Guerre et genèse des frontières ouest-saxonnes du vie siècle d’après la Chronique anglo-saxonne (ixe siècle)
Résumés
Cet article étudie la construction des différentes frontières du royaume ouest-saxon (Angleterre méridionale), telles qu’elles sont représentées au ixe siècle dans la Chronique anglo-saxonne. Il montre comment les batailles et autres engagements militaires que la Chronique situe dans le passé pré-viking du royaume, en particulier au cours du vie siècle, peuvent être considérés dans le cadre des intérêts territoriaux du Wessex tel qu’il existait à la fin du ixe siècle. L’article discute la signification géographique de quatre phases de conquête ouest-saxonne rapportées par la Chronique et montre comment leur récit contribue au sentiment d’intégrité des frontières du royaume ouest-saxon et à la légitimation de la dynastie ouest-saxonne sous le règne d’Alfred.
Plan
Texte intégral
Je remercie grandement Victor Barabino et Alban Gautier d’avoir corrigé mes nombreuses erreurs grammaticales et pour leurs suggestions utiles.
- 1 Voir S. Keynes, « Alfred the Great and the Kingdom of the Anglo-Saxons », dans N. G. Discenza, P. (...)
- 2 La Chronique anglo-saxonne, compilée vers 890-892 dans le « Tronc commun » (Common Stock), augment (...)
- 3 M. Strickland, « “Undying Glory by the Sword’s Edge”. Writing and Remembering Battle in Anglo-Saxo (...)
1Les récits de la Chronique anglo-saxonne pouvant raconter avec une certaine précision les batailles et les actes de différents « guerriers du Nord », Ouest-Saxons, vikings ou Bretons insulaires, il est possible de s’appuyer sur eux pour étudier la question du contrôle des frontières dans le sud de l’Angleterre. Nous nous concentrerons sur la fin du ixe siècle, la mise par écrit de la Chronique anglo-saxonne à la cour de Wessex s’inscrivant alors dans un contexte de renforcement du royaume ouest-saxon au sein d’un royaume élargi « des Anglo-Saxons »1. De la fin du ve jusqu’au viie siècle, les entrées de la Chronique relatent une série de rencontres militaires qui fondent l’autorité politique des vainqueurs sur cet espace2. Comme Matthew Strickland l’a récemment observé, « comme pour le Kent, la formation du Wessex est signalée par une série d’engagements militaires par lesquels les Bretons sont lentement mais inexorablement conquis3 ».
- 4 S. T. Smith, Land and Book. Literature and Land Tenure in Anglo-Saxon England, Toronto, 2012, p. 1 (...)
- 5 S. T. Smith, Land and Book…, p. 155-158, discute la géographie des clauses de délimitation dans le (...)
- 6 S. Foot, « Where English Becomes British : Rethinking Contexts for Brunanburh », dans A. Wareham, (...)
- 7 ASC ABCD 912-920, 937, 942.
2Un lien comparable entre conquête et espace a été observé par Scott Thompson Smith, également dans la Chronique anglo-saxonne, pour le royaume anglais du xe siècle4. Pour lui, la manière dont la Chronique décrit les limites du nouveau royaume évoque la façon de délimiter un territoire dans les chartes anglo-saxonnes5. L’analogie certes n’est pas parfaite : même si nous ne pouvons souvent pas connaître avec exactitude l’emplacement des limites mentionnées dans les chartes, il est certain que celles-ci sont toujours beaucoup plus précises que les localisations signalées dans la Chronique. Il reste que certaines frontières du royaume sont bien évoquées dans la Chronique – notamment en 937 dans le récit de la bataille de Brunanburh (peut-être dans le nord-ouest, la localisation reste incertaine)6, et en 942 dans la description de la reprise des « Cinq burhs » de Leicester, Lincoln, Nottingham, Stamford et Derby, où apparaît le Dore, petit cours d’eau du sud de la Northumbrie. D’autres lieux sont également nommés dans les « Annales édouardiennes » de la Chronique (entrées correspondant au règne d’Édouard l’Ancien, 899-924), en particulier les nouveaux burhs fondés lors de la « reconquête » du territoire danois au début du xe siècle7.
- 8 S. Irvine, « The Anglo-Saxon Chronicle »…, p. 344-352 ; B. Yorke, « The Representation of Early We (...)
3Cette manière de décrire le territoire – celui d’un royaume des Ouest-Saxons élargi – apparaît déjà dans le « Tronc commun » (Common Stock), c’est-à-dire dans la « version originale » de la Chronique composée vers 890-892, peut-être à la cour du roi Alfred le Grand de Wessex. Cette version de l’histoire ouest-saxonne, et plus largement de l’histoire anglaise jusqu’aux années 890, a été composée en tenant compte des intérêts du roi, à partir d’annales antérieures aujourd’hui perdues8. En examinant la compilation des récits de bataille dans la Chronique anglo-saxonne, je voudrais examiner ici, comme S. T. Smith l’a fait pour le xe siècle, la question de la création des frontières, dans le contexte particulier où elles englobent certains territoires contestés à la fin du ixe siècle, notamment ceux qui étaient disputés entre les Ouest-Saxons et certains de leurs voisins : les Bretons de Cornouailles, les Angles de Mercie et, bien sûr, depuis la fin du viiie siècle, les vikings venus de Scandinavie.
4À la fin du ixe siècle, la mise par écrit d’annales concernant les siècles antérieurs apparaît comme un processus de sélection de certains moments, souvent des épisodes militaires où la commémoration de la mémoire des guerriers est centrale, au même titre que celle des souverains. L’importance de ces récits soulignant des moments de tension aux frontières (c’est-à-dire aux limites de l’autorité royale) pourrait être liée au poids accordé par les combattants ouest-saxons aux actions menées contre des ennemis, et cela qu’elles aient lieu sur leur propre territoire ou au-delà des frontières, en territoire adverse.
- 9 W. G. Hoskins, The Westward Expansion of Wessex, Leicester, 1960.
5Dans le présent article, je vais donc m’intéresser aux actes guerriers et à la manière dont ils ont été représentés et interprétés au ixe siècle, en soulignant l’effet sur la représentation des frontières elles-mêmes. Je commencerai par la description de l’année 802, qui présente des enjeux importants pour la frontière nord-ouest et pour la définition même du royaume de Wessex. Par la suite, je discuterai des points de repère aux frontières et des guerriers mentionnés dans les entrées de la Chronique concernant le vie siècle. Enfin, je conclurai avec des observations très brèves sur les conséquences de la Westward Expansion of Wessex (une expression de W. G. Hoskins) aux viie et viiie siècles9, dans le contexte de la construction de frontières face aux vikings.
L’année 802 et le Nord-Ouest du Wessex
- 10 À propos de ses possibles liens avec la dynastie du Kent, voir A. Scharer, « The Writing of Histor (...)
6La mention d’une bataille peut servir de point de départ à notre étude. D’un point de vue rétrospectif, il s’agit là d’un moment quasi carolingien : celui de l’avènement de la nouvelle dynastie des Ecgberhtingas, la famille d’Alfred le Grand. Même si le roi Ecgberht était lui-même membre de la maison royale de Wessex, il était issu d’une branche cadette de la dynastie. L’accent mis dans la Chronique sur la légitimité des descendants d’Ecgberht est notable dans les entrées du ixe siècle10. Dans l’entrée pour l’année 802, c’est « le même jour » que se manifeste le lien entre la guerre, le devoir des guerriers et la légitimation des nouveaux dirigeants du Wessex :
- 11 ASC ABCDE 802: « Her Beorhtric cyning forferde and Worr aldormon. *⁊ Ecgbryht feng to Wesseaxna ri (...)
Cette année-là, le roi Beorhtric et l’ealdorman Worr moururent, et Ecgberht succéda au royaume des Ouest-Saxons. Le même jour, l’ealdorman Æthelmund partit de la province des Hwicce et chevaucha vers Kempsford. Et l’ealdorman Wohstan, avec les gens du Wiltshire, vint à sa rencontre et une grande bataille [micel gefeoht] eut lieu, et tous les deux furent tués et les gens du Wiltshire obtinrent la victoire11.
- 12 Voir B. Yorke, Wessex in the Early Middle Ages, Londres, 1995, p. 96-101.
- 13 Voir également ASC A 884 : « micel gefeoht ». Cette entrée mentionne deux batailles en Europe cont (...)
7Il y a dans cette entrée pour 802 quelques détails intéressants et révélateurs. La défense du royaume au nom d’un roi et avec l’aide d’un ealdorman (à l’époque, une sorte de gouverneur régional12) semble indiquer que la garde des frontières du Wessex échoit légitimement au nouveau souverain. Il est certes possible que l’action de l’ealdorman ait été, à ce moment-là, indépendante de celle du roi mais, dans le contexte de la montée en puissance des Ecgberhtingas, selon la Chronique, l’ealdorman est bien mort pour son roi. L’expression « grande bataille » (micel gefeoht) est révélatrice de l’autorité de l’ealdorman comme chef militaire capable de rassembler les guerriers et d’assurer la légitimité du pouvoir militaire13.
- 14 R. H. C. Davis, « Alfred the Great : Propaganda and Truth », History, 56 (1971) p. 169-182 (p. 171 (...)
- 15 Le chroniqueur Æthelweard (fin xe s., mais utilisant une version de la Chronique anglo-saxonne) aj (...)
8Cette situation contraste avec le récit de l’attaque menée par l’ealdorman des Hwicce, dans lequel le royaume de Mercie n’est pas mentionné, comme s’il avait agi indépendamment du grand adversaire du Wessex. Dans la description de ses actes, le terme vieil anglais ridan est très frappant. Le verbe, qui signifie littéralement « monter à cheval, chevaucher », peut indiquer une conquête de territoire comme en 878, quand les vikings envahissent Chippenham (Wiltshire) juste après l’Épiphanie afin de prendre le pouvoir dans le Wessex14. Dans ce cadre, on aurait donc affaire à une sorte de parallèle entre les vikings et les Hwicce : les deux groupes pénètrent le territoire ouest-saxon de façon indépendante mais similaire15.
Fig. 1. La Tamise et la frontière nord-ouest du Wessex

Données cartographiques : European Union Digital Elevation Model (EU-DEM), Service Copernicus de surveillance des terres de l’Agence européenne pour l’environnement [https://land.copernicus.eu/fr]. Données fluviales : Ordnance Survey.
- 16 ASC ABCDE 899/900.
- 17 Voir aussi la description d’une bataille (unique dans la version en vieil anglais des Histoires d’ (...)
9Mais le verbe vieil anglais ici utilisé est plus précisément ridan ofer, littéralement « chevaucher par-dessus », expression qui a une connotation propre aux guerriers à cheval. Elle signifie de toute évidence que ces derniers ont franchi la haute Tamise par le « Gué de Cynemær » (Cynemæres Forda, aujourd’hui à Kempsford, Gloucestershire), nommé d’après un individu dont le nom contient l’élément Cyne-, présent dans les noms de membres d’une lignée de la famille royale ouest-saxonne. Il s’agit donc bien d’une invasion (Fig. 1). Ajoutons une autre remarque sur la localisation : à la fin du ixe ou au début du xe siècle, quand l’ætheling (c’est-à-dire le prince) Æthelwold traverse la Tamise dans sa rébellion contre son cousin le roi Édouard l’Ancien, il est probablement freiné par la forteresse (burh) de Cricklade, mais l’idée d’une pénétration en territoire ouest-saxon reste primordiale16. Traverser la Tamise, c’est donc bien traverser la frontière du royaume17.
- 18 Voir A. Reynolds, « A Possible Anglo-Saxon Execution Cemetery at Werg, Mildenhall (Cvnetio), Wilts (...)
- 19 Bède, Historia ecclesiastica gentis Anglorum [désormais HE], II, 1-2 (éd. B. Colgrave, R. A. B. My (...)
- 20 B. Eagles, From Roman Civitas to Anglo-Saxon Shire. Topographical Studies on the Formation of Wess (...)
10Bien que contestée entre les Ouest-Saxons et les Merciens entre le viiie et le ixe siècle18, la plus ancienne frontière identifiable du Wessex est celle qui sépare les premiers des Hwicce. Bède le Vénérable parlait déjà d’un « Chêne d’Augustin » situé « aux confins des Hwicce et des Ouest-Saxons19 », lieu d’une entrevue entre Augustin, nouvel évêque de Cantorbéry, et des religieux bretons, à une date située entre la mort du pape Grégoire le Grand en 604 (que Bède date de 605) et les environs de 613. C’est un moment historique pour la légitimité d’Augustin et pour celle du roi de Kent, dont l’autorité sur les Ouest-Saxons est démontrée par la présence d’Augustin dans leur territoire. Nous ne savons pas exactement où se trouvait le « Chêne d’Augustin » mais l’archéologue Bruce Eagles, se fondant sur la culture matérielle des vie-viie siècles et sur la toponymie, a suggéré Kemble (Wiltshire), tout près de Kempsford et Cricklade, comme localisation plausible20. En revanche, ce « Chêne d’Augustin » n’est pas mentionné dans la Chronique anglo-saxonne. La raison en est sans doute que, même si l’on peut trouver dans la Chronique une reconnaissance de la supériorité du roi de Kent au viie siècle – Æthelberht est désigné dans l’entrée pour 829 comme bretwalda ou brytenwalda (c’est-à-dire « souverain d’un territoire vaste ») – la Chronique cherche à affirmer l’émergence d’un royaume ouest-saxon dès le vie siècle. Ainsi, il semble probable qu’une reprise de l’épisode du « Chêne d’Augustin », avec ses implications pour les frontières, aurait compliqué le récit de l’expansion ouest-saxonne.
La représentation des rencontres militaires du vie siècle et l’encadrement du territoire ouest-saxon
- 21 ASC ABCE 596.
- 22 ASC ABCE 603 ; Bède, HE, I, 34.
11D’une certaine façon, si nous suivons la Chronique anglo-saxonne, une partie des frontières du royaume ouest-saxon aurait déjà été en place vers la fin du vie siècle. On aurait ainsi une rupture dans la représentation du Wessex entre la période païenne et la période chrétienne, que l’on peut faire débuter avec l’arrivée d’Augustin en 597 (ou 596, dans la chronologie de la Chronique)21. Dans sa représentation du vie siècle, généralement assez sobre, la Chronique se concentre sur les campagnes militaires localisées dans le Wessex. Après la fin du vie siècle, adaptant à sa manière le récit de Bède, la Chronique prête attention aux autres royaumes anglo-saxons, surtout à travers des épisodes militaires comme la bataille de Degsastan au nord de la Northumbrie en 60322. Dans ces conditions, un épisode de discussions sous les branches d’un chêne, quelle que soit son importance dans l’histoire du christianisme anglais, ne correspondait pas aux objectifs de l’historiographie ouest-saxonne, focalisée avant tout sur les rencontres militaires. Les frontières discutées ci-dessous correspondent donc aux batailles enregistrées dans la Chronique pour le vie siècle. Si les entrées concernées ne décrivent pas les localisations avec précision, comme le feraient les clauses de délimitation d’une charte (Fig. 2), la géographie enregistrée dans les annales relatives à l’époque païenne mérite néanmoins une grande attention. Elle nous donne un aperçu de la manière dont, au ixe siècle, on envisageait l’histoire préchrétienne du Wessex.
Fig. 2. Rencontres militaires mentionnées dans la Chronique anglo-saxonne entre 495 et 592

Données cartographiques : European Union Digital Elevation Model (EU-DEM), Service Copernicus de surveillance des terres de l’Agence européenne pour l’environnement [https://land.copernicus.eu/fr]. Données fluviales : Ordnance Survey.
- 23 B. Yorke, « Fact or fiction ? The Written Evidence for the Fifth and Sixth Centuries AD », Anglo-S (...)
- 24 Voir P. Sims-Williams, « The Settlement of England in Bede and the Chronicle », Anglo-Saxon Englan (...)
- 25 B. Yorke, « The Jutes of Hampshire and Wight and the Origins of Wessex », dans S. Bassett éd., The (...)
12La construction de la Chronique pour les ve et vie siècles a été interprétée, surtout par Barbara Yorke, mais également récemment par Courtnay Konshuh, comme un processus de légitimation de la dynastie d’Alfred23. Les annales ne sont donc guère un exercice de construction d’un récit vrai des évènements de ces deux siècles. Certaines entrées, commençant avec l’année 495, suivent un comput fondé sur un cycle dit « métonique » de dix-neuf ans, ce qui fait de la chronologie de la Chronique une vaste fiction24. À ce sujet, Barbara Yorke a bien parlé de l’improbabilité que les lecteurs (ou les auditeurs) de la Chronique aient pu croire à la véracité du récit de la fondation de Portsmouth en 501 par un homme du nom de Port25 !
- 26 Voir par exemple G. J. Copley, The Conquest of Wessex in the Sixth Century, Londres, 1954.
13L’utilisation de la Chronique comme témoignage fidèle de cette époque, méthode employée jusque dans les années 197026, est désormais considérée comme très problématique : on ne peut plus prétendre reconstituer les campagnes militaires du vie siècle à l’aide de la Chronique. Toutefois, la localisation des batailles et les actions militaires elles-mêmes ont une certaine importance. Mis à part les problèmes de datation et certains faits curieux dans les intervalles entre les dates, les batailles mentionnées dans les annales du vie siècle sont liées aux frontières du royaume ouest-saxon telles qu’elles étaient perçues au ixe siècle. Bien entendu, les localisations ont pu correspondre à la réalité des lieux : ce ne serait d’ailleurs pas surprenant dans la mesure où cela refléterait les intérêts stratégiques réels du royaume au cours du vie siècle. Cependant, l’auteur de la Chronique semble souvent avoir choisi les toponymes parce qu’ils correspondaient aux localisations traditionnelles de certaines batailles. C’est donc, dans l’intérêt de la construction du royaume du Wessex, le choix de lieux qui définissent les limites du royaume qui semble être ici la priorité.
- 27 Fethanleag est un nom de lieu attesté au xiie s. à Stoke Lyne (Oxfordshire) : The Anglo-Saxon Chro (...)
- 28 Voir Yorke, « The Jutes of Hampshire and Wight… », p. 85 et 91.
14Certaines formules sont à ce sujet très intéressantes : « þa stowe ðe is gecweden… » (« le lieu qu’on appelle… »), « in þaere stowe ðe is genenmed… » (« au lieu qu’on nomme… ») Cerdicesora (495 et 514), Charford (519), Cerdicesleag (527), Salisbury (552) ou Fethanleag (584). De même, selon la Chronique, le roi breton Natanleod, tué au combat en 508, aurait donné son nom au toponyme Netley (Hampshire). Ainsi, les lieux sont définis par un acte de nomination, ce qui donne un sens à la mémoire des événements associés au toponyme ainsi qu’à l’histoire de certains individus, comme Cerdic dans Cedicesora, Charford (Cerdices forda), Cerdicesleag (tous des lieux stratégiques), ou de certains groupes oubliés depuis longtemps, voire légendaires, comme dans le cas de Fethan, du vieil anglais feða (bande armée)27. Dans le cas de Netley et de son étymologie légendaire, une clairière (lēah : le mot peut aussi signifier un bois, selon le contexte) humide (næt) est devenue un roi (leod) qui s’appelait Natan28.
15Même si certaines localisations exactes avaient peut-être été oubliées au ixe siècle, l’impression qu’un territoire se déploie sur une grande échelle est évidemment essentielle. Certains noms aux origines assez banales ont été militarisés : la prise du territoire est donc bien un acte qui devait être renforcé par la mémoire collective. Dans un milieu culturel où le verbe devenait plus important que les monuments, les toponymes inscrits par l’écriture à la suite des actes violents de certains personnages historiques pouvaient conférer une certaine légitimité à la définition des frontières d’un territoire.
- 29 Bède, HE, II, 9.
- 30 ASC CDE 1006 ; P. H. Sawyer, Anglo-Saxon Charters. An Annotated List and Bibliography, Londres, 19 (...)
- 31 Pour une étude de ce phénomène sur la longue durée, voir R. Bradley, Altering the Earth. The Origi (...)
16Aux vie-viie siècles, les monuments funéraires pouvaient avoir une importance dans la domination des territoires, du fait des mémoires collectives qui leur étaient associées. Dans un espace régulièrement parcouru par les élites ouest-saxonnes, où s’inscrivaient leurs statuts, leurs mémoires et leurs réseaux, des actes de violence ont pu créer des liens entre les contemporains et leurs ancêtres, c’est-à-dire avec l’origine de leur droit à régner. Le phénomène dépasse d’ailleurs le ixe siècle et les annales des vie et viie siècles. Par exemple, Cwicelmeshlæw, le « tumulus (hlæw) de Cwicelm », nommé d’après un roi de Wessex du viie siècle – ce même souverain qui, selon Bède, avait commandité une tentative de meurtre contre Edwin de Northumbrie29 –, est évoqué dans une charte de la fin du xe siècle et dans l’entrée de la Chronique pour 1006 comme un lieu revendiqué par une bande de vikings30. Même si les tumuli et autres monuments préhistoriques étaient en réalité bien antérieurs à l’époque anglo-saxonne, ils étaient considérés comme faisant partie intégrante du paysage anglo-saxon et pouvaient donc faire l’objet de conflits d’appropriation31.
- 32 R. Stewart, The Places in Between, Londres, 2004, éd. revisée, 2014, p. 80.
- 33 Ibid., p. 190-191.
17Ce point me suggère une observation comparatiste sur les liens entre bataille et paysage. Dans son récit d’un voyage en Afghanistan en 2002, Rory Stewart a remarqué qu’une tombe de cinq talibans offrait à son guide afghan l’opportunité de raconter des histoires sur la guerre32. Il a ainsi observé (en y participant) le processus d’inscription des victoires militaires dans le paysage. Pour R. Stewart et ceux qui l’accompagnaient, il s’agissait d’un passé peu éloigné, mais il compare la création de la mémoire des massacres récents en Afghanistan avec les conflits d’un passé plus ancien, celui du xviiie siècle en Écosse33.
18Le Wessex du haut Moyen Âge n’est pas exactement comparable à l’Afghanistan du xxie siècle ou à l’Écosse du xviiie siècle, mais R. Stewart nous rappelle que les mémoires s’inscrivent dans le paysage et s’offrent à la vue des voyageurs. Dans le cas de la Chronique, la conduite des voyageurs et leurs expériences sur le terrain (y compris leurs souvenirs de ces expériences et des histoires qu’ils y avaient entendues) doivent avoir donné un sens aux mémoires collectives des actions militaires et de la légitimité des rois. Dans le récit de la Chronique, il est possible de dégager quatre phases successives dans l’établissement d’une domination territoriale sur le Wessex par des membres de la dynastie royale des Ecgberhtingas au fil des conflits contre ses ennemis bretons (Fig. 2) :
- 1. Cerdic et son fils Cynric entre l’an 495 et 530 ;
- 2. Cynric et son fils Ceawlin en 552 et 556, puis Ceawlin avec son frère Cutha en 568 ;
- 3. Cuthwulf ou, probablement, Cutha, en 571 ;
- 4. Ceawlin et Cuthwine (son frère ?) en 577, et Cutha (la même personne que Cuthwine ?) en 584.
- 34 Voir B. Yorke, « Fact or Fiction ?… ».
19N’oublions pas que nous parlons de la représentation des rois ouest-saxons du vie siècle dans une source du ixe siècle. Comme pour beaucoup de mythes fondateurs à travers l’Europe, des problèmes émergent si notre objectif est de comprendre la « véritable » histoire de ces rois semi-légendaires34. Mais pour les Ouest-Saxons du ixe siècle, les détails étaient significatifs. Le temps avait rehaussé le statut des successeurs de ces rois, représentants d’une dynastie qui regardait leur identité de guerriers comme un élément intégral de leur pouvoir.
- 1. La première strate concerne l’établissement des Anglo-Saxons dans le centre-sud de l’Angleterre, spécifiquement dans le Hampshire, et plus précisément dans la région du Solent. Plusieurs lieux sont identifiés : Portsmouth, Netley, l’île de Wight et Charford (Cerdices forda). Deux autres lieux sont inconnus mais associés au fondateur de la dynastie, Cerdic : Cerdicesleag et Cerdicesora. Pour les Ouest-Saxons, c’est le moment historique dans la mémoire collective de la fondation d’un royaume côtier qui est mis en exergue : il s’agit des premières localités conquises par les ancêtres de la famille d’Alfred. Nous pouvons alors supposer que l’attention donnée aux navires et au combat naval (à une époque, peut-être au début des années 890, où commencent précisément la construction et l’armement de grands navires35) pourrait s’expliquer par la volonté de montrer une identité maritime du royaume qui se traduit par la domination des côtes.
- 2. Après le débarquement de Cerdic, apparaît une deuxième strate de la généalogie militaire de la maison royale, cette fois-ci dans l’intérieur du Wessex. Selon la Chronique, Cynric, fils de Cerdic, cité au côté de son père en 495, 508, 519 – date où le père et son fils « succédèrent [ensemble] au royaume » (rice on fengun)36 –, 527 et 530, devient roi en 534. Il combat les Bretons en 552 dans la région qui correspond maintenant au Wiltshire. L’entrée pour 556 rapporte une autre rencontre militaire dans le Wiltshire : cette fois, ce sont Ceawlin et son père Cynric qui combattent les Bretons. Enfin, la Chroniqueévoque pour 552 et 556 deux rencontres autour de hill-forts (sites de hauteur fortifiés), respectivement Salisbury et Barbury.
- 37 J. E. B. Gover, A. Mawer, F. M. Stenton éd. Place Names of Wiltshire (Survey of English Place-Name (...)
20Salisbury (Sorvioduni dans l’Itinéraire d’Antonin d’époque romaine) est nommé d’après un mot celtique, Sorvios ou Sorvia, qui signifie peut-être « rivière », en écho à l’Avon qui y coule. Dès lors, la forme Searobyrg dans la Chronique est composée de burh ou byrig, traduction de l’élément celtique dūn (forteresse), tandis que l’élément Sorvios/Sorvia est devenu le mot vieil anglais searu, à savoir « ruse, artifice » ou – peut-être à privilégier dans ce contexte – un terme désignant une pièce d’habillement ou d’équipement militaire (armes et armure)37.
- 38 ASC 648. À propos de la région d’Ashdown, voir R. Lavelle, « Places I’ll Remember ? Reflections on (...)
- 39 T. J. T. Williams, « “For the Sake of Bravado…” », p. 177, discute N. Price, The Viking Way. Relig (...)
- 40 P. Crabtree, « The Symbolic Role of Animals in Anglo-Saxon England : Evidence from Burials and Cre (...)
- 41 PASE, sv. « Bera », en ligne [https://pase.ac.uk/]. Le seul « Bera » retrouvé est un propriétaire (...)
- 42 P. Crabtree, « The Symbolic Role of Animals… », p. 23 : « as parts of furs or skins ».
- 43 Pour une interprétation maximaliste, voir S. Newton, The Origins of Beowulf and the Pre-Viking Kin (...)
- 44 Voir M. Pastoureau, L’Ours. Histoire d’un roi déchu, Paris, 2007, p. 53-85.
21On ne sait pas si Barbury – un byrig peut-être nommé d’après un certain Bera – est un toponyme important du fait de sa localisation en bordure de la région d’Ashdown. Cette région, contestée lors des premiers combats d’Alfred en 870-871, est nommée dans l’entrée pour 648 comme faisant partie d’un don de trois mille hides de terre fait par Cenwealh, roi des Ouest-Saxons, à son neveu Cuthred fils de Cwicelm (le roi qui a donné son nom à Cwicelmeshlæw, discuté plus haut)38. Néanmoins, le nom ou le surnom de ce Bera (réel ou imaginaire, c’est sans importance) signifie « ours » en vieil anglais. La figure du berserkr est bien connue comme un type de « guerrier fauve » dans le monde norrois, probablement la manifestation d’une confusion entre homme et bête et d’une croyance au shape-shifting dans l’idéologie du combat39. Dans le monde de la littérature en vieil anglais, le guerrier héroïque Beowulf est nommé d’après l’ours, au moyen d’un jeu de mots (une kenning) qui désigne l’ours comme un « loup des abeilles », beo-wulf. Néanmoins, l’ours est un animal assez rare dans les sources anglo-saxonnes40. Malgré la rareté du nom/surnom Bera (attesté une seule fois dans le corpus des noms anglo-saxons, la Prosopography of Anglo-Saxon England41), cet élément est peut-être à prendre en compte dans le cas du nom de Barbury. Pamela Crabtree a remarqué que les griffes d’ours trouvées parmi les crémations de la nécropole du très haut Moyen Âge à Spong Hill (Norfolk) doivent être considérées comme des ornementations corporelles « attachées à des fourrures ou à des peaux42 ». Si un Anglo-Saxon avait porté une peau d’ours, on peut raisonnablement supposer que cet acte aurait été, comme pour les légendaires guerriers-ours de la Scandinavie, une manifestation des qualités féroces de l’ours. Comme pour la « forteresse d’équipement de guerre » (Searobyrg, Salisbury), le but aurait été d’assurer la protection des guerriers. Un Ouest-Saxon nommé Bera aurait certes vécu loin du monde nordique et de la mer du Nord, représenté à Spong Hill en Est-Anglie, et l’ours n’avait pas pour la dynastie ouest-saxonne une symbolique équivalente à celle du loup pour la dynastie est-anglienne des Wuffingas43. Toutefois, dans le contexte de la mémoire des batailles ouest-saxonnes contre les Bretons, le nom pouvait signifier quelque chose de très important, renvoyant à un lointain passé44.
- 45 ASC BC 829 : Ælle Wessexna cing.
- 46 Bède, HE, II, 5. Sur l’importance de Ceawlin dans une première tranche de la légitimation des rois (...)
- 47 Nous devons rappeler ici une connexion possible entre Eðandun (Edington) et Ellendun, deux bataill (...)
- 48 T. J. T. Williams, « “For the Sake of Bravado…” », p. 192-193.
22Il reste que, même si Barbury est situé à dix kilomètres à l’ouest de la région d’Ashdown (voir ci-dessus), sa proximité avec Ellendun – site d’une « bataille » (gefeaht), d’un « grand massacre » (mycel wæl) et d’une victoire d’Ecgberht sur les Merciens, enregistrée dans la Chronique anglo-saxonne sous l’année 823 (recte 825) – est frappante. Or, Ellendun est nommé d’après un certain Ælle, qu’il faut peut-être identifier au roi quasi-légendaire des Sud-Saxons – devenu, dans certains manuscrits de la Chronique, un bretwalda de la dynastie ouest-saxonne45 ! Que Ceawlin – nom d’un autre bretwalda dans la Chronique, et roi qui, selon Bède, a exercé une hégémonie, un imperium46 – soit réputé avoir livré bataille au même endroit, a peut-être contribué à définir le sens de l’hégémonie exercée par Ecgberht, fondateur du lignage cadet auquel appartenait Alfred le Grand47. L’exil de Ceawlin, littéralement « chassé dehors » (ut adrifen) vers un territoire indéterminé entre 592 et sa mort en 593, est associé avec le « massacre » (wælfill) de l’année 592 au « Tumulus de Woden » (Woddesbeorge). Cette tombe à chambre néolithique, aujourd’hui appelée « Adam’s Grave » (la Tombe d’Adam), est le troisième lieu associé à une guerre menée par Ceawlin dans le Wiltshire. Elle se situe à Alton Priors, entre Salisbury et Barbury, donc à proximité d’Ellendun48.
- 49 A. Mawer, F. M. Stenton éd., Place Names of Bedfordshire and Huntingdonshire (Survey of English Pl (...)
- 50 F. Liebermann éd., Die Gesetze der Angelsachsen, vol. 1, Halle, 1903, p. 126-128; trad. angl. dans (...)
233. Dans l’entrée pour 571, cinq toponymes peuvent être localisés dans une région située sur la haute Tamise et au nord-est de celle-ci : ils sont présentés comme le théâtre d’actions entreprises par Cuthwulf contre les Bretons. Celui-ci les affronte d’abord à Biedcanforda (graphie du MS A de la Chronique). Même si les toponymistes n’identifient pas Biedcanford avec le Bedanforda de 914 (s.a. 917)49, l’ajout d’un « c » n’est pas impossible et, si on laisse de côté toute référence à l’historicité des confrontations réelles entre les Saxons et les Bretons au vie siècle, Bedford se situe bien sur la frontière ouest-saxonne à la fin du ixe siècle (voir ci-dessous). Après la bataille, Cuthwulf s’empare de quatre tunas : Limbury (Bedfordshire), Aylesbury (Buckinghamshire), Bensington (aujourd’hui Benson, Oxfordshire) et Eynsham (Oxfordshire). Ces tunas – bien qu’il soit apparenté à l’anglais moderne town, ce mot désigne probablement des domaines et non pas des villes – sont les premiers lieux signalés dans la Chronique comme étant « pris », au sens de « conquis ». Au vie siècle comme au ixe siècle, l’Oxfordshire, le Bedfordshire et le Buckinghamshire n’existaient pas encore en tant que tels. Aussi le chroniqueur ne tente-t-il pas de faire un récit de la « création des shires », mais ces lieux (y compris Bedford) semblent stratégiques pour le royaume ouest-saxon dans le contexte du traité entre Alfred et Guthrum, probablement vers 88050. Il est en effet frappant de constater que ces tunas forment un arc de domination imposé par le Wessex sur la partie du territoire mercien qui n’était pas contrôlée par les vikings. La mise par écrit de l’histoire de la domination du territoire établie à l’issue de guerres quasi-fictives au vie siècle, renforcée par la mémoire récente des campagnes du ixe siècle (en particulier celle de 871) et par l’imposition de la paix (dans le sillage de la bataille d’Edington en 878) est un témoignage de la création d’un espace politique par les Ouest-Saxons dans cette région.
- 51 R. Lavelle, « Oxfordshire, Wessex, and Mercia in the Age of Alfred the Great », dans J. Naylor, E. (...)
- 52 P. Sawyer, Charters, n° 217. Voir R. Lavelle, « Oxfordshire, Wessex, and Mercia… », p. 58-59.
- 53 S. Keynes, « Alfred the Great… », p. 22-26; B. Yorke, Æthelred, Lord of the Mercians…, p. 7-13.
24Bedford/Biedcanforda et, parmi les quatre tunas, Limbury et Bensington, sont particulièrement révélateurs de la représentation que les contemporains se faisaient du territoire ouest-saxon. Limbury, aujourd’hui incorporée à la ville de Luton, est à la source de la Lea, un petit cours d’eau décrit par le traité entre Alfred et Guthrum comme un des points de repère de la frontière entre les Ouest-Saxons et les vikings de Guthrum51. Quant à Bensington, c’était un domaine donné par Æthelred, ealdorman des Merciens et gendre du roi Alfred, cum licentia et inpositione manus du roi, à l’église de Worcester selon une charte des années 880 (probablement 887)52. Alfred le Grand agit ici comme seigneur éminent, exerçant une sorte de suzeraineté sur les habitants de la Mercie (ou plutôt de la Mercie de l’Ouest), au moment même où il souhaite être roi « des Anglo-Saxons », et pas seulement des Ouest-Saxons53.
- 54 A. K. B. Evans, « Historical Evidence for the Anglo-Saxon Church and Medieval Abbey », dans D. J. (...)
- 55 B. Yorke, Æthelred, Lord of the Mercians…, p. 7-13.
254. Le quatrième groupe de toponymes concerne d’autres lieux conquis aux frontières ouest-saxonnes après une bataille, en l’occurrence celle de Dyrham (Gloucestershire) en 577. Les trois cités (ceastra) de Gloucester, Cirencester et Bath, proches des trois fleuves, très importants pour la frontière nord-ouest, que sont la Severn, la Tamise, et l’Avon, sont ici liées à trois rois bretons. Comme dans le cas de « Natan » en 508, la victoire est obtenue contre des adversaires nommés, mais ici les noms celtiques sont remarquablement bien restitués : Commail, Condidan et Farinmail. La bataille de Dyrham, où Cuthwine et Ceawlin sont victorieux, est donc présentée comme la légitimation du contrôle de ce territoire par les chefs guerriers. Comme dans la représentation des localités de 571, les cités de Gloucester et Cirencester – site d’une église possiblement fondée au début du ixe siècle par les Ouest-Saxons et où les vikings ont séjourné en 87954 –, déjà primordiales pour le contrôle par le Wessex de sa frontière avec la Mercie après la bataille d’Edington, l’étaient encore plus après l’établissement de la suzeraineté d’Alfred et l’installation de son gendre Æthelred comme ealdorman des Merciens55. Le fait que la victoire de 577 ait été remportée par un souverain, Ceawlin, également désigné dans la Chronique comme un bretwalda, n’est sans doute pas une coïncidence.
- 56 N. Howe, Migration and Mythmaking…, p. 33-71. Voir aussi E. Bennett, « The Construction of the Ene (...)
26Dans les récits de la Chronique concernant le vie siècle, les ennemis des Ouest-Saxons sont pour la plupart des Bretons – c’est-à-dire, dans la mythologie de la genèse du Wessex, une sorte de « première nation » occupant ce territoire. Le pouvoir des Bretons avait sa propre légitimité, bien sûr, mais le récit vise à justifier celle des Ouest-Saxons. Comme l’a souligné Nicholas Howe, une sorte d’ethnogenèse se forme par la transposition du territoire, du paysage à la page écrite, et à travers la mémoire des actes des ancêtres56. Le récit des rencontres militaires reste, dans une certaine mesure, un compte rendu de la conquête du territoire des Bretons, tous les ennemis du vie siècle étant identifiés comme Bretons. Par exemple, dans un cas de fuite en 552, les ennemis sont désignés comme des « étrangers bretons » (bret walas), alors même que les toponymes, du moins à l’intérieur du royaume, pointent vers d’autres ennemis : les Hwicce au nord-ouest, les Merciens au nord, auxquels s’ajoutent les vikings du traité avec Guthrum.
Guerriers du passé, guerriers du présent et intégrité apparente des frontières
- 57 B. Yorke, « The Kingdom of the East Saxons », Anglo-Saxon England, 14 (1985), p. 1-36 (p. 36).
- 58 ASC ACDE 825: « þy hi fram his magum ær mid unrihte anydde wæron ».
- 59 Annales Regni Francorum, s.a. 796 (éd. G. H. Pertz, F. Kurze, Hanovre, 1895, MGH SS rer. Germ. 6, (...)
- 60 Voir C. Konshuh, « Constructing early Anglo-Saxon identity… », p. 166-168.
27Ce tableau ne recouvre pas la totalité des frontières du Wessex au ixe siècle : la haute vallée de la Tamise n’était pas la seule région du royaume qui comportait des territoires contestés. En premier lieu, le Sussex, le Surrey et le Kent (mais aussi, pendant un temps, l’Essex57) avaient été intégrés au royaume de Wessex au cours du ixe siècle. Les annales de la Chronique anglo-saxonne incluent leur propre récit de la fondation de ce « Grand Wessex ». Par exemple, dans l’entrée pour 825, Æthelwulf, père du futur roi Alfred mais agissant ici comme le fils (et alors héritier présomptif) d’Ecgberht, reçoit la soumission des peuples de Sussex et d’autres régions, « parce qu’auparavant ils avaient été injustement arrachés à sa parenté58 ». La « parenté » (magum) est ici celle d’Ecgberht mais aussi la grande lignée des rois ouest-saxons qui, aux yeux des lecteurs (ou aux oreilles des auditeurs) de la Chronique, incluait Alfred. La campagne militaire d’Æthelwulf est précédée d’une bataille dans le Wiltshire contre les Merciens où le roi Ecgberht remporte la victoire. On peut se demander si cette campagne, menée par le prince avec l’aide d’un évêque et d’un ealdorman, plutôt qu’avec celle de son père, ne relève pas d’un modèle presque carolingien : on pense par exemple à la victoire de Pépin fils de Charlemagne sur les Avars en 796, aidé par le duc Éric de Frioul59. Ici, le roi des Merciens est chassé hors du territoire ouest-saxon, dont les frontières sont définies par la Tamise : c’est donc un parallèle intéressant avec l’entrée concernant Kempsford en 802. Toutefois, l’attribution de terres du Kent et du Sussex au Wessex donne le ton pour l’interprétation des annales du ve siècle : celles-ci concernent en effet les fondateurs du Kent, Hengest et Horsa, et ceux du Sussex, Ælle et ses fils – en guise d’avant-propos à l’histoire du Wessex60…
- 61 Sur le récit traditionnel de « l’arrivée des Saxons », voir N. Howe, Migration and Mythmaking…
- 62 S. Pearce, South-western Britain in the Early Middle Ages, Londres, 2004, p. 252-253.
- 63 ASC 877 ABE: « mycel yst » ; CD : « mycel myst ».
- 64 ASC ABCDE 891.
28On trouvait aussi des terrains disputés au sud-ouest. D’une certaine manière, la création des frontières sud-ouest du royaume de Wessex peut être lue comme une nouvelle étape du récit traditionnel de l’Adventus Saxonum61. Bien que la Cornouailles soit devenue par la suite une partie du royaume d’Angleterre, cette intégration n’a pas été totale. Alfred en revendique déjà certaines parties, mais ne les détient jamais complètement. Ainsi la formation des frontières du Wessex n’était pas encore achevée quand le chroniqueur a écrit le « Tronc commun » de la Chronique vers la fin du ixe siècle. La Cornouailles était-elle alors regardée comme une future partie du Wessex62 ? Nous pouvons considérer cette question de l’intégrité territoriale dans le contexte de l’arrivée d’une nouvelle vague de vikings sur les côtes méridionales du Wessex. Dans le récit ouest-saxon (renforcé par l’annale de 896), les vikings ne parviennent pas à accoster par le sud et à entrer directement par la mer pour s’emparer du territoire comme les ancêtres d’Alfred étaient censés l’avoir fait au ve-vie siècle. Il est frappant que, dans cette représentation du contrôle côtier, les pirates vikings de 896 soient exécutés par l’autorité royale (à Winchester !) et que la flotte de 877 soit détruite par une « tempête » ou un « brouillard » déclenchés par la volonté de Dieu63. Bien que les vikings aient abordé dans l’est du territoire ouest-saxon, surtout dans le Kent, durant les années 890, qu’ils aient débarqué sur la côte nord du Somerset en 878, et que l’entrée pour 789 mentionne l’arrivée de « trois navires » (durant le règne de Beorhtric, rival d’Ecgberht), le récit n’en fait jamais une invasion côtière plus large qui serait une sorte de version viking de l’Adventus Saxonum. Cela montre à nouveau une certaine représentation de la frontière littorale et de sa protection par la royauté ouest-saxonne. Ainsi, selon le récit de la Chronique, le seul bateau qui ait accosté sur la côte sud de la Cornouailles était arrivé en paix, avec à son bord trois savants irlandais désireux de rencontrer le roi Alfred64.
*
- 65 J. Baker, S. Brookes, Beyond the Burghal Hidage. Anglo-Saxon Civil Defence in the Viking Age, Leyd (...)
29Il est vrai qu’à la fin du ixe siècle, comme l’ont écrit John Baker et Stuart Brookes, protéger les frontières de la Tamise n’était pas l’unique priorité du roi Alfred65. Toutefois, suite à la chute d’une partie de la Mercie, des opportunités s’offraient pour redéfinir les frontières du royaume de Wessex. Le traité passé entre Alfred et Guthrum avait établi des frontières dans le cadre d’une paix, mais cela ne s’était fait qu’après une guerre. L’histoire de guerres plus anciennes et des accomplissements des guerriers sur la frontière nord du Wessex dans un passé distant donnait un air de véracité et de légitimité aux accomplissements de ceux du ixe siècle.
Notes
1 Voir S. Keynes, « Alfred the Great and the Kingdom of the Anglo-Saxons », dans N. G. Discenza, P. E. Szarmach éd., A Companion to Alfred the Great, Leyde, 2015, p. 13-46 (p. 22-26).
2 La Chronique anglo-saxonne, compilée vers 890-892 dans le « Tronc commun » (Common Stock), augmentée périodiquement par la suite et conservée dans divers manuscrits (numérotés de A à H), rapporte les événements année par année. Voir S. Irvine, « The Anglo-Saxon Chronicle », dans N. G. Discenza, P. E. Szarmach éd., A Companion to Alfred the Great…, p. 344-367. La Chronique anglo-saxonne [désormais ASC] est citée d’après The Anglo-Saxon Chronicle. A Collaborative Edition, éd. D. Dumville, S. Keynes, Cambridge, 1983-2001. Le mode de citation est : ASC, numéros des principaux manuscrits, date de l’entrée (corrigée si nécessaire).
3 M. Strickland, « “Undying Glory by the Sword’s Edge”. Writing and Remembering Battle in Anglo-Saxon England », dans M. Ní Mhaonaigh, R. Naismith, E. A. Rowe éd., Writing Battles. New Perspectives on Warfare in Medieval Europe, Londres, 2020, p. 39-76 (p. 52) : « As for Kent, so the creation of Wessex was signalled by a series of engagements marking the slow but inexorable conquest of the British. » Voir aussi : N. Howe, Migration and Mythmaking in Anglo-Saxon England, New Haven/Londres, 1989, surtout p. 33-71; J.-H. Clay, « Adventus, Warfare and the Britons in the Development of West Saxon identity », dans W. Pohl, G. Heydemann éd., Post-Roman Transitions. Christian and Barbarian identities in the Early Medieval West, Turnhout, 2013, p. 169-213; C. Konshuh, « Constructing Early Anglo-Saxon Identity in the Anglo-Saxon Chronicles », dans A. Langlands, R. Lavelle éd., The Land of the English Kin. Studies in Wessex and Anglo-Saxon England in Honour of Professor Barbara Yorke, Leyde, 2020, p. 154-179 (p. 164-170).
4 S. T. Smith, Land and Book. Literature and Land Tenure in Anglo-Saxon England, Toronto, 2012, p. 150-189, reprenant S. T. Smith, « Marking Boundaries : Charters and the Anglo-Saxon Chronicle », dans A. Jorgensen éd., Reading the Anglo-Saxon Chronicle. Language, Literature, History, Turnhout, 2010, p. 167-185.
5 S. T. Smith, Land and Book…, p. 155-158, discute la géographie des clauses de délimitation dans les chartes ; mais voir aussi D. Hooke, The Landscape of Anglo-Saxon England, Londres, 1998, p. 62-102.
6 S. Foot, « Where English Becomes British : Rethinking Contexts for Brunanburh », dans A. Wareham, J. Barrow éd., Myth, Rulership, Church and Charters. Essays in Honour of Nicholas Brooks, Aldershot, 2008, p. 127-144. Un bilan historiographique en faveur d’une localisation dans le nord-ouest (péninsule du Wirral) se trouve dans M. Livingston éd., The Battle of Brunanburh. A Casebook, Exeter, 2011 ; M. Wood, « Searching for Brunanburh : the Yorkshire Context of the “Great War” of 937 », Yorkshire Archaeological Journal, 85 (2013), p. 138-159, est sceptique à propos du Wirral et avance la possibilité d’une localisation dans le Yorkshire ; pour une identification près de Lanchester (Co. Durham), voir A. Breeze, « Brunanburh Located : the Battle and the Poem », dans M. Ogura, H. Sauer éd., Aspects of Medieval English Language and Literature, Berlin, 2018, p. 61-80.
7 ASC ABCD 912-920, 937, 942.
8 S. Irvine, « The Anglo-Saxon Chronicle »…, p. 344-352 ; B. Yorke, « The Representation of Early West Saxon History in the Anglo-Saxon Chronicle », dans A. Jorgensen éd., Reading the Anglo-Saxon Chronicle…, p. 141-159 (p. 158-159), en regardant F. M. Stenton, « The Foundations of English History », Transactions of the Royal Historical Society, 4e série, 9 (1926), p. 159-173.
9 W. G. Hoskins, The Westward Expansion of Wessex, Leicester, 1960.
10 À propos de ses possibles liens avec la dynastie du Kent, voir A. Scharer, « The Writing of History at King Alfred’s Court », Early Medieval Europe, 5 (1996) p. 177-206 (p. 183-185). R. Naismith, « The Origins of the Line of Egbert, King of the West Saxons, 802–839 », English Historical Review, 126 (2011), p. 1-16, parle cependant de l’« improbabilité » d’une origine dans le Kent. Quelle que soit l’origine d’Ecgberht, il est clair que les Ecgberhtingas n’étaient pas une lignée royale bien établie dans le Wessex.
11 ASC ABCDE 802: « Her Beorhtric cyning forferde and Worr aldormon. *⁊ Ecgbryht feng to Wesseaxna rice. *⁊ þy ilcan dæge rad ÆÞelmund aldorman of Hwiccium ofer æt Cynemæres forda. Þa mette hine Weoxtan aldorman mid Wiltsætum. Þær wearþ micel gefeoht and þær begen ofslægene þa aldor men. *⁊ Wilsætan namon sige. »
12 Voir B. Yorke, Wessex in the Early Middle Ages, Londres, 1995, p. 96-101.
13 Voir également ASC A 884 : « micel gefeoht ». Cette entrée mentionne deux batailles en Europe continentale entre une armée de « Vieux Saxons » et de Frisons (vainqueurs) et une armée viking. Cette rencontre était probablement comparable à une folc gefeoht, une bataille impliquant une force appelée aux armes par le roi. Voir R. Lavelle, Alfred’s Wars. Sources and Interpretations of Anglo-Saxon Warfare in the Viking Age, Woodbridge, 2010, p. 264-265; Id., « The “Dark Matter” Evidence for Alfredian Military Reforms in their Ninth-Century Context », dans E. Bennett, G. M. Berndt, S. Esders, L Sarti éd., Early Medieval Militarisation, Manchester, 2021, p. 80-89 (p. 82-83). Sur la signification de l’épisode pour la mémoire des rivalités intra-merciennes durant le règne d’Alfred, voir B. Yorke, Æthelred, Lord of the Mercians and his Deerhurst Connections (Deerhurst Lecture 2019), Deerhurst, 2019, p. 6.
14 R. H. C. Davis, « Alfred the Great : Propaganda and Truth », History, 56 (1971) p. 169-182 (p. 171) ; R. Lavelle, « Geographies of Power in the Anglo-Saxon Chronicle : the Royal Estates of Anglo-Saxon Wessex », dans A. Jorgensen éd., Reading the Anglo-Saxon Chronicle…, p. 187-220 (p. 207).
15 Le chroniqueur Æthelweard (fin xe s., mais utilisant une version de la Chronique anglo-saxonne) ajoute que les vikings arrivés à Chippenham en 878 étaient à Gloucester (c’est-à-dire dans l’ancien royaume des Hwicce) pendant l’hiver 877-878 : voir Chronicon Æthelweardi. The Chronicle of Æthelweard, éd. A. Campbell, Londres, 1962, p. 42.
16 ASC ABCDE 899/900.
17 Voir aussi la description d’une bataille (unique dans la version en vieil anglais des Histoires d’Orose), associée à la soumission de Cirencester, où l’envahisseur Jules César est vainqueur à Wallingford sur la Tamise : Orose vieil anglais, V, 12 (éd. M. R. Godden, The Old English History of the World. An Anglo-Saxon Rewriting of Orosius, Cambridge [MA], 2016, p. 334-335); R. Lavelle, Places of Contested Power. Conflict and Rebellion in England and France, 830-1150, Woodbridge, 2020, p. 293-296.
18 Voir A. Reynolds, « A Possible Anglo-Saxon Execution Cemetery at Werg, Mildenhall (Cvnetio), Wiltshire, and the Wessex-Mercia Frontier in the Age of King Cynewulf », dans A. Langlands, R. Lavelle éd., The Land of the English Kin…, p. 245-275 (p. 263-271); S. E. Kelly éd., Charters of Malmesbury Abbey, Oxford, 2005, p. 10-13.
19 Bède, Historia ecclesiastica gentis Anglorum [désormais HE], II, 1-2 (éd. B. Colgrave, R. A. B. Mynors, Bede’s Ecclesiastical History of the English People, Oxford, 1969, p. 134) : « Augustinæs Ác, id est Robur Augustini, in confinio Huicciorum et Occidentalium Saxonum. »
20 B. Eagles, From Roman Civitas to Anglo-Saxon Shire. Topographical Studies on the Formation of Wessex, Oxford, 2018, p. 143-146.
21 ASC ABCE 596.
22 ASC ABCE 603 ; Bède, HE, I, 34.
23 B. Yorke, « Fact or fiction ? The Written Evidence for the Fifth and Sixth Centuries AD », Anglo-Saxon Studies in Archaeology and History, 6 (1993) p. 45-50; C. Konshuh, « Constructing Early Anglo-Saxon Identity… », p. 166-170.
24 Voir P. Sims-Williams, « The Settlement of England in Bede and the Chronicle », Anglo-Saxon England, 12 (1982), p. 1-41 (p. 26-41). K. Harrison, « Early Wessex Annals in the Anglo-Saxon Chronicle », English Historical Review, 86 (1971), p. 527-533, a reconnu le cycle « métonique », mais l’a considéré comme une preuve de la fiabilité de la Chronique.
25 B. Yorke, « The Jutes of Hampshire and Wight and the Origins of Wessex », dans S. Bassett éd., The Origins of Anglo-Saxon Kingdoms, Leicester, 1989, p. 84-96 et 256-263 (p. 85); J. Hawkins, « Words and Swords : People and Power along the Solent in the 5th Century », dans A. Langlands, R. Lavelle éd., The Land of the English Kin…, p. 50-69 (p. 56 et 63-64).
26 Voir par exemple G. J. Copley, The Conquest of Wessex in the Sixth Century, Londres, 1954.
27 Fethanleag est un nom de lieu attesté au xiie s. à Stoke Lyne (Oxfordshire) : The Anglo-Saxon Chronicle. A Revised Translation, éd. D. Whitelock, S. I. Tucker, D. C. Douglas, Londres, 1965, p. 14.
28 Voir Yorke, « The Jutes of Hampshire and Wight… », p. 85 et 91.
29 Bède, HE, II, 9.
30 ASC CDE 1006 ; P. H. Sawyer, Anglo-Saxon Charters. An Annotated List and Bibliography, Londres, 1968, en ligne [www.esawyer.org.uk] [désormais Sawyer, Charters], n° 1492 (AD 990×992). Voir T. J. T. Williams, « Landscape and Warfare in Anglo-Saxon England and the Viking Campaign of 1006 », Early Medieval Europe, 23 (2015), p. 329-359.
31 Pour une étude de ce phénomène sur la longue durée, voir R. Bradley, Altering the Earth. The Origins of Monuments in Britain and Continental Europe, Édimbourg, 1993. Au sujet de la violence, des rencontres militaires à diverses échelles et de leurs relations avec les monuments préhistoriques, voir: G. Halsall, « Anthropology and the Study of pre-Conquest Warfare and Society : the Ritual War in Anglo-Saxon England », dans S. Chadwick-Hawkes éd., Weapons and Warfare in Anglo-Saxon England, Oxford, 1989, p. 155-177 ; T. J. T. Williams, « “For the Sake of Bravado in the Wilderness” : Confronting the Bestial in Anglo-Saxon Warfare », dans M. D. J. Bintley, T. J. T. Williams éd., Representing Beasts in Early Medieval England and Scandinavia, Woodbridge, 2015, p. 176-204 (p. 190-194).
32 R. Stewart, The Places in Between, Londres, 2004, éd. revisée, 2014, p. 80.
33 Ibid., p. 190-191.
34 Voir B. Yorke, « Fact or Fiction ?… ».
35 Des navires « construits sur un modèle ni frison ni danois », utilisés pour la première fois en 896 : ASC ABCDE 896. Voir M. J. Swanton, « King Alfred’s Ships : Text and Context », Anglo-Saxon England, 28 (1999), p. 1-22 ; E. et J. Gifford, « Alfred’s New Longships », dans T. Reuter éd., Alfred the Great. Papers from the Eleventh-Centenary Conferences, Aldershot, 2003, p. 281-289 (p. 283 pour une discussion sur la question des défenses côtières ouest-saxonnes).
36 La signification de ce power-sharing est discutée dans E. C. M. Bennett, « Alfred’s Brothers : the Perception and Practice of Joint Rulership and Fraternal Power-Sharing in Ninth-Century Wessex », mémoire de master, University of Winchester, 2015.
37 J. E. B. Gover, A. Mawer, F. M. Stenton éd. Place Names of Wiltshire (Survey of English Place-Names, 16), Cambridge, 1939, sv. « Salisbury », en ligne [https://epns.nottingham.ac.uk/browse/id/53288661b47fc40d38000001-Salisbury]. Pour l’éventail des sens possibles du mot vieil anglais searu et sur le terme vieux breton sorbi comme un conspicuous cognate, voir P. B. Taylor, « Searniðas : Old Norse Magic and Old English Verse », Studies in Philology, 80 (1983), p. 109-125 (p. 115-116). Je remercie Eric Lacey pour cette référence et celle de la n. 42.
38 ASC 648. À propos de la région d’Ashdown, voir R. Lavelle, « Places I’ll Remember ? Reflections on Alfred, Asser and the Power of Memory in the West Saxon Landscape », dans A. Langlands, R. Lavelle éd., The Land of the English Kin…, p. 312-335 (p. 326-334).
39 T. J. T. Williams, « “For the Sake of Bravado…” », p. 177, discute N. Price, The Viking Way. Religion and War in Late Iron Age Scandinavia, Uppsala, 2002, p. 366-378.
40 P. Crabtree, « The Symbolic Role of Animals in Anglo-Saxon England : Evidence from Burials and Cremations », dans K. Ryan, P. Crabtree éd., The Symbolic Role of Animals in Archaeology, Philadelphie, 1995, p. 20-26 (p. 25) : « The rarity of animals such as bear, wolf, and beaver must surely have increased the desirability and value of their pelts and teeth. »
41 PASE, sv. « Bera », en ligne [https://pase.ac.uk/]. Le seul « Bera » retrouvé est un propriétaire du Devon en 1066, mentionné dans le Domesday Book ; F. Colman, The Grammar of Names in Anglo-Saxon England. The Linguistics and Culture of the Old English Onomasticon, Oxford, 2014, p. 247-248, suggère que Bera n’est qu’un surnom.
42 P. Crabtree, « The Symbolic Role of Animals… », p. 23 : « as parts of furs or skins ».
43 Pour une interprétation maximaliste, voir S. Newton, The Origins of Beowulf and the Pre-Viking Kingdom of East Anglia, Cambridge, 1993.
44 Voir M. Pastoureau, L’Ours. Histoire d’un roi déchu, Paris, 2007, p. 53-85.
45 ASC BC 829 : Ælle Wessexna cing.
46 Bède, HE, II, 5. Sur l’importance de Ceawlin dans une première tranche de la légitimation des rois ouest-saxons, voir A. Gautier, Beowulf au paradis. Figures de bons païens dans l’Europe du Nord au haut Moyen Âge, Paris, 2017, p. 238-243. Je remercie Alban Gautier et Barbara Yorke pour leurs remarques sur l’identification de Ceawlin.
47 Nous devons rappeler ici une connexion possible entre Eðandun (Edington) et Ellendun, deux batailles aux noms similaires, centrales pour la dynastie d’Alfred au ixe s. : voir T. J. T. Williams, « The Place of Slaughter : Exploring the West Saxon Battlescape », dans R. Lavelle, S. Roffey éd., Danes in Wessex. The Scandinavian Impact on Southern England, c. 800-c. 1100, Oxford, 2016, p. 35-55 (p. 48).
48 T. J. T. Williams, « “For the Sake of Bravado…” », p. 192-193.
49 A. Mawer, F. M. Stenton éd., Place Names of Bedfordshire and Huntingdonshire (Survey of English Place-Names, 3), Cambridge, 1939, sv. « Bedford », en ligne, [https://epns.nottingham.ac.uk/browse/id/53282b09b47fc407a9000001-Bedford].
50 F. Liebermann éd., Die Gesetze der Angelsachsen, vol. 1, Halle, 1903, p. 126-128; trad. angl. dans S. D. Keynes, M. Lapidge éd., Alfred the Great. Asser’s Life of King Alfred and Other Contemporary Sources, Harmondsworth, 1983, p. 171-172.
51 R. Lavelle, « Oxfordshire, Wessex, and Mercia in the Age of Alfred the Great », dans J. Naylor, E. Standley éd., The Watlington Hoard : Coinage, Kings and the Viking Great Army in Oxfordshire, AD 875-880, Oxford, 2022, p. 51-65 (p. 63).
52 P. Sawyer, Charters, n° 217. Voir R. Lavelle, « Oxfordshire, Wessex, and Mercia… », p. 58-59.
53 S. Keynes, « Alfred the Great… », p. 22-26; B. Yorke, Æthelred, Lord of the Mercians…, p. 7-13.
54 A. K. B. Evans, « Historical Evidence for the Anglo-Saxon Church and Medieval Abbey », dans D. J. Wilkinson, A. D. McWhirr éd., Circencester Anglo-Saxon Church and Medieval Abbey, Circencester, 1998, p. 14-18 (p. 14).
55 B. Yorke, Æthelred, Lord of the Mercians…, p. 7-13.
56 N. Howe, Migration and Mythmaking…, p. 33-71. Voir aussi E. Bennett, « The Construction of the Enemy in pre-Viking England », dans E. Bennett, G. M. Berndt, S. Esders, L. Sarti éd., Early Medieval Militarisation, p. 283-298.
57 B. Yorke, « The Kingdom of the East Saxons », Anglo-Saxon England, 14 (1985), p. 1-36 (p. 36).
58 ASC ACDE 825: « þy hi fram his magum ær mid unrihte anydde wæron ».
59 Annales Regni Francorum, s.a. 796 (éd. G. H. Pertz, F. Kurze, Hanovre, 1895, MGH SS rer. Germ. 6, p. 99-100). S. Airlie, « The Captains and the Kings: the Aristocracy in Charlemagne’s Reign », dans J. E. Story éd., Charlemagne. Empire and Society, Manchester, 2005, p. 90-102 (p. 94-95), discute du rôle d’Éric comme un élément de glorification de Charlemagne.
60 Voir C. Konshuh, « Constructing early Anglo-Saxon identity… », p. 166-168.
61 Sur le récit traditionnel de « l’arrivée des Saxons », voir N. Howe, Migration and Mythmaking…
62 S. Pearce, South-western Britain in the Early Middle Ages, Londres, 2004, p. 252-253.
63 ASC 877 ABE: « mycel yst » ; CD : « mycel myst ».
64 ASC ABCDE 891.
65 J. Baker, S. Brookes, Beyond the Burghal Hidage. Anglo-Saxon Civil Defence in the Viking Age, Leyde, 2013, surtout p. 269-333.
Haut de pageTable des illustrations
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Titre | Fig. 1. La Tamise et la frontière nord-ouest du Wessex |
Crédits | Données cartographiques : European Union Digital Elevation Model (EU-DEM), Service Copernicus de surveillance des terres de l’Agence européenne pour l’environnement [https://land.copernicus.eu/fr]. Données fluviales : Ordnance Survey. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/medievales/docannexe/image/12470/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 1,7M |
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Titre | Fig. 2. Rencontres militaires mentionnées dans la Chronique anglo-saxonne entre 495 et 592 |
Crédits | Données cartographiques : European Union Digital Elevation Model (EU-DEM), Service Copernicus de surveillance des terres de l’Agence européenne pour l’environnement [https://land.copernicus.eu/fr]. Données fluviales : Ordnance Survey. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/medievales/docannexe/image/12470/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 2,0M |
Pour citer cet article
Référence papier
Ryan Lavelle, « Guerre et genèse des frontières ouest-saxonnes du vie siècle d’après la Chronique anglo-saxonne (ixe siècle) », Médiévales, 84 | 2023, 101-120.
Référence électronique
Ryan Lavelle, « Guerre et genèse des frontières ouest-saxonnes du vie siècle d’après la Chronique anglo-saxonne (ixe siècle) », Médiévales [En ligne], 84 | printemps 2023, mis en ligne le 02 janvier 2025, consulté le 15 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/medievales/12470 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/medievales.12470
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