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Thématique : l'art face aux urgences écologiques

Partages de l’écoute  : l’art écologique de Félix Blume

Shares of Listening : Felix Blume’s Ecological Sound Art
Fanny Dujardin
p. 30-43

Résumés

Que peut l’art sonore, à l’ère de la crise écologique  ? Le sonidista Félix Blume, preneur de son et artisan de l’écoute, répond ingénieusement à la question. En créant des situation de partage de l’écoute, il transforme nos manières de prêter attention à notre milieu et aux autres êtres qui le peuplent. Il permet ainsi de penser, avec Vinciane Despret, que l’anthropocène est aussi un «  phonocène  » propice à la redécouverte des sons de la terre et des chants des autres qu’humains.

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Texte intégral

  • 1 Vinciane Despret, Habiter en oiseau, Arles, Actes Sud, 2019, p. 180.
  • 2 «  Avec le terme chthulucène, je voulais que l’oreille entende le son des terrestres, de tout ce (...)
  • 3 Vinciane Despret, Habiter en oiseau, op. cit., p. 180.
  • 4 Le grec phonê renvoyant aux deux.

1Dans Habiter en oiseaux, Vinciane Despret emploie le terme de «  phonocène  » pour désigner l’époque actuelle. Avec ce mot qu’elle emprunte à Donna Haraway, elle propose d’imaginer le présent comme une «  ère des sons de la terre  »  : «  vivre notre époque en la nommant “Phonocène”, c’est apprendre à prêter attention au silence qu’un chant de merle peut faire exister, c’est vivre dans des territoires chantés, mais c’est également ne pas oublier que le silence pourrait s’imposer1  ». Le «  phonocène  » intervient comme une alternative à l’anthropocène, et au capitalocène, qui décrivent l’époque actuelle comme celle où les activités de l’espèce humaine, et plus spécifiquement le système de production et d’organisation capitaliste, impactent l’équilibre de la planète à l’échelle géologique. À la suite du terme de «  chthulucène  », proposé par Donna Haraway2, le «  phonocène  » permet une prise de conscience moins dystopique et catastrophiste de nos liens avec ces transformations terrestres, autrement dit  : «  ne pas oublier que si la terre gronde et grince, elle chante également  », et que si «  ces chants sont en train de disparaître, […] ils disparaîtront d’autant plus si on n’y prête pas attention3  ». Il y aurait donc urgence à se mettre à l’écoute de ces chants – par lesquels Vinciane Despret désigne littéralement les chants des oiseaux, mais aussi plus largement un parlement élargi de sons et de voix4 humaines et non humaines menacées par la crise écologique actuelle.

  • 5 Ivo Louro, Margarida Mendes, Daniel Paiva, et al., «  A Sonic Anthropocene. Sound Practices in a (...)
  • 6 Selon la définition de Giorgio Agamben, un dispositif désigne «  tout ce qui a, d’une manière ou (...)
  • 7 Nicolas Bourriaud, Inclusions  : esthétique du capitalocène, Paris, PUF, 2021, p. 19.
  • 8 Alexandre Galand, «  Écouter dans les ruines du capitalisme  : enregistrements de terrain et for (...)

2Or, ce vœu philosophique coïncide avec un ensemble de pratiques artistiques sonores qui se développent depuis les années 1960. Elles participent de l’idée que «  les pratiques d’écoute et de documentation aurale qui enregistrent les transformations du paysage acoustique créent un espace de potentiel pour l’examen de l’impact de l’activité humaine sur l’environnement5  ». Ces pratiques sont variées  : enregistrements de terrain, marches d’écoute, installations sonores, collectes de témoignages oraux… Elles s’appuient sur des technologies de reproduction du son ou sur la création de conditions d’écoute
particulières que l’on pourra désigner sous le nom général de «  dispositif6  ». En quoi ces dispositifs sonores de captation, de diffusion, voire d’interaction, permettent-ils de créer les conditions de cette attention au monde dont parle Vinciane Despret  ? Ces pratiques peuvent-elles être envisagées comme participant d’un «  art écologique  », où les créateurs cherchent «  de nouvelles formes et de nouveaux outils pour prendre part à une “anthropologie étendue”  », ainsi que l’écrit Nicolas Bourriaud7  ? Quelle redéfinition de l’écoute opèrent-ils alors  ? Par ailleurs, dans un contexte où l’urgence écologique est de plus en plus pressante, on peut poser, avec Alexandre Galand, la question suivante  : «  un microphone et un enregistreur, produits d’une chaîne opératoire technique complexe et industrielle, peuvent-ils être des outils efficaces dans l’instauration d’imaginaires allant à l’encontre de notre présent mortifère8  ?  ». En effet, les technologies sonores ont une empreinte écologique du fait de leur processus de production (celui-là même que dénoncent les penseuses du «  phonocène  »), qui ne peut pas être ignorée dans la perspective d’un art écologique. La question de pratiques sonores alternatives peut donc être posée aux artistes contemporains qui s’inscrivent dans une pensée du milieu et du vivant.

  • 9 Entretien avec Cléo Verstrepen autour de l’œuvre Essaim, D. D. A. Contemporary Art, [https://dif (...)
  • 10 En Amérique latine, ce terme désigne celui qui travaille le son (sonido), dans une acception mat (...)
  • 11 Le terme «  mutt  » est un mot d’argot signifiant «  clébard  » ou «  cabot  ». L’expression pou (...)
  • 12 Toutes les œuvres sont présentées sur le site de l’artiste [http://felixblume.com/ et les pièces (...)

3Cet article ne tente pas un tour d’horizon de telles pratiques sonores, mais prend le parti d’une étude de cas, autour de l’artiste et preneur de son Félix Blume, dont les différents travaux livrent plusieurs facettes de ce que pourrait être un art écologique. D’abord ingénieur du son sur des films documentaires, Félix Blume publie ses premières compositions sonores, de brèves «  cartes postales  » sonores, à partir de 2012 sur le site Arte Radio. Il réalise peu à peu des pièces sonores plus élaborées (Los Gritos de México, 2014), parfois basées sur des dispositifs d’enregistrement ad hoc (Mutt Dogs, co-réalisé avec Sara Lana, 2017), puis sa pratique se diversifie, avec des films sonores (Curupira, bicho do mato, 2018  ; Luces del Desierto, 2021) et des installations dans des espaces d’exposition (Recuerdos del Aire, 2019  ; Essaim, 2021) ou in situ (Rumors of the sea, 2018-2019). D’avantage que le son, c’est la notion d’écoute qui est au centre de son travail. Il affirme d’ailleurs que «  l’écoute dépasse le sonore  : écouter c’est aussi prendre en considération, accepter une présence, donner son attention9  ». La pratique du sonidista10 rejoint donc la démarche d’«  accorder de l’attention  » appelée par Vinciane Despret et explore de multiples modes d’écoute possibles. Nous en analyserons trois à travers l’étude des œuvres de Félix Blume. Tout d’abord, nous tendrons l’oreille à ses approches de l’environnement sonore qui donnent lieu dans Curupira, bicho do mato (Curupira, bête des bois), à l’appréhension du paysage par le partage de l’écoute. Puis nous nous engagerons à ses côtés sur la piste de l’écoute animale, dans Mutt Dogs11 en quête d’autres points de vue perceptifs, voire d’autres perspectives. Enfin nous verrons comment dans Rumors of the sea [Rumeurs de la mer] l’artiste abandonne ses micros pour faire sonner un espace, ouvrant alors des pistes pour une pratique sonore low tech12.

Paysages sonores et partage de l’écoute

  • 13 Voir Alexandre Galand, Field recording  : l’usage sonore du monde en 100 albums, Marseille, Le M (...)
  • 14 Raymond Murray Schafer, Le Paysage sonore  : le monde comme musique, trad. S. Gleize, Marseille, (...)
  • 15 Bernie Krause, Le grand orchestre animal, trad. T. Piélat, Paris, Flammarion, 2013.
  • 16 Selon les mots de Félix Blume sur son site internet.
  • 17 Pour une étude anthropologique de ce type de phénomène, voir Vincent Battesti et Nicolas Puig, « (...)

4Le désir d’enregistrer la diversité du monde sonore est aussi ancien que l’inscription phonographique  : dès la fin du 19e siècle, l’invention du phonogramme donne lieu à des pratiques audio-naturalistes ou ethnomusicologiques13. Les captations à vocation artistique se développent surtout à partir des années 1960 sous le nom de field-recording (enregistrement de terrain) grâce à la nouvelle mobilité que permettent l’enregistreur portatif (le Nagra) et la bande magnétique. Dans les années 1970, l’écologie acoustique de Murray Schafer contribue à l’association entre pratiques phonographiques et activisme écologique autour de la notion de «  paysage sonore14  ». Sa conception du «  monde comme une immense composition musicale  » fera l’objet de critiques portant sur l’aspect théologique de sa pensée, sur l’opposition binaire entre sonorités pré et post industrielles qui empêche notamment de penser les environnements urbains autrement que sur le mode de la cacophonie, ou encore sur l’absence de problématisation de la responsabilité du sujet écoutant. Cependant, le «  paysage sonore  » devient un genre à part entière, inspirant de nombreux artistes qui explorent les possibilités du son à représenter un milieu. Les premières pièces de Félix Blume, comme Terre de feu (2012), ou La vache et le peul (2013), s’inscrivent dans cette tradition du field-recording qui met l’accent sur l’harmonie d’un paysage sonore et le constitue comme lieu à écouter. Mais leur propos est moins de révéler la musicalité des paysages que de documenter les interactions entre anthropophonie, biophonie et géophonie, les trois genres de sons émis respectivement par les humains, les vivants non humains ou les éléments terrestres, selon le bio-acousticien Bernie Krause15. L’intérêt du preneur de son porte en effet sur le dialogue interspécifique qui met en jeu hommes (les bergers argentins ou les vachers Peuls et les enfants du village) et animaux (vaches, moutons, chiens, chevaux), dialogue auquel participent également les éléments (le vent, le fleuve, la pluie) de leur milieu de vie. Par ce tissage polyphonique, et par la transcription sonore d’un espace qui est aussi caisse de résonance, la voix humaine est donnée à entendre comme partie d’un tout. Dans Los Gritos de México (2014), Félix Blume poursuit son investigation du paysage sonore avec une «  polyphonie urbaine16  » composée des chants, cris ou murmures de la ville de Mexico. La pièce dénaturalise la représentation du paysage sonore en mêlant aux enregistrements de terrain des prises de son studio  : les voix des crieurs de rue dont le chœur est recomposé a posteriori. Il donne ainsi à entendre la dimension sociale, collective et co-construite de l’environnement sonore urbain17. Cet interventionnisme assumé où le dispositif de prise de son est mis en évidence constitue une nouvelle rupture avec la conception schaeferienne du paysage sonore. La médiation de la technique n’apparaît pas comme un obstacle ou un échec – Murray Schafer parlait de «  schizophonie  » – dans l’appréhension du monde des sons, mais un outil permettant l’écoute à la fois analytique et esthétique de l’environnement. Cette utilisation de la technique comme vecteur d’une attention spécifique à un milieu – ici le milieu urbain – peut être dite écologique dans la mesure où elle permet de comprendre les rapports entre les êtres qui habitent ce lieu.

  • 18 Vinciane Despret, Habiter en oiseau, op. cit., p. 15.

5Mais Félix Blume va développer davantage la potentialité du micro et de la composition sonore à «  accorder de l’attention  ». Vinciane Despret souligne la polysémie de cette expression  : elle porte le double sens de «  donner son attention à  » et «  reconnaître la manière dont d’autres êtres sont porteurs d’attentions18  ». Si dans les exemples précédemment évoqués, l’attention portée au paysage sonore était celle du preneur de son, il tente dans une œuvre cette fois audio-visuelle, un partage de l’écoute visant à la reconnaissance de l’attention d’autrui. Curupira, bête des bois, «  film sonore  » réalisé en 2018, achève de dépasser la pensée à la fois romantique et naturaliste du paysage sonore de Murray Schafer en décrivant le paysage sonore de la forêt amazonienne à travers l’écoute de ses habitants.

  • 19 Selon les mots de Félix Blume dans un entretien réalisé par l’autrice le 23 novembre 2020.
  • 20 Roland Barthes, «  Écoute  », L’obvie et l’obtus, Paris, Seuil, 1976, p. 217.
  • 21 Baptiste Morizot, Sur la piste animale, Arles, coll. «  Essai Babel  », Actes Sud, 2018, p. 114.
  • 22 Michael Taussig, «  La machine coloniale parlante  », POLI – Politiques sonores, no 11, trad. M. (...)
  • 23 ibid., p. 19.
  • 24 Eduardo Kohn, Comment pensent les forêts  : vers une anthropologie au-delà de l’humain, trad. G. (...)
  • 25 Je décline ici la formule de «  décolonisation de la pensée  » d’Eduardo Viveiros de Castro, Mét (...)
  • 26 «  La sémiose est le nom de ce processus vivant de signe par lequel une pensée en fait émerger u (...)
  • 27 Marc-Henri Piault, Anthropologie et cinéma  : passage à l’image, passage par l’image, Paris, Nat (...)

6Ce film sonore a pour origine un voyage de Félix Blume dans le village de Tauary, au cœur de l’Amazonie brésilienne. Deux raisons le poussent à choisir de lieu, tout d’abord son exceptionnelle densité sonore, qui en font un terrain particulièrement attirant pour le preneur de son, mais aussi le désir des villageois d’y accueillir pour la première fois un touriste  : ce sera lui. Dès son arrivée dans le village, il présente sa démarche, son désir d’enregistrer des sons et demande conseil aux habitants. La quête de sons devient le prétexte d’un arpentage à plusieurs des sentiers de la forêt et plus largement, un prétexte à la rencontre où le micro est un «  déclencheur de curiosité19  ».
Derrière cette recherche partagée, la question du sonidista est bien  : «  comment écoutez-vous  ?  » et «  puis-je écouter avec vous  ?  ». Le partage de l’écoute mène ainsi à l’appréhension de l’attention au monde de ses hôtes. Au bout d’une dizaine de jours de prises de son en forêt, Félix Blume commence à enregistrer la vie du village, et
propose des interviews à ses hôtes – c’est l’un des ses rares projets où il a recours à de la parole directe. On lui parle alors de la Curupira, une créature entre l’animal et l’humain, qui charmerait les villageois pour les perdre dans la forêt. Intrigué par ces récits, il décide d’orienter son projet naissant autour de cet être légendaire et adopte un dispositif singulier. La pièce vidéo-sonore réalisée à l’issue de son voyage fait alterner des récits sur fond noir qui décrivent la créature et les portraits filmés des habitants écoutant attentivement les bruits de la forêt, casque audio sur les oreilles. Le paysage sonore de la forêt est véritablement au premier plan  : les évènements du film sont les variations d’intensité dans les chants des oiseaux et des insectes, les craquements des branches, dans lesquels on guette un signe de la créature. Le dispositif, fondé sur l’attente de l’invisible, sollicite la fonction d’alerte de l’écoute20, visant à avertir le sujet du moindre changement advenant autour de lui. La prise de son s’apparente alors à un «  art du pistage21  » visant à décrypter les indices qui pourraient révéler la présence fuyante de la Curupira. Par conséquent, toute la teneur dramatique réside dans la bande son. Les images la reflètent seulement, à travers les expressions qui traversent les visages, elles-mêmes causées par ces sons amplifiés. Le film tend ainsi un miroir à l’auditeur-spectateur dans lequel il observe quelqu’un écouter ce que lui-même entend. Ce dispositif produit une écoute empathique, mais Félix Blume ne laisse pas croire pour autant que cette écoute soit universelle  : elle est spécifique et localement informée par un style de vie, une manière d’habiter et d’arpenter la forêt, et par un imaginaire dont on entend le récit en voix off. Ces plans, montrant les villageois en train d’écouter, symbolisent aussi un partage réciproque  : les gens de Tauary emmènent le preneur de son dans la forêt et racontent leur écoute, en échange de quoi le preneur de son partage son casque et leur donne accès à sa propre écoute médiée par la technologie. On pourrait voir dans cette image une réécriture des «  scènes de “premier contact” entre les indigènes et la machine22  » décrites par Michael Taussig dans son ouvrage Mimésis et altérité. Il montre comment les anthropologues du début du 20e siècle ont mis en scène la rencontre des indigènes avec les technologies de reproduction photographiques ou phonographiques dans une démonstration «  magique  » leur propre suprématie technologique  : «  porter la machine parlante au cœur de la jungle revient à souligner et à enjoliver la réussite et le mystère authentique de la reproduction mécanique à une époque où la technologie elle-même, passée l’effervescence d’une nouvelle invention capitale, est perçue non plus comme mystique ou poétique, mais comme une banalité23  ». Au contraire, dans le film sonore de Félix Blume, la technologie devient un outil de rapprochement et non de différenciation, une voie d’accès à la perception autochtone. C’est bien avec les outils de la technologie occidentale que l’on part sur la piste de la Curupira dans une hybridité heureuse. Grâce à «  une politique qui découle non pas d’une opposition à nos systèmes actuels, ou de leur critique, mais d’une attention portée à une autre manière d’être qui implique ici d’autres sortes d’êtres vivants24  », dirons-nous avec les mots d’Eduardo Kohn, ce dispositif contribue à décolonialiser l’écoute25, en interrogeant comment, dans l’écoute, se matérialise la relation des villageois avec la Curupira, et, plus largement, avec la forêt et sa «  sémiose26  » si riche. Félix Blume rejoint alors la ligne d’une anthropologie contemporaine qui enquête «  au-delà de l’humain  » sur des manières d’habiter le monde en collaboration avec d’autres êtres, mythiques ou réels – cette distinction n’étant plus nécessairement pertinente – et emprunte les méthodes d’une «  anthropologie partagée27  » qui ne sépare plus l’observateur de l’observé, l’écoutant de l’écouté. La démarche de Félix Blume semble proche en cela d’une pensée décoloniale qui ne décorrèle pas le problème écologique de l’attention aux phénomènes de domination au sein même de l’enquête – artistique ou anthropologique. Son dispositif témoigne d’une éthique de la «  prise  » de son, basée sur un échange réciproque entre le preneur de son et ses sujets.

  • 28 Vinciane Despret, Habiter en oiseau, op. cit., p. 180.

7Sur le plan écologique, il propose un renouvellement de nos modes d’attention à un milieu fait de cohabitations interspécifiques, d’agencements polyphoniques, et appréhendé par de multiples écoutes. Il révèle ainsi «  de multiples manières d’habiter la terre, des inventions de vie, des compositions, des partitions mélodiques, des appropriations délicates, des manières d’être et des importances  »28. Il ne s’agit pas pour nous de dire que cette expérience esthétique et philosophique suffirait à une révolution écologique, mais plutôt qu’elle s’inscrit dans une remise en question interdisciplinaire de la suprématie du point de vue humain (et a fortiori blanc, occidental) sur le monde qui l’entoure.

Vers une écoute animale

  • 29 «  ON AIR  », présentée au Palais de Tokyo en 2018.
  • 30 cité par Nicolas Bourriaud in Inclusions  : esthétique du capitalocène, op. cit., p. 153.
  • 31 Ces deux techniques sont par exemple présentes dans le disque Spring Bloom in the Matinal Ice Zo (...)

8Félix Blume poursuit sa quête d’autres attentions en s’intéressant à l’écoute animale et à la possibilité de l’expérimenter par le son. Selon les mots de Thomas Saraceno, auteur d’une exposition mettant en scène des araignées tissant leurs toiles29, «  l’art peut nous aider à percevoir [la] multiplicité d’échelles et de phénomènes [de l’écosystème], en utilisant de multiples optiques (multilens) pour montrer que nous coexistons et partageons l’espace avec des êtres non-humains30  ». À nouveau, c’est l’usage artistique d’outils techniques (les «  multiples optiques  ») qui peut opérer la conversion du regard nécessaire à l’époque de l’anthropocène. Or, il existe dans le domaine du son l’équivalent de ces «  multiples optiques  » à même de nous faire changer de point de vue, ou plutôt de point d’écoute. Outre les techniques des audio-naturalistes comme les «  pièges à son  » visant à enregistrer un animal sans lui imposer une présence envahissante, ou les détecteurs d’ultrasons permettant d’entendre des espèces comme les chauve-souris dont le cri échappe à l’audition humaine, les artistes sonores s’intéressent aujourd’hui à des dispositifs sonores multiples permettant d’écouter autrement le vivant. Les hydrophones sont par exemple utilisés pour capter la vie aquatique, tandis que les micro-contacts rendent compte des vibrations de la matière31, et que le système binaural (consistant à reproduire entre deux micros un écartement équivalent à celui des oreilles) est employé pour ses qualités immersives reproduisant les conditions d’une écoute subjective. On retrouve cette dernière technique dans le projet Mutt Dogs, réalisé par Félix Blume et Sara Lana, à Belo Horizonte, au Brésil en 2018.

Félix Blume, Curupira, bête des bois, Video HD 16/9 (1920 x 1080), couleur, 25 fps, 35 min. 2018.

Félix Blume, Curupira, bête des bois, Video HD 16/9 (1920 x 1080), couleur, 25 fps, 35 min. 2018.

Sara Lana et Félix Blume, Mutt Dogs, pièce sonore, 5 min. 9 sec., production Arte Radio, 2017.

Sara Lana et Félix Blume, Mutt Dogs, pièce sonore, 5 min. 9 sec., production Arte Radio, 2017.
  • 32 Le projet est présenté sur le site de l’artiste  : [https://saralana.xyz/en/matilha].
  • 33 «  Le chien et la ville  », entretien avec Daniel Toledo, JA.CA – Centro de Arte & Tecnologia, [ (...)
  • 34 Vinciane Despret, dans Baptiste Morizot, Sur la piste animale, op. cit., p. 11.
  • 35 Propos confiés à l’autrice le 22 septembre 2021.
  • 36 Vinciane Despret, dans Baptiste Morizot, Sur la piste animale, op. cit., p. 13.

9Le projet Mutt Dogs fait suite à une première création de Sara Lana, appelée Matilha, rádio de transmissão canina [la Meute, radio de transmission canine32]. Dans ce projet, l’artiste brésilienne propose d’écouter en direct des chiens de rue. Grâce à des talkie walkies fixés sur des colliers, elle réceptionne les fréquences de plusieurs chiens en les suivant à distance et passer de l’une à l’autre. Ce projet demande une première phase d’entrée en contact, un engagement dans la rencontre avec les chiens qui est déjà un décentrement vers leur mode d’être. En effet, comme l’explique Sara Lana, l’ambition de travailler avec eux nécessite de les considérer comme des sujets libres d’accepter ou non sa présence et sa proposition  : «  Au début, tout le monde disait que je ne pourrais jamais m’approcher des chiens. Avec le temps cependant, je me suis rendue compte que je pouvais approcher même les moins dociles  : je n’avais qu’à m’allonger par terre et attendre qu’ils viennent me sentir. Petit à petit, j’ai abandonné la peur et j’ai compris que je travaillerais avec les chiens qui m’avaient choisie33  ». À l’issue de cette première phase de création, elle est rejointe par Félix Blume qui lui propose d’enregistrer les chiens plutôt que les suivre en direct. Le système choisi est un enregistreur connecté à deux petits microphones fixés de part et d’autre d’un collier. Cinq chiens parmi les plus coopératifs sont retenus, pour réaliser cette expérience. Ils partiront pendant plusieurs heures chacun avec le dispositif autour du cou, libres de leurs mouvements, mais suivis à distance par les deux artistes pour éviter la perte du matériel. Le son issu de cette expérience s’écoute au casque pour qu’opère l’effet immersif propre à la prise de son binaurale. Il s’ouvre, non sans humour, par le bourdonnement d’une mouche qui vole autour de la tête de l’auditeur, dans un instant suspendu où l’on ne sait pas encore autour de qui (humain ou animal) tourne l’insecte, jusqu’à ce que le grognement du chien agacé mette fin au suspense. L’auditeur est ensuite embarqué dans une promenade urbaine à hauteur de trottoir, qui donne accès à la sociabilité des chiens de rue, entre vie de meute et trajectoires individuelles. Le temps d’une écoute, Félix Blume et Sara Lana proposent de «  marcher avec  » un chien, «  dans les pas d’un autre qui suit son propre chemin34  », entre la sieste, l’errance, les bagarres, mais aussi les contacts nombreux avec les humains du voisinage. Comme le dit Félix Blume, l’objectif du projet était d’«  étudier la relation entre animal et humain, mais en partant du point d’écoute du chien35  ». Car les chiens de la ville vivent dans un monde d’humains. Mutt Dogs fait entendre des bourdonnements de radio, des annonces publicitaires, une voix d’enfant, autant de sons humains qui font partie du paysage sonore quotidien des chiens, tout comme l’habitude d’aboyer après les motos et les voitures pour leur interdire l’accès à certaines rues du quartier. C’est donc une culture de chien urbain, ni domestique ni sauvage mais habitué à cohabiter avec ses voisins humains, que l’on découvre dans cet enregistrement. L’écoute produit alors une prise de conscience des rapports sociaux omniprésents qui lient les citadins et les chiens de rue, et contribue à remettre en question, comme le dit Vinciane Despret, «  cette vieille idée que nous serions, nous, les humains, les seuls animaux politiques36  ». En l’occurrence, les conflits de territoire, mais aussi les arrangements «  diplomatiques  » existent non seulement parmi la meute, mais aussi entre les humains et les chiens.

  • 37 Eduardo Kohn, Comment pensent les forêts, op. cit., p. 12.
  • 38 Vinciane Despret, Habiter en oiseau, op. cit., p. 15.
  • 39 Nicolas Bourriaud, Inclusions  : esthétique du capitalocène, op. cit., p. 114.
  • 40 Le perspectivisme désigne une conception du monde où «  tous les êtres du cosmos se perçoivent e (...)
  • 41 Nicolas Bourriaud, op. cit., p. 113.
  • 42 Jonathan Sterne, Une histoire de la modernité sonore, trad. M. Boidy, Paris, la Découverte  : Ph (...)

10Avec ce dispositif de captation, le micro ne devient pas tant un outil pour «  donner de la voix aux non-humains37  », que pour adopter leur écoute. Il matérialise un changement de perspective qui ouvre nos «  manières d’éprouver, de sentir, de faire sens et de donner de l’importance aux choses38  » grâce à la délégation de l’enregistrement, et donc du cadrage, aux chiens. Si «  être un sujet c’est cadrer le monde d’une certaine manière39  », comme l’écrit Nicolas Bourriaud, les chiens, en orientant la prise de son avec l’orientation de leur tête, leurs déplacements, leurs gestes les plus spontanés, produisent une trace qui donne accès à leur subjectivité. Bourriaud va jusqu’à importer de l’anthropologie la notion de «  perspectivisme40  » théorisée par Viveiros de Castro pour décrire la démarche des artistes contemporains qui «  incorpore[nt] de multiples agents41  » à l’œuvre d’art. Si elle donne lieu à un renversement des points de vue, il faut cependant reconnaître que l’œuvre, dans le cas présent, reste adressée aux humains, construite par et pour eux en premier lieu, bien qu’elle intègre une collaboration interspécifique. D’autre part, si la pièce sonore reconstruit un point d’écoute animal, il faut rappeler, avec Jonathan Sterne, que la technologie d’enregistrement de diffusion reste construite à partir d’une définition anthropocentrique du son. Ce que nous appelons «  son  » n’est qu’«  une partie des vibrations du monde42  », celles que capte l’oreille humaine (20 à 20 000 hertz). Mais d’autres espèces perçoivent une amplitude supérieure, notamment les chiens qui peuvent entendre jusqu’à 45 000 hertz. Mutt Dog est donc un dispositif qui permet «  d’écouter avec  », sans toutefois franchir la frontière qui nous sépare de l’écoute de ces chiens de rue. Reste que ce travail ouvre, grâce aux armes du sensible, la possibilité d’imaginer une ville depuis le point d’écoute canin, et de comprendre que l’espace urbain n’est pas seulement habité par les hommes, mais aussi par d’autres espèces qu’il y a à prendre en compte.

  • 43 Baptiste Morizot, Sur la piste animale, op. cit., p. 100.

11La piste explorée par Félix Blume et Sara Lana donne ainsi accès à des configurations du monde qui ont court pour d’autres êtres en «  emprunt[ant] leur perspective43  » par le sens de l’ouïe. La pratique de ces autres points d’écoute accompagne ainsi le basculement de la pensée qui commence à se produire face à l’anthropocène  : l’abandon d’un point de vue centré sur l’humain au profit d’une ouverture à une multiplicité de subjectivités, et à nouvelles solidarités. Cependant, la dégradation actuelle de la situation écologique fait peser sur nos sociétés une urgence croissante à changer nos modes de vie face à laquelle cette conversion philosophique peut sembler insuffisante. Dans ce contexte, comment soutenir un art sonore loin d’être neutre sur le plan énergétique et qui reste dépendant d’objets technologiques industriels  ? Prendre cette question au sérieux permet de poser un regard plus radical sur des pratiques artistiques qui, bien qu’elles développent des postures écologiques, ne s’inscrivent nécessairement pas en rupture avec le monde de l’anthropocène en termes de moyens de production. Une dernière œuvre de Félix Blume ouvre la possibilité d’un art sonore qui se passerait des machines d’enregistrement, d’édition et de diffusion du son, pour développer une pratique low-tech.

Abandonner l’enregistrement  ? La possibilité du low-tech

12Lors de la Biennale de Thaïlande de 2018 qui a pour thème la rencontre entre l’art et la nature, des artistes sont invités à installer des pièces dans le paysage dans la province côtière de Krabi. Parmi eux, Félix Blume choisit de travailler sur le thème de l’érosion et la montée des eaux et de réaliser une installation sonore. Baptisée Rumeurs de la mer, celle-ci prend la forme d’un ponton qui s’avance sur la mer, entouré d’une multitude de tiges de bambous plongées dans l’eau auxquelles sont fixées des flûtes. Le mouvement des vagues actionne ces flûtes et les fait sonner différemment en fonction de la houle et des marées. Le projet est réalisé en coopération avec un groupe d’artisans locaux pour la fabrication des bambous et avec une école du village voisin pour la fabrication des flûtes. Le ponton, déjà présent, est mobilisé le temps de l’exposition. Avec ce projet, l’artiste sonore redéfinit sa place  : il n’est plus le preneur de son, mais celui qui aide les éléments à sonner en construisant les conditions pour un lieu soit entendu d’une autre manière.

Félix Blume, Rumeurs de la mer, intervention spécifique, Biennale de Thaïlande, 2018.

Félix Blume, Rumeurs de la mer, intervention spécifique, Biennale de Thaïlande, 2018.

Félix Blume, Rumeurs de la mer, intervention spécifique, Biennale de Thaïlande, 2018.

Félix Blume, Rumeurs de la mer, intervention spécifique, Biennale de Thaïlande, 2018.
  • 44 Christophe Abrassart, François Jarrige et Dominique Bourg, «  Low-Tech et enjeux écologiques – q (...)
  • 45 ibid., § 7.
  • 46 ibid., § 16.
  • 47 Nicolas Bourriaud, Inclusions  : esthétique du capitalocène, op. cit., p. 118.

13Ce projet illustre ce que serait un art sonore low-tech. Les low-techs peuvent être définies comme «  un ensemble d’outils, d’équipements, de démarches intellectuelles, orientées vers l’économie réelle de ressources44  ». Elles ont en commun le fait «  d’être appropriables à l’échelle locale et individuelle, d’être sobres en ressources et en énergie, pensées en lien avec les contextes et usages sociaux, accompagnant une réforme plus large des modes de vie45  ». En l’occurrence, c’est l’invitation à créer une œuvre site specific qui a poussé Félix Blume à réfléchir à cette installation à partir des contraintes locales. L’idée de l’installation part d’un matériau, le bambou, présent en abondance sur place. Son système sonore repose sur un mécanisme très simple  : les appels d’air créés par les vagues font circuler un souffle à travers les tubes de bambou, ce qui produit une note. Seule l’énergie des éléments est responsable de l’activation de l’installation. D’autre part, ce dispositif s’inspire non seulement de techniques sonores anciennes (les instruments à vent jouent de ce principe depuis longtemps) mais aussi d’un élément présent dans le paysage de Krabi  : les digues en bambou construites le long du rivage pour contrer l’érosion en brisant les vagues. Et en effet, il faut souligner que «  dans les mondes sociaux très contraints sur le plan écologique et environnemental, où il faut faire avec ce qu’on a sur place, les Low-Techs n’ont rien d’innovants, mais sont une évidence partagée46  ». La reprise artistique de cette solution modeste mais efficace pour vivre avec la montée des eaux témoigne alors d’une rencontre entre le questionnement écologique du sonidista et un stratagème pratique implanté sur le terrain. L’installation n’en a pas moins vocation à créer pour les visiteurs de l’exposition une autre appréhension du lieu, qui est aussi une destination touristique prisée. Félix Blume propose ainsi de se mettre à l’écoute de la montée des eaux en traduisant le mouvement des vagues en un signal musical, qui attire l’oreille. On pourrait dire avec Nicolas Bourriaud qu’il «  s’honore de traduire la langue de l’Autre47  », dans cette opération où les mouvements de la mer deviennent un langage musical aléatoire, que les visiteurs sont invités à entendre comme un chant d’alerte. Par ailleurs, «  nature  » et «  culture  » humaine en sont pas opposées dans l’installation. Un processus de collaboration avec l’environnement est montré, dans sa fragile ingéniosité. Le bambou qui servait à lutter contre la marée devient un instrument actionné par les vagues, symbolisant un «  faire avec  » les éléments en présence.

14Les trois œuvres ici évoquées ne trouvent pas leur origine dans une position écologique et politique radicale. Elles naissent d’un questionnement sur le sens du geste sonore, sur ce qu’un artiste peut donner à entendre des lieux, et sur la manière dont il peut s’inscrire dans ces espaces et en rencontrer les habitants. Félix Blume développe ainsi une pratique artistique où l’écoute, redéfinie comme art de l’attention, participe à la construction d’une éthique du «  phonocène  ». La recherche artistique rejoint alors in fine le désir politique d’une transformation des sensibilités, à même de prendre la mesure de ce qui est en voie de disparaître, ou de ce qui nous reste à sauver. En ce sens, les œuvres de Félix Blume témoignent d’un changement contemporain des manières de faire dans l’art  : ce n’est plus la représentation qui est jeu mais l’invention de dispositifs reconfigurant notre être au monde et organisant de nouveaux partages sensibles.

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Notes

1 Vinciane Despret, Habiter en oiseau, Arles, Actes Sud, 2019, p. 180.

2 «  Avec le terme chthulucène, je voulais que l’oreille entende le son des terrestres, de tout ce qui est lié à la Terre, y compris l’atmosphère. Je voulais affirmer que nous sommes reliés à une myriade de temporalités et de spatialités, reliées aux divers pouvoirs passés, présents et à venir de la Terre.  », entretien avec Donna Haraway réalisé par Catherine Vincent, Le Monde, supplément Idées, 2 février 2019. [https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/31/donna-haraway-la-pensee-chthulu_5417 206_3232.html], consulté le 15 juillet 2022.

3 Vinciane Despret, Habiter en oiseau, op. cit., p. 180.

4 Le grec phonê renvoyant aux deux.

5 Ivo Louro, Margarida Mendes, Daniel Paiva, et al., «  A Sonic Anthropocene. Sound Practices in a Changing Environment  », Cadernos de Arte e Antropologia, vol. 10, no 1, Núcleo de Antropologia Visual da Bahia, avril 2021, p. 317.

6 Selon la définition de Giorgio Agamben, un dispositif désigne «  tout ce qui a, d’une manière ou d’une autre, la capacité de capturer, d’orienter, de déterminer, d’intercepter, de modeler, de contrôler et d’assurer les gestes, les conduites, les opinions et les discours des êtres vivants  ». Giorgio Agamben, Qu’est-ce qu’un dispositif  ?, trad. M. Rueff, Paris, Éditions Payot & Rivages, 2007.

7 Nicolas Bourriaud, Inclusions  : esthétique du capitalocène, Paris, PUF, 2021, p. 19.

8 Alexandre Galand, «  Écouter dans les ruines du capitalisme  : enregistrements de terrain et formes de vie  », Audimat, vol. 10, no 2, 2018, p. 150.

9 Entretien avec Cléo Verstrepen autour de l’œuvre Essaim, D. D. A. Contemporary Art, [https://diffusingdigitalart.org/2021/05/05/entretien-felix-blume-par-cleo-verstrepen-autour-de-loeuvre-essaim/], consulté le 17/06/2022.

10 En Amérique latine, ce terme désigne celui qui travaille le son (sonido), dans une acception matérielle sans nécessairement de connotation artistique  : le sonidista travaille le son, tout comme le peintre travaille la peinture, qu’il s’agisse d’un artiste ou d’un peintre en bâtiment.

11 Le terme «  mutt  » est un mot d’argot signifiant «  clébard  » ou «  cabot  ». L’expression pourrait être traduite par «  chiens cabots  », «  chiens de rue  » ou «  chiens errants  », mais nous préférons la laisser en anglais dans ce texte.

12 Toutes les œuvres sont présentées sur le site de l’artiste [http://felixblume.com/ et les pièces sonores sont en écoute libre sur http://arteradio.com/]

13 Voir Alexandre Galand, Field recording  : l’usage sonore du monde en 100 albums, Marseille, Le Mot et le reste, 2012.

14 Raymond Murray Schafer, Le Paysage sonore  : le monde comme musique, trad. S. Gleize, Marseille, Wildproject, coll. «  Domaine Sauvage  », 1977.

15 Bernie Krause, Le grand orchestre animal, trad. T. Piélat, Paris, Flammarion, 2013.

16 Selon les mots de Félix Blume sur son site internet.

17 Pour une étude anthropologique de ce type de phénomène, voir Vincent Battesti et Nicolas Puig, «  “The sound of
society” : A method for investigating sound perception in Cairo  », Senses and Society, vol. 11, no 3, Taylor & Francis (Routledge), «  Contemporary French Sensory Ethnography  », octobre 2016, p. 298-319.

18 Vinciane Despret, Habiter en oiseau, op. cit., p. 15.

19 Selon les mots de Félix Blume dans un entretien réalisé par l’autrice le 23 novembre 2020.

20 Roland Barthes, «  Écoute  », L’obvie et l’obtus, Paris, Seuil, 1976, p. 217.

21 Baptiste Morizot, Sur la piste animale, Arles, coll. «  Essai Babel  », Actes Sud, 2018, p. 114.

22 Michael Taussig, «  La machine coloniale parlante  », POLI – Politiques sonores, no 11, trad. M. Boidy, 2015, p. 18  ; extrait de Mimesis and Alterity : A Particular History of the Senses, Londres, Routledge, 2018.

23 ibid., p. 19.

24 Eduardo Kohn, Comment pensent les forêts  : vers une anthropologie au-delà de l’humain, trad. G. Delaplace, Bruxelles, Zones sensibles, coll. «  Pactum serva  », 2017, p. 38.

25 Je décline ici la formule de «  décolonisation de la pensée  » d’Eduardo Viveiros de Castro, Métaphysiques cannibales  : lignes d’anthropologie post-structurale, trad. O. Bonilla, Paris, France, PUF, 2009, p. 4.

26 «  La sémiose est le nom de ce processus vivant de signe par lequel une pensée en fait émerger une autre, qui à son tour en fait émerger une autre, et ainsi de suite vers un futur potentiel.  », Eduardo Kohn, Comment pensent les forêts, op. cit., p. 61.

27 Marc-Henri Piault, Anthropologie et cinéma  : passage à l’image, passage par l’image, Paris, Nathan, 2000.

28 Vinciane Despret, Habiter en oiseau, op. cit., p. 180.

29 «  ON AIR  », présentée au Palais de Tokyo en 2018.

30 cité par Nicolas Bourriaud in Inclusions  : esthétique du capitalocène, op. cit., p. 153.

31 Ces deux techniques sont par exemple présentes dans le disque Spring Bloom in the Matinal Ice Zone de l’artiste sonore Jana Winderen, qui s’intéresse à une zone écologique particulièrement sensible, entre mer et glace.

32 Le projet est présenté sur le site de l’artiste  : [https://saralana.xyz/en/matilha].

33 «  Le chien et la ville  », entretien avec Daniel Toledo, JA.CA – Centro de Arte & Tecnologia, [http://www.jaca.center/o-cao-e-a-cidade-2/], consulté le 12 mars 2022.

34 Vinciane Despret, dans Baptiste Morizot, Sur la piste animale, op. cit., p. 11.

35 Propos confiés à l’autrice le 22 septembre 2021.

36 Vinciane Despret, dans Baptiste Morizot, Sur la piste animale, op. cit., p. 13.

37 Eduardo Kohn, Comment pensent les forêts, op. cit., p. 12.

38 Vinciane Despret, Habiter en oiseau, op. cit., p. 15.

39 Nicolas Bourriaud, Inclusions  : esthétique du capitalocène, op. cit., p. 114.

40 Le perspectivisme désigne une conception du monde où «  tous les êtres du cosmos se perçoivent eux-mêmes comme des humains et voient ce que nous appelons, nous, humains, comme des non-humains  » le terme «  humain  » désignant ici le fait d’être un être doté d’un point de vue et non d’appartenir à l’espèce humaine. Voir Eduardo Viveiros de Castro, Politique des multiplicités  : Pierre Clastres face à l’État, Bellevaux, Dehors, 2019, p. 109. cité par Nicolas Bourriaud, op. cit., p. 130.

41 Nicolas Bourriaud, op. cit., p. 113.

42 Jonathan Sterne, Une histoire de la modernité sonore, trad. M. Boidy, Paris, la Découverte  : Philharmonie de Paris-Cité de la musique, 2015, p. 21.

43 Baptiste Morizot, Sur la piste animale, op. cit., p. 100.

44 Christophe Abrassart, François Jarrige et Dominique Bourg, «  Low-Tech et enjeux écologiques – quels potentiels pour affronter les crises  ?  », La Pensée écologique, n°  5, no 1, 22 octobre 2020, § 8.

45 ibid., § 7.

46 ibid., § 16.

47 Nicolas Bourriaud, Inclusions  : esthétique du capitalocène, op. cit., p. 118.

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Table des illustrations

Titre Félix Blume, Curupira, bête des bois, Video HD 16/9 (1920 x 1080), couleur, 25 fps, 35 min. 2018.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/3029/img-1.png
Fichier image/png, 2,5M
Titre Sara Lana et Félix Blume, Mutt Dogs, pièce sonore, 5 min. 9 sec., production Arte Radio, 2017.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/3029/img-2.png
Fichier image/png, 2,6M
Titre Félix Blume, Rumeurs de la mer, intervention spécifique, Biennale de Thaïlande, 2018.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/3029/img-3.png
Fichier image/png, 2,9M
Titre Félix Blume, Rumeurs de la mer, intervention spécifique, Biennale de Thaïlande, 2018.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/3029/img-4.png
Fichier image/png, 3,0M
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Pour citer cet article

Référence papier

Fanny Dujardin, « Partages de l’écoute  : l’art écologique de Félix Blume »Marges, 35 | 2022, 30-43.

Référence électronique

Fanny Dujardin, « Partages de l’écoute  : l’art écologique de Félix Blume »Marges [En ligne], 35 | 2022, mis en ligne le 02 janvier 2025, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/3029 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/marges.3029

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Auteur

Fanny Dujardin

Doctorante à Aix-Marseille Université et réalisatrice.

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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