De l’espace de résistance au lieu de l’institution : histoire londonienne d’Autograph ABP
Résumés
Le récit proposé dans cet article est celui de la nécessaire, mais paradoxale, institutionnalisation d’un engagement photographique et politique. Autograph ABP s’évertue depuis sa création à la fin des années 1980, à porter les noms des auteurs-photographes issus des diasporas caribéenne, africaine et indienne en Angleterre. Au fil des années il permettra de reconnaître, légitimer et diffuser les pratiques individuelles de photographes dits Black British. Idée utopiste, puis projet politique et enfin institution hybride, Autograph ABP se présente tour à tour comme un collectif, une association, une agence, une archive, une bibliothèque, un centre de recherches, une maison d’édition et un lieu d’expositions. Faire le récit d’Autograph ABP c’est raconter son évolution, celle d’un espace militant devenu institution culturelle, après avoir été un artist-run space.
Plan
Haut de pageTexte intégral
- 1 Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Paris, Seuil, 1952, p. 93.
« Puisque l’autre hésitait à me reconnaître, il ne restait qu’une solution : me faire connaître1 »
Introduction
- 2 Stuart Hall, « Black Narcissus », The Association of Black Photographers Newsletter, n° 20, juin (...)
1Par définition, l’autographe est l’inscription de son propre nom sous une forme particulière et reconnue. Quand les fondateurs d’Autograph ABP [Association of Black Photographers] décident de se nommer ainsi, c’est aussi pour faire connaître et reconnaître leurs productions singulières. Depuis sa création à Londres, à la fin des années 1980, Autograph ABP vise à élever les noms des photographes issus des diasporas caribéenne, africaine et indienne. L’histoire de cette organisation est l’exposé d’un combat pour une « visibilisation », habitée par des stratégies visant une double légitimation : celle du médium photographique et celle de ses opérateurs. Selon Stuart Hall, instigateur et parrain de l’organisation, l’objectif est de « promouvoir et d’encourager le travail des photographes Noirs aux niveaux national et international2 ». Cette déclaration traduit la vision globale des membres fondateurs – Sunil Gupta, Monika Baker, Rotimi Fani-Kayode, Armet Francis, Michael Jess, Lance Watson et Merle Van Den Bosch – mais la raison d’être d’Autograph ABP évolue conjointement avec la modification de ses enjeux au fil des années. Idée utopiste, puis projet politique et enfin institution hybride, faire le récit d’Autograph ABP c’est raconter son évolution d’un espace militant à une institution culturelle. Ses statuts se transforment entre les mains de ceux qui en ont la direction et de ceux qui la financent. Ainsi, au-delà de la quête d’une définition – que nous ne saisirions que partiellement – c’est l’institutionnalisation de l’organisation et ses multiples gestes instituants qui méritent notre attention. Fondamentalement, quelles sont les actions qui vont établir Autograph ABP ?
- 3 L’auteure souhaite remercier Lance Watson, Merle Van Den Bosch, Mark Sealy, Monika Baker, Sunil (...)
- 4 Jenny Bourne, « “May We Bring Harmony?” Thatcher’s Legacy on “race” », Race & Class, vol. 55, n° (...)
- 5 Simon Peplow, Race and Riots in Thatcher’s Britain, Manchester, Manchester University Press, 201 (...)
- 6 Le terme anglais de britishness, « britannicité » en français, est utilisé pour qualifier ce qui (...)
- 7 L’Arts Council est un organisme public non ministériel qui se consacre à la promotion des beaux- (...)
2Ces actes sont avant tout le fait des personnes qui ont travaillé, avec détermination, à la construction de l’organisation3 La conceptualisation, la création, le développement et l’institutionnalisation d’Autograph relèvent d’un complexe enchevêtrement de conditions dont la première est peut-être la conjoncture anglaise des années 1980 encadrées par les deux mandats de Margaret Thatcher (1979-1990). Même si la Première Ministre n’est pas la seule responsable du paysage socio-politique des années 1980, sa politique entraîne une crise générale aux yeux de ceux qui se battent pour la reconnaissance des égalités de classe, de race, de genre et de sexualité4 Dès les premiers instants de sa campagne, Thatcher se distingue par sa forte position anti-immigration. Les tensions sociales reposant sur des questions de différences ethniques et raciales se manifestent au moins deux fois au cours de cette décennie : d’abord avec les soulèvements de 1981 qui ont lieu dans les principaux centres urbains du pays, puis à nouveau en 1985 avec les « émeutes raciales » (race riots5). En 1985, le groupe de jazz britannique Working Week reprend le Inner City Blues de Marvin Gaye et offre ainsi une bande sonore grinçante à cette décennie. En tant que Première Ministre, Margaret Thatcher énonce l’idée d’une « crise de la britannicité6 », notamment à travers le sujet de l’immigration et de ses conséquences. Conjointement, cette décennie est profondément marquée par le néologisme Black British : non pas Noir ou Britannique, mais bien Noir et Britannique soit la construction d’un seul et même terme composé de deux mots sans trait d’union, simplement juxtaposés. Formule composée d’un marqueur d’ethnicité et d’un indice de nationalité, elle perturbe l’immuabilité du mythe d’une « britannicité » blanche anglo-saxonne et suggère la nécessité d’une nouvelle conception d’un « être britannique ». Si au niveau national, les années 1980 sont celles de Thatcher, au niveau local se sont celles du travailliste Ken Livingston, à la tête de l’organe administratif principal de la capitale, le Great London Council (GLC). Mais en 1986, Thatcher signe la mise à mort du GLC et du règne de « Ken le Rouge ». L’action culturelle de Livingston et son entreprise pour l’inclusion des minorités pose cependant les jalons des possibilités institutionnelles qui seront reprise par le Arts Council et essentiel à la mise en route du projet Autograph7
- 8 Benedict R. Anderson, Imagined Communities: Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, (...)
- 9 Hans Haacke, « Museums, Managers of Consciousness » (1984) dans Alexander Alberro, Blake Stimson (...)
- 10 David Graeber, Direct Action: An Ethnography, Édimbourg, AK, 2009, p. 532.
3Ordinairement, l’institution culturelle connaît un lien étroit avec le fait national. En effet, les organisations culturelles sont régulièrement envisagées comme des outils par lesquels les nations « s’imaginent » selon Anderson8, ou sont considérées comme des « gestionnaires de conscience », selon Hans Haacke9 Ainsi la possibilité de voir émerger Autograph ABP répond à la nécessité d’imaginer une britannicité kaléidoscopique. Héritière de la critique institutionnelle de la fin des années 1960 et du début des années 1970, la critique institutionnelle, telle qu’incarnée par les artistes et penseurs Black British des années 1980, se transforme foncièrement : il n’est plus question d’essayer de quitter l’institution culturelle mais plutôt de l’intégrer – dans l’idée d’une reconnaissance – et discuter ses défaillances de « l’intérieur ». C’est donc cette analyse que nous souhaitons proposer dans ce texte : comment passe-t-on de l’espace de résistance au lieu de l’institution ? Est-il possible d’institutionnaliser les luttes et les révoltes ? Est-il possible d’endiguer l’esprit insurgé ? Selon l’anthropologue David Graeber, il s’agirait en quelque sorte d’une continuité logique de notre société : « dans le cas d’une insurrection, on commence par des batailles dans les rues, des débordements d’effervescence populaire et des festivités. Ensuite, on passe à la création de nouvelles institutions, de nouveaux conseils, de nouveaux processus décisionnels et, finalement, à la réinvention de la vie quotidienne10 ». Alors, l’institution devient peut-être une manière de pérenniser les revendications et alors Autograph ABP deviendrait la promesse d’un quotidien culturel inclusif.
4En substance, dans cet article nous souhaitons livrer l’histoire peu connue d’un lieu pourtant essentiel à l’histoire de la photographie britannique et mondiale, et proposer une analyse inédite d’un espace de résistance officialisé. Dans ce travail, nous suivrons l’évolution chronologique d’Autograph ABP depuis sa création à la fin des années 1980 jusqu’au début des années 2000 et ponctuerons notre exploration par les débats qui l’ont jalonnée : de la reconnaissance à l’institutionnalisation en passant par la légitimation.
Les années 1980 : imaginer une communauté,organiser une association
- 11 Noir avec une majuscule renvoie à une identité choisie, en lien avec une histoire et une culture (...)
- 12 Jo Spence, « Questioning Documentary Practice? The sign as a site of struggle », Cultural Snipin (...)
- 13 Monika Baker, Entretien avec l’auteure, 22 avril 2020.
- 14 L’Arts Council commence à soutenir les expositions photographiques à partir de 1967, lorsque sa (...)
- 15 Entretien de l’auteure avec Roshini Kempadoo le 14 juillet 2020 et avec Sunil Gupta le 28 août 2 (...)
5Un soir d’avril 1987, dans la chambre d’hôtel de Monika Baker, des photographes Black British se retrouvent pour débattre du programme en cours de la Conférence Nationale de la Photographie organisée par l’Arts Council à Salford. À cette conférence, il est question de
l’indépendance de la photographie au moment où le GLC vient d’être supprimé. Les acteurs sont dans l’incertitude quant à l’avenir financier du médium. Aux derniers rangs de l’auditorium, il est aussi question de la décolonisation de la photographie et de la reconnaissance des auteurs Noirs11 Les débats sont vifs, voire violents, comme le raconte la photographe Jo Spence12 Organisée tel un « coup » contre l’ordre du jour, ou une prise de contrôle sur le programme, la conférence devient le terrain de la colère des photographes Black British ignorés, isolés et désespérés. Interrogée sur cet événement, Monika Baker le décrit comme « [leur] Marche de Montgomery13 », mettant en lumière la dimension militante de cet événement. Les oppositions sont finalement entendues et la liste des demandes des photographes considérée. Sur cette base, le Arts Council – représenté par Barry Lane14 – invite les concepteurs d’images et de révolutions, à réfléchir à la constitution d’une organisation dédiée à la photographie Noire. Roshini Kempadoo, autre membre pionnière d’Autograph, décrit les premières aspirations de voir émerger une espace autonome ; Sunil Gupta, quant à lui, se souvient de l’idée d’un espace coopératif15 Cette invitation de Barry Lane, marque la première étape de l’institutionnalisation : l’État – ici sous la forme de l’Arts Council – et son influence toute particulière, exercent leur force de légitimation.
- 16 Saul David Alinsky, Reveille for Radicals, Chicago, University of Chicago press, 1946 ; Saul Dav (...)
- 17 Le groupe était composé de cinq membres clés : David A. Bailey, Marc Boothe, David Lewis, Gilber (...)
- 18 Sunil Gupta, « The Foundation of Autograph ABP—Diary Notes », Autograph ABP Newsletter, n° 34, o (...)
- 19 David A. Bailey, « Reflections of the Black Experience », Creative Camera, 6 juin 1986, p. 8.
6Mais cette organisation de la communauté photographique est aussi entremêlée de tactiques militantes et d’organisation des esprits révoltés telles que professées par Saul Alinsky16 Les événements d’avril 1987 à Salford, sont la conséquence d’années d’organisation selon deux stratégies conjointes : la constitutions de collectifs d’abord et l’élaboration d’expositions collectives ensuite. Deux collectifs de photographes furent essentiels au lancement d’Autograph : le Black Photographers Collective fondé en 1976 par Lance Watson et Merle Van Den Bosh qui comptera une douzaine de membres et D-Max établit en 1985 par David A. Bailey, Marc Boothe et Eddie Chambers17 Entre 1987 et 1988, la rencontre de membres clés appartenant à ces deux groupes et leur reformation ultérieure en une alliance créative deviendra le noyau dur des photographes qui travailleront à l’établissement de l’association. Le Black Photographers Collective et D-Max, créés à presque 10 ans d’intervalle, incarnent cependant deux générations différentes d’opérateurs ayant une compréhension très différente du médium, la première plutôt documentaire, la seconde plus plasticienne. Les expositions collectives de photographes Black British apparaissent aussi au début des années 1980. En 1983, Sunil Gupta, alors étudiant au Royal College of Art, organise ce qu’il décrit comme la première exposition questionnant la rencontre entre les questions de race et le médium photographique à Londres18 Le GLC, invité, visite cette exposition, ce qui donnera lieu par la suite à la mise en place de commissions pour les photographes Black British. Trois ans plus tard, en 1986, le GLC sera à l’initiative, de l’exposition Reflections of the Black Experience à la Brixton Art Gallery et dont le commissariat sera assuré par Monika Baker19 L’exposition doit alors être envisagée comme un mode d’apparition ; elle permet aux photographes d’émerger de l’ombre. C’est aussi un facteur crucial à la mise en réseau social des photographes, permettant subséquemment une mise en réseau économique avec le GLC ou le Arts Council. Cependant, en Angleterre, à la fin des années 1980, la photographie vit à la périphérie des arts visuels et les infrastructures qui sont dédiées au médium à Londres sont petites et mineures comparées à d’autres institutions qui composent le tissu culturel anglais. Les expositions des photographes Black British se retrouvent ainsi à la marge de la périphérie. On comprend alors à quel point l’idée même d’un organisme comme Autograph ABP peut sembler tout à la fois utopique mais nécessairement urgente.
- 20 Parmar est une réalisatrice, productrice et scénariste britannique d’origine kényane.
- 21 Linda Ann Bellos OBE est féministe et militante des droits des homosexuels. Elle est élue au con (...)
- 22 « Autograph sees light of day », The British Journal of Photography, 4 août 1988.
- 23 Sunil Gupta, « The Foundation of Autograph ABP— Diary Notes », op. cit., p. 1.
- 24 ibid.
7De retour à Londres, Baker et Gupta, rejoint par Michael Jess se lancent dans la première étape administrative : réaliser une étude de faisabilité sur la création d’un organisme dédié à la promotion des auteurs Noirs. Avec la première subvention, les photographes œuvrent à la création de la structure associative qui permet d’établir le socle de la collaboration avec l’organisme de financement. Rotimi Fani-Kayode, Armet Francis, Lance Watson et Merle Van Den Bosch sont aussi présents aux réunions de travail avec les agents de l’Arts Council qui accompagnent les photographes dans la finalisation de leur projet. La jeune association déménage à Brixton, dans le sud de Londres, dans un bureau au sein d’un bâtiment du nom de Bon Marché. Brixton est un lieu symbolique, à la fois terre d’accueil des soulèvements des années 1980 et lieu de résidence de l’intelligentsia Noire comme C.L.R. James. L’arrivée dans le bureau signale le passage d’un espace théorique à un espace tangible. Le 25 juillet 1988, l’association est officiellement inaugurée à la Photographers’ Gallery, alors installée à Covent Garden, en présence de Stuart Hall, Pratibha Parmar20, Linda Bellos21 et des membres de la communauté photographique22 Il s’agit de se mettre rapidement au travail, Sunil Gupta raconte les premières responsabilités : « Monika et moi partagions le travail de coordination. Rotimi Fani-Kayode fut le premier président de l’association. Ce fut une énorme courbe d’apprentissage : mettre en place les aspects administratifs, remplir les formulaires de financement et mobiliser les photographes Noirs23 ». Les deux premières années de l’association fonctionnent sur la base de l’adhésion et d’une cotisation annuelle de cinq livres. Les membres produisent aussi des tee-shirts avec le logo d’Autograph dans la perspective de générer un revenu. Car la viabilité financière est un enjeu central pour l’association et pour les photographes. C’est aussi pour cette raison que Baker, Gupta et Kempadoo lancent et gèrent, dès mai 1989, une petite agence. L’association est multivocale ; sa structure s’oppose à un système de décision pyramidale ou linéaire, et valorise son terreau kaléidoscopique. Elle est un véritable forum : tous les membres ont une voix. Mensuellement, à travers la publication de la lettre d’information, des appels à idées, à contributions ou à participations mettent en valeur les possibilités et les potentialités du collectif. Mais « les attentes sont très vite très hautes. Il y a des déceptions et des épuisements24 ». L’association honore les débats mais les dissonances sont nombreuses : comme l’égalité hommes-femmes ou encore les divergences esthétiques et ontologiques sur le médium.
- 25 Paul O’Neil, « The Curatorial Turn: From Practice to Discourse » dans Jelena Filipovic et al. (s (...)
- 26 ibid., p. 244.
- 27 Mathilde Bertrand, « The Half Moon Photography Workshop and Camerawork: Catalysts in the British (...)
- 28 Stuart Hall, « Autoportraits. Black Narcissus », Newsletter Autograph ABP, n° 4, février 1990, p (...)
8Dès ses premiers instants de vie, Autograph développe un système d’expositions itinérantes. Comme le rappelle Paul O’Neill, « les expositions sont des outils politiques subjectifs25 » et les membres d’Autograph en ont conscience. À la fin des années 1980, l’exposition collective est partout le lieu de l’expérimentation26 et les membres fondateurs d’Autograph organisent leurs premières expositions thématiques : la toute première est organisée en 1987 pour le Conseil de l’Europe dans les Chambres du Parlement. Il s’agit de trente-deux panneaux A2 contrecollés avec des photographies de style documentaire réalisées par Rotimi Fani-Kayode, Armet Francis et Sunil Gupta à Bradford et à Londres. La deuxième exposition, « Autoportraits », souvent considérée comme inaugurale, est accueillie par la Half Moon Gallery en mars 1990 et montre les travaux de Monika Baker, de Allan deSouza, de Joy Gregory, de Sunil Gupta, de Lyle Ashton Harris, de Mumtaz Karimjee et de Roshini Kempadoo27 L’exposition consolide la collaboration entre l’association et Stuart Hall qui signe un essai dans le catalogue discutant de la mission de Autograph ABP et de l’importance de l’autoreprésentation des identités Noires28
- 29 David A Bailey, « Editorial », Newsletter Autograph ABP, n° 21, août-septembre 1991, p. 1.
9En 1989, l’arrivée de David A. Bailey, ancien membre fondateur de D-Max, introduit une nouvelle réflexion sur l’avenir de l’association. Mais l’année 1989 est aussi celle du décès de Rotimi Fani-Kayode, premier président, et clé de voute, de l’association. Monika Baker et Sunil Gupta s’éloignent de la coordination centrale de l’association et décident de formaliser un poste de directeur qui reviendra à Mark Sealy. Cette nomination signe l’entrée dans une nouvelle ère pour l’association, résumé par David A. Bailey ainsi : « Le passage du comité de coordination fondateur à un nouveau comité de gestion […] indique que l’organisation commence à prendre une nouvelle direction29 ». Si David A. Bailey fait figure de transition entre l’ancienne garde – Baker et Gupta – et la nouvelle – Sealy – la nomination de Sealy en 1991 marque une nouvelle étape de la transition d’Autograph, passant d’un lieu de résistance à un espace d’institution.
Les années 1990 : de l’organisation outsider à l’institution hybride
- 30 Monika Baker, Entretien avec l’auteure, 22 avril 2020.
- 31 Mark Sealy, « An Open Letter », Newsletter Autograph ABP, n° 22, octobre 1991, p. 5.
- 32 Roshini Kempadoo, « A view from the chair », Newsletter Autograph ABP, n° 19, mai 1991, p. 1.
- 33 John R. Searle, « What is an institution? » dans John C. Welchman (sld), Institutional Critique (...)
10Lorsque Monika Baker et Sunil Gupta quittent la coordination d’Autograph, ils voient en Mark Sealy une personne qui « voyait le potentiel d’Autograph30 ». Il confirme cette intuition dès sa première « lettre ouverte » en tant que directeur dans laquelle il déclare : « L’objectif d’Autograph est de créer des opportunités et d’assurer le succès de ses membres31 ». Lors de sa nomination à la tête d’Autograph ABP, Mark Sealy n’est pas inconnu de l’association : il compte parmi les membres dès septembre 1989, puis devient encore plus actif en 1990 en participant à divers groupes de travail. Lorsque Sealy prend la direction de l’association, celle-ci a 150 membres. Tout en restant attachée à ses principes fondateurs, l’association débute dès 1991 une longue phase de restructuration. Il faut faire évoluer la structure, comme l’explique Roshini Kempadoo : « Autograph continue de se réorganiser structurellement […] Nous nous adaptons constamment pour répondre au mieux aux besoins d’une organisation qui évolue rapidement32 ». Ce sont ces décisions de restructurations qui vont « faire institution », comme l’explique John R. Searle : « l’objectif de l’acte d’“institution” est de créer un système, un ensemble de lois, un capital, etc., afin de garantir la stabilité et “le passage des actes sociaux aux faits institutionnels”33 ».
- 34 Alwyn W. Turner, A Classless Society: Britain in the 1990s, Londres, Aurum Press, 2013, p. 12.
- 35 Voir le rapport produit à la suite du meurtre raciste de Lawrence en 1993. MacPherson of Cluny, (...)
- 36 Mark Sealy, « Talk with David A. Bailey About the History », Newsletter Autograph ABP, n° 26, av (...)
- 37 Fondée à Bristol par Eddie Chambers en 1989, avec le financement de l’Arts Council et de la Fond (...)
- 38 Eddie Chambers, « Iniva: Everything Crash 1 », Afterall: A Journal of Art, Context and Enquiry, (...)
- 39 Mark Sealy, « An Open Letter », Newsletter Autograph ABP, n° 22, octobre 1991, p. 5.
- 40 La projection s’organise en collaboration avec le magazine Ten.8 dont Bishton est l’éditeur. Cet (...)
11Les années 1990 sont dominées par le mandat de John Major (1990-1997) à la tête du gouvernement. Cependant, cette nouvelle décennie conservatrice semble « réchauffer » les directions prises par Margaret Thatcher34 Malgré tout, la diversité est, petit à petit, tolérée au sein de la société tandis qu’un nouveau terrain juridique reconnaît et définit le racisme structurel35 Avec le déclin des agences de photographie de presse et l’avènement des Young British Artists, le marché se déplace et Sealy le comprend : il va falloir s’adapter au zeitgeist au risque de disparaître. En effet, beaucoup d’espaces n’ont pas survécu aux années 1980 comme la Half Moon Gallery. Si, rétrospectivement, la décision de devenir une organisation culturelle plutôt qu’une agence sauvera potentiellement l’existence d’Autograph, elle est aussi à l’image de l’évolution des pratiques qui laissent quelque peu de côté le style documentaire au profit d’une photographie plasticienne, plus expérimentale, se prêtant plus à cette nouvelle direction36 Ce deuxième temps de l’histoire d’Autograph ABP est avant tout une longue quête pour assoir sa légitimité, dès les premières discussions de renouvellement, l’accent est mis sur le développement des alliances et des collaborations avec une variété d’institutions, d’organisations, de groupes et d’individus. La progressive implantation dans le paysage culturel londonien, britannique et international se fait en collaboration avec d’autres organisations comme la Photographers’ Gallery, The African & Asian Visual Artists Archive37 et INIVA38 Pour Sealy, l’objectif est simple, il souhaite « voir des photographes Noirs […] régulièrement présentés dans divers espaces39 ». Il faut alors développer l’espace dans lequel opèrent les photographes : la participation d’Autograph aux Rencontres de la photographie d’Arles – festival estival et annuel de photographie fondé en 1970 – inscrit la structure à l’agenda des rendez-vous essentiels de l’écosystème photographique. Le 7 juillet 1993, au Théâtre Antique, une soirée intitulée « Rencontres au Noir » organisée par Mark Sealy et Derek Bishton, fait découvrir vingt auteurs au public français et international, avec en paysage sonore une lecture de textes de Franz Fanon40
- 41 « The Big Shift. Stuart Hall and Mark Sealy in conversation (October/November 1997) », dans Davi (...)
- 42 Stella Minahan, « The Organizational Legitimacy of the Bauhaus », The Journal of Arts Management (...)
- 43 Voir les 45e (1990-91) et 46e (1994-95) rapports et comptes annuels de l’Arts Council.
- 44 Mark Sealy, Entretien avec l’auteure, 21 février 2020.
- 45 Maura Reilly, Curatorial Activism. Towards an Ethics of Curating, Londres, Thames & Hudson, 2018 (...)
- 46 Nataša Petrešin-Bachelez, « For Slow Institutions », E-Flux Journal [https://www.e-flux.com/jour (...)
- 47 Mark Sealy, Entretien avec l’auteure, 21 février 2020.
- 48 Stuart Hall, Mark Sealy, Different, Londres, Phaidon, 2001.
12Selon Sealy, pour les photographes d’origines ethniques diverses il est nécessaire d’avoir un porte-parole institutionnel pour les aider à s’établir. En 1997, dans un entretien, il estime que « Les années 1990 ont vu la montée en puissance des organisations artistiques – en partie parce que les bureaucraties sont plus efficaces que les artistes seuls pour faire face à la concurrence dans un nouveau climat de financements mixtes41 ». Ainsi, les années 1990 sont des années de stabilisation financière pour l’organisation d’un côté, et d’initiation de nouveaux projects ambitieux de l’autre. Mark Sealy souhaite notamment voir la création d’une archive photographique et sécuriser des locaux pour accueillir Autograph. Stella Minahan décrit le système en vase-clos entre la nécessité de légitimation et l’obtention de financements : « Les organisations artistiques doivent acquérir et maintenir leur légitimité pour obtenir les ressources nécessaires à leur fonctionnement42 ». Cependant, en moins de dix ans, Sealy double la dotation de l’institution, passant de 30 760 £ en 1991 à 62 000,00 £ en 1998. Pour comparaison, en 1993 la Photographers’ Gallery perçoit 299 500 £ et la Whitechapel Art Gallery est dotée de 426 250 £ par le Arts Council. Autograph reçoit aussi des financements spécialement pour ses publications en 1994, soit 8 561 £, et pour le développement de ses projets à l’international en 199543 Aujourd’hui, Sealy résume ce parcours en ces termes : « nous demandons à l’État d’investir pour ses citoyens d’origines culturelles diverses. Nous avons plaidé pour que l’État prenne soin de la culture avec parité44 ». Porte-parole ou commissaire-activiste, Sealy aura « consacré presque exclusivement [son] travail curatorial à la culture visuelle dans, de et à la marge45 ». Les années 1990 sont aussi des années de formation pour Sealy, qui fait ses armes en tant que directeur et curateur. Nataša Petrešin-Bachelez propose de mettre au centre de sa définition de l’institution les acteurs qui la font, et c’est peut-être ce qui résume le mieux les années 1990 pour Autograph : « Une institution d’art contemporain peut être décrite comme un espace public, civique, citoyen ou commun, co-produit par son personnel et par la ligne continue d’acteurs – sujets ou objets – qui l’habitent temporairement46 ». Mais c’est son travail éditorial qu’il juge le plus important. Dans les années 1990, Autograph publie dix-huit livres de photographes : « Les expositions vont et viennent. Les numéros ISBN vivent pour toujours. Sinon, comment laisser quelque chose pour la postérité ? C’est la chose la plus importante que nous puissions encore faire47 ». Les publications ancrent Autograph dans sa fonction « patrimoniale », rôle nécessaire de l’institution artistique, car elle détermine ce dont on se souviendra et ce qui sera oublié. Cette « patrimonialisation » se cristallise avec la publication en 2001 de l’ouvrage Different que Sealy signe en collaboration avec Stuart Hall48 L’ouvrage sert d’état de l’art, un condensé historique efficace qui inscrit les photographes et leur institution dans un réseau éditorial prestigieux grâce à la maison d’édition Phaidon et à l’éditeur Chris Boot. L’ouvrage, au design épuré, n’a aucune photographie sur sa couverture mais deux paragraphes dont le lexique – frappant, explosion, luttes – donne au texte une allure de manifeste qui renoue avec les débuts de l’histoire de l’organisation. Il s’agit là d’écrire sa propre histoire : auto-graphie.
Les années 2000 : de la marge au centre ?
- 49 Bridget Cooks, Exhibiting Blackness: African Americans and the American Art Museum, Amherst, MA, (...)
- 50 C. Curran-Vigier, « From multiculturalism to global values: how New Labour set the agenda », Obs (...)
13La poétesse et militante afro-américaine June Jordan écrit en 1969 : « Emmène-moi au musée et montre-moi où je suis49 ». C’est à ce type d’énoncé, condensé de critiques institutionnelles, que la construction de locaux pour Autograph répond. L’année 2007 marque alors un moment notable de l’histoire culturelle et institutionnelle britannique. Cette troisième phase de développement correspond à l’inscription dans la durée de l’espace, oscillant entre institution artistique en bonne et due forme et empêcheur de tourner en rond. Ce projet se concrétise alors que Tony Blair (1997-2007) et le New Labour sont au pouvoir, en pleine ère du multiculturalisme à l’anglaise et du développement néo-libéral50 En 2000, l’amendement à la loi sur les relations raciales (Race Relations Act, 1976), interdisant avec plus de fermeté et de précision la discrimination raciale, donne de nouvelles couleurs à la société anglaise.
- 51 Dès 1994, à l’heure de gloire des yBas, est créé l’Institute of International Visual Arts. L’Ins (...)
- 52 Architecte né en 1966 en Tanzanie et diplômé du Royal College of Art en 1993. Il ouvre sa propre (...)
14La charge symbolique d’un tel projet s’accompagne d’une réalité organisationnelle. L’association mute et devient une organisation à but non lucratif. Construit sur la base d’une collaboration entre le privé et le public, le projet est rendu possible grâce aux 5,9 millions de livres de l’Arts Council, au 1,1 million de livres de la banque Barclays, ainsi qu’à une aide spécifique du National Lottery Heritage Fund pour le développement de son centre de recherche et de son archive. Dans la lignée de ses origines collectives, Autograph acquiert un toit en partenariat avec l’Institut International des Arts Visuels (INIVA)51 Rivington Place – adresse et nom du bâtiment – est situé à Shoreditch, quartier en vogue de la capitale anglaise. Le projet est conçu par David Adjaye52 et le bâtiment de cinq étages et de 1 400 m2 est inauguré en octobre 2007. Situé dans une rue étroite, le bâtiment – un volume imposant à la façade gris foncé – émerge en angle droit. L’architecture interprète et encadre les récits proposés par les expositions : le défi est de devenir un espace consacré mais pas sacralisé.
- 53 Nick Merriman, « The Peopling of London Project », dans Sheila Watson, Museums and their Communi (...)
- 54 Sunil Gupta, Entretien avec Stuart Hall, 11 min-14 min [https://vimeo.com/51527926], 2001. Retra (...)
15Avec ces nouveaux murs, la nouvelle maison pour la photographie Noire gagne en légitimité et en pouvoir mais la jeune galerie est parfois contestée et même attaquée. Délogée du sud de Londres et de son Brixton natal au profit de l’est gentrifié de la capitale, son nouvel écrin pourrait parfois être considéré comme intimidant et imposant. On pose la question à Autograph du lien entre ses communautés première et dernière53 Cette nouvelle position dans l’échiquier culturel fait d’Autograph ABP une institution tiraillée entre ancienne et nouvelle garde : certains regrettent que l’impulsion d’origine ait laissé la place à un white cube stérilisé. Il est nécessaire donc de penser cette dernière étape de notre analyse comme le moment qui cimente l’institutionnalisation d’Autograph et qui sonne potentiellement le glas de sa pensée radicale. En 2001, alors que Mark Sealy et les équipes d’Autograph travaillent à l’élaboration de ce nouvel espace, Stuart Hall, lors d’un entretien filmé par Sunil Gupta, évoque les directions que pourrait prendre l’institution. Il souligne les enjeux à affronter dans le futur : « Je ne sais pas où Autograph devrait aller, je ne sais pas où Autograph va aller. Je pense qu’il y a une sorte de courant assimilationniste qui l’attend : les autres institutions seraient heureuses de gagner en exotisme, de goûter un peu à l’Autre. Le monde de l’art aime avoir un goût de l’Autre : une petite touche de différence ici et là. L’absorber pacifiquement : cela pourrait facilement être l’avenir de cette organisation. La voie à suivre maintenant pour ce bâtiment est d’essayer de créer un centre pour ces productions, ces débats et ces idées, mais je pense qu’il va falloir lutter pour ne pas être absorbé et assimilé54 ». Ce que décrit Hall ici est la difficulté pour l’institution en devenir de faire vivre la polyphonie sans laisser place à la ventriloquie.
- 55 Mark Sealy, Entretien avec l’auteure, 21 février 2020.
- 56 Nick Merriman, « The Peopling of London Project », dans Sheila Watson, Museums and their Communi (...)
- 57 Mark Sealy, Entretien avec l’auteure, 21 février 2020.
- 58 Maurice Berger, « Are Art Museums Racist? », dans How Art Becomes History, New York, Harper Coll (...)
- 59 Sandy Nairne, « The Institutionalization of Dissent » (1996), dans Reesa Greenberg, Bruce W Ferg (...)
- 60 Andy Battaglia, « The ARTnews Accord: Aruna D’Souza and Laura Raicovich in Conversation », ARTne (...)
16Les années 1990 et 2000 sont pour Autograph ABP des décennies durant lesquelles les auteurs œuvrent dans les coulisses du monde de l’art qui va les conduire, dans un second temps, sur les devants de la scène. L’objectif semble simple : il faut « obtenir que les Guggenheim et les Tate de ce monde collectionnent les photographes Noirs55 ». Cependant, cette course des grands pour combler les lacunes de leurs collections ne vient pas sans interrogations56 Comme Mark Sealy le souligne : « Il existe aujourd’hui un phénomène de “rattrapage culturel”, ce qui est une bonne chose, mais la question est la suivante : lorsque vous rattrapez votre retard, est-ce une démarche temporaire ou une conduite permanente57 ? ». Dans les années 2000, Autograph se positionne comme un dispositif de construction plutôt que de déconstruction, avec la plus grande ambition possible : celle d’agir sur les catégories en usage dans les institutions de l’art58 Sandy Nairne parle de « l’incapacité d’éviter une “institutionnalisation de la dissidence” » mais souligne que cela « ne diminue pas les effets que ces espaces d’exposition ont eu sur l’ensemble du système59 ». Et c’est peut-être là qu’Autograph réussira à déplacer le débat : la critique n’est sans doute plus contre l’institution mais contre les structures du monde de l’art. Cette idée a notamment été récemment poursuivie, en 2017, par Paul Chan et Aruna D’Souza à travers ce qu’ils nomment une « critique de l’infrastructure60 ».
Conclusion
17Vue de l’étranger, Autograph ABP est une structure tout à fait unique, sans équivalent. Pourtant, la possibilité de voir réaliser son dessein premier, c’est-à-dire l’inclusion d’auteurs Black British au sein de l’Establishment artistique, semble compromettre sa raison d’être initiale. Ainsi, nous pouvons nous demander si Autograph ABP était voué à être qu’un point d’étape de l’histoire institutionnelle de la photographie britannique ou est-ce que sa vocation saura s’adapter aux nouveaux enjeux du 21e siècle ? Au moment de conclure, la question d’un quatrième moment dans l’histoire d’Autograph, post-2007, se pose et ses enjeux s’interrogent.
- 61 Kobena Mercer, « “Diaspora Didn’t Happen in a Day”: Reflections on Aesthetics and Time », dans R (...)
18Les collections et l’archive de l’institution constituent indéniablement sa richesse première et lui donnent une place singulière en tant que centre de recherche valorisant les auteurs Noirs d’hier et d’aujourd’hui. Comme Kobena Mercer le suggérait dans un autre contexte : « Sans musées, collections et institutions pour préserver les matériaux de l’histoire culturelle commune, le passé est vulnérable à un effacement sélectif – une menace symbolique à laquelle les cultures diasporiques de l’Atlantique Noire ont dû faire face depuis leur création61 ». Établie à la fin des années 1980, Autograph ABP conserve une mission de mémoire photographique et symbolise une certaine victoire pour les revendications des auteurs Black British. Alors que notre analyse s’interrompt, délibérément, à l’orée des années 2010, il convient de se demander si Autograph saura devenir une maison pour une nouvelle génération d’artistes qui n’auront pas connu de monde sans Autograph.
19Entre progressive assimilation dans les institutions traditionnelles, protection d’un patrimoine et la promesse de faire émerger de nouvelles écritures photographiques, Autograph devra peut-être, une nouvelle fois, se réinventer. Il convient de se demander si Autograph pourra déplacer, voire changer, structurellement, les pratiques hégémoniques des institutions artistiques ? Est-ce que les goûts ou les engouements sauront se pérenniser ? Est-ce que les artistes marginalisés pourront fixer les conditions de leur participation ? L’histoire et l’itinéraire d’Autograph posent une question fondamentale, et plus actuelle que jamais : l’institution peut-elle s’allier aux transformations structurelles qui attendent le monde de l’art ?
Notes
1 Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Paris, Seuil, 1952, p. 93.
2 Stuart Hall, « Black Narcissus », The Association of Black Photographers Newsletter, n° 20, juin 1991, p. 1.
3 L’auteure souhaite remercier Lance Watson, Merle Van Den Bosch, Mark Sealy, Monika Baker, Sunil Gupta, David A. Bailey, Roshini Kempadoo et Bindi Vora sans qui cet article n’aurait pas pu se faire. Toutes les traductions sont de l’auteure.
4 Jenny Bourne, « “May We Bring Harmony?” Thatcher’s Legacy on “race” », Race & Class, vol. 55, n° 1, 2013, p. 87-91.
5 Simon Peplow, Race and Riots in Thatcher’s Britain, Manchester, Manchester University Press, 2019.
6 Le terme anglais de britishness, « britannicité » en français, est utilisé pour qualifier ce qui distingue le peuple britannique des autres peuples européens, et forme la base de son unité et de son identité. Ce terme est également employé pour expliquer des modes d’expression de la culture britannique (habitudes, comportements et symboles) ayant une qualité commune familière ou iconique immédiatement identifiable au Royaume-Uni.
7 L’Arts Council est un organisme public non ministériel qui se consacre à la promotion des beaux-arts en Grande-Bretagne. Richard Hylton, The Nature of the Beast: Cultural Diversity and the Visual Arts Sector: A Study of Policies, Initiatives and Attitudes 1976-2006, Bath, Institute of Contemporary Interdisciplinary Arts (ICIA), 2007.
8 Benedict R. Anderson, Imagined Communities: Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, Londres, Verso, 1983.
9 Hans Haacke, « Museums, Managers of Consciousness » (1984) dans Alexander Alberro, Blake Stimson (sld), Institutional Critique: An Anthology of Artists’ Writings, Cambridge, Mass., MIT Press, 2009, p. 276.
10 David Graeber, Direct Action: An Ethnography, Édimbourg, AK, 2009, p. 532.
11 Noir avec une majuscule renvoie à une identité choisie, en lien avec une histoire et une culture. L’avènement de ce terme est la conséquence d’un certain nombre de luttes symboliques et idéologiques, notamment antiracistes.
12 Jo Spence, « Questioning Documentary Practice? The sign as a site of struggle », Cultural Sniping: the Art of Transgression, Londres, Routledge, 1995, p. 73-84.
13 Monika Baker, Entretien avec l’auteure, 22 avril 2020.
14 L’Arts Council commence à soutenir les expositions photographiques à partir de 1967, lorsque sa nouvelle Charte Royale ajoute la photographie aux champs d’interventions de l’organisme. En 1973, l’Arts Council crée un sous-comité et nomme un Photography Officer, responsable du développement du médium. De 1973 à 1995, Barry Lane occupera cette position.
15 Entretien de l’auteure avec Roshini Kempadoo le 14 juillet 2020 et avec Sunil Gupta le 28 août 2019.
16 Saul David Alinsky, Reveille for Radicals, Chicago, University of Chicago press, 1946 ; Saul David Alinsky, Rules for Radicals: a Practical Primer for Realistic Radicals, New York, Vintage books, 1971.
17 Le groupe était composé de cinq membres clés : David A. Bailey, Marc Boothe, David Lewis, Gilbert John et Ingrid Pollard et incluait dans ses expositions itinérantes des membres associés tels que Godfrey Brown, Brenda Agard, Suzanne Roden et Zak Ové.
18 Sunil Gupta, « The Foundation of Autograph ABP—Diary Notes », Autograph ABP Newsletter, n° 34, octobre 2007, p. 1.
19 David A. Bailey, « Reflections of the Black Experience », Creative Camera, 6 juin 1986, p. 8.
20 Parmar est une réalisatrice, productrice et scénariste britannique d’origine kényane.
21 Linda Ann Bellos OBE est féministe et militante des droits des homosexuels. Elle est élue au conseil de l’arrondissement de Lambeth à Londres en 1985 et a été à la tête de ce conseil de 1986 à 1988.
22 « Autograph sees light of day », The British Journal of Photography, 4 août 1988.
23 Sunil Gupta, « The Foundation of Autograph ABP— Diary Notes », op. cit., p. 1.
24 ibid.
25 Paul O’Neil, « The Curatorial Turn: From Practice to Discourse » dans Jelena Filipovic et al. (sld), The Biennial Reader, Ostfildern-Ruit, Hatje Cantz, 2007, p. 242.
26 ibid., p. 244.
27 Mathilde Bertrand, « The Half Moon Photography Workshop and Camerawork: Catalysts in the British Photographic Landscape (1972-1985) », Photography and Culture, vol. 11, n° 3, 2018, p. 239–259.
28 Stuart Hall, « Autoportraits. Black Narcissus », Newsletter Autograph ABP, n° 4, février 1990, p. 4.
29 David A Bailey, « Editorial », Newsletter Autograph ABP, n° 21, août-septembre 1991, p. 1.
30 Monika Baker, Entretien avec l’auteure, 22 avril 2020.
31 Mark Sealy, « An Open Letter », Newsletter Autograph ABP, n° 22, octobre 1991, p. 5.
32 Roshini Kempadoo, « A view from the chair », Newsletter Autograph ABP, n° 19, mai 1991, p. 1.
33 John R. Searle, « What is an institution? » dans John C. Welchman (sld), Institutional Critique And After, vol. 2 of the SoCCAS, Zurich, JRP Ringer, p. 30. Les passages sont soulignés par l’auteure.
34 Alwyn W. Turner, A Classless Society: Britain in the 1990s, Londres, Aurum Press, 2013, p. 12.
35 Voir le rapport produit à la suite du meurtre raciste de Lawrence en 1993. MacPherson of Cluny, W., The Stephen Lawrence Inquiry: Report of an Inquiry, Londres, The Stationery Office, 1999.
36 Mark Sealy, « Talk with David A. Bailey About the History », Newsletter Autograph ABP, n° 26, avril 1992, p. 11.
37 Fondée à Bristol par Eddie Chambers en 1989, avec le financement de l’Arts Council et de la Fondation Gulbenkian.
38 Eddie Chambers, « Iniva: Everything Crash 1 », Afterall: A Journal of Art, Context and Enquiry, vol. 39, n° 1, 2015, p. 50-59.
39 Mark Sealy, « An Open Letter », Newsletter Autograph ABP, n° 22, octobre 1991, p. 5.
40 La projection s’organise en collaboration avec le magazine Ten.8 dont Bishton est l’éditeur. Cet événement se fait sur la base du numéro édité par Hall et Bailey : « Critical Decade », Ten.8, vol. 2, n° 3, 1992.
41 « The Big Shift. Stuart Hall and Mark Sealy in conversation (October/November 1997) », dans David Brittain (sld), Creative Camera. Thirty Years of Writing Manchester, Manchester University Press, 1999, p. 285-289.
42 Stella Minahan, « The Organizational Legitimacy of the Bauhaus », The Journal of Arts Management, Law, and Society, 2005, vol. 35, n° 2, p. 134.
43 Voir les 45e (1990-91) et 46e (1994-95) rapports et comptes annuels de l’Arts Council.
44 Mark Sealy, Entretien avec l’auteure, 21 février 2020.
45 Maura Reilly, Curatorial Activism. Towards an Ethics of Curating, Londres, Thames & Hudson, 2018, p. 22.
46 Nataša Petrešin-Bachelez, « For Slow Institutions », E-Flux Journal [https://www.e-flux.com/journal/85/155520/for-slow-institutions/], octobre 2017.
47 Mark Sealy, Entretien avec l’auteure, 21 février 2020.
48 Stuart Hall, Mark Sealy, Different, Londres, Phaidon, 2001.
49 Bridget Cooks, Exhibiting Blackness: African Americans and the American Art Museum, Amherst, MA, University of Massachusetts Press, 2011, p. 2.
50 C. Curran-Vigier, « From multiculturalism to global values: how New Labour set the agenda », Observatoire de la société britannique, n° 5, 2008, p. 65-80.
51 Dès 1994, à l’heure de gloire des yBas, est créé l’Institute of International Visual Arts. L’Institut d’Art Visuel International est un organisme artistique basé à Londres, qui représente des artistes contemporains, des conservateurs et des écrivains. La première directrice de l’institut est Gilane Tawadros ; Stuart Hall sera le premier président du conseil d’administration.
52 Architecte né en 1966 en Tanzanie et diplômé du Royal College of Art en 1993. Il ouvre sa propre agence un an plus tard. Rivington Place est l’un de ses premiers projets d’envergure.
53 Nick Merriman, « The Peopling of London Project », dans Sheila Watson, Museums and their Communities, Londres, New York, Routledge, 2007, p. 335.
54 Sunil Gupta, Entretien avec Stuart Hall, 11 min-14 min [https://vimeo.com/51527926], 2001. Retranscription t traduction de l’auteure.
55 Mark Sealy, Entretien avec l’auteure, 21 février 2020.
56 Nick Merriman, « The Peopling of London Project », dans Sheila Watson, Museums and their Communities, Londres, New York, Routledge, 2007, p. 335.
57 Mark Sealy, Entretien avec l’auteure, 21 février 2020.
58 Maurice Berger, « Are Art Museums Racist? », dans How Art Becomes History, New York, Harper Collins, 1992, p. 165.
59 Sandy Nairne, « The Institutionalization of Dissent » (1996), dans Reesa Greenberg, Bruce W Ferguson, Sandy Nairne (sld), Thinking about Exhibitions, Londres, New York, Routledge, 2005, p. 271.
60 Andy Battaglia, « The ARTnews Accord: Aruna D’Souza and Laura Raicovich in Conversation », ARTnews, 14 mai 2018 [en ligne: https://www.artnews.com/artnews/news/artnews-accord-aruna-dsouza-laura-raicovich-conversation-10324/]
61 Kobena Mercer, « “Diaspora Didn’t Happen in a Day”: Reflections on Aesthetics and Time », dans R. Victoria Arana (sld) “Black” British Aesthetics Today, Newcastle, Cambridge Scholars, 2009, p. 69.
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Référence papier
Taous R. Dahmani, « De l’espace de résistance au lieu de l’institution : histoire londonienne d’Autograph ABP », Marges, 33 | 2021, 20-31.
Référence électronique
Taous R. Dahmani, « De l’espace de résistance au lieu de l’institution : histoire londonienne d’Autograph ABP », Marges [En ligne], 33 | 2021, mis en ligne le 02 janvier 2024, consulté le 23 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/2640 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/marges.2640
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