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Points de vue

De l’esclavage au servage : pour une étude des dynamiques de la servitude

Nicolas Carrier
p. 179-196

Texte intégral

  • 1 B. Guérard, « Prolégomènes », dans Polyptyque de l’abbé Irminon ou Dénombrement des manses, des se (...)
  • 2 M. Bloch, « Comment et pourquoi finit l’esclavage antique », Annales. Économies, sociétés, civilis (...)
  • 3 M. Bloch, « Les “Colliberti”. Étude sur la formation de la classe servile », Revue historique, 157 (...)

1L’étude de la servitude au Moyen Âge a longtemps été dominée par la problématique de la transition entre esclavage et servage. Cela relève d’une vision globalement optimiste des transformations sociales, qui remonte aux historiens libéraux du xixe siècle. Pour Benjamin Guérard, par exemple, on est passé de l’esclavage antique à la servitude du haut Moyen Âge par une certaine limitation de l’arbitraire des maîtres ; enfin, la servitude se changeant en servage au temps de la féodalité, le serf n’a plus été redevable à son seigneur que d’une partie de son travail ou de ses ressources, au prix de quoi il a gagné son indépendance et celle de ses terres. Au total on observe un progrès, et le millénaire médiéval a contribué pour une part à la longue histoire de la libération des hommes1. Marc Bloch était l’héritier jusqu’à un certain point de cet optimisme louis-philippard. Son célèbre article posthume, titré « Comment et pourquoi finit l’esclavage antique ? », s’inscrit dans cette ligne2. Mais il a vu aussi – c’est le grand apport, notamment, de ses travaux sur les culverts3 – qu’il pouvait y avoir des retours au moins formels de servitude, et les médiévistes soumis à son influence ont été sensibles aux phénomènes de « nouveau servage ». Reste que, dans cette perspective, la servitude médiévale est plutôt considérée comme découlant de celle de l’Antiquité, qu’elle aurait avantageusement remplacée.

  • 4 C. Verlinden, L’Esclavage dans l’Europe médiévale, t. I : Péninsule Ibérique, France, Bruges, 1955 (...)
  • 5 S. Victor, Les Fils de Canaan. L’esclavage au Moyen Âge, Paris, 2019.

2Un autre courant de recherche a souligné la subsistance de l’esclavage de traite pendant le premier millénaire, et même son renouveau à la fin du Moyen Âge, notamment aux franges méditerranéennes de la chrétienté. En France, il est surtout représenté par les travaux de Charles Verlinden4. C’est dans cette ligne que s’inscrit un rapide essai de synthèse que Sandrine Victor a récemment consacré à l’histoire de l’esclavage au Moyen Âge5. Le servage n’y occupe qu’une place très secondaire. L’autrice ne se préoccupe de le caractériser que dans la mesure où cela aide à définir, en creux, l’esclavage, qui est l’objet véritable de son livre. Le servage, pense-t-elle, n’est pas issu de l’esclavage et il ne s’est pas substitué strictement à lui, comme un adoucissement et un progrès moral. Elle lui verrait plutôt une origine composite. Elle souligne que les deux formes de servitude ont coexisté, comme par exemple dans la Catalogne des xiiie et xive siècles. On voit bien que l’une est plutôt urbaine, l’autre plus rurale, plus répandue et réputée moins rude. C’est cette dernière qu’on appelle servage, mais les textes médiévaux ne font pas toujours la différence, tant s’en faut. Avant que le mot sclavus, qui a donné l’italien schiavo et le français « esclave », ne perde sa connotation ethnique et désigne spécifiquement les esclaves de traite, le vocabulaire romain de la servitude – c’est-à-dire le neutre mancipium et le couple servus/ancilla – a été appliqué aussi bien à des esclaves qu’à d’autres dépendants que nous appelons des serfs. Leur servitude est héréditaire comme celle des esclaves, mais à la différence de ces derniers, ils ne semblent pas des morts sociaux, des exclus de l’humanité commune. Ils ne sont pas non plus soumis à l’arbitraire de leur maître. Ils seraient plutôt liés à lui par une relation contractuelle. Avec son accord, d’ailleurs, ils peuvent se marier et posséder. Ils sont eux-mêmes objets de possession et d’échange, comme les esclaves, mais uniquement par l’intermédiaire de la terre qu’ils travaillent : ne sont-ils pas toujours cédés avec elle ? En dernière analyse, le servage serait plutôt « un statut social inférieur ».

  • 6 Ibid., p. 17, 23-31, 76-82, 93-94.
  • 7 Ibid., p. 27 ; voir H. Dubled, « Mancipium », Revue du Moyen Âge latin, 5 (1949), p. 51-56.
  • 8 S. Victor, Les Fils de Canaan…, p. 77. On sait bien depuis Marc Bloch qu’il ne s’agit que du préam (...)

3Ces notations interviennent en différents endroits de l’ouvrage, par touches successives et toujours dans une perspective historiographique. Sandrine Victor ne dissimule nullement la complexité des débats et même l’embarras des médiévistes. Elle-même, d’ailleurs, ne contribue guère à débrouiller la question, du fait qu’elle juxtapose sans trop les hiérarchiser des éléments d’analyse empruntés à des travaux de référence et à des synthèses moins sûres, à des anthropologues et à des historiens, à des spécialistes de l’esclavage et du servage, et concernant ce dernier, à des positions historiographiques qui s’excluent mutuellement, certaines étant définitivement dépassées6. Par exemple, il est temps de renoncer à l’idée, reprise d’un vieil article d’Henri Dubled, que le terme mancipium aurait une « nuance matérielle et bestiale7 ». Ce mot est exactement synonyme de servus et ancilla. Son genre neutre ne renvoie nullement à l’inhumanité de l’esclave. Il lui permet simplement d’être employé lorsqu’il s’agit de désigner des asservis des deux sexes, c’est pourquoi on le rencontre le plus souvent au pluriel. On s’étonne aussi de voir l’autrice accorder du crédit à la légende éculée selon laquelle une supposée « ordonnance royale » de 1315 aurait affranchi tout homme entrant dans le royaume de France8. On aurait toutefois mauvaise grâce à reprocher à Sandrine Victor les quelques erreurs factuelles qui déparent les pages qu’elle consacre au servage, car pour elle l’important n’est pas là. Il est plutôt dans la subsistance et le renouveau de l’esclavage de traite. C’est d’ailleurs à la traite méditerranéenne que sont consacrées les meilleures pages de l’ouvrage. Ce dernier illustre bien un actuel déplacement de l’intérêt des médiévistes. Alors que le remplacement de l’esclavage par le servage était encore, il y a un quart de siècle, un enjeu central de la querelle sur la « mutation de l’an mil », on préfère montrer aujourd’hui qu’il n’y a pas eu de remplacement. Dans cette perspective, la place du Moyen Âge dans l’histoire de la servitude et de la liberté des hommes, c’est d’avoir été un pont entre l’esclavage antique et l’esclavage moderne. C’est vrai à certains égards, mais le problème du servage subsiste néanmoins.

  • 9 A. Rio, Slavery after Rome, 500-1000, Oxford, 2017.
  • 10 F. Panero, Forme di dipendenza rurale nel Medioevo. Servi, coltivatori liberi e vassalli contadini (...)
  • 11 Id.Il servaggio bassomedievale. « Taillables » e « mainmortables » nell’area alpina occidentale, (...)

4Plus ambitieux est le livre que la médiéviste franco-britannique Alice Rio, de l’université de Londres, a consacré en 2017 aux transformations de l’esclavage pendant le premier millénaire de notre ère9. C’est certainement le plus important des ouvrages récemment parus sur la servitude médiévale. Préparé par plusieurs articles, il fait le bilan des recherches qu’elle a menées depuis sa thèse soutenue en 2006 sur les formulaires de la Gaule franque, mais il offre aussi une revue de l’historiographie européenne dans son ensemble. Néanmoins, il n’aborde pas directement la question des origines et de la nature du servage. Cette dernière est centrale, en revanche, dans deux livres qu’a fait paraître Francesco Panero en 2018 et 2019. Auteur, en près de cinquante ans, d’une bibliographie considérable sur la condition paysanne dans l’Italie médiévale, il a surtout, durant les dernières années, confronté ses thèses de façon parfois polémique à celles des principaux spécialistes européens de l’histoire des campagnes et de la seigneurie. C’est ce qu’il fait dans ces deux ouvrages. Le premier reprend la matière de plusieurs mises au point historiographiques déjà publiées sous forme d’articles10. Le second est un essai original sur la condition juridique des paysans dans les régions alpines à la fin du Moyen Âge11.

5Sandrine Victor le fait remarquer : les débats sur la servitude médiévale ont toujours été complexes et encore aujourd’hui, ils sont loin d’être tranchés. Ces livres en sont une illustration de plus, aussi bien parce qu’ils soutiennent des thèses tout opposées, que parce que l’un et l’autre sont critiques à l’égard des auteurs qui les ont précédés. Tâchons cependant, en les confrontant, d’éclaircir et peut-être de faire progresser les problèmes.

Déclin ou dynamique de la servitude au haut Moyen Âge ?

  • 12 F. Panero, Forme di dipendenza rurale…, p. 67-80, 84-85, 106-109. Voir L. Verriest, Institutions m (...)

6Francesco Panero développe des considérations de méthode et de fond. Il y a toujours eu, dit-il, deux écoles parmi les médiévistes italiens et européens. L’une qui insiste sur la confusion croissante des conditions juridiques personnelles, aboutissant à cette servitude mitigée que serait le servage. Une autre qui souligne que la distinction entre libres et non-libres a persisté tout au long du Moyen Âge. Il se range clairement dans ce dernier camp, sans nier toutefois ce que le premier point de vue a de vrai. Par exemple il y a, dans le droit et la pratique du haut Moyen Âge, des facteurs de flou juridique. Le plus évident est l’affranchissement sous conditions. Ce dernier n’accordait aux esclaves qu’une liberté cum obsequio, laissant l’affranchi soumis à un devoir de reconnaissance envers son libérateur, qui était concrétisé par des charges et obligations très réelles. Telle est par excellence la condition des aldions (aldii) de la loi lombarde, mais aussi celle des culverts (colliberti) français ou italiens, ou encore des lides (laeti) germaniques. Cela dit, les obligations qu’ils ont à l’égard de leur maître ne forment pas une servitude. Ils ont des devoirs, mais aussi des droits qu’ils font valoir en justice : en deux mots, une personnalité juridique. Par contraste, les servi du haut Moyen Âge ne sont pas sujets de droit. Malgré les éléments qui pourraient prêter à confusion, la frontière entre liberté et servitude reste toujours claire. Certains ne l’ont pas vu, et pas des moindres. Marc Bloch, à cet égard, n’est pas sans reproches. Francesco Panero énumère ses erreurs supposées avec assez de complaisance : c’est à tort, par exemple, qu’il a pensé que les culverts, qui étaient à l’origine des affranchis sous condition, ont été ramenés dans leur ensemble à un statut servile. Bien sûr, certains documents seigneuriaux font des confusions intéressées, les assimilant parfois aux servi. Mais la loi distingue bien ces derniers de toutes les autres catégories de dépendants, notamment lorsqu’elle se préoccupe du statut des enfants issus de mariages mixtes : la condition de servus est toujours présentée comme « la pire condition », preuve qu’elle est à la fois bien identifiée et très redoutable. Marc Bloch a confondu différents types de libération : la manumission, qui libère totalement l’esclave ; l’affranchissement sous condition, qui met fin à sa servitude mais maintient sa dépendance ; enfin la charte de franchises, qui se contente d’alléger la charge fiscale qui pèse sur lui. C’est à cause de ces confusions, et de bien d’autres, comme Léo Verriest l’a montré, que M. Bloch voyait des serfs là où il n’y en avait pas, imaginant par exemple que ceux du Bassin parisien étaient plus nombreux sous Saint Louis que sous Charlemagne12.

  • 13 F. Panero, Forme di dipendenza rurale…, p. 10-12, 22-23, 27-28. Id., Il servaggio bassomedievale…, (...)

7En réalité, poursuit Francesco Panero, les asservis n’ont toujours représenté qu’une minorité clairement identifiée au milieu d’une masse de paysans libres. Ils ont été, successivement, de deux sortes. Les servi du haut Moyen Âge ne sont rien d’autre que les héritiers des esclaves de l’Antiquité. Le service illimité qui était demandé à ces derniers a été progressivement remplacé par des corvées qui leur laissaient, le reste du temps, une certaine autonomie. Ils acquièrent à l’époque carolingienne des droits qui leur étaient jusqu’alors refusés, notamment celui de se marier, de posséder des terres et de les échanger. Dès lors ils ne sont plus vraiment des esclaves, et d’ailleurs la coutume ne leur impose pas forcément des charges plus lourdes qu’aux dépendants libres. Non : ce qui fait dorénavant le tout de leur condition, ce qui est devenu la définition même de la servitude, c’est le caractère héréditaire du lien qui les attache à leur maître. Il ne leur est pas possible de le rompre, et à leurs descendants pas davantage. C’est cela qui les distingue des tenanciers libres, qui sont beaucoup plus nombreux. De tout temps en effet, les servi ont été minoritaires : ils représentaient un homme sur trois peut-être dans l’Italie d’Auguste ; ils ne sont plus qu’un sur cinq aux ixe-xe siècles, un sur dix seulement à la fin du xie : les affranchissements individuels et collectifs, la croissance démographique, la crise de la curtis, enfin l’établissement de la seigneurie banale, en ont eu à peu près raison. C’est pourquoi l’on voit les paysans italiens si mobiles au Moyen Âge central. Mais la disparition des servi est une tendance européenne13.

  • 14 F. Panero, Forme di dipendenza rurale…, p. 45-65 ; Id., Il servaggio bassomedievale…, p. 28-34.
  • 15 Id., Forme di dipendenza rurale…, p. 91-105.

8À partir du xiie siècle toutefois, une nouvelle forme de servitude apparaît dans certaines régions de la péninsule Ibérique, de la France et de l’Italie : c’est « le servage post-irnérien ». Francesco Panero l’appelle ainsi car il a été formalisé par les juristes bolonais qui, à la suite d’Irnerius, ont redécouvert et réinterprété le droit romain depuis la fin du xiie siècle. Il doit être appelé servage car il n’est pas un héritage de l’esclavage antique. En témoigne le changement du vocabulaire : on ne rencontre plus guère de servi dans la documentation, mais plutôt des homines proprii, des homines de corpore, des remences ou encore des adscriptii. Ce servage, souligne l’auteur, a un fondement inséparablement réel et personnel : réel, car on y entre pour recevoir une terre ; personnel, car on se lie au seigneur concédant en lui prêtant, soit un hommage, soit un serment de fidélité, en tout cas en s’engageant à résider pour toujours sur le bien qu’on a reçu de lui, l’engagement valant aussi pour les héritiers. Les seigneurs ne concèdent donc des tenures qu’à condition que les bénéficiaires s’y attachent définitivement. C’est par ce moyen qu’ils entendent prévenir l’émigration des paysans vers les villes ou les terres qui restent à défricher. Là encore, c’est l’hérédité qui fait la servitude, car en matière de redevances ou de corvées, les serfs ne sont pas plus chargés que les libres14. Les libres, ce sont les livellarii, qui sont liés à leur seigneur par un contrat temporaire de concession de terre, et les massarii, qui reçoivent des tenures à vie. Ce qui fait leur liberté personnelle, c’est leur droit de quitter leur maître, au pire en lui abandonnant leur terre, au mieux en la revendant à un tiers. Dans toute l’Europe, les paysans libres restent bien plus nombreux que les serfs15.

9Dans la conception de Francesco Panero, si le servage irnérien a bien un caractère de nouveauté, l’histoire de la servitude ne serait rien d’autre avant lui que la longue agonie de l’esclavage romain. Le livre d’Alice Rio est consacré tout entier à montrer le contraire. Elle aussi est passablement critique à l’égard des médiévistes français. Parmi les reproches qu’elle leur fait, le moindre est un esprit de système qui leur a fait universaliser des modèles élaborés à partir des sources françaises. Le même esprit a amené Georges Duby et ses disciples à essentialiser, comme deux « homogenous monoliths », deux modèles de société de part et d’autre de la « mutation féodale », l’un conservant des institutions publiques de tradition romaine, un autre qui en serait dépourvu. Ce sont, dit-elle, des conceptions trop abstraites. Surtout, l’insistance sur le maintien des institutions romaines amène à se focaliser sur le problème du maintien ou du déclin de l’esclavage romain, le déclin ne pouvant mener, en toute hypothèse, qu’au servage. La grande question devient : à partir de quand ceux que les sources appellent servi ne sont-ils plus des esclaves mais des serfs ? Du coup, la servitude du haut Moyen Âge n’est jamais étudiée pour elle-même. Elle a pourtant ses caractéristiques propres, qu’on s’interdit de voir si l’on se demande seulement, à propos de tel dossier documentaire, si l’on est « encore » en présence de l’esclavage romain ou « déjà » face au servage.

  • 16 A. Rio, Slavery after Rome…, p. 3. Sur les liens entre l’esclavage et l’altérité culturelle et rel (...)
  • 17 A. Rio, Slavery after Rome…, p. 19-41.
  • 18 Ibid., p. 216-230.

10Voici, selon Alice Rio, ce qui fait l’originalité de la servitude haut-médiévale : elle n’est liée ni à l’étrangeté culturelle, comme celle de la Grèce et de Rome, ni à la diversité raciale, comme l’esclavage moderne, ni à l’altérité religieuse, comme l’esclavage du bas Moyen Âge chez les chrétiens et les musulmans16. Malgré la persistance d’un esclavage de traite, lié aux guerres et au razzias qu’on y faisait17, l’asservi du haut Moyen Âge est communément pour son maître un semblable, ethniquement, culturellement, religieusement. Le rôle du christianisme dans la fin de l’esclavage romain a suscité des milliers de pages qui, souvent, enseignent davantage sur les convictions de leurs auteurs que sur le sujet dont ils traitent. L’autrice n’aborde que rapidement la question, mais elle le fait de façon fine, équilibrée et convaincante18. Comme elle le rappelle, le christianisme n’a pas révélé au monde l’humanité de l’esclave, que le droit romain ne niait nullement. Il n’a pas non plus dénoncé l’esclavage comme intrinsèquement mauvais. L’Église n’interdisait donc pas aux chrétiens d’asservir d’autres chrétiens et elle-même en possédait. Son rôle est ailleurs, et il n’est pas mince : il est dans l’affirmation d’une commune vocation des libres et des esclaves au salut éternel. Pour ces derniers, cela supposait notamment de suivre les règles chrétiennes du mariage. La législation canonique va donc dans le sens d’une reconnaissance de plus en plus forte des unions serviles, mais avec prudence, car il était délicat de conférer la pleine dignité d’un mariage chrétien à des conjonctions parfois fragiles. Le lent accès des asservis aux droits familiaux, et aux droits patrimoniaux qui les accompagnent, est, pour le sujet qui nous occupe, la conséquence la plus notable de la christianisation de la société occidentale.

  • 19 Ibid., p. 10-16.

11Si l’on met de côté cette tendance de fond, on est plutôt frappé par la diversité des fonctions que remplit le statut de non-libre au cours du haut Moyen Âge. Pour le comprendre, dit Alice Rio, il faut moins se demander ce qu’il est que le rôle qu’on lui fait jouer. Le statut juridique formel des asservis ne change pas, mais son sens évolue en fonction des stratégies mises en œuvre par les puissants dans un objectif de reproduction de leur domination. La condition servile est donc en dernière analyse « the result of an act of labelling » : une étiquette mise sur une situation de dépendance. L’emploi du mot servus et de ses équivalents est « a claim rather than […] simply a descriptor » : il ne vise pas à décrire, plus ou moins correctement, une condition juridique, il impute un statut. L’imputation de servitude a donc été le moyen d’inclure sous un certain type de sujétion des hommes et des femmes qui ne se voyaient sans doute pas si différents de leurs voisins libres, encore que les formulaires s’attachent à les ranger clairement dans le camp des asservis, en les soumettant notamment aux mêmes châtiments que les autres esclaves19. L’histoire de la servitude haut-médiévale n’est pas celle d’une longue agonie de l’esclavage romain. Jamais aboli ni même moralement condamné, ce dernier est resté juridiquement bien vivant jusqu’au xie siècle, en ce sens que les outils juridiques romains de l’asservissement et de l’affranchissement sont restés très employés, mais pour des usages nouveaux. Alice Rio insiste quant à elle sur la variété des objectifs qu’on fait remplir au label « esclave » au cours du haut Moyen Âge, plutôt que sur des facteurs unifiants, comme elle le ferait si, dans une perspective finaliste, elle cherchait les origines du servage.

  • 20 Ibid., p. 42-74.

12Particulièrement éclairant est le cas de l’esclavage pénal et des autodéditions pour cause de dette20. Il montre à merveille à la fois ce que la servitude du haut Moyen Âge doit à ses racines romaines et comment elle s’est adaptée aux transformations de la société. La loi romaine classique interdisait à quiconque de se vendre ou se donner en servitude, considérant qu’à la lettre, la liberté n’avait pas de prix. Mais les conséquences pratiques de cette condamnation de principe étaient curieuses : celui qui se vendait était considéré comme fautif et son châtiment était la privation d’une liberté qu’il ne méritait pas ! Si bien que le droit romain tardif, tel que nous le connaissons par les Institutes de Justinien, accepte qu’on devienne esclave par autodédition. En revanche, les Institutes ne mentionnent pas l’esclavage pénal, car si les humiliores pouvaient devenir par cette voie les esclaves de l’État, par exemple en étant condamnés aux mines, on n’était jamais asservi pénalement à un particulier. L’esclavage pénal proprement dit naît des transformations du droit pénal au haut Moyen Âge : un criminel peut dorénavant être asservi à sa victime parce qu’il est incapable de payer la compensation judiciaire qu’il lui doit. C’est donc un cas particulier de l’esclavage pour dette : on paye de sa personne faute de pouvoir le faire de son argent. C’est aussi que les compensations prévues par les lois barbares sont terriblement élevées et que seuls sont capables de les acquitter les potentes ou ceux qui peuvent faire appel à un réseau pour payer la somme. L’esclave pénal est donc celui qui a été exclu de sa communauté, parce que cette dernière n’a pas voulu assumer les conséquences de son comportement. Toutefois, les formules franques montrent que cette exclusion n’est pas sans remède. Elles prévoient par exemple qu’un tiers peut payer la compensation en lieu et place du condamné ; c’est donc lui qui en devient le propriétaire, au titre de sa créance. Mais si la vie du condamné est estimée à un plus haut prix que la compensation qu’il devait, son acheteur peut lui verser, à lui aussi, un complément de prix d’achat. La liberté n’était donc plus considérée comme sans prix, et d’ailleurs on ne se vendait pas sans marchandage. À l’époque carolingienne apparaît l’esclavage temporaire : on se donne en gage jusqu’au remboursement d’une dette, ou même à temps, c’est-à-dire quelques jours par semaine, et le travail servile fait office d’intérêt. On voit toute l’ambiguïté du statut de l’esclave temporaire : qui pourrait croire qu’il est exclu de l’humanité une partie de sa semaine de travail ? Pourtant, il s’engage formellement à se soumettre aux châtiments de son maître, au même titre que ses autres mancipia. Cette servitude comporte bien une macule : certains capitulaires donnent l’esclavage pénal comme un motif suffisant de rupture des mariages. Mais d’autres recommandent à la femme de l’esclave de rester avec lui, surtout s’il s’est vendu pour la nourrir.

13La question de l’hérédité est très finement analysée, de manière moins dogmatique que par Francesco Panero : ce n’est pas elle qui définit la servitude, puisqu’il existe des servitudes temporaires. Néanmoins, on a tout de même l’habitude de la concevoir comme héréditaire ; c’est pourquoi le législateur carolingien a eu besoin de défendre expressément la liberté des enfants de l’asservi pour dette, preuve qu’elle était menacée. L’édit de Pîtres (864) montre qu’au ixe siècle, dans une ambiance chrétienne, la condamnation morale ne porte plus sur celui qui se donne, mais sur celui qui voudrait profiter de sa misère : l’édit condamne ceux qui auraient les moyens d’acheter un homme libre pressé par la famine et qui n’accepteraient de lui rendre ce service qu’à condition qu’il se donne en servitude pour toute sa vie. L’asservissement d’un homme peut donc être une charité ou un crime, selon qu’on est disposé ou non à lui permettre de se racheter quand il en aura les moyens. On voit comment un cadre juridique unique peut correspondre à des situations sociales, humaines et morales très diverses. On voit aussi qu’il existe une agency des asservis ou de ceux qui sont prêts à s’asservir : ils usent de leur liberté personnelle comme d’un capital qu’ils sont prêts à monnayer le cas échéant, et pas seulement s’ils sont dans la dernière extrémité.

  • 21 Ibid., p. 135-174.
  • 22 Ibid., p. 175-211.
  • 23 Sur ce sujet, voir notamment l’article fondateur d’A. Verhulst, « La genèse du régime domanial cla (...)

14L’agency des maîtres n’est évidemment pas moindre. Deux chapitres sont consacrés à montrer que la condition servile ne se transmet pas automatiquement, mais qu’elle est régulièrement réactivée car instrumentalisée par les seigneurs. L’un est consacré à la condition des esclaves domestiques ou prébendiers. Ce n’est pas seulement un archaïsme, une simple survivance de l’époque romaine, qui aurait lentement décliné jusqu’à disparaître. Au contraire, elle a été régulièrement redéfinie pour répondre aux nouveaux besoins qui se présentaient21. Elle répond donc, selon les régions et les époques considérées, à des fonctions différentes. Dans la péninsule Ibérique, les esclaves domestiques sont bien attestés dans l’entourage des grands à la fin du xe siècle. Ensuite, l’esclavage se spécialise vers des fonctions plus techniques, et finit par ne plus concerner que les minorités religieuses. Sur les grands domaines bipartites de Gaule et de Germanie, la condition d’esclave prébendier, dans laquelle on n’est pas forcément toute sa vie, fait partie d’un système plus vaste : on en trouve sur les réserves seigneuriales, dans ces ateliers féminins que les polyptyques carolingiens appellent des gynécées, mais aussi sur les tenures paysannes. Il est difficile d’apporter du neuf sur la condition servile dans les grands domaines telle qu’elle nous est connue par les polyptyques, tant ces derniers ont été étudiés depuis deux siècles. Alice Rio leur applique la même clé d’interprétation22. On le sait bien aujourd’hui : le grand domaine bipartite, caractérisé par le lien organique entre réserve et tenures concrétisé par les corvées, n’est pas un héritage de la villa romaine. Il est une nouveauté du viiie siècle qui s’est répandue au ixe sur les territoires contrôlés de près ou de loin par le pouvoir royal, qu’ils appartiennent au fisc ou à l’Église23. Il a donc été un lieu d’expérimentations économiques et, du point de vue qui nous occupe, juridiques. Les maîtres des domaines ont travaillé à redéfinir les critères de la liberté et de la servitude de telle sorte qu’ils puissent être mobilisés au service de leur projet économique. Les polyptyques témoignent d’un certain esprit de système, mais présentent aussi un nombre considérable d’exceptions et d’incohérences. Il faut rendre compte de tout cela à la fois. La plus connue des incohérences est celle qu’on observe parfois entre la condition juridique du tenancier et celle de son manse : un tenancier libre peut occuper un manse servile, ou inversement. On estime généralement qu’il y avait coïncidence des statuts à l’origine, avant que ne se produise un découplage. Les polyptyques nous donneraient donc l’image d’un système en décomposition. Alice Rio propose d’y voir plutôt un « work in progress ». À Prüm par exemple, les deux tiers des manses n’ont aucun statut attribué, comme si le travail de catégorisation n’avait pas été achevé. La corvée de trois jours hebdomadaires est la référence pour les manses serviles, mais on la trouve aussi exigée de certains manses lidiles, non qualifiés ou même libres ! C’est sans doute que pour l’établissement des charges, il y avait des « rules of thumb », des principes généraux – comme le caractère servile de la corvée de trois jours – mais que leur application n’allait pas sans des négociations au cas par cas. Au total, l’imputation de servitude aussi bien que ses conséquences concrètes sont moins une question d’héritage juridique que d’enjeux économiques et de rapports de force à un moment donné.

  • 24 Voir par exemple les célèbres procès des servi de Courtisols (847) et de Mitry (861), analysés not (...)
  • 25 A. Rio, Slavery after Rome…, p. 75-131.

15On peut certainement débattre de certains points de la démonstration. Peut-être Alice Rio a-t-elle tendance à sous-évaluer le poids du passé et à exagérer la capacité des maîtres à redéfinir les statuts. Comme en témoignent nombre de procès conservés, il n’était pas si aisé que cela de ranger un homme parmi les non-libres, et le principal argument qu’on pouvait invoquer contre lui était la condition servile de ses parents24. Sur ce point, il faut sans doute tenir les deux bouts de la corde : la condition servile s’hérite, mais elle se perd aussi si elle n’est périodiquement réactivée en fonction des enjeux d’un moment, enjeux qui peuvent en modifier le sens. Il me faudrait plus d’espace pour discuter tous les aspects de cet ouvrage, notamment le long chapitre sur les affranchissements25.

Esclavage, servitude ou servage : on ne se débarrassera pas du problème terminologique

  • 26 Ibid., p. 2.
  • 27 Ibid., p. 13-14.

16En tout état de cause, la démarche d’Alice Rio lui permet de mettre en évidence, pour le haut Moyen Âge, des dynamiques de recomposition des statuts serviles qui, disons-le, échappent à Francesco Panero. J’y adhère avec enthousiasme. Je regrette d’autant plus qu’elle ne résolve pas, ou plutôt qu’elle ne pose pas vraiment la question de la transition de l’esclavage au servage. Trouvant que les historiens français ont accordé à cette question une importance excessive, elle ne veut pas tomber dans leur finalisme. Elle veut montrer au contraire que les expérimentations du haut Moyen Âge en matière de servitude n’avaient pas toutes vocation à mener au servage26. Surtout, elle estime que, lorsqu’on évoque le servage, on ne sait pas très bien de quoi l’on parle. Encore le « nouveau servage » des xiie-xiiie siècles a-t-il une définition juridique à peu près claire. Mais pour les époques antérieures, les historiens n’attribuent à ce terme qu’un « unselfconscious, socio-economic meaning » : tantôt il s’agit de désigner des tenanciers corvéables et liés à la terre, tantôt des paysans non propriétaires vivant sous la domination d’un seigneur contre lequel ils n’ont aucun recours : dans tous les cas, des catégories socioéconomiques. Or l’esclavage est une catégorie juridique. Il n’y a de sens ni à comparer une catégorie juridique à une catégorie sociale, ni à se demander comment l’on est passé de l’une à l’autre. Alice Rio refuse donc d’employer le mot serf avant le xiie siècle, appelant slaves les plus étroitement dominés des asservis du haut Moyen Âge, et unfree tous les autres27.

  • 28 F. Panero, Il servaggio bassomedievale…, p. 14 : « Basandosi su alcune riflessioni parziali relati (...)
  • 29 Sont notamment discutées les publications suivantes : P. Bonnassie, « Survie et extinction du régi (...)
  • 30 Cette dernière échappe à la critique de Francesco Panero, car elle est totalement absente de sa bi (...)
  • 31 F. Panero, Il servaggio bassomedievale…, p. 12-13, 24-25, 91. Voir Id., Forme di dipendenza rurale (...)

17Les choix sémantiques de Francesco Panero sont assez proches. Il parle de « servitude » (servitù) pour le haut Moyen Âge et préfère ne pas traduire le mot servus. Ce n’est qu’à partir du xiie siècle qu’il emploie le mot « servage » (servaggio). Ce dernier, selon lui, n’est en rien une notion floue : c’est la condition des hommes liés héréditairement à leur seigneur. Encore ne faut-il pas embrouiller les choses à plaisir, comme l’ont fait Marc Bloch et, surtout, certains de ses disciples. Ceux-ci, « se basant sur une partie de ses réflexions relatives au “servage” français, ont interprété la pensée de ce grand maître en une forme radicale qui ne lui appartient pas28 ». Ces blochiens radicalisés sont Pierre Bonnassie et Dominique Barthélemy – qu’on n’a pourtant pas l’habitude de voir associés – ainsi que quelques autres historiens français ou italiens, dont l’auteur de ces lignes29. Notre erreur est de procéder, pour les xie-xve siècles, comme Alice Rio le fait pour le haut Moyen Âge30 : nous voyons le servage comme un instrument ; nous nous demandons comment il est utilisé par les seigneurs pour défendre ou recomposer leur domination. Cela nous conduit à imaginer des nuances dans la servitude, à considérer comme serviles des charges et des taxes qui ne le sont pas, à imaginer un « servage diffus » qui pèserait indistinctement sur tous les paysans, finalement à appeler servage à peu près n’importe quelle relation de dépendance seigneuriale31.

18Pour l’une, les historiens ont du servage une notion irréfléchie et floue ; pour l’autre des historiens en ont brouillé la notion par une approche faussée. Il est vrai que les débats sur la servitude médiévale sont souvent embrouillés plus qu’il ne le faudrait, et les divergences de vocabulaire y contribuent pour beaucoup. Alice Rio considère que les historiens français se sont trop focalisés sur les questions terminologiques – faut-il traduire servus par « esclave » ou par « serf » ? –, mais on ne s’en débarrasse pas aussi facilement. Ce n’est peut-être pas le problème le plus important, mais c’est le premier qu’on rencontre. À cet égard, je ne suis pas sûr que ses choix soient idéaux, non plus d’ailleurs que ceux de Francesco Panero. Le mot « servitude », le plus générique qui soit, désigne tout simplement le contraire de la liberté. L’esclavage et le servage sont deux formes de servitude, et d’ailleurs les textes emploient le mot servitus tout au long du millénaire médiéval. Inventer à ce terme un sens spécifique pour la servitude des temps carolingiens ne contribue pas à clarifier le débat. C’est même, me semble-t-il, avouer son incapacité à qualifier plus précisément cette servitude-là. Le plus clair serait peut-être de réserver le mot d’esclavage à la servitude des servi du droit romain, qui a évidemment survécu à la chute de Rome. De la sorte, le seul terme qui reste disponible pour qualifier une autre servitude médiévale est « servage ». Telle était la terminologie de Marc Bloch et de ceux qui ont subi son influence, y compris Georges Duby dans ses premiers travaux. Elle me paraît la meilleure.

  • 32 B. Cursente, Des maisons et des hommes. La Gascogne médiévale (xie-xve siècle), Toulouse, 1998.
  • 33 Voir supra, n. 3.

19L’idée que le servage, par opposition à l’esclavage, correspondrait à une catégorie socioéconomique plutôt que juridique est contredite par le témoignage formel de la documentation médiévale. Dans l’écrasante majorité des sources, les mots de servitude et de liberté sont employés dans leur sens plein et juridique, non métaphoriquement ou analogiquement, comme nous dirions aujourd’hui que certaines conditions d’emploi sont des asservissements d’un point de vue économique, bien qu’elles n’impliquent en droit nulle privation de liberté. Des hommes et des femmes réputés non libres apparaissent dans des actes où ils sont cédés ou se cèdent eux-mêmes. Ils accèdent à la liberté par des affranchissements. On les voit enjoints de reconnaître leur servitude et, à ce titre, d’acquitter telle prestation ; s’ils protestent, cela se plaide en justice. Tout cela est juridique, entièrement et uniquement juridique. Le droit est partout dans les actes relatifs à la servitude, et d’abord le jus proprietarium que leur maître exerce à l’égard des asservis, mais aussi les droits qu’ils exercent eux-mêmes ou qu’on leur refuse. C’est vrai tout au long du millénaire médiéval, et tout autant de ceux que nous appelons esclaves que de ceux que nous qualifions de serfs. Le servage, non plus que l’esclavage, n’est pas une catégorie socioéconomique. Le serf n’est pas toujours pauvre, tant s’en faut ; dominé à certains égards, il peut être en situation de domination. Benoît Cursente, par exemple, l’a montré à propos des « questaux » de Gascogne au xiiie siècle : tout serfs qu’ils sont, ils représentent une élite détentrice à la fois de la richesse foncière et du pouvoir au village. Ils dominent les « botoyers », paysans libres mais pauvres, qui sont leurs tenanciers32. Il n’y a pas de classe servile, expression malheureuse employée par Marc Bloch33. Il y a seulement des paysans juridiquement non libres, quel que soit par ailleurs leur statut économique. Il y a aussi des paysans libres.

  • 34 F. Panero, Forme di dipendenza rurale…, p. 12-14.
  • 35 Rathier de Vérone, Praeloquiorum libri VI, I, 26, éd. P. L. D. Reid, Ratherii Veronensis Opera, Fr (...)
  • 36 P. Bonnassie, « Le servage : une sous-féodalité ? Le témoignage des documents catalans (fin xie-xi (...)

20Néanmoins, toute la documentation médiévale n’adopte pas un point de vue strictement juridique. On sait que, dans la littérature, « serf » peut désigner le paysan en général. Mais on trouve un emploi aussi large de ce mot dans des textes qui ne prétendent pas seulement distraire le chevalier, mais encore décrire la société. Le plus connu est le Carmen ad Robertum d’Adalbéron de Laon qui, comme chacun sait, appelle servi tous les laboratores. Parmi les théoriciens de la tri-fonctionnalité, il est bien le seul, dit Francesco Panero, et c’est sans doute parce que les servi étaient particulièrement nombreux sur les terres de l’évêché de Laon34. L’argument est faible... Adalbéron prétend traiter du monde tel qu’il va par la volonté divine. Sa perspective, bien évidemment, va au-delà des limites de son diocèse. Il n’est d’ailleurs pas si isolé que cela. Avant lui, Rathier de Vérone, par exemple, regarde tout travail paysan comme servile, et tout paysan comme destiné à obéir : « Le travail paraît mieux s’accorder à la servitude qu’à la liberté », écrit-il dans un modèle de sermon adressé non pas aux esclaves, mais aux paysans tenanciers dans leur ensemble35. Il y a une incapacité à envisager le travail de la terre autrement que dans la soumission qui est un fait de mentalité seigneuriale. Il a rendu possible un fait de droit, c’est-à-dire l’application – en certaines régions, à certaines époques, pour certaines fonctions – du formulaire ancien de la servitude aux réalités de la dépendance paysanne. Pierre Bonnassie l’a montré, la dépendance des travailleurs de la terre est potentiellement servile en raison de leur genre de vie, et par opposition au genre de vie des nobles36 : voilà ce qu’il faut entendre, et rien de plus, si l’on parle d’un « servage diffus », pesant sur l’ensemble de la paysannerie.

21Dynamiques des nouveaux servages

  • 37 J.-P. Poly, La Provence et la Société féodale, 879-1166. Contribution à l’étude des structures dit (...)
  • 38 Voir notamment D. Anex, Le Servage au Pays de Vaud (xiiie-xvie siècle), Lausanne, 1973 ; H. Falque (...)
  • 39 F. Panero, Il servaggio bassomedievale…, p. 18.
  • 40 Ibid., p. 97-102, contra N. Carrier, « Les origines d’une nouvelle servitude en Savoie d’après les (...)
  • 41 Au vrai, on a nul besoin d’un tel aveu car la condition lige est héréditaire en tant que telle, ma (...)

22Faire l’histoire des servages, c’est montrer comment cette potentialité a été activée. Elle a pu ne pas l’être, comme en Provence ou en Normandie après le xie siècle37. Elle l’a parfois été de façon si massive que la servitude est devenue la condition juridique de la plus grande partie des paysans. C’est à quoi ont conclu, certes avec des nuances et des divergences d’interprétation, les recherches publiées depuis cinquante ans sur le Dauphiné, la Savoie, la Suisse romande et la Franche-Comté entre les xiiie et xve siècles38. Deux conditions, surtout, ont pu être considérées comme des servages, et des servages de masse : celle des taillables à merci et celle des mainmortables. Francesco Panero entreprend de montrer que c’est faux. Il le fait à partir de quelques textes empruntés aux travaux de Jean-François Poudret, de Vincent Corriol, de moi-même et de quelques autres, mais en corrigeant nos erreurs de méthode, qui nous ont fait écrire, pense-t-il, une histoire « semplicemente mistificata o, nella migliore delle ipotesi, romanzata39 ». Voyons par exemple comment il procède à propos de ces censiers savoyards de la fin du xiiie siècle qu’on appelle « extentes » (extentae)40. Ils se présentent comme des listes de dépendants du comte de Savoie, ou homines ligii ; parmi eux, une majorité de talliabiles ad misericordiam et une minorité de liberi. Ce n’est pas parce que ceux-ci sont appelés libres, affirme-t-il, que ceux-là sont serfs. Liber, dans ce contexte, veut seulement dire « affranchi de la taille ». Il est excessif de considérer cette dernière comme une charge typiquement servile, c’est-à-dire pesant sur les serfs en tant qu’ils sont serfs. En effet, pour déclarer serf tel homme lige et taillable à merci qu’on rencontre dans les extentes, il faudrait avoir de sa part un aveu de dépendance héréditaire41. On a peu d’aveux de la sorte, c’est donc qu’il y a peu de serfs au milieu d’une masse de paysans libres.

  • 42 « Ab omni servitute talliabili, [...] tali conditione in dicta manumissione apposita quod dictus V (...)
  • 43 G. Duby, L’Économie rurale et la vie des campagnes dans l’Occident médiéval [Paris, 1962], Paris, (...)

23On voit que sa démarche est entièrement a priori : s’il trouve une preuve d’existence de ce qu’il appelle le servage irnérien, il conclut à la servitude ; dans le cas contraire, à la liberté. Cela l’empêche non seulement de résoudre, mais même de voir le problème que posent ces textes. Le voici : il est bien vrai que les liberi ne sont rien d’autre que des dépendants qui ont bénéficié d’un affranchissement ou même, le plus souvent, d’un simple abonnement de taille. Comment se fait-il que cet avantage, réel mais relatif, leur vaille le titre d’hommes libres ? Il a raison de distinguer conceptuellement la franchise de taille, qui allège une charge, de l’affranchissement, ou manumission, qui supprime la servitude. Mais ayant fait cette distinction, il devrait se demander aussitôt pourquoi les actes qu’il examine ne la font pas ! Puisqu’il se sert de mes travaux comme d’une carrière où piocher des textes, il aurait pu citer celui-ci, parmi bien d’autres : en 1315, dans la châtellenie de Rue, non loin de Lausanne, Rodolphe d’Oron affranchit Guillaume Teillour « de toute servitude taillable, […], en mettant à cette manumission la condition suivante : ledit Guillaume et tous ses enfants resteront à perpétuité mes hommes liges et libres et ceux de mes héritiers42 ». Cet acte considère la taille comme une servitude ; sa suppression est appelée « manumission », mais le lien héréditaire de l’homme à son seigneur n’est pas rompu ; au contraire il est réservé explicitement, ce qui n’empêchera nullement cet homme et ses descendants d’être appelés des hommes libres. Tout cela renvoie évidemment à une conception du servage et de la liberté qui n’est pas celle que notre auteur veut imposer de force à l’ensemble de la documentation médiévale. En Savoie, la taille à merci n’a pas toujours été servile en tant que telle. Au xiie siècle, elle était imposée à des hommes de condition libre. Toutefois, ils la jugeaient insupportable et protestaient au nom de leur liberté même. D’autres, de plus en plus nombreux, s’en sont fait affranchir à titre individuel ou collectif. Il y a eu une double instrumentalisation du vocabulaire juridique de la servitude et de la liberté : par une partie des paysans, pour être garantis d’échapper à la taille ; par les seigneurs, pour leur faire payer cette garantie et pour assurer juridiquement leur capacité de tailler la masse des non-affranchis. La suite est connue, et dès longtemps analysée par Georges Duby : « Proclamer la liberté de certains rustres, c’était […] par contrecoup désigner les autres comme étant pris dans les nœuds de la servitude43. »

  • 44 F. Panero, Servi e rustici. Ricerche per una storia della servitù, del servaggio e della libera di (...)
  • 45 N. Carrier, Les Usages de la servitude…, p. 133-231.

24Francesco Panero a jadis mis en évidence un type de servage fondé sur l’instrumentalisation du droit romain par certains seigneurs de l’Italie centrale et septentrionale, dans un contexte de concurrence pour attirer et retenir les paysans et leur imposer une juridiction exclusive44. Il l’a caractérisé avec pénétration. Des pratiques seigneuriales un peu semblables se retrouvent dans bien des régions d’Europe, y compris dans les régions alpines entre le xe et le xiiie siècle, comme j’ai tâché de le montrer45. Mais à la fin du xiiie siècle, ce servage-là tombe en désuétude, comme je l’ai montré aussi, et il est remplacé par d’autres formes d’instrumentalisation de la servitude. Le tort de Francesco Panero est de penser qu’il n’existe pas d’autre servage que celui qu’il a rencontré. Il tombe dans le travers qu’Alice Rio reproche aux historiens français : d’un cas qu’il a étudié de première main, il fait un système qu’il impose de force à une documentation qui s’y refuse. Il s’interdit donc de voir un phénomène aveuglant : sur le versant occidental des Alpes, le servage de taillabilité est un servage de masse depuis la deuxième moitié du xiiie siècle, parce que les paysans sont soumis à la taille dans leur immense majorité, et que celle-ci leur est imputée comme une servitude, par opposition à ceux qui en ont été affranchis. Le même phénomène se reproduira avec la mainmorte au siècle suivant. Tels sont les phénomènes de « nouveau servage » : des déplacements de la limite juridique entre liberté et servitude qui changent évidemment les statuts personnels, à défaut de changer toujours la condition concrète des personnes.

25Le procès que nous fait Francesco Panero est un peu décourageant, car à peu de choses près il est le même que celui que Léo Verriest intentait à Marc Bloch en 1946. Pis : la chronologie d’ensemble proposée n’est rien d’autre que celle que Benjamin Guérard avançait en 1844. Il semble que le débat soit condamné à tourner en rond. Pour sortir de ce cercle infernal, il faut trouver une voie qui permette de rendre compte des variations de la servitude médiévale sans en brouiller la notion. Je conclurai par quelques propositions en ce sens.

26Panero a raison, absolument, sur ce point essentiel : la servitude est une notion d’une clarté solaire. Il n’y a que deux sortes d’hommes, les libres et les non-libres, comme l’affirme la célèbre sentence de Gaïus reprise, et pour cause, par les juristes tout au long du Moyen Âge. Les asservis, que nous les appelions esclaves ou serfs, sont une catégorie juridique, non pas économique ou sociale. Ce ne sont pas les dominés ou les opprimés. Les paysans, en tant même qu’ils sont les laboratores par excellence, ont une plus grande potentialité que les autres à être juridiquement placés dans les non-libres, mais cette potentialité n’est pas toujours activée.

27Il n’y a donc pas exactement de « servage diffus », car au Moyen Âge on est libre ou non, sans nuance et sans intermédiaire. Néanmoins, les conditions concrètes labellisées comme servitude ont été, à travers les siècles, d’une infinie diversité : selon les lieux et les temps, des hommes ont été considérés comme non libres parce qu’ils s’étaient engagés à payer en travail l’intérêt d’une dette, parce qu’ils devaient la corvée trois jours par semaine, parce qu’il leur était interdit de quitter leur terre ou d’avoir recours à un autre seigneur, parce qu’ils étaient soumis à une redevance arbitraire, parce qu’ils ne pouvaient transmettre leurs biens qu’en ligne directe, etc. En tout cela, les sources les opposent aux libres. Dans d’autres lieux, pourtant, ou à d’autres époques, d’autres hommes ont pu supporter les mêmes charges et être déclarés libres. Pour se demander si un homme est libre ou non, il faut interroger les sources et non leur imposer une grille de lecture a priori, aurait-elle fait ses preuves pour une autre documentation !

28Mais, dira-t-on, une servitude qui couvre des conditions si diverses, et pas toujours différentes de celles des hommes libres, a-t-elle une réalité ? Il le faut bien, puisqu’elle a donné lieu à tant de conflits, de procès, de recensements de serfs et d’affranchissements onéreux. La seule démarche possible est donc celle d’Alice Rio ; il faut se demander quelles ont pu être les fonctions successivement remplies par cet instrument juridique si simple et si efficace, soit dire à un homme : « Tu n’es pas libre. » Au vrai, cette démarche n’est pas si nouvelle, mais l’audace et le mérite de cette historienne sont d’avoir osé l’appliquer à la servitude du haut Moyen Âge. Grâce à elle, il ne sera plus jamais possible d’analyser cette dernière comme un esclavage romain en lente décomposition. Elle repose évidemment sur quelques principes romains traditionnels, mais régulièrement réactivés, réemployés, adaptés aux besoins du moment.

29Ce que montre son livre, c’est qu’à certains égards toute servitude qui n’est plus l’esclavage est une « nouvelle servitude », c’est-à-dire une application du formulaire romain de l’esclavage à des réalités qui ne sont pas l’esclavage. Telle est à mon sens la meilleure définition du servage. C’est pourquoi je l’aurais voulue un rien plus audacieuse, acceptant de parler de servage avant le xiie siècle. Car les « nouveaux servages » du Moyen Âge central et final ne sont pas des nouveautés absolues. Ils ne sont que de nouvelles manifestations des dynamiques de la servitude médiévale.

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Notes

1 B. Guérard, « Prolégomènes », dans Polyptyque de l’abbé Irminon ou Dénombrement des manses, des serfs et des revenus de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés sous le règne de Charlemagne, Paris, 1844, t. I, p. 277-278.

2 M. Bloch, « Comment et pourquoi finit l’esclavage antique », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 2/1 (1947), p. 30-44.

3 M. Bloch, « Les “Colliberti”. Étude sur la formation de la classe servile », Revue historique, 157 (1928), p. 1-48, 225-263.

4 C. Verlinden, L’Esclavage dans l’Europe médiévale, t. I : Péninsule Ibérique, France, Bruges, 1955 ; t. II : Italie, Colonies italiennes du Levant, Levant latin, Empire byzantin, Gand, 1977.

5 S. Victor, Les Fils de Canaan. L’esclavage au Moyen Âge, Paris, 2019.

6 Ibid., p. 17, 23-31, 76-82, 93-94.

7 Ibid., p. 27 ; voir H. Dubled, « Mancipium », Revue du Moyen Âge latin, 5 (1949), p. 51-56.

8 S. Victor, Les Fils de Canaan…, p. 77. On sait bien depuis Marc Bloch qu’il ne s’agit que du préambule un peu emphatique d’une lettre de commission accordée à deux envoyés du roi chargés de proposer l’affranchissement onéreux de certaines redevances aux paysans du baillage de Senlis (M. Bloch, Rois et serfs et autres écrits sur le servage [Rois et serfs. Un chapitre d’histoire capétienne, Paris, 1920], Paris, 1996, p. 118-142).

9 A. Rio, Slavery after Rome, 500-1000, Oxford, 2017.

10 F. Panero, Forme di dipendenza rurale nel Medioevo. Servi, coltivatori liberi e vassalli contadini nei secoli ix-xiv, Bologne, 2018.

11 Id.Il servaggio bassomedievale. « Taillables » e « mainmortables » nell’area alpina occidentale, Rome, 2019.

12 F. Panero, Forme di dipendenza rurale…, p. 67-80, 84-85, 106-109. Voir L. Verriest, Institutions médiévales. Introduction au corpus des records de coutumes et des lois de l'ancien comté de Hainaut, Mons, 1946, p. 171-248.

13 F. Panero, Forme di dipendenza rurale…, p. 10-12, 22-23, 27-28. Id., Il servaggio bassomedievale…, p. 18-27.

14 F. Panero, Forme di dipendenza rurale…, p. 45-65 ; Id., Il servaggio bassomedievale…, p. 28-34.

15 Id., Forme di dipendenza rurale…, p. 91-105.

16 A. Rio, Slavery after Rome…, p. 3. Sur les liens entre l’esclavage et l’altérité culturelle et religieuse, voir aussi S. Victor, Les Fils de Canaan…, p. 17-18, 72-75, 92-115.

17 A. Rio, Slavery after Rome…, p. 19-41.

18 Ibid., p. 216-230.

19 Ibid., p. 10-16.

20 Ibid., p. 42-74.

21 Ibid., p. 135-174.

22 Ibid., p. 175-211.

23 Sur ce sujet, voir notamment l’article fondateur d’A. Verhulst, « La genèse du régime domanial classique en France au haut Moyen Âge », dans Agricoltura e mondo rurale in Occidente nell’alto medioevo, Spolète, 1965 (Settimane di studio del CISAM, 13), p. 135-160, et le livre fondamental de P. Toubert, L’Europe dans sa première croissance. De Charlemagne à l’an mil, Paris, 2004.

24 Voir par exemple les célèbres procès des servi de Courtisols (847) et de Mitry (861), analysés notamment par J. L. Nelson, « Dispute Settlement in Carolingian West Francia », dans W. Davies, P. Fouracre éd., The Settlement of Disputes in Early Medieval Europe, Cambridge, 1986, p. 45-64, et par J.-P. Devroey, « Libres et non-libres sur les terres de Saint-Remi de Reims : la notice judiciaire de Courtisols », Journal des savants, 1 (2006), p. 65-103.

25 A. Rio, Slavery after Rome…, p. 75-131.

26 Ibid., p. 2.

27 Ibid., p. 13-14.

28 F. Panero, Il servaggio bassomedievale…, p. 14 : « Basandosi su alcune riflessioni parziali relative al servage francese, hanno interpretato il pensiero di questo grande maestro in una forma radicale che non gli appartiene. »

29 Sont notamment discutées les publications suivantes : P. Bonnassie, « Survie et extinction du régime esclavagiste dans l’Occident du haut moyen âge (ive-xie s.) », Cahiers de civilisation médiévale, 18/112 (1985), p. 307-343 ; D. Barthélemy, « Qu’est-ce que le servage, en France, au xie siècle ? », Revue historique, 582 (1992), p. 233-284 ; Id, La Société dans le comté de Vendôme de l’an Mil au xive siècle, Paris, 1993 ; S. Collavini, « La condizione dei rustici / villani nei secoli xi-xii. Alcune considerazioni a partire dalle fonti toscane », dans C. Violante, M. L. Ceccarelli éd., La signoria rurale in Italia nel medioevo. Atti del II Convegno di studi (Pisa, 6-7 novembre 1998), Pise, 2006, p. 331-384 ; enfin mes travaux cités infra aux n. 38 et 40.

30 Cette dernière échappe à la critique de Francesco Panero, car elle est totalement absente de sa bibliographie.

31 F. Panero, Il servaggio bassomedievale…, p. 12-13, 24-25, 91. Voir Id., Forme di dipendenza rurale…, p. 44, 52, 57, 82-85.

32 B. Cursente, Des maisons et des hommes. La Gascogne médiévale (xie-xve siècle), Toulouse, 1998.

33 Voir supra, n. 3.

34 F. Panero, Forme di dipendenza rurale…, p. 12-14.

35 Rathier de Vérone, Praeloquiorum libri VI, I, 26, éd. P. L. D. Reid, Ratherii Veronensis Opera, Fragmenta, Glossae, t. II, Turnhout, 1984, p. 27 : « Labor vero magis servituti quam libertati videtur congruere. » Voir N. Carrier, « Travail et servitude paysanne aux xe et xie siècles. Autour de Rathier de Vérone et Adalbéron de Laon », Histoire et sociétés rurales, 51 (2019), p. 7-40 (p. 12-24).

36 P. Bonnassie, « Le servage : une sous-féodalité ? Le témoignage des documents catalans (fin xie-xiie siècle) », dans M. Bourin, P. Freedman éd., La Servitude dans les pays de la Méditerranée occidentale chrétienne au xiie siècle et au-delà : déclinante ou renouvelée ?, Rome, 2000, p. 643-661.

37 J.-P. Poly, La Provence et la Société féodale, 879-1166. Contribution à l’étude des structures dites féodales dans le Midi, Paris, 1976 ; M. Arnoux, « Rustici et homines liberi. Où sont passés les serfs normands ? », dans H. Bresc éd., Les Formes de la servitude : esclavages et servages de la fin de l’Antiquité au monde moderne (table ronde de Nanterre, décembre 1997), Rome, 2000, p. 563-577 ; D. Angers, « La Normandie à la fin du Moyen Âge. Des servitudes sans servage », dans M. Bourin et P. Freedman éd., Forms of Servitude in Northern and Central Europe. Decline, Resistance and Expansion, Turnhout, 2005, p. 179-194.

38 Voir notamment D. Anex, Le Servage au Pays de Vaud (xiiie-xvie siècle), Lausanne, 1973 ; H. Falque-Vert, Les Hommes et la montagne en Dauphiné au xiiie siècle, Grenoble, 1997 ; J.-F. Poudret, Coutumes et coutumiers. Histoire comparative des droits des pays romands du xiiie à la fin du xvie siècle, t. II, Les Personnes, Berne, 1998 ; V. Corriol, Les Serfs de Saint-Claude. Étude sur la condition servile au Moyen Âge, Rennes, 2009 ; N. Carrier, Les Usages de la servitude. Seigneurs et paysans dans le royaume de Bourgogne (vie-xve siècle), Paris, 2012.

39 F. Panero, Il servaggio bassomedievale…, p. 18.

40 Ibid., p. 97-102, contra N. Carrier, « Les origines d’une nouvelle servitude en Savoie d’après les enquêtes princières (mi-xiiie-mi-xive siècle) », dans Id. éd., « Nouveaux servages » et société en Europe. Actes du colloque international de Besançon (4-6 octobre 2007), Caen, 2010, p. 67-94, et Id, Les Usages de la servitude…, p. 238-261.

41 Au vrai, on a nul besoin d’un tel aveu car la condition lige est héréditaire en tant que telle, malgré les tourments que Francesco Panero inflige à un texte qu’il m’emprunte afin de lui faire avouer le contraire (Il servaggio bassomedievale…, p. 99).

42 « Ab omni servitute talliabili, [...] tali conditione in dicta manumissione apposita quod dictus Vuillelmus et omnes liberi sui remanent [...] imperpetuum homines liberi et ligii mei et meorum heredum » : N. Morard éd., « Les chartes de la châtellenie de Rue au xive siècle », Annales fribourgeoises, 51 (1971-1972), p. 3-112, n° 6, cité par N. Carrier, Les Usages de la servitude…, p. 257, n. 238.

43 G. Duby, L’Économie rurale et la vie des campagnes dans l’Occident médiéval [Paris, 1962], Paris, 1977, t. II, p. 117.

44 F. Panero, Servi e rustici. Ricerche per una storia della servitù, del servaggio e della libera dipendenza rurale nell’Italia medievale, Verceil, 1990.

45 N. Carrier, Les Usages de la servitude…, p. 133-231.

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Pour citer cet article

Référence papier

Nicolas Carrier, « De l’esclavage au servage : pour une étude des dynamiques de la servitude »Médiévales, 81 | 2022, 179-196.

Référence électronique

Nicolas Carrier, « De l’esclavage au servage : pour une étude des dynamiques de la servitude »Médiévales [En ligne], 81 | automne 2021, mis en ligne le 12 janvier 2022, consulté le 15 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/medievales/11927 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/medievales.11927

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Auteur

Nicolas Carrier

Université Jean Moulin Lyon III, CIHAM UMR 5648

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Droits d’auteur

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