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1Nous pouvons observer un intérêt croissant pour la matière et la matérialité au sein de la création contemporaine sans que l’on en sache encore les raisons ou la portée. Or, si l’on peut parler de rematérialisation, c’est précisément parce que ce retour de la matière vient après une période ayant eu tendance à faire oublier ou à mettre au ban la matière en privilégiant un certain idéalisme.

2Qu’il s’agisse des nombreuses formes de classicisme prônant la règle de la belle forme ou de l’idéal moderniste d’une pureté du médium, voici autant de signes conduisant à la « dématérialisation de l’art » notée par Lucy Lippard et John Chandler dès 1968 et qui s’avère être avant tout celle de l’objet d’art. Il semble aujourd’hui que la présence et plus encore, la matérialité de l’œuvre, retrouvent une importance toute primordiale. En témoigne le nombre important d’expositions ayant eu lieu, ne serait-ce qu’en France, durant la période de constitution de ce numéro, qui reprennent cette question dès leur titre, comme pour y insister : Wilfrid Almendra, « Matériologique » (26 mars – 4 mai 2013, Fondation d’entreprise Ricard, Paris) ; Paul Pouvreau, « Matières premières » (8 février – 26 juin 2013, CRAC Languedoc-Roussillon, Sète), « Matière visible » (24 mai – 29 juin 2013, Galerie LWS, Paris) ; Rudy Ricciotti, « Matérialités » (10 avril – 15 septembre 2013, Cité de l’architecture et du Patrimoine, Paris) ; « La vie matérielle » (6 septembre – 2 novembre 2013, Fondation d’entreprise Ricard, Paris).

3Ce constat déjà établi, mais de manière plus générale (touchant aussi la science et l’industrie) par François Dagognet en 1989, dans son essai Rematérialiser auquel nous empruntons le terme, semble ainsi retrouver une actualité toute contemporaine. Selon lui, il ne s’agit plus tant de penser la mise en œuvre d’une matière à partir d’une idée (sculpture d’une forme) que de chercher comment des formes se créent par l’ajointement de matières et matériaux bruts. L’enjeu de ce numéro de la revue Marges est de comprendre la portée et les modalités de ce retournement du regard visant à insister sur les qualités matérielles de l’œuvre.

4La multitude de possibilités engendrées par les caractéristiques plastiques et physiques de la matière nous invite à interroger son rôle dans la détermination de la forme finale de l’œuvre d’art. Le choix de certaines matières contribue-t-il par exemple à ce que l’œuvre s’organise elle-même, comme le souhaitait par exemple Robert Morris pour la sculpture ? Certaines pratiques artistiques réactualisent en effet aujourd’hui le questionnement sur l’informe, la densité, l’opacité ou encore l’impénétrabilité.

5Le premier article de ce numéro est consacré aux travaux des artistes Dieter Roth et Michel Blazy. Camille Paulhan interroge le rôle de la matière dans les œuvres dont la durée de vie limitée participe de leur définition. Comment caractériser des œuvres dont la matérialisation ne dure que le temps de l’exposition et évolue parfois pendant sa durée ? C’est cette interrogation sur l’éphémère manifestation de la matière que développent les articles de Fred Guzda et Pamela Bianchi en se préoccupant de l’idée et de l’espace : comment leur donner corps ?

6Le premier revient sur cette conception que l’idée primerait sur la matière dans l’art conceptuel. Il semble néanmoins nécessaire qu’elle trouve un support pour se manifester. Faut-il pour autant qu’elle soit incarnée dans un matériau ? Dans le second, c’est l’optique qu’a prise le travail de l’artiste anglaise Rachel Whiteread, qui cherche à donner forme au vide en le solidifiant. Le volume obtenu nous parle finalement plus d’un espace que de sa matérialité. Pourtant, la manifestation en négatif des interstices matérialisés nous montre que la matière architecturale ne peut prendre corps qu’à partir de cette articulation de vides.

7Les deux articles suivants pointent le caractère opérant de la matière et interrogent le dialogue que noue le designer ou le «1/4bioartiste » avec elle dans la définition de son œuvre. Claire Davril montre ainsi que la matière est omniprésente dans le temps du projet – généralement considéré comme conceptuel – précédant la réalisation en design. Elle définit ce qu’elle appelle la « matière esquisse ». De son côté, Anna Longo, à l’aide des œuvres du bioartiste Eduardo Kac et des théories de philosophie des sciences, nous montre que les propriétés auto-organisatrices de la matière vivante permettent d’esquisser des clés pour penser et participer au devenir naturel des êtres. C’est alors l’artiste ou le scientifique qui doit être capable de s’en inspirer.

8L’impact de la matière sur le spectateur est au cœur des deux derniers articles qui s’y intéressent de manière sensiblement différente. En effet, un lien organique se tisse entre le spectateur et l’architecture de la Gue(ho)st House réalisée par Berdaguer et Péjus. Selon Aurélie Michel, c’est son enveloppe à l’aspect mouvant qui suscite l’empathie en rappelant au spectateur la matière vivante dont il est aussi constitué. Le dossier est complété par deux entretiens. Dans le premier, Marianne Lanavère donne à Michèle Atchadé des pistes d’analyse de ce processus de rematérialisation qu’elle pondère, à partir d’exemples d’œuvres qu’elle a exposées au Centre international d’art et du paysage de Vassivière. Dans le second, réalisé par Anaël Marion, l’artiste Lara Almarcegui nous explique ses travaux de déconstruction de la ville. Fascinée par la matière qui la façonne, elle n’hésite pas à revenir aux tas de matériaux bruts pour tenter d’en évaluer le poids. Le matériau lui permet ainsi d’interroger la viabilité d’une ville et son ancrage dans le paysage.

9Nous publions ensuite en varia un article de Marie Quiblier qui prolonge le thème du précédent numéro consacré au remake. Elle s’intéresse ici plus particulièrement à la question de la reprise en danse et à la manière dont les chorégraphies circulent.

10Ce numéro ne serait pas complet sans une intervention d’artiste – cette fois-ci due aux Éts Decoux – et sans quelques comptes rendus.

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Pour citer cet article

Référence papier

Anaël Marion et Nathalie Desmet, « Éditorial »Marges, 18 | 2014, 5-7.

Référence électronique

Anaël Marion et Nathalie Desmet, « Éditorial »Marges [En ligne], 18 | 2014, mis en ligne le 01 mai 2014, consulté le 19 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/842 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/marges.842

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Auteurs

Anaël Marion

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