1Le ciel est le lieu de toutes les contradictions. Il est à la fois lointain et proche, objet de recherches et d’expérimentations scientifiques, territoire évanescent du rêve, de l’air et des songes, de manifestations divines et extases mystiques, du merveilleux et potentiellement, le théâtre des présages les plus funestes.

2Si l’homme a toujours éprouvé le désir d’y voler, le ciel lui est longtemps resté impénétrable, les phénomènes atmosphériques de profonds mystères, l’ascension céleste périlleuse ou relevant du sacré. 

3Motifs poétiques récurrents, les nuages ne cessent d’évoluer dans le ciel de la littérature, de la poésie, de la peinture, du dessin, de la photographie… Aussi s’en vont-ils passer au loin dans le cinéma de Kaurismäki ou dans les Nocturnes de Debussy.

4S’ils se font souvent discrets, placés en apparence au second plan comme accessoires, plantant ainsi le décor de quelque action ou pour faire écho à une pensée, un sentiment éprouvé par un personnage, un état d’âme, ils peuvent également devenir sujet à part entière. Objets de fascination, d’amour et de contrariétés, ils deviennent de retors modèles pour le dessinateur, dans la difficulté sinon l’impossibilité d’en saisir les contours.

5Depuis 2014, les nuages se sont insinués au cœur de ma pratique. J’ai réalisé une première série de dessins où tour à tour ils prenaient forme végétale, animale, humaine. Par une collaboration avec l’atelier Michael Woolworth, les nuages se sont lithographiés, ils sont devenus écume de mer, organismes mutants, roses comme l’aurore, fugaces comme la nuit. 

6En parallèle, j’ai débuté un travail de recherche universitaire, sous la forme d’un doctorat en art pratique et théorie. C’est dans ce cadre qu’est née la série présentée ici, à la suite de celles abordées plus haut : saisir les contours du nuage des autres, en questionnant leur nature, leur caractère. Peut-on toujours reconnaître ceux de Mantegna, Dürer, Poussin, Watteau, Fragonard, Turner, Friedrich, Boudin, Vallotton – la liste pourrait être longue – si par-dedans leurs contours, la matière a changé ?