Navigation – Plan du site

AccueilNuméros20Comptes rendus d'expositions«  Adventures can be found anywhe...

Comptes rendus d'expositions

«  Adventures can be found anywhere, même dans la mélancolie »

Sur une invitation de Michèle Thériault, création et performance de Claudia Fancello, Marie Claire Forté, Nadège Grebmeier Forget, Adam Kinner, Ashlea Watkin et Jacob Wren
Montréal, Galerie Leonard et Bina Ellen – 23 octobre – 1er novembre 2014
Sophie Lapalu
p. 182-183

Texte intégral

1Au centre de la galerie Leonard et Bina Ellen – l’espace d’exposition attachée à l’Université Concordia de Montréal – un petit groupe de personnes est attablé. Certains écrivent consciencieusement sur des feuilles de couleur, un livre ouvert à leur côté, d’autres lisent avec concentration, une autre encore vous regarde approcher, vous invite à vous asseoir. La discussion s’enclenche naturellement  : «  Que faites-vous  ? – Nous [les performeurs] réécrivons Le Livre de l’intranquillité de Pessoa. – Réécrire  ? – Oui, nous lisons cet ouvrage, du moins une de ses différentes éditions, et nous écrivons notre réinterprétation. Par exemple, comme je trouve le livre très pessimiste, parfois j’inverse le sens des mots pour qu’il corresponde à mon état d’esprit. ». Lors de cette conversation, nous apprendrons ainsi que cet ouvrage est la réunion de quelques 500 feuillets comportant la mention «  O Livro do desassossego » trouvés à la mort de Fernando Pessoa parmi les 27543 textes épars saturant la fameuse malle découverte à sa mort – dont nous n’avons pas encore épuisé les ressources. Écrit sous le nom d’un de ses nombreux hétéronymes, Bernardo Soares, de 1913 jusqu’à 1935, année de la disparition de Pessoa, Le Livre de l’intranquillité est l’autobiographie sans événements (sous-titre de l’œuvre) d’un comptable d’une petite entreprise de textile de la rue Douradores, à Lisbonne. L’ouvrage ne paraît qu’en 1982 grâce au travail de l’écrivain et traducteur Richard Zenith  ; or l’édition d’un tel ouvrage s’affirme comme un voyage subjectif au sein de notes hétéroclites, de fragments de textes, de bribes de pensées, de poèmes en prose qu’il aura fallu sélectionner et ordonner. De nombreuses autres éditions suivent celle de Zenith  ; aucune d’elles ne peut s’avancer comme définitive. Toute version est une construction.

2Un jeune homme qui écrivait à côté de nous quitte la table et se dirige dans la pièce à côté. Nous le suivons. Il dépose sa feuille manuscrite sur un socle blanc – filmé en plongée, l’image projetée au mur – et fait la lecture à voix haute et en anglais de sa propre interprétation de l’ouvrage. Lorsqu’il a fini, il dispose le papier sur une longue console blanche longeant les espaces de la galerie, où s’accumulent déjà un certain nombre de feuillets colorés, noircis par différentes écritures manuscrites.

3Richard Zenith suggérait déjà en 1982 que le lecteur invente son propre parcours à travers Le Livre de l’intranquillité  ; il semblerait que ce soit exactement ce qui est à l’œuvre avec «  Adventures can be found anywhere, même dans la mélancolie ». La simplissime disposition, très loin d’une forme de grandiloquence, et la facilité d’accès des performeurs – ainsi nommés dans le dossier de presse – nous invitent, tout comme le lecteur de cet objet éditorial, à choisir notre position en tant que spectateur. La possibilité est offerte de favoriser l’échange direct avec ceux qui sont attablés, l’écoute des différentes voix qui peuvent se faire entendre ou la lecture des écrits, tout cela au cours d’une déambulation entre les pièces blanches, elles-mêmes reliées par la console qui se colore au fur et à mesure et s’offre tel le fil d’un discours polyphonique.

4À la fin de la semaine, l’ensemble des feuilles est réuni pour recréer un nouvel ouvrage. Si nous avons saisi qu’il est question ici de rendre publique l’interprétation habituellement privée qui est en jeu lors de la lecture, cette «  installation performance » ouvre un espace d’échange et de superposition de voix particulièrement justifié appliqué à la lecture de cet auteur.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Sophie Lapalu, « «  Adventures can be found anywhere, même dans la mélancolie » »Marges, 20 | 2015, 182-183.

Référence électronique

Sophie Lapalu, « «  Adventures can be found anywhere, même dans la mélancolie » »Marges [En ligne], 20 | 2015, mis en ligne le 01 mars 2015, consulté le 23 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/970 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/marges.970

Haut de page

Auteur

Sophie Lapalu

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search