L’émergence de l’art écologique au sein des institutions françaises
Résumés
L’art écologique se développe aux États-Unis depuis plusieurs décennies. Ces dernières années, les œuvres des pionniers nord-américains sont plus exposées par les institutions françaises. Quelques expositions collectives consacrées à l’art écologique voient le jour. Ce phénomène nous interroge quant à la relation de l’art écologique avec les institutions françaises. Quelles sont les limites à l’institutionnalisation de cet art en France ?
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- 1 Entre autres, Bettina Laville et Jacques Leenhardt, « Villette-Amazone », Grande Halle de La Vil (...)
- 2 Le prix Coal est décerné à AOO en 2011 (mention spéciale), à Darné en 2012. Lucy Orta est membre (...)
- 3 Bénédicte Ramade, « Désir vert : négocier avec la bonne conscience environnementale », Marges n° (...)
1Des expositions abordant les questions écologiques voient le jour sur la scène nationale. Elles étaient peu nombreuses avant le début des années 2000 ; elles le sont un peu plus à partir des années 20101. Des figures d’artistes écologiques s’affirment : Lucy + Jorge Orta, Art Orienté Objet, Olivier Darné entre autres. Des expositions personnelles et des catalogues monographiques leur sont consacrés, des prix leur sont décernés, eux-mêmes étant à l’initiative de cycles de programmation et d’enseignement2. Ces phénomènes d’institutionnalisation les concernant témoignent plus généralement d’un processus d’affirmation de l’art écologique. Néanmoins, « aucune grande institution publique […] en Europe n’a produit d’exposition significative sur l’écologie dans le domaine des arts3 », observe Bénédicte Ramade en 2018. « Anthropocène Monument » (Les Abattoirs, Toulouse, 2014-2015), « Interractions no 4 » (Les Abattoirs, Toulouse, 2016) et « Courants verts. Créer pour l’environnement » (Fondation EDF, Paris, 2020-2021) demeurent en France les trois seules expositions collectives récentes entièrement consacrées aux sujets écologiques. Ce constat nous invite à étudier la dynamique d’institutionnalisation de l’art écologique. S’agit-il d’un épiphénomène au sein des institutions, ou bien de l’émergence d’une production et d’une diffusion substantielles ?
2Dans un premier temps, nous étudions chacun des axiomes de la définition de l’art écologique en les mettant en perspective vis-à-vis des intérêts des institutions. Plusieurs des axiomes formulés par les historiens et les critiques illustrent les limites à l’institutionnalisation de l’art écologique, certains entravant véritablement la réception des œuvres. Par « institutions », nous entendons l’ensemble des dispositifs de production et de diffusion des œuvres, soit les centres d’art, les musées, leurs collections, ainsi que les publications (catalogues, presse, etc.). Par « institutionnalisation », nous entendons les processus d’accession des œuvres aux institutions avec l’ensemble des dispositifs susmentionnés. Nous souhaitons ainsi contribuer à la réalisation d’un état des lieux des dispositifs existants permettant ou non la production et la diffusion de l’art écologique.
3Nous revenons ensuite sur les conséquences de l’émergence des artistes écologiques au sein des institutions françaises. La diffusion des pratiques écologiques occasionne une relecture historique. Plusieurs figures nord-américaines des années 1970 peu connues jusqu’alors font dorénavant autorité en tant que pionniers de la discipline, Helen Mayer-Harrison et Newton Harrison, Patricia Johanson, Mierle Laderman Ukeles, entre autres. Faire état d’une réhabilitation institutionnelle les concernant est plus ou moins exact dans la mesure où plusieurs d’entre eux étaient déjà présents au sein d’expositions passées et dans les collections publiques. Néanmoins leur présence renouvelée interroge. Les acteurs institutionnels français prennent part à la constitution de l’art écologique, œuvres historiques à l’appui. Quel rôle joue l’exposition des pionniers nord-américains dans le récit de l’art écologique élaboré par les institutions ? Quelle est la lecture de l’art écologique par les institutions françaises ? De par leurs choix de programmation, les institutions participent-elles à définir autrement l’art écologique ?
Des axiomes programmatiques ?
- 4 Paul Ardenne, « L’art vivant, au diapason de la culture environnementale », dans Id., Courants v (...)
- 5 Barbara C. Matilsky, « Art écologique : une réponse à des problèmes environnementaux », Fragile (...)
4L’art écologique est un « art vivant4 » en cours d’expérimentation, désignant un ensemble de pratiques. Plusieurs historiens et critiques s’attachent à le définir. Barbara Matilsky propose une définition paradigmatique dans son essai « Art écologique : une réponse à des problèmes environnementaux5 » publié à l’occasion de son exposition « Fragile Ecologies. Contemporary Artists’ Interpretations and Solutions » (Queens Museum, New York, 1992). Celle-ci représente un cadre de référence, strict quant à ses axiomes, décisif quant aux perspectives exprimées. Gilles A. Tiberghien et Paul Ardenne proposent des définitions plus générales. En recoupant leurs axiomes respectifs, il nous est rendu possible de mieux saisir en quoi le rapport entre l’art écologique et les institutions peut être problématique.
- 6 Gilles A. Tiberghien, « L’écologie du paysage comme métaphore artistique », Les Carnets du paysa (...)
- 7 Nous nous appuyons ici sur la traduction de l’article de Matilsky par Ramade. Voir Bénédicte Ram (...)
- 8 Paul Ardenne, Un art écologique. Création plasticienne et anthropocène, Lormont/Bruxelles, Le Bo (...)
5« Pour parler d’art écologique […] encore faut-il que le sujet de l’œuvre (the aboutness, comme on dit en anglais) soit directement lié à l’écologie, synthétise Tiberghien. […] Intervenir sur “l’écologie du paysage’’ suppose une pratique écologique, même si celle-ci est détournée à des fins artistiques6 ». Œuvrer en art écologique implique donc deux réquisits : un choix thématique en écologie ainsi qu’une conduite de projet relevant d’une activité écologique. Ce cadre de création fixé par Tiberghien correspond aux axiomes de Matilsky et Ardenne qui énoncent les traits typiques suivants : « des qualités in situ et processuelles », « une activité écosystémique7 » ; « [opérer] dans l’espace naturel8 ». La pratique de l’art écologique serait fondée sur l’immersion au sein d’écosystèmes. Une première difficulté apparaît dès lors : le caractère hors-les-murs et la durée des œuvres écologiques ne favorisent pas leur accessibilité. Les œuvres écologiques réalisées en extérieur avec des matériaux vivants, mettant en scène des processus lents, la croissance végétale, etc., sont au premier abord peu compatibles avec les intérieurs muséaux et les cadences des programmateurs privilégiant un renouvellement régulier des expositions. Dans les faits, les artistes écologiques élaborent des stratégies de diffusion leur permettant d’investir les scènes muséales, par le biais de corpus de documents, de photographies, etc. ; ils réalisent des objets collectionnables. Cela dit, ce premier point témoigne d’une caractéristique de l’art écologique, l’accès peu aisé et médiatisé aux œuvres écologiques.
- 9 Bénédicte Ramade, Infortunes de l’Art écologique américain depuis les années 1960, op. cit., p. (...)
- 10 Paul Ardenne, op. cit., p. 11.
- 11 Bénédicte Ramade, Infortunes de l’Art écologique américain depuis les années 1960, op. cit., p. (...)
- 12 Nathalie Blanc et Julie Ramos, « Pratiques et pensées de l’art et de l’écologie », dans Nathalie (...)
6Un deuxième point d’achoppement est à signaler. Matilsky établit l’axiome suivant : « [la] capacité [de l’œuvre écologique] à revitaliser des sites en déréliction9 ». Cet axiome est défini par Ardenne en ces termes : « [être] mû par le souci […] du soin à apporter aux relations avec autrui et l’environnement10 ». Avec cet axiome, les deux auteurs expriment la nécessité de l’entretien voire de la remise en état des écosystèmes. Matilsky et Ardenne énoncent un trait typique, représentatif de nombre de pratiques. Créations paysagères sur des sites pollués, mises en scène de techniques de phyto-remédiation, réhabilitations de décharges en parcs publics, pôles de traitement des eaux usées et distribution d’eau potable, modules autonomes de productions maraîchères, etc. toutes ces problématiques sont abordées par la génération des pionniers nord-américains. Compte tenu de l’aggravation de la crise écologique, « [cette] prérogative de réparation écologique11 » est et sera a priori aussi décisive ces prochaines décennies. Toutefois, ce trait typique de l’art écologique doit être envisagé à l’aune d’une considération de l’art toujours moderniste, louant l’autonomie de l’œuvre vis-à-vis de la sphère publique. Selon Nathalie Blanc et Julie Ramos, l’art écologique « avance de manière contrainte », compte tenu notamment « de l’injonction qui est faite [à l’art] de s’autodéterminer et de s’abstraire de toute considération sociale12 ». Autrement dit, la dimension utile de cet art ne favorise pas sa diffusion.
- 13 Bénédicte Ramade, Infortunes de l’Art écologique américain depuis les années 1960, op. cit., p. (...)
- 14 ibid., p. 176-170.
7Néanmoins, les œuvres d’art écologique présentent certains atouts dont les institutions muséales peuvent s’emparer. La capacité de ces œuvres à mettre en relation les spectateurs avec la faune et la flore, d’un point de vue à la fois sensoriel et cognitif, est relevée. Selon Matilsky, il s’agit là d’un trait distinctif des œuvres d’art écologique : « leur capacité à tisser des liens entre les personnes et leur milieu », « [leur] vertu médiatrice13 ». Qui plus est, les pionniers nord-américains usèrent d’« un argumentaire environnementaliste » ; ils privilégièrent la « neutralité du factuel scientifique et les outils de la démonstration didactique14 ». Exposer ces modus operandi peut contribuer à valoriser des directives muséales transdisciplinaires, à la jonction des arts et des sciences.
« L’art écologique », une dénomination vivace
- 15 ibid., p. 176.
- 16 Barbara C. Matilsky, op. cit., p. 56. Traduction par nos soins.
- 17 Bénédicte Ramade, « Mutation écologique de l’art ? », Cosmopolitiques, n° 15, juin 2007.
- 18 Nathalie Blanc et Jacques Lolive, « Art écologique et paysage durable : réalisation d’un colloqu (...)
- 19 Selon l’expression d’Ernst Hæckel (1866).
8La dénomination « art écologique » bénéficie d’un relatif succès critique, acquis sur la durée. Le choix de la dénomination est celui de Matilsky, les pionniers ne l’ayant pour leur part pas employée pour qualifier leurs pratiques15. La commissaire la définit dans son essai « Art écologique : une réponse à des problèmes environnementaux ». « L’art écologique n’isole pas et n’interprète pas des éléments naturels mais les intègre au sein d’un réseau complet de relations », indique-t-elle, mettant ainsi délibérément de côté les artistes qui « interprètent ou traitent les problèmes [écologiques] avec une variété de médiums – photographie, peinture, sculpture, installations multimédia, performances », privilégiant ceux qui « proposent ou créent des œuvres écologiques et apportent des solutions aux problèmes rencontrés dans les écosystèmes naturels et urbains16 ». Dans la littérature scientifique française, la dénomination apparaît à plusieurs reprises : notamment dans l’article de Ramade « Mutation écologique de l’art17 ? » ; à l’occasion d’un rapport présenté par les chercheurs Nathalie Blanc et Jacques Lolive au Ministère de l’Écologie et du Développement Durable18 ; dans le récent ouvrage de Paul Ardenne Un art écologique. Création plasticienne et anthropocène, ce dernier ajoutant avec précaution le pronom « un ». La dénomination semble remporter l’adhésion des historiens. L’emploi de l’adjectif « écologique » permet de mettre l’accent sur les relations interespèces, le contact et les interactions avec la faune et la flore. L’écologie n’est autre que la « science des relations entre les êtres vivants19 ».
- 20 « L’énoncé [le Jardin planétaire] propose un terme autour duquel chacun peut s’assembler quelles (...)
- 21 Marion Laval-Jeantet, dans « Art Orienté Objet en campagne pour un lac » (entretien avec Cyril T (...)
- 22 « […] On a le gouvernement le moins intéressé par les questions écologiques depuis pratiquement (...)
9La dénomination « art écologique » demeure malgré tout clivante. La signification du mot « écologie » s’est étoffée suite à la création des premiers partis politiques et des organisations activistes dans les années 1960-1970. La dimension politique du mot peut gêner. En 1999, Gilles Clément privilégie le mot « jardin20 » au mot « écologie » pour intituler son exposition Le Jardin planétaire (Grande Halle de La Villette, Paris). Récemment encore, les problématiques écologiques faisaient rarement l’objet de débats publics. « À part quelques documentaires sur les catastrophes naturelles, l’écologie semble être prisonnière [à la télévision] d’une zone de non-parole21 », témoigne Marion Laval-Jeantet en 2011. Deux ans plus tard, Bruno Latour constate « la disparition progressive de tous les thèmes écologiques dans la conscience politique, pas simplement française » et considère notre gouvernement comme « le moins intéressé par les questions écologiques depuis pratiquement quarante ans22 », alors même que Latour dirige le programme d’expérimentation en arts politiques à Sciences Po (SPEAP).
L’art écologiste aux-côtés de l’art écologique
- 23 Bénédicte Ramade, « De l’écologie à l’environnement. Une histoire de pratiques », dans Paul Arde (...)
- 24 Bénédicte Ramade, Infortunes de l’Art écologique américain depuis les années 1960, op. cit., p. (...)
10Dans son article « De l’écologie à l’environnement. Une histoire de pratiques » publié dans le catalogue de l’exposition « Courants verts », Ramade propose une distinction entre « art écologique » et « art écologiste ». Ce dernier est « plus militant et politique, [prenant] en charge le symbolique et le message, actif à titre de sentinelle et de lanceur d’alerte23 ». L’art écologiste acquiert une place de choix au regard du corpus exposé par Ardenne – cf. le volet « avertir » de l’exposition, les deux autres volets étant « rêver » et « agir ». « Avertir » est constitué d’un ensemble d’œuvres caractérisées par la pratique du témoignage, vindicatif ou simplement descriptif. Les artistes se mettent ici en position d’alerte ; ils traversent et documentent des écosystèmes mis à mal par les activités humaines. L’art écologique des pionniers nord-américains était caractérisé par une « position apolitique, localiste et écocentrée », « la prise de distance méfiante de ces artistes vis-à-vis de la politique contemporaine et de l’activisme écologiste24 ». Les pionniers inscrivaient leurs pratiques dans l’espace public en réparant les écosystèmes avant tout. Leurs démarches exigeantes, in situ, transdisciplinaires et effectuées sur la durée, ne facilitaient pas la diffusion de leurs projets. Les œuvres écologistes, expressément militantes, s’avèrent elles plus aisément diffusables. Les œuvres exposées par Ardenne dans « avertir » sont toutes des objets d’art tangibles, vidéos, peintures et sculptures, pour lesquelles l’expérience du site vécue par l’artiste (le site comme lieu d’immersion et de captation) est vécue à distance par les spectateurs, telle est l’intention de l’artiste. Pour ces œuvres, l’espace d’exposition fonctionne comme un support de diffusion, à la manière de la presse écrite ou audiovisuelle utilisée par un militant écologiste.
- 25 Paul Ardenne, op. cit., 2018 et Bénédicte Ramade, op. cit., 2020.
- 26 Auteur non précisé, « Éco-activisme : pour une topographie subjective des pratiques environnemen (...)
- 27 Par exemple, les Yes Men réalisent une action contre la société Dow Chemical le 3 décembre 2004, (...)
- 28 Isabelle Hermann, « Nicolás Uriburu : Greenpeace à la rescousse ! », Espace, Formes de l’écologi (...)
11Les directions choisies par les artistes écologiques et par les artistes écologistes nous renvoient à la grille de critères du critique d’art : portée symbolique de l’œuvre, émotion véhiculée ou efficience écologique, sociale, etc. En fonction des options privilégiées par les artistes, certains critères prévalent au détriment d’autres. Les différentes démarches des artistes nous renvoient également à leurs statuts, indépendants ou non vis-à-vis des institutions, pour mener à bien leurs actions. Plusieurs œuvres des décennies 1960 à 1980 sont actuellement réactivées par les commissaires et les historiens, notamment les œuvres de Nicolás García Uriburu, Joe Hawley, Mel Henderson et Alfred Young, des collectifs Au bout de la 20 et ZERO-I, Liz Christy, Kathryn Miller25. Ces œuvres ont été réalisées en extérieur, hors espace muséal et sans aide à la production. (À ce sujet, nous constatons que la majorité des œuvres présentées comme exemples d’œuvres d’artistes « éco-activistes26 » dans le catalogue Sublime. Les tremblements du monde ont été autoproduites par les artistes.) Leurs démarches sont proches des modes d’action des activistes n’attendant pas d’obtenir les autorisations. Dans les années 1970, plusieurs organisations écologistes internationales voient le jour dont Greenpeace et Sea Shepherd, promouvant des actions coup-de-poing, dans un cadre légal et hors du cadre légal. Les modus operandi, les stratégies de communication des activistes politiques et des artistes écologistes se rejoignent, témoignant d’une influence mutuelle. Leurs actions spectaculaires sont conçues afin d’être photographiées ou filmées, puis relayées par les médias. Les deux statuts viennent à se confondre chez certains, tels les activistes Yes Men, qui excellent dans l’art de la mise en scène et de la falsification, rejoignant là un domaine de compétence cher aux artistes27. Les deux pratiques se rencontrent même à l’occasion de la collaboration inédite entre Uriburu et Greenpeace (1998-201028). Le geste d’Uriburu qui consiste à colorer en vert la surface de plans d’eau afin d’évoquer les pollutions aquatiques pourrait être l’œuvre d’un militant de Greenpeace, ce que l’organisation et l’artiste mirent en commun.
- 29 HeHe, Le Nuage vert, Ivry-sur-Seine, 2010.
- 30 « En 1997, nous étions considérés comme des ultra-écologistes car nous faisions du tree-sitting (...)
12En France, plusieurs actions d’artistes sont remarquées. Dans la lignée des actions d’Uriburu, HeHe réalise une installation lumineuse dans l’espace urbain signalant la pollution atmosphérique29. Le collectif Libérons le Louvre manifeste contre le mécénat du musée parisien par les industries des combustibles fossiles. Mais les grandes figures que sont Uriburu et Joseph Beuys, et leurs actions engagées n’ont pour le moment pas d’équivalent sur la scène nationale, à moins que les acteurs institutionnels considèrent ainsi certaines actions d’Art Orienté Objet30 ou Darné, rétroactivement.
Premières apparitions publiques et institutionnalisation des pionniers
- 31 Bénédicte Ramade, Infortunes de l’Art écologique américain depuis les années 1960, op. cit., p. (...)
13Lorsqu’ils réalisent leurs projets dans les années 1970-1980, les pionniers nord-américains connaissent quelques difficultés à faire valoir leurs pratiques au sein des institutions. « [Leur] volonté d’être […] totalement centrés sur l’environnement et ses composants » ne favorise pas la réception de leurs œuvres. « L’art écologique a été éclipsé par des œuvres plus symboliques ou didactiques31 », observe Ramade. Les Land artists bénéficièrent d’un soutien institutionnel plus important. Néanmoins, à la lecture de leurs notices biographiques respectives, nous nuancerons l’analyse de Ramade. Les œuvres des Harrison, Johanson, et Ukeles, Denes dans une moindre mesure, ont bien été exposées dans les institutions états-uniennes au cours des années 1970-1980. Les artistes ont été régulièrement sollicités, que ce soit pour des expositions collectives, personnelles ou des commandes publiques.
- 32 Mierle Laderman Ukeles, Re-Spect, Quai de la Navigation, Rhône, Givors, 28 octobre 1993, 17h-18h (...)
- 33 [https://feldmangallery.com/artist-home/mierle-laderman-ukeles], consulté le 29 janvier 2021.
- 34 En 2016, le Frac Lorraine acquiert les œuvres suivantes : Touch Sanitation, 1977, ensemble de ph (...)
14À partir des années 1990, les institutions françaises commencent à accueillir les projets des pionniers. En 1993, l’Institut pour l’Art et la Ville de Givors (Rhône) invite Ukeles. Avec les employés des services communaux, l’artiste conçoit le projet Re-Spect : un ballet de camions en hommage à leurs activités professionnelles – collecte des ordures, nettoyage des espaces publics, jardinage, etc. –, et un ballet de bateaux sur le Rhône en hommage aux fabriques de verrerie anciennement établies dans la région32. Cent enfants participent au projet et distribuent aux adultes des paires de gants usagés, rappelant le passé industriel local. La création est soutenue par le Ministère de la Culture et la Drac Rhône-Alpes, relayée dans la presse régionale (Le Progrès) et nationale (Le Monde, le mensuel britannique Art Monthly) ainsi qu’à la télévision (CNN)33. En 1997, Ukeles est à nouveau sollicitée dans le cadre de l’exposition « Vraiment : féminisme et art » au Magasin (Grenoble). Ces dernières années, l’œuvre d’Ukeles est remise à l’honneur par les institutions françaises. Plusieurs documents relatifs à son œuvre majeure Touch Sanitation sont acquis par le Frac Lorraine en 2016 et sont depuis régulièrement exposés34.
- 35 Bettina Laville et Jacques Leenhardt, Villette-Amazone : manifeste pour l’environnement au XXIe (...)
- 36 Gilles A. Tiberghien, Nature, Art, Paysage, Arles, Actes Sud & Centre du Paysage, ENSP Versaille (...)
- 37 [http://www.projetcoal.org/coal/prix-coal-2014/], consulté le 30 janvier 2021. En 1975, les Harr (...)
15En 1996, Le Cycle du Lagon (1973-1984) des Harrison est présenté lors de l’exposition « Villette-Amazone » organisée par le Comité 21, le Comité français pour l’environnement et le développement durable. L’intégralité de la fresque, cent huit mètres de long et deux mètres quarante de haut du premier au septième cycle, est reproduite au sein du catalogue, les textes étant traduits en français35. L’année suivante, le Centre Pompidou acquiert l’ensemble de l’œuvre. Dans son ouvrage Nature, Art, Paysage, paru en 2001, Tiberghien consacre quelques pages à cette œuvre36. Forts de cette dynamique, les Harrison sont invités par les Abattoirs de Toulouse entre 2000 et 2002. Ils réactivent Shrimp Farm, Survival Piece # 2. Notations on the Ecosystem on the Western Saltworks : with the Inclusion of Brine Shrimp (« Considérations sur l’écosystème des marais salants de l’Ouest avec introduction de crevettes salines », 1971), un prototype de ferme aquacole combinant élevage de crevettes et variations du taux de salinisation en quatre bassins. En 2002, l’œuvre est exposée à Toulouse puis acquise par les Abattoirs. En 2010, les Harrison sont interviewés par Blanc à l’occasion de la publication du livre de réflexion et d’entretiens Écoplasties. Art et environnement (tout comme Ukeles et Hans Haacke). En 2014, à l’occasion du prix Coal, les Harrison présentent à nouveau leur projet A Lake for Les Halles (1974-2014), « une proposition d’aménagement37 » imaginée pour le site parisien des Halles alors en cours de réhabilitation. Leur projet consiste en la transformation du site des Halles en un parc forestier, avec un lac central relié à la Seine et utilisé comme aquarium afin d’observer en sous-sol la faune et la flore aquatiques.
- 38 Agnes Denes et Florence Derieux, Agnes Denes: Work 1969-2013, catalogue d’exposition (Colchester (...)
- 39 Hélène Guenin, Gustav Metzger: remember nature, catalogue d’exposition (Nice, Mamac, 2017), Mila (...)
16Les expositions de Ukeles et des Harrison dans les années 1990 n’ont pas été suivies d’autres projets institutionnels en France. Il faut attendre la fin des années 2000 pour qu’une nouvelle dynamique en art écologique soit enclenchée par les institutions. Ces dernières années, deux rétrospectives de figures historiques méconnues du public ont lieu pour la première fois. En collaboration avec le centre d’art Firstsite (Colchester) le Frac Champagne-Ardenne produit l’exposition « Agnes Denes : Work 1969-201338 ». Le Mamac de Nice produit l’exposition de Gustav Metzger « Remember Nature » (2017)39.
Le faible soutien des générations suivantes ?
- 40 Lauranne Germond, dans Roxana Azimi, « L’art “anthropocène” pas si facile », Le Monde, 1er septe (...)
- 41 Alice Audouin, dans « Il est temps qu’advienne une mobilisation plus large des artistes. Entreti (...)
- 42 d.c.a. : association française de développement des centres d’art contemporain.
- 43 [https://www.projetcoal.org/coal/coal-art-developpement-durable/], consulté le 12 juillet 2020.
- 44 Entre autres, La Diagonale Paris-Saclay (Université Paris-Saclay), AirLab (Université de Lille), (...)
17Depuis plusieurs années, les acteurs institutionnels œuvrant à l’essor de l’art écologique dénoncent l’insuffisance générale de moyens. « Il n’y a pas assez de ressources humaines et financières pour sortir de la niche40 », signale en 2014 Lauranne Germond, directrice de Coal. « Il manque encore bien des choses pour que l’art en lien avec les enjeux environnementaux puisse avancer, réitère en 2020 Alice Audouin, directrice d’Art of Change 21, les artistes sont là mais pour le reste tout manque ! Formation, commissaires spécialisés, livres, expositions, débats, outils, modes de financement… Nous sommes si peu nombreux en France à agir sur ces sujets41… ». De fait, peu de centres d’art français dédient leur programmation aux problématiques écologiques. Le Centre d’Art Informel de Recherche sur la Nature (Digne-les-Bains) et le Centre International d’Art et du Paysage de l’Île de Vassivière s’y attèlent en partie, soit 4 % des centres d’art français parmi les 49 centres d’art membres du réseau d.c.a.42. À ces deux centres d’art s’ajoute Rurart, le seul centre d’art contemporain sous la tutelle du ministère de l’Agriculture. Bien sûr, les expositions des pionniers en témoignent, tous les centres d’art peuvent ponctuellement accueillir une œuvre voire une exposition d’art écologique. Certaines institutions privées produisent quant à elles régulièrement des expositions au sujet de thématiques écologiques, en particulier le Musée de la Chasse et de la Nature Fondation François Sommer (Paris) et la Fondation EDF (Paris). Suspecter la Fondation EDF d’user de stratégies de greenwashing est logique compte tenu des activités de l’entreprise. Cette critique s’avère malgré tout délicate à soutenir. La Fondation programme des expositions au sujet des problématiques écologiques depuis de nombreuses années, présentant des œuvres traitant de thématiques variées, non pas seulement à propos des ressources énergétiques.) Enfin, l’association Coal créée en 2008 « dans le but de favoriser l’émergence d’une culture de l’écologie43 » – soutenue par le ministère de la Culture et le ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer – investit les sujets écologiques à travers différentes missions – remise d’un prix annuel, commissariat d’exposition, soutien à la production, création d’une plateforme de ressources en ligne, etc. –, de même que l’association Art of Change 21 créée en 2014. Quelques dispositifs de résidence sont également à signaler dont ceux mis en place par les académies scientifiques44.
- 45 [https://fracnouvelleaquitaine-meca.fr/collection/presentation/], [https://www.frac.corsica/Pres (...)
- 46 Notamment, Nicolás García Uriburu, Colorisations, 1970 (Centre Pompidou, 1978) ; Barbara et Mich (...)
18Un écart à la limite de la contradiction nous surprend tout de même. En effet, dans la présentation de sa politique d’acquisition, le Frac Nouvelle-Aquitaine identifie plusieurs axes dont celui des « enjeux sociétaux » parmi lesquels figure « la bombe à retardement écologique », le Frac Corse consacre ses activités de collection et de diffusion aux « questions environnementales », le Frac Normandie à « l’environnement45 »… Les artistes soutenus par les Frac correspondent pourtant peu au profil de l’artiste écologique, investi sur le terrain, rompu à l’immersion prolongée dans les écosystèmes. Les pratiques naturalistes classiques, non dénuées d’intérêt mais peu enclines à investir et interroger la dimension écosystémique, ont plus de succès auprès des acteurs institutionnels. La consultation des « collections en ligne » des Frac et du Cnap, en recherchant par mots clés, permet de constater le peu de résultats avec les mots « écologie », « écologique » et les nombreuses références d’œuvres avec « nature », « naturel ». Par exemple, les œuvres de Mark Dion et herman de vries sont très représentées dans les collections publiques françaises. En regardant plus en détail ces collections publiques, nous relevons
la présence discrète des artistes écologiques et écologistes depuis plusieurs décennies. Il s’agit d’achats et de dons isolés46, non-représentatifs d’une politique d’acquisition dédiée à l’art écologique.
Les choix thématiques et typologiques
- 47 À moins de considérer des expositions de moindre envergure (par exemple, Domaine départemental d (...)
19La portée polémique (politique) des sujets écologiques freine-t-elle les institutions dans leurs choix de programmation ? Plusieurs titres d’expositions internationales sont explicites : « Bulletin météo : l’art et le changement climatique » (Boulder Museum of Contemporary Art, 2007) ; « Nature morte : Art, écologie et politiques du changement » (Biennale de Sharjah, 2007) ; « L’éco-blanchiment. Environnement, périls, promesses et perplexités » (Fondation Sandretto Re Rebaudengo, Turin, 2008). Mais les expositions produites par les institutions nationales sont le plus souvent organisées à partir de thématiques connexes telles « Jardins » (Grand Palais, Paris, 2017), « Nous les arbres » (Fondation Cartier, Paris, 2019-2020)47. Néanmoins les expositions « Sublime. Les tremblements du monde » (Centre Pompidou, Metz, 2016) et « Vies d’ordures » (Mucem, Marseille, 2017) témoignent d’une considération manifeste pour les problématiques écologiques, en un infléchissement institutionnel notable. Les œuvres d’Amy Balkin, Ursula Biemann, Denes, Peter Goin, Metzger, les Orta et Uriburu entre autres y sont exposées.
- 48 Joanne Clavel, « L’art écologique : une forme de médiation des sciences de la conservation ? », (...)
- 49 op. cit.
- 50 Bénédicte Ramade, Infortunes de l’Art écologique américain depuis les années 1960, op. cit., p. (...)
- 51 Lara Almarcegui, A wasteland on the banks of the Ebro, 2008 ; Amy Balkin, Public smog, 2004-en c (...)
20Parmi les corpus d’œuvres et les typologies proposés par les historiens et les critiques, nous avons jusqu’à présent surtout lu des catégorisations donnant lieu à des classements généraux (Clavel, Germond) ou disparates (Ardenne, Tiberghien48). Une typologie plus précise ciblant les artistes « éco-activistes49 » est présentée dans le catalogue Sublime. Les tremblements du monde, en six rubriques : « signal », « pépinière », « réserve », « régénération », « refuge » et « coopération ». Peu convaincante à bien des égards – distinction peu évidente entre « refuge » et « réserve » ; plusieurs œuvres interchangeables entre rubriques ; seuls quatre artistes éco-activistes sur dix-neuf présentés, Balkin, Beuys, Ukeles, et dans une moindre mesure Buster Simpson ; David Nash, Christo et Jeanne-Claude dits « éco-activistes » ; absence d’Uriburu –, cette typologie nous invite à regarder à nouveau les corpus. À l’occasion de « Fragile Ecologies », Matilsky présente un corpus d’œuvres nettement circonscrit privilégiant « un profil très particulier de l’éco-artiste », « légitime dans le domaine scientifique50 ». En nous inspirant de la catégorisation de Matilsky, nous sommes à même d’envisager des typologies circonstanciées, selon nos centres d’intérêt. Il s’agit non plus de définir l’art écologique en tant que tel, mais de se focaliser sur l’une des dimensions de cet art, concourant
à instruire une spécificité. Par exemple, il existe actuellement un courant d’artistes utilisant des leviers légaux afin de préserver les écosystèmes. Représentatives de ce courant, les œuvres de Lara Almarcegui, Balkin et Darné51 peuvent donner lieu à l’élaboration d’une typologie d’actions légales, interrogeant le critère de l’efficience de l’œuvre d’art écologique. Dès lors, les catégorisations s’affinent, se ramifient, pour d’autres acceptions de l’art écologique.
- 52 Ramade remarque « cette façon de légitimer l’art dans le domaine de l’environnement (et ainsi de (...)
21Depuis les années 1980, l’art écologique est peu à peu, progressivement, exposé dans les institutions françaises. À partir des années 2010, l’accélération de l’exposition des œuvres écologiques est nettement perceptible, présageant sans doute, plus globalement, une institutionnalisation de l’art écologique, c’est-à-dire un soutien de la part des institutions publiques à la fois aux œuvres historiques (exposition, collection, conservation) et aux œuvres contemporaines (production, diffusion). La riche offre thématique de l’art écologique peut nourrir les intérêts institutionnels sur la durée. Dans la continuité des choix curatoriaux de Matilsky, les œuvres des pionniers nord-américains sont exposées en tant qu’œuvres paradigmatiques, sans doute par souci de légitimation52. Apparues de manière individuelle en France dans les années 1990, les œuvres de Ukeles et des Harrison semblent avoir eu peu d’impact immédiat, ne donnant pas lieu à d’autres projets institutionnels dans un premier temps. Ces dernières années, les œuvres des pionniers sont présentées au sein de corpus multi-générationnels. Elles apparaissent également au sein des collections publiques, confirmant un effort commun d’institutionnalisation de l’art écologique.
22Les expositions collectives d’art écologique étant très récentes en France, il demeure ardu de statuer sur la spécificité ou non d’un art écologique français (suite à l’établissement de l’art écologique nord-américain). Du reste, il est sans doute peu censé de porter de telles interrogations. Cette scène artistique se développe à l’échelle internationale, alors que les bouleversements écologiques intenses outrepassent les cadres nationaux. Nous remarquons par contre un certain retard « à la programmation » des institutions françaises, au regard des expositions internationales déjà réalisées au cours des années 1990-2000.
Notes
1 Entre autres, Bettina Laville et Jacques Leenhardt, « Villette-Amazone », Grande Halle de La Villette, Paris, 1996 ; Bénédicte Ramade, « Acclimatation », Villa Arson, Nice, 2008-2009 ; Bénédicte Ramade, « Rehab », Fondation EDF, Paris, 2010-2011 ; David Buckland, « Carbon 12 », Fondation EDF, 2012 ; Camille Morineau, « Climats artificiels », Fondation EDF, 2015-2016 ; Hélène Guenin, « Sublime. Les tremblements du monde », Centre Pompidou, Metz, 2016 ; Denis Chevalier, « Vies d’ordures », Mucem, 2017.
2 Le prix Coal est décerné à AOO en 2011 (mention spéciale), à Darné en 2012. Lucy Orta est membre du jury pour le prix Coal 2017. À partir de 1997, AOO organise le programme Veilleurs du Monde. En 2000, les Orta installent leur studio sur le site Les Moulins (Seine-et-Marne) avec notamment le projet d’y implanter des résidences. Depuis 2011, le collectif Le Parti Poétique fondé par Darné accueille également des artistes en résidence à Saint-Denis, dans le cadre du projet Zone Sensible.
3 Bénédicte Ramade, « Désir vert : négocier avec la bonne conscience environnementale », Marges n° 26, 2018, p. 70.
4 Paul Ardenne, « L’art vivant, au diapason de la culture environnementale », dans Id., Courants verts. Créer pour l’environnement, catalogue d’exposition (Paris, Espace Fondation EDF), Lormont/Bruxelles, Le Bord De L’eau/La Muette, 2020, p. 15.
5 Barbara C. Matilsky, « Art écologique : une réponse à des problèmes environnementaux », Fragile Ecologies. Contemporary Artists’ Interpretations and Solutions, catalogue d’exposition (New York, The Queens Museum of Art), New York, Rizzoli, 1992.
6 Gilles A. Tiberghien, « L’écologie du paysage comme métaphore artistique », Les Carnets du paysage, n° 3, Le paysage entre art et science 2, relier, Actes Sud, ENSP Versailles, printemps/été 1999, p. 50-51.
7 Nous nous appuyons ici sur la traduction de l’article de Matilsky par Ramade. Voir Bénédicte Ramade, Infortunes de l’Art écologique américain depuis les années 1960 : proposition d’une réhabilitation critique, thèse, Paris 1, 2013, p. 176.
8 Paul Ardenne, Un art écologique. Création plasticienne et anthropocène, Lormont/Bruxelles, Le Bord De L’eau/La Muette, 2018, p. 11.
9 Bénédicte Ramade, Infortunes de l’Art écologique américain depuis les années 1960, op. cit., p. 319. Ramade reprend-là les axiomes énoncés par Matilsky, dans op. cit., p. 56-58.
10 Paul Ardenne, op. cit., p. 11.
11 Bénédicte Ramade, Infortunes de l’Art écologique américain depuis les années 1960, op. cit., p. 258.
12 Nathalie Blanc et Julie Ramos, « Pratiques et pensées de l’art et de l’écologie », dans Nathalie Blanc et Julie Ramos (avec la collaboration de Bénédicte Ramade et Véronique Souben), Écoplasties. Art et environnement, Paris, Manuella, 2010, p. 9.
13 Bénédicte Ramade, Infortunes de l’Art écologique américain depuis les années 1960, op. cit., p. 319-320.
14 ibid., p. 176-170.
15 ibid., p. 176.
16 Barbara C. Matilsky, op. cit., p. 56. Traduction par nos soins.
17 Bénédicte Ramade, « Mutation écologique de l’art ? », Cosmopolitiques, n° 15, juin 2007.
18 Nathalie Blanc et Jacques Lolive, « Art écologique et paysage durable : réalisation d’un colloque international et du séminaire préparatoire. Rapport final », programme Paysage et développement durable (2005), Ministère de l’Écologie et du Développement Durable, 2008.
19 Selon l’expression d’Ernst Hæckel (1866).
20 « L’énoncé [le Jardin planétaire] propose un terme autour duquel chacun peut s’assembler quelles que soient son origine et ses raisons : jardin. Derrière lui, en grande tranquillité, l’écologie peut œuvrer, sans risque d’affrontements idéologiques, sans même avoir besoin de dire son nom », écrit Clément, dans Gilles Clément, « Du Jardin en Mouvement au Jardin Planétaire », Le Jardin en mouvement. De La Vallée au Jardin planétaire, Sens & Tonka, Paris, 1994-2001, p. 237-238.
21 Marion Laval-Jeantet, dans « Art Orienté Objet en campagne pour un lac » (entretien avec Cyril Thomas), MCD Musiques & Cultures Digitales, L’internet voit vert, n° 65, décembre 2011-février 2012, p. 42.
22 « […] On a le gouvernement le moins intéressé par les questions écologiques depuis pratiquement quarante ans. Ce calme, cette espèce de magnifique, lent train de sénateurs, au sens propre du terme, s’applique maintenant à l’histoire humaine alors que l’histoire naturelle, elle, s’agite », dit Bruno Latour, dans Sylvain Bourmeau, « Anthropologie du Futur/Crise du Futur », La Suite dans les idées, France Culture, 7 septembre 2013, 8’10’’-8’20’’/16’40’’-17’25’’, émission enregistrée en direct du Palais de Tokyo à Paris, [http://www.franceculture.fr/emission-la-suite-dans-les-idees-anthropologie-du-futur-crise-du-futur-2013- 09-07], consulté le 5 mars 2021.
23 Bénédicte Ramade, « De l’écologie à l’environnement. Une histoire de pratiques », dans Paul Ardenne, op. cit., 2020, p. 39.
24 Bénédicte Ramade, Infortunes de l’Art écologique américain depuis les années 1960, op. cit., p. 260-68.
25 Paul Ardenne, op. cit., 2018 et Bénédicte Ramade, op. cit., 2020.
26 Auteur non précisé, « Éco-activisme : pour une topographie subjective des pratiques environnementales », dans Hélène Guenin (sld.), Sublime. Les tremblements du monde, catalogue d’exposition (Metz, Centre Pompidou), Metz, Centre Pompidou-Metz, 2016, p. 156-157.
27 Par exemple, les Yes Men réalisent une action contre la société Dow Chemical le 3 décembre 2004, lors du vingtième anniversaire de la catastrophe de Bhopal, action retransmise sur BBC International : « The Yesmen », dans Biennale de Paris, XV - Quinzième édition, Biennale de Paris, février 2007, p. 0857-0864.
28 Isabelle Hermann, « Nicolás Uriburu : Greenpeace à la rescousse ! », Espace, Formes de l’écologie, n° 110, 2015. Uriburu et Greenpeace firent ensemble également l’usage de banderoles suspendues sur des éléments bâtis.
29 HeHe, Le Nuage vert, Ivry-sur-Seine, 2010.
30 « En 1997, nous étions considérés comme des ultra-écologistes car nous faisions du tree-sitting pour défendre la forêt de Fontainebleau ! », témoigne Marion Laval-Jeantet, dans MCD Musiques & Cultures Digitales, L’internet voit vert, op. cit.
31 Bénédicte Ramade, Infortunes de l’Art écologique américain depuis les années 1960, op. cit., p. 367 et p. 260.
32 Mierle Laderman Ukeles, Re-Spect, Quai de la Navigation, Rhône, Givors, 28 octobre 1993, 17h-18h, avec 27 camions d’assainissement, des parcs et jardins et de pompiers, 3 barges, 100 tonnes de verre de cobalt broyé et 100 écoliers.
33 [https://feldmangallery.com/artist-home/mierle-laderman-ukeles], consulté le 29 janvier 2021.
34 En 2016, le Frac Lorraine acquiert les œuvres suivantes : Touch Sanitation, 1977, ensemble de photographies, lettre ; Artist’s Letter of Invitation Sent to Every Sanitation Worker with Performance Itinerary for 10 Sweeps in All 59 Districts in New York City, lettre dans une brochure, 1979.
35 Bettina Laville et Jacques Leenhardt, Villette-Amazone : manifeste pour l’environnement au XXIe siècle, catalogue d’exposition (Paris, Grande Halle de la Villette), Arles, Actes Sud & Labor & Leméac, 1996, p. 177-205.
36 Gilles A. Tiberghien, Nature, Art, Paysage, Arles, Actes Sud & Centre du Paysage, ENSP Versailles, 2001, p. 183-185.
37 [http://www.projetcoal.org/coal/prix-coal-2014/], consulté le 30 janvier 2021. En 1975, les Harrison exposèrent également à Paris un Projet pour la Défense.
38 Agnes Denes et Florence Derieux, Agnes Denes: Work 1969-2013, catalogue d’exposition (Colchester, Firstsite, 2013/Reims, Frac Champagne-Ardenne, 2013-2014), Milan, Mousse, 2016.
39 Hélène Guenin, Gustav Metzger: remember nature, catalogue d’exposition (Nice, Mamac, 2017), Milan, Silvana, 2017.
40 Lauranne Germond, dans Roxana Azimi, « L’art “anthropocène” pas si facile », Le Monde, 1er septembre 2014.
41 Alice Audouin, dans « Il est temps qu’advienne une mobilisation plus large des artistes. Entretien avec Alice Audouin, directrice de Art of Change 21 », Courants verts. Créer pour l’environnement, op. cit., p. 64.
42 d.c.a. : association française de développement des centres d’art contemporain.
43 [https://www.projetcoal.org/coal/coal-art-developpement-durable/], consulté le 12 juillet 2020.
44 Entre autres, La Diagonale Paris-Saclay (Université Paris-Saclay), AirLab (Université de Lille), Arts & Sciences (Université de Franche-Comté).
45 [https://fracnouvelleaquitaine-meca.fr/collection/presentation/], [https://www.frac.corsica/Presentation-du-FRAC-Corsica_a1.html], [http://www.fracnormandierouen.fr/fr/collection/0/], consulté le 1er février 2021.
46 Notamment, Nicolás García Uriburu, Colorisations, 1970 (Centre Pompidou, 1978) ; Barbara et Michael Leisgen, Pink Depression, 1982 (Centre Pompidou, 1983) ; Hans Haacke, Creating Consent, 1981 (Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne, 1987) ; Peter Fend, Offshore Soil Rig, 1993 (Frac Poitou-Charentes, 1993) ; Joseph Beuys, 7 000 Eichen, multiple de la pelle (Cnap, 2001) ; Agnes Denes, Rice/Tree/Burial, 1977 et Tree Mountain – A Living Time Capsule, 1992-1993 (Frac Lorraine, 2011 et 2015) ; Suzanne Husky, Wash, 2011-2012 (Frac Occitanie, 2012) ; Suzanne Husky, The last frontier du vivant, ZAD Urrugne, 2015 et Euro War Rug, 2016 (Frac Nouvelle-Aquitaine, 2016).
47 À moins de considérer des expositions de moindre envergure (par exemple, Domaine départemental de Chamarande & Coal, « Milieux », 2013 ; Yann Toma, « Le Méridien médiatique », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2015 ; Université de Toulouse, « Interractions », Quai des arts, Cugnaux & Grenier du Chapitre, Cahors, 2016 ; Frac Lorraine, « La Langue verte des arbres », Médiathèque Joseph Schaefer, Bitche, 2018) ou bien dans les institutions privées (par exemple, Barbara Polla, « Warning shot », Topographie de l’art, Paris, 2017).
48 Joanne Clavel, « L’art écologique : une forme de médiation des sciences de la conservation ? », Natures Sciences Sociétés, n° 20, 2012 ; Lauranne Germond, dans « Restaurer, avec l’aide des artistes, notre lien intime au vivant. Entretien avec Lauranne Germond, Coal », Courants verts. Créer pour l’environnement, op. cit., p. 43-45 ; Paul Ardenne, op. cit., 2018 ; Gilles A. Tiberghien, « Hors champs », Land Art, Paris, Carré, 1993-2012, p. 258-301.
49 op. cit.
50 Bénédicte Ramade, Infortunes de l’Art écologique américain depuis les années 1960, op. cit., p. 337.
51 Lara Almarcegui, A wasteland on the banks of the Ebro, 2008 ; Amy Balkin, Public smog, 2004-en cours ; Olivier Darné, La banque du miel/Compte épargne abeilles, 2009-en cours.
52 Ramade remarque « cette façon de légitimer l’art dans le domaine de l’environnement (et ainsi de chercher à écarter les soupçons d’opportunisme en montrant des artistes historiques) », dans Infortunes de l’Art écologique américain depuis les années 1960, op. cit., p. 368.
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Référence papier
Benjamin Arnault, « L’émergence de l’art écologique au sein des institutions françaises », Marges, 33 | 2021, 32-42.
Référence électronique
Benjamin Arnault, « L’émergence de l’art écologique au sein des institutions françaises », Marges [En ligne], 33 | 2021, mis en ligne le 02 janvier 2024, consulté le 23 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/2649 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/marges.2649
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