer), une arme redoutable dont le héros s’emparera à la fin du combat prenant alors clairement la place de son double; tous deux ont pour habitude de s’asseoir «sous l’olivier ramé» (tout comme le fera d’ailleurs Guiborc lors du duel entre Guillaume et Déramé), cet axis mundi - qui symbolise la paix ou l’alliance - devenant naturellement un attribut de tous ces personnages de frontière que sont Rainouart (le géant païen converti et devenu champion de la chrétienté), Guiborc (la belle sarrasine usurpée par Guillaume à Thibaud) et Loquifer (dont l’espace d’origine est clairement présenté sous les traits de l’Autre-Monde).
Le texte insiste à plusieurs reprises sur cette menace imminente: sans Rainouart, la geste de Guillaume (et par conséquent la Chrétienté carolingienne) est perdu (voir, par exemple, le planctus de Guillaume aux vers 2075-93.
Voir, à ce sujet, VINCENSINI, J.-J. - «Viol de la fée, violence du féerique. Remarques sur la vocation anthropologique de la littérature médiévale». Senefiance, 36 (1994), p. 545-559. N’oublions pas, d’autre part que Maillefer, le fils d’Aélis et de Rainouart naît, lui aussi, sous le signe de la démesure physique et que sur lui plane aussi, à en croire les insultes des païens et les étranges coïncidences lexicales que nous avons observées, le spectre de la bâtardise. Vaincre la chimère conçue dans l’Autre-Monde, c’est donc également exorciser la menace d’une généalogie chrétienne placée sous le signe de la monstruosité.
Voir STANESCO, M. - «Du démon de midi à l'Éros mélancolique: topologie du féerique dans le lai narratif breton». Poétique, 106 (1996), p. 131-159.
Sur cette question dans le contexte de la confluence inter-générique qui caractérise ce poème, voir nos réflexions dans «Rainouart au pays des fées. Interchangeabilité des personnages et dialogisme dans "La Bataille Loquifer"», in CONNNOCHIE-BOURGNE, Ch. - Façonner son personnage au Moyen Âge. Senefiance, 53. Aix-en-Provence : PUP, 2007, p. 99-122.
Outre le fait que la laideur soit un attribut caractéristique de la description des païens dans l’épopée traditionnelle, remarquons que, dans la Chanson de Roland par exemple, de nombreux Sarrasins exhibent un nom construit sur le morphème val- (la vallée symbolisant souvent les profondeurs abyssales de l’enfer). C’est le cas de Justin de Valferee à la laisse 107 ou celui de Valdabrun à la laisse 117 (éd. critique SHORT, I. Paris : Librairie Générale Française, Coll. Lettres Gothiques, 1990).
Comme il arrive fréquemment dans le fonctionnement du symbolique, l’antithèse peut devenir complémentarité par l’union des contraires. Ainsi, dans certains contextes rituels, le sang est aussi purificateur que l’eau (tous deux sont principes de vie). Versé sur la terre qu’il féconde, il suscite des pluies abondantes, à conditions qu’il s’agisse d’un sang vivant, chaud et clair (voir ROUX, J.-P. - Le sang…, p. 83-88). Cependant, lorsqu’il s’agit d’un sang considéré impur (celui des menstrues ou de la parturition, notamment), son contact avec l’eau est susceptible de provoquer de terribles tempêtes (sur la résurgence de ce motif dans la littérature médiévale, je renvoie aux commentaires de P. MCCRACKEN - The Curse of Eve, p. 53-58.
Remarquons que cet imaginaire de la régénération est également présent au long du récit à travers quelques indices discrets (mais révélateurs) qui assument de nets contours mythiques. Représentant une nouvelle lignée de héros, Rainouart est comparé, au vers 2340, à un «faucons de mue». Plus tard, la comparaison à valeur métaphorique prendra corps littérale dans la fiction lorsque les fées, emportant le héros à Avalon, transforment sa massue en un faucon (v. 3655). Notons encore que Rainouart est souvent présenté assis sous un olivier ramé et que le bienfaisant nain Picolet qui sauvera Maillefer est deux comparé à un «cerf ramé» (v. 2121 et 2561), symbole celtique bien connu de la rénovation associée au dieu Cernunos. À la lumière de tous ces indices qui soulignent le schème de la renaissance (de la chanson de geste, du lignage, de la Chrétienté, etc.), ne pourrait-on pas interpréter le nom de Des-ramé comme l’emblème d’un univers épique usé, stérile (comme, de l’autre côté du miroir, l’est également celui de Louis le Pieux) et, par conséquent, condamné à disparaître?
Bien que le texte ne le dise pas explicitement, son nom révèle qu’il s’agit bien d’un avatar du nain («Petit estoit», v. 3314), miroir négatif et complémentaire du géant, dont la présence scande les récits arthuriens. Les trois yeux (v. 966-967) qu’il exhibe en font une figure de la totalité qui joint les différents axes séparés de l’espace et du temps (passé, présent et futur), tout en évoquant, peut-être, les trois matières poétiques métaphorisées par les trois épées de son maître. Quant aux brides que le poème nous fournit sur la généalogie de ce personnage, elles sont également révélatrices de son appartenance à un domaine culturel et poétique autre que celui de la chanson de geste traditionnelle. Nous savons, en effet, qu’il est frère d’Aubéron «qui de Monnuble tenoit la regïon» (v. 3315). Ce domaine, dont Picolet se présente comme le légitime héritier, se situe apparemment dans l’espace balisé du monde païen tout en échappant à sa géographie imaginaire, ce qui explique pourquoi Thibaut échoue à retrouver Maillefer bien qu’il le fasse rechercher partout (v. 4137-39). Il est, d’autre part, intéressant d’observer que la digression narrative qui raconte ce nouveau rapt de Maillefer emporté maintenant vers l’Autre-Monde de la féerie et du roman arthurien, se place justement au cœur de la séquence d’Avalon (laisses 89-91) et non pas dans la partie épique du poème. Picolet le nain apparaît ainsi comme une figure médiatrice par excellence qui opère un premier déplacement géographique et métaphorique (une véritable translatio poétique) de la chanson de geste vers l’espace romanesque.
Le rire sardonique de l’enfant (v. 4021) n’est pas sans rappeler celui de Merlin et reprend le motif très répandu au Moyen Âge du puer senex.
Voir MCCRACKEN, P. - The Curse of Eve, p. 4-6; THOMASSET; Cl. - «De la Nature féminine», p. 78-84; SINCLAIR, F. - Milk and Blood, p. 17-27; 32-42.
«.IIII. muis d’eve li ai veü porter/ A un tinel et a son col lever», apprend-on de la boucle du roi Louis dans les Aliscans (v. 3583-84).
En effet, l’instabilité dérangeante de l’épisode d’Avalon est visible à travers les différentes versions du texte: certains manuscrits (Arsenal, F, E et peut-être C) effacent cette séquence, alors que d’autres la dissocient du reste du texte (B2) ou l’associent directement aux premiers vers du Moniage Rainouart (B1), les versions qui donnent cet épisode présentant néanmoins entre elles une homogénéité remarquable. Soigneusement préparé tout au long du récit par une constellation extrêmement cohérente du point de vue narratif et symbolique, cette séquence, comme nous avons cherché à le démontrer, est toutefois loin d’être un simple collage maladroitement greffé (par un quelconque remanieur) sur un récit premier (au plus, si greffe il y eut, elle a pris le soin de tenir compte – ou d’introduire – certains thèmes et motifs parsemés tout au long du poème). Sur la place qu’occupe La Bataille Loquifer dans le cycle de Guillaume d’Orange et, plus particulièrement, sur la mouvance matérielle qui affecte l’épisode d’Avalon dans la tradition manuscrite, je renvoie à l’excellente étude de Nelly ANDRIEUX - «Arthur et Charlemagne réunis en Avalon: la Bataille Loquifer ou l'accomplissement d'une parole», in Actes du IXe Congrès International de la Société Rencesvals. Modena : Mucchi, vol. 2, 1984, p. 425-434.
Par opposition à l’image du «livre faussé» par les sarrasins qui apparaît à la fin de la laisse VI.
Symbole qui s’inscrit dans la lignée de tous ces arbres «ramés» qui parsèment le récit et sous lesquels les personnages se reposent à tour de rôle (Loquifer, Rainouart, Giborc, Ygerne).
Tout lecteur/auditeur attentif des prologues épiques et romanesques des XIIe et XIIIe siècles sait néanmoins qu’il faut toujours se méfier des histoires rapportées oralement par ces jongleurs (surtout lorsqu’ils sont gascons?) qui n’ont cesse de déformer et de corrompre la vérité du conte, de briser l’intégrité de la parole poétique.
Sur l’isomorphisme possible entre le bain rituel (marqué par l’interdit) et les tabous concernant le sang menstruel, voir notamment l’étude d’ISNART, C. - «La fée, la grotte et le tisserand. Etude ethnologique autour de la Monographie communale d’Utelle [circa 1910]». Pays Vésuvien, 1 (2000), p. 147-157, ainsi que les commentaires de MCCRACKEN, P. - The Curse of Eve, p. 79-91).
Ce miracle raconte comment la Vierge vient en aide aux Bretons en les guidant dans l’obscurité lorsqu’ils se dirigent avec leurs chars à Chartres pour reconstruire une église en son honneur: «Hors ne furent pas li Breton/ De la mesnie Chapalu» – v. 94-95: édition en ligne du ms. Chartres 1027 par KUNSTMANN, P. (consulté le 26 août 2010). Disponible à l’adresse www.uottawa.ca/academic/arts/lfa/activites/textes/chartres/chpres.html.
Éd. L. FOULET, L. Paris : Champion, 1975. Sensiblement à la même époque (ce qui n’est peut-être pas le simple fruit du hasard), nous retrouvons également des échos de cette tradition dans la Suite-Vulgate du Merlin (chap. 32-33), en particulier lors du combat civilisateur qui oppose Arthur au chat démoniaque.
C’est en effet sous les ordres du roi que le monstre hybride est libéré pour combattre Rainouart: laisse 79; d’après les paroles d’une fée, le souverain semble d’ailleurs être le seul, en dehors de la victime, à connaître la forme humaine de Chapalu.
Nous retrouverons le personnage de Chapalu plus tard, notamment dans les remaniements d’Ogier le Danois (version décasyllabique du XVe siècle) où son origine et son rôle sont présentés dans une version assez semblable à celle que nous trouvons dans la Bataille Loquifer. Voir, à ce sujet, les pertinentes remarques R. TRACHSLER- Disjointures – Conjointures. Étude sur l’interférence des matières narratives dans la littérature française du Moyen Âge. Tübingen-Basel : A. Francke Verlag, Romanica Helvetica, 2000, p. 150-156.
Être de l’oxymore ou de la conjonction (aussi bien idéologique que symbolique) des contraires par excellence, Rainouart est le géant païen qui, bien qu’étranger au monde épique traditionnel, devient champion de la Chrétienté; il est aussi le héros de la troisième fonction dumézilienne qui sort de l’univers souterrain des cuisines pour s’ériger au statut de prince – marié à la fille de Louis le Pieux – et de seigneur féodal).
Pour un relevé plus complet des sources judéo-chrétiennes et antiques, voir l’ouvrage de ROUX, J.-P. - Le Sang: mythes, symboles et réalités.
Comme le souligne J. VOISENET («Le tabou du sang dans les pénitentiels du haut Moyen Âge», in Le Sang au Moyen Âge, p. 117), «Le sang n’est plus seulement le vecteur de vie, la chair crue et sanguinolente symbolise la bestialité et le paganisme. Sa condamnation met nettement en valeur l’opposition entre le cuit et le cru, la culture et la nature, la civilisation et la sauvagerie. Absorber le sang, sous n’importe quelle forme, c’est franchir cette limite incertaine entre l’humain et le bestial, c’est renoncer à l’élévation du christianisme pour retomber dans le paganisme.»
Voir l’intéressant article de J. VOISENET, «Le tabou du sang dans les pénitentiels…», p. 111-125.
Texte traduit et commenté par DUCHESNE, A. Paris : Les Belles Lettres, 2004.
Apud ARAYRE, M. - «Le sang sans le Speculum Maius…», p. 349.
Vincent de Beauvais insiste avec force de redondance sur cet aspect qu’il considère essentiel: «Cor est in omnibus habentibus sanguinem. Vasa namque sanguinis venae sunt et harum principium est cor, unde venae videntur exire a corde, non transire per ipsum. Cor fons est et principium sanguinis. In corde est principium venarum et prima virtus creans sanguinis» (Speculum naturale, XXI, 26, apud TARAYRE, M. - «Le sang dans le Speculum Maius…», p. 347).
Sur la spiritualisation allégorisante du corps et des fluides féminins à travers l’image du lait (lait de la Vierge, lait de la doctrine, etc.), je renvoie aux commentaires de SINCLAIR, F. E. - Milk and Blood, p. 17-51), L’HERMITE-LECLERCQ, P. - «Le lait et le sang de la Vierge», in Le Sang au Moyen Âge, p. 145-162), ainsi qu’á ceux de PERROT, J.-P. - «Du sang au lait…».
GAUCHER, E. - «Sang vermeil, merveille du sen: à propos de Robert le Diable», in Le Sang au Moyen Âge, p. 217-226).
Texte cité et commenté par BUSCHINGER, D. - «Sang versé, sang guérisseur, sang aliment, sang du Christ dans la littérature médiévale allemande», in Le sang au Moyen Âge, p. 257-266.
Le motif du bain de sang qui guérit de la maladie (de la lèpre, notamment) est très répandu au Moyen Âge: nous le trouvons, par exemple, dans La Queste del saint Graal (la pucelle vierge qui donne son sang pour sauver le lépreux) et dans la chanson de geste Ami et Amile où c’est l’enfant qui est sacrifié pour sauver l’ami. Sur ce sujet, voir, entre autres, BERTHELOT, A. - «Sang et lèpre, sang et feu», in Le Sang au Moyen Âge, p. 39-68) et MCCRACKEN, P. -The Curse of Eve, p. 2-6; 41-60.
Trad. du moyen-haut-allemand par BUSCHINGER, D. et PASTRE, J.-M. Paris : Gallimard, 2001.
Nous retrouvons ce motif dans un roman presque contemporain de la Bataille, Le Haut Livre du Graal (Perlesvaus) où Gauvain tue, durant son parcours tumultueux, un descendant du lignage d’Achille en lui enfonçant justement l’épée dans la plante du pied (Branche V, p. 299 de l’éd. de STRUBEL, A. Paris : Librairie Générale Française, coll. «Lettres Gothiques», 2007). L’éditeur reconnaît ici l’étrangeté de cette allusion déplacée dans le contexte qu’il fait remonter à une légende tardive transmisse en particulier par Fulgence. La Bataille Loquifer aurait-elle bu à la même source textuelle que le Perlesvaus ou, là encore, comme pour le personnage de Chapalu, aurait-elle puisé dans une source orale? La réponse est délicate, mais le fait est que, du moins à ma connaissance, aucun texte vernaculaire appartenant à la dénommé «matière antique» (Roman de Thèbes, Énéas, Roman de Troie) ne fait référence à la mort d’Achille provoquée par une flèche décochée par Pâris (instigué par Apollon) qui atteint son point vulnérable, le talon. Cette version, assez tardive dans la tradition manuscrite, n’est d’ailleurs transmise pour la première fois que par Stace (poète du Ier siècle après J.-C.) dans son Achilléide (où l’on peut lire également l’origine de ce point faible: ayant été baigné dans les eaux infernales du Styx par Thétis, le corps d’Achille est invulnérable à l’exception du talon par lequel sa mère l’avait tenu). Cela n’empêche, comme en témoignent certaines représentations iconographiques trouvées sur des vases de la période archaïque et du début de la période classique, que la tradition du «talon d’Achille» fut très ancienne. Sur cette tradition, voir GANTZ, T. Timothy - Early Greek Myth. Baltimore: Johns Hopkins University Press, 1993.
Voir, à ce propos, PASTRE, J.-M. - «Rainouart et Rennewart: un guerrier aux cuisines», in GUIDOT, B. - Burlesque et dérision dans les épopées de l'occident médiéval (Actes du Colloque International des Rencontres Européennes de Strasbourg). Paris : Les Belles Lettres, coll. Littéraires, 3, p. 123-131; MARTIN, J.-P. - «Le personnage de Rainouart, entre épopée et carnaval», in Comprendre et aimer la chanson de geste (À propos d'Aliscans). Fontenay aux Roses : Feuillets de l'E. N. S. Fontenay-St. Cloud, 1994, p. 63-86.
Ce qui confirmerait également cette étrange ressemblance entre Rainouart et Perceval, les deux héros étant, chacun à leur façon, sommé de répondre aux énigmes teintées de sang (Graal eucharistique, Lance-qui-Saigne, plaies symboliques) qui émanent de cet Autre-Monde (celui du Roi Pêcheur ou celui de Morgue) paralysé par la blessure et la mort.
Voir ROUX, J.-P. - Le Sang…, p. 221-234.
Comme le suggérait également A. LEUPIN à propos de Raoul de Cambrai (voir passage cité en exergue).
Après Rainouart lui avoir appris son désir de quitter Avalon pour partir en quête de Maillefer, Morgue, la fée-amante et source de vie, assume à nouveau son visage destructeur et mortel: «Morgue l’antent, lou sanc cuide desver./ Chapalu fait isnelement mander:/ ‘Ami,’ dist elle, ‘ses que voil conmander?/ Tu conduiras Renoart par la mer,/ et se il puet Maillefer conquester,/ Corbans mes fils ne poroit rien clamer/ a Porpaillart, n’a Tolose sor Mer’» (3949-55).
Voir, à ce sujet, ANDRIEUX, N. - «Arthur et Charlemagne réunis en Avalon…», p. 433.
Cette reconnaissance constitue l’exacte envers de la monstruosité résultant de la transgression de l’interdit sur le corps féminin (Ysabras et Chapalu).
Le passage s’ouvre et se clôt sur un vers pratiquement identique: «Renoars iert sor mer en .I. laris» (v. 3603); «Renoars dort sor mer an .I. larris» (v. 4211).
Pour reprendre le beau titre des études recueillies par BOUTET, D. et ESMEIN-SARRASIN, C. - Palimpsestes épiques. Récritures et interférences génériques. Paris : Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2006.
Dans sa qualité de protecteur du lignage épique, Picolet joue ici un rôle analogue à celui d’Aubéron dans Huon de Bordeaux.
«Arthur et Charlemagne réunis en Avalon…», p. 433.
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