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Points de vue

Voix du Moyen Âge : autour de quelques publications récentes

Pierre Chastang
p. 161-178

Texte intégral

  • 1 D. Lett, « Les voix du peuple à la fin du Moyen Âge », Médiévales, 71 (2016), p. 159-176.
  • 2 Voir en particulier E. P. Thompson, La Formation de la classe ouvrière anglaise, Paris, 1988 [The (...)
  • 3 Sur le lien entre Subaltern studies et histoire du Moyen Âge, voir J. H. Arnold, « The Historian a (...)
  • 4 Voir par exemple, E. Le Roy Ladurie, Montaillou, village occitan de 1294 à 1324, Paris, 1975, p. 9 (...)
  • 5 P. Boucheron, « Du cours au livre : l’“engrenage” du Collège de France », dans Id., J. Dalarun éd. (...)

1La parution récente d’ouvrages traitant du problème de la voix et du silence au Moyen Âge offre l’occasion de ressaisir un ensemble de questions anciennes présentes depuis les années 1970 dans les travaux des médiévistes – historiens et littéraires – et de retracer les mutations historiographiques d’une notion dont les usages paraissent divers et extensifs. En 2016, dans cette même revue, Didier Lett publiait un point de vue sur « Les voix du peuple à la fin du Moyen Âge1 ». Partant de trois publications marquantes consacrées aux hommes et femmes placés en position de domination sociale, il soulignait l’influence qu’a constituée, pour les médiévistes, la tradition d’une histoire saisie et écrite from below2 (Edward P. Thompson), l’essor des Subaltern studies3, et – ce qui constitue un point de jonction fructueux entre la vocalité médiévale et les usages métaphoriques de la voix construits par les sciences sociales – une histoire de la scripturalité sensible aux dispositifs sociaux et juridiques par lesquels les documents capturent les voix des plus faibles. N’enregistrant pas simplement la « voix vive » comme les historiens ont pu longtemps le croire4, ces écrits résultent de procédures de transcodage qui, lorsque le regard de l’historien s’ajuste à son objet, rendent les voix du peuple « ni plus lointaines ni plus proches de la réalité passée que les autres » (Didier Lett). Depuis les années 1990, par des chemins divers, l’épaisseur anthropologique de la notion de voix a été peu à peu restituée, conduisant à un rapide accroissement des travaux que les médiévistes lui ont consacrés, et au reflux concomitant d’une certaine fascination pour l’oralité qu’éprouvait la génération de Roland Barthes et de Georges Duby, grands usagers du magnétophone portable, expérimentant dans l’écriture des textes les processus qui permettaient d’accorder une force à la trace de la voix et de la performance orale du cours. Chez Georges Duby, l’écriture de l’histoire était un lieu d’expérimentation des relations entre vocalité et écriture, distribuées entre acteurs, témoins du passé et historien au présent. Par le passage des notes de cours à la voix, puis de la voix à la bande magnétique et, enfin, de la bande magnétique à l’écrit, suivant des étapes de transcription, d’extraction puis de reprises que Patrick Boucheron a identifiées et décrites, Georges Duby veillait à ce que « la lettre porte la trace de la voix5 ».

  • 6 Voir en particulier S. Krämer, Medium, Bote, Übertragung. Kleine Metaphysik der Medialität, Francf (...)
  • 7 Voir C. Casagrande, S. Vecchio, Les Péchés de la langue. Discipline et éthique de la parole dans l (...)

2La réception progressive des travaux de la médiologie, des fondateurs de l’École de Toronto jusqu’aux publications plus récentes de Sybille Krämer6, a permis de rendre visibles les formes par lesquelles le langage acquiert une extériorité matérielle, qu’il s’agisse de la voix, de l’écriture, ou des gestes. Ils ont créé un espace favorable au développement d’une réflexion portée sur la voix comme média et à la révision du dogme phonographique de l’écriture. En toute logique, depuis les années 1960-1970, les travaux sur la scripturalité médiévale et sur la voix ont suivi une chronologie parallèle. Dans le domaine des études médiévales, les recherches consacrées aux systèmes de communication ont ainsi permis de mettre en évidence, à partir des xiie-xiiie siècles, des formes d’interactions nouvelles consécutives à l’accroissement de la présence de l’écrit dans le monde social. Elles ont conduit en particulier à la formation d’une nouvelle discipline de la voix et de la langue7, perceptible dans le champ de l’homilétique comme dans celui de la culture rhétorique civique. Tant dans le contexte contemporain de transformation rapide des systèmes de communication à partir des années 1960, que dans les sociétés anciennes saisies au travers de nouveaux questionnements, la vocalité, l’oralité et l’écrit sont progressivement apparus comme des questions liées, devant être étudiées à partir de leurs interactions.

  • 8 C. Caby, « Rapport conclusif », dans La Voix au Moyen Âge, 50e Congrès de la Société des historien (...)
  • 9 V. Debiais, Le Silence dans l’art. Liturgie et théologie du silence dans les images médiévales, Pa (...)
  • 10 I. Muzart-Fonseca dos Santos, J.-R. Valette éd., Poétiques de Paul Zumthor (1915-2015), Paris, 201 (...)
  • 11 Pour une présentation générale de la littérature de Cordel, voir J. Cavignac, La Littérature de co (...)
  • 12 P. Zumthor, « L'écriture et la voix (d'une littérature populaire brésilienne) », Critique, 394 (19 (...)
  • 13 S. Vanderputten éd., Understanding Monastic Practices of Oral Communication (Western Europe, Tenth (...)

3Si le colloque de la SHMESP aborde la voix de manière globalisante – Cécile Caby pointant dans son rapport de synthèse les documents et les aspects de la question qui sont demeurés en marge des communications8 –, deux autres ouvrages offrent des perspectives plus spécifiques : le silence au Moyen Âge, d’une part, abordé comme une notion à partir de laquelle Vincent Debiais tisse un questionnement fécond sur le son, la voix, la lettre et l’image9 ; la trajectoire scientifique de Paul Zumthor, d’autre part, qui a contribué à constituer la voix en principe de composition poétique, mettant au jour une puissance créatrice originelle que l’institutionnalisation de la littérature et son ajustement à la littera ont peu à peu recouverte10. Ce recouvrement fonde l’intérêt porté par Paul Zumthor aux prolongements contemporains de la tradition brésilienne de Cordel, transmise et réinventée par ses cantadores improvisant sur une trame formulaire11, témoin précieux d’une présence au monde de la vocalité poétique, forme vivante de poésie orale à laquelle il a consacré un premier article publié dans la revue Critique en 198012. Enfin, certaines contributions d’un collectif consacré en 2011 à l’oralité dans le monde monastique apportent d’utiles perspectives complémentaires13.

4Ces quatre publications offrent ainsi l’occasion d’un bilan concernant les relations parfois confuses entre vocalité, oralité et scripturalité au Moyen Âge. Elles proposent également, au travers de nombreuses et riches études de cas, un aperçu des fonctions sociales de la voix, dont la résurgence récente dans les sciences sociales forme un écho. Elles invitent enfin à mieux comprendre par quels processus sociaux et scripturaux l’unité médiévale de la voix s’est défaite, à partir des derniers siècles du Moyen Âge, pour laisser place à une voix saisie dans les cadres de l’ontologie naturaliste moderne, ramenée à sa dimension physique, coupée du surnaturel, qui n’embrasse plus comme elle le faisait au Moyen Âge l’ensemble de la création.

Voix, écrit et littéracie14

  • 14 Sur le vocabulaire de la scripturalité, voir la page Voces (Vocabulaire pour l’étude des scriptura (...)
  • 15 P. Zumthor, Introduction à la poésie orale, Paris, 1983.
  • 16 M. Mostert. « Orality, Non-Written Communication and Monastic Studies », dans S. Vanderputten éd., (...)
  • 17 Voir en particulier J. Goody, Entre oralité et écriture, Paris, 1994 [The Interface between the Wr (...)
  • 18 G. Koziol, « What Charles the Simple Told the Canons of Compiègne : Oral and Written Transmissions (...)

5Comme Paul Zumthor le soutient lui-même dans un passage de son Introduction à la poésie orale15, le Grand Partage est une illusion. Elle nécessite, pour l’historien des sociétés du passé qui entend porter le regard au-delà des faux-semblants, de cartographier l’imbrication de l’oral et de l’écrit dans ses configurations historiques particulières. Tout en réservant une place importante à la question des interactions entre les systèmes de communication, les médiévistes ont bien souvent adopté une définition très extensive de l’oralité qui englobe, à l’image de la proposition formulée par Marco Mostert dans les conclusions du collectif de 2011 sur les pratiques monastiques de l’oralité, les paroles, les gestes, le domaine du visuel et du non-verbal16, auxquels s’ajoutent les rituels, voire les odeurs. Si cette perspective inclusive se fonde sur la conscience que les situations concrètes d’oralité impliquent la mobilisation de signes et de gestes qui ne relèvent pas uniquement d’une stricte vocalité, elle tend à tracer une frontière trop linéaire et trop étanche entre l’écrit et l’oral, dont les rapports dessinent au contraire un espace de confins dans lequel plusieurs sens peuvent être conjointement mobilisés – la vue, l’ouïe et le toucher. Ni le régime du non-verbal, ni celui des gestes et de leur ritualisation, encore moins celui du visuel, peuvent être dissociés de l’étude des conditions concrètes du recours à l’écriture au Moyen Âge. Par conséquent, le champ de l’oral ne peut pas être simplement défini comme un envers communicationnel de la scripturalité, incluant toutes les pratiques hors écriture. L’écriture constitue davantage, comme l’a bien souvent souligné Jack Goody17, un système en constante interaction. Pour se limiter au monde monastique, haut lieu de la culture de l’écrit altimédiévale, l’oral et les gestes tiennent une place centrale dans l’enseignement, la liturgie, la conversation ordinaire, etc. À cette imbrication des systèmes de communication au sein de l’espace institutionnel monastique, nécessaire à la vie et aux activités de la communauté, s’ajoute le processus par lequel la réception des textes écrits vient nourrir une mémoire communautaire, incorporée par les individus, souvent fondée sur une poétique des lieux et des personnes, soutenue par le rythme, le mouvement et les formules des textes. Elle nourrit en retour un processus d’écriture de nouveaux textes et documents qui découle d’un rapport à l’écriture médiatisée par le corps du lecteur-scripteur et par les schèmes de la mémoire communautaire. À partir d’un cas précis concernant Saint-Corneille de Compiègne, Geoffrey Koziol montre par exemple le processus par lequel la circulation des matières épiques repose en partie sur la transformation d’un certain Warmund, apparaissant dans une commemoratio écrite qui retrace la dynastie royale de Charles le Chauve à Louis V, en Gormont, personnage de la chanson de geste du xiiie siècle Gormont et Isembart18. Cette commemoratio porte en elle-même témoignage d’une véritable intrication entre oral et écrit, dans la mesure où la liste des souverains résulte de la fusion d’informations documentaires – diplômes et généalogies antérieurs – et d’une partie dictata a Karolo, directement dérivée de la parole royale, mais qui dépend, comme l’auteur le restitue avec minutie, de sources textuelles.

  • 19 M. T. Clanchy, From Memory to Written Record, England 1066-1307, Oxford, 1993, p. 224-252.
  • 20 H. Grundmann, « Litteratus-illitteratus. Der Wandel einer Bildungsnorm vom Altertum zum Mittelalte (...)
  • 21 D. H. Green, « Orality and Reading : The State of Research in Medieval Studies », Speculum, 65/2 ( (...)
  • 22 T. Haye, Lateinische Oralität. Gelehrte Sprache in der mündlichen Kommunikation des hohen und spät (...)

6L’introduction de la notion de vocalité à laquelle contribuent ces publications récentes permet de replacer les pratiques concrètes d’interaction entre oral et écrit dans un cadre notionnel davantage formalisé, en assignant en particulier un statut précis à la voix. Dans les célèbres pages qu’il a consacrées au litteratus vs illitteratus, Michael T. Clanchy19, repartant de l’article séminal d’Herbert Grundmann publié en 195820, s’efforçait de distinguer deux questions qu’une conception trop extensive de l’oralité tend au contraire à brouiller. La première concerne les compétences lettrées des laïcs et des clercs qui forment, selon lui, un continuum. Il est par conséquent illégitime de vouloir faire mécaniquement dériver de leur statut – de clerc ou de laïc – un degré de compétence scripturale, ou un profil sociolinguistique strict, comme l’indique par exemple la qualification de miles litteratus sive clericus militaris de Paulin Piper, conseiller du roi Henri III mort en 1251, ou, dans un autre registre, la distinction que Pierre le Chantre opère, dès le xiie siècle, entre clercs ecclésiastiques et clercs scolastiques, nuançant par avance le bien-fondé de leur arrimage à une stricte latinité cléricale. À condition de se déprendre de standards anachroniques, ces notations ouvrent la voie à l’étude d’une gradation dans la littéracie, où cultures latine et vernaculaire interagissent. Mais, dans le même texte, Michael T. Clanchy met également en évidence la formation au cours du Moyen Âge central d’un discours qui assimile le clerc au litteratus latinisé, auquel est opposé, terme à terme, le laïc illitteratus. L’auteur souligne que cette représentation, dont l’Église constitue la matrice et le propagateur principal, relève d’un axiome, auquel il est vain, par conséquent, d’opposer la réalité des situations concrètes, ce discours ne reposant pas, bien évidemment, sur une étude sociolinguistique des populations. Si, d’une part, la littéracie n’est pas confinée dans la latinité comme le rappelle Dennis H. Green dans la critique qu’il a proposée de l’article d’Herbert Grundman21, et si, d’autre part, il est légitime de considérer la vernacularisation des textes et des savoirs comme un mouvement étroitement lié à l’accroissement de l’écrit dans le monde social, il apparaît en revanche peu pertinent d’opposer des situations réelles à une assertion qui a le statut d’axiome. Ce qui importe est de comprendre les mécanismes par lesquels la question de la littéracie et les usages sociolinguistiques deviennent un élément important de catégorisation du monde social et la manière dont cette visée transforme, dans les usages qui en sont faits en contexte, la valeur attachée à la mise par écrit et à la vocalisation de paroles et de discours. De nombreux travaux, à commencer par ceux de Thomas Haye qui inspirent certains articles du volume de 2011, ont bien montré que les termes de litteratus-illitteratus accolés aux clercs d’Église qualifient avant tout des compétences ecclésiastiques qui ont été peu à peu fixées par la réforme grégorienne22.

  • 23 S. Vanderputten, « Monachos hujus ecclesie ad se venire fecit : Attitudes laïques comme reflets de (...)

7L’effort de restitution de l’unité anthropologique de la vox médiévale, qui est au cœur de ces quatre publications, offre par conséquent un éclairage précieux pour saisir, dans un même mouvement, les ressorts sociaux de la formation de l’axiome clericus litteratus vs laicus illitteratus et la manière dont la voix se charge, au cours du Moyen Âge central, d’une valeur sociale qui va au-delà de sa fonction dans le strict cadre de la communication. L’article que Steven Vanderputten a consacré à une donation à Hesdin au début du xiie siècle, dont le processus est documenté par deux notices, analyse la volonté monastique de réduire le laïc Robert à sa voix, indomptable, violente, résistant aux transactions pacifiées de l’ordre scripturaire et aux rituels sociaux dont les moines se présentent comme les garants et les promoteurs23. Par la mobilisation de l’axiome identifié par Michael T. Clanchy, ils atténuent la transformation des modes de transfert de la terre au sein des groupes laïques qu’induit l’action des clercs, et délégitiment les formes de résistances auxquelles ils font face. Si leur discours repose sur une stricte opposition entre la voix du laïc et l’écriture ritualisée des clercs, dans ce cas comme dans bien d’autres, l’intervention finale du pouvoir comtal offre aux paroles de Robert un autre débouché qu’une vocalisation criminalisée par le récit monastique, celui de l’écriture rendu possible par la médiation d’un laïc supérieur.

Unité anthropologique de la voix

  • 24 P. Zumthor, Introduction…, p. 63.
  • 25 M. Schafer, Le Paysage sonore, Paris, 1979 [The Tuning of the World, New York, 1977].
  • 26 V. Debiais, Le Silence dans l’art… ; P. F. Gehl, « Competens silentium : Varieties of Monastic Sil (...)
  • 27 C. Giraud, « Silentium claustrale non sit mutum, nec loquax. Silence matériel et silence spirituel (...)
  • 28 Voir en particulier M. Schapiro, Les Mots et les images. Sémiotique du langage visuel, Paris, 2000 (...)

8Plusieurs contributions du volume de la SHMESP retracent le cadre général de l’anthropologie chrétienne dans lequel la notion de vox prend sens. La parole de Dieu a ceci de particulier qu’elle s’incarne à la fois dans le verbum et dans la littera. Paul Zumthor rappelle ainsi dans un passage de l’Introduction à la poésie orale que « le mot proféré par la voix crée ce qu’il dit24 ». Par conséquent, à l’opposé d’une représentation de la voix comme réalité immatérielle, aujourd’hui dominante, cette dernière est au contraire, pour les hommes et les femmes du Moyen Âge, une réalité matérielle, qu’Abélard décrit comme produite par le déplacement de l’air. Certaines divisions de la tenor aeris sont simplement audibles, d’autres sont à la fois audibles et signifiantes, l’intellection de la voix reposant sur la capacité que possède la mémoire de l’auditeur d’établir une continuité entre des éléments discrets qui en viennent à former des phrases ou orationes. La vox constitue ainsi une réalité qui participe à la fois du sensible et de l’intelligible. Au Moyen Âge, elle est vue comme une substance apte à se revêtir du langage, à se faire, pour reprendre les termes de Roger Bacon, « instrument de la parole ». De cette conception de la voix découlent deux séries de conséquences que les contributions du volume de la SHMESP mettent dans une large mesure en valeur. La première a trait au fait que la vox est, avec la littera, une forme d’extériorisation, un média pour employer une notion postérieure. Mais, et il s’agit là d’un point important, la vox médiévale saisit dans une continuité une série de réalités sonores et linguistiques que l’ontologie naturaliste a conduit au contraire à dissocier : bruits, sons, cris, voix, etc. Le développement des Sound studies, à la suite des travaux de Murray Schafer25, a favorisé la restitution de cette unité anthropologique de la voix médiévale demeurée longtemps fugitive. C’est aussi, comme le rappelle Vincent Debiais à la suite de Paul Gehl26, l’opposition pour nous modernes si prégnante entre voix et silence, reposant sur une stricte assimilation de la voix à la performance sonore, qui se fonde il est vrai pour partie sur une histoire du silence matériel puisant ses racines dans l’orthopraxie monastique, que le Moyen Âge invite à questionner. Dans une tradition qui remonte à la Bible et qui passe par Augustin, le silence est davantage un état de quiétude qu’une disparition des voix, une situation favorable à la conversion, à la contemplation, mais également, comme le rappelle Cédric Giraud27, au travail herméneutique. Le silence au Moyen Âge, comme « signe de l’imprononçable », peut être mis en signes – en lettres et en images28. En témoigne l’étude sérielle menée par Vincent Debiais de la tradition manuscrite du Commentaire de l’Apocalypse de Beatus de Liébana.

  • 29 J.-C. Schmitt, « Quand les sons étaient des voix », dans La Voix au Moyen Âge…, p. 35-50.
  • 30 Liber Glossarum Digital, éd. A. Grondeux et F. Cinato, Paris, 2016, [en ligne] http://liber-glossa (...)

9Si l’on suit la tradition grammaticale de Priscien, que Jean-Claude Schmitt rappelle au début de son article29, l’écrit n’est en mesure de rendre compte que d’une partie limitée des voix qui parcourent la création, celles que le grammairien classe dans la catégorie des voces litteratae qui peuvent être articulatae, comme le sont les voix humaines, ou inarticulatae, catégorie qui comprend les cris des animaux. Ces derniers, sans relever du langage, peuvent faire l’objet d’une transcription écrite sous la forme de substantifs et de verbes, dont on trouve un premier témoin dans la liste des Voces variae animantium attribuée sans preuve à Suétone, puis insérée en bonne place dans le Liber glossarum (viie siècle)30. La tradition grammairienne antique et médiévale de la voix trace par conséquent des frontières complexes entre le perceptible, l’intelligible et l’inscriptible, et, d’emblée, la notion médiévale de vox met en jeu la question de l’oralité secondaire et du travail d’encodage spécifique que cette dernière met en œuvre.

  • 31 A. N. Doane, C. B. Pasternack éd., Vox intexta. Orality and Textuality in the Middle Ages, Madison (...)
  • 32 P. Vermander, « Les voix du texte. Marqueurs et indices d’oralité », dans La Voix au Moyen Âge…, p (...)
  • 33 O. Acquier, « La voix du prédicateur dans quelques sermons peints du Quattrocento dans le sud de l (...)
  • 34 M. Clouzot, « La corporalité des voix : corps vocaux et corps sonores dans les psautiers enluminés (...)
  • 35 J.-C. Schmitt, Le Corps des images. Essais sur la culture visuelle au Moyen Âge, Paris, 2002.
  • 36 Par exemple, C. S. Jaeger, « Charismatic Body-Charismatic Text », Exemplaria, Medieval, Early Mode (...)
  • 37 J. Morsel, « La voix, le corps et la lettre. Ou comment l’ordre social peut aussi être un ordre vo (...)
  • 38 N. Carrier, « Quand la communauté parle d’une seule voix : prendre la parole dans les assemblées p (...)

10Les procédés de traitement des voix pour les rendre apparentes – celles que Alger N. Doane et Carol B. Pasternack qualifient de vox intexta31 – sont abordés dans plusieurs contributions évoquant les signes et les dispositifs spatiographiques par lesquels l’écrit – musical comme linguistique – consigne rythmes, tonalités, puissance, et constitue les éléments d’une sémiotique visuelle de la voix. Pierre Vermander montre qu’elle est affaire de balises et de signes32, mais elle peut également, en témoignent les articles d’Océane Acquier33 et de Martine Clouzot34, mettre en œuvre une reportatio iconique qui, comme le texte écrit, rend les paroles visibles in absensia, leur attribuant un nouveau corps35. Ce transcodage instaure un rapport renouvelé au temps et au corps, spatialisant la parole, la rendant réitérable, engageant de nouveaux rapports sociaux liés à ces figurations vocales. Enfin, dans la continuité des travaux de C. Stephen Jaeger36, certaines études portant en particulier sur le monde monastique relient le phénomène de scripturalisation et d’atténuation des voix qui l’accompagne, à compter du xiie siècle, au passage du charisme à l’autorité des textes écrits. Ces évolutions entraînent-elles un processus de désindividualisation de la mémoire, comme l’écrit Joseph Morsel37, à la faveur du partage de textes désormais consignés par l’écriture dans une même forme ? Le cas des assemblées paysannes des Alpes et du Jura à la fin du Moyen Âge, réunies pour établir la coutume38, montre que voix et mémoire collective vont de pair dans certains cas, les droits énoncés oralement s’imposant dans l’opération de recordatio écrite. C’est le seigneur qui impose ici l’écrit comme média de fixation d’une mémoire aux ressorts collectifs. Mais, l’un des enjeux de ces plaids réside dans la capacité de la communauté à faire entendre sa voix par le corps de l’avant-parlier – le paysan dont la voix s’exprime au nom de tous. Ce qui est radicalement transformé par le recours à l’écrit ce sont les modalités de conservation des contenus : la diffluence de la parole, que la voix prend en charge, laisse place à une forme de rémanence propre à la vox mortua. À cette dernière, évoquée dans la Novelle 73 de Justinien, le droit romain privilégiait, dans la hiérarchie des preuves, la force de la parole vive. Enfin, le recours à l’écrit modifie le rapport entre ce qui est secret et ce qui est public en déplaçant, par le simple recours à un autre mode de médiatisation des paroles et discours, les dynamiques sociales de leur dissémination et les formes de contrôle qui les accompagnent.

Voix, mouvance et texte

  • 39 D. Boutet, « Paul Zumthor et les études sur l’épique au Moyen Âge », dans I. Muzart-Fonseca dos Sa (...)
  • 40 P. Zumthor, Introduction…, p. 160.
  • 41 P. Moran, « Paul Zumthor et le problème du roman médiéval », », dans I. Muzart-Fonseca dos Santos, (...)

11Les travaux de Paul Zumthor, à partir des années 1980, ont contribué, par l’usage conjoint des notions de voix et de mouvance, à mettre en évidence le caractère diffluent des œuvres médiévales. Ainsi que le montre Dominique Boutet39, la centralité de la voix chez Paul Zumthor apparaît comme un remède aux excès de la raison philologique et à une conception de la littérature comme ajustement de la création à la littera, exilant « le désir de la voix vive [qui] habite toute poésie40 ». Elle vise par conséquent, comme le rappelle Patrick Moran en une formule lapidaire, à « éviter les distorsions modernistes41 ».

  • 42 Voir en particulier A. B. Lord, The Singer of Tales, Cambridge (Mass.), 1960.
  • 43 Voir le World Oral Literature Project créé en 2009 par les universités de Cambridge et de Yale, [e (...)
  • 44 C. Lucken, « Paul Zumthor et la poésie lyrique. Style formulaire, mouvance du chant et présence de (...)
  • 45 Voir B. Cerquiglini, L’Éloge de la variante. Histoire critique de la philologie, Paris, 1989 ; S.  (...)
  • 46 Voir comme point d’entrée privilégié au débat, P. Moran, « Nouvelles méthodes pour textes anciens  (...)

12Car, toujours selon Dominique Boutet, Paul Zumthor ne se situe pas dans la tradition de Milman Parry et Albert Lord42 que Jean Rychner a, dans les années 1950, reprise et appliquée à l’épique médiévale. Lecteur de Ruth Finnegan43, il ne voit pas dans la formule une simple trace de composition orale mais une nécessité poétique, reposant sur le chant. Cette filiation avec les travaux séminaux sur la poésie orale est également abordée par Christopher Lucken dans sa contribution consacrée à la poésie lyrique44. C’est donc aussi et peut-être avant tout une certaine tradition de la saisie philologique des textes romans qui se joue à travers la voix, une critique de sa valorisation de l’archétype et son travail de cumul raisonné des textes qui feint d’ignorer que le fragment manuscrit ne réalise qu’une partie des virtualités d’une œuvre qui se perpétue et se renouvelle à travers la tradition. La voix est donc au fondement de la mouvance du texte. Elle retiendra quelques années plus tard Bernard Cerquiglini et la New Philology45 dans leurs propositions d’aggiornamento des pratiques et des visées de la philologie. L’ensemble de ces perspectives ont depuis lors été réévaluées et discutées46. À propos des œuvres médiévales, Paul Zumthor fait également parfois usage de la notion de « réalisation », dans le sens où l’entend la phonologie, un même phonème offrant, selon les locuteurs, des variantes dans leur prononciation réelle. Lorsqu’on l’applique à la poésie médiévale, le récepteur et le copiste d’un texte deviennent les maillons d’une chaîne produisant une « collectivité des versions » (Dominique Boutet).

  • 47 P. Zumthor, Introduction…, p. 69.
  • 48 D. Lagorgette, « Paul Zumthor et la mouvance », », dans I. Muzart-Fonseca dos Santos, J.-R. Valett (...)
  • 49 Voir les travaux d’E. A. Heinemann, en particulier L’Art métrique de la chanson de geste. Essai su (...)
  • 50 A. Vaillant, « La voix de la lettre. À propos de la renaissance poétique du xixe siècle », dans I. (...)

13La voix apparaît chez Paul Zumthor comme une « thématisation du dérobement de l’origine », de son effacement « dans un texte composite, neutre, oblique, destructeur d’identités personnelles47 ». Elle établit un lien entre puissance créatrice et caractère collectif et communautaire de l’œuvre que chaque performance répète et recrée, selon un schème qui repose sur des « modèles » à partir desquels s’opère une infinité de combinatoires individuelles, formant un « réseau tissé entre parole actualisée et mémoire » (Dominique Lagorgette)48. La vocalité peut se faire écrit, ce dernier autorisant tous les effets de rappel évoqués49, dans un « texte qui vit par ses résonnances » (Dominique Boutet). La voix pointe ainsi, chez Paul Zumthor, vers ce qui prime sur la parole et, si l’on suit Alain Vaillant, sa présence ne disparaît pas avec l’avènement de la littérature50. Elle demeure une sorte de fantôme, animant la figure de l’écrivain au xixe siècle, comme celui qui impose sa voix et son inspiration avant d’imposer ce qu’il dit, se distinguant ainsi de ses contemporains, producteurs d’écrits de communication.

  • 51 M. Zink, « Paul Zumthor, La lettre et la voix, de la “littérature” médiévale, Paris, Le Seuil, 198 (...)

14La notion de voix sert aussi à Paul Zumthor pour désigner les pratiques de performance du texte qui s’inscrivent dans des contextes d’oralité mixte ou secondaire. Il s’agit d’un usage fréquemment repris, bien que la notion de vox au Moyen Âge ne désigne jamais ces usages de l’oralité pour lesquels sont privilégiés les termes de sermo, oratio, cantus, etc. Comme le soulignait Michel Zink dès 1988, dans un compte rendu consécutif à la publication de La Lettre et la voix, chez Paul Zumthor, le travail de transcodage ou d’enfouissement scriptural de la voix vive sur lequel se greffent ensuite les formes de performance du texte demeure pour partie hors champ51.

Domestications sociales et politiques des voix

  • 52 A. Grélois, « Humbles psalmodies et chants rebelles : quelques observations sur le chant des relig (...)
  • 53 Voir par exemple, M. Douglas, Comment pensent les institutions, suivi de La connaissance de soi et (...)
  • 54 M. Louviot, « “Elle meuglait comme une génisse”. Fonctions de la vocalité chantée dans le monastèr (...)
  • 55 M. Clouzot, « La corporalité des voix… ».
  • 56 Terme qui désigne, en ornithologie, les oiseaux chanteurs.

15L’accroissement de la présence de l’écrit dans le monde social, à compter du xiie siècle, s’accompagne d’une diversification des fonctions sociales de la voix. À côté de la division entre litteratus et illitteratus, la voix produit des distinctions de genre, dont Alexis Grélois montre qu’elles sont pour partie liées aux processus de différenciation des espaces sociaux52. Ces distinctions découlent de ce que l’anthropologue Mary Douglas53 qualifie de pensée des institutions qui « canalisent [les] perceptions vers des formes compatibles avec le type de relations qu’elles autorisent ». La domestication des voix, dans et hors du monastère, espace ayant bénéficié des études les plus denses, constitue ainsi un puissant vecteur à travers lequel se joue un large éventail d’orthopraxies sociales, définissant, par la nécessité du silence ou de la parole, la place que chacune et chacun est légitime d’occuper. Les exemples sont nombreux, au sein de la riche matière rassemblée dans les volumes présentés ici, de voix qui sont ainsi perçues comme rompant l’harmonie des lieux, des événements, ou plus simplement d’une activité en cours. Les voix tumultueuses et bruyantes des révoltés, celle de Trude van Beveren, chanoinesse de Diepenveen dans le diocèse d’Utrecht, étudiée par Manon Louviot qui, aux offices, devait écrire sur une ardoise et s’abstenir de chanter car « elle meuglait comme une génisse54 ». Une animalisation de la voix dont Martine Clouzot rappelle qu’elle n’est jamais univoque dans l’ontologie analogiste du Moyen Âge55 : elle peut, comme le prouve le cas des oscines56 présents dans les rameaux des marginalia des manuscrits, évoquer l’harmonie, accompagnant la mention dans le texte de figures bibliques du Verbe, David, le Christ et la Vierge.

  • 57 É. Lecuppre-Desjardin, J. Haemers, « La voix des “sans-voix”. Réflexion sur les prises de parole d (...)
  • 58 N. Carrier, « Quand la communauté parle d’une seule voix… ».
  • 59 J. Helmrath, « La voix de l’orateur dans les assemblées prémodernes du xve siècle : l’exemple des (...)
  • 60 P. Bourdieu, Langage et pouvoir symbolique, Paris, 1982 ; J. L. Austin, Quand dire, c'est faire, P (...)
  • 61 N. Luhmann, La Légitimation par la procédure, Québec, 2001 [Legitimation durch Verfahren, Neuwied, (...)

16Les contributions d’Élodie Lecuppre-Desjardin et Jelle Haemers57 et de Nicolas Carrier58 montrent que, si les disciplines de la voix produisent des hiérarchies et des dominations, elles constituent également un enjeu important dans l’expression collective des groupes sociaux subalternes, qu’il s’agisse des paysans des Alpes et du Jura ou du petit peuple urbain des Flandres. Il paraît exister une continuité entre l’application de principes disciplinant la voix dans les assemblées tels que les restitue par exemple Johannes Helmrath59, et les processus par lesquels, au sein d’un groupe, fût-il informel, se constituent des rapports d’autorité qui, comme Pierre Bourdieu l’a montré dans sa critique des théories de John L. Austin, ont davantage à voir avec les conditions sociales d’énonciation qu’avec une force émanant sui generis des actes de langage eux-mêmes60. On peut d’ailleurs être surpris que le sens pris par le mot vox dans les procédures de vote – électives ou de décision – ne soit pas intégré à la réflexion par les contributeurs du volume de la SHMESP. L’importance des lieux, des contextes matériels dans lesquels les voix résonnent ou sont astreintes au silence, celle également des règles disciplinant la parole et les formes de sa consignation écrite, relient la question de la voix à l’avènement, au sein des assemblées médiévales, de formes de légitimation par la procédure qui sont, si l’on mobilise la théorie de Niklas Luhmann61, consécutives à l’apparition de systèmes sociaux dans lesquels les structures signifiantes ne sont plus uniquement fondées sur des vérités ou des règles juridiques préexistantes. Dans ce mouvement, la voix peut se charger de l’expression d’un votum et la domestication de la parole au cours du xiiie siècle est un phénomène social et culturel qui n’est sans doute pas sans lien avec la formation, au sein des communautés politiques, de conditions dans lesquelles une légitimation par la procédure a pu advenir.

17Mais l’exemple des mouvements populaires et des plaids alpins et jurassiens invite à saisir la politisation de la voix au sein des communautés médiévales dans un continuum de pratiques. Car sous la figure de l’avant-parlier, comme dans le processus par lequel du tumulte et des cris se forme la clameur, des voix pionnières ou prévalentes se font entendre. Leur légitimité demeure liée au collectif, mais elles portent la voix de ceux qui n’en ont pas. Et c’est ce processus de délégation, immanent au groupe, instable, contingent, mais porteur d’un sens politique, que la réduction topique des tribuns populaires à leur voix séductrice invisibilise, en même temps qu’elle minore la portée politique de leurs revendications comme le rappellent à juste titre Élodie Lecuppre-Desjardin et Jelle Haemers.

L’écrit et silence des voix

  • 62 Voir P. Descola, Par-delà nature et culture, Paris, 2005.

18Les contributions de ces différentes publications tracent des perspectives pour penser les mouvements d’une histoire qui demeure à écrire, celle des rapports entre le développement de l’écrit et le changement du statut de la voix consécutif à l’avènement d’une ontologie naturaliste, pour reprendre la notion forgée par Philippe Descola62.

  • 63 J. Chandelier, « Physiologie et fonction de la voix dans la médecine et la science médiévales », d (...)

19Il existe, au Moyen Âge, une première histoire naturelle de la voix dont Joël Chandelier expose les fondements philosophiques et médicaux. Tout en faisant de la voix un attribut de l’ensemble des êtres animés dotés d’une représentation du monde – les distinguant de ce fait du bruit que peuvent produire les êtres inanimés –, Aristote et Galien différencient le logos, propre de l’homme dont l’organe est la langue, de la phonè, commune aux êtres animés, dont le siège est le larynx, même si, dans les œuvres de la tradition médicale postérieure, le siège physiologique de la voix est souvent considéré comme lié à plusieurs organes. Se fondent sur cette première conception naturaliste de la voix, des développements sur les pathologies et sur leurs remèdes, mais également une tradition physiognomonique, illustrée par des traités arabes qui rapportent, à partir du xe siècle, les relations voix-corps-âme à leurs déterminations corporelles et physiques. Le Speculum phisionomie de Michel Savonarola, daté de la première moitié du xve siècle, s’en fait l’écho, en liant par exemple les variations de la voix au sein de l’humanité – par nation, par genre, etc. – à des caractères physiologiques. À la fin du Moyen Âge, la prépondérance de ces derniers conduit à une première scission du continuum de la voix, évoquée en ces termes par Joël Chandelier63 :

[…] la voix n’est plus uniforme et ses différentes formes ne sont plus de simples variations au sein d’un continuum : elle correspond à une nature profonde et peut servir à classer l’humanité.

  • 64 É. Anheim, « Rapport introductif : la voix au Moyen Âge », dans La Voix au Moyen Âge…, p. 13-34.
  • 65 Voir P. Descola, Par-delà nature et culture, Paris, 2005, en particulier p. 350-401. P. Descola do (...)
  • 66 Voir l’étude classique de H. F. Cohen, Quantifying Music. The Science of Music at the First Stage (...)
  • 67 M. de Certeau, L’Écriture de l’histoire [1975] Paris, 2002, p. 280.
  • 68 F. Hartog, Anciens, modernes, sauvages, Paris, 2005.

20À la fin de l’introduction au volume de la SHMESP, Étienne Anheim rapproche le texte du Quart-livre de Rabelais dans lequel ce dernier évoque la possibilité de conserver les voix à travers les paroles gelées, d’un passage du texte que Michel de Certeau a consacré à Jean de Léry64. Il y évoque les voix des Tupis du Brésil, condamnées à demeurer insaisissables comme telles, l’opération d’écriture ethnographique les transformant en un savoir utilisable, mobile, et transférable. Étienne Anheim y voit les traces d’un effacement de l’ontologie analogique qui était au fondement des sociétés médiévales65. Comment cette dernière s’est-elle transformée, pour conduire à une naturalisation des voix qui conduit à la naissance, au xviie siècle, d’une première acoustique expérimentale avec les travaux de Marin Mersenne66 ? Comment cette évolution marquée par la révolution scientifique s’est-elle accompagnée de l’abolition du pouvoir que possédaient jadis les voix de traverser la création, de faire le lien entre intériorité et extériorité, matériel et immatériel, naturel et surnaturel, pour devenir une caractéristique propre à l’homme, réduite à une réalité physique que l’on peut soumettre à une métrique ? Comment la présence des voix s’est-elle muée en une conscience de leur perte, de leur inéluctable évanouissement temporel ? Comment, dans un même mouvement, a-t-elle été l’objet de la construction progressive, à l’aube des Temps modernes, d’un nouveau statut épistémologique ? Comment la voix enfin, dans la tradition ouverte par l’humanisme, et prolongée dans les sciences humaines, en est-elle venue à « crée[r] un écart, [à] ouvr[ir] une brèche dans le texte67 », cet écart étant devenu, avec la philologie et les premières expériences ethnographiques, objets d’une forme moderne de connaissance dont François Hartog a montré qu’elle reposait sur l’association des figures de l’ancien et du « sauvage68 » ?

  • 69 Voir par exemple P. Chiesa, L. Pinelli éd., Gli autografi medievali. Problemi paleografici e filol (...)
  • 70 Voir I. Illich, Du lisible au visible, la naissance du texte. Un commentaire du Didascalicon de Hu (...)

21Sans doute faut-il voir dans l’accroissement des usages de l’écrit et dans la modification des modes de composition des textes un vecteur de la naturalisation de la voix et de la scission du continuum qu’elle matérialisait au sein de la Création. L’épreuve du gueuloir à laquelle Gustave Flaubert soumettait ses textes conserve bien entendu à la vocalisation des mots une place dans l’écriture. Mais, au cours des derniers siècles du Moyen Âge, en musique comme en littérature, la composition des œuvres s’est éloignée des records de performance et du primat de la dictée. À la faveur de la transformation de la relation entre écriture et oralité, l’autographie est devenue une pratique de plus en plus courante et valorisée69. S’est ainsi progressivement ouverte une réflexion sur les effets de la scripturalité et de l’agencement spatial de l’information qu’elle induit. Le monde scolastique, dans la continuité des Victorins au xiie siècle70, commence à explorer, dans les manuscrits comme à un niveau plus spéculatif, les possibilités d’ajustement de l’ordre de la pensée à l’agencement visuel de l’écrit. Jourdain de Saxe, dans son commentaire du Priscianus minor, distingue ainsi ce qu’il nomme la forma tractandi – ou disposition de la pensée qu’il décline en cinq modèles principaux – de la forma tractatus qui renvoie à l’agencement matériel du texte sur le support. Ces jalons d’une histoire qui demeure à écrire marquent un point à partir duquel peut se former une épistémologie différenciée de l’oralité comme envers de l’écrit et du visuel.

  • 71 P. Moran, « Paul Zumthor et le problème du roman médiéval »…

22Un dernier terrain d’enquête concernant la transformation moderne de la vocalité peut être évoquée. Dans son article du volume consacré à Paul Zumthor, Patrick Moran rappelle la méfiance qu’éprouvait ce dernier face au roman médiéval, genre qui lui semblait produire, par l’introduction du continu, « un étouffement » de la voix et un éloignement de la force poétique du chant originel71. Le roman aurait également introduit, toujours selon Paul Zumthor, une rupture avec l’écriture collective au profit d’une individuation. S’il est vrai que le roman a pu servir à minimiser l’altérité littéraire et sociale du Moyen Âge, en l’insérant dans la perspective généalogique d’une littérature ajustée à l’écriture, il constitue, par là même, un terrain d’enquête pour l’étude de la transformation scripturale de la voix et de l’invention de formes de consignation nouvelles d’un rythme et d’une prosodie manuscrites.

***

  • 72 Voir C. König-Pralong et R. Imbach, Le Défi laïc. Existe-t-il une philosophie de laïcs au Moyen Âg (...)

23Ces quatre publications permettent ainsi de restituer une unité anthropologique de la voix médiévale que l’histoire postérieure a contribué à défaire, jusqu’à la rendre insaisissable. Elles éclairent les fondements anciens des usages métaphoriques de la notion, en vogue depuis les années 1990 dans le domaine des sciences sociales. Elles invitent également, pour les temps médiévaux, à approfondir l’étude des interactions entre oralité et scripturalité, envisagées tant du point de vue des compétences des acteurs que de leur force en tant qu’axiome, pour reprendre le terme de Michael T. Clanchy. En conférant une valeur sociale aux aptitudes à maîtriser l’écrit, en faisant de la voix et de sa domestication un vecteur de mise en ordre du monde, le Moyen Âge central a produit une transformation de la figure sociale et culturelle du laïc. Les métamorphoses de la voix et ses rapports avec le domaine de l’écrit constituent un chaînon important dans une histoire de la figure du laïc demeurée jusqu’à présent polarisée entre l’étude de l’aristocratie féodale et de ses mutations grégoriennes et celle de la formation, à la fin du Moyen Âge, de champs du savoir progressivement détachés de l’emprise de l’ecclesia72. Les publications évoquées ici invitent à porter le regard sur ce chaînon essentiel de l’histoire sociale et culturelle européenne et d’en proposer un récit qui intègre pleinement les apports récents des travaux sur la scripturalité, sur la voix et sur les systèmes de communication.

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Notes

1 D. Lett, « Les voix du peuple à la fin du Moyen Âge », Médiévales, 71 (2016), p. 159-176.

2 Voir en particulier E. P. Thompson, La Formation de la classe ouvrière anglaise, Paris, 1988 [The Making of the English Working Class, Londres, 1964] ; Id., Les Usages de la coutume. Traditions et résistances populaires en Angleterre, xviie-xixe siècle, Paris, 2015 [Customs in Common, Londres, 1991]. Sur l’histoire par le bas, voir S. Cerutti, « Who is below ? E. P. Thompson, historien des sociétés modernes : une relecture », Annales. Histoire, sciences sociales, 4 (2015), p. 931-956.

3 Sur le lien entre Subaltern studies et histoire du Moyen Âge, voir J. H. Arnold, « The Historian as Inquisitor : The Ethics of Interrogating Subaltern Voices », Rethinking History, 2 (1998), p. 379-386.

4 Voir par exemple, E. Le Roy Ladurie, Montaillou, village occitan de 1294 à 1324, Paris, 1975, p. 9-10 : « Par chance pour nous, par malchance pour eux, un homme au xive siècle du plein démographique, a donné la parole aux villageois, et même à tout un village en tant que tel. […] Ethnographe et policier, au temps de son épiscopat, il a su écouter les paysans du comté de Foix, et surtout de la haute Ariège ».

5 P. Boucheron, « Du cours au livre : l’“engrenage” du Collège de France », dans Id., J. Dalarun éd., Georges Duby, portrait de l’historien en ses archives, Paris, 2015, p. 219-245 (p. 235) ; voir également, à la même période, sur le travail d’épuration de la voix, à partir des enregistrements, comme « toilette du mort », R. Barthes, « De la parole à l’écriture », La Quinzaine littéraire, 1er mars 1974, repris dans Id., Œuvres complètes, vol. 4 : 1972-1976, Paris, 2002, p. 537-541.

6 Voir en particulier S. Krämer, Medium, Bote, Übertragung. Kleine Metaphysik der Medialität, Francfort-sur-le-Main, 2008.

7 Voir C. Casagrande, S. Vecchio, Les Péchés de la langue. Discipline et éthique de la parole dans la culture médiévale, Paris, 1991 [Peccati della lingua. Disciplina ed etica della parola nella cultura medievale, Rome, 1987].

8 C. Caby, « Rapport conclusif », dans La Voix au Moyen Âge, 50e Congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public (SHMESP), Paris, 2020, p. 343-359.

9 V. Debiais, Le Silence dans l’art. Liturgie et théologie du silence dans les images médiévales, Paris, 2019.

10 I. Muzart-Fonseca dos Santos, J.-R. Valette éd., Poétiques de Paul Zumthor (1915-2015), Paris, 2019.

11 Pour une présentation générale de la littérature de Cordel, voir J. Cavignac, La Littérature de colportage au nord-est du Brésil. De l'histoire écrite au récit oral, Paris, 1997.

12 P. Zumthor, « L'écriture et la voix (d'une littérature populaire brésilienne) », Critique, 394 (1980), « Littératures populaires : du dit à l’écrit », p. 228-239.

13 S. Vanderputten éd., Understanding Monastic Practices of Oral Communication (Western Europe, Tenth-Thirteenth Centuries), Turnhout, 2011.

14 Sur le vocabulaire de la scripturalité, voir la page Voces (Vocabulaire pour l’étude des scripturalités) de l’Université de Strasbourg : [en ligne] https://num-arche.unistra.fr/voces/accueil [consulté le 17 juin 2021].

15 P. Zumthor, Introduction à la poésie orale, Paris, 1983.

16 M. Mostert. « Orality, Non-Written Communication and Monastic Studies », dans S. Vanderputten éd., Understanding Monastic…, p. 367-388. Sur le langage silencieux des moines, voir en particulier S. G. Bruce, Silence and Sign. Language in Medieval Monasticism. The Cluniac Tradition c. 900-1200, Cambridge, 2007.

17 Voir en particulier J. Goody, Entre oralité et écriture, Paris, 1994 [The Interface between the Written and the Oral, Cambridge, 1993].

18 G. Koziol, « What Charles the Simple Told the Canons of Compiègne : Oral and Written Transmissions of Memory in the Genealogia Dictata a Karolo Rege », dans S. Vanderputten éd., Understanding Monastic…, p. 158-181. Cf. Gormont et Isembart. Fragment de chanson de geste du xiie siècle, éd. A. Bayot, Paris, 1969.

19 M. T. Clanchy, From Memory to Written Record, England 1066-1307, Oxford, 1993, p. 224-252.

20 H. Grundmann, « Litteratus-illitteratus. Der Wandel einer Bildungsnorm vom Altertum zum Mittelalter », Archiv für Kulturgeschichte, 40 (1958), p. 1-65, repris dans Id., Ausgewählte Aufsätze, Stuttgart, 1978, vol. 3, p. 1-66.

21 D. H. Green, « Orality and Reading : The State of Research in Medieval Studies », Speculum, 65/2 (1990), p. 267-280.

22 T. Haye, Lateinische Oralität. Gelehrte Sprache in der mündlichen Kommunikation des hohen und späten Mittelalters, Berlin, 2005, p. 9-12.

23 S. Vanderputten, « Monachos hujus ecclesie ad se venire fecit : Attitudes laïques comme reflets des stratégies monastiques orales et rituelles dans les transferts patrimoniaux », dans Id. éd., Understanding Monastic…, p. 49-64.

24 P. Zumthor, Introduction…, p. 63.

25 M. Schafer, Le Paysage sonore, Paris, 1979 [The Tuning of the World, New York, 1977].

26 V. Debiais, Le Silence dans l’art… ; P. F. Gehl, « Competens silentium : Varieties of Monastic Silence in the Medieval West », Viator, 18 (1987), p. 125-160.

27 C. Giraud, « Silentium claustrale non sit mutum, nec loquax. Silence matériel et silence spirituel chez les réguliers en Occident », dans La Voix au Moyen Âge…, p. 313-325.

28 Voir en particulier M. Schapiro, Les Mots et les images. Sémiotique du langage visuel, Paris, 2000 [Words, Script and Picture. Semiotics of Visual Language, New York, 1996] ; V. Debiais, La Croisée des signes. L’écriture et les images médiévales (800-1200), Paris, 2017.

29 J.-C. Schmitt, « Quand les sons étaient des voix », dans La Voix au Moyen Âge…, p. 35-50.

30 Liber Glossarum Digital, éd. A. Grondeux et F. Cinato, Paris, 2016, [en ligne] http://liber-glossarum.huma-num.fr [consulté le 27 juin 2021].

31 A. N. Doane, C. B. Pasternack éd., Vox intexta. Orality and Textuality in the Middle Ages, Madison (Wisconsin), 1991.

32 P. Vermander, « Les voix du texte. Marqueurs et indices d’oralité », dans La Voix au Moyen Âge…, p. 61-76.

33 O. Acquier, « La voix du prédicateur dans quelques sermons peints du Quattrocento dans le sud de l’arc alpin », dans La Voix au Moyen Âge…, p. 109-121.

34 M. Clouzot, « La corporalité des voix : corps vocaux et corps sonores dans les psautiers enluminés en France du nord et en Angleterre (xiiie et xive siècles) », dans La Voix au Moyen Âge…, p. 93-108.

35 J.-C. Schmitt, Le Corps des images. Essais sur la culture visuelle au Moyen Âge, Paris, 2002.

36 Par exemple, C. S. Jaeger, « Charismatic Body-Charismatic Text », Exemplaria, Medieval, Early Modern, Theory, 9/1 (1997), p. 117-137.

37 J. Morsel, « La voix, le corps et la lettre. Ou comment l’ordre social peut aussi être un ordre vocal (dans l’Empire au xiiie siècle) », dans La Voix au Moyen Âge…, p. 153-169.

38 N. Carrier, « Quand la communauté parle d’une seule voix : prendre la parole dans les assemblées paysannes à la fin du Moyen Âge (Alpes nord-occidentales et Jura, xiiie-xve siècle) », dans La Voix au Moyen Âge…, p. 249-264.

39 D. Boutet, « Paul Zumthor et les études sur l’épique au Moyen Âge », dans I. Muzart-Fonseca dos Santos et J.-R. Valette éd., Poétiques de Paul Zumthor, p. 27-36.

40 P. Zumthor, Introduction…, p. 160.

41 P. Moran, « Paul Zumthor et le problème du roman médiéval », », dans I. Muzart-Fonseca dos Santos, J.-R. Valette éd., Poétiques de Paul Zumthor, p. 55-62.

42 Voir en particulier A. B. Lord, The Singer of Tales, Cambridge (Mass.), 1960.

43 Voir le World Oral Literature Project créé en 2009 par les universités de Cambridge et de Yale, [en ligne] http://www.oralliterature.org/ [consulté le 29 mai 2021].

44 C. Lucken, « Paul Zumthor et la poésie lyrique. Style formulaire, mouvance du chant et présence de la voix », dans I. Muzart-Fonseca dos Santos, J.-R. Valette éd., Poétiques de Paul Zumthor, p. 37-54.

45 Voir B. Cerquiglini, L’Éloge de la variante. Histoire critique de la philologie, Paris, 1989 ; S. G. Nichols, « Introduction : Philology in a Manuscript Culture », Speculum, 65 (1990), « The New Philology », p. 1-10 ; F. Duval, « La philologie française, pragmatique avant tout ? L'édition des textes médiévaux français en France », dans Id. éd., Pratiques philologiques en Europe, Paris, 2006, p. 115-150, [en ligne] https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/enc/707?lang=fr [consulté le 27 mai 2021].

46 Voir comme point d’entrée privilégié au débat, P. Moran, « Nouvelles méthodes pour textes anciens : le Joseph de Robert de Boron et la querelle de la New Philology », dans V. Dominguez-Guillaume, É Gaucher-Rémond éd., Expériences critiques. Approche historiographique de quelques objets littéraires médiévaux, Paris, 2019, p. 29-42.

47 P. Zumthor, Introduction…, p. 69.

48 D. Lagorgette, « Paul Zumthor et la mouvance », », dans I. Muzart-Fonseca dos Santos, J.-R. Valette éd., Poétiques de Paul Zumthor, p. 113-129.

49 Voir les travaux d’E. A. Heinemann, en particulier L’Art métrique de la chanson de geste. Essai sur la musicalité du récit, Genève, 1993.

50 A. Vaillant, « La voix de la lettre. À propos de la renaissance poétique du xixe siècle », dans I. Muzart-Fonseca dos Santos, J.-R. Valette éd., Poétiques de Paul Zumthor, p. 193-205.

51 M. Zink, « Paul Zumthor, La lettre et la voix, de la “littérature” médiévale, Paris, Le Seuil, 1987, 347 p. », Annales. Histoire, sciences sociales, 43/4 (1988), p. 909-912.

52 A. Grélois, « Humbles psalmodies et chants rebelles : quelques observations sur le chant des religieuses en Occident du début du xiie au milieu du xive siècle », dans La Voix au Moyen Âge…, p. 267-281.

53 Voir par exemple, M. Douglas, Comment pensent les institutions, suivi de La connaissance de soi et Il n’y a pas de don gratuit, Paris, 2004.

54 M. Louviot, « “Elle meuglait comme une génisse”. Fonctions de la vocalité chantée dans le monastère de Diepenveen au xve siècle », dans La Voix au Moyen Âge…, p. 283-295.

55 M. Clouzot, « La corporalité des voix… ».

56 Terme qui désigne, en ornithologie, les oiseaux chanteurs.

57 É. Lecuppre-Desjardin, J. Haemers, « La voix des “sans-voix”. Réflexion sur les prises de parole des leaders des révoltes populaires à la fin du Moyen Âge », dans La Voix au Moyen Âge…, p. 233-247.

58 N. Carrier, « Quand la communauté parle d’une seule voix… ».

59 J. Helmrath, « La voix de l’orateur dans les assemblées prémodernes du xve siècle : l’exemple des conciles et des diètes impériales », dans La Voix au Moyen Âge…, p. 217-232.

60 P. Bourdieu, Langage et pouvoir symbolique, Paris, 1982 ; J. L. Austin, Quand dire, c'est faire, Paris, 1970 [How to do Things with Words, Cambridge Mass., 1962].

61 N. Luhmann, La Légitimation par la procédure, Québec, 2001 [Legitimation durch Verfahren, Neuwied, 1969].

62 Voir P. Descola, Par-delà nature et culture, Paris, 2005.

63 J. Chandelier, « Physiologie et fonction de la voix dans la médecine et la science médiévales », dans La Voix au Moyen Âge…, p. 123-140 (p. 138).

64 É. Anheim, « Rapport introductif : la voix au Moyen Âge », dans La Voix au Moyen Âge…, p. 13-34.

65 Voir P. Descola, Par-delà nature et culture, Paris, 2005, en particulier p. 350-401. P. Descola donne au début du chapitre une première définition de l’ontologie analogique : « L’analogisme. J’entends par là un mode d’identification qui fractionne l’ensemble des existants en une multiplicité d’essences, de formes et de substances séparées par de faibles écarts, parfois ordonnées dans une échelle graduée, de sorte qu’il devient possible de recomposer les systèmes des contrastes initiaux en un dense réseau d’analogies reliant les propriétés intrinsèques des entités distinguées. »

66 Voir l’étude classique de H. F. Cohen, Quantifying Music. The Science of Music at the First Stage of the Scientific Revolution, 1580-1650, Dordrecht, 1984.

67 M. de Certeau, L’Écriture de l’histoire [1975] Paris, 2002, p. 280.

68 F. Hartog, Anciens, modernes, sauvages, Paris, 2005.

69 Voir par exemple P. Chiesa, L. Pinelli éd., Gli autografi medievali. Problemi paleografici e filologici, Spolète, 1994. Sur l’émergence de l’intérêt pour les manuscrits d’auteurs au xve s., voir G. Ouy, « Simon de Plumetot (1371-1443) et sa bibliothèque », dans P. Cockshaw, M.-C. Garand, P. Jodogne éd., Miscellanea codicologia F. Masai dedicata, Gand, 1979, vol. 2, p. 353-381.

70 Voir I. Illich, Du lisible au visible, la naissance du texte. Un commentaire du Didascalicon de Hugues de Saint-Victor, Paris, 1991.

71 P. Moran, « Paul Zumthor et le problème du roman médiéval »…

72 Voir C. König-Pralong et R. Imbach, Le Défi laïc. Existe-t-il une philosophie de laïcs au Moyen Âge ?, Paris, 2013 ; J.-P. Genet, La Genèse de l’État moderne. Culture et société politique en Angleterre, Paris, 2003.

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Pour citer cet article

Référence papier

Pierre Chastang, « Voix du Moyen Âge : autour de quelques publications récentes »Médiévales, 81 | 2022, 161-178.

Référence électronique

Pierre Chastang, « Voix du Moyen Âge : autour de quelques publications récentes »Médiévales [En ligne], 81 | automne 2021, mis en ligne le 12 janvier 2022, consulté le 12 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/medievales/11922 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/medievales.11922

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Auteur

Pierre Chastang

UVSQ-Université Paris-Saclay

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