« Son frère d’armes revient de guerre » : réflexion sur le retour des guerriers et les rituels de purification dans le haut Moyen Âge britannique
Résumés
Cet article examine les expériences des guerriers de retour des combats en Grande-Bretagne au début du Moyen Âge et souligne la façon dont leur comportement et leur prise en charge après la bataille pouvaient les « purifier » et, plus largement, les réacclimater à la vie en société. Nous verrons que ces expériences étaient traitées par des cérémonies et des rituels chrétiens et non chrétiens, ce qui démontre une certaine conscience de l’état altéré du guerrier revenant du champ de bataille et un besoin de le réadapter pour le bien de l’individu et de la société en général.
Plan
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- 1 E. Bennett, G. Berndt, S. Esders, L. Sarti éd., Early Medieval Militarisation, Manchester, 2021.
- 2 B. Raffield, N. Price, M. Collard, « Male-biased Operational Sex Ratios and the Viking Phenomenon (...)
- 3 W. G. Runciman, « Accelerating Social Mobility : The Case of Anglo-Saxon England », Past and Prese (...)
- 4 B. J. Verkamp, « Moral Treatment of Returning Warriors in the Early Middle Ages », The Journal of (...)
- 5 Sur les traits homériques dans la poésie en vieil anglais, voir A. Chalmers Watts, The Lyre and th (...)
- 6 A. T. Hatto, « General Introduction », dans Id. éd., Traditions of Heroic and Epic Poetry, vol. I (...)
1Il est largement admis que le haut Moyen Âge fut un temps de guerre endémique1. Les sources écrites et les données chiffrées sur les décès donnent l’impression que, pour sa population, et en particulier pour les hommes, la vie était brève et violente2. Au sein de l’aristocratie, la mobilité sociale était liée à la guerre, les hommes de troupe tombés au combat étant vite remplacés par d’autres qui tombaient à leur tour3. Cependant, même si nombre d’entre eux mouraient sur le champ de bataille, d’autres survivaient aux épreuves de la guerre et retrouvaient leur famille et leur communauté d’origine4. De retour chez lui, le guerrier devenait un intermédiaire entre le champ de bataille et la société dans son ensemble. Nous étudierons ici le traitement qui était réservé aux combattants lorsqu’ils réintégraient des espaces plus pacifiés, en particulier à travers des cérémonies de retour et des rituels de purification, et plus spécifiquement dans le cadre du processus de christianisation. Notre analyse nous permettra d’entrevoir, même imparfaitement, comment les guerriers de retour du combat et la société traitaient les expériences de guerre, et de contribuer ainsi à notre compréhension de la guerre et des guerriers dans le haut Moyen Âge. Notre enquête reposera en particulier sur la poésie épique en vieil anglais. En effet, ce genre littéraire offre beaucoup d’informations sur la façon dont on percevait et dont on traitait le retour des guerriers, ce sujet étant abordé dans le cadre du thème littéraire récurrent du « retour du héros », hérité de l’Odyssée d’Homère5. Il convient toutefois de noter que ce type de poésie ne nous permet pas de préciser quelles émotions et quelles sensations les guerriers qui revenaient du combat pouvaient éprouver : elle ne nous offre que des représentations du retour et des cérémonies de purification, nous renseignant éventuellement sur ce qu’elles pouvaient alors signifier. Ainsi, parce que la poésie épique en vieil anglais vise avant tout à glorifier un « ethos héroïque6 », nous pourrons voir comment l’expérience du combat a pu se frayer un chemin vers les représentations de la condition combattante, de la violence et de l’honneur guerrier.
La condition combattante dans le haut Moyen Âge britannique
- 7 G. Dumézil, Heur et malheur du guerrier. Aspects mythiques de la fonction guerrière chez les Indo- (...)
- 8 M. P. Speidel, « Berserks : A History of Indo-European “Mad Warriors” », Journal of World History, (...)
- 9 D. Wyatt, Slaves and Warriors in Medieval Britain and Ireland, 800-1200, Leyde, 2009, p. 103-104.
- 10 Beowulf, v. 2177-2180 : « swa bealdode […] / guma guðum cuð godum dædum / dreah æfter dome nealles (...)
- 11 Ibid., v. 2182-2183a : « gin-fæstan gife þe him god sealde / heold hildedeor ».
- 12 W. Miller, « In Defense of Revenge », dans B. A. Hanawalt, D. Wallace éd., Medieval Crime and Soci (...)
2On admet généralement que la condition des guerriers est double. Ils sont certes les protecteurs de la société, mais ils sont aussi les plus susceptibles d’engendrer la violence dans leur environnement social. Le guerrier est donc un « exclu intégré » qu’il faut bien tolérer pour que la communauté puisse continuer à exister et à prospérer. Georges Dumézil a mis en exergue deux « aspects de la force guerrière » dans lesquelles chaque individu peut être inscrit : un aspect « chevaleresque » et un aspect « brutal »7. Ceux qui relèvent du « chevaleresque » réservent leur violence aux contextes appropriés, tandis que les seconds sont incapables de mettre un frein à leur furor naturel et à la frénésie guerrière, ce qui les rend dangereux à la fois sur le champ de bataille et à l’extérieur. L’exemple le plus connu de cet « aspect brutal » est le berserkr scandinave8. Si l’on regarde maintenant vers le haut Moyen Âge anglais, David Wyatt considère le héros éponyme du poème Beowulf comme une illustration du type « chevaleresque », son adversaire Grendel représentant l’autre aspect, « brutal » et bestial : en tant qu’exclu monstrueux, Grendel personnifie en effet tout ce qui dans la condition guerrière est désagréable et cruel du point de vue des sensibilités chrétiennes, y compris « la violence insensée, le pillage et l’enlèvement, la férocité animale9 ». Au contraire, Beowulf, caractérisé par « sa belle conduite, [était] fameux pour ses combats, ses hauts faits. Il avait souci de sa gloire. Il ne tua jamais au festin d’amis partageant son âtre. Il n’avait rien de brutal10 ». Ainsi s’attachait-il « à conserver la grâce généreuse que Dieu lui avait octroyée, en courageux guerrier11 ». La manière dont le personnage de Beowulf est représenté dans le poème reflète les tensions inhérentes à la personnalité du guerrier dans une société qui dénigrait l’effusion de sang tout en continuant à lui attribuer de la valeur, par exemple dans le contexte de la vengeance12.
- 13 H. E. Davidson, « The Training of Warriors », dans S. C. Hawkes éd., Weapons and Warfare in Anglo- (...)
- 14 Bède, Epistola ad Ecgbertum, § 11 (éd. C. Grocock, I. N. Wood, Abbots of Wearmouth and Jarrow, Oxf (...)
- 15 Félix de Crowland, Vita sancti Guthlaci, chap. 17 : « conrasis undique diversarum gentium sociis » (...)
- 16 Ibid., chap. 18, éd. cit., p. 80-81.
- 17 Lois d’Ine, § 14, 14.1, 14.2, 34, 34.1 (S. Jurasinski, L Oliver éd., The Laws of Alfred. The Dombo (...)
3Les représentations chevaleresques de ce genre sont très éloignées d’autres portraits de guerriers des îles Britanniques. Dans la littérature irlandaise, des bandes de jeunes hommes itinérants sont décrites comme vivant à la marge de la société, chassant, se battant et enlevant des femmes – des activités qui s’inscrivent dans un mode de vie violent et hyper-masculin centré autour de la pratique de la guerre13. La lubricité des jeunes guerriers était également un sujet de préoccupation pour le moine northumbrien Bède (m. 735) : dans sa lettre à l’évêque Ecgberht d’York (m. 766), rédigée en 734, il affirme qu’au lieu de protéger leur pays, les jeunes se plaisaient à agresser les femmes, tant laïques que consacrées14. Le saint mercien Guthlac (m. 714) apparaît tout aussi turbulent dans sa prime jeunesse : il aurait commencé sa carrière militaire à l’âge de quatorze ans, « rassemblant de partout des compagnons de toutes nations15 » avec qui il aurait passé la décennie suivante à tuer et piller à travers les royaumes du sud de l’île de Bretagne. Il aura fallu l’inspiration de Dieu lui-même pour que Guthlac se laisse convaincre d’abandonner le métier des armes, de se repentir et de se tourner désormais vers le combat spirituel16. Les codes de lois contemporains reflètent eux aussi le danger que pouvaient causer les guerriers : les lois des rois Ine de Wessex (688-726) et Alfred le Grand (871-899) prévoient des amendes pour avoir participé à un coup de main au sein d’une hloþ – c’est-à-dire d’une bande armée illégitime pouvant compter jusqu’à trente-cinq membres17. Le fait que ces lois cherchent à cerner les culpabilités individuelles dans les cas où une hloþ s’est rendue coupable de meurtre montre que de tels coups de main débouchaient assez souvent sur la violence et la mort pour que les législateurs s’en soucient. Les guerriers étaient donc des êtres dangereux, y compris dans la société dont ils étaient issus et qu’ils étaient censés protéger. Il est toutefois possible que cela ait été moins le cas quand ces guerriers étaient au service d’un prince : en résulte une opposition entre « bons » et « mauvais » guerriers, une distinction que l’Église, en particulier, a pu promouvoir.
- 18 I. J. N. Thorpe, « Anthropology, Archaeology, and the Origin of Warfare », World Archaeology, 35 ( (...)
- 19 The Seafarer, v. 68-71 : « Simle þreora sum þinga gehwylce, / ær his tid aga, to tweon weorþeð; / (...)
- 20 The Fortunes of Men, v. 10-14 : « Sumum þæt gegongeð on geoguðfeore / þæt se endestæf earfeðmæcgum (...)
- 21 Sur le motif des « bêtes de combat », voir M. S. Griffith, « Convention and Originality in the Old (...)
- 22 J. Jesch, « Eagles, Ravens and Wolves : Beasts of Battle, Symbols of Victory and Death », dans Ead(...)
4L’habitude du contact direct avec les forces ennemies et les formes de violence extrême réservées (du moins théoriquement) au seul champ de bataille éloignaient encore plus les guerriers du reste de la société. Alors que tuer était interdit dans la vie de tous les jours, les guerriers ne cessaient de briser ce tabou18. À l’inverse, la perspective de la mort au combat était bien implantée dans leur conscience. Dans l’élégie anonyme Le Navigateur (The Seafarer), conservée dans le Livre d’Exeter (Exeter Book ou Codex Exoniensis, du xe siècle), le narrateur affirme qu’« il y a trois choses qui, jusqu’à ce que l’une d’entre elles se produise, sont toujours incertaines : la maladie, la vieillesse, le tranchant de l’épée peuvent priver de sa vie l’homme marqué par le destin19 ». Une mort violente à la guerre est ainsi imaginée comme tout aussi probable que ses alternatives « pacifiques ». Un autre poème du Livre d’Exeter, Les Destins des hommes (The Fortunes of Men), exprime la même idée de manière plus détournée en évoquant les différents destins – bons ou mauvais – qui peuvent échoir aux humains, comme par exemple la mort obscure d’un jeune homme : « Pour celui-là, malheureux, sa fin adviendra trop tôt, dans sa jeunesse, sort fatal. Le loup, le gris rôdeur des landes, le mangera ; alors sa mère pleurera20. » Dans la littérature en vieil anglais, il est fréquent que les loups et les oiseaux de proie soient décrits en train de festoyer sur les cadavres après une bataille21 : il est donc très probable que le jeune homme évoqué dans ce poème soit mort au combat. Qu’elle soit littérale ou symbolique, la présence des charognards sur les champs de bataille du haut Moyen Âge évoque des images de paysages farouches, sauvages et brutaux, dédiés au massacre. C’est dans de tels contextes que les guerriers exerçaient leur activité22.
Une expérience de la violence guerrière
- 23 Voir J. Herman, Trauma and Recovery. The Aftermath of Violence, from Domestic Abuse to Political T (...)
5Certains spécialistes ont cherché à montrer que les traumatismes de guerre sont un phénomène universel, allant jusqu’à affirmer que les combattants des périodes anciennes et modernes ont pu faire face à des expériences de même ordre. Cela a pu conduire certains d’entre eux à écrire que tous les combattants, aujourd’hui comme autrefois, peuvent souffrir de TSPT (trouble de stress post-traumatique ; en anglais PTSD, post traumatic stress disorder). L’identification et le traitement des « névroses guerrières » ont leur propre histoire complexe23, mais certains de ces travaux ont pu déboucher sur des diagnostics anachroniques, reposant sur l’hypothèse selon laquelle l’expérience de la guerre est universelle : or, de tels diagnostics ignorent ce qui est propre à chaque combattant, à chaque théâtre d’opérations et aux diverses techniques utilisées à la guerre.
- 24 D. Conquergood, « Boasting in Anglo‐Saxon England : Performance and the Heroic Ethos », Literature (...)
- 25 The Battle of Maldon, v. 212-215 : « Gemun[aþ] þa mæla þe we oft æt meodo spræcon, / þonne we on b (...)
6Que peut-on dire, dans ce cas, des expériences et des traumatismes des guerriers dans le haut Moyen Âge britannique ? Dans les sources poétiques et littéraires, les scènes de batailles laissent entendre que les guerriers opéraient dans des contextes ultra-violents – ou du moins qu’ils étaient perçus comme opérant dans de tels contextes ; elles donnent aussi à voir le type de violence qu’on attendait d’eux. Il est intéressant de noter que, dans le haut Moyen Âge britannique, les guerriers assemblés sont souvent dépeints comme de gros consommateurs de boissons alcoolisées qui s’encouragent mutuellement à la violence, font assaut de vantardise et s’engagent solennellement pour de futures prouesses sur le champ de bataille24. Ainsi parle, dans le poème La Bataille de Maldon (composé suite à la bataille éponyme en 991), le jeune guerrier Ælfwine : « Rappelez-vous les solennels propos que nous prodiguions en buvant l’hydromel quand de notre banc nous clamions nos serments, que notre virile assemblée évoquait les durs combats. C’est maintenant l’heure de prouver sa vaillance25. »
- 26 Sur l’idée de « gagner son hydromel », voir C. Lee, Feasting the Dead. Food and Drink in Anglo-Sax (...)
- 27 R. Lavelle, Alfred’s Wars. Sources and Interpretations of Anglo-Saxon Warfare in the Viking Age, W (...)
- 28 Lois de Hlothhere et Eadric, § 8-9 : « ðær mæn drincen » (L. Oliver éd., The Beginnings of English (...)
- 29 The Fortunes of Men, v. 48-50 : « Sumum meces ecg on meodubence / yrrum ealowosan ealdor oþþringeð (...)
7Bien que l’image des guerriers qui s’incitent mutuellement à « gagner leur hydromel26 » fasse partie de la construction archaïsante de La Bataille de Maldon, de telles exhortations reflètent une réalité : pour exercer la violence, les combattants ont besoin d’être encouragés et commandés avec vigueur27. Il convient par ailleurs de noter que l’ébriété pouvait aussi provoquer des combats intestins, entre les hommes armés eux-mêmes. Les lois des rois de Kent Hlothhere et Eadric comprennent des clauses au sujet du sang versé « là où les hommes boivent28 », et le poème Les Destins des hommes affirme que « le tranchant de l’épée, sur le banc à hydromel, prend la vie de l’un, buveur de bière en colère, homme gorgé de vin : ses paroles furent trop promptes29 ». De tels exemples – dans lesquels on pourrait voir un peu hâtivement des cas d’hyperstimulation (hyperarousal), un symptôme du TSPT – reflètent plus probablement le caractère emporté d’hommes saouls habitués depuis toujours à recourir à la violence.
- 30 G. Halsall, Warfare and Society in the Barbarian West, 450-900, New York, 2003, p. 192.
- 31 Sur la lâcheté, voir R. Abels, « “Cowardice” and Duty in Anglo-Saxon England », Journal of Medieva (...)
- 32 Chronique anglo-saxonne, ms E, s.a. 1003 : « Sona swa hi wæron swa gehende þet ægðer heora on oðer (...)
- 33 Ibid. : « his ealdan wrenceas ».
8Les rituels d’avant la bataille, qui incitaient les guerriers à combattre avec courage et affirmaient la légitimité de leur cause, revêtaient donc une grande importance tactique30. L’échec en 1003 de l’ealdorman Ælfric (m. 1016), qui ne parvint pas à mener ses hommes au combat contre le roi danois Sven à la barbe fourchue (m. 1014), fut considéré comme une lâcheté et une trahison31. Or, il n’est pas impossible qu’Ælfric ait succombé à une forme de détresse mentale à l’approche de l’ennemi : « Dès qu’ils furent assez près l’un de l’autre pour pouvoir s’entre-regarder, il fit mine de se sentir mal et d’avoir des haut-le-cœur comme pour vomir […] ; et ainsi il trahit le peuple qu’il aurait dû conduire32. » Même si le chroniqueur affirme qu’Ælfric recourait encore une fois à « ses vieilles ruses33 », il est possible qu’il ait réellement eu cette réaction d’ordre physique que nombre de guerriers éprouvent lorsque les armées se rapprochent et que l’ennemi devient visible.
9Il s’agit là d’une des rares perspectives sur ce que les guerriers pouvaient ressentir face à l’horreur du combat. En effet, dans la poésie en vieil anglais, la violence de la bataille n’est pas décrite comme une expérience affreuse pour les guerriers, bien au contraire. La Bataille de Maldon en offre une description très claire :
- 34 La Bataille de Maldon, v. 143-148 : « Đa he oþerne ofstlice sceat / þæt seo byrne tobærst : he wæs (...)
Puis sans attendre, il [Byrhtnoth] en frappa un autre et fit éclater sa cotte en l’atteignant en pleine poitrine au travers des mailles de fer. En plein cœur se ficha la pointe empoisonnée. Le comte en eut grand joie, fort et fier se prit à rire, rendit grâce à la Providence de l’œuvre de ce jour, don reçu du Seigneur34.
- 35 A. Orchard, « The World of Anglo-Saxon England », dans C. Saunders éd., A Companion to Medieval Po (...)
- 36 L. Tracy, K. R. DeVries éd., Wounds and Wound Repair in Medieval Culture, Leyde, 2015.
- 37 M. Holst, Osteological Analysis, Heronbridge, Chester, Cheshire, York, 2004.
- 38 F. K. Annable, B. Eagles, The Anglo-Saxon Cemetery at Blacknall Field, Pewsey, Wiltshire, Devizes, (...)
- 39 M. R. Geldof, « “And describe the shapes of the dead” : Making Sense of the Archaeology of Armed V (...)
10Il ne serait certes pas de bonne méthode de croire qu’il s’agit là de descriptions littérales de la violence guerrière, mais l’intense brutalité qu’elles évoquent et qu’elles célèbrent laissent entrevoir les contextes dans lesquels les guerriers étaient censés opérer et les types de comportements qu’ils étaient censés déployer, contribuant ainsi à la création d’une esthétique de la violence. Elles montrent aussi que les individus devaient s’affronter au corps à corps. Pourtant le risque d’une mort douloureuse sur le champ de bataille semble avoir eu, dans ce contexte, un sens particulier qui ne ressemble en rien à ce que celui-ci peut représenter dans la mentalité d’un combattant d’aujourd’hui : ce risque était accepté comme un corollaire normal de l’activité guerrière et, même, comme un moyen de sauvegarder l’honneur d’un guerrier par un genre de mort qu’Andy Orchard appelle « le salaire de l’héroïsme35 ». Ainsi, le danger que font courir la douleur, la violence et même les coups mortels ne semble pas avoir suscité la terreur. Les restes osseux découverts dans un charnier à Heronbridge (Cheshire) témoignent de multiples blessures infligées par des armes tranchantes36 : selon une hypothèse, il s’agirait des restes d’hommes tués lors de la bataille de Chester (v. 613)37. Or, si certaines lésions résultaient d’anciennes blessures auxquelles les individus avaient survécu, d’autres avaient été portées post mortem. Diverses blessures par arme ont été observées lors de fouilles de nécropoles, comme des coups au crâne attestés dans les tombes 8 et 9 de Pewsey (Wiltshire), ou le crâne partiellement écrasé de l’individu enterré dans la tombe 65 de Butler’s Field à Lechlade (Gloucestershire)38. Bien qu’on ne puisse pas dire avec certitude si ces blessures ont été faites pendant un combat, elles correspondent aux genres de traumatismes physiques auxquels les guerriers étaient exposés39. Dans le haut Moyen Âge britannique, les combattants recevaient sans nul doute des coups sur la tête ; certains survivaient pour combattre à nouveau – et, cette fois-ci, pour mourir.
- 40 N. Lund, Lið, leding og landeværn. Hær og samfund i Danmark i ældre middelalder, Roskilde, 1996.
- 41 B. Raffield, C. Greenlow, N. Price, M. Collard, « Ingroup Identification, Identity Fusion and the (...)
- 42 Félix de Crowland, Vita sancti Guthlaci, chap. 16 (éd. cit., p. 80).
- 43 J. Bosworth et T. N. Toller éd., An Anglo-Saxon Dictionary Based on the Manuscript Collections, Ox (...)
- 44 Beowulf, v. 2596 (éd. cit., p. 121).
- 45 Beowulf, v. 1795 (éd. cit., p. 82).
- 46 Beowulf, v. 261 (éd. cit., p. 13).
- 47 C. Brady, « “Warriors” in Beowulf : An Analysis of the Nominal Compounds and an Evaluation of the (...)
- 48 La Bataille de Brunanburh, v. 39-40, dans Chronique anglo-saxonne, ms A, s.a. 937 : « Gelpan ne þo (...)
- 49 Ibid., v. 40-41 : « he wæs his mæga sceard, / freonda gefylled ».
- 50 Ibid., v. 43-44 : « forlet on wælstowe wundun fergrunden, / giungne æt guðe ».
11En outre, La Bataille de Maldon met en évidence le fait que ceux qui évitaient les coups mortels étaient les mieux placés pour observer la mort violente de leurs compagnons et de leurs parents. L’importance des liens horizontaux entre les guerriers a souvent été négligée au profit de l’étude des relations entre le chef et ses hommes. Pourtant, les liens tissés entre les hommes constituaient un aspect fondamental de la condition guerrière. Ben Raffield et ses collègues soutiennent que, dans le cas de la lið viking – le plus ancien type d’organisation militaire dans le Danemark du haut Moyen Âge40 –, l’hétérogénéité du recrutement – conséquence d’une grande variété en termes d’arrière-plans socio-économiques, voire en termes de genre – rendait nécessaire l’existence d’une forte identité commune pour le maintien de la cohésion interne du groupe41. Si l’on revient au contexte britannique, un saint guerrier comme Guthlac a eu besoin de l’inspiration divine pour « abandonner » sa turma42 – équivalent latin de ce qu’en vieil anglais on aurait appelé un geferscipe, terme que l’on peut traduire par « association » ou « fraternité »43. Les sources poétiques sont pleines de composés nominaux qui soulignent l’appartenance au groupe, en particulier ceux qui portent sur le « hall », point central, à la fois physique et symbolique, de l’exercice de la souveraineté et de la condition guerrière. Par exemple, les guerriers du poème Beowulf sont décrits à l’aide de mot tels que handgesteallan44 (« ceux dont la place est à portée de main »), seleþegn45 (« thegn de la grand-salle ») ou heorðgeneatas46 (« compagnons d’âtre »)47. Et quand le poète de La Bataille de Brunanburh – poème inséré dans la Chronique anglo-saxonne à la date de 937 – affirme que le roi défait, Constantin, « n’avait pas lieu d’exulter après la rencontre des glaives48 », ce n’est pas seulement parce qu’il était vaincu, mais, de manière sans doute encore plus poignante, parce la bataille l’avait « privé de ses parents, séparé de ses amis49 » et que son propre fils était resté « sur le champ du massacre, abattu sous les blessures, le jeune homme au combat50 ».
Le retour des guerriers
- 51 Ibid., v. 53-55 : « Gewitan him […] on Dingesmere / ofer deop wæter Difelin secan, / ⁊ est Hiralan (...)
- 52 Ibid., v. 58-59 : « cyþþe sohton, / Wesseaxena land, wiges hremige ».
12Ainsi, les guerriers rentraient chez eux lourds de toutes ces expériences. Les conditions dans lesquelles les guerriers quittaient le champ de bataille avaient un effet sur la façon dont on les recevait. Toujours dans La Bataille de Brunanburh, le poète évoque le retour des deux principales forces vers leurs patries respectives : les vikings vaincus ayant survécu au combat « s’éloignèrent […] par-delà le Dingesmere : ils regagnèrent Dublin, retournèrent en Irlande le cœur lourd51 » ; au contraire, le roi Æthelstan et les siens, victorieux, « revinrent vers leur parenté, vers le pays des Ouest-Saxons, exultant dans le combat52 ». Malheureusement, le récit s’arrête ici et n’offre aucune description de ce que pouvait impliquer un tel retour « exultant ». Nous pouvons pourtant avancer quelques hypothèses plausibles.
- 53 Bède, Historia ecclesiastica, I, 34 : « Unde motus ejus profectibus Aedan rex Scottorum, qui Britt (...)
- 54 Ibid., III, 18 : « Et cunctus eorum insistentibus paganis caesus sive disperses exercitus » (éd. c (...)
13En premier lieu, être du côté des vainqueurs lors d’une bataille rangée augmentait naturellement les chances de revenir vivant. Dans son Historia ecclesiastica, Bède mentionne plusieurs batailles importantes où l’armée vaincue fut pratiquement annihilée. Ainsi, Áedán (m. v. 607), « roi des Irlandais qui habitaient en Bretagne » – c’est-à-dire des Dál Riata – rencontra en 603 le roi northumbrien Æthelfrith (m. v. 616) « avec une armée immense et vaillante mais, vaincu, il s’enfuit avec quelques survivants53 ». Vers 637, les forces du roi est-anglien Ecgric furent détruites par les Merciens : « leur armée, pressée par les païens, fut tout entière massacrée ou dispersée54 », y compris son prédécesseur Sigeberht, arraché à sa retraite monastique et forcé à combattre. Bien entendu, il est tout à fait possible que, dans ces deux cas, Bède ait exagéré les pertes afin de souligner la présomption d’Áedán ou la cruauté agressive des Merciens païens. Toutefois, ces mentions nous aident à nous souvenir que, dans le haut Moyen Âge, les forces vaincues pouvaient être brutalement détruites et que des armées entières pouvaient trouver la mort.
- 55 G. Halsall, Warfare and Society…, p. 211.
- 56 R. Abels, « “Cowardice” and Duty… », p. 36-39.
- 57 R. B. Ferguson, « Explaining War », dans J. Haas éd., The Anthropology of War, Cambridge, 1990, p. (...)
- 58 P. M. Sørensen, The Unmanly Man. Concepts of Sexual Defamation in Early Northern Society, Odense, (...)
- 59 II Cnut, § 77 (Wulfstan, Old English Legal Writings, éd. A. Rabin, Washington, DC, 2020, p. 294). (...)
14Et même quand un guerrier prenait conscience que la bataille était perdue et s’enfuyait, il courait toujours le risque d’être tué, les vainqueurs ne faisant qu’une bouchée des fuyards. C’est dans de tels moments que la panique se propageait, qu’on lâchait les boucliers et que les émotions atteignaient des sommets. Comme l’écrit Guy Halsall, c’est là que « le massacre commençait vraiment55 ». En outre, même si un guerrier vaincu survivait à la bataille et à la fuite éperdue, son retour chez lui n’était pas nécessairement joyeux. Ceux qui avaient fui le champ de bataille pouvaient être traités de timorés et d’efféminés, leur comportement étant en contradiction avec l’éthos héroïque masculin de l’honneur et de la vengeance56. La dégradation de leur statut masculin et la honte associée à la défaite avaient probablement une influence sur la façon dont ils étaient traités à leur retour57, en particulier en contexte scandinave58. Même lorsque la vie d’un individu avait été épargnée, la perte de ses terres, de sa réputation et de son statut social pouvaient transformer profondément sa vie et ses perspectives. Ainsi, les lois de Cnut le Grand (m. 1035), roi des Anglais d’origine danoise, réclamaient les terres et la vie d’un guerrier qui, « en raison de sa lâcheté » (for his yrhþe), aurait abandonné son seigneur durant une expédition militaire59. Dans ce cas, le législateur cherchait à déshonorer les hommes qui avaient renoncé à combattre pour leur souverain légitime.
- 60 Sur ce thème dans la littérature épique, voir R. H. Bremmer, « Old English Heroic Literature », da (...)
- 61 R. Abels, Lordship and Military Obligation in Anglo-Saxon England, Berkeley, 1988, p. 32.
- 62 Lois d’Ine, § 51 (éd. cit., p. 112).
15Par contraste, certains guerriers mentionnés dans les codes de lois du haut Moyen Âge, en particulier les membres de suites armées aristocratiques, pouvaient s’attendre à recevoir une part du butin et à voir leur statut social s’élever. C’est par des succès répétés qu’un des geoguð (les guerriers inexpérimentés) pouvait accéder au nombre des duguð (les guerriers éprouvés) qui avaient démontré leur valeur au combat et à qui leur seigneur avait octroyé des terres60 : il pouvait alors se marier, établir sa maisonnée et rassembler sa propre troupe de guerriers61. Dans la même veine que la loi de Cnut contre la « lâcheté », mais plusieurs siècles auparavant, le code de lois du roi ouest-saxon Ine stipulait qu’« un noble possédant des terres » (gesiðcund mon landagende) qui ne se présenterait pas à la levée militaire coutumière (fyrd) devrait payer une amende élevée et que ses propriétés lui seraient confisquées62. Le succès à la guerre provoquait donc une élévation du statut socio-économique, mais celle-ci suscitait à son tour de nouvelles obligations militaires ; et le manquement à ces obligations pouvait entraîner une réduction significative de ce même statut.
- 63 A. Renoir, « The Hero on the Beach : Germanic Theme and Indo-European Origin », Neuphilologische M (...)
- 64 Beowulf, v. 1970-1974 : « þaet ðaer on worðig wigendra hleo / lind-gestealla lifigende cwom heaðo- (...)
- 65 Ibid., v. 1979 : « þurh hleoðor-cwyde holdne gegrette » [NdT : trad. fr. cit., p. 165].
- 66 Ibid., v. 1980b-1983 (éd. cit., p. 91). Ce rôle est traditionnellement dévolu aux femmes : A.-S. G (...)
- 67 Beowulf, v. 2148-2219 (éd. cit., p. 98-103).
16Une scène du poème Beowulf représente, dans le cadre épique, la manière dont le retour d’une troupe de guerriers pouvait être accueilli par son « public ». Après avoir vaincu Grendel et sa mère chez les Danois, Beowulf et sa compagnie rentrent chez eux, au pays des Geatas. Beowulf ayant été aperçu sur la plage63, son oncle le roi Hygelac est immédiatement informé de son retour et apprend « que ce chef de guerriers avait franchi l’enceinte, que son compagnon d’armes revenait sain et sauf du jeu sanglant, qu’il atteignait le palais64 ». Le roi fait nettoyer le plancher du hall afin que Beowulf et ses hommes puissent entrer, puis, après que Hygelac a « salué son fidèle compagnon par de gracieuses paroles65 », on s’assoit pour parler. Beowulf et le roi son oncle conversent en buvant l’hydromel versé par la reine Hygd, qui remplit son office d’hôtesse66. Après avoir fait le récit détaillé de ses aventures, Beowulf offre à Hygelac et à Hygd les trésors qu’il a conquis à la cour danoise, puis il est à son tour comblé de dons67. L’histoire fait alors un bond en avant de plusieurs décennies jusqu’à l’époque où Beowulf est lui-même devenu roi et vieux : ce procédé fait de la scène de retour un tournant significatif dans le récit. De fait, les rituels de retour des guerriers n’avaient pas pour seul objectif de leur permettre de purifier, ils constituaient des étapes essentielles pour leur futur rôle dans leur société.
- 68 Sur l’importance des valeurs chrétiennes dans les récits de ce type, voir K. O’Brien O’Keeffe, « H (...)
- 69 Lois d’Æthelberht, § 13 (L. Oliver éd., The Beginnings…, p. 64).
17Bien que cette scène s’intègre très bien au portrait glorieux du passé pré-chrétien qui caractérise l’épopée68, la structure de la « cérémonie de retour » réservée à Beowulf nous aide aussi à comprendre comment les guerriers pouvaient vivre cette expérience. Le processus commence par l’annonce du retour des guerriers, ce qui laisse assez de temps pour faire les préparations nécessaires et pour faire retomber la peur : ces hommes harassés qui approchent, portant lances et épées, sont-ils amis ou ennemis ? Dans Beowulf, leur arrivée est repérée par une vigie postée en un endroit stratégique qui lui permet d’observer les mouvements des guerriers. Cette fonction pouvait peut-être aussi échoir à un messager chargé d’accompagner la troupe, peut-être un équivalent du « héraut ou guide royal » (cyniges laadrinc man) cité dans les lois du roi Æthelberht de Kent (m. 616)69. Il est certain que de telles personnes étaient nécessaires pour établir les communications et pour rapporter la nouvelle des victoires et des défaites.
- 70 R. Cramp, « The Hall in Beowulf and in Archaeology », dans H. Damico, J. Leyerle éd., Heroic Poetr (...)
- 71 A. Gautier, Le Festin dans l’Angleterre anglo-saxonne, Rennes, 2006, p. 119-185.
18On prépare alors le hall pour l’arrivée des guerriers. Le hall était le centre à la fois physique et symbolique du pouvoir d’un chef et, ce qui est tout aussi important, des réseaux communautaires et familiaux du guerrier. L’archéologie montre que les halls étaient parfois très grands et pouvaient abriter un grand nombre de convives, fournissant un espace adapté aux grandes assemblées et aux rites du gouvernement70 : c’est dans les halls et autres espaces du même type que l’aristocratie anglo-saxonne avait forgé sa propre identité71. Ils étaient donc particulièrement adaptés pour accueillir tous les rituels et cérémonies qui se déroulaient au retour d’une troupe de guerriers.
- 72 A. Y. Shalev et al., « Historical Group Debriefing after Combat Exposure », Military Medicine, 163 (...)
- 73 K. O’Donnell, « Help for Heroes : PTSD, Warrior Recovery, and the Liturgy », Journal of Religion a (...)
19Une fois dans le hall, on prononce d’abord ce qui ressemble à des discours formels, puis les guerriers partagent leurs récits et consomment des boissons alcoolisées. La présence d’un scop (poète) est significative : il peut chanter les hauts faits de Beowulf et contribuer à la glorification du héros. Une opportunité était ainsi offerte à ceux qui avaient participé à une bataille ou à une campagne d’évoquer leurs expériences, d’établir un récit des événements et de donner à leurs actions une forme et un sens positifs, dans une perspective héroïque. On notera que l’activité consistant à raconter ensemble une « histoire » est considérée comme particulièrement utile dans certaines approches contemporaines du debriefing des soldats72, tandis que l’analyse du TSPT et d’autres traumatismes guerriers montre qu’échanger le récit d’expériences communes renforce la cohésion du groupe et le sens de la communauté73 : toutes choses égales par ailleurs, ce type d’activité pouvait soutenir les guerriers du haut Moyen Âge, qui vivaient ces rituels de manière collective.
- 74 R Abels, Lordship and Military Obligation…., p. 31.
20Le sens de la communauté ainsi construit était encore renforcé par la distribution de dons et d’honneurs récompensant les succès des guerriers. De telles actions consolidaient le lien établi entre un homme et son seigneur, représentaient une compensation pour le service militaire accompli et astreignaient le guerrier à l’accomplissement de nouveaux services dans l’avenir74. On peut donc en conclure que, pour les guerriers du haut Moyen Âge britannique, le « retour chez soi » consistait en une série d’événements à dimension fortement collective qui affermissaient les liens sociaux – horizontaux et verticaux – par le moyen de procédés rituels communautaires. L’insistance sur le partage de récits et sur les rituels de groupe consolidait la trame des connexions sociales au sein de la suite armée.
21Et pourtant, il est certain que cette image est incomplète : notamment, elle ne prend pas en compte le rôle des rituels chrétiens de « purification » des guerriers. Dans les dernières pages de cet article, nous aborderons brièvement l’importance de ces rituels chrétiens, à la fois pour les guerriers eux-mêmes et pour la société en général.
Rituels de purification et pénitence chrétienne
- 75 K. O’Donnell, « Help for Heroes… », p. 2392.
- 76 P. Granjo, « The Homecomer : Postwar Cleansing Rituals in Mozambique », Armed Forces and Society, (...)
- 77 Ibid., p. 368.
- 78 B. J. Verkamp, « Moral Treatment… », p. 226.
22L’existence de rituels permettant de « purifier » les guerriers à leur retour a été observée dans de nombreuses sociétés à travers le monde75. Paulo Granjo a noté que les soldats revenant de la guerre civile au Mozambique au début des années 1990 devaient se plier à une série de rituels complexes : l’individu était amené à faire face à ses expériences en les rejouant, puis en effectuant des sacrifices d’animaux avant de réintégrer la société en « homme nouveau76 ». Ces rituels permettaient aussi de chasser tous les esprits qui avaient pu s’attacher aux combattants : on y recourait s’ils avaient tué quelqu’un, mais on croyait aussi que le simple fait de marcher sur le champ de bataille pouvait provoquer le même genre de possession77. Bernard Verkamp qualifie les croyances de ce type d’horror sanguinis : une peur ancestrale de la contamination au contact du sang, que l’individu ait tué ou qu’il ait été témoin d’une tuerie78. Une telle contamination exige donc une purification, pour s’assurer que les guerriers ne reviennent pas porteurs de dangereux miasmes ou d’esprits vengeurs capables de répandre la maladie ou le mauvais sort.
- 79 Táin bó Cúalnge : « Tucad i trí dabchaib úaruscib é do díbdud a ferge » (C. O’Rahilly éd., Táin bó (...)
- 80 D. Wyatt, Slaves and Warriors…, p. 72.
23Dans l’épopée irlandaise du Táin Bó Cúalnge (La Razzia des vaches de Cooley), le jeune héros Cú Chulainn est plongé dans trois cuves d’eau par des femmes nues à son retour d’Emuin. Il est vrai que, dans ce cas précis, l’eau a pour fonction d’« éteindre » le furor de Cú Chulainn plutôt que de le « purifier » de sa culpabilité ou d’éventuels esprits malins qui se seraient attachés à lui suite de sa participation à des actes violents : « On le porta dans trois cuves d’eau froides pour lui noyer sa fureur79 ». Mais le résultat est comparable, car le procédé rend Cú Chulainn à nouveau « sûr », lui permet de se mêler à nouveau aux siens et marque le passage de son ancienne vie de jeune garçon à son nouveau rôle de guerrier de plein exercice80. Or, la souillure dont le rituel vise à purifier le guerrier n’a pas été causée par un autre guerrier, mais par un autre lui-même créé par le furor. En ce sens, Cú Chulainn n’est pas seulement purifié, mais transformé par le rituel : il devient autre.
- 81 B. J. Verkamp, « Moral Treatment… », p. 227.
- 82 B. J. Verkamp, The Moral Treatment of Returning Warriors in Early Medieval and Modern Times, Scran (...)
- 83 R. Meens, Penance in Medieval Europe, 600-1200, Cambridge, 2014, souligne la grande diversité des (...)
- 84 Pour le haut Moyen Âge britannique, voir M. G. Cammarota, « War and the “Agony of Conscience” in Æ (...)
- 85 Voir A. J. Frantzen, « The Tradition of Penitentials in Anglo-Saxon England », Anglo-Saxon England(...)
- 86 Pénitentiel de Théodore, IV, 6 : « Qui per jussionem domini sui hominem occiderit, XL diebus absti (...)
- 87 Ibid., IV, 1.
- 88 Ibid., IV, 7.
- 89 S. Hamilton, The Practice of Penance, 900-1050, Woodbridge, 2001, p. 190-196.
24Même si Verkamp note que la pensée chrétienne du haut Moyen Âge n’associait pas le sang aux esprits vengeurs des hommes tués, cette pensée témoignait d’une forte préoccupation pour la « pureté cultuelle81 ». C’est pourquoi les hommes de Dieu ne devaient pas combattre en personne et que ceux qui prenaient part à la guerre pouvaient se voir refuser la communion et la participation à d’autres activités ecclésiales avant d’avoir subi un rituel de purification82. Les pénitentiels du haut Moyen Âge montrent comment l’Église a cherché à mener à bien la purification spirituelle des combattants après un combat83. Même dans les cas de « guerres justes », tuer constituait un grave péché : ce paradoxe était la cause de grandes angoisses chez les clercs, qui ont âprement débattu à ce propos depuis les débuts de l’Église jusqu’au Moyen Âge84. Au début du viiie siècle, le pénitentiel attribué à l’archevêque Théodore de Cantorbéry affirme85 : « Celui qui tue un homme sur ordre de son seigneur, qu’il reste éloigné de l’église pendant quarante jours ; et celui qui tue un homme dans une guerre publique, qu’il fasse pénitence pendant quarante jours86 ». De toute évidence, tout meurtrier avait commis une transgression et devait être « purifié ». Pourtant l’imposition d’une pénitence de seulement quarante jours contraste fortement avec d’autres types de meurtre. Ainsi, dans le même pénitentiel, le fait de tuer quelqu’un pour venger un parent appelle sept à dix ans de pénitence, qui peuvent être réduits si un wergild est versé ou si le parent était le frère du meurtrier87 ; un assassinat prémédité entraîne sept ans de pénitence et un meurtre « sous le coup de la colère » trois ans. Et même si l’on tuait quelqu’un accidentellement, le temps de pénitence était plus long – un an – que si on l’avait tué à la guerre88. En raison de l’influence de saint Augustin, le fait de tuer quelqu’un à la guerre était apparemment considéré comme « moins grave » que d’autres formes de tuerie, du moment bien sûr que la guerre était « juste » et que le meurtrier n’avait agi qu’en vue du bien commun89.
- 90 B. J. Verkamp, Moral Treatment…, p. 229.
- 91 Texte édité dans H. E. J. Cowdrey, « Bishop Ermenfrid of Sion and the Penitential Ordinance Follow (...)
- 92 H. E. J. Cowdrey, « Bishop Ermenfrid… », p. 241 : « Pro unoquoque quem percussit […], si numerum r (...)
25De fait, les auteurs religieux du haut Moyen Âge mettaient l’accent sur la vie intérieure : c’étaient les motivations de l’individu qui déterminaient son impureté et, donc, son péché90. Cela veut dire que, même si tuer à la guerre était techniquement légal, les individus pouvaient être contraints à faire pénitence afin de remédier à leurs motivations profondes et aux sentiments associés de culpabilité et de honte. Ainsi, dans le texte détaillant les pénitences imposées en 1067 par les évêques normands à tous les combattants de la bataille d’Hastings, il est précisé que ceux qui avaient combattu « par appât du gain » (praedandi causa) devaient faire pénitence comme des meurtriers91. Les évêques normands ne se préoccupaient pas seulement du fait même de la tuerie, mais des motivations intérieures des combattants. En outre, la brutalité de la bataille et des opérations militaires ultérieures conduisit à faire passer la durée de la pénitence de quarante jours à trois ans. Chaque participant devait ajouter une année pour chaque homme tué, et même celui qui avait infligé des blessures sans être certain d’avoir tué quelqu’un devait « faire pénitence pendant quarante jours pour chaque homme frappé, s’il se souvenait du nombre92 ».
- 93 J. L. Nelson, « The Search for Peace in a Time of War : the Carolingian Brüderkrieg, 840-843 », da (...)
- 94 Nithard, Historiarum libri quatuor, III, 1 : « pro sola justicia et aequitate decertaverint » ; « (...)
26Plus de deux cents ans avant la bataille d’Hastings, Nithard évoquait, dans son Histoire des fils de Louis le Pieux, l’assemblée d’évêques réunie après la bataille de Fontenoy en 841. Le combat avait été particulièrement violent, étant donné le contexte d’une guerre civile entre frères93, et les évêques ne manquèrent pas de souligner la légitimité des rois victorieux, Louis et Charles : « On n’avait combattu que pour la justice seule et l’équité. » Néanmoins, chaque combattant fut invité à regarder en lui-même pour voir s’il avait « sciemment par colère, haine, vaine gloire ou quelque autre mauvais dessein, conseillé ou accompli quoi que ce fût de répréhensible au cours de cette expédition » ; toute personne qui s’apercevrait que ses motivations n’avaient pas été suffisamment nobles « devrait faire confession secrète de son péché et serait jugé d’après l’importance de sa faute94 ». En outre, tous les combattants durent faire pénitence pendant trois jours. On voit ainsi que les clercs ne se souciaient pas seulement de l’acte consistant à avoir tué, mais des circonstances spécifiques de chaque bataille. Car Fontenoy fut certes un massacre, mais ce fut aussi un combat fratricide, ce qui le rendait encore plus scandaleux aux yeux de Nithard et de l’ensemble du clergé franc. La réconciliation avec Dieu donnait au guerrier la possibilité de se purifier de ses fautes, en particulier s’il avait été impliqué dans une bataille qui apparaissait particulièrement grave.
27Il est vrai que nous ne pouvons pas savoir jusqu’à quel point les hommes observaient effectivement les pénitences imposées, ni dans quelle mesure ces rituels étaient imbriqués dans les processus plus larges de retour de guerre évoqués plus haut. Les pénitences de guerre montrent toutefois l’importance que revêtait, aux yeux des clercs, la question du salut. Il existait sans doute à ce sujet des conflits entre normes séculières et normes ecclésiastiques ; mais, pour chaque chrétien, le retour de guerre devait s’accompagner d’une réconciliation avec Dieu.
28La pratique de la guerre, qui impliquait d’exercer la violence et de faire face à la mort, avait un impact sur la santé physique et mentale de ceux qui s’y livraient. Pourtant, les auteurs contemporains ne se sont guère souciés de documenter ces effets : c’est pourquoi il nous a fallu trouver des exemples dans une grande variété de sources. Cet article pose sans doute plus de questions qu’il n’en résout, mais nous pouvons néanmoins en tirer quelques conclusions.
29Les hommes qui revenaient de guerre rapportaient avec eux des expériences et des traumatismes : que ceux-ci aient été comparables au TSPT que l’on diagnostique aujourd’hui n’est finalement pas l’essentiel, car leur univers était très différent de celui dans lequel évoluent les combattants contemporains. Il est en effet probable que les anecdotes qui pourraient laisser penser à une hyperstimulation ou à une agressivité extrême reflètent avant tout le fait que les guerriers du haut Moyen Âge étaient conditionnés à l’usage de la violence pour défendre leur place dans la société. La guerre, dans le haut Moyen Âge britannique, était violente et brutale, elle se faisait au corps à corps. Le retour de guerre soumettait donc les combattants à divers rituels ou cérémonies. Ceux-ci pouvaient être influencés par les circonstances dans lesquelles ce retour s’était produit : logiquement, le retour d’une troupe triomphante devait offrir une expérience très différente de celle du retour d’une troupe vaincue, si du moins elle parvenait à revenir. Des récits poétiques comme celui de Beowulf permettent de reconstruire la structure générale d’une « cérémonie de retour de guerre » : raconter des histoires, boire ensemble, échanger des cadeaux, tout cela jouait un rôle important dans l’accueil des guerriers et dans l’approbation de leurs actions. La pénitence chrétienne était elle aussi étroitement ajustée au retour des combattants. Les ecclésiastiques se souciaient surtout de l’âme et des motivations de chaque guerrier, comme si tuer était une chose, et le faire avec colère ou par appât du gain une autre. La pénitence offrait un rituel utile à la « purification » des péchés du guerrier et au salut de son âme. Nous pouvons donc conclure que, dans le haut Moyen Âge britannique, ceux qui rentraient de la guerre étaient amenés à revenir sur leurs expériences et à les transformer par une combinaison de cérémonies collectives et de réflexions personnelles d’inspiration religieuse.
Notes
1 E. Bennett, G. Berndt, S. Esders, L. Sarti éd., Early Medieval Militarisation, Manchester, 2021.
2 B. Raffield, N. Price, M. Collard, « Male-biased Operational Sex Ratios and the Viking Phenomenon : An Evolutionary Anthropological Perspective on Late Iron Age Scandinavian Raiding », Evolution and Human Behavior, 38/3 (2017), p. 315-324.
3 W. G. Runciman, « Accelerating Social Mobility : The Case of Anglo-Saxon England », Past and Present, 104 (1984), p. 3-30.
4 B. J. Verkamp, « Moral Treatment of Returning Warriors in the Early Middle Ages », The Journal of Religious Ethics, 16 (1988), p. 223-249 (p. 226).
5 Sur les traits homériques dans la poésie en vieil anglais, voir A. Chalmers Watts, The Lyre and the Harp. A Comparative Reconsideration of Oral Tradition in Homer and Old English Epic Poetry, New Haven/Londres, 1969.
6 A. T. Hatto, « General Introduction », dans Id. éd., Traditions of Heroic and Epic Poetry, vol. I : The Traditions, Londres, 1980, p. 1-9 (p. 2).
7 G. Dumézil, Heur et malheur du guerrier. Aspects mythiques de la fonction guerrière chez les Indo-Européens, Paris, 1969, p. 13.
8 M. P. Speidel, « Berserks : A History of Indo-European “Mad Warriors” », Journal of World History, 13/2 (2002), p. 253-290.
9 D. Wyatt, Slaves and Warriors in Medieval Britain and Ireland, 800-1200, Leyde, 2009, p. 103-104.
10 Beowulf, v. 2177-2180 : « swa bealdode […] / guma guðum cuð godum dædum / dreah æfter dome nealles druncne slog. / *heorð-geneatas næs him hreoh sefa » (éd. J. Zupitza, Beowulf. Reproduced in Facsimile from the Unique Manuscript British Museum Ms. Cotton Vitellius A. XV. Second Edition, Londres/New York/Toronto, 1959, p. 100). [NdT : trad. fr. A. Crépin, Beowulf, Paris, 2007, p. 177.]
11 Ibid., v. 2182-2183a : « gin-fæstan gife þe him god sealde / heold hildedeor ».
12 W. Miller, « In Defense of Revenge », dans B. A. Hanawalt, D. Wallace éd., Medieval Crime and Social Control, Minneapolis, 1999, p. 70-89.
13 H. E. Davidson, « The Training of Warriors », dans S. C. Hawkes éd., Weapons and Warfare in Anglo-Saxon England, Oxford, 1989, p. 11-23 (p. 15); D. Wyatt, Slaves and Warriors…, p. 66-68; K. R. McCone, « Werewolves, Cyclops, díberga, and fíanna. Juvenile Delinquency in Early Ireland », Cambridge Medieval Celtic Studies, 12 (1986), p. 1-22.
14 Bède, Epistola ad Ecgbertum, § 11 (éd. C. Grocock, I. N. Wood, Abbots of Wearmouth and Jarrow, Oxford, 2013, p. 146-147).
15 Félix de Crowland, Vita sancti Guthlaci, chap. 17 : « conrasis undique diversarum gentium sociis » (éd. B. Colgrave, Felix’s Life of Saint Guthlac. Introduction, Text, Translation and Notes, Cambridge, 1956, p. 80-81). [NdT : sauf mention contraire, les extraits de textes en latin et en vieil anglais sont traduits en français par le traducteur de l’article.]
16 Ibid., chap. 18, éd. cit., p. 80-81.
17 Lois d’Ine, § 14, 14.1, 14.2, 34, 34.1 (S. Jurasinski, L Oliver éd., The Laws of Alfred. The Domboc and the Making of Anglo-Saxon Law, Cambridge, 2021, p. 380-381, 400-401) ; Domboc d’Alfred, § 31, 32, 32.2, 35 (ibid., p. 324-327).
18 I. J. N. Thorpe, « Anthropology, Archaeology, and the Origin of Warfare », World Archaeology, 35 (2003), p. 145-165 (p. 148).
19 The Seafarer, v. 68-71 : « Simle þreora sum þinga gehwylce, / ær his tid aga, to tweon weorþeð; / adl oþþe yldo oþþe ecghete / fægum fromweardum feorh oðþringeð » (G. P. Krapp, E. v. K. Dobbie, The Exeter Book, New York/Londres, 1936, p. 145).
20 The Fortunes of Men, v. 10-14 : « Sumum þæt gegongeð on geoguðfeore / þæt se endestæf earfeðmæcgum / wealic weorþeð. Sceal hine wulf etan, / har hæðstapa ; hinsiþ þonne / modor bimurneð » (ibid., p. 154).
21 Sur le motif des « bêtes de combat », voir M. S. Griffith, « Convention and Originality in the Old English “Beasts of Battle” Typescene », Anglo-Saxon England, 22 (1993), p. 179-199.
22 J. Jesch, « Eagles, Ravens and Wolves : Beasts of Battle, Symbols of Victory and Death », dans Ead. éd., The Scandinavians from the Vendel Period to the Tenth Century. An Ethnographic Perspective, Woodbridge, 2002, p. 251-280.
23 Voir J. Herman, Trauma and Recovery. The Aftermath of Violence, from Domestic Abuse to Political Terror, New York, 1997, p. 1-33.
24 D. Conquergood, « Boasting in Anglo‐Saxon England : Performance and the Heroic Ethos », Literature and Performance, 1 (1981), p. 24-35.
25 The Battle of Maldon, v. 212-215 : « Gemun[aþ] þa mæla þe we oft æt meodo spræcon, / þonne we on bence beot ahofon, / hæleð on healle, ymbe heard gewinn : / nu mæg cunnian hwa cene sy » (éd. D. G. Scragg, Manchester, 1981, p. 64). [NdT : trad. fr. A. Crépin, Poèmes héroïques vieil-anglais, Paris, 1981, p. 177.]
26 Sur l’idée de « gagner son hydromel », voir C. Lee, Feasting the Dead. Food and Drink in Anglo-Saxon Burial Rituals, 2007, p. 13.
27 R. Lavelle, Alfred’s Wars. Sources and Interpretations of Anglo-Saxon Warfare in the Viking Age, Woodbridge, 2010, p. 266.
28 Lois de Hlothhere et Eadric, § 8-9 : « ðær mæn drincen » (L. Oliver éd., The Beginnings of English Law, Toronto, 2002, p. 132).
29 The Fortunes of Men, v. 48-50 : « Sumum meces ecg on meodubence / yrrum ealowosan ealdor oþþringeð, / were winsadum; bið ær his worda to hræd » (éd. cit., p. 155).
30 G. Halsall, Warfare and Society in the Barbarian West, 450-900, New York, 2003, p. 192.
31 Sur la lâcheté, voir R. Abels, « “Cowardice” and Duty in Anglo-Saxon England », Journal of Medieval Military History, 4 (2006), p. 29-49.
32 Chronique anglo-saxonne, ms E, s.a. 1003 : « Sona swa hi wæron swa gehende þet ægðer heora on oðer hawede, þa gebræd he hine seocne ⁊ onga hine brecan to spiwenne […] swa þet folc beswac þet he lædan sceolde » (éd. S. Irvine, The Anglo-Saxon Chronicle : MS E, Cambridge, 2004, p. 64).
33 Ibid. : « his ealdan wrenceas ».
34 La Bataille de Maldon, v. 143-148 : « Đa he oþerne ofstlice sceat / þæt seo byrne tobærst : he wæs on breostum wund / þurh ða hringlocan ; him æt heortan stod / ætterne ord. Se eorl wæs þe bliþra : / hloh þa modi man, sæde Metode þanc / ðæs dægweorces þe him Drihten forgeaf » (éd. cit., p. 61). [NdT : trad. fr. cit., p. 174.]
35 A. Orchard, « The World of Anglo-Saxon England », dans C. Saunders éd., A Companion to Medieval Poetry, Malden/Oxford/Chichester, 2010, p. 15-33 (p. 29).
36 L. Tracy, K. R. DeVries éd., Wounds and Wound Repair in Medieval Culture, Leyde, 2015.
37 M. Holst, Osteological Analysis, Heronbridge, Chester, Cheshire, York, 2004.
38 F. K. Annable, B. Eagles, The Anglo-Saxon Cemetery at Blacknall Field, Pewsey, Wiltshire, Devizes, 2010, p. 86; A. Boyle et al., The Anglo-Saxon Cemetery at Butler’s Field, Lechlade, Gloucestershire, vol. 1 : Prehistoric and Roman Activity and Anglo-Saxon Grave Catalogue, Oxford, 1998, p. 82.
39 M. R. Geldof, « “And describe the shapes of the dead” : Making Sense of the Archaeology of Armed Violence », dans L. Tracy, K. R. DeVries éd., Wounds and Wound Repair…, p. 57-80.
40 N. Lund, Lið, leding og landeværn. Hær og samfund i Danmark i ældre middelalder, Roskilde, 1996.
41 B. Raffield, C. Greenlow, N. Price, M. Collard, « Ingroup Identification, Identity Fusion and the Formation of Viking War Bands », World Archaeology, 48/1 (2016), p. 35-50 (p. 40-42).
42 Félix de Crowland, Vita sancti Guthlaci, chap. 16 (éd. cit., p. 80).
43 J. Bosworth et T. N. Toller éd., An Anglo-Saxon Dictionary Based on the Manuscript Collections, Oxford, 1991, p. 391, traduisent par « society, fellowship, brotherhood ».
44 Beowulf, v. 2596 (éd. cit., p. 121).
45 Beowulf, v. 1795 (éd. cit., p. 82).
46 Beowulf, v. 261 (éd. cit., p. 13).
47 C. Brady, « “Warriors” in Beowulf : An Analysis of the Nominal Compounds and an Evaluation of the Poet’s Use of Them », Anglo-Saxon England, 11 (1982), p. 199-246 (p. 218); J. Bazelmans, By Weapons Made Worthy. Lords, Retainers and Their Relationship in Beowulf, Amsterdam, 1999, p. 13.
48 La Bataille de Brunanburh, v. 39-40, dans Chronique anglo-saxonne, ms A, s.a. 937 : « Gelpan ne þorfte beorn / blandenfeax bilgeslehtes » (J. M. Bately éd., The Anglo-Saxon Chronicle : MS A, Cambridge, 1986, p. 71-72). [NdT : les extraits de La Bataille de Brunanburh sont cités d’après notre propre traduction, à paraître dans la revue en ligne Tabularia.]
49 Ibid., v. 40-41 : « he wæs his mæga sceard, / freonda gefylled ».
50 Ibid., v. 43-44 : « forlet on wælstowe wundun fergrunden, / giungne æt guðe ».
51 Ibid., v. 53-55 : « Gewitan him […] on Dingesmere / ofer deop wæter Difelin secan, / ⁊ est Hiraland, æwiscmode ».
52 Ibid., v. 58-59 : « cyþþe sohton, / Wesseaxena land, wiges hremige ».
53 Bède, Historia ecclesiastica, I, 34 : « Unde motus ejus profectibus Aedan rex Scottorum, qui Brittaniam inhabitant, venit contra eum cum inmenso et forti exercitu; sed cum paucis victus aufugit » (éd. B. Colgrave, R. A. B. Mynors, Bede’s Ecclesiastical History of the English People, Oxford, 1969, p. 116-117) [NdT : trad. fr. O. Szerwiniack et al., Bède le Vénérable : Histoire ecclésiastique du peuple anglais, Paris, 1999, t. 1, p. 73].
54 Ibid., III, 18 : « Et cunctus eorum insistentibus paganis caesus sive disperses exercitus » (éd. cit., p. 268-269). [NdT : trad. cit., t. 1, p. 164.]
55 G. Halsall, Warfare and Society…, p. 211.
56 R. Abels, « “Cowardice” and Duty… », p. 36-39.
57 R. B. Ferguson, « Explaining War », dans J. Haas éd., The Anthropology of War, Cambridge, 1990, p. 26-55 (p. 46).
58 P. M. Sørensen, The Unmanly Man. Concepts of Sexual Defamation in Early Northern Society, Odense, 1983 ; L. Skogstrand, Warriors and other Men. Notions of Masculinity from the Late Bronze Age to the Early Iron Age in Scandinavia, Oxford, 2016.
59 II Cnut, § 77 (Wulfstan, Old English Legal Writings, éd. A. Rabin, Washington, DC, 2020, p. 294). Sur les lois de Cnut, promulguées en 1020 ou 1021, rédigées par l’archevêque Wulfstan d’York, et qui se situaient dans le sillage de la législation des rois anglo-saxons Edgar et Æthelred II, voir P. Wormald, The Making of English Law : King Alfred to the Twelfth Century, Oxford, 1999, p. 345-365.
60 Sur ce thème dans la littérature épique, voir R. H. Bremmer, « Old English Heroic Literature », dans D. F. Johnson, E. Treharne éd., Readings in Medieval Texts. Interpreting Old and Middle English Literature, Oxford, 2005, p. 75-90 (p. 77-78).
61 R. Abels, Lordship and Military Obligation in Anglo-Saxon England, Berkeley, 1988, p. 32.
62 Lois d’Ine, § 51 (éd. cit., p. 112).
63 A. Renoir, « The Hero on the Beach : Germanic Theme and Indo-European Origin », Neuphilologische Mitteilungen, 90 (1989), p. 111-116.
64 Beowulf, v. 1970-1974 : « þaet ðaer on worðig wigendra hleo / lind-gestealla lifigende cwom heaðo-laces » (éd. cit., p. 90) [NdT : trad. fr. cit., p. 165].
65 Ibid., v. 1979 : « þurh hleoðor-cwyde holdne gegrette » [NdT : trad. fr. cit., p. 165].
66 Ibid., v. 1980b-1983 (éd. cit., p. 91). Ce rôle est traditionnellement dévolu aux femmes : A.-S. Gräslund, « The Position of Iron Age Scandinavian Women : Evidence from Graves and Rune Stones », dans A. Bettina, N. L. Wicker éd., Gender and the Archaeology of Death, Lanham, 2001, p. 81-102.
67 Beowulf, v. 2148-2219 (éd. cit., p. 98-103).
68 Sur l’importance des valeurs chrétiennes dans les récits de ce type, voir K. O’Brien O’Keeffe, « Heroic Values and Christian Ethics », dans M. Godden, M. Lapidge éd., The Cambridge Companion to Old English Literature, Cambridge, 1991, p. 117-126. Sur cette représentation du passé pré-chrétien dans la littérature héroïque, voir A. Gautier, Beowulf au paradis. Figures de bons païens dans l’Europe du Nord au haut Moyen Âge, Paris, 2017.
69 Lois d’Æthelberht, § 13 (L. Oliver éd., The Beginnings…, p. 64).
70 R. Cramp, « The Hall in Beowulf and in Archaeology », dans H. Damico, J. Leyerle éd., Heroic Poetry in the Anglo-Saxon Period. Studies in Honor of Jess B. Bessinger, Jr., Kalamazoo, 1993, p. 336-337 ; J. Walker, « In the Hall », dans M. Carver, A. Sanmark, S. Semple éd., Signals of Belief in Early England. Anglo-Saxon Paganism Revisited, Oxford, 2010, p. 83-102.
71 A. Gautier, Le Festin dans l’Angleterre anglo-saxonne, Rennes, 2006, p. 119-185.
72 A. Y. Shalev et al., « Historical Group Debriefing after Combat Exposure », Military Medicine, 163 (1998), p. 494-498.
73 K. O’Donnell, « Help for Heroes : PTSD, Warrior Recovery, and the Liturgy », Journal of Religion and Health, 54 (2015), p. 2389-2397 (p. 2393).
74 R Abels, Lordship and Military Obligation…., p. 31.
75 K. O’Donnell, « Help for Heroes… », p. 2392.
76 P. Granjo, « The Homecomer : Postwar Cleansing Rituals in Mozambique », Armed Forces and Society, 33 (2007), p. 382-395.
77 Ibid., p. 368.
78 B. J. Verkamp, « Moral Treatment… », p. 226.
79 Táin bó Cúalnge : « Tucad i trí dabchaib úaruscib é do díbdud a ferge » (C. O’Rahilly éd., Táin bó Cúalnge from the Book of Leinster, Dublin, 1967, p. 32-33) [NdT : trad. fr. C.-J. Guyonvarc’h, La Razzia des vaches de Cooley, Paris, 1994, p. 101.]
80 D. Wyatt, Slaves and Warriors…, p. 72.
81 B. J. Verkamp, « Moral Treatment… », p. 227.
82 B. J. Verkamp, The Moral Treatment of Returning Warriors in Early Medieval and Modern Times, Scranton, 2006, p. 11-12.
83 R. Meens, Penance in Medieval Europe, 600-1200, Cambridge, 2014, souligne la grande diversité des formes de pénitence dans l’Europe du haut Moyen Âge et leur évolution vers des pratiques plus officielles à partir de l’époque carolingienne.
84 Pour le haut Moyen Âge britannique, voir M. G. Cammarota, « War and the “Agony of Conscience” in Ælfric’s Writings », Mediaevistik, 26 (2013), p. 87-110 ; J. E. Cross, « The Ethic of War in Old English », dans P. Clemoes, K. Hughes éd., England Before the Conquest. Studies in Primary Sources Presented to Dorothy Whitelock, Cambridge, 1971, p. 269-282 ; B. Snook, « Just War in Anglo-Saxon England : Transmission and Reception », dans A. Classen, N. Margolis éd., War and Peace. Critical Issues in European Societies and Literature 800-1800, Berlin, 2011, p. 99-120.
85 Voir A. J. Frantzen, « The Tradition of Penitentials in Anglo-Saxon England », Anglo-Saxon England, 11 (1982), p. 23-56 (p. 27)
86 Pénitentiel de Théodore, IV, 6 : « Qui per jussionem domini sui hominem occiderit, XL diebus abstineat se ab ecclesia, et qui occiderit hominem in publico bello, XL dies poenitat. » (éd. H.-J. Schmitz, Die Bussbücher und die Bussdisciplin der Kirche, nach handschriftlichen Quellen dargestellt von Herm. Jos. Schmitz, Mayence, 1883, vol. 1, p. 528).
87 Ibid., IV, 1.
88 Ibid., IV, 7.
89 S. Hamilton, The Practice of Penance, 900-1050, Woodbridge, 2001, p. 190-196.
90 B. J. Verkamp, Moral Treatment…, p. 229.
91 Texte édité dans H. E. J. Cowdrey, « Bishop Ermenfrid of Sion and the Penitential Ordinance Following the Battle of Hastings », The Journal of Ecclesiastical History, 20/2 (1969), p. 225-242 ; voir aussi C. Morton, « Pope Alexander II and the Norman Conquest », Latomus, 34/2 (1975), p. 362-382, et G. Garnett, Conquered England : Kingship, Succession, and Tenure, 1066-1166, Oxford, 2007, p. 5-6.
92 H. E. J. Cowdrey, « Bishop Ermenfrid… », p. 241 : « Pro unoquoque quem percussit […], si numerum retinet, pro unoquoque XL diebus poenitat ».
93 J. L. Nelson, « The Search for Peace in a Time of War : the Carolingian Brüderkrieg, 840-843 », dans J. Fried éd., Träger und Instrumentarien des Friedens im hohen und späten Mittelalter, Stuttgart, 1996, p. 87-114.
94 Nithard, Historiarum libri quatuor, III, 1 : « pro sola justicia et aequitate decertaverint » ; « at quicumque, consciens sibi, aut ira aut odio aut vana gloria aut certe quolibet vitio quiddam in hac expeditione suasit vel gessit » ; « esset vere confessus secrete secreti delicti et secundum modum culpe dijudicaretur » (Nithard, Histoire des fils de Louis le Pieux, éd. P. Lauer, revue par S. Glansdorff, Paris, 2012, p. 92-93). [NdT : trad. fr. ibid.]
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Référence papier
Ellora Bennett, « « Son frère d’armes revient de guerre » : réflexion sur le retour des guerriers et les rituels de purification dans le haut Moyen Âge britannique », Médiévales, 84 | 2023, 25-42.
Référence électronique
Ellora Bennett, « « Son frère d’armes revient de guerre » : réflexion sur le retour des guerriers et les rituels de purification dans le haut Moyen Âge britannique », Médiévales [En ligne], 84 | printemps 2023, mis en ligne le 02 janvier 2025, consulté le 15 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/medievales/12430 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/medievales.12430
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