Globalisation, migrations, genre, climat : des questions de l’âge viking ?
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- 1 Ainsi, au printemps 2023, les deux expositions jumelles de Rouen (« Une saison avec les Normands » (...)
1Les vikings sont à la mode. Depuis une décennie environ, diverses productions télévisuelles ou vidéoludiques en ont fait un des lieux majeurs du médiévalisme, entraînant dans leur sillage une forte attente sociale, voire une véritable demande : le public veut en savoir plus sur ces guerriers et navigateurs du haut Moyen Âge, leurs modes de vie, leurs croyances et leurs mythes, leurs expéditions et leurs conquêtes, de la mer Noire à l’Amérique du Nord. On ne compte plus, aujourd’hui, les livres, les documentaires, les expositions qui présentent les vikings au grand public1.
- 2 On renverra, pour une veille qui se veut exhaustive, au carnet en ligne Mondes nordiques et norman (...)
- 3 Par ex. L. Malbos, Les Ports des mers nordiques à l’époque viking (viie-xe siècle), Turnhout, 2017 (...)
- 4 Par ex. A. Winroth, Au temps des Vikings, trad. fr. P. Pignarre, Paris, 2018 (trad. de The Age of (...)
- 5 Par ex. B. Dumézil, S. Joye, C. Mériaux éd., Confrontation, échanges et connaissance de l’autre au (...)
- 6 Par ex. Revue d’histoire nordique, 23 (2016, paru en 2018), dossier « Confrontation, échanges et c (...)
- 7 Par ex. L’Histoire, n° 442 (décembre 2017) ; Dossiers d’archéologie, 391 (janvier-février 2019).
- 8 P. Bauduin, Histoire des vikings : des invasions à la diaspora, Paris, 2019.
- 9 A. Gautier, « Conseils de lecture à destination du public francophone », dans A. Winroth, Au temps (...)
- 10 M. Coumert, A. Gautier, T. Lienhard, C. Mériaux, « Confrontation, échanges et connaissance de l’au (...)
2Du côté de l’édition, s’il est vrai que cette demande a surtout été satisfaite par des ouvrages en anglais, la France n’a pas été en reste2. Les années 2017 à 2019 ont correspondu à une véritable floraison, stimulée par un programme d’agrégation, de monographies originales3 ou traduites4, de manuels5 et de numéros de revues spécialisées6 ou grand public7 ; le point d’orgue en a sans doute été la parution chez Tallandier de la monumentale synthèse de Pierre Bauduin8, destinée à fournir, sans doute pour les deux décennies à venir, la principale voie d’accès scientifique, en français, à l’univers des vikings. À l’issue de cette floraison française, les deux bilans bibliographiques que j’avais proposés en 2017 – un guide de lecture ajouté à la traduction du livre d’Anders Winroth9, et les éléments concernant les Anglo-Saxons et les Scandinaves intégrés à la bibliographie de concours publiée, comme le veut l’usage, dans la revue Historiens et géographes10 – avaient déjà pris un petit coup de vieux.
Plus de vingt livres en trois ans
- 11 Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public : [https://www.shmesp.fr/for (...)
3Or, les choses ne se sont pas arrêtées là. Les publications se sont succédé à un rythme soutenu, si bien que, seulement quatre ans après la parution de la synthèse de Pierre Bauduin, il est devenu indispensable d’ajouter un substantiel coda à sa propre bibliographie déjà imposante (trente-cinq pages, plus de mille références), mais aussi à la bibliographie de concours pourtant déjà révisée lors de sa mise en ligne sur le site de la SHMESP11.
- 12 Certains sont de première importance : sans viser à l’exhaustivité, je m’efforcerai d’en citer que (...)
- 13 Par ex. M. Bertell, M. Frog, K. Willson éd., Contacts and Networks in the Baltic Sea Region : Aust (...)
- 14 Par ex. I. García Losquiño, O. Sundqvist, D. Taggart éd., Making the Profane Sacred in the Viking (...)
- 15 Par ex. J. Glauser, P. Hermann, S. A. Mitchell éd., Handbook of Pre-Modern Nordic Memory Studies : (...)
- 16 Par ex. M. Toplak, H. Østhus, R. Simek éd., Viking-Age Slavery, Vienne, 2021 ; R. North, E. Goeres (...)
- 17 Par ex., pour se limiter au domaine francophone, La Saga des rois de Danemark : Knýtlinga saga, t (...)
- 18 Par ex. G. Williams éd., A Riverine Site Near York : A Possible Viking Camp ?, Londres, 2020.
- 19 La plupart des expositions mentionnées dans la n. 1 ont été accompagnées d’un catalogue richement (...)
- 20 Par ex. celui-ci, paru aux éditions Atlande à l’occasion d’une question inscrite au programme du c (...)
- 21 Par ex. W. B. Bartlett, Vikings : A History of the Northmen, Stroud, 2019.
- 22 Par ex. J. Renaud, Les Vikings. Vérités et légendes, Paris, 2019 ; I. García Losquiño, Eso no esta (...)
- 23 Par ex. G. Campbell, Norse America : The Story of a Founding Myth, Oxford, 2021.
- 24 Par ex. P. Hardwick, K. Lister éd., Vikings and the Vikings : Essays on Television’s History Chann (...)
4En effet, en seulement trois ans, entre la fin de 2018 et la fin de 2022, plus d’une vingtaine de monographies et synthèses sur les vikings ont été publiées, principalement en anglais : c’est sur elles que se fonde le présent « Point de vue ». Mon recensement exclut donc les nombreux articles parus dans des revues scientifiques12, mais aussi les actes de colloques13, mélanges14, ouvrages à visée encyclopédique15 et autres collectifs16, les dossiers et numéros spéciaux de revues, les publications de sources écrites (éditées en langue originale ou traduites)17 et de fouilles archéologiques18, les catalogues d’exposition et les ouvrages d’art19 ; il exclut aussi les manuels20 et les ouvrages très grand public présentés soit selon une stricte chronologie21, soit sous forme de fiches recensant les « idées reçues »22 ; j’ai également laissé de côté tous les ouvrages monographiques23 ou collectifs24 relevant des études médiévalistes et portant sur la représentation des vikings dans les cultures contemporaines. Si l’on cherchait à décompter l’ensemble de ces publications, je ne crois pas me tromper en affirmant que, pour les seuls livres, on s’approcherait du chiffre saisissant de cinquante volumes en seulement trois ans !
5La vingtaine de publications que je considère ici peut être répartie en quatre catégories :
- 1. On trouve d’abord des ouvrages explicitement destinés au grand public, sans notes ou avec un appareil de notes réduit, mais qui n’en sont pas moins de bonne tenue. Ces livres mettent l’accent sur tel ou tel aspect du monde scandinave au premier Moyen Âge ou du phénomène viking : la conversion au christianisme25, les femmes26, les échanges globaux que révèle l’étude du monde viking27. Le dernier livre de Lucie Malbos qui, à travers une quinzaine de portraits, présente la diversité des destinées individuelles à l’âge viking, peut être inclus dans cette catégorie28.
- 2. D’autres livres procèdent d’une recherche plus pointue : parfois tirés de thèses de doctorat, ils sont souvent plus stimulants dans l’analyse et le maniement des concepts et se concentrent volontiers sur une région du monde viking, souvent sur une période relativement réduite : les côtes du royaume des Francs au ixe siècle29, l’Angleterre entre 865 et 88030, le Danemark au xe siècle31, l’Islande chrétienne des xie-xiiie siècles32, le Groenland entre l’an 1000 et le début du xve siècle33. Les terrains considérés sont parfois étudiés comme des zones de contact et de transferts au sein de la diaspora viking ou entre celle-ci et d’autres espaces : il en est ainsi des pays baltes à l’interface de la Scandinavie et du monde rus’34, des nœuds de communication unissant l’Irlande à l’Islande et à la Norvège35, ou de ceux qui vont de la Suède à Constantinople en passant par les fleuves de l’Europe orientale36.
- 3. D’autres ouvrages, également tirés de thèses ou résultant de recherches originales, mettent l’accent sur un phénomène propre à l’âge viking (parfois étendu aux périodes antérieure et postérieure) : l’éthique guerrière37, les otages38, le rapport à la nature dans la mythologie norroise39, l’urbanisation40, le pouvoir des rois et des jarls et l’amitié politique41, l’esclavage42, les tombes de femmes contenant des armes43, la poésie scaldique44.
- 4. Niel Price, enfin, professeur à l’université d’Uppsala, offre un ample tour d’horizon de l’histoire des vikings et, bien plus largement, de la société et de la culture scandinaves à l’âge viking45. Par son ampleur et son ambition, ce livre constitue un équivalent des ouvrages récents d’Anders Winroth et de Pierre Bauduin, ou de ceux, plus anciens, de Lucien Musset, Peter Sawyer et Else Roesdahl qui, pendant des années, ont constitué les « grandes synthèses » sur le sujet46. Les éditeurs ne s’y sont pas trompés puisque – signe des temps et de l’intérêt du public pour ce sujet – le livre a très vite été traduit en français47.
- 48 Pour des précisions sur un usage du mot « vikings » conforme à cette définition, je me permets de (...)
6Avant de passer en revue quelques-uns des thèmes abordés dans ces ouvrages, il convient de noter que le mot même de « vikings » n’y est pas utilisé de la même manière. La majorité des auteurs tiennent à rester proches de l’usage médiéval et du terme norrois víkingr : ils prennent alors soin de ne parler de « vikings » que pour désigner les individus qui partent en expédition, des individus qui « font le viking » ; la minuscule, dans ce cas, est souvent de rigueur, puisque le terme est traité comme un nom commun, plus ou moins synonyme de « pirates » ou de « marins », et non comme un ethnonyme48.
- 49 J. Jesch, The Viking Diaspora, Londres, 2015.
- 50 Par ex. Jóhanna Katrín Friðriksdóttir, Valkyrie…
- 51 Par ex. M. et H. Whittock, The Vikings…
7Les auteurs du livre Gaelic Contacts – dont le propos ne porte pas principalement sur la période viking mais sur l’âge des sagas et de la mémoire culturelle médiévale – l’utilisent dans un autre sens, dans le sillage de Judith Jesch et de sa « diaspora viking »49 : le terme fait alors référence au « monde viking » qui, pendant comme après l’âge viking, résulte des échanges et déplacements qui ont marqué cette époque. D’autres auteurs, tout en n’omettant pas de rappeler que « vikings » désignait une activité et n’a jamais été le nom d’un peuple, n’y prêtent finalement allégeance que du bout des lèvres et utilisent le terme de manière assez lâche pour désigner toute la population scandinave à l’époque viking – ce qui les amène à user de formules ambiguës telles que « Viking women50 » ou « Christian Vikings51 », sans que l’on sache toujours si elles désignent les femmes et les chrétiens de culture scandinave à l’époque viking ou les femmes et les chrétiens qui auraient exercé l’activité de vikings.
- 52 N. Price, The Children…, p. 7-8.
- 53 Ibid., p. 304 et p. 361.
8Neil Price se distingue de tous les autres en assumant résolument l’usage « moderne », consacré par une habitude désormais ancrée en contexte anglophone, du mot « Vikings » comme ethnonyme désignant l’ensemble des Scandinaves du haut Moyen Âge – d’où l’usage cohérent de la majuscule52. La position a le mérite de la clarté, mais amène l’auteur des Enfants du frêne et de l’orme à des contorsions dès qu’il s’agit de parler des vikings stricto sensu : il est ainsi amené à deux reprises à distinguer « the Vikings » (au sens de « Scandinaves ») de « the real Vikings » (au sens de « personnes participant à des expéditions maritimes »)53.
9La grande diversité des sujets, périodes et espaces traités dans cette vingtaine d’ouvrages rend impossible un compte rendu exhaustif. Je concentrerai donc mon propos sur quatre thématiques qui apparaissent de manière récurrente dans ces livres et contribuent à modifier notre perception des vikings : il s’agit de l’histoire globale (ou connectée), du genre (en particulier l’histoire des femmes), des migrations (que je traiterai ici dans leurs relations avec les deux premières questions) et de l’environnement (avec son corollaire le climat).
Les vikings, sujets et acteurs d’une histoire globale ?
- 54 A. Gautier, « La voie du Nord. Les mondes nordiques comme terrain de rencontre et de circulation d (...)
- 55 S. M. Sindbæk, « The Small World of the Vikings : Networks in Early Medieval Communication and Exc (...)
- 56 L. Malbos, Les Ports des mers nordiques…
- 57 M. R. D. Corsi, Urbanization…, p. 93-100.
- 58 C. Cooijmans, Monarchs and Hydrarchs…, passim, en particulier p. 32-35 et 212-214 ; N. Price, The (...)
10La première constatation qui se dégage à la lecture de toutes ces publications est celle d’une poursuite de l’élargissement des horizons géographiques du monde viking. Ce n’est certes pas nouveau, le mouvement étant bien engagé depuis deux ou trois décennies : les vikings sont désormais « branchés » sur les routes de la Soie et les courants qui traversent déjà l’Eurasie avant le temps des Mongols – ce que j’ai appelé ailleurs « la voie du Nord54 ». Plusieurs ouvrages contribuent, à des points cardinaux opposés, à cet élargissement : de la Caspienne au Groenland, les vikings confirment leur statut de sujets d’histoire globale. Dans le sillage des travaux d’un Søren Sindbæk, plusieurs auteurs s’attachent à identifier des « points nodaux », centres de concentration et redistribution des marchandises, des hommes et des idées55, dont les emporia offrent les meilleurs exemples56. Ces sites sont regardés par Maria Corsi comme à la fois précurseurs et très différents des « vraies » villes qui, selon elle, ne se développent qu’après le milieu du xe siècle, quand de « nouvelles formes d’urbanisation » émergent au Danemark57. Les concepts d’« hydrarchie » (hydrarchy, terme désignant un pouvoir exercé depuis la mer et par des outils proprement maritimes) et de « merritoire » (maritorium, symétrique maritime du territorium), développés par Christian Cooijmans et par Neil Price, s’inscrivent dans ce souci d’observer le phénomène viking depuis ses propres « tours de contrôle » – qui sont maritimes – et non pas depuis les centres de pouvoir francs, anglo-saxons ou byzantins – qui sont terriens et où la plupart des sources écrites ont été produites58.
- 59 M. et H. Whittock, The Vikings…, p. 49-52 et 61.
- 60 C. Etchingham et al., Norse-Gaelic Contacts…, p. 24-26 et passim.
- 61 N. Price, The Children…, p. 424.
- 62 N. Price, The Vikings in Brittany, Londres, 1989.
- 63 S. M. Lewis, Vikings in Aquitaine and Their Connections, Ninth to Early Eleventh Centuries, thèse (...)
- 64 M. Mägi, In Austrvegr…, p. 132-138.
11Ces points nodaux et zones de contacts sont au cœur de certains livres, avec des interprétations parfois divergentes. Ainsi Martyn et Hannah Whittock voient dans l’île de Man un des lieux où les vikings auraient le mieux transporté et conservé des traits culturels et religieux propres à leur culture originelle scandinave59 ; au contraire, le rôle cette île dans les transferts culturels entre monde de culture gaélique et monde de culture norroise au sein de la diaspora viking chrétienne est mis en avant dans le livre Norse-Gaelic Contacts60. Neil Price rappelle quant à lui que la tombe à navire de l’île de Groix (Morbihan), fouillée au xixe siècle, contenait un rare témoignage de contacts avec l’Orient, à travers une bouterolle (ornement de fourreau) représentant un faucon en piqué, connu dans la littérature archéologique comme le « symbole des Rus’ »61. L’auteur, dont les premiers travaux ont porté sur les vikings en Bretagne62, y revient dans des pages inspirantes auxquelles il imprime la marque de l’histoire connectée et fait de la péninsule armoricaine un espace où la présence et, même, la domination scandinaves, bien que brèves – la « principauté viking » n’y dure qu’une vingtaine d’années au début du xe siècle –, s’avèrent importantes pour la formation des groupes vikings qui s’y déploient, avec des conséquences à la fois en Normandie, dans les îles Britanniques et plus au sud. Il rejoint donc certaines analyses proposées par Stephen Lewis dans sa récente thèse sur les vikings en Aquitaine63. Enfin, Marika Mägi met en lumière une division nord-sud au sein des actuels pays baltes : au nord (dans l’actuelle Estonie), elle identifie une « sphère de valeurs culturelles partagées », avec un matériel assez semblable mais en l’absence d’implantations scandinaves repérables, les éventuels migrants se fondant très vite dans une culture locale qui intègre sans difficulté des éléments scandinaves ; la moitié sud (à savoir la Lettonie et la côte lituanienne) serait en revanche caractérisée par une « colonisation de middle ground », avec des points nodaux bien identifiés, d’importants nœuds d’échanges comme Grobiņa, et peut-être la migration de chefs et de groupes scandinaves entiers, mais très peu d’influence scandinave visible au-delà de ces sites d’implantation64.
- 65 Sverrir Jakobsson, The Varangians…, p. 147-149.
12Le livre de Neil Price s’inscrit dans ce mouvement, y compris par son plan : alors que, dans la plupart des « grandes synthèses » existantes, des chapitres distincts sont consacrés aux diverses régions où les vikings ont été actifs, on note un refus de distinguer des vikings « de l’ouest » et des vikings « de l’est ». Un monde unifié par traits culturels et des échanges diversifiés se construit à travers toute la « diaspora viking ». L’un de ces traits est l’adoption du christianisme, et cela sans que la différence entre ses formes occidentales et orientales soit regardée comme essentielle : Sverrir Jakobsson note que les sources islandaises (et norroises en général) ignorent tout du schisme d’Orient de 1054, que des prêtres « arméniens » ou « grecs » sont réputés avoir contribué à l’évangélisation de l’Islande, et que l’impact du schisme ne semble avoir été ressenti en Islande qu’à partir de la fin du xiiie siècle, suite au concile de Lyon65.
- 66 N. Price, The Children…, p. 26-27.
- 67 C. Jarman, River Kings…
- 68 Pour faire écho au titre du livre de P. Bauduin, A. Musin éd., Vers l’Orient et vers l’Occident. R (...)
- 69 Est-ce une mode ? On trouve également sous la plume de Neil Price des passages qui se veulent sans (...)
- 70 C. Jarman, River Kings…, p. 223-227.
- 71 Sur cette controverse et ses nombreux rebondissements, voir L. S. Klejn, « The Russian Controversy (...)
- 72 Ainsi Sverrir Jakobsson, The Varangians…, ne cesse de proposer des ponts entre vikings « de l’est (...)
- 73 U. Schmid, « Russian Perspectives », dans J. Glauser, P. Hermann, S. A. Mitchell éd., Handbook…, p (...)
- 74 B. Davidovká, « Russian Perspectives : Viking », ibid., p. 933-940 ; sur le rapport à l’histoire d (...)
13De fait, ce sont parfois les mêmes individus, et pas seulement des gens originaires des mêmes régions, qui évoluent à travers tout l’espace étudié66. C’est dans cette perspective que Cat Jarman – dans un livre dont je recommande vivement la lecture, tout en appelant de mes vœux une traduction en français67 – se propose de remonter le voyage d’une perle de cornaline découverte en 1982 dans les fouilles du camp viking de Repton (Derbyshire), jusqu’à sa source probable dans le Gujarat (nord-ouest de l’Inde). Le récit progresse en quatre étapes : « West » (trois chapitres), « Homeland » (trois chapitres), « East » (trois chapitres) et « Gujarat » (épilogue). Ce trajet « de l’Occident vers l’Orient68 » permet d’exposer la complexité des échanges et des communications à l’époque viking. Chaque chapitre part d’un objet (une perle, donc, mais aussi un dirham, un clou de navire, une pièce de jeu de plateau, un graffito sur un mur de Sainte-Sophie…) et développe un discours dont l’objet est le prétexte. Le résultat est plaisant et vivant, l’autrice n’hésitant pas à se mettre en scène, racontant ses questionnements et ses découvertes, un peu comme dans un documentaire télévisé – voire, dans certains cas, comme dans un docufiction puisque les chapitres sont tous précédés d’une sorte de saynète où l’autrice imagine l’attitude qu’une personne de l’époque viking aurait pu avoir face à l’objet qui sert de fil rouge à son chapitre69. On note sous sa plume un souci de rééquilibrer l’histoire des vikings en mettant en avant des connexions orientales « négligées70 », à la fois en raison d’une dichotomie artificielle trop souvent opérée entre « Rus’ » ou « Varègues » à l’est et « Vikings » à l’ouest, et à cause de la prégnance des thèses antinormannistes dans la Russie impériale et soviétique71. Il me semble que Cat Jarman a sacrifié ici à un certain degré de sensationnalisme réclamé par son « documentaire », car les travaux des trois dernières décennies ont déjà opéré ce rééquilibrage : le déséquilibre, en la matière, est le fait des canaux et supports de médiation culturelle plutôt que des historiens eux-mêmes, fussent-ils russes72. Il est vrai que ces derniers n’ont pas la partie facile : le normannisme est plus que jamais rejeté par le régime aujourd’hui en place en Russie73, qui promeut au contraire, à travers des publications, des films (Viking, 2016) ou la création d’un parc d’attractions en Crimée, une forme renouvelée d’antinormannisme agressif74. En effet, si une place est faite aux vikings et aux tropes médiévalistes de leur représentation, c’est pour mieux présenter les Scandinaves comme profondément étrangers à l’histoire du pays et nier leur contribution à la genèse des structures étatiques en Europe orientale.
- 75 C. Jarman, River Kings…, p. 26-27.
14Je crois surtout utile de relever que l’autrice de River Kings a une formation d’anthropologue physique et de chimiste des isotopes : à ma connaissance, c’est la première fois qu’une spécialiste des techniques de laboratoire (isotopes, carbone 14, ADN, LIDAR…) franchit le pas de la synthèse grand public sur les vikings. D’une certaine manière, ce livre reflète la montée en puissance, depuis une quinzaine d’années, de ces méthodes qui sont désormais en mesure de placer leur propre discours et leurs propres résultats au cœur d’interprétations globales du monde viking, et donc de la vulgarisation. C’est avec un réel enthousiasme qu’elle présente les résultats obtenus en laboratoire et les conclusions qu’on est en droit d’en tirer, mais en n’oubliant jamais de signaler les limites inhérentes à ces méthodes. Ainsi, à propos des analyses d’ADN, elle rappelle qu’on ne sait toujours pas distinguer les immigrants « vikings » des immigrants « angles, saxons et jutes » de la période antérieure, et donc évaluer l’importance numérique de la migration scandinave vers la Grande-Bretagne entre le ixe et le xie siècle75.
- 76 S. Leslie et al., « The Fine-Scale Genetic Structure of the British Population », Nature, 519 (201 (...)
- 77 J. Kershaw, E. C. Røyrvik, « The “People of the British Isles” Project and Viking Settlement in En (...)
15De fait, le débat scientifique provoqué au milieu des années 2010 par la publication des résultats du projet « People of the British Isles » montre que le sujet est sensible : d’abord interprétés comme la preuve d’une migration nombreuse aux ve et vie siècles76, les résultats ont aussitôt été relus comme témoignant d’une migration numériquement importante à l’époque viking77. Tout conclusion définitive est donc, à l’heure actuelle, exclue : il est prudent d’envisager pour l’Angleterre un apport démographique (et donc génétique) significatif, venu des régions situées à l’est de la mer du Nord, mais qu’il convient de situer sur une période bien plus longue, du ive au xiie siècle. Il sera sans doute très difficile, à l’avenir, de distinguer entre un « apport anglo-saxon » et un « apport viking » dans le patrimoine génétique des Anglais, car les deux vagues migratoires, issues de régions proches, voire qui se chevauchent, se sont succédé de manière rapide (du moins à l’échelle de l’histoire des gènes).
- 78 De manière particulièrement saisissante dans le livre d’A. D’Haenens, Les Invasions normandes, une (...)
- 79 Sur les camps vikings d’Angleterre et d’ailleurs (Irlande, royaume franc…), voir aussi C. Cooijman (...)
- 80 D. M. Hadley, J. D. Richards, The Viking Great Army…, p. 58-59.
- 81 Voir aussi D. M. Hadley, J. D. Richards, « The Winter Camp of the Viking Great Army, AD 872-3, Tor (...)
- 82 G. Williams, A Riverine Site…
- 83 D. M. Hadley, J. D. Richards, The Viking Great Army…, p. 110.
- 84 Ibid., p. 59.
16Il reste que la réévaluation à la hausse du nombre de Scandinaves ayant migré vers la Grande-Bretagne à l’âge viking a le vent en poupe : si l’on en croit la plupart des publications récentes, cet apport devrait se compter en dizaines de milliers pour une population totale dont l’ordre de grandeur (pour l’ensemble de l’île) aurait alors été autour du million, l’archéologie rejoignant la génétique pour contester les évaluations minimalistes qui ont dominé dans les trois dernières décennies du xxe siècle78. Les fouilles récentes de plusieurs camps vikings en Angleterre79 amènent ainsi Dawn Hadley et Julian Richards à réévaluer les effectifs de la « Grande Armée païenne » (hæþen here, micel here, selon les termes employés par la Chronique anglo-saxonne) qui opère dans l’île dans le dernier tiers du ixe siècle80. Alors que Repton, qui fut longtemps le seul camp étudié, n’avait été fouillé que sur 0,4 hectares, les fouilles bien plus étendues de Torksey (Lincolnshire)81 et d’Aldwark (North Yorkshire)82 ont livré des camps immenses qui supposent une population nettement plus importante que dans les estimations antérieures : avec ses 55 hectares, le camp de Torksey couvrait en effet une surface bien plus importante que les emporia de Birka en Suède (6 ha) ou de Ribe au Danemark (12 ha), et même deux fois plus grande que le plus étendu d’entre eux, Hedeby dans le Schleswig-Holstein (24 ha)83. Cela laisse entendre que des milliers de personnes se déplaçant dans 50 à 100 navires – peut-être entre 1500 et 5000 guerriers à qui il faut ajouter un nombre indéterminé de non-combattants – constituaient une « communauté itinérante d’hommes, de femmes et d’enfants, de guerriers, de marchands et d’artisans84 » atteignant possiblement le chiffre de 10 000 individus. L’ordre de grandeur pour la seule « Grande Armée » entre 865 et 880 se situerait dès lors autour de 1 % de la population totale de l’île : le potentiel disruptif d’un tel nombre d’individus armés et organisés ne doit donc pas être minimisé.
- 85 L’expression « prise de terre », qui traduit littéralement le terme norrois landnám, est désormais (...)
- 86 Les premiers chapitres de G. Campbell, Norse America…, font très bien le point sur la question de (...)
- 87 On me permettra de ne pas considérer comme sérieux le livre de J. Supéry, La Saga des Vikings. Une (...)
17À travers les voyages, migrations, conquêtes et « prises de terre85 », l’horizon viking s’est ainsi élargi ou approfondi vers le nord-ouest (le Groenland et l’Amérique du Nord86), vers le nord-est (l’Estonie et la Lettonie) et vers le sud-est (jusqu’en Asie centrale, voire jusqu’en Inde avec la perle de cornaline que poursuit Cat Jarman). Reste un angle mort géographique : le sud-ouest. En dehors de la thèse sur les vikings en Aquitaine soutenue par Stephen Lewis en 2021, peu de travaux récents s’intéressent sérieusement aux régions situées au sud de la Loire ou au sud des Pyrénées87. Cet angle mort résulte, au moins en partie, du fait que nombre de spécialistes britanniques, irlandais et scandinaves ignorent trop souvent les travaux publiés dans d’autres langues que l’anglais. Il y a bien sûr des exceptions – Neil Price, Stefan Brink et Jón Viðar Sigurðsson s’appuient sur des bibliographies remarquablement polyglottes –, mais le défaut est criant à la génération suivante.
- 88 A. Christys, Vikings in the South : Voyages to Iberia and the Mediterranean, Londres, 2015.
- 89 M. J. Barroca, A. Coelho Ferreira da Silva éd., Mil anos da incursão normanda ao castelo de Vermoi (...)
- 90 I. García Losquiño et al. éd., Making the Profane Sacred…; Ead., The Early Runic Inscriptions : th (...)
- 91 I. García Losquiño, Eso no estaba…, chap. 2 ; Ead., « Les vikingos en la península ibérica : nueva (...)
- 92 Par ex. H. Pires, « Vikings Attacks on Western Iberia : An Overview », Viking and Medieval Scandin (...)
- 93 H. Pires, Os Vikings em Portugal e na Galiza : As incursões nórdicas medievais no Ocidente ibérico(...)
- 94 Le même constat pourrait être fait à propos des travaux d’historiens italiens : l’excellent livre (...)
18C’est pourquoi je suis particulièrement frappé par l’absence presque totale, dans ces ouvrages, de références aux travaux publiés récemment en castillan ou en portugais qui ont contribué à réévaluer le phénomène viking dans la péninsule Ibérique. Un effet de cette négligence est que les travaux menés aujourd’hui dans les îles Britanniques ou en Scandinavie s’en tiennent le plus souvent, quand ils veulent (brièvement) évoquer les incursions vikings vers le sud-ouest, à la synthèse en anglais d’Ann Christys88, livre en l’occurrence de fort bonne tenue, sans prendre en compte les retouches apportées depuis dans d’autres langues. On retire de la plupart de ces lectures une impression confuse : soit que l’espace péninsulaire n’aurait pas été touché par le phénomène viking, soit que la recherche actuelle négligerait de s’y intéresser, deux propositions aussi fausses l’une que l’autre. Il est vrai que certains travaux ont été publiés là où les historiens anglophones ne penseront pas spontanément à les consulter, comme les actes d’un colloque tenu près de Porto pour marquer le millénaire d’un raid viking89. Mais même les auteurs qui font l’effort de publier en anglais ne sont pas souvent mentionnés. Ainsi, Irene García Losqiño, qui a pourtant coédité les mélanges offerts à Stefan Brink et publié un livre sur l’épigraphie runique90, n’est guère citée pour ses articles sur la péninsule91. Il en est de même pour Hélio Pires, qui a publié aussi bien en anglais qu’en portugais92 : son ouvrage de synthèse sur les vikings au Portugal et en Galice, tiré de sa thèse de doctorat, a beau avoir été réédité six fois depuis sa première parution93, il n’a été recensé, à ma connaissance, dans aucune revue en dehors du monde lusophone. Les historiens ibériques, comme leurs homologues francophones, germanophones ou italiens94, font volontiers paraître des articles de fond en anglais, mais, à la différence de leurs confrères et consœurs scandinaves, tous continuent – et c’est heureux ! – à faire paraître des travaux dans leur propre langue, auxquels il est utile et légitime de se référer.
- 95 Je renvoie à l’amorce de synthèse de F. D’Angelo, « Da vichinghi a crociati. Gli scandinavi nel Me (...)
- 96 N. Price, The Children…, p. 373-377, et l’essai bibliographique p. 556.
19Il reste que la question des vikings en Méditerranée mériterait d’être traitée à nouveaux frais95. Dans le livre de Niel Price, le choix hybride consistant à rédiger d’une part des chapitres sans notes et d’autre part de consistants « essais bibliographiques » rassemblés en fin de volume trouve ses limites dans le récit et l’analyse de la grande expédition dite « de Hastein et Björn » entre Espagne, Provence et Ligurie en 859-861. Les éléments rapportés dans diverses sources mêlent (de l’aveu même de l’auteur) des faits attestés et des déformations légendaires, mais le procédé de référencement empêche le lecteur de déterminer précisément ce qui relève de quoi96. Ainsi, qu’en est-il d’une éventuelle poursuite de l’expédition vers la Méditerranée orientale, voire jusqu’à Alexandrie, dans l’hiver 860-861 ? Comment peut-on et doit-on critiquer les sources qui la mentionnent ? Peut-on dire qu’il s’agit d’un fait à peu près établi, comme semble le suggérer l’auteur, ou pour l’essentiel d’une affabulation ? Toutes ces questions restent en suspens.
Les femmes vikings : des femmes puissantes ?
- 97 L. Malbos, Le Monde viking…
- 98 Voir par ex. J. Jesch, Women in the Viking Age, Woodbridge, 1991 ; J. Jochens, Women in Old Norse (...)
20Les « portraits de femmes et d’hommes de l’ancienne Scandinavie » qu’offre Lucie Malbos dans son dernier livre comprennent cinq femmes et neuf hommes97 – proportion toute nouvelle si l’on considère le poids des figures masculines dans la façon traditionnelle de raconter les temps vikings. Les femmes vikings n’étaient-elles pas des « femmes puissantes », pour reprendre le titre de la traduction française du livre de Jóhanna Katrín Friðriksdóttir, plus que leurs homologues de l’Europe latine à la même époque ? Paradoxalement, ces questions déjà anciennes98 portant sur le genre – à savoir l’étude des perceptions, réceptions, représentations, pratiques de la différenciation et de la répartition des rôles entre hommes et femmes – trouvent de nouveaux échos suite aux avancées récentes qui, par les analyses ostéologiques ou de l’ADN ancien, permettent de mieux déterminer le sexe des individus mis au jour lors de fouilles.
- 99 C. Hedenstierna-Jonson et al., « A Female Viking Warrior Confirmed by Genomics », American Journal (...)
- 100 N. Price, The Children…, p. 126-130.
- 101 Voir, entre autres, les fortes nuances et mises en garde apportées dans son blog par J. Jesch, « L (...)
- 102 F. Androshchuk, « Female Viking Revisited », Viking and Medieval Scandinavia, 18 (2018), p. 47-60. (...)
21La discussion, en la matière, s’est surtout concentrée autour de quelques « causes célèbres ». La plus connue, depuis son réexamen en 2017, est sans nul doute liée à la tombe Bj.581, fouillée à Birka par l’archéologue suédois Hjalmar Stolpe à la fin du xixe siècle. Désormais couramment désignée comme la tombe de la « guerrière de Birka »99, elle fait l’objet de développements spécifiques dans plusieurs ouvrages. Il convient d’y ajouter entre autres la « valkyrie de Hårby », une figurine métallique découverte au Danemark en 2012 dont, comme le souligne à raison Neil Price, rien ne nous dit qu’il s’agit bien d’une valkyrie100. N. Price, lui-même un des « inventeurs » de la « guerrière de Birka », revient à plusieurs reprises sur cette réinterprétation de la tombe qui, pendant plus d’un siècle, était connue comme celle du « guerrier de Birka ». Ce n’est pas le lieu de résumer ici la vive controverse qui a fait suite à la révélation du sexe de l’occupante de la tombe101, mais on peut regretter que l’auteur des Enfants du frêne et de l’orme balaie parfois les arguments de ses contradicteurs sans toujours leur répondre sur le fond – ainsi, à Fedir Androshchuk qui s’est interrogé sur la conservation et l’étiquetage d’ossements fouillés il y a un siècle et demi, sur la présence d’un ou deux squelettes dans la tombe, et plus largement sur les possibles perturbations et déperditions d’information génétique102.
- 103 Jóhanna Katrín Friðriksdóttir, Valkyrie…, p. 59-60.
- 104 N. Price, The Children…, chap. 5 : « Border Crossings », en particulier p. 168.
- 105 N. Price, The Viking Way : Magic and Mind in Late Iron Age Scandinavia, Uppsala, 2002; 2e éd. révi (...)
- 106 On ne redira jamais assez que la quasi-totalité des mythes scandinaves ont été transmis par des au (...)
- 107 N. Price, The Children…, p. 1-2.
- 108 Ibid., p. 449.
- 109 Ibid., p. 166.
- 110 Ibid., p. 170-171. Sur le nið, on renverra à l’étude déjà ancienne de P. Meulengracht Sørensen, Th (...)
22Certains développements suscités par la réinterprétation de cette tombe me laissent perplexe. Au risque de plaquer des catégories contemporaines sur une réalité médiévale qui ne s’y prête guère, Jóhanna Katrín Friðriksdóttir avance l’hypothèse d’une personnalité « transgenre » ; mais elle le fait avec assez de prudence pour que cela reste une question103. C’est moins le cas quand Neil Price affirme que les Scandinaves du haut Moyen Âge avaient sur les questions de genre des positions ouvertes aux identités queer et aux personnalités ne correspondant pas aux normes traditionnelles104. L’idée m’apparaît pour le moins hasardeuse, car la société scandinave de l’époque viking me semble au contraire avoir été fortement normée en termes de définition des identités et rôles masculins et féminins (même si, et cela va de soi, ces normes n’étaient pas toujours les mêmes que dans les sociétés monothéistes voisines). Il est vrai que N. Price – qui a longtemps travaillé sur la magie et dont l’ouvrage majeur sur ce sujet a connu une seconde édition pendant cette même période105 – est sensible aux cas de marginalité liés à l’appartenance au monde liminaire des individus spécialistes du sacré. Il met d’ailleurs en avant, à travers le titre même de son dernier livre et le récit qui l’encadre, le fait que les Scandinaves païens se pensaient (peut-être106) comme les descendants d’Askr et Embla, les deux ancêtres du genre humain dont le sexe et le genre semblent coïncider sans ambiguïté107. Et pourtant, si Askr, le premier homme, est bien masculin en toutes choses, Price souligne que le nom même d’Embla, la première femme, n’est pas clair : les spécialistes se demandent en effet s’il désigne l’orme (qui en norrois se dit almr, nom masculin) ou la vigne (le mot étant alors apparenté au grec ampelos)108. Dans ce dernier cas, l’union du frêne et de la vigne évoquerait plutôt celle de l’arbre et de la plante grimpante qui s’enroule autour de lui, une image bien connue dans les contes et les mythes (pensons au Lai du chèvrefeuille de Marie de France, où le chèvrefeuille s’enlace autour du tronc du coudrier), qui exprime les identités genrées de manière on ne peut plus convenue ! Il reste que certaines formules de Neil Price – l’expression « viol conjugal » employée à propos de délits réprimés par les lois islandaises109 ; la notion complexe de nið réduite à des « insultes homophobes110 » – tendent à plaquer sur les réalités médiévales des notions comme celle d’homosexualité qu’il aurait plutôt fallu questionner, comme l’ont fait depuis longtemps les historiens de la Grèce antique.
- 111 C. Jaarman, River Kings…, p. 143.
23Cat Jarman, Lucie Malbos et Leszek Gardeła proposent, toujours à propos de la tombe de Birka, des traitements qui me semblent plus pertinents, ne serait-ce que parce que leurs lectures sont résolument comparatives et ne cherchent pas à interpréter la « guerrière de Birka » comme un isolat. La première compare Bj.581 avec la tombe G.508 de Repton : elle contenait le squelette d’un homme – cette fois-ci, l’ADN est formel – et un équipement militaire assez semblable, mais la présence de lourdes blessures reçues à la guerre permet avec plus de certitude d’attribuer cette tombe à un combattant ; en outre, l’ajout d’une défense de sanglier entre les jambes du défunt, peut-être dans le but de restaurer une virilité à laquelle le combat avait pu porter atteinte, ne laisse aucun doute sur le genre que ceux qui l’ont enseveli lui attribuaient111.
- 112 L. Malbos, Le Monde viking…, p. 133.
- 113 Ibid., p. 163-165.
- 114 Ibid., p. 166.
- 115 Ibid., p. 171.
24Lucie Malbos fait précéder son analyse d’une description et d’une interprétation nuancée de la tombe Bj.463, où fut ensevelie celle qu’elle appelle « la petite fille qui n’était pas de Birka », une fillette de cinq ou six ans dont la mère au moins semble avoir eu des origines étrangères. Elle remarque à ce propos que « les sépultures d’enfants ne reflètent pas la vie de ces derniers, mais la place que leurs proches souhaitaient leur voir occuper dans la société, […] matérialisant les projections et les aspirations des adultes qui les ont enterrés112 ». On pourrait bien sûr en dire autant de toute personne faisant l’objet d’un traitement funéraire, et il convient dès lors de lire avec autant de prudence la tombe Bj.581. L’autrice remarque également que les armes ont monopolisé l’attention, alors que la tombe contient aussi des poids de balance, un quart de dirham et un riche brocart de soie ; on sait en outre par les isotopes que son occupante n’était pas née à Birka mais qu’elle y était arrivée jeune. L’hypothèse d’une « très riche marchande » serait dès lors aussi plausible que celle d’une guerrière113 ; en réalité, il y a bien des manières possibles de rendre compte de cette tombe. En l’absence de blessures ayant entraîné des lésions osseuses, on ne saura sans doute jamais si cette femme s’était servie de son vivant des armes avec lesquelles elle a été enterrée, mais Birka était très militarisée et l’on peut supposer que, lors d’une attaque, hommes et femmes pouvaient défendre la place ; mais « cela ne fait pas pour autant d’elle une guerrière professionnelle114 ». Et Lucie Malbos de clore le dossier sur une remarque cruciale, que nombre d’enthousiastes ont négligé de considérer : cette tombe « n’est en rien représentative de la condition féminine à Birka, et à plus forte raison en Scandinavie au xe siècle115 ».
- 116 L. Gardeła, Women and Weapons…
- 117 J. Jesch, « Women, War and Words : A Verbal Archaeology of Shield-maidens », Viking, 84 (2021), p. (...)
25De manière générale, les rapports entre les femmes et l’armement méritent mieux que les simplifications qui se profilent souvent derrière l’appellation de « guerrières ». L’archéologue polonais Leszek Gardeła en fournit une lecture nuancée à travers un passage en revue systématique des contextes où femmes et armes sont associées – et alors quelles armes, car une hache ébréchée, une épée comme neuve ou trois pointes de flèche n’autorisent pas les mêmes interprétations. Son livre, qui vaut beaucoup mieux que ce que laisse entendre son titre un peu accrocheur, ouvre sur des interprétations complexes, loin de toute schématisation116. L’auteur s’intéresse aussi brièvement aux attestations écrites, beaucoup moins nombreuses et pour la plupart tardives, de « femmes au bouclier » et autres guerrières vikings, sujet que Judith Jesch a par ailleurs remarquablement analysé117.
- 118 Sur la représentation des femmes dans les « séries vikings », voir S. McLeod, « Shieldmaidens… », (...)
- 119 S. Olsson, Hostages…, p. 125-130.
- 120 S. Brink, Thraldom…, chap. 8 : « Terms for Thralls and Their Meanings ».
26Au-delà de la question des « guerrières vikings », à mon sens un peu trop montée en épingle – leur représentation frappante et souvent complaisante dans les séries télévisées et jeux vidéo récents n’y est sans doute pas pour rien118 –, l’histoire des femmes, traitée avec intelligence en articulant méthodiquement sexe biologique et genre social, peut ouvrir sur des questionnements au moins aussi intéressants. D’autres sujets que ceux de la guerre et des armes ont été relus avec profit au prisme du genre. C’est le cas, par exemple, des femmes ayant connu diverses formes de captivité. Ainsi Stefan Olsson s’intéresse brièvement – mais la documentation est peu abondante – aux femmes ayant été otages, c’est-à-dire garantes d’un accord de paix entre deux groupes119. Stefan Brink étudie quant à lui les termes désignant les esclaves en vieux norrois : à l’instar des tâches auxquelles les non-libres étaient affectés, beaucoup de ces mots étaient genrés120. À la lecture de son livre, on arrive même à se demander, tant les esclaves masculins et féminins semblent avoir été perçus de manières différentes, si la catégorie « esclave » (mot épicène en français, sans réel équivalent en norrois) est entièrement pertinente pour l’étude du monde viking.
- 121 C. Jarman, River Kings…, p. 137-138.
- 122 Jóhanna Katrín Friðriksdóttir, Valkyrie…, p. 96-97, citant en particulier Agnar Helgason et al., « (...)
- 123 C. Etchingham et al., Norse-Gaelic Contacts…, p. 272-319.
- 124 Ibid., p. 319-325.
- 125 C. Jarman, River Kings…, p. 52.
27Les questions de genre nous ramènent aussi à celle des migrations. Cat Jarman note que les analyses isotopiques pratiquées sur des ossements sont jusqu’ici largement concordantes : dans un échantillon donné contenant des individus des deux sexes en quantités comparables, il y a souvent autant de femmes migrantes que d’hommes migrants121. Un champ qui s’est beaucoup développé dans les deux dernières décennies est celui de l’ADN mitochondrial, un type d’ADN qui ne se transmet qu’en ligne féminine. Il importe ici de distinguer l’étude de l’ADN moderne (par des prélèvements ADN sur des personnes vivantes et, plus largement, par l’étude et la comparaison des génomes actuels) et celle de l’ADN ancien (séquencé sur des restes trouvés en contexte archéologique). On sait depuis plus de vingt ans que l’ADN mitochondrial moderne suggère un peuplement de l’Islande par des hommes et des femmes venus majoritairement de Norvège, mais aussi par un nombre significatif des femmes venues du monde celtique, en particulier d’Irlande122. Sur ce point, le croisement du laboratoire et des sources écrites enrichit et complexifie l’analyse. Dans le livre Norse-Gaelic Contacts, l’étude des noms gaéliques de la Landnámabók (le « Livre de la prise de terre » islandais) suggère que la plupart de ces anthroponymes et (plus rarement) toponymes remonteraient au temps de l’installation dans l’île et confirmeraient donc une migration bien réelle – consentie ou non, c’est une autre affaire – de femmes irlandaises aux ixe et xe siècles123. Mais les auteurs montrent aussi qu’au xiiie siècle, des origines gaéliques pouvaient être revendiquées dans un but de prestige, tel goði (chef local) prétendant par exemple descendre de la princesse irlandaise Melkorka, ce qui lui permettait de s’affirmer face à des concurrents et face au pouvoir croissant des rois norvégiens124. Ajoutons avec Cat Jarman que ces données génétiques ne sauraient suggérer que les Norvégiens qui se sont installés en Islande à l’époque viking réduisaient surtout des femmes en esclavage et n’ont importé que peu d’esclaves masculins dans l’île : pour des raisons hélas évidentes, les femmes esclaves ont bien mieux transmis leurs gènes que les hommes esclaves125.
- 126 Ibid., p. 126-129.
- 127 Sur cette notion, voir par ex. S. Donecker, « The Vagina nationum in the Sixteenth and Seventeenth (...)
- 128 L. Malbos, Le Monde viking…, p. 56.
- 129 C. Jarman, River Kings…, p. 130;
- 130 Jóhanna Katrín Friðriksdóttir, Valkyrie…, p. 188-190 ; L. Malbos, Le Monde viking…, p. 52-72.
28Plus récemment, c’est l’étude de l’ADN mitochondrial ancien (plus difficile à conserver et donc à séquencer) qui, souvent en combinaison avec les isotopes, a permis d’affiner la réflexion sur les migrations. De manière intéressante, on voit désormais se dessiner des mobilités féminines et masculines entrantes en Scandinavie126, aspect qui jusqu’ici était peu attesté tant la vieille idée médiévale d’une « matrice scandinave des peuples » reste prégnante127. Ainsi, l’ADN donne à penser que la plus jeune des deux femmes ensevelies dans la grande tombe à navire d’Oseberg – elle avait entre 40 et 50 ans, l’autre ayant dépassé l’âge de 70 ans128 – aurait grandi près des rives de la mer Noire129. S’agissait-il d’une esclave acquise sur la « route de l’Est » ou, au contraire, d’une « princesse » venue épouser un potentat de la région d’Oslo ? De fait, on ne sait pas pourquoi deux femmes ont été déposées ensemble dans cette tombe à navire, ni si l’une d’elles était la défunte principale et l’autre une défunte « d’accompagnement » – et dans ce cas, laquelle130.
- 131 Dans un article paru il y a plus de dix ans, S. McLeod, « Warriors and Women : The Sex Ratio of No (...)
29En un mot, le développement des techniques de laboratoire ouvre des perspectives fascinantes, non pas parce qu’elles ont réponse à tout, mais parce qu’elles permettent souvent de poser de nouvelles questions et de complexifier nos schémas d’interprétation. Ce qu’il ne faudrait pas oublier cependant de relever, c’est le tout petit nombre, à ce jour, des individus ayant fait l’objet de telles analyses : les chiffres se comptent en dizaines, et il est sans doute prématuré de tirer des conclusions globales à partir de données si fragmentaires131. Il est vrai que, du côté des sources écrites, les données sont tout aussi rares et dispersées et que, pendant longtemps, cela n’a guère gêné les spécialistes des vikings…
Climat et environnement : origine et fin des vikings ?
30Les questions ayant trait au climat et à l’environnement reviennent régulièrement dans certains ouvrages. Comme celles liées à l’histoire connectée, aux migrations et aux femmes, cet intérêt est stimulé par l’essor des techniques de laboratoire et par leur centralité nouvelle, acquise au cours de la décennie passée. Divers moyens – carottage des glaciers, étude des pollens fossiles, dendrochronologie, etc. – permettent en effet de restituer avec bien plus de précision, parfois à l’année près, les fluctuations climatiques et les milieux naturels du passé.
- 132 N. Price, The Children…, chap. 2: « Age of Winds, Age of Wolves ».
- 133 Du norrois fimbulvetr : « puissant hiver » ou « terrible hiver ».
- 134 On a là un parallélisme frappant avec un livre paru à peu près au même moment : K. Harper, The Fat (...)
31C’est ainsi que, dans un chapitre qui fait la synthèse, en les systématisant, de plusieurs travaux récents132, Neil Price explique comment la fabrique sociale de l’âge viking se serait cristallisée au lendemain d’une « grande catastrophe du vie siècle », essentiellement due à deux causes non-sociales. D’abord (et, selon N. Price, principalement) une grave crise climatique d’une quinzaine d’années entre 535 et 550, due à une série d’éruptions volcaniques qui auraient entraîné ce que les tenants de cette thèse – reprenant un terme utilisé dans la poésie norroise (bien plus tardive) – appellent le Fimbulwinter133 : sorte d’hiver nucléaire qui aurait duré une demi-décennie et dont les conséquences auraient été encore plus graves dans le Nord que dans le reste de l’Europe. À ce « grand hiver », il faudrait peut-être ajouter les conséquences de la peste justinienne qui, de fait, est exactement contemporaine, mais dont on ignore encore l’étendue et même la présence dans le Nord134. De cette catastrophe climatique et sanitaire aurait émergé une nouvelle société, fondée sur de nouvelles croyances et de nouvelles divinités (ce serait, par exemple, la fin du culte solaire), mais aussi sur de nouvelles hiérarchies sociales, avec la formation d’une société guerrière. Certains passages de la poésie norroise, par exemple dans le récit du Ragnarök – le « Crépuscule des dieux », l’Apocalypse de la mythologie norroise – tel que l’évoquent le Vafþrúðnismál et la Völuspá, deux poèmes de l’Edda poétique, ou encore l’Edda en prose de Snorri, seraient le reflet direct de ce grand hiver, à la fois trauma initial et fabrique matricielle du monde des vikings.
- 135 P. Holmberg, B. Gräslund, O. Sundqvist, H. Williams, « The Rök Runestone and the End of the World (...)
- 136 E. Wessén, Runstenen vid Röks kyrka, Stockholm, 1958.
32Un article proposant une relecture de la célèbre pierre de Rök dans l’Östergötland, datée du début du ixe siècle, va dans le même sens et approfondit la thèse exposée par Neil Price en l’appliquant à un dossier précis135. Il propose une lecture totalement différente du texte précédemment déchiffré par Elias Wessén136, avec un autre sens de lecture, un autre découpage des mots et une tout autre interprétation. Plusieurs allusions à des épisodes connus du Ragnarök sont mises en évidence : le Fimbulwinter ; le loup Fenrir qui avale le soleil ; l’attente du retour de l’astre du jour ; la « peinture rouge » de la « demeure des dieux ». Citons, entre autres, un poème rapporté par Snorri dans son Edda en prose :
- 137 Cité par N. Price, The Children…, p. 78.
D’abord viendra un hiver appelé le terrible hiver [fimbulvetr]. La neige tourbillonnera dans toutes les directions. Il aura de grands gels et des vents mordants. Le soleil sera impuissant. Il y aura à la suite trois de ces hivers et pas d’été entre temps137.
- 138 P. Holmberg et al., « The Rök Runestone… », p. 16.
- 139 K. Heslop, Viking Mediologies…, p. 72-77.
33Ne serait-ce pas le souvenir du « grand hiver » de 535-540 ? Mais il y a presque trois cents ans entre l’événement climatique du vie siècle et l’érection de la pierre de Rök. L’hypothèse alors suggérée est que des événements plus proches dans le temps, attestés dans des annales franques ou anglo-saxonnes ou connus par la science moderne, auraient pu « réactiver » la mémoire de ceux des années 535 à 550 : en 775, des « ciels rouges » suivis d’un été froid, possibles conséquences d’un orage solaire ; en 810, une éclipse du soleil138. Spécialiste de la poésie scaldique, Kate Heslop examine cette thèse et finit par la rejeter, réaffirmant l’interprétation traditionnelle de Wessén, pour qui le texte fait référence au souvenir mythifié du roi ostrogoth Théodoric (m. 526), figure passée dans les légendes germaniques et scandinaves et dont la mémoire a elle aussi pu être « réactivée » par le transport récent de sa statue de Ravenne à Aix-la-Chapelle sur ordre de Charlemagne139. L’événement source serait toujours situé au vie siècle mais, plutôt que vers le climat, c’est vers l’histoire connectée et les transferts culturels qu’il faudrait alors se tourner…
- 140 J.-P. Devroey, La Nature et le roi. Environnement, pouvoir et société à l’âge de Charlemagne (740- (...)
34À vrai dire, je dois avouer mon scepticisme face à des explications globalisantes qui tendent à évacuer le social, le politique et le culturel au profit d’explications mécanistes. Si Jean-Pierre Devroey a bien montré l’importance de la perception des épisodes climatiques dans le discours du pouvoir à l’époque carolingienne140, le principe d’une « réactivation du trauma collectif » à trois siècles de distance, entraînant la composition de poèmes cryptés dont une pierre runique se ferait l’écho, ne me convainc guère. Dans une Europe du Nord où les hivers sont, de fait, souvent longs et rudes, est-il vraiment nécessaire de convoquer un « grand hiver » historique, ayant réellement eu lieu à un moment donné, pour expliquer que certains mythes ont représenté la fin du monde comme un hiver long de trois ans ? En outre, jusqu’à quel point peut-on se fier à des mythes qui nous sont parvenus, peut-être fortement réécrits, dans des manuscrits islandais du xiiie siècle, pour lire une pierre runique érigée au ixe siècle dans le centre de la Suède ? Que les difficultés climatiques (et peut-être sanitaires) bien réelles du vie siècle aient contribué à transformer les sociétés scandinaves, je l’admets volontiers, mais en faire l’unique point de départ de tous les changements, et en particulier du phénomène viking qui commence deux siècles plus tard, me semble exagéré.
- 141 A. Nedkvitne, Norse Greenland…
- 142 J. M. Diamond, Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, (...)
- 143 A. Nedkvitne, Norse Greenland…, p. 300-301.
- 144 Ibid., p. 348-349.
- 145 Ibid., p. 369-370.
35À rebours de tout modèle mécaniste et monocausal, le livre d’Arnved Nedkvitne sur la présence norroise au Groenland141 propose, au terme d’une démonstration serrée, de remettre en question certaines fausses évidences, en particulier celle qui consiste à condamner d’avance cette implantation en raison de la rudesse des conditions naturelles, et en particulier climatiques, qui seraient devenues progressivement intenables au cours du « petit âge glaciaire » – une doxa popularisée par le livre de Jared Diamond, Effondrement142. En effet, selon A. Nedkvitne, pendant les quatre siècles de leur présence dans le pays, les Groenlandais – nom que les Scandinaves implantés sur les côtes sud-ouest se donnaient à eux-mêmes – ont toujours réussi à se procurer assez de nourriture, et ils avaient toutes les ressources matérielles et mentales pour affronter la chute des températures, notable à partir du milieu du xiiie siècle. L’auteur nous sensibilise ainsi au fait que le recours massif aux données archéologiques et de laboratoire peut, s’il est exclusif ou s’il l’emporte sur toute autre considération, fausser la perception d’un phénomène historique : si l’on veut se faire une image complète de ce qui s’est passé dans ce Groenland des xie-xve siècles, l’utilisation des sources écrites est indispensable, car elle permet d’une part de quantifier les ressources alimentaires dont disposaient les Groenlandais à divers moments de leur histoire143, et d’autre part de mettre en lumière la nature problématique des relations avec les Inuits144, toutes choses que le laboratoire ne saurait observer. Il ressort de l’analyse d’A. Nedkvitne que les Scandinaves du Groenland sont parvenus, jusqu’à la toute fin, à maintenir leurs pratiques d’élevage, de chasse et de pêche, leurs institutions et leur vie religieuse ; en revanche, ils n’ont pas voulu ou su développer des relations avec les pouvoirs politico-militaires voisins relevant d’une autre culture. Après des tentatives exploratoires dans les premières décennies du xie siècle, le caractère hasardeux et dangereux des relations avec les Amérindiens (les skrælingar des sagas) les avait probablement dissuadés d’opérer toute « prise de terre » au Vinland ; au contraire, ils s’étaient implantés durablement au Groenland et y avaient prospéré, mais la montée des tensions avec les Inuits aurait nécessité la mise en place d’un État protecteur, ce que les royautés norvégienne puis danoise n’étaient pas en mesure d’assurer après 1250. Dès lors, l’hypothèse d’un effondrement dû à des causes exclusivement ou même principalement écologiques apparaît moins solide que celle du conflit ethnique145. Par conséquent, c’est à une combinaison de causes sociales, politiques, culturelles et environnementales qu’il faut attribuer la fin de la présence norroise au Groenland (les dernières attestations datent de 1406-1410).
- 146 C. Abram, Evergreen Ash…
- 147 P. Descola, Par-delà nature et culture, Paris, 2002 ; rééd. poche, 2015.
- 148 C. Abram, Evergreen Ash…, p. 81-83.
- 149 Ibid., p. 83. Voir L. T. White Jr, « The Historical Roots of Our Ecologic Crisis », Science, 155 ( (...)
- 150 C. Abram, Evergreen Ash…, p. 29.
- 151 Ibid., p. 83.
- 152 P. Descola, Par-delà nature et culture, éd. de poche, p. 351-353.
36Les questions d’environnement tiennent également une place centrale dans Evergreen Ash146, livre étrange et original dans lequel Chris Abram offre une relecture, à la lumière des conditions environnementales extrêmes de l’Islande médiévale (glaciers, volcans, etc.), des mythes norrois de la formation du monde et du Ragnarök, tels qu’ils sont développés dans l’Edda en prose de Snorri, mais aussi dans des poèmes sans doute plus anciens, transmis par le recueil de l’Edda poétique, tels que la Vǫluspá, le Grímnísmál ou le Vafþrúðnismál. L’« ash toujours vert » du titre est à la fois la cendre des volcans et le frêne originel également mis en avant par Neil Price. Inspiré par le modèle des ontologies de Philippe Descola147, C. Abram suggère que les Islandais du Moyen Âge avaient une vision du monde naturaliste ou au moins dualiste, c’est-à-dire opérant une distinction entre nature et culture, entre mondes non humain et humain. Au cœur de l’ouvrage, l’étude lexicologique des termes signifiant « monde » ou « terre » (heimr, verǫld, jǫrð…) permet à l’auteur d’affirmer que ces notions étaient sans doute déjà naturalistes et anthropocentriques avant la christianisation148, et qu’elles étaient au bout du compte assez semblables aux « dualismes judéo-chrétiens » que le médiéviste américain Lynn White, il y a plus d’un demi-siècle, regardait comme sous-jacents à la crise écologique de notre temps149. Une argumentation serrée est consacrée à la question de la préservation et de la transmission de mythes païens dans l’Islande chrétienne du xiiie siècle : pour l’auteur d’Evergreen Ash, s’il est vrai que ce qui a été transmis est « inauthentique », l’ensemble est tout de même plus proche de la vision du monde antérieure au christianisme que la plupart des autres textes médiévaux150. L’important, ici, est de ne pas se laisser aveugler par des présupposés militants sur les sociétés « archaïques » et sur nos sociétés « avancées » : révoquer entièrement le témoignage des poèmes eddiques comme voie d’accès à la vision du monde du polythéisme norrois, sous prétexte qu’ils sont tardifs et « contaminés » par le christianisme ne convient pas, surtout si cette position est adoptée parce que ces textes ne collent pas avec l’image « verte » que certains se plaisent à prêter au monde nordique avant la conversion151. On regrettera seulement que l’auteur n’ait pas complété son enquête en s’interrogeant sur la présence possible de l’ontologie « analogique152 » dans ces mêmes poèmes et, plus largement, dans la culture islandaise médiévale, avant et après la christianisation : la place et la force de la typologie dans la pensée médiévale auraient pu ouvrir sur des réflexions stimulantes.
Questions contemporaines ou questions de l’âge viking ?
- 153 Cette formule est le titre du chap. 2 de H.-I. Marrou, De la connaissance historique, Paris, 1954 (...)
37Entre histoire globale et connectée, histoire des migrations, histoire des femmes et du genre, histoire climatique, environnementale et même sanitaire, l’étude des vikings a suivi, au fil des années mouvementées que nous traversons depuis 2020, des routes en partie nouvelles, en partie balisées, et souvent étroitement liées à des questions contemporaines. Les thématiques que les spécialistes des vikings choisissent de traiter reflètent, bien entendu, leurs propres angoisses et obsessions, qui sont plus largement celles de nos sociétés. Faut-il le déplorer ou s’en réjouir ? En réalité, la question n’a guère de sens : comme l’écrivait déjà Henri-Irénée Marrou il y a près de soixante-dix ans, « l’histoire est inséparable de l’historien153 ».
- 154 N. Price, The Children…, p. 6. T. A. Shippey, Laughing Shall I Die…, p. 20-22, cherche lui aussi à (...)
- 155 N. Price, The Children…, p. 6.
- 156 Ibid., p. 39 et 54.
38Cette articulation du travail historique et des préoccupations contemporaines est singulièrement sensible chez Niel Price. Son livre – sans doute le plus important de ceux que j’ai passés en revue – est ambitieux, séduisant, intelligent, généreux… et parfois un peu agaçant. L’objectif annoncé est de raconter « de l’intérieur » l’histoire des Scandinaves de l’âge viking : alors que la plupart des ouvrages précédents (comme les sources) se sont intéressés à ce que les vikings faisaient (des expéditions, du commerce, des « prises de terre »…), il s’agit d’abord pour N. Price de se demander pourquoi ils faisaient ce qu’ils faisaient, « qui ils étaient vraiment, ce qui comptait pour eux [what made them tick], comment ils pensaient et sentaient154 » – d’où le titre a priori déroutant de son livre qui, par une référence au mythe d’origine norrois, évoque l’« être au monde » des Scandinaves des viiie-xie siècles. L’auteur affiche une saine volonté de « ne pas les regarder du mauvais côté de la lorgnette historique, en les définissant (et en les jugeant) à travers les seules conséquences de leurs actions plutôt que par les motivations de celles-ci155 ». Pourtant, il ne se prive pas de « juger » à son tour, et sur un ton parfois désobligeant, les spécialistes qui l’ont précédé, distribuant bons et mauvais points à l’aune de critères moraux plutôt qu’en raison de la solidité scientifique des propos loués ou incriminés. Je ne prendrai ici qu’un exemple, et pas des plus irritants : à deux reprises, des formules et des représentations certes vieillies – l’utilisation du mot « Valhalla » (au lieu de la forme norroise Valhǫll) et la prégnance du regard wagnérien sur les valkyries156 – sont (dis-)qualifiées de « victoriennes », repoussoir s’il en est, mais qui sied bien mal à des réalités en l’occurrence plus allemandes que britanniques… Il est dommage que ce livre plein de pépites, de fulgurances, de notations d’un grand intérêt, et qui propose une vision globale, originale et stimulante du « monde viking », prenne quelques libertés avec la neutralité axiologique.
- 157 Haraldur Hreinsson, Force of Words…, p. 61-66.
- 158 T. Cirotteau, J. Kerner, É. Pincas, Lady Sapiens. Enquête sur la femme au temps de la Préhistoire, (...)
- 159 A. Augereau et al., « Lady Sapiens : les femmes préhistoriques, d’un stéréotype à l’autre ? », S (...)
- 160 Titre de la traduction française de Jóhanna Katrín Friðriksdóttir, Valkyrie… ; on notera que ce ti (...)
39Ce principe, crucial pour qui veut doter l’écriture historique de fondements solides et la rendre crédible, ne saurait bien sûr interdire aux savants d’intervenir dans le champ public, ni même de le faire avec des positions tranchées. Mais le savoir, en amont des interventions, doit être produit avec le souci d’une telle impartialité : jamais complètement atteinte, elle est un idéal et un objectif vers lesquels on doit tendre en mettant en œuvre les méthodes du « métier d’historien ». La plupart des livres que j’ai ici recensés s’y tiennent, mais quelques glissements sont décelables. Par exemple, je ne suis guère convaincu par la grille d’analyse « impériale » et « postcoloniale » d’Haraldur Hreinsson, qui voit dans l’Église – s’affirmant en Islande à partir de l’an 1000 – le relais d’un « empire ecclésiastique romain » présentant les caractéristiques d’un empire colonial157. De tels placages s’observent aussi autour des questions de genre. On pense alors aux récentes mises en garde de préhistoriens à propos du livre et du documentaire Lady Sapiens158 : en proposant une « histoire féministe » qui renverse les stéréotypes de genre et offre à un public du xxie siècle des modèles d’identification (role models) de femmes fortes et douées d’agentivité (agency), Lady Sapiens aurait oublié la réalité au long cours qu’est la domination masculine159. Offrir de belles figures de « femmes puissantes », pour reprendre à nouveau le titre d’un des livres passés en revue160, a certes pour effet de redresser la balance d’une écriture historique qui a toujours fait la part belle aux hommes, mais il ne faudrait pas que ce rééquilibrage produise un portrait faussé de la condition féminine aux périodes anciennes. En l’occurrence, l’existence des « guerrières vikings » reste difficile à démontrer, l’interprétation des mentions textuelles et des données archéologiques qui iraient dans ce sens est complexe, et ce n’est sans doute pas en appliquant à l’âge viking des grilles élaborées à l’usage de notre modernité qu’on éclairera au mieux ce sujet. Nos préhistoriens rejoignent ici Leszek Gardeła qui, à propos de celles dont il retrace le rapport aux armes, écrit :
- 161 L. Gardeła, Women and Weapons…, p. 142.
Lorsque nous tentons de reconstituer la vie des femmes armées du passé, ne les réduisons pas à des « guerrières », des « sorcières » ou des « fils de substitution » ; au contraire, traitons-les comme des êtres humains complets, avec toutes leurs complexités et leurs contradictions161.
- 162 C. Abram, Evergreen Ash…, p. 19-22.
40Bien entendu, si la neutralité axiologique est nécessaire à la conduite de l’enquête historique et à la production des conclusions, cela ne veut pas dire que l’emploi des résultats ainsi obtenus doive être neutre : les usages sociaux et politiques de l’histoire n’ont rien d’illégitime. Ainsi Chris Abram, qui revendique dès l’introduction un positionnement militant, fermement engagé pour l’écologie et la décroissance, et présente son ouvrage comme un livre d’intervention « éco-critique162 », n’en propose pas moins un discours nuancé, reposant sur une analyse serrée des textes, et qui ne manquera pas de surprendre un lectorat qui pourrait être tenté de regarder toutes les sociétés « archaïques » – et, en l’occurrence, la culture islandaise médiévale, pendant et après l’âge viking – comme « plus proches de la nature » ou « plus écologiques » que notre modernité.
Notes
1 Ainsi, au printemps 2023, les deux expositions jumelles de Rouen (« Une saison avec les Normands », Musée des Beaux-Arts et Musée Beauvoisine) et Caen (« Des Vikings et des Normands », Musée de Normandie). Mentionnons aussi l’exposition de Londres en 2014 (« Vikings : Life and Legend », British Museum), celle de Nantes en 2018 (« Nous les appelons Vikings », Château des ducs de Bretagne) et celle de Mannheim en 2022 (« Die Normannen », Reiss-Engelhorn-Museen).
2 On renverra, pour une veille qui se veut exhaustive, au carnet en ligne Mondes nordiques et normands médiévaux du Craham (Université de Caen Normandie/CNRS) : [https://mnm.hypotheses.org]. Je renvoie en particulier au billet que j’y ai récemment publié : A. Gautier, « Quoi de neuf chez les vikings ? » [https://mnm.hypotheses.org/5581], dont le présent « Point de vue » constitue en quelque sorte une extension.
3 Par ex. L. Malbos, Les Ports des mers nordiques à l’époque viking (viie-xe siècle), Turnhout, 2017 ; S. Coviaux, La Fin du monde viking, Paris, 2019.
4 Par ex. A. Winroth, Au temps des Vikings, trad. fr. P. Pignarre, Paris, 2018 (trad. de The Age of the Vikings, Princeton, 2014) ; rééd. poche, 2020.
5 Par ex. B. Dumézil, S. Joye, C. Mériaux éd., Confrontation, échanges et connaissance de l’autre au nord et à l’est de l’Europe, de la fin du viie siècle au milieu du xie siècle, Rennes, 2017, auquel j’ai contribué pour deux chap. : « Le phénomène viking », p. 99-115, et « La diaspora viking », p. 347-364 ; je signalerai aussi la parution d’une version mise à jour du « Que sais-je ? » de P. Bauduin, Les Vikings, Paris, 2018.
6 Par ex. Revue d’histoire nordique, 23 (2016, paru en 2018), dossier « Confrontation, échanges et connaissance de l’autre au nord et à l’est de l’Europe, de la fin du viie siècle au milieu du xie siècle ».
7 Par ex. L’Histoire, n° 442 (décembre 2017) ; Dossiers d’archéologie, 391 (janvier-février 2019).
8 P. Bauduin, Histoire des vikings : des invasions à la diaspora, Paris, 2019.
9 A. Gautier, « Conseils de lecture à destination du public francophone », dans A. Winroth, Au temps des Vikings…, p. 287-294 (éd. de poche : p. 317-323).
10 M. Coumert, A. Gautier, T. Lienhard, C. Mériaux, « Confrontation, échanges et connaissance de l’autre au nord et à l’est de l’Europe, de la fin du viie siècle au milieu du xie siècle », Historiens et géographes, 439 (juillet-septembre 2017), p. 141-165.
11 Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public : [https://www.shmesp.fr/formations-carrieres/concours/].
12 Certains sont de première importance : sans viser à l’exhaustivité, je m’efforcerai d’en citer quelques-uns.
13 Par ex. M. Bertell, M. Frog, K. Willson éd., Contacts and Networks in the Baltic Sea Region : Austmarr as a Northern mare nostrum, ca. 500-1500 AD, Amsterdam, 2019 ; K. Wikström af Edholm, P. Jackson Rova, A. Nordberg, O. Sundqvist, T. Zachrisson éd., Myth, Materiality, and Lived Religion in Merovingian and Viking Scandinavia, Stockholm, 2019 ; P. Bauduin, S. Lebouteiller, L. Bourgeois éd., Les Transferts culturels dans les mondes normands médiévaux (viiie-xiie siècle) : objets, acteurs et passeurs, Turnhout, 2021.
14 Par ex. I. García Losquiño, O. Sundqvist, D. Taggart éd., Making the Profane Sacred in the Viking Age : Essays in Honour of Stefan Brink, Turnhout, 2020 ; S. H. Walther, R. Jucknies, J. Meurer-Bongardt, J. E. Schnall éd., Res Artes et Religio : Essays in Honour of Rudolf Simek, Leeds, 2021.
15 Par ex. J. Glauser, P. Hermann, S. A. Mitchell éd., Handbook of Pre-Modern Nordic Memory Studies : Interdisciplinary Approaches, Berlin/Boston, 2018 ; J. P. Schjødt, J. Lindow, A. Andrén éd., The Pre-Christian Religions of the North : History and Structures, 4 vol., Turnhout, 2020.
16 Par ex. M. Toplak, H. Østhus, R. Simek éd., Viking-Age Slavery, Vienne, 2021 ; R. North, E. Goeres, A. Finlay, Anglo-Danish Empire : A Companion to the Reign of King Cnut the Great, Berlin/Boston, 2022.
17 Par ex., pour se limiter au domaine francophone, La Saga des rois de Danemark : Knýtlinga saga, trad. fr. S. Lebouteiller, Toulouse, 2021 ; Saga d’Egil, trad. fr. T. H. Tulinius, Paris, 2021 (Lettres gothiques) ; Encomium Emmae reginae : Éloge de la reine Emma par un clerc de Flandre, éd. et trad. fr. F. Orange, Caen, 2022.
18 Par ex. G. Williams éd., A Riverine Site Near York : A Possible Viking Camp ?, Londres, 2020.
19 La plupart des expositions mentionnées dans la n. 1 ont été accompagnées d’un catalogue richement illustré, avec des contributions originales de chercheurs.
20 Par ex. celui-ci, paru aux éditions Atlande à l’occasion d’une question inscrite au programme du concours de l’École normale supérieure de Lyon : A. Lestremau, M.-L. Septsault, Vikings et Normands du milieu du ixe siècle à 1066, Paris, 2022.
21 Par ex. W. B. Bartlett, Vikings : A History of the Northmen, Stroud, 2019.
22 Par ex. J. Renaud, Les Vikings. Vérités et légendes, Paris, 2019 ; I. García Losquiño, Eso no estaba en mi libro de historia de los vikingos, Cordoue, 2020.
23 Par ex. G. Campbell, Norse America : The Story of a Founding Myth, Oxford, 2021.
24 Par ex. P. Hardwick, K. Lister éd., Vikings and the Vikings : Essays on Television’s History Channel Series, Jefferson (NC), 2019 (sur la série télévisée Vikings) ; T. Birkett, R. Dale éd., The Vikings Reimagined, Berlin/Boston, 2019. Cette catégorie comprend aussi nombre d’ouvrages grand public, dont certains sont de bonne tenue : par ex. L. Di Filippo éd., Vikings !, Bordeaux, 2022.
25 M. et H. Whittock, The Vikings : From Odin to Christ, Oxford, 2018.
26 Jóhanna Katrín Friðriksdóttir, Valkyrie : The Women of the Viking World, Londres, 2020. Le livre a été publié en français sous le titre Les Femmes vikings, des femmes puissantes, trad. fr. L. Cantagrel, Paris, 2020, puis réédité en poche sous le titre Valkyrie. Les femmes du monde viking, Paris, 2022.
27 C. Jarman, River Kings : A New History of the Vikings from Scandinavia to the Silk Roads, Londres, 2021.
28 L. Malbos, Le Monde viking. Portraits de femmes et d’hommes de l’ancienne Scandinavie, Paris, 2022.
29 C. Cooijmans, Monarchs and Hydrarchs : The Conceptual Development of Viking Activity across the Frankish Realm (c. 750-940), Abingdon/New York, Routledge, 2020.
30 D. M. Hadley, J. D. Richards, The Viking Great Army and the Making of England, Londres, 2021.
31 L. Malbos, Harald à la Dent bleue. Viking, roi, chrétien, Paris, 2022.
32 Haraldur Hreinsson, Force of Words : A Cultural History of Christianity and Politics in Medieval Iceland (11th-13th Centuries), Leyde/Boston, 2021.
33 A. Nedkvitne, Norse Greenland : Viking Peasants in the Arctic, Londres/New York, 2019.
34 M. Mägi, In Austrvegr : The Role of the Eastern Baltic in Viking Age Communication across the Baltic Sea, Leyde/Boston, 2018 ; l’autrice a publié une version condensée de sa thèse, d’abord en estonien, puis dans Ead., The Viking Eastern Baltic, trad. angl. P. Ruustal, Leeds, 2019.
35 C. Etchingham, Jón Viðar Sigurðsson, M. Ní Mhaonaigh, E. A. Rowe, Norse-Gaelic Contacts in a Viking World, Turnhout, 2019 (il ne s’agit pas d’un volume collectif au sens habituel du terme mais d’un livre écrit à huit mains par les quatre auteurs).
36 Sverrir Jakobsson, The Varangians : In God’s Holy Fire, Cham, 2020.
37 T. A. Shippey, Laughing Shall I Die : Lives and Deaths of the Great Vikings, Londres, 2018.
38 S. Olsson, The Hostages of the Northmen : From the Viking Age to the Middle Ages, Stockholm, 2019.
39 C. Abram, Evergreen Ash : Ecology and Catastrophe in Old Norse Myth and Literature, Charlottesville (VA), 2019.
40 M. R. D. Corsi, Urbanization in Viking Age and Medieval Denmark : From Landing Place to Town, Amsterdam, 2020.
41 Jón Viðar Sigurðsson, Scandinavia in the Age of the Vikings, trad. angl. T. Kveiland, Ithaca/Londres, 2021.
42 S. Brink, Thraldom : A History of Slavery in the Viking Age, Oxford, 2021.
43 L. Gardeła, Women and Weapons in the Viking World : Amazons of the North, Havertown (PA), 2021.
44 K. Heslop, Viking Mediologies : A New History of Skaldic Poetics, New York, 2022.
45 N. Price, The Children of Ash and Elm : A History of the Vikings, Londres, 2020 ; je cite ce livre d’après l’édition de poche parue la même année chez Penguin.
46 A. Winroth, Au temps des Vikings ; P. Bauduin, Histoire des vikings ; L. Musset, Les Invasions. Le second assaut contre l’Europe chrétienne (viie-xie siècles), Paris, 1965 (Nouvelle Clio) ; P. H. Sawyer, Kings and Vikings. Scandinavia and Europe, AD 700-1100, Londres/New York, 1982 ; E. Roesdahl, The Vikings, Londres, 1991.
47 N. Price, Les Enfants du frêne et de l’orme : une histoire des Vikings, trad. fr. C. Deniard, Paris, 2022.
48 Pour des précisions sur un usage du mot « vikings » conforme à cette définition, je me permets de renvoyer à A. Gautier, « Le phénomène viking », et à Id., « L’âge viking, viiie-xie siècle », dans F. Mazel éd., Nouvelle histoire du Moyen Âge, Paris, 2021, p. 199-213.
49 J. Jesch, The Viking Diaspora, Londres, 2015.
50 Par ex. Jóhanna Katrín Friðriksdóttir, Valkyrie…
51 Par ex. M. et H. Whittock, The Vikings…
52 N. Price, The Children…, p. 7-8.
53 Ibid., p. 304 et p. 361.
54 A. Gautier, « La voie du Nord. Les mondes nordiques comme terrain de rencontre et de circulation des idées religieuses dans les siècles centraux du Moyen Âge », dans Histoire monde, jeux d’échelles et espaces connectés, Paris, 2017 (Actes des Congrès de la SHMESP, 47), p. 81-93.
55 S. M. Sindbæk, « The Small World of the Vikings : Networks in Early Medieval Communication and Exchange », Norwegian Archaeological Review, 40 (2007), p. 59-74; Id., « Networks and Nodal Points : The Emergence of Towns in Early Viking Age Scandinavia », Antiquity, 81 (2007), p. 119-132; Id., A. Trakadas éd., The World in the Viking Age, Roskilde, 2014.
56 L. Malbos, Les Ports des mers nordiques…
57 M. R. D. Corsi, Urbanization…, p. 93-100.
58 C. Cooijmans, Monarchs and Hydrarchs…, passim, en particulier p. 32-35 et 212-214 ; N. Price, The Children…, chap. 10 : « Maritoria » (p. 286-307) et chap. 12 : « Hydrarchy » (p. 335-361).
59 M. et H. Whittock, The Vikings…, p. 49-52 et 61.
60 C. Etchingham et al., Norse-Gaelic Contacts…, p. 24-26 et passim.
61 N. Price, The Children…, p. 424.
62 N. Price, The Vikings in Brittany, Londres, 1989.
63 S. M. Lewis, Vikings in Aquitaine and Their Connections, Ninth to Early Eleventh Centuries, thèse inédite, Université de Caen Normandie, 2021, en particulier les chap. 13 et 14.
64 M. Mägi, In Austrvegr…, p. 132-138.
65 Sverrir Jakobsson, The Varangians…, p. 147-149.
66 N. Price, The Children…, p. 26-27.
67 C. Jarman, River Kings…
68 Pour faire écho au titre du livre de P. Bauduin, A. Musin éd., Vers l’Orient et vers l’Occident. Regards croisés sur les dynamiques et les transferts culturels des Vikings à la Rous ancienne, Caen, 2014.
69 Est-ce une mode ? On trouve également sous la plume de Neil Price des passages qui se veulent sans doute plus littéraires, comme si l’écriture d’imagination pouvait donner accès à une forme de « vérité chaude » que la froide analyse historienne ne saurait atteindre…
70 C. Jarman, River Kings…, p. 223-227.
71 Sur cette controverse et ses nombreux rebondissements, voir L. S. Klejn, « The Russian Controversy Over the Varangians », dans L. Bjerg, J. H. Lind, S. M. Sindbæk éd., From Goths to Varangians. Communication and Cultural Exchange between the Baltic and the Black Sea, Aarhus, 2013, p. 27-38 ; Id., « Normanism and Antinormanism in Russia : An Eyewitness Account », dans P. Bauduin, A. Musin éd., Vers l’Orient et vers l’Occident…, p. 407-415. Voir aussi diverses contributions de P. Bauduin et A. Musin au catalogue d’exposition du musée de Normandie (Caen), Russie viking, vers une autre Normandie ? Novgorod et la Russie du Nord, des migrations scandinaves à la fin du Moyen Âge (viiie-xve s.), Paris, 2011.
72 Ainsi Sverrir Jakobsson, The Varangians…, ne cesse de proposer des ponts entre vikings « de l’est » et de « l’ouest », par ex. à travers l’analyse des échos en Norvège et en Islande des expéditions orientales : voir en particulier p. 109-146. Quant à l’historien et archéologue russe Aleksandr Musin, on aura compris à travers les notes précédentes que ses travaux n’inscrivent pas les phénomènes étudiés dans les frontières du futur Empire russe.
73 U. Schmid, « Russian Perspectives », dans J. Glauser, P. Hermann, S. A. Mitchell éd., Handbook…, p. 927-932.
74 B. Davidovká, « Russian Perspectives : Viking », ibid., p. 933-940 ; sur le rapport à l’histoire dans le régime poutinien, voir N. Werth, Poutine historien en chef, Paris, 2022.
75 C. Jarman, River Kings…, p. 26-27.
76 S. Leslie et al., « The Fine-Scale Genetic Structure of the British Population », Nature, 519 (2015), p. 309-314.
77 J. Kershaw, E. C. Røyrvik, « The “People of the British Isles” Project and Viking Settlement in England », Antiquity, 90 (2016), p. 1670-1680.
78 De manière particulièrement saisissante dans le livre d’A. D’Haenens, Les Invasions normandes, une catastrophe ?, Paris, 1970, puis avec plus de nuances mais des conclusions comparables dans P. H. Sawyer, Kings and Vikings…, p. 93-94.
79 Sur les camps vikings d’Angleterre et d’ailleurs (Irlande, royaume franc…), voir aussi C. Cooijmans, « Down by the River : Exploring the Logistics of Viking Encampment across Atlantic Europe », Viking, 84 (2021), p. 127-142.
80 D. M. Hadley, J. D. Richards, The Viking Great Army…, p. 58-59.
81 Voir aussi D. M. Hadley, J. D. Richards, « The Winter Camp of the Viking Great Army, AD 872-3, Torksey, Lincolnshire », The Antiquaries Journal, 96 (2016), p. 23-67.
82 G. Williams, A Riverine Site…
83 D. M. Hadley, J. D. Richards, The Viking Great Army…, p. 110.
84 Ibid., p. 59.
85 L’expression « prise de terre », qui traduit littéralement le terme norrois landnám, est désormais préférée, dans l’historiographie francophone, au terme « colonisation » : voir P. Bauduin, « Des vikings aux Normands », dans Le migrazioni nell’alto medioevo, Spolète, 2019 (Settimane di Studio del CISAM, 66), p. 273-304. Le mot colonization reste en revanche très employé dans l’historiographie anglophone : ainsi dans la lecture « postcoloniale » de Haraldur Hreinsson, Force of Words…
86 Les premiers chapitres de G. Campbell, Norse America…, font très bien le point sur la question de la présence scandinave en Amérique du Nord autour de l’an 1000. Celle-ci a récemment été datée avec précision par une combinaison innovante de dendrochronologie et de carbone 14 : M. Kuitems et al., « Evidence for European Presence in the Americas in AD 1021 », Nature, 601 (2022), p. 388-391.
87 On me permettra de ne pas considérer comme sérieux le livre de J. Supéry, La Saga des Vikings. Une autre histoire des invasions, Paris, 2018 ; j’ai déjà exposé mes critiques dans A. Gautier, « Une principauté viking en Gascogne ? À propos d’une imposture », Annales de Normandie, 68 (2018), p. 175-185, et je ne juge pas nécessaire d’y revenir.
88 A. Christys, Vikings in the South : Voyages to Iberia and the Mediterranean, Londres, 2015.
89 M. J. Barroca, A. Coelho Ferreira da Silva éd., Mil anos da incursão normanda ao castelo de Vermoim, Porto, 2019.
90 I. García Losquiño et al. éd., Making the Profane Sacred…; Ead., The Early Runic Inscriptions : their Western Features, Francfort, 2015.
91 I. García Losquiño, Eso no estaba…, chap. 2 ; Ead., « Les vikingos en la península ibérica : nuevas perspectivas sobre piratas y mercenarios en la segunda mitad del siglo X », dans M. J. Barroca, A. Coelho Ferreira da Silva éd., Mil anos da incursão…, p. 39-52.
92 Par ex. H. Pires, « Vikings Attacks on Western Iberia : An Overview », Viking and Medieval Scandinavia, 9 (2013), p. 155-172.
93 H. Pires, Os Vikings em Portugal e na Galiza : As incursões nórdicas medievais no Ocidente ibérico, Sintra, 2017.
94 Le même constat pourrait être fait à propos des travaux d’historiens italiens : l’excellent livre de F. D’Angelo, Il primo re crociato : La spedizione di Sigurd in Terrasanta, Rome, 2021, n’a eu que peu d’échos dans l’anglosphère scientifique.
95 Je renvoie à l’amorce de synthèse de F. D’Angelo, « Da vichinghi a crociati. Gli scandinavi nel Mediterraneo (ix-xii sec.) », RiMe : Rivista dell’Istituto di Storia dell’Europa Mediterranea, nov. ser., 6 (2020), p. 55-78.
96 N. Price, The Children…, p. 373-377, et l’essai bibliographique p. 556.
97 L. Malbos, Le Monde viking…
98 Voir par ex. J. Jesch, Women in the Viking Age, Woodbridge, 1991 ; J. Jochens, Women in Old Norse Society, Ithaca, 1995.
99 C. Hedenstierna-Jonson et al., « A Female Viking Warrior Confirmed by Genomics », American Journal of Physical Anthropology, 8 septembre 2017 [DOI: 10.1002/ajpa.23308].
100 N. Price, The Children…, p. 126-130.
101 Voir, entre autres, les fortes nuances et mises en garde apportées dans son blog par J. Jesch, « Let’s Debate Female Viking Warriors Yet Again », Norse and Viking Ramblings, 9 septembre 2017 [https://norseandviking.blogspot.com/2017/09/lets-debate-female-viking-warriors-yet.html], ou la position prudente de S. McLeod, « Shieldmaidens in Anglo-Saxon England : Historical Possibility or Wishful Thinking? », dans P. Hardwick, K. Lister éd., Vikings and the Vikings…, p. 77-92.
102 F. Androshchuk, « Female Viking Revisited », Viking and Medieval Scandinavia, 18 (2018), p. 47-60. On aurait aimé, par exemple, que N. Price résume, à destination du public plus large de son livre, les arguments développés dans N. Price et al., « Viking Warrior Women ? Reassessing Birka Chamber Grave Bj.581 », Antiquity, 93 (2019), p. 181-198.
103 Jóhanna Katrín Friðriksdóttir, Valkyrie…, p. 59-60.
104 N. Price, The Children…, chap. 5 : « Border Crossings », en particulier p. 168.
105 N. Price, The Viking Way : Magic and Mind in Late Iron Age Scandinavia, Uppsala, 2002; 2e éd. révisée, Oxford/Philadelphie, 2019.
106 On ne redira jamais assez que la quasi-totalité des mythes scandinaves ont été transmis par des auteurs chrétiens, et en particulier par Snorri Sturluson qui, dans son Edda en prose, n’offre pas un reflet fidèle des mythes de l’époque païenne mais un tableau daté de la période de « renaissance des mythes » dans l’Islande du xiiie siècle : voir par ex. C. Abram, Myths of the Pagan North : The Gods of the Norsemen, Londres/New York, 2011. Comme le note à raison N. Price, The Children…, p. 449, le fait même que les noms d’Askr et Embla commencent par les lettres A et E doit susciter notre méfiance : n’y a-t-il pas là un écho d’Adam et Ève ?
107 N. Price, The Children…, p. 1-2.
108 Ibid., p. 449.
109 Ibid., p. 166.
110 Ibid., p. 170-171. Sur le nið, on renverra à l’étude déjà ancienne de P. Meulengracht Sørensen, The Unmanly Man : Concepts of Sexual Defamation in Early Northern Society, trad. angl. J. Turville-Petre, Odense, 1983.
111 C. Jaarman, River Kings…, p. 143.
112 L. Malbos, Le Monde viking…, p. 133.
113 Ibid., p. 163-165.
114 Ibid., p. 166.
115 Ibid., p. 171.
116 L. Gardeła, Women and Weapons…
117 J. Jesch, « Women, War and Words : A Verbal Archaeology of Shield-maidens », Viking, 84 (2021), p. 127-142.
118 Sur la représentation des femmes dans les « séries vikings », voir S. McLeod, « Shieldmaidens… », et R. Facchini, D. Iacono, « “The North is hard and cold and has no mercy”. Le Nord médiéval dans les séries télévisées », Médiévales, 78 (2020), p. 43-56. Voir aussi S. Anthore, « Le mythe de la Skjaldmö : de la figure des sagas islandaises à celle de l’empowerment féminin », ¿Interrogations?, revue pluridisciplinaire de sciences humaines et sociales, 36 (2023), [http://www.revue-interrogations.org/Le-mythe-de-la-Skjaldmo-de-la].
119 S. Olsson, Hostages…, p. 125-130.
120 S. Brink, Thraldom…, chap. 8 : « Terms for Thralls and Their Meanings ».
121 C. Jarman, River Kings…, p. 137-138.
122 Jóhanna Katrín Friðriksdóttir, Valkyrie…, p. 96-97, citant en particulier Agnar Helgason et al., « mtDNA and the Origin of the Icelanders : Deciphering Signals of Recent Population History », American Journal of Human Genetics, 66 (2000), p. 999-1016.
123 C. Etchingham et al., Norse-Gaelic Contacts…, p. 272-319.
124 Ibid., p. 319-325.
125 C. Jarman, River Kings…, p. 52.
126 Ibid., p. 126-129.
127 Sur cette notion, voir par ex. S. Donecker, « The Vagina nationum in the Sixteenth and Seventeenth Centuries : Envisioning the North as a Repository of Migrating Barbarians », dans D. Jørgensen, V. Langum éd., Visions of North in Premodern Europe, Turnhout, 2018, p. 307-328.
128 L. Malbos, Le Monde viking…, p. 56.
129 C. Jarman, River Kings…, p. 130;
130 Jóhanna Katrín Friðriksdóttir, Valkyrie…, p. 188-190 ; L. Malbos, Le Monde viking…, p. 52-72.
131 Dans un article paru il y a plus de dix ans, S. McLeod, « Warriors and Women : The Sex Ratio of Norse Migrants to Eastern England up to 900 », Early Medieval Europe, 19 (2011), p. 332-353, admettait que, reposant sur l’analyse de l’ADN de seulement treize individus, ses analyses étaient encore très provisoires. Même si les chiffres sont désormais plus importants, la même prudence s’impose.
132 N. Price, The Children…, chap. 2: « Age of Winds, Age of Wolves ».
133 Du norrois fimbulvetr : « puissant hiver » ou « terrible hiver ».
134 On a là un parallélisme frappant avec un livre paru à peu près au même moment : K. Harper, The Fate of Rome : Climate, Disease, and the End of an Empire, Princeton, 2019. Celui-ci a lui aussi été très vite traduit en français : Comment l’Empire romain s’est effondré : le climat, les maladies et la chute de Rome, trad. fr. P. Pignarre et B. Rossignol, Paris, 2019.
135 P. Holmberg, B. Gräslund, O. Sundqvist, H. Williams, « The Rök Runestone and the End of the World », Futhark : International Journal of Runic Studies, 9-10 (2018-2019), p. 7-38.
136 E. Wessén, Runstenen vid Röks kyrka, Stockholm, 1958.
137 Cité par N. Price, The Children…, p. 78.
138 P. Holmberg et al., « The Rök Runestone… », p. 16.
139 K. Heslop, Viking Mediologies…, p. 72-77.
140 J.-P. Devroey, La Nature et le roi. Environnement, pouvoir et société à l’âge de Charlemagne (740-820), Paris, 2019.
141 A. Nedkvitne, Norse Greenland…
142 J. M. Diamond, Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, trad. fr. A. Botz, J.-L. Fidel, Paris, 2006 (trad. de Collapse : How Societies Chose to Fail or Succeed, New York, 2005).
143 A. Nedkvitne, Norse Greenland…, p. 300-301.
144 Ibid., p. 348-349.
145 Ibid., p. 369-370.
146 C. Abram, Evergreen Ash…
147 P. Descola, Par-delà nature et culture, Paris, 2002 ; rééd. poche, 2015.
148 C. Abram, Evergreen Ash…, p. 81-83.
149 Ibid., p. 83. Voir L. T. White Jr, « The Historical Roots of Our Ecologic Crisis », Science, 155 (1967), p. 1203-1207 ; l’article est présenté et commenté par D. Bourg dans L. T. White Jr, Les Racines historiques de notre crise écologique, trad. fr. J. Grinevald, Paris, 2019.
150 C. Abram, Evergreen Ash…, p. 29.
151 Ibid., p. 83.
152 P. Descola, Par-delà nature et culture, éd. de poche, p. 351-353.
153 Cette formule est le titre du chap. 2 de H.-I. Marrou, De la connaissance historique, Paris, 1954 ; rééd. poche, 1976, p. 46.
154 N. Price, The Children…, p. 6. T. A. Shippey, Laughing Shall I Die…, p. 20-22, cherche lui aussi à approcher la « tournure d’esprit » (mindset) des vikings, mais il le fait de manière plus traditionnelle, à travers l’analyse de l’éthique guerrière des sagas et des poèmes eddiques et scaldiques.
155 N. Price, The Children…, p. 6.
156 Ibid., p. 39 et 54.
157 Haraldur Hreinsson, Force of Words…, p. 61-66.
158 T. Cirotteau, J. Kerner, É. Pincas, Lady Sapiens. Enquête sur la femme au temps de la Préhistoire, Paris, 2021 ; un documentaire du même titre a été diffusé sur Arte en 2021.
159 A. Augereau et al., « Lady Sapiens : les femmes préhistoriques, d’un stéréotype à l’autre ? », Sciences2 (blog de S. Huet abrité par le site du journal Le Monde), 11 octobre 2021, [https://www.lemonde.fr/blog/huet/2021/10/11/lady-sapiens-stereotype-feminin-prehistorique-conteste/] ; A. Augereau, C. Darmangeat, « Le genre préhistorique : un récit instrumentalisé », La Vie des idées, 4 octobre 2022, [https://laviedesidees.fr/Le-genre-prehistorique-un-recit-instrumentalise].
160 Titre de la traduction française de Jóhanna Katrín Friðriksdóttir, Valkyrie… ; on notera que ce titre problématique n’a pas été repris par l’édition de poche (voir n. 24).
161 L. Gardeła, Women and Weapons…, p. 142.
162 C. Abram, Evergreen Ash…, p. 19-22.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Alban Gautier, « Globalisation, migrations, genre, climat : des questions de l’âge viking ? », Médiévales, 84 | 2023, 191-204.
Référence électronique
Alban Gautier, « Globalisation, migrations, genre, climat : des questions de l’âge viking ? », Médiévales [En ligne], 84 | printemps 2023, mis en ligne le 02 janvier 2025, consulté le 13 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/medievales/12515 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/medievales.12515
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