Ananie et Saphire ou la construction d’un contre-modèle cénobitique (iie-xe siècle)
Résumés
Les Actes des Apôtres (5, 1-11) relatent la punition, par Pierre, d’Ananie et de Saphire, un couple qui voulait rejoindre l’Église primitive, mais qui avait gardé secrètement une partie du prix qu’il avait reçu pour la vente de sa propriété, au lieu de mettre tous ses biens en commun. Or, dans les milieux réformateurs de la première moitié du xe siècle, ce couple biblique apparaît comme un véritable contre-modèle cénobitique, au point qu’Ananie y est assimilé à un hérésiarque qui incarne le refus monastique d’abandonner ses biens propres. À travers l’analyse des diverses interprétations de cet épisode biblique, de l’époque patristique à l’âge proto-féodal, l’étude entend éclairer les différentes utilisations de la figure du couple, notamment dans la construction d’une conception particulière de l’existence monastique. D’abord envisagé comme une autorité dans la légitimation du pouvoir de sanction des clercs ou dans l’affirmation du dogme trinitaire, cet épisode biblique joue en effet un rôle majeur à la fois dans la définition de la vie communautaire et dans les modalités de la circulation des biens. Au terme de la période étudiée, les milieux monastiques réformateurs font converger ces deux dernières perspectives afin d’affirmer, à travers le contre-modèle d’Ananie et Saphire, leur aptitude à prendre en charge la société.
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1Dans l’ensemble de son œuvre fortement marquée par des impératifs réformateurs, le deuxième abbé de Cluny, Odon (m. 942), condamne les mauvais comportements des cénobites de son époque, en particulier la possession de biens propres (aliquid proprium ou opus peculiare), assimilée à une hérésie 1. Ce travers trouve, dans la pensée d’Odon, un référent biblique récurrent, présenté explicitement comme contre-modèle aux religieux : le comportement d’Ananie et Saphire, tel qu’il apparaît dans les Actes des Apôtres (5, 1-11) 2. Ce couple, qui voulait rejoindre la communauté apostolique, avait détourné, pour la garder, une partie du prix qu’il avait reçu pour la vente de sa propriété ; lorsque Pierre s’aperçut de la supercherie, il les frappa, chacun à leur tour, d’une mort immédiate 3. Lorsqu’il évoque Ananie et Saphire, Odon insiste sur trois éléments, toujours en correspondance avec les péchés des moines de son temps : d’abord leur cupidité, instillée par le diable, qui leur fait détourner les biens octroyés par Dieu vers des fins séculières, alors qu’ils auraient dû les abandonner 4 ; ensuite, leur punition, qui découle de leur avaritia, pour s’être arrogés, « sans grande nécessité, plus que ce qui fut institué 5 » ; enfin, le statut d’apostat et surtout d’hérésiarque d’Ananie, au même titre que Simon le Magicien – considéré comme le premier instigateur de l’erreur depuis l’Antiquité –, une idée originale qui n’est présente chez aucun auteur antérieur 6.
2Cette vision extrêmement radicale de la possession de biens propres par les moines, ou plus exactement de la recherche de « biens que ces derniers doivent abandonner pour Dieu », telle que l’incarnent Ananie et Saphire, ne prend sens qu’au regard d’un autre paradigme, qu’Odon revendique clairement pour la condition monastique : l’abandon de tous leurs effets personnels par les premiers chrétiens 7. Il définit en effet la vie apostolique tout à la fois comme une mise en commun des biens et une abolition de la propriété individuelle – reprenant en cela Act 4, 32-35 – qui se doublent de l’instauration de liens entre les hommes. Dans cette perspective, Odon intègre la doctrine paulinienne du corps mystique (I Cor 12, 12-27) à sa vision de la communauté apostolique, en s’appuyant sur la rapide allusion à l’unanimité (cor et anima una) d’Act 4, 32. L’abbé de Cluny articule donc très étroitement la mise en commun des biens avec le fonctionnement somatique de l’Église primitive, en germes dans le texte biblique et développé par ses soins. Plus qu’un modèle de comportement, l’idéal de la communauté apostolique s’incarne, pour l’abbé de Cluny, dans les bons moines, par le renoncement aux biens du monde et leur mise en commun, tandis que l’attitude d’Ananie les en empêche. Pourquoi, cependant, assimiler la possession de biens propres à une hérésie et faire d’Ananie un hérésiarque ? Pour répondre à cette question, il convient de s’interroger sur les raisons pour lesquelles un réformateur du xe siècle considère le couple comme un contre-modèle exclusivement monastique. Plus encore, le fait d’assimiler la propriété individuelle à une hérésie me semble éclairer le rôle de premier plan qu’entendent jouer les moines dans la société médiévale, à l’époque proto-féodale.
3En 2005, B.C. Brasington a consacré un article à l’exégèse monastique de la punition d’Ananie et Saphire, entre l’Antiquité tardive et le xiie siècle 8. Cette étude appelle quelques réserves, dans la mesure où elle énumère les commentaires successifs de cet épisode biblique, sans toujours tenir compte de la nature et de la diffusion des textes qui les véhiculent. La longueur de la période envisagée contraint en outre l’historien à négliger l’impact des écrits patristiques sur la pensée cénobitique médiévale, pour se concentrer sur la littérature normative. Enfin, malgré une approche chronologique, l’étude évoque peu le contexte de rédaction des textes et ne s’intéresse guère aux raisons qui ont amené chaque auteur à développer une exégèse particulière d’Ananie et Saphire, en fonction de sa culture patristique, des enjeux sociaux propres à son milieu et, enfin, des débats doctrinaux qui ont secoué l’Occident latin entre le iie et le xiie siècle.
4La mise en relief d’une dimension particulière d’Ananie et Saphire, à un moment donné et dans un type de texte particulier, représente pourtant un choix parmi d’autres aspects de la figure. Un tel choix est fait, bien souvent, en fonction d’autres discours que l’on peut définir comme concurrents. Dans la mesure où la polysémie exégétique est un élément fondamental du fonctionnement des discours médiévaux, en particulier lorsqu’il est question de paradigmes – ou de contre-modèles – de comportement, il m’a semblé nécessaire d’analyser l’ensemble des lectures qui ont été faites de cet épisode néo-testamentaire. J’ai donc mené une recherche systématique dans les bases de données textuelles de la Patrologie latine et du CLCLT à partir de la forme tronquée Anania*, moins sujette aux fluctuations orthographiques que Saphira, en opérant un tri des occurrences, car l’Ananie qui m’intéresse a quatre homonymes dans la Bible 9. L’existence de ces derniers n’est pas sans intérêt, dans la mesure où, à l’occasion de lectures allégoriques, des correspondances sont établies qui renforcent certaines interprétations relatives à « notre » Ananie 10.
5Je m’attacherai, dans un premier temps, à l’exégèse patristique autour d’Ananie et Saphire. J’aborderai ensuite les permanences et évolutions de ces interprétations au cours de l’époque carolingienne, avant de revenir sur la résurgence du contre-modèle sous la plume d’Odon de Cluny.
L’exégèse patristique (iie-début viiie siècle)
6L’exégèse sur Ananie et Saphire se constitue entre Tertullien (m. v. 230/240) et Bède le Vénérable (m. 735), dernier auteur utilisé systématiquement à l’époque carolingienne. La période est marquée par une grande diversité des interprétations, parfois à l’intérieur de l’œuvre du même auteur. Seule l’utilisation systématique du contre-modèle d’Ananie et Saphire de manière stéréotypée dans les règles monastiques, à partir de la première moitié du vie siècle, vient marquer une rupture, sans que les autres exégèses disparaissent pour autant. Au cours de cette période, l’épisode biblique donne lieu à trois interprétations principales : la punition du couple par Pierre, son mensonge, enfin sa fraus vis-à-vis de ses biens.
La punition
7L’exégèse sur la punition d’Ananie et Saphire, largement dominante, est souvent articulée au mensonge ou à la fraus comme causes de la sanction. Cette interprétation place de fait le couple dans une attitude passive, pour souligner avant tout le rôle de Pierre.
8La violence du châtiment y est exprimée à partir des champs lexicaux de la mise à mort physique, du judiciaire et de la damnation 11. Il convient de souligner que, dans plusieurs textes adressés à un public monastique, ces deux derniers champs lexicaux s’entremêlent, par référence au jugement de Dieu. Dans certains écrits qui évoquent le pouvoir de sanction des apôtres face à leurs contradicteurs, le couple est par ailleurs associé à d’autres figures bibliques, punies comme lui. C’est Elymas qui apparaît le plus souvent à ses côtés, puisque ce mage (magus) s’était fait aveugler par Paul pour avoir empêché la prédication apostolique (Act 13, 8-12) 12. Dans un traité anti-donatiste des années 430-450, Ananie et Saphire sont également associés à Simon le Magicien, pourtant seulement admonesté par Pierre, sans doute à la suite d’une confusion de ce dernier avec Elymas, en raison de leur même qualificatif de mago. Il n’en demeure pas moins que ce texte constitue une première étape dans la construction de la figure d’Ananie comme hérésiarque 13.
9La nature des textes qui développent ce type d’exégèse suggère l’utilisation de la punition du couple dans trois perspectives sociales différentes. 1) Dans certains sermons épiscopaux, la mort violente d’Ananie et Saphire constitue une menace pour exhorter les chrétiens à corriger leur avaritia, grâce à une lecture morale puis anagogique de la sanction, facilitée par le glissement sémantique de la mise à mort à la damnation 14. Dans cette perspective, le contre-modèle du couple est parfois adressé aux seuls moines, pour les pousser à abandonner tous leurs biens ou à refuser les tentations 15. 2) Dans le contexte de la lutte contre les hérésies des premiers siècles, l’interprétation morale de la punition dérive en outre vers un appel à la sanction immédiate des hétérodoxes par l’Église, pour éviter que d’autres personnes n’y adhèrent. L’exemple du châtiment du couple participe ainsi au tournant amorcé par Augustin dans la répression des hérésies, en 405-408 16. 3) Ce type d’exégèse est développé essentiellement à des fins ecclésiologiques, puisque le châtiment justifie, en tant qu’autorité, le pouvoir de sanction des apôtres et de ceux qui se veulent leurs héritiers, essentiellement les évêques et plus rarement les saints abbés 17. Les principaux Pères de l’Église développent cette interprétation dans des œuvres exégétiques, mais ces dernières sont ensuite largement reprises dans des traités sur la fonction épiscopale, à l’instar des Moralia in Job de Grégoire le Grand (m. 604), réutilisées ensuite dans la Regula pastoralis. Sur le plan chronologique, on remarque en outre une évacuation progressive des causes du châtiment du couple, au profit d’une réflexion sur la nature du pouvoir de sanction (gladius spiritus, vindicta, virga justitiæ ou potestas ecclesiastica), souvent appréhendé comme une manifestation de la puissance du Saint-Esprit.
10Soulignons, en dernier lieu, que l’exégèse de la punition du couple a probablement été alimentée par les discussions doctrinales suscitées par deux types d’hérésies. Les courants dualistes ont ainsi poussé à recenser les punitions violentes dans le Nouveau Testament, y compris la sanction d’Ananie et Saphire, afin de contrer l’association de l’Évangile à un Dieu bon 18. Par ailleurs, face aux hérésies christologiques qui induisent de facto une remise en cause de la Trinité, les Pères ont fait jouer un rôle central à la figure d’Ananie, notamment dans sa dimension de menteur.
Le mensonge
11Jusqu’au milieu du ve siècle, le mensonge d’Ananie et Saphire est considéré comme la cause principale de leur sanction, au point que ce trait vient résumer leur péché sur le plan lexical, par leur qualification de mendaces ou de mentientes 19. Cette dimension résulte des propos de Pierre (5, 3-4) qui évoque deux fois le mensonge d’Ananie, comme un acte commis non pas envers les hommes, mais envers le Saint-Esprit, puis envers Dieu.
12Le mensonge envers le Saint-Esprit et Dieu, très proche du texte biblique, constitue de loin l’exégèse la plus fréquente de ce passage, omniprésente dans les polémiques anti-hérétiques ou les traités doctrinaux écrits contre les déviances mettant en cause la Trinité ou le Saint-Esprit 20. Le mensonge d’Ananie y est utilisé, en tant qu’autorité, pour définir la nature divine du Saint-Esprit, l’égalité entre les personnes de la Trinité et l’unité de cette dernière.
13Le mensonge d’Ananie donne également lieu à une lecture ecclésiologique qui affirme, à partir du verset 4, que mentir aux apôtres équivaut à mentir à Dieu 21. Dès l’Ambrosiaster (m. 384), cette interprétation légitime le statut particulier des représentants de Dieu, en premier lieu les évêques, rejoignant ainsi l’exégèse sur la punition du couple.
14Le début du verset 3 permet enfin de souligner l’inspiration diabolique du mensonge d’Ananie, mis sur le même plan que Judas et Ève, deux archétypes de menteurs à l’instigation du diable 22. Ce type de commentaire se trouve dans des textes adressés à des moines qui les exhortent à résister aux tentations. Il rejoint ainsi un lieu commun attaché à l’hérésie : l’origine diabolique de l’erreur.
Fraudulentes : donner ou conserver
15À partir du verbe fraudavit qui se rapporte au prix du champ vendu dans le verset 2, le terme de fraus et ses dérivés sont utilisés dès Ambroise (m. 397) pour qualifier le comportement répréhensible du couple 23. Fraus, qui a le double sens de ruse et de crime, permet d’insister à la fois sur la duplicité du couple, c’est-à-dire son imitation d’un bon comportement – qui rejoint la facette du mensonge – et sur son péché en toute conscience 24. Assez rapidement, les Pères latins abordent la fraus d’Ananie et Saphire sous deux angles : d’une part, vendre ou donner partiellement ses biens, d’autre part, les conserver partiellement. Bien que ces points de vue s’accordent sur le caractère inachevé de l’acte du couple, ils font référence à deux totalités différentes qui émanent de paradigmes distincts. Donner partiellement s’oppose en effet au message christique du don de tous ses biens aux pauvres (Mt 19, 21), alors que conserver partiellement contredit la mise en commun de tous les biens au sein de la communauté apostolique (Act 2, 44-45 ; 4, 34-35). Quel que soit le paradigme de référence, Ananie et Saphire sont ici clairement érigés en contre-modèles et non plus utilisés au simple titre d’autorité, comme c’était le cas pour les interprétations précédentes. On passe ainsi du domaine de la polémique argumentée à celui de l’ethos de la circulation des biens qui alimente une double tradition exégétique.
16Ananie et Saphire incarnent d’abord la vente ou le don partiel (ex parte vendere/donare), en opposition à l’éthique du don chrétien, définie en particulier par Ambroise et Jérôme (m. 420) 25. Le premier insiste sur l’intention du donateur qui doit être dépourvue de fraus et emplie de fides car elle relève du remboursement de dettes contractées envers Dieu 26. Dans son commentaire sur l’Évangile de Matthieu et dans deux lettres écrites à des laïcs, Jérôme souligne, pour sa part, la nécessité du don total dans une optique de perfection, en articulant Mt 19, 21 au contre-modèle d’Ananie, et insiste sur les destinataires de l’aumône qui doivent être des pauvres 27. Dès Ambroise, cet acte partiel est interprété comme une négation de la promesse initiale de don (fraus promissi), puisque Ananie, en souhaitant entrer dans la communauté apostolique, s’était engagé à vendre et donner tous ses biens 28. Ce retour sur la promesse est ensuite appréhendé de deux manières : il s’agit d’abord d’un sacrilège (sacrilegium), parce qu’il est mensonge à Dieu ; il apparaît aussi comme une soustraction d’argent (pecuniam subtrahere) du point de vue du destinataire lésé, la communauté apostolique, lecture qui débouche sur l’assimilation du comportement d’Ananie à un vol (furtum) 29. Soulignons que Fulgence de Ruspe (m. 533) articule ces deux interprétations dans une lettre sur la continence conjugale : Ananie et Saphire, comme ceux qui les imitent, y sont qualifiés de pervasores divini juris, car celui qui ne donne pas totalement ce qu’il a voué à Dieu ou qui le reprend n’est plus le possesseur légitime de son bien. Dans le cadre du mariage, explique Fulgence, celui qui revient sur sa promesse doit être considéré comme un usurpator ou un violator 30.
17L’interprétation du comportement d’Ananie et Saphire comme une conservation partielle des biens ([re]servare partem pretii de agro) apparaît essentiellement en milieu monastique. À côté de l’affirmation de la nécessité du don total dans ses lettres aux laïcs, Jérôme est le premier à développer cette dimension du couple dans des épîtres adressées aux moines 31. La conservation des biens y est d’abord appréhendée comme la contestation d’un système d’échange qui repose sur la redistribution aux pauvres des richesses dont Dieu a pourvu certains hommes. Elle est en outre présentée comme le résultat de trois vices : la peur du manque, la recherche de la vaine gloire (apparentée à l’orgueil) et, surtout, la cupidité. La gravité de l’acte du couple découle, en dernier lieu, de son accomplissement après un vœu (post votum), expression monastique de la rupture de la promesse. Au total, Jérôme est le premier à adresser directement le contre-modèle d’Ananie à des moines et, surtout, à le présenter comme une sorte de négatif de la communauté apostolique.
18Cassien (m. 433/458) représente un deuxième tournant dans l’exégèse de la conservation des biens 32. Il considère d’abord le couple comme l’origine d’un mauvais type de moines, les sarabaïtes, qui se répand après eux. Il reprend ainsi le vocabulaire (pullulare, error) et les schémas de pensée des polémistes anti-hérétiques, en faisant remonter à un ancêtre les adeptes d’un mode de vie monastique erroné 33. Cassien souligne également la propension du couple à simuler la vie apostolique et le stigmatise, à la manière de Jérôme, comme un contre-modèle de l’Église primitive, qui s’incarne pour sa part dans les cénobites. Comme Jérôme, il insiste enfin sur l’avidité d’Ananie pour les biens terrestres, sa philargyria, une incapacité à renoncer aux richesses du monde et à sa propre volonté dans un refus global de rupture avec le siècle. C’est cette dimension – exprimée en particulier par l’association du couple à deux figures d’hommes cupides, Giézi et Judas – qui est reprise dans la documentation postérieure, par la stigmatisation d’Ananie comme avarus 34.
19Ces interprétations sont ensuite exploitées par la littérature normative monastique des vie-viie siècles 35. Seule la règle bénédictine évoque rapidement la mort corporelle du couple, pour interdire aux moines de garder le prix de la vente des objets fabriqués au monastère, sous peine d’une damnation de leur âme 36. Pour sa part, la Regula Magistri considère Ananie et Saphire comme un contre-modèle dans la propriété individuelle monastique. La tradition de Cassien, qui associait le couple à la conservation de sa volonté et à l’avaritia, est ainsi infléchie dans le sens d’une « soustraction de biens propres » (peculiares fraudulenter subtractis) qui met l’accent sur la dimension occulte et frauduleuse du comportement 37. Par ce biais, la Regula Magistri s’alimente donc aussi à l’exégèse de la fraus comme un vol commis au dépend de la communauté apostolique et s’oppose, comme chez Jérôme et Cassien, au modèle de l’Église primitive incarné par la propriété commune des cénobites 38. L’enjeu est donc ici le mode de possession, et non les modalités du don. Toutes les règles monastiques (sauf celle de Benoît) font enfin d’Ananie et Saphire un contre-modèle de la conversion tardive, sans doute à partir des développements de Cassien sur le refus de la coupure avec le monde 39. À la fin du vie siècle, cette interprétation est élargie au problème de l’apostasie monastique et du retour sur le vœu, par l’intégration de l’exégèse de Jérôme sur le reniement de la promesse 40. Pour Isidore de Séville (m. 636), le couple est ainsi condamné, non pour avoir agi post votum, mais pour avoir adopté un comportement devenu interdit per votum, expression qui souligne le caractère particulier de la vie monastique, résumée ici à la propriété commune. Grégoire le Grand utilise, quant à lui, le contre-exemple pour condamner ceux qui, en quittant l’existence cénobitique, s’en soustraient, tout comme Ananie et Saphire ont soustrait leurs biens. Ce glissement d’application du modèle, des biens aux moines, atteste la “monachisation” du couple qui vient appuyer une argumentation concernant une pratique sociale, la conversion tardive, et non plus seulement le mode de possession en commun. Contrairement à l’époque de Jérôme ou même de Cassien, la question majeure n’est ainsi plus l’élan personnel qui encourage la rétention des biens propres, mais celui de la rupture franche avec le siècle.
20À la fin de la période considérée, les formulaires diplomatiques intègrent plusieurs traits de l’exégèse développée autour d’Ananie et Saphire. C’est surtout leur punition, interprétée comme une damnation en enfer, qui est exploitée dans les clauses comminatoires d’actes de donation et les fait apparaître aux côtés de Judas et parfois de Giézi, deux figures auxquelles ils étaient associés par les Pères en tant qu’avari 41. Ce type de formulaire n’a toutefois qu’une diffusion restreinte et se trouve repris dans quelques actes pontificaux qui évoquent l’anathème du couple, plutôt que sa damnation, à partir du dernier tiers du ixe siècle 42.
La spécialisation carolingienne du modèle
21Les auteurs carolingiens procèdent à une sorte de simplification de l’exégèse prolixe sur Ananie et Saphire. Cette impression résulte d’abord de la nature de la majorité des sources, qui s’apparentent à des compilations des commentaires bibliques patristiques ou des règles monastiques les plus diffusés. On constate ensuite que le thème du mensonge, développé dans les polémiques anti-hérétiques relatives aux déviances christologiques, s’efface clairement, alors que les discussions doctrinales carolingiennes auraient pu susciter la résurgence de ce type d’exégèse 43. Cette vision du couple reste en fait cantonnée aux clauses comminatoires dans trois serments épiscopaux prêtés en 742 et vient menacer les éventuels parjures 44. Plus qu’une simplification de l’exégèse antérieure, c’est l’utilisation spécifique du modèle par les moines et les évêques, notamment dans le domaine de la défense des biens d’Église, qui caractérise la période carolingienne.
Un contre-modèle monastique au début du ixe siècle
22Concentrée dans le premier tiers du ixe siècle à la suite de la réforme de Louis le Pieux et Benoît d’Aniane, la littérature monastique carolingienne tend à estomper certains aspects d’Ananie et Saphire : la cupidité, le mensonge sous l’influence du diable et le rôle de contre-modèle dans la conversion tardive 45. L’effacement de cette dernière dimension, évoquée seulement par Benoît d’Aniane (m. 821) avant de reparaître un siècle plus tard chez Réginon de Prüm (m. 915), résulte sans doute en partie de la faible diffusion des règles qui avaient presque toutes souligné cette dimension aux vie-viie siècles. La quasi-disparition du thème de la conversion tardive s’explique néanmoins aussi par la généralisation de la pratique de l’oblation, présentée progressivement comme la meilleure voie pour devenir moine, ce qui induit également que les auteurs carolingiens ne reprennent pas la distinction relative à la condition du moine, avant et après son vœu 46.
23Ananie et Saphire apparaissent finalement comme des contre-modèles dans plusieurs domaines évoqués auparavant : leur comportement de proto-sarabaïtes (Cassien) ; la vente des biens du monastère (Benoît de Nursie) ; la possession individuelle (Regula Magistri) 47. Seul ce dernier trait est véhiculé par des textes autres que les commentaires ou les compilations de règles, signe de sa prévalence sur les autres dimensions de la figure en milieu cénobitique. Dans la Visio Wettini, un récit de voyage dans l’au-delà rédigé en prose et en vers en 824-827, la première cause de la damnation d’un mauvais moine est ainsi la possession d’un « bien propre (opus peculiare), péché qui s’était avancé en Ananie et Saphire pour corrompre l’intégrité de la vie commune 48 ». Le couple y apparaît donc bien comme un contre-modèle, en opposition à la communauté apostolique.
Ananie et Saphire au cœur des préoccupations épiscopales
24Dans la mesure où l’époque carolingienne correspond à un moment de réflexion sur les prérogatives du pouvoir épiscopal, certains auteurs réutilisent la punition d’Ananie et Saphire par Pierre, en tant que légitimation du pouvoir de sanction des clercs. Ce trait apparaît essentiellement dans des textes exégétiques, parfois par une reprise exacte de commentaires patristiques, mais avec trois nouveautés principales 49.
25Le motif de la punition d’Ananie et Saphire s’immisce en premier lieu dans des versets qui étaient clairement associés à l’exercice de la potestas (III Rg 7, 29 ; Rm 13, 3-4 ; II Cor 1, 21-23 et Eph 5, 21), avec une évolution significative des destinataires de la figure de Pierre, d’abord proposée au roi, puis aux évêques 50. Les Libri carolini utilisent ainsi la punition du couple pour conférer une dimension spirituelle à la fonction royale, qui va de pair avec les réflexions contemporaines sur le roi-prêtre et le roi-prédicateur 51. Par la suite, le commentaire de versets habituellement réservés au pouvoir temporel dans le sens d’une potestas répressive exercée par les sacerdotes vient conférer une aura royale à l’office épiscopal, dans le contexte d’un durcissement des sanctions spirituelles portées par les prélats à partir du milieu du ixe siècle 52.
26Dans deux bulles évoquant des questions disciplinaires, le pape Nicolas Ier (m. 867), défenseur du renforcement de l’autorité du siège romain sur l’ensemble de l’Église, utilise en outre pour la première fois la punition du couple dans la même perspective que les évêques, afin de légitimer la délégation au seul pape de la potestas ecclesiastica, via Pierre 53. L’un de ces actes concerne les veuves qui, après leur consécration, se remarient, et articule les exégèses du mensonge et de la sanction pour traiter le problème de la rupture des vœux monastiques, domaine où le contre-modèle d’Ananie et Sapphire était largement utilisé.
27Les écrits rédigés sous l’influence d’Hincmar de Reims (m. 882) attestent enfin la résurgence de textes anti-hérétiques évoquant la sanction du couple, pour alimenter la réflexion sur le pouvoir de l’évêque au sein de la hiérarchie ecclésiastique, contre ceux qui se rendent coupables d’erreur dans le mode de vie qu’ils ont choisi 54. Cette dernière dimension est particulièrement exploitée lorsqu’il est question de la détention illicite de biens d’Église.
Ananie et Saphire, usurpateurs de biens d’Église
28La vision d’Ananie et Saphire comme usurpateurs de biens ecclésiastiques se construit en deux temps, à partir d’articulations distinctes de l’exégèse antérieure, mais qui s’alimentent toutes à leur rôle de contre-modèle du don chrétien développé par Jérôme, largement copié dans les commentaires carolingiens 55. Dans un traité de 823-824, Agobard de Lyon (m. 840), présente ainsi le couple, au même titre qu’Adam, comme les premiers auteurs d’une fraus envers les res ecclesiasticæ 56. Influencé par la tradition monastique, il insiste d’abord sur la conservation de leurs biens par Ananie et Saphire. Il articule en outre les exégèses du retour sur la promesse et du vol, comme le faisait Fulgence de Ruspe, mais les applique aux usurpateurs de biens ecclésiastiques qui doivent être punis davantage que le couple 57. En citant Mt 19, 21, il inscrit enfin le contre-modèle biblique dans l’éthique du don chrétien et de sa circulation, ce qui lui permet de définir les res ecclesiasticæ comme les biens des pauvres (res pauperum), ou plutôt comme des biens confiés aux prédicateurs pour qu’ils les distribuent aux pauvres. Le mauvais comportement d’Ananie et Saphire permet donc à Agobard de dessiner les contours d’un nouveau délit, dont la sanction relève du pouvoir épiscopal en raison du rôle central de ce dernier dans l’échange social. La Vie de l’abbé Eigil de Fulda (m. 822), écrite vers 840-842 par le moine Bruun Candidus (m. 845), donne une version monastique de l’usurpation de res ecclesiæ par le couple biblique. À partir d’une réflexion sur le rôle de l’abbé en tant que dépositaire – et non possesseur – des biens de son établissement, Ananie et Saphire permettent de condamner plusieurs attitudes : d’abord la conservation des biens, dénonciation classique en milieu monastique ; ensuite, le mauvais ethos du don chrétien, mais selon une lecture cénobitique où ce sont les abbayes qui redistribuent aux pauperes l’aumône (res pauperum) conférée par les laïcs ; enfin, la dispersion des biens aux mains de personnes extérieures au monastère, qui provient de l’exégèse cassinienne sur le refus d’une coupure définitive avec le monde 58.
29C’est toutefois la mention d’Ananie et Saphire dans une fausse décrétale attribuée à Urbain Ier, sous la forme que lui donne Hincmar de Reims lors du synode de Quierzy en 857, qui les stigmatise comme usurpateurs de biens d’Église 59. Par rapport aux textes précédents, le contre-modèle du couple est présenté différemment, sur deux plans. 1) La justification de la circulation des aumônes n’est plus Mt 19, 21, mais la mise en commun des biens par les apôtres, incarnés par les évêques, dans le but de nourrir à la fois les pauvres et ceux qui vivent en communauté. L’auteur ne se situe donc plus dans le domaine de l’échange, mais dans celui de la détention des res Ecclesiæ, définies comme les oblations des fidèles et le patrimoine des pauvres. 2) Ananie et Saphire sont condamnés en tant que sacrilegii, selon une acception différente de celle des Pères qui avaient évoqué, par ce terme, un retour sur la promesse : le sacrilège ne concerne plus la parole donnée à Dieu, mais l’atteinte aux biens d’Église dans une conception spatiale de l’interdit. Copié dans le recueil des Fausses décrétales au milieu du ixe siècle, ce texte est largement repris sous l’influence d’Hincmar jusqu’à la dernière décennie du siècle, en particulier dans plusieurs canons conciliaires interdisant l’appropriation de biens ecclésiastiques par des laïcs, mais aussi par des clercs 60. Dans ce dernier cas, la référence à la fraus d’Ananie et Saphire, même si elle passe par la citation de la décrétale, est enrichie par l’exégèse monastique sur l’interdiction de posséder des biens propres. La damnation du couple, en tant que sacrilegii, est désormais une autorité classique utilisée pour la défense des biens d’Église, préoccupation majeure des évêques de la seconde moitié du ixe siècle, soucieux d’accompagner le mouvement de polarisation des hommes autour des lieux de culte 61. L’affirmation de la responsabilité des prélats dans ce domaine est d’ailleurs concomitante du durcissement des sanctions spirituelles des clercs, où Ananie et Saphire jouent également un rôle déterminant en tant qu’autorité. Au total, les textes carolingiens donnent le sentiment qu’à l’orée du xe siècle, le contre-modèle d’Ananie et Saphire est avant tout d’usage épiscopal, presque totalement délaissé, depuis près d’un siècle, par les milieux monastiques.
Retour à Odon de Cluny et aux milieux réformateurs
30Lorsqu’Odon de Cluny évoque Ananie et Saphire dans ses œuvres, il s’inscrit dans une longue tradition à laquelle il a eu accès en presque totalité, lors de sa formation à Tours, puis sous l’égide de son maître Remi d’Auxerre, enfin grâce à la bibliothèque de Cluny qu’il a contribué à enrichir.
31Odon apparaît d’abord comme l’héritier d’une exégèse monastique qui a érigé Ananie et Saphire en paradigmes de mauvais comportement cénobitique. Il suit la Regula magistri sur la conservation des biens propres, Cassien sur la cupidité comme sur le châtiment, et lui emprunte sans doute aussi la notion d’inspiration diabolique du couple. Cette réactualisation monastique d’Ananie et Saphire s’articule avec la valorisation par l’abbé de Cluny de la conversion tardive, dont les impératifs avaient été définis aux vie-viie siècles grâce au mauvais comportement du couple, de manière bien distincte de l’interdiction de la propriété individuelle 62. La construction du contre-modèle par Odon est donc dominée par le refus d’abandonner ses biens propres dans le contexte de la conversion tardive, un trait étroitement lié, dans la littérature antérieure, à l’ethos du don chrétien et au refus d’une coupure franche avec le siècle. L’abbé de Cluny souligne d’ailleurs, comme Bruun Candidus, que le problème n’est pas la conservation des biens en soi, mais leur usage séculier qui atteste que la rupture avec le monde n’a pas été suffisamment consacrée – symptôme qui touche avant tout ceux qui ont connu les plaisirs du siècle, les convertis tardifs 63.
32Pour autant, pourquoi considérer qu’Ananie est un hérésiarque comme Simon le Magicien, et pas seulement un apostat qui revient sur son vœu, ainsi que l’avait suggéré Grégoire le Grand ? Cette qualification d’Ananie pourrait résulter de son apparition fréquente dans les polémiques anti-hérétiques de l’Antiquité tardive, au titre d’autorité, une dimension toutefois peu relayée par les auteurs carolingiens. Rappelons également que Cassien plaçait le couple à l’origine des sarabaïtes, c’est-à-dire qu’il le voyait en position de fondateur d’une déviance cénobitique. Il convient enfin de souligner que l’évêque Chromace d’Aquilée (m. 408) avait vu dans le faux prophète de Ier 28, 15, homonyme de « notre » Ananie, l’archétype des hérétiques de son époque 64. L’abbé de Cluny s’alimente probablement à ces différentes traditions, mais il est le seul à qualifier Ananie d’hérésiarque, à le mettre sur le même plan que Simon le magicien et, par voie de conséquence, à radicaliser la perception de la possession monastique individuelle 65.
33De fait l’utilisation du concept d’hérésie n’est pas anodine, dans la mesure où il désigne une déviance par rapport à un dogme qui concerne théoriquement l’ensemble des chrétiens, mais qui vise ici les seuls moines. Dans leurs règles, le Pseudo-Fructueux de Braga ou le Maître avaient certes qualifié d’hérétiques certains religieux se comportant mal, mais sans évoquer le couple biblique, ni la possession individuelle 66. Le fait de considérer la recherche de biens propres comme une hérésie atteste que cette pratique met en péril un mode de possession qui constitue le point central de la représentation de l’existence cénobitique. Il s’agit de la propriété commune, à la manière des apôtres, qui autorise les moines à drainer les donations, tout en demeurant dans la pauvreté individuelle, et qui constitue le pivot de leur domination économique et sociale. J’ai pu montrer ailleurs que l’ecclésiologie d’Odon reposait en effet sur un système d’échange binaire entre des potentes, contraints de faire l’aumône, et des moines, destinataires privilégiés de ces biens en tant que pauperes symboliques, chargés de leur redistribution aux pauvres réels67. Or, ce type de réflexion sur la circulation des biens, très courant au ixe siècle, assignait aux évêques un rôle central dans la redistribution des aumônes, notamment par l’utilisation du contre-modèle d’Ananie et Saphire et la résurgence de discours anti-hérétiques. L’apparition du couple biblique sous la plume d’Odon de Cluny, avec une certaine surenchère caractérisée par l’utilisation du prisme de l’hétérodoxie, participe par conséquent à un tournant majeur de la pensée cénobitique occidentale, dans la première moitié du xe siècle. Les moines entendent désormais résumer l’Église à eux seuls en tant qu’incarnation de la communauté apostolique et, à ce titre, prendre en charge l’ethos du don chrétien, en concurrençant les modèles de société épiscopaux de la fin de l’époque carolingienne.
34Le type d’interprétation développé par Odon de Cluny autour de la figure d’Ananie est ensuite exploité et amplifié aux xie-xiie siècles, lors de la réforme dite « grégorienne ». Il s’agit en effet d’un moment où l’accusation d’hérésie se généralise dans les discours et où les modalités de détention des biens d’Église, comme la question de la séparation entre les sphères laïques et ecclésiastiques, se posent avec une nouvelle acuité 68. Humbert de Silva Candida (m. 1061) et Pierre Damien (m. 1072) développent ainsi la comparaison d’Ananie à Simon le Magicien dans leurs écrits contre les « hérétiques » simoniaques, pour souligner, entre autres, l’aptitude du pape, en tant que successeur de Pierre, à lutter contre ceux qui introduisent des dissensions dans l’Église 69. Dans ces écrits, le contre-modèle du couple vise spécifiquement les personnes vivant en communauté, qu’il s’agisse d’ermites, de moines ou de chanoines, pour les contraindre à mettre leurs biens en commun et à renoncer à la propriété individuelle, toujours selon le paradigme de l’Église primitive 70.
35Dans cette perspective, les usages sociaux que plusieurs auteurs des xie-xiie siècles font de l’épisode biblique d’Ananie et Saphire attestent la proposition, à un éventail beaucoup plus large de membres du corps ecclésial, d’un certain modèle de vie monastique. Ce dernier, défini dans les milieux cénobitiques réformateurs de la première moitié du xe siècle puis relayé par plusieurs penseurs grégoriens, se caractérise par sa rupture franche avec le siècle, son emprise exclusive sur des biens détenus en commun et sa capacité à intégrer d’autres formes de vie religieuse71.
Notes
Pour citer cet article
Référence papier
Isabelle Rosé, « Ananie et Saphire ou la construction d’un contre-modèle cénobitique (iie-xe siècle) », Médiévales, 55 | 2008, 33-52.
Référence électronique
Isabelle Rosé, « Ananie et Saphire ou la construction d’un contre-modèle cénobitique (iie-xe siècle) », Médiévales [En ligne], 55 | automne 2008, mis en ligne le 20 mars 2011, consulté le 11 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/medievales/5445 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/medievales.5445
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