Jean-Luc Fray, Pierre Cornu, Patrick Fournier (dir.), Petites villes en montagne. De l’Antiquité au XXe siècle
FRAY, Jean-Luc; CORNU, Pierre; FOURNIER, Patrick (dir.) – Petites villes en montagne. De l’Antiquité au XXe siècle. Clermont-Ferrand: Presses Universitaires Blaise Pascal, collection «Histoires croisées», 2013, 277 p. [ISBN: 978-2-84516-544-1]
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1Il n’est pas habituel qu’une recension ait besoin de se justifier, en égard à la revue dans laquelle elle est publiée. Cependant, si l’on croise les objectifs définis par Medievalista online (« contribuer à une large diffusion de la culture académique médiévale ») avec la longue durée annoncée dans le sous-titre du livre (De l’Antiquité au XXe siècle), une telle justification préalable ne semble pas inutile.
2Cet ouvrage correspond en effet à une croisée interdisciplinaire et de perspectives d’approche appliquée à un objet disséminé, tant au plan chronologique que géographique. Autrement dit, cette transversalité vise un fait historique (les unités urbaines de petite taille), influencé par une caractéristique du site où il s’inscrit (les montagnes à partir de 600 mètres), dans un espace couvrant l’Europe occidentale et centrale, observé sous un angle multidisciplinaire.
3Considérant que le croisement des savoirs contribue à faire avancer la connaissance et que la réflexion sur les problématiques, les méthodologies et les modèles explicatifs concourt à l’étude de réalités inscrites dans n’importe quelle époque historique, je pense avoir justifié la pertinence de l’inclusion de cette recension dans la revue Medievalista online.
4Sous la direction de Jean-Luc Fray, Pierre Cornu et Patrick Fournier, trois historiens qui poursuivent leurs recherches dans le domaine des structures urbaines et rurales de l’espace et de l’histoire environnementale, cet ouvrage rassemble quatorze articles, encadrés par deux textes structurants signés par les organisateurs. Ces articles résultent des communications présentées au colloque Petites villes en Montagne. De l’Antiquité au XXe siècle, organisé à Clermont-Ferrand, en juin 2007, par le Centre d’Histoire «Espaces et cultures» de l’Université Blaise Pascal.
- 1 http://calenda.org/191298 (consulté le 14 février 2014).
5Avant d’aborder le livre, analysons les textes d’annonce du colloque et d’appel à contributions1. Un événement scientifique de cette nature part d’une thématique, d’une question ou d’une hypothèse de travail que l’on souhaite voir abordée/concrétisée par des chercheurs extérieurs. L’annonce du colloque exprime un argument structuré, un véritable plan de recherche, défini par les horizons chronologique et géographique et par un volet indéniable de réflexion conceptuelle.
- 2 http://eauh.ish-lyon.cnrs.fr/browse_sessions1b70.html?idsession=90 (consulté le 14 février 2014).
6Cette clarté d’objectifs se retrouve aussi dans la présentation du panel «Petites villes de montagne en Europe, moyen-âge/époque moderne» à la IXe Conférence internationale d’histoire urbaine, organisée à Lyon, en 2008 et qui visait explicitement à établir les bases pour la poursuite d’une étude comparative européenne2.
7Mais revenons à notre ouvrage, conscients qu’il est le fruit d’un ensemble de recherches personnelles et de projets communs, développés par plusieurs champs disciplinaires de l’Université Blaise Pascal.
8C’est précisément ce que nous dit le premier des textes structurants de cet ouvrage, écrit par Jean-Luc Fray et dont le titre accentue l’approche épistémologique : "Des petites villes, la montagne, des historiens…". Ses mots, partiellement repris sur la quatrième de couverture, résument le message principal du livre en annonçant qu’il s’inscrit à la confluence de deux évolutions historiographiques : celle qui a conduit les historiens à s’intéresser aux villes moyennes et petites (et à poser d’une autre manière la question des rapports ville-campagne) et celle de la prise de conscience du caractère interactif des rapports homme-milieu.
9Récapitulons le thème central de ce livre: le lien établi entre un type d’unité urbaine, dont les critères de définition ne sont pas fixés, et un espace géographique qui présente des caractéristiques identifiées (montagnes à partir de 600 mètres).
10Tous les ouvrages collectifs qui résultent de la somme de contributions de plusieurs auteurs, auxquels a été laissée une grande part de liberté dans la conception des textes, ont besoin d’une épine dorsale, d’un fil conducteur qui assure leur cohérence. C’est le cas dans ce livre, où les articles sont classés dans trois domaines thématiques à l’intérieur desquels ils sont rangés dans l’ordre chronologique, couvrant l’époque romaine, le moyen-âge, l’époque moderne et nos jours, ces derniers textes étant signés par des géographes. Au plan géographique, les articles concernent des ensembles d’unités urbaines situés aussi bien dans les zones de moyenne montagne que sur le piémont, en particulier dans le Massif central, mais en couvrant aussi les Pyrénées, le Jura, les Alpes, les Carpates et la montagne de Sainte Croix, en Pologne. Les auteurs des quatorze textes sont issus de différents horizons disciplinaires (Histoire, Archéologie et Géographie) et certains présentent un parcours scientifique éclectique.
11La première partie, intitulée Approches empiriques et théoriques du fait urbain dans les espaces montagnards européens, comprend cinq articles. Trois d’entre eux abordent les théories de la répartition urbaine dans l’espace, en mettant l’accent sur la théorie des lieux centraux de Cristaller, l’un sous un angle théorique (Georges Nicolas) et deux en les appliquant à des petites villes situées dans le Jura et les Alpes, au moyen-âge (Anne Radeff), ou dans le Massif Central, à l’époque moderne (Jean-Luc Bergasol). Mais les modèles mathématiques «se heurtent» aux montagnes (ou, du moins, ils sont déformés par le relief). Les autres textes, l’un sur les Pyrénées à la période romaine (Olivier Michel) et l’autre sur la partie sud du Massif central de nos jours (Marie Ève Férérol), problématisent la définition de petite ville, tant au IVe siècle qu’au XXIe, et ils proposent des outils pour mesurer leur importance et leur influence territoriale.
12Les questions conceptuelles de base ne sont pas cantonnées au rang des approches empiriques et théoriques, puisque pratiquement tous les auteurs, à un moment donné de leurs textes, sont confrontés à l’inconsistance des critères de définition de petite ville.
13La deuxième partie, intitulée Les villes de montagne dans leur environnement: fonctions, activités, relations, rassemble six articles. Quatre mettent l’accent sur l’économie des petites villes et leurs relations commerciales, en situant leur étude dans les Alpes occidentales à l’époque romaine (Maxense Segard), dans le Jura et dans les Alpes à l’époque moderne (Paul Delsalle et Patrice Poujade, respectivement) et dans les Alpes du nord de nos jours (Milhan Chaze). Une problématique plus globale concerne l’organisation territoriale des saxons établis en Transylvanie à partir du XIIe siècle (Guillaume Durand), ainsi que l’urbanisation du piémont des Carpates orientales, au XIXe siècle (Judith Pal).
14Enfin, sous le titre suggestif de Villes d’altitude, hauts lieux? sont regroupés trois articles sur l’espace de montagne et la religiosité : à un texte sur la vie religieuse dans les petites villes du Massif central à l’âge moderne (Sthéphane Gomis), s’ajoutent les deux seuls travaux qui ne concernent pas un ensemble d’unités urbaines mais une ville seule analysée en diachronie, à savoir Zobten, située sur le piémont des monts Zobtenberg (Rosik Stanislaw) et Nowa Slupia, sur le piémont du Mont-Chauve, (Marek Derwich), toutes les deux en Pologne.
15Passons à présent à la Conclusion, le deuxième texte structurant du livre, que Pierre Cornu et Patrick Fournier rédigent sous le titre "Petites villes, moyennes montagnes et grandes questions". Leurs mots résonnent déjà comme une première recension de l’ouvrage, en rappelant qu’il n’aborde pas tout l’espace européen ni toute la chronologie et que sa contribution à la thématique des petites villes dans la longue durée se solde par des résultats modestes. En dialoguant avec la Conclusion qui est à la fois un bilan et une réflexion pour des développements futurs, je considère que les journées dont sont issus les textes sont plus qu’une rencontre d’«idiosyncrasies disciplinaires», même s’il en ressort clairement l’absence d’une «langue franche» pour aborder les petites villes (en l’occurrence, dans la montagne).
16Revenons au début de ce texte, lorsque je m’interrogeais sur l’intérêt de l’appropriation d’un livre qui n’aborde l’étude du moyen-âge que de manière transversale. L’approche conceptuelle et méthodologique de l’ouvrage, ainsi que l’élargissement des horizons rendu possible par la longue durée, en fait un outil de travail utile pour tous ceux qui s’intéressent au fait urbain situé dans le temps. Peut-être même contribuera-t-il à briser la barrière chronologique et disciplinaire – quasi infranchissable – où beaucoup d’entre nous continuent de vivre.
17Certains livres se distinguent parce que l’interprétation qu’ils véhiculent apaise temporairement les questions, d’autres parce qu’ils inquiètent en donnant la mesure de tout ce qu’il reste à accomplir. Petites villes en montagne se classe clairement dans ce second groupe.
Notas
1 http://calenda.org/191298 (consulté le 14 février 2014).
2 http://eauh.ish-lyon.cnrs.fr/browse_sessions1b70.html?idsession=90 (consulté le 14 février 2014).
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Referência eletrónica
Adelaide Millán da Costa, «Jean-Luc Fray, Pierre Cornu, Patrick Fournier (dir.), Petites villes en montagne. De l’Antiquité au XXe siècle», Medievalista [Online], 16 | 2014, posto online no dia 01 dezembro 2014, consultado o 12 janeiro 2025. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/medievalista/1501; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/medievalista.1501
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