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Notes de lecture et comptes rendus d’expositions

« Nouvelles Vagues »

Paris, Palais de Tokyo et autres lieux, 21 juin – 9 septembre 2013
Jérôme Glicenstein
p. 156-157
Référence(s) :

Paris, Palais de Tokyo et autres lieux, 21 juin – 9 septembre 2013

Texte intégral

1« Nouvelles vagues » se présentait comme un événement expérimental dont le but aurait été, selon Jean de Loisy, de « rendre manifeste l’émergence de la figure du curateur ». Le point de départ de l’opération avait consisté en un concours international abondamment diffusé au sein du milieu de l’art : plus de 500 propositions avaient été soumises aux curateurs du Palais de Tokyo, avant d’être présentées à un jury d’une dizaine de personnalités françaises et étrangères. À ces propositions s’en ajoutaient d’autres, hors-sélection, dues à Marc Bembekoff, coordinateur de « Nouvelles vagues » et à Gaël Charbeau – choisi par la Fondation Hermès afin de mettre en valeur son programme de résidences d’artistes. Le volet de « Nouvelles vagues » présenté dans les galeries parisiennes n’avait quant à lui pas fait l’objet d’un tel processus de sélection et il semblerait que les propositions retenues l’aient été surtout en fonction du bon vouloir des galeries à ce moment creux de l’année. En tout, 53 expositions avaient été programmées – dont 21 au Palais de Tokyo et 32 dans des galeries privées.

2La coexistence des différents processus de sélection explique sans doute la très grande hétérogénéité des propositions et l’on ne saurait sans doute se contenter à ce propos de la répartition, proposée par le Palais de Tokyo, entre expositions collectives et monographiques. Quel dénominateur commun pouvait-on en effet trouver entre des expositions clairement thématiques (« Le Club des sous l’eau » ou « Champs Elysées ») et d’autres où aucun lien d’ensemble n’était mis en avant (« Artesur. Collective Fictions » ou « Anna Barham, Agnès Geoffray, Nathania Rubin ») ? Quel rapport entre des expositions en hommage à telle ou telle personnalité (Jean Painlevé, Kenneth Anger, David Wojnarowicz…) et d’autres où le curateur faisait figure d’auteur tout puissant (« The Black Moon », « Bloody Mary », « Destiny : the B’s »…) ? D’autres répartitions auraient sans doute mérité d’être utilisées : expositions à visée promotionnelle (en faveur des artistes de Singapour, de l’artisanat de luxe ou de la céramique…) ; expositions à visée réévaluatrice (de l’importance historique des artistes femmes non occidentales ou de Marcel Barbeau) ; expositions basées sur des confrontations ou des correspondances transhistoriques (entre nabis et artistes contemporains ou entre Medardo Rosso et Tupac Shakur) ; expositions d’auteurs ; expositions discursives ; expositions didactiques ; expositions en forme d’œuvres, etc.

3Ce qui frappait dans un grand nombre de propositions exposées au Palais de Tokyo, c’était leur volonté de présenter une forme de cohérence d’ensemble, tout en rattachant celle-ci à un arrière-plan conceptuel ambitieux, quoique souvent obscur. Telle exposition (« Le principe Galapagos ») visait à présenter à la fois « des œuvres d’art, des énoncés, produits de consommation, moments et objets divers » ; telle autre (« The Black Moon ») visait à « brouiller les frontières entre art, cinéma et littérature » ; telle autre encore (« Antigrazioso ») se présentait comme « une composition curatoriale où divers récits, objets et œuvres d’art s’agrègent en un tout cohérent », le curateur ajoutant que les différents éléments forment une image unique et que le spectateur est invité à les « considérer isolément et à les réagencer mentalement ». Dans un autre genre, « Le club des sous-l’eau » annonçait « tester des méthodologies collectives au sein d’une expérience dont l’exposition ne serait que l’une des extensions possibles ». Il est vrai que dans ce cas précis on avait un peu de mal à séparer ce qui relevait de l’intervention artistique, du documentaire sur la plongée sous-marine ou de la soirée entre amis.

4Le cas des expositions présentées dans les galeries parisiennes est tout aussi intéressant, mais pour des raisons quasiment opposées. En effet, contrairement aux propositions présentées au Palais de Tokyo, où se retrouvaient de nombreux choix thématiques, les galeries avaient plus souvent programmé des expositions monographiques ou « autour d’un artiste » ; expositions éventuellement organisées par des artistes liés aux galeries concernées, avec la participation des artistes de la galerie, voire avec l’intervention des galeristes eux-mêmes en tant que co-curateurs. À deux exceptions près (Albertine de Galbert et Isabelle Le Normand), les curateurs intervenant dans les galeries ne participaient pas à l’événement au Palais de Tokyo et leurs propositions paraissaient parfois assez éloignées de l’esprit de « Nouvelles vagues ». On pouvait d’ailleurs presque s’interroger sur le choix de certaines d’entre elles : on pense à celle construite autour de la céramique contemporaine (« Terres. Copenhagen Ceramics Invites » à la galerie Maria Lund) ou à celle consacrée au « QR Code comme média vers l’œuvre » (galerie Véronique Smagghe). Sans compter que certaines galeries avaient semble-t-il été assez réticentes à laisser agir librement un curateur indépendant dans leurs murs.

5Au-delà de sa nouveauté et de son intérêt « Nouvelles vagues » entraine tout de même quelques questions. La première concerne les modalités de la visite et l’attitude à adopter. Devait-on s’intéresser aux œuvres ou aux propositions curatoriales qui les mettaient en scène ? Comment évaluer celles-ci ? De fait, si l’on cherche à rendre compte des différentes propositions ou de l’événement dans son ensemble, on ne peut manquer de s’interroger sur la place qui y était réservée aux œuvres ou aux artistes en tant que tels et sur les liens plus ou moins visibles qui apparaissaient ici ou là entre curateurs, institutions et marché de l’art. Peut-on vraiment croire avec Jean de Loisy que le curateur « échappe aux règles académiques, comme à celles du marché de l’art ou aux codes de l’institution » ?

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Pour citer cet article

Référence papier

Jérôme Glicenstein, « « Nouvelles Vagues »  »Marges, 18 | 2014, 156-157.

Référence électronique

Jérôme Glicenstein, « « Nouvelles Vagues »  »Marges [En ligne], 18 | 2014, mis en ligne le 01 mai 2014, consulté le 25 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/903 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/marges.903

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Auteur

Jérôme Glicenstein

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