L’art de la guerre des populations baltes du xiiie au xve siècle : constances et innovations
Résumés
Du xiiie au xve siècle, l’art de la guerre des populations baltes a connu de profondes évolutions. Celles-ci, en partie, peuvent être reliées aux influences venues de la Pologne, de l’Ordre teutonique ou de la Horde d’Or. Nous dressons un panorama de ces évolutions ainsi que de leurs éventuelles origines, afin de mettre en lumière comment les interactions militaires et culturelles mènent à la transformation des techniques guerrières. Ainsi, par exemple, l’armée lithuanienne adopte-t-elle au fil des siècles une manière de guerroyer qui intègre des apports occidentaux (harnois blanc pour la chevalerie) ainsi que des apports orientaux (armures lamellaires et tactiques de harcèlement).
Plan
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Je souhaite remercier ici Victor Barabino et Hugo Fresnel, qui m’ont permis de participer à la journée d’études consacrée à ce thème.
- 1 S. Gouguenheim, Les Derniers Païens. Les Baltes face aux chrétiens (xiiie-xviiie siècles), Paris, (...)
- 2 Orthographe délibérée, destinée à différencier du pays contemporain l’entité politique médiévale e (...)
1Si l’expression « Guerriers du Nord » évoque spontanément l’imaginaire lié aux vikings, c’est-à-dire une certaine représentation des peuples scandinaves, leurs homologues du sud de la Baltique, avec lesquels ils furent en rapport permanent, pourraient également s’y intégrer – autant pour des raisons sociales que géographiques. Les populations baltes, encore méconnues en France, méritent un approfondissement de la recherche francophone à leur sujet, approfondissement qui a d’ailleurs été amorcé1. C’est leur histoire marquée par une forte dimension guerrière qui nous intéressera ici. Faiblement documentées, placées sous le regard de sources écrites extérieures, ces populations jouent un rôle central dans l’histoire de l’Europe orientale au Moyen Âge : songeons à la puissance et à l’étendue du grand-duché de Lithuanie2 à la fin du xive siècle. Compte tenu des difficultés inhérentes au sujet que nous allons aborder (complexité, sources), nous chercherons ici à dresser un tableau général et synthétique de l’art de la guerre de ces populations du xiiie au xve siècle. Ce faisant, nous prêterons une attention spécifique à leurs interactions avec d’autres peuples, aussi bien à l’est qu’à l’ouest, et aux influences que ces interactions eurent sur leur art de la guerre.
- 3 A. S Kibin, От Ятвязи до Литвы (Ot Iatviagi do Litwy), Moscou, 2014.
- 4 S. Gouguenheim, Les Derniers Païens…, p. 25-40.
2Définissons d’abord ces populations. Les Baltes sont un ensemble de peuples occupant, approximativement, les actuels pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie), l’enclave russe de Kaliningrad et le Nord de la Pologne actuelle, anciennement la Prusse orientale (Fig. 1). L’historien Aleksei Kibin a suggéré que leur culture, à l’instar de celle des Rus’, était marquée par une influence scandinave observable dès le xe siècle3. En outre, la linguistique et la culture matérielle mettent en évidence le mélange de ces populations baltes avec un substrat finno-ougrien, notamment en Livonie (Estonie et Lettonie actuelles), ainsi qu’avec des éléments germaniques et, surtout, slaves. Il s’agit donc d’une mosaïque de populations sans unité politique, que l’on peut grossièrement délimiter par la langue et une culture marquée d’apports slaves et scandinaves, comprenant d’importantes différences d’un peuple à l’autre4.
Fig. 1. Les Baltes dans l’Europe orientale du xiiie-xve siècle

© Sébastien Ginhoux, CRULH-Université de Lorraine, avec le soutien de la MSH Lorraine pour la numérisation.
3Par « art de la guerre », nous entendons les différentes dimensions que revêt l’activité militaire chez ces populations, au niveau proprement militaire (équipement, organisation, tactique et stratégie), mais également aux niveaux social et des mentalités. Ce sont ces différentes dimensions que nous chercherons à explorer ici, en se demandant quelle forme prend cet art de la guerre et ce qu’il nous révèle sur la société et les représentations des populations baltes.
4Nous conduirons notre réflexion en trois temps, avec tout d’abord un exposé rapide sur l’état de ces populations et leurs pratiques guerrières au début de notre période d’étude, puis en nous intéressant successivement aux rapports avec l’Ordre teutonique et le royaume de Pologne à l’ouest, à ceux avec les Rus’ et les Mongols à l’est et aux influences qui semblent en avoir procédé.
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- 11 Cronica seu Annales incliti Regni Poloniae, en ligne : [https://dlugosz.polona.pl/pl/roczniki/ioan (...)
5Les sources littéraires, assez nombreuses mais pauvres en informations, comprennent les écrits des auteurs de l’Ordre Teutonique – Pierre de Dusbourg5, Henri de Livonie6, Wigand de Marbourg7, Nicolas de Jeroszyn8, la Chronique rimée de Livonie9 –, ainsi que les chroniques russes, entre autres la Ipatevskaia Letopis, accessible dans l’édition des Polnoe Sobranie10. Ces éléments sont complétés par les sources polonaises, chroniques, annales et même diplômes, globalement peu détaillées, à l’exception notable de Jan Długosz (1415-1480)11, dont les œuvres ont fait l’objet d’une récente réédition en ligne. Nous tenterons de les compléter autant que faire se pourra par des sources archéologiques tirées de rapports de fouilles ou d’articles, tels les travaux d’Andrzej Nadolski ou de Manvydas Vitkūnas.
Les Baltes au début du xiiie siècle
6Commençons par dresser un tableau de ce qu’est l’art de la guerre des Baltes vers le milieu du xiiie siècle. Cela nous permettra de rendre évidents les changements et les traits constants, pour la période que nous étudions ici. Nous mettrons d’abord en avant la structure générale de l’armée, avant de nous intéresser à ses aspects pratiques, comme l’armement, puis à ses dimensions symboliques, avec le rôle joué dans ce contexte par la religion.
La structure de l’armée, reflet de celle de la société
- 12 A. Merkevičius, « Karyba Lietuvos teritorijoje žalvario amžiuje », Karo archyvas, 20 (2005), p. 8- (...)
- 13 M. Vitkūnas, « Baltų karybos viduriniame geležies amžiuje (v-viii a.) bruožai », Karo archyvas, 27 (...)
- 14 V. Žulkus, R. Jarockis, Vikingų laikai ir ikivalstybinis laikotarpis, Klaipėda, 2013 ; R. Dediala, (...)
- 15 Cela fait consensus parmi les historiens ayant travaillé sur la militarisation des sociétés baltes (...)
- 16 S. Gouguenheim, Les Derniers Païens…, p. 32.
- 17 Henri de Livonie, Cronicon Lyvoniae, I, 2-10 (Scriptores…, p. 1-3).
7La première question qui se pose est celle de la militarisation des sociétés baltes. La temporalité de ce processus de militarisation fait débat. Les datations proposées correspondent à l’Âge du bronze (xviie-vie siècle av. J.-C.), par exemple chez Algimantas Merkevičius12, à l’Âge du fer moyen (ve-ixe siècle apr. J.-C.), comme chez Manvydas Vitkūnas13, ou à l’Âge du fer tardif (xe-xiie siècle), comme le défend entre autres Vladas Žulkus14. Quoi qu’il en soit, la militarisation est avérée au début du xiiie siècle de notre ère. Par ailleurs, l’armée balte reflète l’organisation générale de la société au début du xiiie siècle, ce qui est encore sujet à débat. Faut-il parler de tribus, de peuples ou de clans, ces concepts eux-mêmes étant mouvants ? En tout cas, ces sociétés sont hiérarchisées, hiérarchies qui se retrouvent dans l’organisation militaire15. L’absence d’unité politique et territoriale des populations baltes pose des limites à leurs capacités guerrières. Les Pruthènes sont répartis en une dizaine de « tribus16 », la Lithuanie n’existe pas en tant qu’entité, et, selon Henri de Livonie17, la Livonie compte plusieurs « peuples » dont on ignore le nombre exact.
- 18 E. Gudavičius, « Lietuvių pašauktinės kariuomenės organizacijos bruožai », Karo archyvas, 13/1 (19 (...)
8Les modèles slaves et scandinaves auraient le plus influencé ce processus de militarisation. La suite guerrière, autour du chef, et la troupe des hommes libres, qui ont l’obligation de participer à la défense de la terre18, forment l’ossature de l’armée, que nous allons à présent examiner.
- 19 R. Dediala, « Kariaunos samprata… », p. 18.
- 20 S. Gouguenheim, Les Chevaliers teutoniques, Paris, 2007, rééd. 2013.
- 21 S. Gouguenheim, Tannenberg, 15 juillet 1410, Paris, 2012.
- 22 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 268.
- 23 S. Gouguenheim, Tannenberg…, p. 130.
- 24 Pierre de Dusbourg, Cronica…, III, 20 (Scriptores…, p. 62).
9Le chef d’une bande armée est généralement celui du groupe humain correspondant, malgré quelques exceptions19. Ses fonctions demeurent stables tout au long des xiiie et xive siècles. Tout d’abord, il prend les décisions sur le terrain et peut élaborer une stratégie en amont. Au milieu du xiiie siècle, les chefs pruthènes combattent aux côtés du duc Swantopolk de Poméranie20, un peu à la façon dont, en 1410, Witold (alias Vytautas), grand-duc de Lithuanie, et Jagellon, roi de Pologne, son cousin et souverain, préparent un mouvement coordonné de jonction des armées au début de la campagne21. Au-delà de la direction des opérations, c’est un impératif constant pour le chef de guerre que de participer aux combats, payant au besoin de sa personne. Tous les grands-ducs de Lithuanie le font, de Kęstutis ou Algirdas en 135422 à Witold en 141023, même si ce rôle peut s’avérer dangereux : Pierre de Dusbourg rapporte plusieurs cas où, chez les Pruthènes, la mort du chef entraîne la débandade de l’armée, comme en 1239, lors du siège du château de Balga24.
- 25 R. Dediala, « Kariaunos samprata… », p. 167.
- 26 E. Gudavičius, « Lietuvių pašauktinės… », p. 20-30.
- 27 Ibid., p. 54.
10Autour du chef s’articule une suite guerrière, qui constitue le noyau de l’armée balte et qui rappelle dans une certaine mesure la druzhina slave ou la hirð scandinave25. Il s’agit de guerriers liés personnellement à un chef de guerre. Leur émergence passerait par la professionnalisation progressive d’une frange de l’armée26. Avec le temps, les membres de ces suites tendent à se muer en une élite nobiliaire au sein du grand-duché de Lithuanie27.
- 28 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 274.
- 29 M. Pacholec, « Pruskie obrzędy religijno-magiczne sfery wojny », Pruthenia Yearbook, 5 (2010), p. (...)
11Les hommes libres, quant à eux, sont mobilisables essentiellement pour les campagnes défensives, attribution qu’ils conservent tout au long de la période. Suivant des modalités qui restent mal connues, ils pouvaient également être appelés, pour certains du moins, dans les raids offensifs au xiiie siècle28. Par ailleurs, les assemblées d’hommes libres semblent avoir eu un rôle, au moins chez les Pruthènes, dans la décision d’entrer en guerre29.
La guerre pratique : armement, tactique et stratégie
- 30 Pierre de Dusbourg, Cronica…, II, 8 (Scriptores…, p. 40-46).
- 31 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 279.
- 32 E. Gudavičius, « Lietuvių pašauktinės… », p. 6.
- 33 Ibid., p. 7.
- 34 Armure constituée de plaques rivetées sur un support de cuir ou de tissu épais.
- 35 P. Bugys, Armour in the Grand Duchy of Lithuania, thèse de doctorat, Université de Klaipeda, 2014.
- 36 Ibid., p. 25-28.
- 37 Ibid., p. 12.
12Au-delà de l’organisation militaire proprement dite, la guerre comprend une dimension pratique, pour ce qui concerne notamment l’armement et les questions tactiques et stratégiques. Dès le début de ce processus de militarisation, l’arme de base est la lance, comme l’indique Pierre de Dusbourg30. Elle peut, comme en Occident à la même époque, être employée aussi bien pour le combat rapproché que comme arme de jet31. Les armes de trait, quant à elles, ne comprennent au début de la période que l’arc, relativement peu employé ou, du moins, peu efficace : la Lithuanie engage, dès le xiiie siècle, des archers venus de la Rus’32. Malgré cela, sa puissance de tir reste inférieure à celle de l’Ordre : les archers sur les murs sont contraints à s’abriter sous les traits des Teutoniques33. Les membres des suites guerrières ont généralement un meilleur équipement : épées, boucliers et armures diverses. L’équipement défensif est très varié, rassemblant des armures lamellaires de métal ou de cuir bouilli, des armures de plates (à partir du xive siècle), des cottes de mailles ou des brigandines34 et des armures en écailles de poisson35. Les armures lamellaires semblent cependant plus nombreuses, sur la base des données archéologiques, aux xiiie et xive siècles36. Les casques de type Slonim, du nom d’une ville de l’oblast de Grodno, en Biélorussie actuelle, semblent au xiiie siècle les plus fréquents37.
- 38 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 270.
- 39 Rocznik Traski (Monumenta Poloniae Historica. Pomniki Dziejowe Polski, éd. A. Biełowski, t. 2, Lwó (...)
13Ces armées essentiellement composées de fantassins sont, au xiiie siècle, tournées vers des campagnes de pillage et des guerres plutôt défensives, d’embuscades et de guérilla. Les raids de pillage, à l’occasion desquels on prend aussi des captifs destinés à être vendus comme esclaves, font partie intégrante de l’économie des populations baltes, dès le xiiie siècle et jusqu’à la fin du xive38. Ces raids, exécutés rapidement sur des distances parfois importantes, au moins jusqu’à Lublin depuis l’Aukštaitija39, et bénéficiant de l’effet de surprise, posent cependant la question de l’usage du cheval, plutôt pour le déplacement que pour un usage militaire de la cavalerie, qui fait débat mais semble non avéré avant le début du xive siècle.
- 40 S. Gouguenheim, Les Chevaliers…, p. 167.
- 41 Chronicon Boguphali (Monumenta Poloniae…, t. 2, p. 588).
- 42 Annales de Swiętopełk (Monumenta Poloniae…, t. 3, Lwów, 1878, p. 75).
- 43 Johann de Czarnkow, Chronica Poloniae (Monumenta Poloniae…, t. 2, p. 674-675).
- 44 Annales de Petite Pologne (Monumenta Poloniae…, t. 3, p. 201).
- 45 Annales de Cujavie (Monumenta Poloniae…, t. 3, p. 212).
- 46 Livländisches Reimskronik…, v. 9978, p. 228.
14Conrad de Mazovie, en butte à ces raids, appelle les Teutoniques dans la région pour y faire face, et les installe sur la terre de Dobrzyń entre 1228 et 123040. Les chroniques polonaises évoquent ces raids récurrents, mais contiennent peu d’informations précises. Par exemple, l’attaque lithuanienne contre la Mazovie du 22 juin 1262 est rapportée dans la Chronicon Boguphali41 (du nom de l’évêque de Poznań) et dans les Annales de Swiętopełk42 ; le raid de 1376 l’est dans la Chronica Joannis de Czarnkow43, dans les Annales de Petite Pologne44 et dans les Annales de Cujavie45. Lors de ces campagnes, en cas de siège, comme le rappelle la Chronique rimée de Livonie, les Lithuaniens n’utilisent pas de tente, mais bâtissent des huttes de bois46.
- 47 M. Vitkūnas, G. Zabiela, Baltic Hillforts. Unknown Heritage, Vilnius, 2017.
- 48 Pierre de Dusbourg, Cronica…, III, 73 (Scriptores…, p. 92-93).
- 49 M. Vitkūnas, G. Zabiela, Baltic Hillforts…, p. 44-45.
- 50 Ibid., p. 45.
- 51 Ibid., p. 51.
15Les guerres défensives s’appuient sur la nature du terrain : boisé, marécageux, ce dernier se prête aux embuscades et à la guérilla, comme le rapportent les sources teutoniques. Quant aux forteresses des tribus pruthènes, leur maillage semble plutôt lâche, en lien avec leur répartition spatiale. Celles-ci sont pour l’essentiel bâties en bois, avec des palissades, des fossés et des portes fortifiées surmontées de tours, semblables aux forteresses polonaises du xie siècle, comme Poznań47, et aux forts scandinaves circulaires. Les chroniqueurs de l’Ordre mentionnent souvent les incendies de forteresses conquises, à l’exemple d’Alt-Welhau, fort construit en 1255 et pris la même année48. Ces forteresses sont généralement implantées sur des sites surélevés, et les murailles et tours sont faites de rondins de bois agencés49. Leur type idéal est certainement celui que suggèrent les fouilles menées sur le site de Tērvete, actuellement en Lettonie50. En Samogitie, trait particulier, les forts (qui ne sont guère différents des autres) sont généralement agencés par deux, séparés de quelques centaines de mètres51. Certains châteaux sont toutefois édifiés en brique, surtout à partir du xive siècle. Il ne semble pas y avoir eu d’innovation majeure dans la poliorcétique balte du xie au xive siècle. On peut vraisemblablement en déduire qu’une fois adossés à une organisation politique et à une armée adaptées, ces forts remplissaient leur fonction.
La guerre mystique : le rôle de la religion
- 52 S. Gouguenheim, Les Derniers Païens…, p. 264-265 ; M. Pacholec, « Pruskie obrzędy… », p. 69.
- 53 M. Pacholec, « Pruskie obrzędy… », p. 82.
- 54 Ibid., p. 71.
16Il nous reste à examiner la dimension symbolique et religieuse de la guerre. Le rôle de la religion est et reste primordial aussi longtemps que subsistent des Baltes polythéistes, c’est-à-dire jusqu’en 1386, et au-delà pour la Samogitie. Il consiste avant tout à prédire l’avenir : les guerriers ne semblent pouvoir déclencher une opération que si les présages leur sont favorables52. Le sacrifice de certains prisonniers, rapporté avec insistance par les sources occidentales, semble tenir lieu d’action de grâce en cas de victoire53. Les modalités de sélection des victimes, très ritualisées, semblent plaider plus en faveur de l’authenticité de ces allégations que de simples topoï littéraires, même si les deux ne sont pas strictement exclusifs. Cela s’inscrit dans une vision magique du monde, dans laquelle l’univers de la guerre est marqué par son lien avec la magie du sang : la fonction de la divination et des pratiques magiques est de s’assurer la faveur des dieux de la guerre, ce qui se retrouve dans la vaillance exigée du chef de guerre54, observable également dans les polythéismes slave et scandinave.
- 55 S. Gouguenheim, Les Derniers Païens…, p. 267.
17Sur le terrain, il semblerait que l’individu le plus haut placé dans la hiérarchie puisse interpréter les présages. Le chef de guerre le fait généralement lui-même. Il peut également remplir la fonction de sacrificateur, à l’exemple de Kęstutis, qui sacrifie un taureau lors de la signature d’un traité de paix avec le roi Louis de Hongrie55.
- 56 Ibid., p. 66 ; Pierre de Dusbourg, Cronica…, III, 4 (Scriptores…, p. 52).
18On trouve chez Pierre de Dusbourg le cas de l’appel à la guerre parmi les Galindiens lancé par une prophetissa. Celle-ci associe, dans le propos reconstitué par le chroniqueur, la défense de la religion de ce peuple à sa liberté et déclenche ainsi une guerre. L’événement est censé s’être déroulé plusieurs décennies plus tôt et semble mythique56. Même en admettant que ce ne soit ni un mythe, ni un topos littéraire, il s’agit d’un cas unique : impossible donc de conclure quoi que ce soit quant à la capacité des spécialistes du sacré à déclencher une guerre, sans parler des possibles mésinterprétations de pratiques polythéistes par un auteur chrétien.
- 57 À ce sujet, voir entre autres : B. Dumézil, Les Racines chrétiennes de l’Europe. Conversion et lib (...)
19Les Baltes auraient un rapport contractuel à leurs dieux, au sens où ils se rallieraient au dieu le plus fort et attendraient le soutien de celui-ci en retour de leurs prières et de leurs offrandes. De plus, ils ne réfuteraient pas l’existence du Dieu des chrétiens et se borneraient à le percevoir comme un parmi d’autres. En cas de défaites successives, ils pourraient donc être amenés à embrasser la foi chrétienne, non par foi à proprement parler, mais parce que le Dieu des chrétiens se serait avéré plus puissant que les leurs. Ces traits tendent à rapprocher les Baltes de nombreuses autres populations polythéistes, comme les populations germaniques, slaves et scandinaves du premier millénaire et du début du second57.
- 58 S. C. Rowell, Lithuania Ascending. A Pagan Empire within East-central Europe, 1295-1345, Cambridge (...)
- 59 S. Gouguenheim, Les Chevaliers…, p. 189-195.
20Bien entendu, quelle que soit la religion des voisins, celle-ci n’est jamais un obstacle aux alliances et se plie finalement aux lois de la Realpolitik. Ainsi, par exemple, l’archevêque de Riga fait-il appel aux Lithuaniens pour le protéger contre les Teutoniques en 129858. De même, l’Ordre s’appuie sur divers chefs locaux des tribus pruthènes tout au long du xiiie siècle59.
Vers l’Occident : l’influence de l’Ordre teutonique et de la Pologne
L’Ordre et la Prusse
- 60 Ibid., p. 167.
- 61 Ibid., p. 195-198.
21Nous allons à présent étudier les rapports des Baltes avec les puissances situées à l’ouest et les influences et innovations qui seraient susceptibles d’y être liées. À l’aube du xiiie siècle, deux nouveautés majeures font irruption dans la région : l’Ordre des Porte-Glaive s’implante en 1207 en Livonie et l’Ordre Teutonique en 1230 sur la terre de Culm60. Le second absorbe le premier en 1237, après la bataille de Šiauliai (1236). Ces institutions, créées ad hoc (dans le cas des Porte-Glaive) ou transplantées dans la région (pour les Teutoniques), subjuguent progressivement les tribus baltes de Prusse et de Livonie, processus qui s’étend jusqu’en 1280, à la fin de la seconde révolte pruthène61.
- 62 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 272.
- 63 S. C. Rowell, Lithuania Ascending…, p. 49-81.
22Les rapports guerriers sont de deux types principaux : successions de conquêtes et de révoltes au long du xiiie siècle en Prusse, puis Reisen bisannuelles au xive en Lithuanie, auxquelles répondent des raids réguliers de la part des Lithuaniens (quarante-deux entre 1345 et 1377)62. Les principales causes du processus de formation du grand-duché de Lithuanie qu’on évoque habituellement sont les dynamiques dynastiques internes, l’influence du modèle royal occidental et la pression militaire apparue aux frontières (Ordre, Horde d’Or, principautés rus’)63. Au terme de ce processus, soit à partir des années 1280, c’est la dynastie gediminide – du nom du grand-duc Gediminas (vers 1275-1341), issue de la Maison de Pūkūveras – qui s’impose sur le trône grand-ducal.
- 64 Ibid., p. 234-237.
23Les Reisen et raids qui leur répondent sont des campagnes de pillage plutôt que de conquête. L’élan conquérant de l’Ordre est considérablement fragilisé au xive siècle par l’émergence de la puissance polonaise et, surtout, d’une authentique puissance lithuanienne. Outre ces raids, ont lieu de part et d’autre de véritables campagnes militaires, parfois sur de longue distance comme celle qui conduit les troupes lithuaniennes au Brandebourg en 132664. Cependant, quand bataille il y a, la victoire reste le plus souvent à l’Ordre, comme à Rudau en 1370. Les principales défaites rapportées par les sources teutoniques se produisent dans le cadre d’embuscades. La dissymétrie entre embuscades et batailles rangées, ainsi que l’expansion vers l’est, tendraient à montrer moins la faiblesse de l’appareil militaire des Baltes que la force de celui de l’Ordre. Mentionnons à titre de contre-exemples que les Baltes ont pu emporter la victoire dans certaines batailles rangées, comme en 1236. La défaite n’est donc pas une règle générale : les Baltes sont capables de fournir un effort de guerre suffisant pour bousculer les Ordres occidentaux.
- 65 Ibid., p. 231.
- 66 Ibid., p. 234-237.
24Enfin, le mercenariat se généralise au long du siècle : au-delà d’alliances de circonstance, les guerriers lithuaniens sont régulièrement employés, contre subsides, par les puissances chrétiennes. Le meilleur exemple en est la garnison lithuanienne entre les mains de laquelle l’archevêque de Riga remet sa sécurité contre la menace qu’exercent les Teutoniques eux-mêmes65. En outre, les Lithuaniens lancent des actions de longue distance, comme l’attaque contre le Brandebourg en 1326 : les forces lithuaniennes sont alors dotées d’un sauf-conduit du roi de Pologne Ladislas Łokietek afin de leur permettre de traverser ses terres. Le corps expéditionnaire ne comprend d’ailleurs pas seulement des Lithuaniens, mais aussi des Polonais66.
25Le développement de telles opérations et de telles formations militaires met en évidence la capacité des Baltes à s’agréger à d’autres armées, à agir en coopération avec elles et à assimiler leurs manières de faire au sein d’armées multiethniques. La pratique du mercenariat par le grand-duché, aussi bien en tant qu’employeur qu’en tant qu’employé, est sans doute un des meilleurs signes de cette capacité à agir en concertation.
La genèse guerrière du grand-duché de Lithuanie
- 67 D. Dąbrowski, Daniel Romanowicz Król Rusi, biografia polityczna, Cracovie, 2021.
- 68 E. Gudavičius, « Lietuvių pašauktinės… », p. 27.
26Ces dynamiques militaires conduisent notamment au développement de l’État lithuanien. La genèse et l’extension du grand-duché se font sous les auspices de la guerre, depuis Mindaugas jusqu’à Jagellon. La formation d’un royaume chrétien de Lithuanie sous la direction du premier, en 1253, s’inscrit dans le cadre de la politique militaire du pape Innocent IV, qui établit alors un glacis face à la nouvelle puissance de l’Empire mongol67. À ce stade, l’armée lithuanienne compte une force spécialisée, autour de Mindaugas, de quelques centaines d’hommes68, et une masse d’hommes libres soumis à un devoir de défense.
- 69 Ibid., p. 31.
- 70 Ibid., p. 41-42.
- 71 Ibid., p. 33.
- 72 S. Gouguenheim, Les Derniers Païens…, p. 162.
27Le rôle des premiers tend à s’accroître au long du xive siècle, tandis que les seconds se trouvent progressivement désarmés et cantonnés à des obligations militaires indirectes, comme l’entretien des châteaux69. Les grands-ducs sont alors poussés à renforcer la structure militaire de l’État, notamment au niveau de l’organisation hiérarchique des provinces. Les hommes libres restent susceptibles d’être appelés aux armes, sous la direction du représentant local du pouvoir grand-ducal, le voïvode70. Selon Edvardas Gudavičius, le xive siècle voit se développer une forme de noblesse, avec une tendance à la patrimonialisation des terres octroyées par le grand-duc71. L’efficacité militaire de l’armée lithuanienne et la subtilité de la politique des grands-ducs conduisent à une extension majeure du grand-duché vers l’est et le sud-est, au détriment des principautés rus’. La structuration progressive de l’État lithuanien se fait également sous l’influence de la Pologne et de l’Ordre. L’occupation de l’espace, du moins dans le cœur de la Lithuanie, en Aukštaitija, semble inspirée du modèle teutonique des commanderies, avec l’association de lieux du pouvoir grand-ducal et de lieux de culte72.
- 73 E. Gudavičius, « Lietuvių pašauktinės… », p. 34.
28De la même manière, l’affirmation du statut de chevalier, comme équivalent de celui de baron, se fait sur le modèle polonais73. Par la suite, avec l’Union de Krewo (1386) puis le traité de Horodło du 2 octobre 1413, l’adoption massive des nobles lithuaniens au sein des clans nobiliaires polonais, marquée notamment par l’octroi des blasons polonais aux familles lithuaniennes, tend à homogénéiser deux élites sociales qui restent différentes, formant ainsi l’armature d’une entité politique commune. Du point de vue de l’organisation sociale, au moins parmi les élites, l’Union avec la Pologne est un élément majeur et déterminant.
Les évolutions de l’armement
- 74 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 274.
- 75 S. Ekdahl, « Horses and Crossbows: Two Important Warfare Advantages of the Teutonic Order in Pruss (...)
- 76 E. Gudavičius, « Lietuvių pašauktinės… », p. 6.
- 77 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 279-280.
29En deux siècles, l’armement connaît d’importantes évolutions venues de l’Ouest. Dès le xiiie siècle, les Baltes adoptent l’arbalète, qui devient dominante au détriment de l’arc vers le début du xive74. Cette adoption marque une adaptabilité des Baltes : Sven Ekdahl avait montré combien l’arbalète était, initialement, un avantage militaire de l’Ordre75. Les mercenaires rus’ continuent cependant à remplir la fonction de gens de trait dans l’armée lithuanienne76. Sur des sites de bataille, comme Alt-Wartenburg, on retrouve massivement des pointes d’arbalètes de deux types : à enveloppement ou à pointe77. La tendance consiste à remplacer les secondes par les premières. Au point de vue de la puissance de feu, l’équilibre des forces est en partie rétabli.
- 78 Pierre de Dusbourg, Cronica…, III, 20 (Scriptores…, p. 92-93).
- 79 E. Gudavičius, « Lietuvių pašauktinės… », p. 66.
30Au xiiie siècle, les Pruthènes apprennent à employer les machines de guerre, évolution qui se confirme au xive siècle dans le grand-duché. L’une des premières mentions se situe chez Pierre de Dusbourg, en 1243 : les Pruthènes construisent des machines pour assiéger une forteresse, mais le chroniqueur n’en précise pas le type78. La présence de Swantopolk de Poméranie à leurs côtés suggère que, peut-être, ce sont les hommes du duc qui sont à l’œuvre : on ne saurait encore conclure à l’acquisition de compétences poliorcétiques par les Pruthènes. Lors de la Seconde Apostasie (1260-1274), on voit parfois les révoltés utiliser des machines pour assiéger les forteresses teutoniques, sans grand succès. Par la suite, les armées lithuaniennes en font régulièrement usage, ce qui permet d’affirmer que, sur le long terme, les machines de siège deviennent une composante des armées baltes, malgré le faible nombre d’artilleurs79.
- 80 S. Gouguenheim, Les Chevaliers…, p. 469 ; Id., Tannenberg…, p. 70.
- 81 S. Gouguenheim, Tannenberg…, p. 35.
- 82 P. Bugys, Armour in the Grand Duchy…, p. 21.
- 83 L. Pósán, « Ritterkultur im spätmittelalterlichen Litauen », dans A. Bárány, I. Orosz, K. Papp éd. (...)
- 84 S. Gouguenheim, Les Derniers Païens…, p. 84.
31Au concile de Constance, entre 1414 et 1418, le procureur de l’Ordre accuse les Polonais d’avoir appris aux Lithuaniens à se battre en « harnois blanc80 », c’est-à-dire en armure de plates occidentale – il s’agit de désigner l’usage de la cavalerie lourde sur le modèle occidental dans les rangs lithuaniens. Cette accusation est tout à fait intéressante, au sens où elle met en lumière l’adoption par une frange au moins de la population armée lithuanienne de techniques occidentales, selon l’Ordre sous l’influence de la Pologne, à partir de l’Union. L’interaction profonde entre élites polonaises et lithuaniennes va dans le sens d’un lien plus étroit entre elles, matérialisé peut-être par la rencontre entre Jagellon, Vytautas et le vice-chancelier polonais Mikołaj Trąba à Brzeszcz du 30 novembre au 7 décembre 1409, rencontre dédiée à l’orchestration de la campagne de 141081. Pour autant, cette évolution technique débuterait dès le règne de Gediminas, voire avant. Les traces archéologiques de l’usage de harnois blancs sont assez rares, d’autant que les pièces exposées dans les musées lithuaniens sont essentiellement des imitations postérieures, mais ne sont pas pour autant inexistantes82. Pierre de Dusbourg mentionne les armures rutilantes au soleil des Pruthènes, la cour de Gediminas est considérée comme un lieu de valeurs chevaleresques, Kęstutis est un modèle de chevalerie83. La Chronique rimée de Livonie, elle aussi, décrit les armures des païens en des termes identiques à celles des chrétiens. Là encore, il semblerait qu’une partie au moins des guerriers et notamment de la noblesse balte, surtout lithuanienne, ait pu adopter l’équipement défensif occidental après avoir été confrontée à son efficacité. Se pose alors la question des modalités d’acquisition de telles armures. On peut affirmer, quoiqu’avec prudence, qu’il s’agit dans un premier temps d’importations et de prises de guerre. Par la suite, le savoir-faire correspondant se serait développé sur place, mais dans des modalités et une temporalité qui restent encore à établir avec précision. L’appel de Gediminas de 1323 aux artisans allemands peut correspondre, aussi, au souci de développer la production militaire du grand-duché84.
Les évolutions stratégiques et tactiques
- 85 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 275.
- 86 Ibid., p. 264.
- 87 A. Nikżentaitis, « xiii-xv a. Lietuvių kariuomenės bruožai (organizacijos, taktika, papročiai) », (...)
32Au niveau stratégique et tactique, plus exactement à l’interface entre ces deux niveaux, une évolution tout à fait majeure se produit : l’étendue et la rapidité des raids lithuaniens suggèrent l’adoption dès le début du xive siècle d’un modèle d’infanterie « hippoportée85 », à l’instar des armées occidentales. L’exemple du raid mené sur Alt-Wartenburg86, en 1354, au cœur des terres de l’Ordre, est parlant à cet égard : les armées offensives, souvent composées de nobles tenus d’y participer avec leur suite immédiate, sont constituées de fantassins montés, très mobiles. La cavalerie lourde et légère se développe également dans le même temps : des détachements de cavalerie sont employés en tant que tels dès 131087. Les captifs d’Alt-Wartenburg sont massacrés sur place, la cité brûlée, le pillage limité, sans doute dans le but de repartir avant l’intervention d’une armée teutonique. Je crois que l’on peut même proposer une datation antérieure pour le développement du déplacement équestre de fantassins, malgré l’absence à ma connaissance de traces archéologiques directes : des raids rapides de très longue distance sont menés par les Pruthènes dès le xiiie siècle, et nous avons donné plus haut l’exemple de celui sur Lublin.
- 88 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 270.
- 89 Ibid., p. 272-273.
33À Alt-Wartenburg, les captifs sont massacrés, le pillage limité. Il s’agit d’une exception, sans doute motivée par le fait que l’armée lithuanienne s’est enfoncée très profondément dans les terres de l’Ordre : emmener des captifs la ralentirait et risquerait de conduire à son interception par les forces teutoniques. La stratégie s’oriente habituellement vers des expéditions de pillage, dans les terres de l’Ordre, afin de prendre butin et captifs, expéditions qui participent de l’économie lithuanienne dans la tradition des guerres de pillage88. Face aux Reisen, la Groꞵe Wildnis (« grande contrée sauvage ») forme la meilleure défense : les Lithuaniens et notamment les Samogitiens cherchent à éviter la bataille, abandonnent les villages, quand ils le peuvent, et s’enfuient dans les forêts. Au xive siècle, lorsque les grands-ducs affrontent l’Ordre en bataille rangée, cela se termine généralement par une défaite : le règne d’Algirdas et de Kęstutis est marqué par plusieurs campagnes soigneusement orchestrées s’achevant sur des défaites écrasantes, comme en 1348 à Strėva ou en 1370 à Rudau-Mielnikovo89. Cela ne se reproduit pas, cependant, sur le front de l’est : les Lithuaniens vainquent les Rus’ à plusieurs reprises, Algirdas assiège même Moscou en 1368 et 1370. Cela montre la puissance lithuanienne.
34En outre, dès la fin du xiiie siècle, les Lithuaniens se retrouvent insérés pleinement dans la géopolitique est-européenne, s’inscrivant dans les jeux d’alliance, sur le front de l’est aussi bien qu’à l’ouest, où ils se trouvent en rapport avec les ducs polonais, l’archevêque de Riga et l’Ordre, se rangeant dans l’un ou l’autre camp au gré des opportunités stratégiques et financières.
- 90 S. Gouguenheim, Tannenberg…, p. 40.
35La campagne de 1410, enfin, mérite une attention particulière, parce qu’elle montre la capacité des armées lithuaniennes à coordonner leur action avec d’autres armées et à adapter leur mode de combat. À cette occasion, le roi de Pologne Ladislas Jagellon et son cousin Witold, grand-duc de Lithuanie, mènent leurs armées sur le champ de bataille de Grunwald, après une opération de jonction parfaitement maîtrisée, et l’éclatante victoire de Grunwald témoigne de la capacité d’action de ces deux armées en synergie. Dans le cadre de la campagne de 1410, l’armée coalisée aligne une artillerie à poudre et se révèle capable de construire un pont de bateaux sous la direction d’un certain « maître Iaroslav90 ». L’effort stratégique menant à la jonction des deux armées met en lumière l’organisation et la discipline de l’armée lithuanienne, égale à celles des autres armées du temps. De même, les bombardes n’effraient pas les guerriers rassemblés par Vytautas. C’est un degré de préparation et d’organisation très élevé qui apparaît dans les sources relatant la campagne de 1410, notamment la Cronica conflictus, la plus contemporaine d’entre elles.
Vers l’Orient : l’influence rus’ et mongole
L’expansion de la Horde d’Or
- 91 S. C. Rowell, Lithuania Ascending…, p. 41-80.
- 92 F. M. Šabuldo, « Lietuvos ir Ordos kondominiumas Ukrainos žemėse xiv a. », Lietuvos istorijos metr (...)
36Les contacts des populations baltes avec les puissances orientales, telles que les principautés rus’ et, surtout, la Horde d’Or, donnent lieu à d’autres échanges et à d’autres influences. À l’est, l’irruption des Mongols en 1241 modifie considérablement les rapports de force locaux, au détriment des principautés rus’. Cela permet aux Lithuaniens de s’étendre vers l’est et le sud, notamment par la mise en place de princes issus de la dynastie gediminide dans les cités rus’91. Ce faisant, un vaste espace entre sous la domination souple des grands-ducs de Lithuanie, parfois dans des modalités extrêmement originales : c’est le cas de Kiev, placée sous une forme de condominium entre Lithuaniens et Mongols92.
37Ce processus d’expansion lithuanienne met le grand-duché en contact de plus en plus direct avec la Horde et ses techniques de guerre, à tel point qu’à la fin du xive siècle un grand-duc comme Vytautas se sentait assez sûr de sa puissance pour intervenir dans les affaires internes des Mongols, par exemple lors de l’expédition qui aboutit à la désastreuse bataille de la Worskla en 1399. Ces contacts multiples, globalement pacifiques jusqu’à la fin du siècle, nourrissent de nombreux et considérables échanges, aussi bien avec les principautés rus’ qu’avec les Mongols. La politique générale des grands-ducs semble d’ailleurs s’inspirer, en partie du moins, de celle des Mongols, avec laquelle elle est en interaction constante. En effet, à l’instar des khans de la Horde d’Or, les Gediminides cherchent à étendre progressivement leur influence à l’aide d’un subtil mélange de force armée et de diplomatie, en s’efforçant de contenir les voisins trop puissants sans trop se compromettre dans des actions directes contre eux : ainsi en va-t-il du condominium sur Kiev évoqué plus haut, établi progressivement à la faveur de l’affaiblissement de la Horde d’Or, ou des opérations d’Algirdas contre Moscou, au moment où Dimitri Donskoï semble s’affranchir de la puissance mongole.
Les évolutions dans l’armement et la composition de l’armée
- 93 I. Lebedynsky, La Horde d’Or, Paris, 2013 ; S. Berger, « L’Empire mongol : un État nomade », dans (...)
- 94 S. Gouguenheim, Tannenberg…, p. 94.
- 95 S. Belch, « Paulus Vladimiri and his Doctrine Concerning International Law and Politics », Revue d (...)
38L’armée est particulièrement concernée, dans son organisation générale, par ces modèles. Au sein de l’armée lithuanienne sont intégrés des contingents rus’ et mongols, dont on peut se demander s’ils ne sont pas calqués sur le modèle imposé par les Mongols aux vaincus. Ceux-ci imposent en effet une obligation militaire aux peuples vaincus, intégrant à leurs armées des contingents spécialisés issus de chaque peuple assujetti, au même titre qu’un tribut93. Ces groupes, cependant, à l’instar de ceux qui se battent lors de la campagne de 1410, ne se distinguent pas fondamentalement des Lithuaniens proprement dits. Dans les sources écrites, la différence ne paraît pas évidente. Pourtant, lorsqu’il s’agit de justifier un événement gênant, ces auxiliaires sont les premiers visés. Lors du sac de Dąbrówno, en 1410, les Tatars sont désignés comme responsables par Jagellon et ses conseillers, servant pour ainsi dire de « barbares de service94 ». La critique se reportant sur l’existence même de tels alliés, un penseur tel que Paul Vladimir (v. 1370-1435) aura à cœur de défendre le droit de s’allier à des infidèles pour combattre des chrétiens si ceux-ci sont injustes95.
- 96 S. Gouguenheim, Tannenberg…, p. 35.
- 97 I. Lebedynsky, La Horde d’Or…, p. 49-54.
- 98 E. Gudavičius, « Lietuvių pašauktinės… », p. 61.
39En 1410, les Tatars accompagnant l’armée polono-lithuanienne sont placés sous la direction du chef de guerre Jalal-ad-Din96. Il peut s’agir ici de transfuges de la Horde d’Or, alors en proie à des conflits internes97. N’oublions pas, cependant, qu’à la fin du xive siècle Vytautas ramène de ses campagnes vers le sud-est des Tatars, implantés ensuite dans le grand-duché dans le respect de leurs structures sociales originelles et soumises à une obligation militaire spécifique : fournir cinq cents cavaliers au grand-duc98. Ce contingent mongol, présent lors de la bataille de Grunwald, peut donc avoir été formé aussi bien de forces venues de Crimée avec le khan Tokhtamish (1342-1406) que du contingent règlementaire de Tatars – voire d’un mélange des deux.
- 99 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 275.
- 100 Ibid., p. 275-276.
- 101 P. Bugys, Armour in the Grand Duchy…, p. 12 et 25.
40Les apparences ne permettent pas d’établir une césure nette dans les sources – du moins celle-ci n’est-elle pas apparente. En effet, une partie des élites lithuaniennes, dans l’Est du grand-duché, se convertit à la mode et aux techniques guerrières des Mongols99, développant ainsi la cavalerie légère et adoptant leur mode et leur armement : arc, sabre, caftan (tunique longue). D’une manière plus générale, ce style de combat inspire la cavalerie lithuanienne qui se construit au fil du siècle, mêlant des contingents légers à la mode mongole et d’autres plus lourds, équipés à l’occidentale. Les Lithuaniens témoignent d’une grande capacité d’adaptation aux adversaires qu’ils rencontrent et d’une grande perméabilité à leurs apports, notamment militaires, si bien que l’armée dans son ensemble s’en trouve d’autant plus polyvalente100. Cela s’observe dans l’armement, avec l’apparition dans l’archéologie de casques et d’armures lamellaires conçus selon un modèle probablement importé des steppes. Le poids de ces innovations est cependant difficilement mesurable101.
Des innovations tactiques ?
- 102 S. Gouguenheim, Tannenberg…, p. 112.
- 103 S. Ekdahl, « Die “Flucht der Litauer” in der Schlacht bei Tannenberg », Zeitschrift zur Östforschu (...)
41Étudions à présent un cas particulier, celui de la bataille de Grunwald, qui nous permettra de réfléchir à la question des innovations tactiques. Sur le champ s’opposent les forces teutoniques, renforcées de batailles d’« invités », les Gäste, des chevaliers venus volontairement soutenir l’œuvre pieuse de l’Ordre, et de mercenaires. Ceux-ci sont traditionnellement placés sur le flanc gauche de l’armée, sous la bannière de saint Georges102. Face à eux, une armée coalisée, comprenant des Polonais, des Lithuaniens, des contingents rus’ et mongols et de nombreux mercenaires, fait face à la ligne teutonique. À l’aile droite, face aux Gäste donc, sont placées les forces lithuaniennes et tatares. Au moment où le combat s’engage, une partie de l’aile droite coalisée cède dès le premier choc et se débande. Immédiatement, les chevaliers de l’aile gauche teutonique se lancent à la poursuite des fuyards, sûrs de la victoire. C’est alors que des forces gardées en réserve, soutenues par les forces en fuite reformées, encerclent, isolent et neutralisent ces poursuivants avant de se retourner contre le gros de l’armée teutonique alors engagé contre la ligne polonaise. Les historiens ont longuement débattu, dans la suite de l’incertitude créée par les sources principales (Jan Długosz et la Cronica conflictus), afin de déterminer s’il s’agissait d’une fuite feinte ou d’une fuite authentique. Sven Ekdahl ajouta au dossier une lettre écrite par un officier de l’Ordre, montrant le caractère délibéré de cette fuite et, en fin de compte, sa nature tactique103.
- 104 A. Nikżentaitis, « xiii-xv a. Lietuvių kariuomenės… », p. 17.
42Il s’agit là d’une tactique extrêmement répandue parmi toutes les armées de cavalerie légère, coutumières des formations mobiles chargées de harceler l’ennemi, au premier rang desquelles les Mongols. On peut évidemment se demander si ce sont des forces lithuaniennes ou les contingents mongols qui sont à l’origine de ce mouvement. L’ensemble des relations de la bataille semble parler nettement en faveur des premières. De ce fait, nous pouvons déduire l’adoption de tactiques mongoles, et non seulement d’armement, par les Lithuaniens. Cela semble logique par ailleurs et concorde avec les sources archéologiques mettant en évidence l’adoption de l’armement de ces peuples. L’idée que ce cas serait unique est mise en cause, à raison sans doute, par l’historien lituanien Alvydas Nikżentaitis, qui estime que la fuite feinte était une stratégie lituanienne de longue date, déjà employée cent ans avant Grunwald104. Il reconnaît que l’apparition d’escadrons de cavalerie lithuaniens n’interviendrait que vers le début du xive siècle, mais considère que, dès le xiiie siècle, les Baltes utilisaient de telles tactiques pour briser les formations militaires teutoniques. Si le raisonnement paraît solide, l’absence d’unités de cavalerie permanentes dans les armées baltes du xiiie siècle semblent rendre très difficile l’obtention du niveau d’entraînement et d’organisation nécessaire à orchestrer une fausse fuite, dans le cadre du moins d’une bataille rangée. Si l’emploi de contingents d’infanterie isolés afin d’attirer l’ennemi dans une embuscade paraît probable, on ne peut pas le considérer comme un équivalent de la tactique de la fuite feinte, qui nécessite une bonne compréhension du champ de bataille et de la mentalité de l’ennemi, ainsi qu’une certaine dose d’entraînement. Je serais donc tenté d’attribuer la généalogie de cette stratégie plutôt à un emprunt aux Mongols qu’à l’adaptation d’une tactique ancienne et déjà employée par des armées de fantassins reposant sur la mobilisation de troupes peu expérimentées. Il ne s’agit pas de faire de la fuite de Grunwald un cas unique, mais simplement un exemple d’un usage pertinent d’une tactique spécifique nécessitant une très grande coordination – plus grande que pour des fantassins.
- 105 S. Ekdahl, « Die “Flucht der Litauer”… », p. 17.
43Une seconde question peut être soulevée : les chefs de guerre coalisés, Jagellon, Vytautas et les principaux nobles, ont-ils prévu cette manœuvre ? Cela semble tout à fait possible. En effet, cela constituerait une solide raison expliquant la disposition des forces coalisées avec, comme par un fait exprès, les forces lithuaniennes, adaptées à la mise en place d’une telle stratégie, précisément face à l’aile de l’armée teutonique dans laquelle sont traditionnellement rassemblés les guerriers les plus susceptibles de « tomber dans le panneau », car tout à fait ignorants de ces pratiques. La performance stratégique que représente la campagne dans son ensemble incite à prendre au sérieux les compétences de Vytautas et de Jagellon. Je serais donc enclin à considérer que l’agencement de leur ligne de bataille n’est pas dû au hasard mais à une intention, reposant elle-même sur une connaissance des traditions de l’Ordre, exploitées contre lui. Rappelons que la lettre qu’a exhumée Sven Ekdahl montre que les membres de l’Ordre connaissaient cette tactique, qui avait sans doute déjà été employée contre eux105.
44Ce qui émerge de mon propos, c’est d’abord et avant tout l’extraordinaire souplesse des Baltes, leur capacité à adopter des techniques et des outils étrangers, à innover dans leur rapport à la guerre afin d’être à même de se mesurer aux ennemis qu’ils rencontrent durant leur expansion. Les tribus de Prusse elles-mêmes, bien qu’elles se soient avérées incapables de faire face, à terme, à l’Ordre Teutonique, ont prouvé leur capacité à se mobiliser contre lui et à adopter certains de ses apports : on les voit utiliser des arbalètes dès le milieu du xiiie siècle et, plus important, construire et utiliser des machines de siège contre les châteaux édifiés par l’Ordre. Leur échec final tient moins à l’absence d’innovations militaires qu’à la lenteur des évolutions politiques qui auraient permis de constituer un « grand-duché de Pruthénie » – qui restera bien sûr pour toujours une fiction. Quant à la Lithuanie, son accession au statut de grande puissance régionale passe en grande partie par sa capacité à adopter les structures militaires et politiques les plus efficaces qu’elle trouve chez ses voisins, tout en les métissant avec des caractéristiques propres, faisant la preuve d’une très grande adaptabilité.
- 106 S. Gouguenheim, Les Derniers Païens…, p. 341-346.
45Cette souplesse extraordinaire est très certainement à rattacher à certains traits des mentalités : le polythéisme induit une certaine ouverture à la multiplicité, à l’altérité, pouvant favoriser une certaine perméabilité aux apports extérieurs. En outre, le polythéisme balte semblant fonder un rapport ouvert, non dogmatique, fondé sur l’efficacité, aux dieux et au monde106, il peut apparaître comme un élément explicatif de la capacité qu’eurent ces populations à intégrer des nouveautés politiques et militaires à leurs modèles de fonctionnement.
Annexe
Souverains du grand-duché de Lithuanie (xiiie-xve siècle)
Mindaugas (1238-1263) | |
Période de troubles | |
Treniota (1263-1265) | |
Vaišvilkas (1265-1267) | |
Švarnas (1268-1269) | |
Traidenis (1270-1282) | |
Daumantas (†1285) | |
Gaudemantė (†1288) | |
Maison de Pukuveras | |
Pukuveras (1288-1295) | |
Vytenis (1295-1315) | |
Gediminas/Gedymin (1315-1341/42) | |
Jaunutis (1342-1345) | |
Kęstutis/Kiejstut (1337-1382) | |
Vytautas/Witold (1392-1430) | |
Algirdas/Olgierd (1345-1377) | |
Jogaila/Jagiełło [Jagellon] (1382-1434) |
46D’après S. C. Rowell, Lithuania Ascending. A Pagan Empire within East-central Europe, 1295-1345, Cambridge, 1994, rééd. 2014.
Notes
1 S. Gouguenheim, Les Derniers Païens. Les Baltes face aux chrétiens (xiiie-xviiie siècles), Paris, 2022.
2 Orthographe délibérée, destinée à différencier du pays contemporain l’entité politique médiévale et à englober celle-ci dans son entier. Pour les noms de personnes, nous choisirons l’orthographe française, lorsqu’elle existe, ou celle de la langue originale.
3 A. S Kibin, От Ятвязи до Литвы (Ot Iatviagi do Litwy), Moscou, 2014.
4 S. Gouguenheim, Les Derniers Païens…, p. 25-40.
5 Auteur d’une Cronica Terre Prussie, achevée en 1326, sur les guerres de l’Ordre au xiiie et au début du xive siècle : Pierre de Dusbourg, Cronica terre Prussie (Scriptores rerum Prussicarum : die Geschichtsquellen der preussischen Vorzeit bis zum Untergange der Ordensherrschafft, vol. I, éd. T. Hirsch, M. Töppen, E. Strehlke, Leipzig, 1861).
6 Mort en 1259, auteur d’un Cronicon Lyvoniae, achevé en 1227, sur la conquête de la Livonie par les Porte-Glaives : Henri de Livonie, Cronicon Lyvoniae (Heinrici Chronicon Lyvoniae, éd. G. H. Pertz, Hanovre, 1874 [MGH SS rer. Germ., 31]).
7 Membre de l’Ordre, mort en 1409, auteur d’une Preussische Reimchronik couvrant la période 1293-1394 : Wigand de Marburg, Preussische Reimchronik (Scriptores rerum Prussicarum…, vol. II, 1863).
8 Mort en 1341, auteur d’une chronique rimée : Nicolas de Jeroszyn, Di Kronike des Pruzinlant (Scriptores rerum Prussicarum…, vol. I).
9 Livländische Reimchronik, qui couvre la période 1180-1343 (Livländische Reimchronik mit Anmerkungen, éd. L. Meyer, Paderborn, 1876).
10 Éd. établie à partir du xixe siècle. Les nombreux volumes sont disponibles en ligne : [http://psrl.csu.ru].
11 Cronica seu Annales incliti Regni Poloniae, en ligne : [https://dlugosz.polona.pl/pl/roczniki/ioannis-dlugossi-annales-seu-cronicae-incliti].
12 A. Merkevičius, « Karyba Lietuvos teritorijoje žalvario amžiuje », Karo archyvas, 20 (2005), p. 8-49.
13 M. Vitkūnas, « Baltų karybos viduriniame geležies amžiuje (v-viii a.) bruožai », Karo archyvas, 27 (2012), p. 6-47.
14 V. Žulkus, R. Jarockis, Vikingų laikai ir ikivalstybinis laikotarpis, Klaipėda, 2013 ; R. Dediala, « Kariaunos samprata Lietuvos istoriografijoje : nuo archeologijos iki istorijos », Acta Historica Universitatis Klaipedensis, 37 (2018), p. 145-171 ; F. Biermann, C. Hermann, A. Koperkiewicz, E. Ubis, « Burning Alt-Wartenburg. Archaeological Evidence for the Conflicts between the Teutonic Order and the Grand Duchy of Lithuania from a Deserted Medieval Town near Barczewko (Warmia, Poland) », Lietuvos Archeologija, 45 (2019), p. 265-293.
15 Cela fait consensus parmi les historiens ayant travaillé sur la militarisation des sociétés baltes : voir n. 13 à 15.
16 S. Gouguenheim, Les Derniers Païens…, p. 32.
17 Henri de Livonie, Cronicon Lyvoniae, I, 2-10 (Scriptores…, p. 1-3).
18 E. Gudavičius, « Lietuvių pašauktinės kariuomenės organizacijos bruožai », Karo archyvas, 13/1 (1992), p. 43-118.
19 R. Dediala, « Kariaunos samprata… », p. 18.
20 S. Gouguenheim, Les Chevaliers teutoniques, Paris, 2007, rééd. 2013.
21 S. Gouguenheim, Tannenberg, 15 juillet 1410, Paris, 2012.
22 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 268.
23 S. Gouguenheim, Tannenberg…, p. 130.
24 Pierre de Dusbourg, Cronica…, III, 20 (Scriptores…, p. 62).
25 R. Dediala, « Kariaunos samprata… », p. 167.
26 E. Gudavičius, « Lietuvių pašauktinės… », p. 20-30.
27 Ibid., p. 54.
28 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 274.
29 M. Pacholec, « Pruskie obrzędy religijno-magiczne sfery wojny », Pruthenia Yearbook, 5 (2010), p. 69.
30 Pierre de Dusbourg, Cronica…, II, 8 (Scriptores…, p. 40-46).
31 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 279.
32 E. Gudavičius, « Lietuvių pašauktinės… », p. 6.
33 Ibid., p. 7.
34 Armure constituée de plaques rivetées sur un support de cuir ou de tissu épais.
35 P. Bugys, Armour in the Grand Duchy of Lithuania, thèse de doctorat, Université de Klaipeda, 2014.
36 Ibid., p. 25-28.
37 Ibid., p. 12.
38 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 270.
39 Rocznik Traski (Monumenta Poloniae Historica. Pomniki Dziejowe Polski, éd. A. Biełowski, t. 2, Lwów, 1872, p. 842).
40 S. Gouguenheim, Les Chevaliers…, p. 167.
41 Chronicon Boguphali (Monumenta Poloniae…, t. 2, p. 588).
42 Annales de Swiętopełk (Monumenta Poloniae…, t. 3, Lwów, 1878, p. 75).
43 Johann de Czarnkow, Chronica Poloniae (Monumenta Poloniae…, t. 2, p. 674-675).
44 Annales de Petite Pologne (Monumenta Poloniae…, t. 3, p. 201).
45 Annales de Cujavie (Monumenta Poloniae…, t. 3, p. 212).
46 Livländisches Reimskronik…, v. 9978, p. 228.
47 M. Vitkūnas, G. Zabiela, Baltic Hillforts. Unknown Heritage, Vilnius, 2017.
48 Pierre de Dusbourg, Cronica…, III, 73 (Scriptores…, p. 92-93).
49 M. Vitkūnas, G. Zabiela, Baltic Hillforts…, p. 44-45.
50 Ibid., p. 45.
51 Ibid., p. 51.
52 S. Gouguenheim, Les Derniers Païens…, p. 264-265 ; M. Pacholec, « Pruskie obrzędy… », p. 69.
53 M. Pacholec, « Pruskie obrzędy… », p. 82.
54 Ibid., p. 71.
55 S. Gouguenheim, Les Derniers Païens…, p. 267.
56 Ibid., p. 66 ; Pierre de Dusbourg, Cronica…, III, 4 (Scriptores…, p. 52).
57 À ce sujet, voir entre autres : B. Dumézil, Les Racines chrétiennes de l’Europe. Conversion et liberté dans les royaumes barbares, ve-viiie siècle, Paris, 2005 ; S. Coviaux, La Fin du monde viking, Paris, 2019 ; N. Berend éd., Christianization and the Rise of Christian Monarchy : Scandinavia, Central Europe and Rus’ (900-1200), Cambridge, 2007. La liste est longue.
58 S. C. Rowell, Lithuania Ascending. A Pagan Empire within East-central Europe, 1295-1345, Cambridge, 1994, rééd. 2014, p. 57.
59 S. Gouguenheim, Les Chevaliers…, p. 189-195.
60 Ibid., p. 167.
61 Ibid., p. 195-198.
62 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 272.
63 S. C. Rowell, Lithuania Ascending…, p. 49-81.
64 Ibid., p. 234-237.
65 Ibid., p. 231.
66 Ibid., p. 234-237.
67 D. Dąbrowski, Daniel Romanowicz Król Rusi, biografia polityczna, Cracovie, 2021.
68 E. Gudavičius, « Lietuvių pašauktinės… », p. 27.
69 Ibid., p. 31.
70 Ibid., p. 41-42.
71 Ibid., p. 33.
72 S. Gouguenheim, Les Derniers Païens…, p. 162.
73 E. Gudavičius, « Lietuvių pašauktinės… », p. 34.
74 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 274.
75 S. Ekdahl, « Horses and Crossbows: Two Important Warfare Advantages of the Teutonic Order in Prussia », dans The Military Orders, 2: Welfare and Warfare, éd. H. Nicholson, Aldershot, 1998, p. 119-151.
76 E. Gudavičius, « Lietuvių pašauktinės… », p. 6.
77 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 279-280.
78 Pierre de Dusbourg, Cronica…, III, 20 (Scriptores…, p. 92-93).
79 E. Gudavičius, « Lietuvių pašauktinės… », p. 66.
80 S. Gouguenheim, Les Chevaliers…, p. 469 ; Id., Tannenberg…, p. 70.
81 S. Gouguenheim, Tannenberg…, p. 35.
82 P. Bugys, Armour in the Grand Duchy…, p. 21.
83 L. Pósán, « Ritterkultur im spätmittelalterlichen Litauen », dans A. Bárány, I. Orosz, K. Papp éd., Műveltség és társadalmi szerepek: arisztokraták Magyarországon és Európában / Learning, Intellect and Social Roles: Aristocrats in Hungary and Europe, Debrecen, 2014, p. 51-58, p. 54.
84 S. Gouguenheim, Les Derniers Païens…, p. 84.
85 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 275.
86 Ibid., p. 264.
87 A. Nikżentaitis, « xiii-xv a. Lietuvių kariuomenės bruožai (organizacijos, taktika, papročiai) », Karo archyvas, 13/1 (1992), p. 3-33.
88 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 270.
89 Ibid., p. 272-273.
90 S. Gouguenheim, Tannenberg…, p. 40.
91 S. C. Rowell, Lithuania Ascending…, p. 41-80.
92 F. M. Šabuldo, « Lietuvos ir Ordos kondominiumas Ukrainos žemėse xiv a. », Lietuvos istorijos metraštis, 2 (2005), p. 5-26.
93 I. Lebedynsky, La Horde d’Or, Paris, 2013 ; S. Berger, « L’Empire mongol : un État nomade », dans S. Gouguenheim éd., Les Empires médiévaux, Paris, 2019, p. 89-112.
94 S. Gouguenheim, Tannenberg…, p. 94.
95 S. Belch, « Paulus Vladimiri and his Doctrine Concerning International Law and Politics », Revue de l’histoire des religions, 176/2 (1969), p. 225-227 ; L. Chollet, Paul Vladimir au Concile de Constance : une tradition de tolérance religieuse en Pologne-Lituanie, mémoire inédit, Université de Neuchâtel, 2010.
96 S. Gouguenheim, Tannenberg…, p. 35.
97 I. Lebedynsky, La Horde d’Or…, p. 49-54.
98 E. Gudavičius, « Lietuvių pašauktinės… », p. 61.
99 F. Biermann et al., « Burning Alt-Wartenburg… », p. 275.
100 Ibid., p. 275-276.
101 P. Bugys, Armour in the Grand Duchy…, p. 12 et 25.
102 S. Gouguenheim, Tannenberg…, p. 112.
103 S. Ekdahl, « Die “Flucht der Litauer” in der Schlacht bei Tannenberg », Zeitschrift zur Östforschung, 12 (1963), p. 11-19; Id., « The Turning Point in the Battle of Tannenberg (Grunwald-Žalgiris) in 1410 », Lituanus. The Lithuanian Quaterly, 56/2 (2010), p. 53-72.
104 A. Nikżentaitis, « xiii-xv a. Lietuvių kariuomenės… », p. 17.
105 S. Ekdahl, « Die “Flucht der Litauer”… », p. 17.
106 S. Gouguenheim, Les Derniers Païens…, p. 341-346.
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Titre | Fig. 1. Les Baltes dans l’Europe orientale du xiiie-xve siècle |
Crédits | © Sébastien Ginhoux, CRULH-Université de Lorraine, avec le soutien de la MSH Lorraine pour la numérisation. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/medievales/docannexe/image/12440/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 506k |
Pour citer cet article
Référence papier
Sébastien Ginhoux, « L’art de la guerre des populations baltes du xiiie au xve siècle : constances et innovations », Médiévales, 84 | 2023, 43-64.
Référence électronique
Sébastien Ginhoux, « L’art de la guerre des populations baltes du xiiie au xve siècle : constances et innovations », Médiévales [En ligne], 84 | printemps 2023, mis en ligne le 02 janvier 2025, consulté le 11 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/medievales/12440 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/medievales.12440
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