La possibilité d’une nouvelle symbiose
Résumés
Cet article analyse comment la notion de symbiose, issue du domaine de la biologie, a été détournée de son premier champ d’application, notamment dans le contexte de la culture cybernétique aux États-Unis dans les années 1960. Il clarifie la portée historique de ce détournement métaphorique, puis s’arrête sur deux cas d’étude contemporains à travers lesquels designers et artistes s’approprient à leur tour le concept afin de questionner la pertinence de ces transpositions.
Plan
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- 1 Je remercie Cyrille Jeancolas ainsi que Jon Davies pour les discussions autour de cet article.
- 2 Jack Burnham, « Esthétique des systèmes » [1968], trad. F. Lemonde, dans Emanuele Quinz (sld), (...)
- 3 ibid., p. 59, traduction légèrement modifiée.
1« Dans une culture technologiquement avancée, l’artiste le plus important atteint vraiment le succès en liquidant sa position en tant qu’artiste vis-à-vis de la société », établit en 1968 le théoricien des médias Jack Burnham1. Penseur de la dématérialisation de l’art, Burnham aboutit en effet, au terme d’une réflexion sur « l’esthétique des systèmes », à la proposition selon laquelle « petit à petit, le besoin de rendre des jugements extrêmement précis quant aux usages de la technologie et de l’information scientifique devient de “l’art” au sens le plus littéral2 ». Cette prise de position doit selon lui s’exercer au travers d’une attention portée au contexte écologique et notamment à des enjeux comme « la préservation de la viabilité biologique de la Terre, la production de modes plus précis d’interaction sociale, la compréhension de la symbiose [je souligne] grandissante entre l’humain et la machine, l’établissement de priorités pour l’usage et la conservation des ressources naturelles, la définition de modèles alternatifs d’éducation, de productivité et de loisir3 ». La vision de l’écologie qu’il déploie ici correspond à une compréhension de l’environnement et de ses ressources en système, telle qu’elle est popularisée à l’époque par la seconde cybernétique. À partir des années 1950, la cybernétique pénètre progressivement différents champs de la pensée et certaines de ses applications tentent de faire correspondre systèmes biologiques et systèmes artificiels, notamment technologiques. C’est dans ce sens que Jack Burnham convoque la notion de symbiose.
- 4 Article « Symbiose », dans Alain Rey (sld), Dictionnaire culturel en langue française, Paris, (...)
- 5 André Leroi-Gourhan, Le Geste et la parole, t. 1, « Technique et langage », Paris, Albin Miche (...)
2La symbiose, en biologie et en écologie, dont elle constitue une clef de voûte, désigne l’association durable de deux ou plusieurs organismes dans une dynamique réciproquement profitable4. Dans les années 1960, qui voient se multiplier les habitudes de circulations transdisciplinaires, la notion se généralise par analogie et devient un outil pratique pour penser différents types d’organisation qui induisent une coordination harmonieuse, voire une complémentarité entre les éléments du système en question. André Leroi-Gourhan décrit par exemple une symbiose anthropologique, entre individus, dans des schémas d’organisation sociale5. Burnham, lui, l’emploie ici en théorie de l’art dans la perspective des sciences de la communication, établissant un mode de pensée en boucles de rétroaction dans les relations entre l’humain et son environnement naturel et technologique.
3Cet article analyse ce que le recours à la notion de symbiose, ainsi détournée de son sens premier, indique à travers des références artistiques différemment situées, notamment dans le temps, mais aussi quelles sont les éventuelles limites de ces transpositions. Le terme jouit en effet aujourd’hui d’une certaine popularité et on le rencontre dans des contextes très variés, parfois avec une grande liberté d’usage. Il s’agira d’abord de préciser le paradigme historique de cette nouvelle symbiose tel qu’il est mis au point par l’entourage de Burnham, aux États-Unis dans les années 1960. Seront ensuite examinées deux initiatives contemporaines de recherche-création qui y ont à leur tour recours, et dont l’écart comme les convergences permettront de mieux cerner les contours actuels de l’idée de symbiose, ainsi mise en perspective dans l’histoire des idées.
Le paradigme cybernétique
- 6 John McHale a participé à l’invention du Pop Art à Londres dans les années 1950, au sein de l’In (...)
- 7 Voir Fernando Elichirigoity, Planet Management: Limits to Growth, Computer Simulation, and the E (...)
- 8 Pour le fonctionnement informatique et les différents critères de victoire, voir Richard Buckmin (...)
- 9 Le plus fort taux de croissance a été effectif au moment du projet du World Game avec une augmen (...)
4Au début des années 1960, deux chercheurs en prospective – un domaine alors très en vogue, ayant vocation à mieux appréhender les potentialités de l’avenir –, Richard Buckminster Fuller et John McHale, élaborent ensemble un projet de planification écologique au sein de la Southern Illinois University, à Carbondale. Buckminster Fuller, architecte et ingénieur, jouit alors d’une grande notoriété liée à la mise au point et à la commercialisation des dômes géodésiques. Investi dans les questions écologiques depuis les années 1930 et ses premières expérimentations de maisons écologiques (des échecs commerciaux), il s’appuie sur cette notoriété pour financer un projet très ambitieux, nommé World Game. Celui-ci vise à fédérer un réseau de joueurs, à l’échelle de la planète, capable d’organiser et de mettre en œuvre, à partir d’une interface technologique ludique, une gestion viable et rationnelle de l’environnement pour les temps à venir. McHale, qui l’épaule dans cette tâche, est un artiste dont le travail est précurseur des questionnements sur la place des technologies de la communication dans la culture de masse, à une échelle globale6. Concrètement, la mise en œuvre du jeu devait permettre de faire apparaître une immense masse de données préalablement collectées et modélisées (consommation de matières premières, d’énergie, croissance démographique, flux migratoires, flux de capitaux, informations météorologiques, etc.) sur une carte du monde géante à l’aide d’un puissant système informatique7. Les participants, répartis en équipes, seraient invités à coopérer pour élaborer, à partir de ces données, les meilleurs scenarii possibles afin de satisfaire les besoins de l’humanité entière, en fonction de l’évolution supposée des tendances projetées dans l’avenir8. La préoccupation de l’épuisement et de la mauvaise répartition de l’usage des ressources naturelles, élément central du jeu, est envisagée en fonction des tendances démographiques et des flux humains à venir (il était attendu que la population mondiale double en moins d’un demi-siècle, ce qui s’est en effet réalisé9), mais aussi en fonction d’une redéfinition des standards de la société industrielle.
Schéma « The Global Ecosystem », dans John McHale (sld), World Design Science Decade, Phase II, Document 6, The Ecological Context, World Resources Inventory, Carbondale, Southern Illinois University, 1967, p. 24.

- 10 Voir Frédéric Migayrou, « Extensions of the Oikos », dans Marie-Ange Brayer, Beatrice Simonot (...)
- 11 Sur ce point voir Eric C.H. de Bruyn, « A Proposal: Must We Ecologize? », Greyroom, no 77, auto (...)
- 12 John McHale, « The Future of the Future », Architectural Design no 37, numéro spécial « 2000+ (...)
- 13 Peio Aguirre, Jeanne Quéheillard (sld), introduction, « Environnement et design », ROSA B, no (...)
5À l’époque, cette contribution participe d’un grand mouvement de recherche de solutions concrètes, d’ordre managérial, à la crise environnementale, dans une perspective sociale. Le World Game est symptomatique d’un basculement, opéré après la Seconde Guerre mondiale, vers une conception de l’écologie comme fin de l’indétermination du monde naturel – une conception de la Terre comme un espace domestique, dans une fusion de la notion d’habitat humain avec celle d’environnement10. Parallèlement au cadre de référence mis au point de manière concomitante, par les artistes du Land Art, la focale est donc ici orientée vers le concept d’environnementalité et ce qu’il recouvre en matière de techniques et de ressources11. « Le mot, écologie, est significativement dérivé du grec Oikos signifiant maison, donc dans notre référence à l’écologie humaine, nous parlons vraiment d’économie domestique planétaire12 », explique McHale. Il est significatif pour la suite de notre propos que le projet du World Game soit développé à travers le relais d’écoles d’architecture et de design : l’écologie ainsi comprise sous l’angle de l’environnementalité est intrinsèquement associée au design, qui traite de l’habitabilité du monde13. Buckminster Fuller, qui tient les rênes du projet, ambitionne de former puis de mobiliser des designers globaux [comprehensive designers] dont l’activité serait fondamentalement transdisciplinaire.
6McHale coordonne un immense travail de data visualization : le champ de l’information-communication est alors placé au premier plan de la recherche d’une nouvelle viabilité écologique dans ce contexte d’âge d’or de la pensée cybernétique. Ces enjeux de modélisation sont sous-tendus par une conception de l’écologie comme dispositif de rétroactions entre systèmes humains (biophysique, psychosocial, technologique) et systèmes environnementaux (atmosphérique, terrestre, océanique), comme cela ressort clairement du schéma « The Global Ecosystem » publié dans l’un des documents préparatoires du jeu. En corrélation avec ce travail, McHale développe une proposition pour penser cette viabilité écologique à travers le concept de « nouvelle symbiose ».
- 14 John McHale, « New Symbiosis », op. cit., p. 89-92. trad. F. Lemonde, dans Jack Burnham, « Sy (...)
7Dans un article portant ce titre, publié en 1967, McHale dresse le constat suivant : dernièrement, les relations de l’être humain aux systèmes cybernétiques, qu’il a lui-même créés, ont progressivement pris une forme comparable aux liens écologiques d’interdépendance avec son environnement naturel, le vivant, les animaux et les plantes. Une nouvelle relation « symbiotique » englobe désormais ces systèmes informationnels : « Le point récemment atteint où ces systèmes furent combinés avec les capacités de détection, de direction et de contrôle à distance des satellites en orbite marque l’extension de cette symbiose pour inclure l’écologie planétaire tout entière. Le phénomène le plus répandu sur Terre a été l’automation de la production, des services et du flux d’information dans les économies avancées. Le rôle social de l’homme et sa position dans la société sont de moins en moins déterminés par la place qu’il prend dans la production directe de richesses matérielles, l’organisation de l’information habituelle ou la performance de quelques services physiques standards14. »
- 15 Joseph Carl Robnett Licklider, « Man-Computer Symbiosis », IRE Transactions on HumanFactors in (...)
- 16 John McHale, « The World Game. An Application of the New Symbiosis for Peaceful Purposes », op (...)
8C’est donc la place de l’humain qui est réajustée en fonction de cette nouvelle configuration symbiotique. L’idée même de symbiose lui est probablement inspirée par l’informaticien Joseph Carl Robnett Licklider, pionnier du développement de l’ordinateur personnel et d’Internet, qui a publié en 1960 un article intitulé « Man-Computer Symbiosis » : McHale y fait référence, soulignant que Licklider y pressentait le temps du développement de ce nouveau lien symbiotique comme « le temps intellectuellement le plus créatif et excitant de l’histoire de l’humanité15. » McHale en appelle à une impulsion créative qui permettrait de trouver l’équilibre nécessaire à cette nouvelle symbiose, et dont le World Game constitue à ses yeux une tentative d’application16.
- 17 Gene Youngblood, Expanded Cinema, New York, E. P. Dutton, 1970, p. 180. L’ouvrage réunit des art (...)
- 18 John McHale, « New Symbiosis », op. cit., p. 89, cité par Gene Youngblood dans le chapitre « (...)
- 19 Mark Wigley, « Recycling Recycling », dans Amerigo Marras (sld), Eco-Tec. Architecture of the (...)
9Dans cet âge de la pensée systémique, cette proposition a une vaste portée : l’extrait cité ci-dessus est repris par Jack Burnham, en 1968, pour l’élaboration de son « esthétique des systèmes ». Ce même extrait figure aussi, deux ans plus tard, dans un ouvrage canonique de la contre-culture californienne, Expanded Cinema (1970), du jeune Gene Youngblood17. Journaliste underground résidant à Los Angeles, Youngblood s’est intéressé de près au World Game et aux expérimentations qui y sont proposées à partir des technologies de l’information et de la communication. Dans Expanded Cinema, Youngblood consacre un chapitre intitulé « The Technosphere » à la symbiose être humain/technologie, et se réfère à la manière qu’a proposé McHale d’envisager cette recherche d’équilibre sous la forme d’une « collaboration organique18 ». C’est Buckminster Fuller qui est invité à rédiger l’introduction à l’ouvrage : dans son petit essai « Inexorable Evolution and Human Ecology », il stabilise l’emploi du terme « écologie » associé à cette symbiose cybernétique. Aux yeux de ces penseurs, comme le relève le théoricien du design Mark Wigley, « le monde technologique devient la nouvelle nature, une nature artificielle qui doit être analysée d’un point de vue écologique19 ».
- 20 Sur cette appréhension du whole voir Bruce Clarke, « Steps to an Ecology of Systems: Whole Eart (...)
- 21 Sur la synergie chez Buckminster Fuller, voir Amy C. Edmondson, A Fuller Explanation: The Synerg (...)
- 22 Gregory Bateson, Steps to an Ecology of Mind, New York, Ballantine, 1972.
- 23 Dieter Mersch, Théorie des médias. Une introduction (2016), trad. S. Baumann et P. Farah avec l’ (...)
10La nouvelle symbiose de McHale s’impose, à la fin des années 1960 aux États-Unis, comme une idée pionnière de l’union écologique
complète [whole], notamment développée par la suite par Stewart Brand dans le Whole Earth Catalog, un catalogue mondial des savoirs et des objets compilés par son initiateur et selon lui nécessaires à une installation en communauté ainsi qu’à l’adoption d’un mode de vie alternatif. Cette publication, directement inspirée du World Game, devient rapidement une référence dans les milieux hippies et constitue aujourd’hui une bible de la culture holistique de la Silicon Valley20. Pour communiquer cette vision d’un équilibre écologique situé dans le paradigme du « global », Brand s’appuie sur la notion de synergie, encore empruntée à Buckminster Fuller. Issu du domaine de la physiologie, le mot, formé à partir de la même racine grecque que symbiose, σύν (sýn, ensemble), désigne la coordination de plusieurs systèmes, en l’occurrence anatomiques ou biologiques, menant à un accomplissement fonctionnel. Une fois encore, ici, ce terme est détourné de son sens premier et activé dans une optique techniciste21. Dans les années 1970, l’anthropologue Gregory Bateson, qui développe
dans Steps to an Ecology of Mind (1972)22 une approche relationnelle à l’environnement dans une optique plus proprement écologique, reprochera à Buckminster Fuller de n’avoir pas défini assez précisément les contours de la notion de synergie ainsi utilisée et ses conséquences dans le domaine épistémologique. La vision écologique que partagent Burnham, McHale, Buckminster Fuller et Youngblood, plus distanciée de la biologie, rejoint en fait ce que le théoricien des médias Dieter Mersch nomme une « écologie médiale », qui est à ses yeux une écologie antinaturaliste et constitue une impasse : elle n’obéit pas à des principes écologiques précis, comme la régénération, mais consiste plutôt en un plan de gestion environnementale. Le concept d’écologie y vaut, pour reprendre les mots de Mersch, « tout au plus comme une métaphore : il s’agit au fond de tirer parti de l’élément critique qui est inhérent à la notion d’écologie, tout en dépossédant pourtant celle-ci de sa force explicative23 ». En effet, au sein de ce paradigme, il n’existe pas de dynamique réciproquement profitable entre l’humain et son environnement si bien qu’il semble inexact d’évoquer une relation symbiotique. Le mode de vie qui se manifeste, par exemple, à travers la volonté de contrôle de l’environnement et du vivant qui transparaît du World Game consiste bien plutôt, d’un point de vue biologique, en une forme de parasitisme (vivre aux dépens de).
- 24 Il s’agit d’un évènement majeur dans l’histoire de l’écologie politique aux États-Unis, célébré (...)
- 25 Andrew Blauvelt, Hippie Modernism. The Struggle for Utopia, cat. exp., Minneapolis, Walker Art C (...)
- 26 Gene Youngblood, Expanded Cinema, op. cit., p. 346.
11Pourtant, force est de constater que l’idée de nouvelle symbiose proposée par McHale, aussi métaphorique soit-elle, trouve une certaine efficacité dans ce contexte d’émergence de l’écologie politique, trois ans avant le premier « Earth Day » (22 avril 197024). À la fois artiste et chercheur en études prospectives, McHale incarne par son double statut la possibilité d’un équilibre trouvé dans un milieu où de nombreux élans de pensée cherchent à concilier le facteur médiatico-technologique et la crise environnementale25. C’est dans la perspective d’un tel équilibre que Jack Burnham proposait de « liquider sa position en tant qu’artiste ». Dans Expanded Cinema, Youngblood abonde dans son sens : « Depuis quelques années, l’activité de l’artiste dans notre société s’oriente davantage vers la fonction de l’écologiste : celui qui s’occupe des relations avec l’environnement. L’écologie est définie comme l’ensemble ou le schéma des relations entre les organismes et leur environnement. Ainsi, pour le nouvel artiste, l’acte de création n’est pas tant l’invention de nouveaux objets que la révélation de relations jusqu’alors méconnues entre des phénomènes existants, tant physiques que métaphysiques. On constate donc que l’écologie est un art au sens le plus fondamental et le plus pragmatique du terme, qui élargit notre appréhension de la réalité26 ».
Symbiosis everywhere
- 27 Son hypothèse est publiée pour la première fois en 1967puis déployée plus largement dans Lynn Ma (...)
- 28 Lynn Margulis, Symbiotic Planet: A New Look At Evolution, New York, Basic Books, 1998, p. 14. Sa (...)
12Depuis, avec l’aggravation constante des facteurs de crise écologique et la place croissante prise par les industries technologiques, nombre d’initiatives artistiques ont tenté de faire imploser la catégorie d’art comme activité spécialisée au profit de recherches de solutions sociotechniques face à l’urgence écologique. Dans le même temps, la grille de valeur activée par de telles recherches s’est transformée, notamment dans la sphère de l’analyse économique, en ce qui concerne la place de la technologie dans l’articulation entre le système capitaliste global et les pratiques locales attentives à la coordination entre ressources et besoins humains. La notion de symbiose s’est elle-même progressivement chargée d’un sens nouveau à partir des travaux de la microbiologiste Lynn Margulis qui a formulé, à la fin des années 1960, sa théorie endosymbiotique, stipulant que des cellules eucaryotes seraient nées d’un mécanisme de fusion symbiotique à partir d’autres cellules. Margulis a par la suite œuvré à étendre cette hypothèse à la théorie de l’évolution des espèces : si ses propositions ont rencontré tant de résistances avant d’être acceptée par la communauté scientifique, c’est parce qu’elles renouvelaient fondamentalement le cadre explicatif de la biologie évolutive27. Progressivement, toujours avec Margulis en guise de figure tutélaire, la symbiose s’impose dans le monde des idées comme une nouvelle grille de lecture des réseaux d’organismes dans l’environnement, puis de l’écologie globale et de la philosophie du vivant : « Symbiosis everywhere », titrait la microbiologiste pour le premier chapitre de son ouvrage Symbiotic Planet, publié en 1998 et dans lequel elle déspécialise à dessein la notion pour en faire un trait de l’esprit du temps28.
Neri Oxman, The Mediated Matter Group, Wanderers, Mushtari, photopolymères.

Projet 2014-2017, en collaboration avec Christoph Bader, Dominik Kolb, Stratasys Ltd. (Objet5000 Connex3 3D printer).
© Neri Oxman.
Raffard-Roussel, Machine Terrestrographique.

2018-2022, bois (hêtre), composants mécaniques, électroniques et électriques, câbles, métal, visserie, ordinateur, plaque électrique, casserole, matières colorantes collectées, papier. Projet soutenu par le CNAP en 2018 et 2019 et par la Fondation des Artistes en 2018. Vue d’exposition à Octave Cowbell, Metz, avec le soutien du Programme Suite du CNAP.
©Raffard-Roussel.
- 29 Cette légitimité est quelque peu entaillée dans les années 2000 suite à des propos concernant le (...)
- 30 Lynn Margulis, René Fester (sld), Symbiosis as a Source of Evolutionary Innovation, op. cit. L’h (...)
- 31 Raffard-Roussel, entretien, 8 février 2022.
13C’est donc dans ce cadre de référence, dont la stabilité est assurée par la légitimité de Margulis en tant que biologiste29, qu’il faut comprendre la transposition de la notion de symbiose dans les pratiques artistiques contemporaines. Les deux exemples ici choisis, qui convoquent cette notion dans une perspective techniciste, divergent autant qu’ils se répondent. La designer Neri Oxman, affiliée au MIT, revient au sens initial du concept et cherche à accentuer, dans ses différents projets de morphogénèse numérique, l’interdépendance entre le biologique et le numérique. Elle se réfère directement au concept d’holobionte, travaillé par Margulis, pour penser cette interdépendance du vivant comme une totalité30. Quant au duo d’artistes Raffard-Roussel, travaillant à Paris, il adopte une perspective symbiotique de manière plus symbolique, portant son attention vers les fonctionnements en systèmes et les interdépendances à l’œuvre dans l’environnement humain technologisé. La figure de Margulis ne leur apporte pas de références biologiques, mais une ambiance intellectuelle permettant de travailler à une nouvelle construction narrative31. Chacune de ces initiatives hérite en partie de la recherche d’une nouvelle symbiose cybernétique qui, dans les années 1960, visait une potentielle intégration réussie des activités humaines (au-delà des seuls systèmes biologiques) dans des écosystèmes fonctionnels.
Neri Oxman et les Wanderers
14En 2014, Neri Oxman a rendu publics les résultats de son projet de recherche Wanderers : An Astrobiological Exploration, développé au Media Lab du MIT, laboratoire de recherche-création transdisciplinaire. Formée en médecine et en architecture, Oxman y œuvre avec son groupe de recherche Mediated Matter à l’interface entre biologie, design et numérique. Ce projet consiste dans la création de vêtements de biologie synthétique, imprimés en 3D à partir d’un processus de simulation numérique inspiré de la croissance naturelle. Quatre Wanderers [vagabonds] ont été imaginés à travers une projection narrative dans des voyages extraterrestres : chacun répond respectivement aux caractéristiques environnementales de quatre différents environnements hostiles à la vie (en l’occurrence la Lune, Saturne, Mercure et Jupiter). Dans ce projet, les formes s’adaptent à l’environnement en fonction des caractéristiques et des composants de ce dernier afin que le Wanderer génère continuellement les éléments nécessaires au maintien de la vie (oxygène, lumière, biomasse, biocarburants, etc.). Les différents Wanderers sont nommés en arabe en hommage aux contributions des savants arabes à l’astronomie au Moyen Âge, et le récit qui entoure leur création perpétue l’héritage d’une recherche d’harmonie avec le cosmos à travers la science.
- 32 « Project : Wanderers », dans MIT Media Labwebsite [https://0-www-media-mit-edu.catalogue.libraries.london.ac.uk/projects/wandere (...)
- 33 Neri Oxman, « Design at the Intersection of Technology and Biology », dans TED Talk, 2015, [ht (...)
15Par exemple Mushtari ( ), le Wanderer de Jupiter, est inspiré par
les fonctions gastro-intestinales humaines : il comprend 58 mètres de conduits translucides au sein desquels des microbes photosynthétiques convertissent la lumière qu’ils reçoivent en nutriments (saccharose), eux-mêmes consommés par d’autres microbes. Ces nutriments pourraient idéalement être transformés en une substance (odeur, pigment, carburant) utiles aux porteurs du Wanderer selon les facteurs environnementaux. Dans ce processus, Mushtari est dit « établir une relation symbiotique » entre les microbes photosynthétiques et les microbes compatibles présents dans le conduit digestif32. Cette relation symbiotique, qui consiste, dans la lignée des travaux de Margulis, en une rupture avec la conception darwiniste de la vie, est qualifiée par Oxman d’« évolution par le design ». Elle commente : « [La collection des Wanderers] a fourni une occasion de spéculer sur l’avenir de notre espèce sur notre planète et au-delà, de faire interagir la perspicacité scientifique avec beaucoup de mystère, et de s’éloigner de l’ère de la machine pour entrer dans une nouvelle ère de symbiose entre nos corps, les micro-organismes avec lesquels nous vivons, nos produits et même notre bâti : j’appelle cela l’écologie matérielle33 ».
- 34 Sur ce thème voir Marie-Ange Brayer, « La fabrique du vivant », dans Marie-Ange Brayer, Olivie (...)
16Par ce dernier terme, Oxman désigne l’intégration du design naturel, de la science des matériaux et des techniques de fabrication numérique. À travers la revendication d’une recherche symbiotique entre ces différents procédés, elle prolonge les visions cybernétiques des années 1960-1970 – dont on se rappelle combien elles se reposaient sur le design, au sens large – par le biais de l’ingénierie des matériaux : le vivant lui-même est désormais considéré comme un réseau d’informations34. La relation symbiotique se noue également avec le corps humain porteur du Wanderer. Oxman tente d’activer un bénéfice mutuel des formes biologiques présentes dans la nature et des technologies numériques développées par l’humain.
Raffard-Roussel et la machine terrestrographique
- 35 Raffard-Roussel, entretien, 4 octobre 2021.
17De leur côté, les artistes Matthieu Raffard et Mathilde Roussel développent un tout autre type de projet de recherche-création avec la machine terrestrographique (2018-2021). Par l’intermédiaire de moyens réduits, le duo met au point une machine à imprimer sous la forme d’un robot cartésien, pensée pour fonctionner à partir d’encres issues de matières prélevées dans les milieux où elle est installée : « Plutôt que de considérer cette machine comme inerte, avec des intrants séparés et standardisés (un papier standard, des encres standardisés, de l’électricité, etc.), on avait en tête de développer une machine symbiotique [qui œuvre] en fonction de ce qui est disponible dans le milieu où elle se trouve […] 35 ». Cette recherche partage donc avec celle d’Oxman la volonté de créer un artefact plastique, ouvert et s’adaptant à un environnement spécifique. L’objet (la machine) n’est que le résultat d’un travail à envisager comme une performance de conception, de fabrication et de mise en usage. La démarche est revendiquée comme pédagogique et éthique, voire politique. La machine est dite symbiotique du fait de l’accent mis sur le processus réflexif quant aux diverses relations d’interdépendance qui s’y nouent.
Raffard-Roussel, Machine Terrestrographique, archive 1, 2020, risographie sur papier Munken, rehaussée d’encre faite à partir de métal rouillé, 42 x 29,7 cm, 50 ex.

© Raffard-Roussel.
Image promotionnelle de l’exposition « Science Friction », CCCB, Barcelone, 2021, graphisme par Javier Jaen.

© CCCB.
- 36 Raffard-Roussel, « Machine Terrestrographique. Vocabulaire de travail », dans Raffard-Roussel (...)
- 37 Raffard-Roussel empruntent notamment à Bruno Latour la notion de terrestre comme alternative aux (...)
- 38 ibid., p. 13.
- 39 Raffard-Roussel, entretien, 8 février 2022. Voir aussi l’article de Raffard-Roussel dans ce même (...)
18Le duo vise à atteindre « la richesse d’un mode de vie plus symbiotique » entre l’humain et les machines, faisant également intervenir des récits sur les alliances interspécifiques36. La transposition de la notion de symbiose apparaît sous sa forme popularisée par un courant de pensée de l’écologie affilié à des figures comme Donna Haraway ou Bruno Latour, auxquelles les artistes se réfèrent abondamment dans les riches documents explicatifs accompagnant le projet37. La démarche de construction de la machine terrestrographique vise, ajoutent Raffard-Roussel, à laisser ces idées philosophiques infléchir leurs gestes techniques comme leurs choix théoriques38. La recherche symbiotique est ici à lire comme une revendication idéologique, un idéal politique qui pourrait s’atteindre au travers d’un apprentissage, du faire. L’application de la notion de symbiose, si elle n’emprunte plus guère à la biologie, est informée de la pensée cybernétique d’une interconnexion en système ; elle se réalise dans la fabulation spéculative d’une machine idéale – par ailleurs en réalité impossible à produire en masse – qui activerait une dynamique mutualiste et susciterait des alliances constructives dans les procédés qui lient l’humain à ses objets techniques au sein d’un environnement donné39.
La symbiose à l’œuvre
- 40 Le design du catalogue d’exposition Neri Oxman. Material Ecology, op. cit., réalisé par Irma Boo (...)
- 41 Neri Oxman dans Ryan Waddoups, « Neri Oxman and Sir Norman Foster on the Future of Design », d (...)
19Malgré tout ce qui les sépare dans leurs cadres intellectuels comme dans leurs modes de production, certaines valeurs-clef émergent des deux différentes initiatives ici évoquées et apparaissent comme des impondérables d’une éventuelle nouvelle symbiose, au premier rang desquelles figure la rationalité, entendue tout simplement comme le ressort nécessaire pour établir des mécanismes durables, à travers la technique, dans un environnement donné – par exemple la rationalité dans la relation établie avec les ressources naturelles et la manière dont la conception technique peut infléchir cette rationalité. Cette dernière ne peut s’incarner qu’à travers un raisonnement systémique, qu’il soit envisagé à travers des discours plus techno-scientifique (Oxman) ou plus socio-politique, voire militant (Raffard-Roussel). Elle se teinte ensuite de différentes couleurs selon le contenu philosophique dont la notion de symbiose est investie. Du travail d’Oxman et de son équipe transparaît une forte idéologie de la course en avant du progrès techno-scientifique créatif, parfaitement en accord avec son contexte de création, le MIT. Il se situe dans la lignée directe du techno-optimisme des années 1960-1970 et de la vision holistique du Whole Earth Catalog40. Oxman se réfère également régulièrement à la notion de synergie, que l’on sait chère à ce cercle de pensée, qui constitue pour elle un facteur de recherche d’équilibre, dans le processus de création, entre le contrôle et le lâcher-prise41.
- 42 Paola Antonelli, Neri Oxman. Material Ecology, op. cit., p. 16.
20Oxman a mis en image cette recherche de synergie dans ses schémas du Krebs Cycle of Creativity, dont le nom est inspiré du cycle de Krebs, qui décrit une partie des réactions métaboliques des organismes aérobies (se développant dans l’air ambiant). Elle y déplace à nouveau la référence scientifique vers la sphère de l’activité humaine en remplaçant les composés du cycle biochimique par les modalités de création et de technique que sont l’art, la science, l’ingénierie et le design, afin de les envisager ensemble « comme des formes synergiques de pensée et de création, dont l’apport de l’une devient le produit de l’autre42 ».
- 43 Maria Ptqk, Cienciafricción. Vida entre especiescompañeras /Science Friction, Life Among Compani (...)
- 44 Donna Haraway, Staying with the Trouble: Making Kin in the Chthulucene, Durham / Londres, Duke U (...)
- 45 « Machine terrestographique », dans Raffard-Roussel website, [http://www.raffard-roussel.com/f (...)
21Le travail de Raffard-Roussel, lui, est affilié à un courant de pensée assumant la référence à la symbiose comme un outil de l’ordre du récit, et dans lequel s’est par exemple inscrite l’exposition « Science Friction43 ». Cette exposition s’appuyait explicitement sur deux figures, Lynn Margulis et Donna Haraway, cette dernière s’étant significativement essayée à des interprétations politiques du concept de symbiose44. Si la machine terrestrographique « réagit au milieu dans lequel elle est installée45 », c’est aussi selon des critères mis en avant par Haraway, comme le care ou la responsabilité sociale. L’esthétique même des images produites pour présenter leur projet, faisant figurer des dessins préparatoires, la machine en action, l’encre en cours de production à partir des pigments naturels récoltés ou les papiers imprimés, dénote d’un imaginaire de la symbiose associé au bricolage, loin des fonds gris neutralisants, des couleurs artificielles acides et des corps lissés des images émanant du projet Wanderers.
- 46 Neri Oxman, citée dans Pei-Ru Keh, « Neri Oxman on Designing our Own Natural Ecology », dans W (...)
- 47 Raffard-Roussel, entretien, 4 octobre 2021.
- 48 Isabelle Delannoy, L’Économie symbiotique, Paris, Actes Sud, 017.
- 49 Glenn Albrecht, Les Émotions de la Terre. Des nouveaux mots pour un nouveau monde, Paris, Les li (...)
22Des fantasmes technicistes très différents se manifestent donc à travers le recours au symbiotique, qui ont en commun de s’appuyer sur l’histoire de ses différents usages pour tenter de redéfinir les contours de la notion même d’écologie à travers une intégration complète et harmonieuse des activités techniques humaines dans l’environnement. Comme l’explique Oxman, « l’écologie est la science qui définit les relations entre les organismes et les autres organismes, et/ou les organismes et l’environnement naturel. L’écologie matérielle vise essentiellement à placer les matériaux, c’est-à-dire les objets fabriqués artificiellement, dans le contexte de l’écologie naturelle ». Le but de ce cadre de pensée, précise-t-elle, est « […] que toutes les choses soient liées, s’adaptent et répondent à l’écologie naturelle. La vision, bien sûr, est qu’à l’avenir, on ne sera plus capable de différencier ou de séparer le naturel de l’artificiel, pour le meilleur ou pour le pire46 ». Raffard-Roussel revendiquent également une vision en continuum, qui ferait fi de catégories rigides comme le technique, le vivant ou le culturel47. La nouvelle symbiose de McHale, l’écologie matérielle d’Oxman, les liens symbiotiques auxquels aspirent Raffard-Roussel se présentent comme autant d’explorations de voies de sortie d’un mode de vie humain destructeur. Dans cette même perspective, il est aussi activé, par exemple, à travers le concept d’économie symbiotique formulé par Isabelle Delannoy pour des applications économiques alternatives au capitalisme48, ou, plus largement, à travers celui de symbiocène, proposé par le philosophe Glenn Albrecht pour penser la période suivant l’anthropocène, afin d’élaborer une approche positive face au désastre environnemental49. On pourrait énumérer bien d’autres usages encore, dont certains sont si métaphoriques qu’ils finissent par vider la notion de sa substance. Dans les voies ici explorées, ce que la symbiose anthropologisée porte en elle, c’est la recherche d’un idéal de circulation fluide et totale entre les catégories (par exemple le technique et le naturel, le local et le global), un idéal ancré dans une sensibilité de la coopération, qui se réalise dans des œuvres en processus – la symbiose à l’œuvre. Fantasmes néanmoins car ces propositions, présentées comme des alternatives, achoppent sur des questions d’échelles dès lors que leur massification, d’un point de vue pratique, sonne comme une utopie. Raffard-Roussel assument le caractère fondamentalement expérimental et l’invalidité, ou en un sens l’échec, de la machine terrestrographique. L’équipe d’Oxman, si elle formule des propositions plus pertinentes en termes technoscientifiques, semble quant à elle prendre peu de recul sur le paradigme capitaliste dans lequel se situe sa démarche de design appliqué. Dans ces deux cas la recherche d’une nouvelle symbiose revêt dans une large part un caractère performatif – de l’ordre du récit – au sein de tentatives de redéfinition d’un réel qui pourrait être harmonieux.
Notes
1 Je remercie Cyrille Jeancolas ainsi que Jon Davies pour les discussions autour de cet article.
2 Jack Burnham, « Esthétique des systèmes » [1968], trad. F. Lemonde, dans Emanuele Quinz (sld), Jack Burnham, Hans Haacke, Esthétique des systèmes, Dijon, Les Presses du réel, 2015, p. 61.
3 ibid., p. 59, traduction légèrement modifiée.
4 Article « Symbiose », dans Alain Rey (sld), Dictionnaire culturel en langue française, Paris, Le Robert, 2006, vol. 4, p. 1139. Le terme est tenu pour avoir été introduit par le biologiste Anton de Bary dans Die Erscheinung der Symbiose, Strasbourg, K. J. Trübner, 1879. Voir par exemple Marc-André Sélosse, La Symbiose : structures et fonctions, rôle écologique et évolutif, Paris, Vuibert, 2000.
5 André Leroi-Gourhan, Le Geste et la parole, t. 1, « Technique et langage », Paris, Albin Michel, 1964, « Les symbioses », p. 219-222.
6 John McHale a participé à l’invention du Pop Art à Londres dans les années 1950, au sein de l’Independent Group, avant de rejoindre Buckminster Fuller aux États-Unis.
7 Voir Fernando Elichirigoity, Planet Management: Limits to Growth, Computer Simulation, and the Emergence of Global Spaces, Evanston, Northwestern University Press, 1999.
8 Pour le fonctionnement informatique et les différents critères de victoire, voir Richard Buckminster Fuller, « The World Game: How to Make the World Work » [1967], Utopia or Oblivion: The Prospects for Humanity [1969], Londres, Pelican Books, 1972, p. 182-186.
9 Le plus fort taux de croissance a été effectif au moment du projet du World Game avec une augmentation de la population de plus de 10 % tous les cinq ans entre 1960 et 1975 [source : ONU, 2015 Revision of World Population Prospects, 2015].
10 Voir Frédéric Migayrou, « Extensions of the Oikos », dans Marie-Ange Brayer, Beatrice Simonot (sld), Archilab’s Earth Buildings : Radical Experiments in the Architecture of the Land, Londres, Thames & Hudson, 2003, consulté le 27 septembre 2021 dans sa version française, « Exténuations de l’Oikos », [https://www.academia.edu/26917160/Extenuations_de_lOikos_pdf]
11 Sur ce point voir Eric C.H. de Bruyn, « A Proposal: Must We Ecologize? », Greyroom, no 77, automne 2019, p. 58-65. Certains courants de la pensée écologique réfutent désormais la pertinence du terme « environnement », d’autres se concentrent sur une écologie plus proprement biologique, ou activent des concepts comme la wilderness, non convoqués dans le cadre de pensée ici observé.
12 John McHale, « The Future of the Future », Architectural Design no 37, numéro spécial « 2000+ », février 1967, p. 65. Sauf mention contraire, les traductions sont de l’autrice.
13 Peio Aguirre, Jeanne Quéheillard (sld), introduction, « Environnement et design », ROSA B, no 5, numéro spécial [http://www.rosab.net/fr/introduction.html?lang=fr], consulté le 27 septembre 2021.
14 John McHale, « New Symbiosis », op. cit., p. 89-92. trad. F. Lemonde, dans Jack Burnham, « Systèmes en temps réel », Esthétique des systèmes, op. cit., p. 82-83, traduction légèrement modifiée.
15 Joseph Carl Robnett Licklider, « Man-Computer Symbiosis », IRE Transactions on HumanFactors in Electronics, mars 1960, cité dans McHale, « New Symbiosis », ibid., p. 89.
16 John McHale, « The World Game. An Application of the New Symbiosis for Peaceful Purposes », op. cit., p. 93.
17 Gene Youngblood, Expanded Cinema, New York, E. P. Dutton, 1970, p. 180. L’ouvrage réunit des articles publiés entre 1967 et 1970 dans Los Angeles Free Press.
18 John McHale, « New Symbiosis », op. cit., p. 89, cité par Gene Youngblood dans le chapitre « The Technosphere : Man/Machine Symbiosis », ibid., p. 180.
19 Mark Wigley, « Recycling Recycling », dans Amerigo Marras (sld), Eco-Tec. Architecture of the In-Between, New York, Princeton Architectural Press, 1999, p. 40.
20 Sur cette appréhension du whole voir Bruce Clarke, « Steps to an Ecology of Systems: Whole Earth and Systemic Holism », dans Hannes Bergthaller, Carsten Schinko (sld), Addressing Modernity. Social Systems Theory and U.S. Cultures, Amsterdam / New York, Rodopi, 2011, p. 259-288.
21 Sur la synergie chez Buckminster Fuller, voir Amy C. Edmondson, A Fuller Explanation: The Synergetic Geometry of R. Buckminster Fuller, Boston, Birkhäuser, 1987.
22 Gregory Bateson, Steps to an Ecology of Mind, New York, Ballantine, 1972.
23 Dieter Mersch, Théorie des médias. Une introduction (2016), trad. S. Baumann et P. Farah avec l’aide d’E. Alloa, Dijon, Les Presses du réel, 2018, p. 228-229.
24 Il s’agit d’un évènement majeur dans l’histoire de l’écologie politique aux États-Unis, célébré depuis chaque 22 avril par les activistes de la protection environnementale.
25 Andrew Blauvelt, Hippie Modernism. The Struggle for Utopia, cat. exp., Minneapolis, Walker Art Center / Londres, Thames and Hudson, 2015.
26 Gene Youngblood, Expanded Cinema, op. cit., p. 346.
27 Son hypothèse est publiée pour la première fois en 1967puis déployée plus largement dans Lynn Margulis, René Fester (sld), Symbiosis as a Source of Evolutionary Innovation. Speciation and Morphogenesis, Cambridge, MIT Press, 1991.
28 Lynn Margulis, Symbiotic Planet: A New Look At Evolution, New York, Basic Books, 1998, p. 14. Sa théorie symbiotique est principalement popularisée à travers l’hypothèse Gaïa développée avec James Lovelock.
29 Cette légitimité est quelque peu entaillée dans les années 2000 suite à des propos concernant le VIH.
30 Lynn Margulis, René Fester (sld), Symbiosis as a Source of Evolutionary Innovation, op. cit. L’holobionte désigne l’ensemble composé par une entité vivante pluricellulaire (l’hôte) et les micro-organismes qu’il héberge.
31 Raffard-Roussel, entretien, 8 février 2022.
32 « Project : Wanderers », dans MIT Media Labwebsite [https://0-www-media-mit-edu.catalogue.libraries.london.ac.uk/projects/wanderers/overview/] ; Vidéo « Mushtari » [https://vimeo.com/131786000], consultés le 27 septembre 2021. Voir aussi Paoloa Antonelli (sld), Neri Oxman. Material Ecology, cat. exp., New York, MoMA, 2020, p. 33.
33 Neri Oxman, « Design at the Intersection of Technology and Biology », dans TED Talk, 2015, [https://www.ted.com/talks/neri_oxman_design_at_the_intersection_of_technology_and_biology/transcript#t-610276], consulté le 27 septembre 2021. Oxman se situe ici dans la lignée de la conception de l’architecture et de l’environnement de Reyner Banham ou de Nicholas Negroponte. Voir Paoloa Antonelli (sld), Neri Oxman. Material Ecology, op. cit., p. 28.
34 Sur ce thème voir Marie-Ange Brayer, « La fabrique du vivant », dans Marie-Ange Brayer, Olivier Zeitoun (sld), La Fabrique du vivant, cat. exp., Orléans, HYX, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 2019, p. 59-75.
35 Raffard-Roussel, entretien, 4 octobre 2021.
36 Raffard-Roussel, « Machine Terrestrographique. Vocabulaire de travail », dans Raffard-Roussel website, [http://raffard-roussel.com/fr/vocabulaire-de-travail-machine-terrestrographique], consulté le 27 septembre 2021.
37 Raffard-Roussel empruntent notamment à Bruno Latour la notion de terrestre comme alternative aux dichotomies local/global et nature/culture, qui s’estompent « au profit d’un entremêlage [sic] complexe de relations symbiotiques », ibid., p. 35.
38 ibid., p. 13.
39 Raffard-Roussel, entretien, 8 février 2022. Voir aussi l’article de Raffard-Roussel dans ce même numéro de Marges.
40 Le design du catalogue d’exposition Neri Oxman. Material Ecology, op. cit., réalisé par Irma Boom, est directement inspiré de celui du Whole Earth Catalog (p. 34).
41 Neri Oxman dans Ryan Waddoups, « Neri Oxman and Sir Norman Foster on the Future of Design », dans Surface, 2020, [https://www.surfacemag.com/articles/neri-oxman-moma-exhibition-norman-foster/], consulté le 27 septembre 2021.
42 Paola Antonelli, Neri Oxman. Material Ecology, op. cit., p. 16.
43 Maria Ptqk, Cienciafricción. Vida entre especiescompañeras /Science Friction, Life Among Companion Species, cat. exp., Barcelone, CCCB, 2021. Sur cette exposition voir Jean-Marie Durand, « Trouble dans les espèces – sur l’exposition “Science Friction” », dans AOC, 5 novembre 2021, [https://aoc.media/ritique/2021/11/04/trouble-dans-les-especes-sur-lexposition-frottements-scientifiques/], consulté le 7 février 2022.
44 Donna Haraway, Staying with the Trouble: Making Kin in the Chthulucene, Durham / Londres, Duke University Press, 2016. Raffard-Roussel, « Machine Terrestrographique. Vocabulaire de travail », op. cit.
45 « Machine terrestographique », dans Raffard-Roussel website, [http://www.raffard-roussel.com/fr/activites-fabriquer/view/138345/machine-terrestrographique-3/?of=21], consulté le 27 septembre 2021.
46 Neri Oxman, citée dans Pei-Ru Keh, « Neri Oxman on Designing our Own Natural Ecology », dans Wallpaper, 2020, [https://www.wallpaper.com/design/neri-oxman-material-ecology-moma], consulté le 27 septembre 2021.
47 Raffard-Roussel, entretien, 4 octobre 2021.
48 Isabelle Delannoy, L’Économie symbiotique, Paris, Actes Sud, 017.
49 Glenn Albrecht, Les Émotions de la Terre. Des nouveaux mots pour un nouveau monde, Paris, Les liens qui libèrent, 2020.
Haut de pageTable des illustrations
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Titre | Schéma « The Global Ecosystem », dans John McHale (sld), World Design Science Decade, Phase II, Document 6, The Ecological Context, World Resources Inventory, Carbondale, Southern Illinois University, 1967, p. 24. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/3043/img-1.png |
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Titre | Illustration d’en-tête de l’article de McHale, « New Symbiosis »(1967) réalisée par James Mellor. |
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Titre | Stewart Brand (sld), Last Whole Earth Catalog, 1971, quatrième de couverture. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/3043/img-3.png |
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Titre | Neri Oxman, The Mediated Matter Group, Wanderers, Mushtari, photopolymères. |
Légende | Projet 2014-2017, en collaboration avec Christoph Bader, Dominik Kolb, Stratasys Ltd. (Objet5000 Connex3 3D printer). |
Crédits | © Neri Oxman. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/3043/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 712k |
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Titre | Raffard-Roussel, Machine Terrestrographique. |
Légende | 2018-2022, bois (hêtre), composants mécaniques, électroniques et électriques, câbles, métal, visserie, ordinateur, plaque électrique, casserole, matières colorantes collectées, papier. Projet soutenu par le CNAP en 2018 et 2019 et par la Fondation des Artistes en 2018. Vue d’exposition à Octave Cowbell, Metz, avec le soutien du Programme Suite du CNAP. |
Crédits | ©Raffard-Roussel. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/3043/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 319k |
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Titre | Raffard-Roussel, Machine Terrestrographique. |
Crédits | © Raffard-Roussel. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/3043/img-6.png |
Fichier | image/png, 1,8M |
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Titre | Neri Oxman, The Krebs Cycle of Creativity III (Practice), 2018 |
Crédits | © Neri Oxman. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/3043/img-7.jpg |
Fichier | image/jpeg, 489k |
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Titre | Raffard-Roussel, Machine Terrestrographique, archive 1, 2020, risographie sur papier Munken, rehaussée d’encre faite à partir de métal rouillé, 42 x 29,7 cm, 50 ex. |
Crédits | © Raffard-Roussel. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/3043/img-8.jpg |
Fichier | image/jpeg, 894k |
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Titre | Image promotionnelle de l’exposition « Science Friction », CCCB, Barcelone, 2021, graphisme par Javier Jaen. |
Crédits | © CCCB. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/3043/img-9.jpg |
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Pour citer cet article
Référence papier
Juliette Bessette, « La possibilité d’une nouvelle symbiose », Marges, 35 | 2022, 60-77.
Référence électronique
Juliette Bessette, « La possibilité d’une nouvelle symbiose », Marges [En ligne], 35 | 2022, mis en ligne le 02 janvier 2025, consulté le 22 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/3043 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/marges.3043
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