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Notes de lecture et comptes rendus d'expositions

« Théâtre des expositions-Acte 2»

Paris, Palais des Beaux-Arts, 14 avril – 30 mai 2021
Jérôme Glicenstein
p. 200-201
Référence(s) :

« Théâtre des expositions-Acte 2», Paris, Palais des Beaux-Arts, 14 avril – 30 mai 2021

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Texte intégral

1En septembre 2019, l’École nationale supérieure des Beaux-Arts inaugure une nouvelle filière : « Artistes et métiers de l’exposition ». Celle-ci, coordonnée par le service des expositions et celui des publics, permet à des étudiants de l’école de se former à différents métiers relatifs à la présentation et à la diffusion de l’art. Par ailleurs, un travail de fin d’études leur est proposé chaque année en lien avec une résidence de jeunes commissaires. En raison de la crise du Covid, ce travail n’a pas pu être réalisé en 2020 et, de ce fait, le printemps 2021 voit la présentation d’une série d’expositions organisées par les deux premières promotions. L’ensemble de cette opération entérine une double rupture dans la longue histoire de l’École des Beaux-Arts. Pour la première fois, la formation à des professions para-artistiques est assumée par la plus légitime des écoles d’art en France, alors que jusque-là le devenir « extra-artistique » des anciens étudiants était soigneusement éludé. Et plus profondément, l’accueil de jeunes commissaires en résidence et leur mise en avant par cette nouvelle filière, reflète un changement d’orientation. Lorsque le nouveau directeur, Jean de Loisy, choisit de promouvoir des jeunes commissaires et un partenariat avec le Palais de Tokyo, il rompt en effet avec la tradition obligée de l’exposition des travaux d’étudiants et reprend à distance, le programme qu’il avait initié en 2012, avec « Nouvelles vagues ».

2Le lien entre « Nouvelles vagues », où une trentaine de propositions curatoriales se confrontaient au sein (et en-dehors) du Palais de Tokyo et « Théâtre des expositions », où une vingtaine d’entre elles se retrouvent en plusieurs « actes » aux Beaux-Arts, est frappant. Dans les deux cas, les opérations sont à la fois novatrices et profondément naïves. Le caractère novateur tient à l’idée qu’il n’est plus possible de penser la formation des artistes, indépendamment des questions de production et de diffusion de leur travail. Faire travailler des jeunes artistes-étudiants avec des apprentis régisseurs, médiateurs, scénographes, critiques et commissaires correspond de fait à la réalité de ce qu’est l’activité artistique au début du 21e siècle : l’artiste ne travaille pas seul (et encore moins aujourd’hui qu’hier). D’un autre côté, traiter les expositions comme s’il s’agissait d’œuvres d’art autonomes qu’on pourrait admirer alignées les unes à côté des autres pose problème. À « Théâtre des expositions », comme à « Nouvelles vagues » et comme antérieurement aux deux éditions de « La force de l’art » (2006 et 2009), les propositions curatoriales sont juxtaposées, sans transitions. C’est ici que se situe le point faible de l’opération. Une exposition suscite d’autant plus d’intérêt qu’elle est un événement unique : à un certain moment, dans des circonstances soigneusement choisies, des artistes et des œuvres sont présentés à un public spécifique avec lequel se produisent des résonances particulières. Une exposition de trois peintres du dimanche dans un appartement de Pantin, à l’intention des habitants de l’immeuble a, de ce fait, beaucoup plus d’intérêt pour les personnes concernées que la réunion de tous les artistes, critiques et commissaires « qui comptent en France» pour une grand-messe au Grand Palais (comme c’était le cas à « La force de l’art »). Le public ne s’y trompe pas d’ailleurs, de plus en plus réticent à parcourir des biennales ou des foires commerciales où les œuvres sont alignées au kilomètre et où il n’y a ni le temps de tout voir ni celui de tout lire.

3Que retenir des cinq expositions présentées en avril 2021 à « Théâtre des expositions-Acte 2 » ? « Le temps est détraqué », de Simona Dvořakova, se présente comme un « projet phénoménologique ». Des objets sont disposés dans le noir : une gravure de Goya, une édition ancienne du Songe de Poliphile, des vidéos, des objets technologiques, une bande son, l’annonce de performances à venir… L’ensemble ressemble à une installation artistique assez prétentieuse pour qui n’a pas lu le dépliant (et encore plus pour ceux qui l’ont lu). « Jardin secret » de Noam Alon, est un parcours en forme de labyrinthe, où se succèdent des « niches » contenant des objets que le commissaire associe au « stade du modèle psychosexuel » de Freud. Une vidéo de Julien Prévieux et Virginie Yassef, où le premier grignote un arbre (L’Arbre, 2009), renvoie ainsi au stade oral et le stade phallique est incarné dans une vidéo d’Ella Navot, où le petit Noam, double enfant du commissaire, entonne un hymne à l’amour de sa mère (Viens Maman on va danser, 2021). « Une moraine d’objets » de Yannick Langlois présente des œuvres de jeunes artistes en compagnie de sculptures anciennes endommagées, provenant des collections de l’École. « Éléonore False », de Kathy Alliou, est la seule exposition personnelle. On y voit des photographies de Duchenne de Boulogne, découpées, agrandies et transposées dans l’espace d’exposition, en compagnie de travaux issus des concours de têtes d’expression réalisés au 19e siècle par des élèves des Beaux-Arts. Le grand avantage de l’approche monographique est qu’elle permet ici d’entrevoir un dialogue plus précis entre artiste et commissaire. La dernière exposition, intitulée « Au train où vont les choses », dont le commissaire est Corentin Leber, est la plus curieuse, puisqu’elle est le fruit d’un partenariat entre l’association Les passionnés du train de Montigny-le-Bretonneux et une douzaine de jeunes artistes qui ont agrémenté une maquette de train électrique de sympathiques petites interventions ici et là.

4Au début du programme, il était prévu que 24 expositions de 11 commissaires confrontent les œuvres des collections de l’École à celles des professeurs et des étudiants. Pour le moment, cette ambitieuse formule nécessite visiblement encore quelques ajustements. Si elle n’est pas remise en cause par le prochain directeur elle saura sans doute insuffler à terme une atmosphère de contemporanéité au sein d’une école trop souvent prisonnière de son glorieux passé.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jérôme Glicenstein, « « Théâtre des expositions-Acte 2» »Marges, 33 | 2021, 200-201.

Référence électronique

Jérôme Glicenstein, « « Théâtre des expositions-Acte 2» »Marges [En ligne], 33 | 2021, mis en ligne le 21 octobre 2021, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/2758 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/marges.2758

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Auteur

Jérôme Glicenstein

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