Les Canariens selon les sources arabes et occidentales médiévales
Résumés
Les Canariens selon les sources arabes et occidentales médiévales
La comparaison de cinq sources arabes et de trois témoignages occidentaux portant sur la population ancienne des Canaries, antérieurement ou au moment de l’arrivée des Européens, révèle des observations très proches voire identiques à propos du mode de vie des Canariens, mais laisse penser à la perte de la pratique de la navigation après le xiiie siècle. L’origine disparate du peuplement semble confirmée par la plus ancienne source arabe.
Berbères, Canariens, mode de vie, navigation, peuplement
Texte intégral
- 1 M. Sarmiento Pérez, Les Captifs qui furent interprètes, Paris, 2012.
1Nous ne voulons pas revenir ici sur la problématique de la navigation vers l’archipel des Canaries à l’époque médiévale, mais plutôt comparer les informations positives à propos de leurs habitants que les textes médiévaux les concernant nous donnent à connaître. En effet, au-delà des événements liés à la conquête de l’archipel, les sources narratives permettent d’éclairer l’ethnohistoire de ces îles, pour laquelle l’archéologie, l’anthropologie et les sources historiques peinent à trouver un consensus. Les phases et les acteurs de leur peuplement, ainsi que l’évolution des contacts des îliens avec les populations du continent à l’époque préhispanique restent en débat. S’il est acquis que le peuplement n’était pas uniforme, qu’il y avait une disparité linguistique amplifiée par l’insularité, les phases historiques de ces développements nous échappent, d’autant que l’extension abusive de l’appellation « Guanche » – stricto sensu les indigènes préhispaniques de Ténérife – aux habitants de l’ensemble de l’archipel fausse encore un peu plus la perspective, de même que leur rattachement sans nuance au monde berbère. Dès lors, la relecture des sources primaires1 et leur comparaison permettent d’établir des récurrences dans les renseignements ou au contraire de mettre en lumière des divergences. Ces sources arabes, puis en langues romanes, concordent souvent sur des mœurs ou le comportement des habitants des Canaries lorsque les observateurs extérieurs y prennent pied.
Les sources arabes2
- 2 J. J. da Costa de Macedo, Memoria em que se pretende provar que os Arabes nāo conhecerāo as Canari (...)
- 3 Abū Ḥāmid al-Ġarnāṭī, Al-mu‘rib ‘an ba‘ḍ ‘aǧā’ib al-Maġrib, éd. et trad. I. Bejarano, Madrid, 1991 (...)
2Chronologiquement, le texte arabe le plus ancien provient d’Ibn al-Qāṣṣ (m. 335/946), mais indûment repris dans un manuscrit de la relation de voyage d’Abū Ḥāmid al-Ġarnāṭī3 (m. 565/1169), il a été ramené au xiie siècle. Ce texte, quoique flou par son contexte historique, est important car c’est le plus ancien à présenter une navigation vers les Canaries et à donner des informations positives sur les Canariens. L’auteur du traité qui le rapporte, Ibn al-Qāṣṣ, est un cadi iranien qui ne voyagea qu’au Proche-Orient. Il dut nécessairement apprendre par un informateur ou depuis une source écrite cette anecdote censée se dérouler sous le souverain de Fès Idrīs II (r. 187/803-213/828).
- 4 J.-C. Ducène, « Une vraisemblable navigation arabe vers les Canaries au début du iiie/xe siècle (E (...)
On m’a raconté qu’Idrīs ibn Idrīs al-‘Alawī avait vu au bord de la mer, dans son royaume, un bâtiment dont la construction remontait aux Anciens. Il avait aussi aperçu des gens entre le bâtiment et la mer, et cet édifice était le leur. Il envoya des bateaux pour les razzier et dépêcha des hommes avec à leur tête un certain Ġawṯ. Ils naviguèrent pendant environ un mois jusqu’à ce qu’ils arrivent à une mer distincte de la leur. Ils s’en aperçurent par l’eau car ils virent [qu’elle avait] un aspect poisseux, épais et que les bateaux ne pouvaient la traverser. En outre son atmosphère était ténébreuse. Ils se dirigèrent vers le sud. Ils aboutirent alors à une île dont ils estimèrent l’étendue à dix jours sur dix. Ils attaquèrent sa population, faite de païens adorateurs d’idoles, dont ils capturèrent cinq cents individus. Ils considérèrent que leurs femmes étaient splendides et aux formes agréables. Ils rapportèrent que les indigènes les avaient combattus avec des pierres et des cornes de mouton car ils n’avaient pas d’autres armes. Ces prisonniers dirent que derrière eux il y avait une île du nom de Qāq.za, dont les habitants avaient des vêtements qui ressemblaient à ceux des Berbères. Ils priaient comme eux et avaient des armes. Ils vivaient dans la région occidentale de l’île en question4.
- 5 A. Miquel, La Géographie humaine du monde musulman, Paris, 1975, p. 20-24 ; C. Picard, L’Océan Atl (...)
- 6 J. Orubio-Pentado, « Canaries », Encyclopédie berbère, t. XI, Aix-en-Provence, 1992, p. 1731-1755. (...)
- 7 J. Orubio-Pentado, « Canaries »…, p. 1737. Pour les inscriptions, voir J. Álvarez Delgado, Inscrip (...)
3La mention d’Idrīs ibn Idrīs al-‘Alawī, qui correspond à l’émir idriside Idrīs II (règne : 811- 828), permet de situer l’événement au début du ixe siècle, bien qu’aucune chronique ne renseigne de déplacement du souverain le long de la côte atlantique. Le début du récit est allusif, mais laisse penser à une présence, sur l’actuelle côte marocaine, de Canariens arrivés par bateau qui donnent l’idée au souverain d’envoyer quelqu’un voir d’où ils venaient. Il ne s’agit évidemment pas d’un témoignage rapporté sur le vif, sans réécriture, car la description de la première partie de la navigation dans l’océan Ténébreux5 épouse l’imaginaire maritime des géographes arabes ; en revanche l’absence de merveilles irréalistes dans la suite du récit apporte du crédit à l’évocation des indigènes de l’île. L’archipel est ainsi constitué d’au moins deux îles, dont la première est peuplée par des natifs « païens » idolâtres, n’ayant pour armes que des pierres et des cornes de moutons. A priori, si on accepte l’hypothèse des Canaries, les îles en question seraient possiblement Lanzarote et Fuerteventura. La région occidentale de la seconde île est habitée par une population manifestement d’aspect différent dans l’habillement, le culte et l’armement et dont la comparaison avec les Berbères vient à l’esprit des informateurs, ce qui sous-entend que ceux-ci connaissaient les Berbères. Par ailleurs, on gardera en mémoire que les Guanches, la population native de Ténérife lorsque les Européens débarquèrent, sont rattachés linguistiquement aux Berbères, bien que les phases de peuplement restent indécises6. En effet, la paléoanthropologie a révélé que l’archipel avait été peuplé par deux types humains différents sans répartition géographique précise, et cette disparité de peuplement confirme « le caractère hétérogène des cultures préhispaniques canariennes7 ». Par ailleurs, le caractère tardif (viiie-xe siècle) des inscriptions libyco-berbères canariennes de l’archipel est confirmé par l’analyse au C14 d’une planche en bois portant l’une de ces inscriptions, trouvée dans la grotte de Hayo de los Muertos, dans l’île d’El Hierro. Il est donc permis de penser à une présence de berbérophones à partir de cette période, bien qu’il soit impossible de savoir depuis quand. Cette hétérogénéité dans la population permettrait de donner un sens à la réflexion de l’informateur du rapporteur arabe qui distingue deux populations différentes.
- 8 Abu Ḥamid Al-Garnaṭi, Al-mu‘rib ‘an ba‘ḍ ‘aǧā’ib al-Maġrib…, p. 163, n. 5, et p. 263, n. 21. L’édi (...)
- 9 J.-C. Ducène, « Une vraisemblable navigation arabe vers les Canaries au début du iiie/xe siècle … (...)
4Quant au nom de la seconde île, il apparaît sous des formes variables selon les manuscrits : Qāq.za (Londres, B. L., Oriental 13315 ; Égypte Dār al-Kutub, mīqāt 1201), Fāf.ra (Istanbul, Veliyuddin 2453, p. 20) et Qārq.ra (Abū Ḥāmid al-Ġārnāṭī)8. Les variantes ne sont dues qu’à la présence ou non de points diacritiques sur certaines lettres, mais telles quelles, ces formes ne correspondent à aucun nom indigène des îles attesté9 lors de leur découverte par les Européens.
- 10 Al-Mas‘ūdī, Les Prairies d’or, trad. C. Barbier de Meynard et A. Pavet de Courteille, rev. C. Pell (...)
- 11 Abū ‘Ubayd al-Bakrī, Kitāb al-masālik wa-l-mamālik, Tunis, 1992, p. 203 et 788.
- 12 Isidore de Séville, Etymologiae XIV, éd. et trad. O. Spevak, Paris, 2011, p. 106-107. Cette notice (...)
- 13 P. Vilchez et R. Figueroa, « Ibn ‘Abd al-Rabbihi al-Ḥafīd », dans J. Lirola Delgado, V. Puerta, J. (...)
- 14 Kitāb al-istibṣār fī ‘aǧā’ib al-amṣār, éd. A. H. Saad Zaghloul, Bagdad, 1986, p. 139.
5Toujours au xe siècle, l’encyclopédiste al-Mas‘ūdī10 mentionne la navigation d’un certain Ḫašḫāš de Cordoue qui partit sur l’océan avec des jeunes gens et revint avec du butin, sans que l’on sache où celui-ci avait été ravi. Ensuite, au xie siècle, c’est l’Andalou Abū ‘Ubayd al-Bakrī (m. 487/1094)11 qui présente deux textes concernant potentiellement les Canaries. Il reprend d’abord l’évocation de la navigation de Ḫašḫāš, puis il donne plus loin une description méliorative des îles Éternelles, que l’on pourrait considérer comme étant un rapport élogieux fait par un marin qui y aurait accosté. En réalité, il s’agit de la traduction arabe de la description des îles par Isidore de Séville12. Ce texte est donc à ramener à l’Antiquité tardive. Et ce dernier texte d’al-Bakrī est démarqué à la fin du xiie siècle dans le Kitāb al-istibṣār, anonyme mais que l’on peut attribuer à Ibn Abd Rabbihi al-Ḥafīd13 (ca 530/1135-602/1205)14.
- 15 Idrîsî, La Première Géographie de l’Occident, trad. A. Jaubert, rev. A. Nef, Paris, 1999, p. 267-2 (...)
6En revanche, le récit des « Aventuriers (Muġarrirūn) de Lisbonne15 », relaté par al-Idrīsī (il écrit ca 1154), donne à connaître une description réaliste des habitants de l’île. Comme Lisbonne est reconquise par les chrétiens en 1144 et qu’al-Idrīsī n’en parle pas, on doit situer l’enregistrement de cette histoire par l’auteur avant cette date. Quelques jeunes gens prennent la mer et après onze jours de navigation, ils arrivent dans une mer fétide. Ils changent alors de cap et aboutissent dans une île inhabitée mais remplie de moutons. Ils font de l’eau et reprennent la mer vers le sud pour accoster après onze jours dans un île prospère et habitée. Ils sont alors environnés par les barques des indigènes et faits prisonniers. Ils sont amenés auprès du roi local, dans une ville côtière. Les natifs ont des cheveux lisses et blonds, et les femmes sont d’une grande beauté. Ils sont questionnés par l’interprète du roi qui parle arabe. Leur roi leur apprend que son propre père avait déjà voulu faire explorer les environs maritimes de l’île où ils étaient, mais en vain. Ils sont bien traités et, lorsqu’un vent d’ouest se met à souffler, ils sont embarqués, les yeux bandés, et, après six jours de navigation, déposés sur une plage près d’Asafi, sur la côte marocaine atlantique, au milieu de Berbères. Ce retour « aisé » vers le continent semblerait indiquer qu’ils sont primitivement arrivés à Lanzarote ou Fuerteventura, les deux îles les plus proches de la côte africaine.
- 16 M. Sarmiento Pérez, Les Captifs qui furent interprètes..., p. 37-39.
7Certes, une série d’éléments dans la narration – l’île aux moutons, l’interprète arabe, le retour les yeux bandés – semblent appartenir plus au registre de la fiction que du témoignage réel, quoique la présence d’un interprète arabe16 ait été interprétée comme la preuve de communication régulière avec le continent. Si on excepte ces éléments, subsiste le témoignage sur l’existence d’une société hiérarchisée et organisée sur une des îles et la maîtrise de la navigation par ses habitants.
- 17 Al-Tādilī, Al-Tašawwuf ilā riǧāl al-taṣawwuf, éd. A. Faure, Rabat, 1958, p. 424-425 ; M. Aguiar Ag (...)
- 18 Al-Tādilī, Al-Tašawwuf ilā riǧāl al-taṣawwuf, éd. A. Faure, Rabat, 1958, p. 424-425.
8En revanche, de la toute fin du xiie siècle, voire du début du xiiie siècle, date le récit de la prédication d’un certain Abū Yaḥyā Abū Bakr ibn Maḥyū al-Ṣanhāǧī17 (m. 605/1208-9), qui a été conservé par Abū Ya‘qūb Yūsuf al-Tādilī (m. 627/1229-1230). Abū Yaḥyā Abū Bakr ibn Maḥyū al-Ṣanhāǧī, originaire du sud du Maroc, étudia en Égypte onze années puis retourna sur le territoire marocain actuel en passant par le pays des Ǧazūla, puis à Nūl Lamṭa et finalement dans le territoire des Dukkāla, d’où il serait parti pour les îles de la mer occidentale (ǧazā’ir baḥr al-Maġrib al-Aqṣā). Voici son témoignage : « J’y ai trouvé des gens qui ne connaissaient pas l’islam. J’y ai ainsi enseigné aux hommes et aux femmes la religion musulmane et la loi islamique. Et je ne les ai pas quittés avant qu’ils sachent faire la prière de la glorification (ṣalāt al-taṣbīḥ)18. » Le prédicateur alla ensuite au pays des Noirs (bilād al-Sūdān).
- 19 J.-C. Ducène, L’Afrique dans le Uns al-muhaǧ wa-rawḍ al-furaǧ d’al-Idrīsī, Louvain, 2010, p. 92.
- 20 Idrîsî, La Première Géographie ..., p. 148.
9Quelle est la valeur de ce témoignage ? Voyons d’abord l’itinéraire. Le territoire des Ǧazūla était au sud-ouest de l’Anti-Atlas, leur ville principale étant Tāġǧīǧt, Nūl Lamṭa19 correspond au site du oued Nūn à quelques kilomètres de Goulimine (Agulmīn), et la confédération des Dukkāla20 occupait un vaste territoire entre l’océan et les fleuves Umm al-rabi‘ et Tensift. Nous serions là sur le rivage entre Safi et Essaouira, ainsi que Taroudant à l’intérieur des terres. Logiquement, Nūl Lamṭa étant le point le plus méridional, il aurait dû être la destination finale du voyageur, mais celui-ci aurait pu retourner vers le nord et le territoire des Dukkāla, d’autant que toute cette façade maritime est quasi à la latitude de Lanzarote. Par ailleurs, quand Abū Yaḥyā Abū Bakr ibn Maḥyū al-Ṣanhāǧī quitte ces énigmatiques insulaires, il se retrouve dans le « pays des Noirs », terme générique pour désigner chez les auteurs arabes l’Afrique de l’Ouest. L’itinéraire appuie la véracité du témoignage. Toutefois, sa crédibilité est mise en doute par le manque de détails : quelle langue a-t-il employée ? Comment fut l’accueil de ces gens ? Quels étaient leurs mœurs ? Et le prédicateur ne semble pas plus étonné que cela d’arriver au milieu d’une population inconnue, tout heureux qu’il est de leur prêcher sa religion. Cet enthousiasme missionnaire relève sans doute plus de l’hagiographie et, selon nous, Abū Ya‘qūb al-Tādilī a préservé ici une preuve supplémentaire pour le xiiie siècle de la possibilité d’atteindre les Canaries.
10Une confirmation indirecte de ces contacts plus répétés avec les Canariens nous est donnée par Yāqūt al-Rūmī (m. 626/1229). En effet, dans la première version de l’abrégé de son dictionnaire géographique, le Kitāb al-muštarik waḍ‘an wa-l-muftarik ṣuq‘an, à l’article « Ǧazīra », il écrit :
- 21 Istanbul, Süleimaniye, ms. Reisülküttab, 1140, f. 44r. Comparer avec Yāqūt al-Ḥamawī, Kitāb al-muš (...)
La première [acception] désigne les îles Fortunées qui constituent un grand et vaste territoire, peuplé de païens, à l’extrême Occident. […] Les îles Éternelles sont mentionnées par les astronomes dans leurs ouvrages comme situées dans la mer Occidentale. J’ignore s’il s’agit des îles Fortunées ou d’autres. J’ai lu chez Abū l-Rayḥān [al-Bīrūnī] qu’elles étaient identiques et au nombre de six21.
11La notule sur le peuplement par des païens n’est pas ici un topos littéraire, elle provient assurément d’un informateur ou d’une source écrite, étant donné que Yāqūt ne voyagea jamais au Maghreb.
- 22 Ibn Sa‘īd al-Maġribī, Kitāb al-ǧurġāfiyā, Bagdad, 1970, p. 111.
12À la fin du xiiie siècle, Ibn Sa‘īd al-Maġribī (m. 685/1286) dans le Kitāb al-ǧuġrāfiyā22 rapporte le témoignage d’un certain Ibn Fāṭima qui a fait naufrage le long de la côte atlantique, manifestement au sud du Maroc, mais rien n’indique une quelconque connaissance des Canaries. Un cosmographe un peu plus tardif, Šams al-Dīn al-Dimašqī (624/1256–727/1327), après avoir cité al-Bakrī – reprenant Isidore – à propos de la luxuriance de ces îles, a laissé le récit d’un débarquement involontaire dans l’une d’entre elles :
- 23 A. F. Mehren, Cosmographie de Chems ed-din Abou Abdallah Mohammed ed-Dimishqui, Saint-Pétersbourg, (...)
Quelques navigateurs, ne pouvant résister à un vent contraire et impétueux, furent jetés sur une de ces îles et, après y avoir abordé et pris séjour, ils explorèrent les autres îles et en rapportèrent comme cargaison des choses merveilleuses et excellentes. La population de cette île, bien étonnée de leur présence leur dit : « Nous n’avons jamais vu personne avant vous, qui nous soit venu de l’Orient, et nous avons supposé qu’il n’y avait rien que la mer Environnante »23.
13Une fois les navigateurs rentrés en Andalus, toutes les tentatives qu'ils entreprirent pour retourner aux Canaries furent voués à l'échec. Évidemment, l’absence de toute information positive sur le mode de vie, la langue, l’aspect de la population locale comme la nature exacte des choses rapportées (animaux, plantes, objets ?), nous empêche d’accorder la moindre confiance à ce texte qui semble répondre ici aux conventions du genre littéraire auquel il appartient. Nous pouvons à la rigueur y trouver une confirmation des autres témoignages des xiiie et xive siècles de relations épisodiques avec ces îles, alors que la population locale avait perdu l’usage de la navigation.
14Enfin, Ibn Ḫaldūn (732/1332-808/1406), dans la description géographique qui ouvre l’introduction à sa chronique, offre la première mention arabe de l’arrivée des Européens dans l’archipel canarien :
- 24 Ibn Khaldûn, Le Livre des exemples. I. Autobiographie Muqaddima, trad. A. Cheddadi, Paris, 2002, p (...)
Nous avons appris que des navires francs les ont abordées vers le milieu de ce siècle (soit 750/1349-1350), ont attaqué leurs habitants, fait du butin et des prisonniers. Une partie de ceux-ci furent vendus sur les côtes du Maghreb Extrême et entrèrent au service du sultan. Lorsqu’ils eurent appris la langue arabe, ils donnèrent des renseignements sur leurs îles. Ils dirent que, chez eux, on creuse la terre avec des cornes pour la culture. Le fer est inconnu dans leur pays. Ils se nourrissent d’orge, élèvent des chèvres, utilisent comme armes de combat des pierres qu’ils lancent derrière eux. Leur culte consiste à se prosterner devant le soleil à son lever. Ils ne connaissent pas de religion et n’ont jamais reçu de message prophétique24.
- 25 M. J. Viguera, « El eco árabe de un viaje genovés a las islas Canarias antes de 1340 », Boletín de (...)
15Et l’auteur d’expliquer que la navigation jusqu’à ces îles est très difficile et que l’on n’y arrive que par hasard. L’auteur égyptien al-Maqrīzī25 (1364-1445) donne une autre version du récit d’Ibn Ḫaldūn dans la notice qu’il consacre au savant maghrébin, et précise quelques détails quant aux circonstances entourant cette arrivée des Canariens sur la côte marocaine actuelle. Al-Maqrīzī relate ainsi qu’Ibn Ḫaldūn rapporte que le sultan mérinide Abū l-Ḥasan arriva à Ceuta vers 740/1339-1340 et fit la rencontre de marins génois. Ceux-ci lui racontèrent qu’après avoir quitté Gênes avec l’intention de connaître la mer qui entoure la terre, ils passèrent par les îles Éternelles (al-ǧuzur al-Ḫālidāt) dont les habitants vivaient presque nus. Ibn Ḫaldūn continue en faisant allusion à une seule île sans en indiquer le nom, mais disant que ses habitants furent vaincus par les Génois, et que ceux-ci constatant qu’il n’existait « pour tout animal que des chèvres et qu’ils labouraient la terre avec des cornes de chèvre pour semer de l’orge, seul aliment dont ils disposaient. Ils ne connaissaient pas les armes, ils ne lançaient que des pierres ; ils tournaient le dos à l’adversaire et lui lançaient rapidement les pierres. Quand le soleil apparaissait aux confins de l’Est ils se prosternaient devant lui ». Les Génois firent de l’eau, capturèrent quelques insulaires et reprirent la mer. C’est alors qu’Abū Sālim, le fils du sultan précédent, reçut comme présent « deux hommes, qu’il incorpora à son service pour qu’ils apprennent la langue arabe et ils racontèrent ainsi des détails sur leur situation et disaient que les gens de ces îles n’avaient jamais connu l’islam ni n’en avaient jamais eu aucune référence ».
16D’un point de vue historique, ce texte d’al-Maqrīzī situe la vente des esclaves canariens mentionnés par Ibn Ḫaldūn vers 740/1339-1340, par les découvreurs génois de l’île.
- 26 J. Onrubia-Pintado, « Des marins de fortune aux Fortunées » …, p. 29-31.
17Arrivés à cette date, nous pouvons retenir cinq de ces témoignages arabes qui se recoupent en partie à propos des Canariens. Ibn al-Qāṣṣ, le premier, permet de croire à une population composée de natifs, sans plus de précisions, et de Berbères. Ces derniers deviennent par la suite prépondérants à l’arrivée des Européens. Dès ce texte, les îliens ne connaissent pas le fer mais utilisent des pierres et des cornes comme armes, et pratiquent la culture de l’orge. Cela est largement répété par la suite. Si la première partie du texte est réelle, on doit conclure à leur maîtrise de la navigation. Al-Idrīsī confirme cette capacité à naviguer jusqu’à la côte africaine puisqu’ils y ramènent leurs visiteurs impromptus. D’un point de vue matériel, cela n’est pas sans poser problème, car si le peuplement ne put se faire qu’avec des embarcations, leur nature nous échappe totalement (radeaux avec flotteurs, embarcations gréées ?)26, de sorte qu’il est impossible d’en connaître l’évolution par la suite. Al-Idrīsī montre aussi une société hiérarchisée, l’existence d’une ville – ce qui suppose la construction d’édifices –, et où l’arabe ne semble pas inconnu à la cour puisque l’interprète du roi le connaît. Est-ce cependant réaliste au vu de l’arabisation de la côte atlantique au xiie siècle et à la rareté des contacts entre celle-ci et l’archipel canarien ? Abū Ya‘qūb al-Tādilī paraît confirmer la récurrence des contacts entre l’archipel et le continent. Cent ans plus tard, al-Dimašqī laisse percevoir au contraire un relatif éloignement des Canariens des pouvoirs établis sur les côtes, et ils semblent d’ailleurs avoir perdu alors l’usage de la navigation. Enfin, Ibn Ḫaldūn confirme l’ignorance du fer au profit de l’usage des pierres et des cornes comme armes, et l’absence de religion révélée au bénéfice d’un culte astral, alors que les premiers témoignages parlaient d’un culte idolâtre. Si jamais un prédicateur musulman y a abordé, son enseignement fut sans suite et la population locale oublia l’arabe.
Les sources occidentales
- 27 C. Verlinden, « Lanzarotto Molocello et la découverte portugaise des Canaries », Revue belge de ph (...)
- 28 A. Quartapelle, « El reduscubrimento de las islas Canarias en el anno domini 1339 », Revista de hi (...)
18C’est justement dans ces années là que le génois Lanzarotto Malocello découvre l’île la plus occidentale des Canaries qui portera par la suite son nom, Lanzarote. La date est toujours discutée. Charles Verlinden situait cette découverte en 133627, mais le texte d’al-Maqrīzī permet de soutenir l’année 133928, si c’est bien cette première expédition qui débarque des Canariens au Maroc.
- 29 N. Bouloux et O. Redon, « Boccace, “de Canarie et d'autres îles nouvellement découvertes dans l'Oc (...)
19Quoi qu’il en soit, c’est en 1341 qu’une expédition est lancée par le roi du Portugal Alphonse IV, sous la direction de Niccolò da Recco, et c’est de cette entreprise que parviennent en Europe des informations sur les îles et leurs habitants. Une autre expédition est organisée par les Catalans peu après. Ainsi, l’expédition de Niccolò da Recco est à l’origine, involontaire, de la première description succincte des mœurs des Guanches. En effet, des marchands italiens présents à Séville apprennent ces nouvelles et les font savoir par lettre, la même année – 1341 – à Florence, où Giovanni Boccaccio29 en a connaissance et en livre ainsi un résumé substantiel.
20Il s’agit bien du produit du récit des découvreurs, de la lettre des marchands italiens et de la traduction de Boccace, ce qui n’enlève rien à sa véracité.
- 30 M. Cabrero Barreto, « Die Zahlwöter der Altkanarier », Almogaren, 2 (1971), p. 151-167 ; D. J. Wöl (...)
21Il en ressort que les navigateurs accostèrent dans treize îles dont six étaient habitées, mais les indigènes ne semblaient pas parler une langue compréhensible dans toutes les îles et ils n’avaient pas l’usage de la navigation, allant d’une île à l’autre à la nage. La première où les Occidentaux abordent étant en toute vraisemblance Lanzarote, qui est estimée à cent cinquante mille pas de circonférence, soit 200 km ; or, l’île en fait 213. Les indigènes sont présentés comme nus et aux mœurs frustres. La deuxième, d’où les Occidentaux enlèvent cinq individus, est peuplée d’une population hiérarchisée car elle semble reconnaître en son sein des chefs, différemment vêtus. L’île est aussi en partie cultivée et possède des habitations construites en pierres équarries et couvertes de bois. Les natifs se nourrissent des céréales et de fruits. Ils n’ont comme animaux que des chèvres, des brebis et des sangliers. Et les Canariens embarqués ne connaissent ni la monnaie métallique ni les armes. La lettre du marchand italien recopiée par Boccace donne également à connaître les chiffres utilisés à cette époque par les indigènes30.
- 31 Les deux manuscrits ont été édités en facsimilé, transcrits et traduits en espagnol : B. Pico, E. (...)
22Un demi-siècle plus tard, en 1402, débarquent les Normands Jean de Béthencourt et Gadifer de la Salle, dont l’expédition est racontée dans le Canarien31 par les franciscains Pierre Bontier et Jean Le Verrier. L’ouvrage, connu par deux manuscrits (Londres, Egerton 2709, et Rouen, Bibliothèque municipale, 129), se termine par une description des îles où les auteurs s’attardent surtout sur les ressources naturelles et peu sur les Canariens, hormis pour leur habillement ou plutôt leur quasi-nudité.
- 32 Gomes Eanes Zurara, Chronique de Guinée, Paris, 2011, p. 283-291 et 317-325.
23Cinquante ans après, Gomes Eanes Zurara achève ses Chroniques de Guinée32, en 1453, où il reprend des informations rapportées lors des voyages des Portugais dans ces îles. La population de la Grande Canarie est présentée comme hiérarchisée et Zurara s’étend aussi sur les mœurs matrimoniales. Il ajoute :
- 33 Ibid., p. 320.
Ils combattent avec des pierres, sans autres armes qu’un bâton court dont ils se servent pour frapper. Ils sont très hardis et très redoutables au combat, car il y a beaucoup de pierres dans leur pays et qu’ils défendent courageusement leur sol. Tous vont nus. Ils portent seulement en guise de braies une ceinture de palmes de couleur qui couvrent leurs parties honteuses ; mais il y en a beaucoup qui n’en portent pas33.
24Ils n’ont aucun intérêt pour les étoffes ni les métaux, hormis le fer. Ils cultivent le blé et l’orge, et les consomment sous forme de farine, avec de la viande et du beurre. Ils ont aussi des figues, du sang-de-dragon et des dattes. Ils ont comme animaux des chèvres, des brebis et des porcs. Pour les habitants de l’île de Gomera, à côté d’informations sur leurs mœurs matrimoniales et alimentaires, l’auteur ajoute qu’ils combattent « avec des petits bâtons semblables à des flèches, dont les extrémités sont pointues et passées au feu ». Quant à ceux de Ténérife, qui trouvent un peu plus de grâces aux yeux de Zurara, ils sont vêtus de peaux. « Ils combattent avec des hastes de cœur de pin, faites comme de grands javelots, très pointues, séchées et durcies au feu. » Ils auraient été monothéistes. Les habitants de l’île de la Palma, qui n’auraient eu aucune foi et dont la « bestialité est grande », ont comme armes des lances dont les pointes sont faites avec une corne pointue et les talons avec une corne plus petite.
- 34 Alvise Ca’da Mosto, Voyages en Afrique Noire, trad. F. Verrier, Paris, 2003, p. 34-38.
25Alvise Ca’da Mosto décrit des mœurs des Canariens tels qu’il a pu les observer lors d’un passage dans les îles en 145534. Il fait état d’une abondance de chèvres et constate que les habitants parlent des langues incompréhensibles d’une île à l’autre. À son époque, trois îles sont encore aux Canariens : Grande Canarie (de 7 000 à 8 000 habitants), Ténérife (de 14 000 à 15 000 habitants) et Palma. Les indigènes ont comme seules armes des pierres, des massues et des lances auxquelles ils fixent des cornes aiguisées ou, à défaut, dont ils brûlent la pointe pour la durcir. Ils n’ont pas de fer. Ils sont nus, sauf quelques-uns qui s’habillent de peaux de chèvres. Ils ne bâtissent ni maison de pierre ni de pailles, mais habitent des grottes. Ils se nourrissent d’orge, de viande et de lait de chèvre. Ils peignent leurs peaux avec des sucs d’herbe jaune, rouge et vert.
26Les îles ne sont reconnues sous domination castillane par les Portugais qu’en 1479, après le traité d’Alcáçovas.
- 35 L. Torriani, Descripción de las Islas Canarias, éd. et trad. A. Cioranescu, Ténérife, 1959 ; J. D (...)
27Par la suite, c’est le témoignage de Leanordo Torriani (m. 1628) qui est le plus riche sur les populations locales35, mais cela ne nous concerne plus.
28Il apparaît clairement que les témoignages occidentaux confirment et complètent les quelques sources arabes antérieures, mais soulignent aussi une certaine évolution. Nous ferons l’impasse sur les considérations « morales » des auteurs du temps, pour ne garder que les informations positives. L’usage des pierres, des cornes et du bois endurci au feu balance l’ignorance du fer et des armes blanches. Certaines îles sont néanmoins cultivées, possèdent un bâti et connaissent une société hiérarchisée, mais cet état n’est pas homogène dans tout l’archipel. D’ailleurs, les populations des différentes îles parlent alors des langues différentes, ce que Boccace, Zurara et Ca’da Mosto répètent indépendamment ; et ces populations ne connaissent pas la navigation, même entre les îles.
***
- 36 J. Michaux, « La souris, les rongeurs endémiques et l’implantation humaine sur les îles Canaries » (...)
- 37 L. Torriani, Descripción de las Islaas Canarias…, p. 66 et 113.
29Les huit sources retenues ici, indépendamment de la crédibilité relative à accorder aux plus anciennes, éclairent de manière sporadique le peuplement des Canaries sur cinq siècles et mettent en évidence une société diversifiée, selon les îles, avec des modes de vie distincts. Le peuplement de l’archipel ne semble pas uniforme au départ, avec une composante berbère à côté d’un autre élément non caractérisé chez Ibn al-Qāṣṣ. Cette disparité n’est plus répétée par la suite mais, au xive siècle, la non-intercompréhension des différentes populations de l’archipel est un fait acquis. La navigation était manifestement connue à l’origine, sinon on ne comprendrait pas comment le peuplement eut lieu et comment les chèvres et les cochons furent amenés volontairement dans ces îles, ou involontairement comme dans le cas de souris36. Un point commun est la récurrence, dans les sources arabes, de la côte africaine entre Safi et Essaouira comme région « d’embarquement » vers les Canaries. Que la navigation n’ait plus été pratiquée à l’arrivée des Européens semble peut-être discutable, puisque Leonardo Torriani au xviie siècle mentionne des outres gonflées et des barques creusées par les indigènes37, mais ce serait ici à l’archéologie d’apporter un éclairage.
30Un autre développement à constater concerne les pratiques religieuses. Une « idolâtrie » dont la nature nous échappe est observée au xe siècle, à côté de rites pratiqués par les Berbères. Au xive siècle, s’y ajoute un culte astral – si celui-ci n’est pas un topos littéraire. Il semble qu’un prédicateur – mais sa tentative fut-elle unique ? – ait tenté d’y introduire l’islam, mais manifestement sans succès durable puisque les Européens n’en trouvent pas de trace à leur arrivée. Si l’arabe est un tant soit peu connu à l’époque d’al-Idrīsī, il ne l’est plus à l’époque d’Ibn Ḫaldūn. Cependant depuis Ibn al-Qāṣṣ jusqu’à Ca’da Mosto, les témoignages concordent sur l’ignorance des métaux, leur utilisation des cornes comme outils ou armes, et leur pratique de l’agriculture.
31Ces observations restent évidemment hypothétiques tant nos sources sont sujettes à caution, mais elles jettent une certaine lumière sur l’ethnohistoire de l’archipel.
Notes
1 M. Sarmiento Pérez, Les Captifs qui furent interprètes, Paris, 2012.
2 J. J. da Costa de Macedo, Memoria em que se pretende provar que os Arabes nāo conhecerāo as Canarias antes dos Portugueses, Lisbonne, 1844 ; R. Mauny, Les Navigations médiévales sur les côtes sahariennes antérieures à la découverte portugaise (1434), Lisbonne, 1960 ; J. Vernet, « Textos árabes de viajes por el Atlántico », Anuario de Estudios Atlánticos, 17 (1971), p. 401-427 ; T. Lewicki, « Encore sur les voyages arabes aux Canaries au Moyen Âge », dans Id., Études maghrébines et soudanaises, Varsovie, 1983, t. I, p. 9-31 ; M. Campoy Arcas, « Les îles “Éternelles”-“du Bonheur”-“Fortunées” dans les sources arabes », dans K. D’Hulster et J. van Steenbergen éd., Continuity and Change in the Realms of Islam. Studies in Honour of Professor Urbain Vermeulen, Louvain, 2008, p. 11-24.
3 Abū Ḥāmid al-Ġarnāṭī, Al-mu‘rib ‘an ba‘ḍ ‘aǧā’ib al-Maġrib, éd. et trad. I. Bejarano, Madrid, 1991, p. 163 et 263. Ce texte a été brièvement commenté par X. de Planhol, L’Islam et la mer. La mosquée et le matelot, viie-xxe siècle, Paris, 1993, p. 473.
4 J.-C. Ducène, « Une vraisemblable navigation arabe vers les Canaries au début du iiie/xe siècle (Extrait du Kitāb dalā’il al-qibla d’Ibn al-Qāṣṣ) », Folia Orientalia, 38 (2002), p. 105-113. Le texte de l’ouvrage a été édité par Aḥmad al-Ḥaṣanāwī, mais sans les variantes et à partir d’un seul manuscrit : Ibn al-Qāṣṣ, Dalā’il al-qibla fī ma‘rifat aḥwāl al-arḍ wa-‘aǧa’ibihā, Bagdad, 2011, p. 184.
5 A. Miquel, La Géographie humaine du monde musulman, Paris, 1975, p. 20-24 ; C. Picard, L’Océan Atlantique musulman, Paris, 1997, p. 29-44 ; Id., « Récits merveilleux et réalité d’une navigation en océan Atlantique chez les auteurs musulmans », dans Miracles, prodiges et merveilles au Moyen Âge, Actes du XXVe Congrès de la SHMES, Paris, 1994, p. 75-87.
6 J. Orubio-Pentado, « Canaries », Encyclopédie berbère, t. XI, Aix-en-Provence, 1992, p. 1731-1755. Pour une bibliographie rétrospective sur les Guanches, voir L. Bougchiche, Langues et littératures berbères des origines à nos jours. Bibliographie internationale, Paris, 1997, p. 59-61, 73-74, 225-226 et 228-240. L’archéologie permet de situer le début du peuplement de Fuerteventura au début du premier millénaire avant J.-C. par des individus provenant de la côte africaine opposée : J. Onrubia-Pintado, « Des marins de fortune aux Fortunées », Antiquités africaines, 33 (1997), p. 25-34. Pour l’hypothèse d’une plus ou moins grande influence phénico-punique, voir R. de Balbin Berhmann et P. Bueno-Ramirez, « El arte rupestre en Canarias. Antecedentes y perspectiva de futuro », Antiquités africaines, 34 (1998), p. 1-10.
7 J. Orubio-Pentado, « Canaries »…, p. 1737. Pour les inscriptions, voir J. Álvarez Delgado, Inscripciones libicas de Canarias, Ténérife, 1964, p. 393-394 et 404-418. La graphie saharienne de ces inscriptions, majoritairement situées dans l’île d’El-Hierro, les rapproche de celles de Mauritanie, mais leur interprétation reste encore difficile. Voir aussi R. A. Springer Bunk, Origen y uso de la escritura líbico-bereber en Canarias, Ténérife, 2001, p. 163-171.
8 Abu Ḥamid Al-Garnaṭi, Al-mu‘rib ‘an ba‘ḍ ‘aǧā’ib al-Maġrib…, p. 163, n. 5, et p. 263, n. 21. L’éditrice corrige en Qarqara car elle choisit de rapprocher le nom de celui des îles Gorgadès (Pline, Histoire naturelle, VI, 200), à deux jours de navigation de la côte atlantique, selon l’encyclopédiste latin. La forme arabe proviendrait de l’accusatif singulier grec Gorgada. L’éditrice l’identifie avec l’île de Fernando Poo qui appartient à la Guinée-Équatoriale, mais concède qu’il faudrait plutôt la situer parmi les Canaries pour la vraisemblance du récit.
9 J.-C. Ducène, « Une vraisemblable navigation arabe vers les Canaries au début du iiie/xe siècle … », p. 111, n. 17.
10 Al-Mas‘ūdī, Les Prairies d’or, trad. C. Barbier de Meynard et A. Pavet de Courteille, rev. C. Pellat, Paris, 1962, t. I, p. 106.
11 Abū ‘Ubayd al-Bakrī, Kitāb al-masālik wa-l-mamālik, Tunis, 1992, p. 203 et 788.
12 Isidore de Séville, Etymologiae XIV, éd. et trad. O. Spevak, Paris, 2011, p. 106-107. Cette notice est à ajouter aux autres paragraphes démarqués par al-Bakrī d’une traduction arabe des Étymologies d’Isidore : voir J.-C. Ducène, « Al-Bakrī et les Étymologies d’Isidore de Séville », Le Journal Asiatique, 297/2 (2009), p. 379-397.
13 P. Vilchez et R. Figueroa, « Ibn ‘Abd al-Rabbihi al-Ḥafīd », dans J. Lirola Delgado, V. Puerta, J. Miguel éd, Biblioteca de Al-Andalus, Almería, 2009, t. II, p. 641-698.
14 Kitāb al-istibṣār fī ‘aǧā’ib al-amṣār, éd. A. H. Saad Zaghloul, Bagdad, 1986, p. 139.
15 Idrîsî, La Première Géographie de l’Occident, trad. A. Jaubert, rev. A. Nef, Paris, 1999, p. 267-269.
16 M. Sarmiento Pérez, Les Captifs qui furent interprètes..., p. 37-39.
17 Al-Tādilī, Al-Tašawwuf ilā riǧāl al-taṣawwuf, éd. A. Faure, Rabat, 1958, p. 424-425 ; M. Aguiar Aguilar, « La mención a las Islas Canarias en el Tašawwuf ilà riŷāl al-tašawwuf de Ibn az-Zayyāt at-Tādilī (primera mitad del siglo vii/xiii) », dans J. Aguadé et A. Vicente, L. Abu-Shams éd., Sacrum Arabo-Semiticum. Homenaje al profesor D. Federico Corriente por su 65 aniversario, Saragosse, 2005, p. 71-77.
18 Al-Tādilī, Al-Tašawwuf ilā riǧāl al-taṣawwuf, éd. A. Faure, Rabat, 1958, p. 424-425.
19 J.-C. Ducène, L’Afrique dans le Uns al-muhaǧ wa-rawḍ al-furaǧ d’al-Idrīsī, Louvain, 2010, p. 92.
20 Idrîsî, La Première Géographie ..., p. 148.
21 Istanbul, Süleimaniye, ms. Reisülküttab, 1140, f. 44r. Comparer avec Yāqūt al-Ḥamawī, Kitāb al-muštarik waḍ‘an wa-l-muftarik ṣuq‘an, éd. F. Wüstenfeld, Göttingen, 1848, p. 110, où la première description des îles et leur peuplement est absente.
22 Ibn Sa‘īd al-Maġribī, Kitāb al-ǧurġāfiyā, Bagdad, 1970, p. 111.
23 A. F. Mehren, Cosmographie de Chems ed-din Abou Abdallah Mohammed ed-Dimishqui, Saint-Pétersbourg, 1866, p. 134-135 ; Id., Manuel de la cosmographie du Moyen Âge, Copenhague, 1874, p. 175-176. On doit souligner que ce texte date bien d’al-Dimašqī car l’auteur s’appuie généralement sur une encyclopédie de sciences naturelles antérieure, le Manāhiǧ al-fikar wa-mabāhiǧ al-‘ibar de Ǧamal al-Dīn al-Waṭwāṭ (m. 1318). Or, dans la partie de cet ouvrage traitant des îles de l’Atlantique, nous retrouvons la citation d’al-Bakrī, mais pas le témoignage des marins : al-Waṭwāṭ, Manāhiǧ al-fikat wa-mabāhiǧ al-‘ibar, éd. F. Sezgin, Francfort-sur-le-Main, 1990, t. I, p. 265.
24 Ibn Khaldûn, Le Livre des exemples. I. Autobiographie Muqaddima, trad. A. Cheddadi, Paris, 2002, p. 278.
25 M. J. Viguera, « El eco árabe de un viaje genovés a las islas Canarias antes de 1340 », Boletín de la Sociedad Española de Estudios Medievales, 2 (1992), p. 257-258 ; al-Maqrīzī, Durar al-‘uqūd al-farīda fī tarāǧim al-mufīda, Beyrouth, 2002, II, p. 406-407.
26 J. Onrubia-Pintado, « Des marins de fortune aux Fortunées » …, p. 29-31.
27 C. Verlinden, « Lanzarotto Molocello et la découverte portugaise des Canaries », Revue belge de philologie et d'histoire, 36 (1958), p. 1173-1209.
28 A. Quartapelle, « El reduscubrimento de las islas Canarias en el anno domini 1339 », Revista de historia canaria, 199 (2017), p. 11-37.
29 N. Bouloux et O. Redon, « Boccace, “de Canarie et d'autres îles nouvellement découvertes dans l'Océan, au large de l'Espagne” », Médiévales, 47 (2004), p. 9-16.
30 M. Cabrero Barreto, « Die Zahlwöter der Altkanarier », Almogaren, 2 (1971), p. 151-167 ; D. J. Wölfel, « Les noms de nombres dans le parler “guanche” des Îles Canaries », Hespéris, 41 (1954), p. 47-79 ; nous n’avons pas eu accès à J. Álvarez Delgado, Sistema de numeración norteafricano : estudio de lingüística comparada sobre el sistema de numeración y cómputo de los aborígenes de Canarias, Madrid, 1949. Sur les témoignages anciens sur la langue des Canariens, voir F. J. Castillo, « Die altkanarischen Sprachen in den Quellen des 14., 15. und 16. Jahrhunderts » [1990], Almogaren, 20/1 (1989), p. 51-59.
31 Les deux manuscrits ont été édités en facsimilé, transcrits et traduits en espagnol : B. Pico, E. Aznar, D. Corbella, Le Canarien. Manuscritis, transcripción y traducción, La Laguna, 2003, p. 129-145 et 331-352, pour la description systématique des îles.
32 Gomes Eanes Zurara, Chronique de Guinée, Paris, 2011, p. 283-291 et 317-325.
33 Ibid., p. 320.
34 Alvise Ca’da Mosto, Voyages en Afrique Noire, trad. F. Verrier, Paris, 2003, p. 34-38.
35 L. Torriani, Descripción de las Islas Canarias, éd. et trad. A. Cioranescu, Ténérife, 1959 ; J. Dupuis, « Les îles Canaries avant la conquête espagnole d’après le manuscrit de Torriani », Cahiers du monde hispanique et luso-brésilien, 33 (1979), p. 91-102.
36 J. Michaux, « La souris, les rongeurs endémiques et l’implantation humaine sur les îles Canaries », Diogène, 218 (2007), p. 78-89.
37 L. Torriani, Descripción de las Islaas Canarias…, p. 66 et 113.
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Référence papier
Jean-Charles Ducène, « Les Canariens selon les sources arabes et occidentales médiévales », Médiévales, 81 | 2022, 127-140.
Référence électronique
Jean-Charles Ducène, « Les Canariens selon les sources arabes et occidentales médiévales », Médiévales [En ligne], 81 | automne 2021, mis en ligne le 01 janvier 2024, consulté le 06 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/medievales/11902 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/medievales.11902
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