1Les expériences conçues par Michel Blazy dans l’espace d’art contemporain, depuis plusieurs années, créent de véritables systèmes d’imprévisibilité naturelle, dans une évolution dictée et rythmée par l’interaction entre les matériaux et l’espace, le temps et les changements de l’environnement. Ces œuvres singulières qui évoluent avec le temps, après tout, ne peuvent être appréhendées qu’à travers le langage informel de l’expérience et de la circulation  ; de la vie tout simplement. Cette caractéristique intrinsèque nous amène à admettre qu’il serait ironique et utopique d’enregistrer ou de se souvenir de cet art vivant en constante évolution comme d’un fragment momentané et fixe, comme une image photographique. En d’autres termes, la vitalité du système de Michel Blazy ne peut être fossilisée sous une quelconque forme d’image fixe et ne peut être possédée ou traitée comme un objet aux formes immuables. Ce constat amène naturellement à des questions  : Comment peut-on mettre de l’art vivant sur une page de revue, un média en deux dimensions  ?, Quelle approche ou méthode est pertinente pour présenter de telles œuvres transformées par le temps à travers le médium d’une édition  ?

2Michel Blazy – Catalogue monographique (conçu et réalisé par le FRAC Île-de-France, 2015), qui contient des œuvres réalisées par Michel
Blazy de 1990 à 2014, se confronte à cette problématique de mettre une œuvre vivante, en évolution temporelle, sous la forme d’une édition  : les images s’y lient l’une à l’autre dans une succession de pages non-rognées ou séparées. Dans la doublure des pages raccordées, sont insérés des modes d’emploi dessinés de chaque œuvre présentée. En particulier, ce mode d’emploi, qui est directement lié à la réactivation ou à la reproduction, ne peut être considéré comme une œuvre en soi, mais comme un enregistrement ou une documentation qui rend l’œuvre exploitable et renouvelable. Il est avant tout protocole de l’art vivant qu’il produit et de son évolution. La forme bidimensionnelle de l’édition, fidèle au rôle de documentation, semble être un support plutôt approprié pour enregistrer l’ADN de l’art vivant de Michel Blazy, qui a vocation à se développer sous diverses formes plutôt que de rester pure image d’une œuvre vivante.

3Après une longue conversation avec l’artiste, nous proposons Communion Diurétique, œuvre envisagée comme un mode d’emploi, reproductible et praticable par les lecteurs, et des croquis préparatoire à l’exposition de «  Drone pour cage à cactées  », une exposition qui se tient du 6 avril au 10 novembre 2022 à Tour du Vallon du Villaret. Cette exposition est un dialogue entre deux pratiques a priori très éloignées, mais toutes deux pensées de façon expérimentale  : le jardinage de Michel Blazy, et la lutherie de Samuel Blazy. Elle associe un jardin vertical, en forme de cage, dans lequel des cactées poussent sur des cordes, et un instrument qui prend la forme d’un soufflet à flûtes géant. Chaque jour, cet instrument est activé pour accompagner par sa mélopée la cérémonie de l’arrosage. Ces dessins, les plans de cet art vivant, forment presque toujours soit une projection soit un enregistrement des œuvre qui existe en dehors de l’espace d’exposition, dans une fissure en dehors de la page principale du catalogue, dans le carnet personnel de l’artiste, son espace personnel.

4Soyoung Hyun

5Michel Blazy réalise depuis ses études à la villa Arson, au début des années 1990, des œuvres éphémères et surtout organiques qui se développent avec le passage du temps. L’artiste s’intéresse à la forme de la décomposition ou de la transformation au fil du temps dans le système de la nature d’aujourd’hui. Il travaille à partir de matériaux naturels ou artificiels issus du quotidien, il expérimente une forme non définitive et aléatoire dans l’espace-temps de l’exposition.

6Né en 1966 à Monaco, il vit et travaille à l’Île-Saint-Denis.