« Collaborer sur les frontières » : CalArts et l’expérience du collectif
Résumés
Ce texte traite des logiques collectives initiées au California Institute of the Arts, école d’art multi-disciplinaire inaugurée en 1970 dans la banlieue de Los Angeles. La restructuration de l’enseignement artistique aux États-Unis, sous l’effet de l’abandon de la doctrine formaliste, s’est ici conduite en dehors de toute logique programmatique. L’histoire de CalArts, conçue au départ comme une « tentative » ouverte, montre que le rayonnement d’une école d’art, sa possibilité de constituer un milieu non homogène d’émergence de nouvelles formes, impliquait ici le renoncement concerté à une velléité « formante ».
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- 1 Pierre Bourdieu, « Mais qui a créé les créateurs ? », Questions de sociologie, Paris, Minuit, 19 (...)
1L’histoire récente de l’art montre que certaines écoles d’art ont su créer des situations propices à l’émergence d’une génération d’artistes. C’est le cas du California Institute of the Arts, inauguré en 1970 et aujourd’hui toujours en activité. Ce qui fait le rayonnement d’une école à travers une époque, l’influence des méthodes qu’elle met en place et des pratiques qui émergent dans son sillage peut être pensé autrement que comme le seul effet d’un dispositif programmatique, auquel s’ajouterait la présence de fortes personnalités d’enseignants. À l’opposé, l’aura d’une école, et c’est le cas de CalArts, ne peut être expliquée seulement par la présence simultanée d’étudiants talentueux qu’on suppose avoir pu s’épanouir dans un tout autre cadre. Penser ainsi reviendrait à réduire le cas de ces écoles à un double déterminisme : d’une part celui du cadre institutionnel, de l’autre, celui du « créateur incréé1 », indifférent aux conditions concrètes dans lesquelles se déroule sa formation.
2Parmi la soixantaine d’artistes plasticiens qui ont été formés par le California Institute of the Arts au cours des années 1970 et qui ont émergé simultanément au cours des années 1980, on observe des artistes à la trajectoire plutôt individuelle et d’autres associés à des courants particuliers. CalArts a formé un ensemble d’artistes assimilés à la Pictures Generation tels que Jack Goldstein, James Welling, Barbara Bloom, James Casebere, Troy Brauntuch, David Salle, Matt Mullican ou Ericka Beckman. Une nouvelle génération d’artistes féministes comme Mira Schor, Suzanne Lacy, Faith Wilding, Sue Williams a émergé également dans son sillage. Des artistes à la trajectoire plus individuelle, reliés au post-conceptualisme, comme Ashley Bickerton, Stephen Prina, ou encore Christopher Williams figurent parmi les diplômés de CalArts. Enfin, cette école a été le lieu de rencontre d’une constellation d’artistes regroupant Mike Kelley, Tony Oursler, Jim Shaw et John Miller.
L’idéal Disney et la formation des « ingénieurs de l’imaginaire »
- 2 Selon l’expression de John Welchman dans « Cal-Aesthetics », Flash Art, n° 141, été 1988, p. 106
3Né d’une idée de Walt Disney, le nom de CalArts apparaît pour la première fois en 1961 pour marquer la fusion entre deux institutions historiques de Los Angeles : le Chouinard Art Institute, dont Disney avait fait un centre de formation et de recrutement de ses animateurs dès les années 1940, et le Los Angeles Conservatory of Music. Inspiré par le modèle des industries hollywoodiennes et par celui du California Institute of Technology, le « Cal Tech » auquel renvoie le nom de l’école, Disney eut l’idée de créer un institut de formation et de recherche pluridisciplinaire. Cette « Gesamtkunstschule2 » se devait de répondre au défi posé par l’interaction de plus en plus étroite avec laquelle étaient mobilisés les différents champs et techniques dans les industries culturelles. À cet effet, Disney avait lui-même observé à l’intérieur de ses propres studios les capacités transversales que ses employés avaient développées, par exemple un illustrateur se mettant à faire du doublage. Il avait aussi, en tant que cinéaste, expérimenté dans son film Fantasia un nouveau type de synthèse entre musique et image.
- 3 Voir Craig Hodgetts, « Biography of a Teaching Machine », Artforum, vol. 12, n° 1, septembre 197 (...)
- 4 Walt Disney est décédé en 1966, laissant l’école à l’état de projet, mais il lui a légué la moit (...)
4L’objectif initial de Disney était de créer « une communauté des arts » au sein de laquelle les étudiants seraient formés par des professionnels reconnus issus de tous les champs d’expression à travers un principe de fertilisation croisée. CalArts devait ainsi promouvoir une nouvelle association entre technologie et créativité dans l’optique de former ce que les studios Disney commençaient à nommer les imagineers, les « ingénieurs de l’imaginaire ». À côté d’une référence à Wagner, on relève dans le lexique employé par la firme pour décrire le projet l’usage du terme « city of the arts » ; l’institut s’enracinait en effet au départ comme partie d’une utopie urbaine « thématique ». D’après certains témoignages3, Disney aurait initialement envisagé CalArts, à la manière de ses propres studios, comme un espace ouvert au public qui, moyennant un droit d’entrée, aurait pu circuler dans le campus4.
Isolation tank
5L’emplacement du site de l’école, qui s’est avéré déterminant, a mis plusieurs années à être choisi. Initialement envisagé au cœur des infrastructures culturelles de Los Angeles, le projet finit par être repoussé à la périphérie, dans le no man’s land suburbain.
6Situé à Valencia à 30 miles au nord de Los Angeles, dans la Vallée de Santa Clarita, le bâtiment était l’une des premières constructions au sein d’une banlieue de lotissements préfabriqués. Au moment de sa construction, en 1968, Valencia n’était qu’une vaste étendue désertique encadrée par des montagnes, traversée par le Golden State Freeway.
- 5 Paul Brach, « CalArts: The Early Years », Art Journal, vol. 42, n° 1, printemps 1982, p. 28.
- 6 Tony Oursler, entretien avec l’auteure, New York, 7 février 2019.
- 7 Craig Hodgetts, op. cit., p. 64.
7L’architecture moderniste tardive, réalisée par la firme Ladd and Kelsey, se présentait sous la forme d’un monumental bloc de béton reliant un ensemble d’extensions. Celles-ci devaient abriter la nouvelle organisation productive en unifiant sous un même toit les six écoles que l’Institut compterait : Cinéma et Télévision, Théâtre et Danse, Musique, Design, Critical Studies et Arts. Les différents témoignages des étudiants et enseignants qui ont intégré ce campus insistent régulièrement sur l’apparence massive et l’échelle disproportionnée du bâtiment. Spontanément rebaptisé le « Magic Mausoleum », celui-ci a été également comparé à une « combinaison de forteresse et de motel5 », un « caisson d’isolation6 », ou encore un « vaisseau spatial7 ». Plutôt que d’opter pour une forme dynamique qui aurait cherché à figurer l’idéal d’interaction entre les différents arts, le choix des architectes s’était ainsi porté vers une unité statique.
- 8 Thornton Ladd, « Remarks », non publié (Archive de CalArts), 4 août 1967, cité dans Janet Sarban (...)
8La structure intérieure fut conçue selon un schéma simplifié, celle d’une grille rectiligne de couloirs et de corridors distribuant des salles. L’insistance sur cette dimension de l’intersection inscrit dans l’espace le projet de crossover disciplinaire. En circulant à travers les couloirs, chaque étudiant(e) pouvait ainsi voir ou entendre ses collègues travailler et ainsi encourager un jeu d’influences réciproques. Dans cette architecture anonyme, les espaces de travail alloués aux différentes disciplines avaient été volontairement disséminés sur toute la surface du bâtiment pour éviter tout cloisonnement spatial. Ces lieux uniformes et interchangeables marquaient, avec une littéralité déconcertante, l’ambition de déspécialisation portée par l’école. La firme d’architectes a justifié son projet en affirmant avoir voulu proposer des espaces neutres et indifférenciés, qui n’intimideraient ni n’influenceraient le cours des activités qui s’y produiraient. « Nous avons essayé de ne pas rendre les choses trop compliquées, en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’espaces de travail. Si ceux-ci sont rendus trop élégants, ils pourraient inhiber les étudiants […]. Les artistes devraient se sentir à l’aise dans un environnement sans avoir à s’inquiéter de le garder soigné et propre à chaque instant8. ».
- 9 Janet Sarbanes, ibid., p. 15.
9Si le fonctionnalisme anonyme du bâtiment, proche de l’architecture administrative, semblait en partie contrevenir à toute cristallisation communautaire, celui-ci préservait en même temps un maximum d’indétermination. En effet, comme l’a noté Janet Sarbanes, le projet de Ladd devait trouver une solution architecturale « holiste » au problème de l’unification entre les arts que s’était déjà posé Walter Gropius pour la conception du Bauhaus. Mais contrairement au bâtiment de Dessau, conçu comme la métaphore spatiale de l’esprit architectonique que Gropius voulait insuffler dans la production artistique des étudiants, celui de CalArts devait répondre à une fonction encore innommée. « Adhérant clairement au crédo architectural moderniste “la forme suit la fonction”, Ladd était toutefois confronté à un défi postmoderne de suivre une fonction qui était et demeure encore (du moins théoriquement) encore à déterminer, ce parce que les types d’arts qui résulteraient de cette fertilisation croisée entre les disciplines variées restaient inconnus. Contrairement au bâtiment du Bauhaus, qui reflétait le rêve d’une construction combinant le meilleur de tous les arts tels que l’avançait le manifeste de Walter Gropius, le bâtiment de CalArts était chargé de refléter quelque chose d’innommé et innommable9. ».
10En plus des espaces de classes et des différents pôles techniques (salles de montage, d’enregistrement, etc.), l’institut avait été doté d’une salle de concert, d’une scène modulable, d’un cinéma, de galeries d’exposition, d’une bibliothèque, d’une épicerie et d’unités d’habitation pour les étudiants boursiers. Pour compenser l’éloignement du site par rapport à la ville, tous ces équipements avaient été rendus accessibles 24h sur 24, tous les jours de la semaine. CalArts s’offrait donc comme un espace intégral, synthétisant lieu de travail, de vie, de production, de recherche et d’exposition.
- 10 Sur la pédagogie de la School of Visual Arts de New York, voir Katia Schneller, « Professionalis (...)
11Il est important d’insister sur ces aspects car il apparaît que l’expérience de CalArts doit une part de sa réussite et de sa spécificité au fait que l’école d’art y a été conçue et pratiquée comme un cadre spatio-temporel autonome, à un moment où la tendance était plutôt à la dissolution des frontières de l’institution de formation artistique. Les programmes novateurs d’enseignement de l’art insérés dans le tissus urbain et artistique des grandes villes, principalement à New York, comme la School of Visual Art ou le Whitney Program, promouvaient en effet une intégration immédiate de la formation au contexte environnant, au détriment d’une conception de l’école d’art comme zone frontière10.
Média et expérimentation
12Pour investir et donner forme à ce projet « innommé », la famille Disney avait confié la tâche de constituer les équipes et le programme
du futur institut à deux personnalités new-yorkaises, Robert
W. Corrigan, premier président de CalArts, et Herbert Blau. Si les deux hommes avaient alors en tête comme principal modèle celui du Black Mountain College, c’est surtout Blau, dramaturge et ancien directeur du théâtre du Lincoln Center, qui a inspiré l’esprit avant-gardiste de l’école.
13La liste des artistes qui constituaient la première équipe de CalArts témoigne d’une orientation expérimentale, pluraliste et internationale, en rupture avec l’enseignement moderniste formaliste. Fortement marquées par Fluxus, les approches centrées sur les médias électroniques, la performance et l’installation, cette première équipe révèle comment le concept interdisciplinaire de Disney se prêtait à l’intégration des tendances artistiques les plus radicales de l’époque. Parmi ces personnalités, figurent ainsi : Allan Kaprow, Alison Knowles, John Baldessari au département Art, Dick Higgins, Victor Papanek, Sheila de Bretteville au département Design, Emmett Williams et Maurice Stein au département de Critical Studies, James Tenney, Morton Subotnick, Ravi Shankar, Mel Powell à l’école de Musique, le théoricien des médias Gene Youngblood et Nam June Paik au département Film-télévision. À partir de 1971, la School of Arts fut rejointe par Judy Chicago qui intégra le programme pionnier du Feminist Art Program, qu’elle co-dirigea avec Miriam Schapiro jusqu’en 1973.
- 11 Janet Sarbanes, « A Community of Artists: Radical Pedagogy at CalArts, 1969-1972 », East of Born (...)
14Il faut souligner un point parfois minimisé dans les analyses historiques de l’école, centrées avant tout sur l’idée de pédagogie « radicale11 ». Disney avait dès l’origine entrevu l’école comme une structure professionnalisante orientée vers les nouvelles technologies de communication. La présence, à CalArts, dès 1970, de nombreux artistes travaillant et expérimentant la technologie électronique, comme par exemple Morton Subotnick, Alison Knowles, James Teeney, Nam June Paik, ou la théorisant, comme Geene Youngblood, a favorisé l’émergence de pratiques collaboratives marquées par le modèle de la cybernétique et le principe du feed-back.
- 12 Marshall McLuhan, « Classroom without Walls », Explorations in Communication, an Anthology, Bost (...)
15L’usage de nouvelles technologies d’enregistrement légères, comme les magnétoscopes vidéo Portapak mis à disposition des enseignants et des étudiants, s’est révélé déterminant pour de nombreux artistes qui l’employèrent comme un outil de création de situations pédagogiques collectives. Fidèle à la ligne anti-experte de Fluxus et à la déprofessionnalisation de l’art promue par Kaprow, CalArts valorisait l’auto-apprentissage et une approche non technicienne de ces médias. Considérés comme un instrument d’autonomisation des étudiants et de décentrement de la relation enseignant-étudiant, leur mise en œuvre pionnière à CalArts rencontrait aussi les idées avancées par Marshall McLuhan à propos des usages de la
technologie dans un contexte éducatif propice à l’émergence de « classes sans murs12 ».
- 13 Craig Hodgetts, op. cit., p. 65.
16Les caractéristiques topologiques de l’école influencèrent les activités qui s’y déroulèrent, notamment parce qu’elles provoquaient un fort sentiment d’étrangeté. L’épaisseur des murs, le manque, voire l’absence totale de lumière naturelle (les salles de classes sont dépourvues de fenêtres), renforcèrent le sentiment d’insularité déjà induit par la situation géographique de l’école. Craig Hodgetts, architecte qui enseigna à CalArts, avance l’hypothèse que cette architecture aurait stimulé, par compensation et réaction au contexte, l’investissement des technologies de communication et d’enregistrement13. À défaut d’une communauté organique, CalArts aurait ainsi contribué à former une communauté électroniquement reliée.
Réunir le « monde éclaté » des années 1960
- 14 Herbert Blau, cité par Judith Adler, Artist in Office, op. cit., p. 72.
- 15 Robert W. Corrigan, « Inter-office Memorandum », dans « California Institute of the Arts: Prolog (...)
- 16 Robert W. Corrigan, « An artist’s role in society », Arts in Society, op. cit., p. 16.
17Selon les mots de Herbert Blau, doyen de CalArts, « la vision de la totalité étant une tendance qui domine la sensibilité des arts, l’enjeu est de restaurer une vision unitaire aux arts et à la réalité elle-même14 ». Se donnant pour mission de « réunir le monde éclaté » des années 1960, Blau avait pour ambition de recréer un continuum non répressif entre l’éducation, les arts et la société, cela en considérant l’école d’art comme une zone liminaire, au sein de laquelle les anciennes habitudes, identités et routines de travail normatives devaient être momentanément suspendues. Définissant l’institut comme une communauté d’égaux, où les étudiants, les enseignants et l’administration devraient « s’enseigner mutuellement15 », afin de surpasser les divisions instrumentales entretenues entre l’éducation et la société, Robert W. Corrigan, son premier président, utilisera la métaphore de l’artiste comme « créateur de cartes » et « sismographe de son époque » pour illustrer sa vision de l’école. Dans cet environnement perméable aux nouvelles logiques spatio-temporelles engendrées par les médias, il serait possible de « cartographier16 » de nouveaux accès aux savoirs en valorisant leur hybridation.
- 17 Herbert Gold, « Walt Disney Presents: Adventures in Collegeland », The Atlantic Monthly, novembr (...)
18Les bulletins de l’Institut du début des années 1970 décrivaient celui-ci comme « un environnement total au sein duquel, l’apprentissage, l’expérimentation et la performance, encouragent un croisement des lignes traditionnelles entre les différentes disciplines et développent des programmes spéciaux tels que l’intermédia, l’art électronique, le design vidéo et la world music17 ». Aussi, plutôt que de promouvoir un principe de fusion, CalArts cherchait à expérimentalement recréer les conditions d’une unité inter-dynamique entre les différents médias et champs d’expression. Cette unité semblait alors conçue comme une sorte de simultanéité d’évènements dont les relations et l’issue de leur interaction ne devaient en aucun cas être préméditées.
- 18 Comme l’affirme Mike Kelley, le département d’art de l’Université du Michigan, où il suivit une (...)
19Dans l’esprit des initiateurs du projet qui perpétuaient encore l’éthos pragmatiste de John Dewey, « apprendre en faisant », CalArts se présentait comme une structure ouverte et perfectible dont la forme devait découler des activités qu’y produisaient. À cet effet, il faut souligner que l’école prenait corps dans un contexte politique explosif et de crise de légitimité des institutions. La contestation dans les universités américaines et particulièrement californiennes, au cours de cette période d’intensification de la guerre du Vietnam, plaçait le système d’enseignement américain sous de très fortes pressions. CalArts adopta une position pragmatique, en cherchant moins ses solutions dans des principes politiques, mais dans ce que les tendances artistiques de l’époque pouvaient offrir comme modèle de structuration libre, non coercitive : les systèmes d’indétermination, la productivité du hasard, le décentrement promu par les pratiques du Land Art ou celles liées au réseau. Sur ce point, répondant aux demandes anti-autoritaires de l’époque, CalArts se présentait comme l’un des premiers programmes post-modernes d’enseignement. En effet, aux États-Unis, le déclin généralisé des conceptions formalistes dans l’art contemporain n’avait pas nécessairement été suivi d’effets dans les cursus de formation, où l’expressionnisme abstrait de Hans Hofmann ou l’enseignement moderniste hérité de Josef Albers continuaient largement à orienter les départements d’art des universités ou les écoles18.
Artistes professionnels et dé-hiérarchisation des rapports pédagogiques
20Paul Brach, directeur de la School of Arts, lui-même peintre expressionniste, constitua avec Allan Kaprow la première équipe. Pédagogue expérimenté, il était déterminé à éviter de reproduire les erreurs qu’il avait observé dans les universités américaines : le dogmatisme formaliste, les rapports infantilisants entre maîtres et disciples et la séparation entre enseignement et pratique artistique.
- 19 Paul Brach, « CalArts: The Early Years », Art Journals, Vol. 42, n° 1, printemps 1982, p. 28.
« À travers les années j’ai vu trop de départements artistiques dominés par des enseignants, souvent des hommes d’âge moyen, qui compensaient l’inexistence de leur carrière professionnelle en exerçant un pouvoir extrêmement autoritaire sur les étudiants. Je voulais un climat d’apprentissage libéré de toute forme de peur et de répression19. ».
- 20 ibid. Brach emploie ce terme en 1982 sans directement nommer Harold Rosenberg, qui publia en 197 (...)
21Brach insista sur la diversité des positions esthétiques du corps enseignant. Les artistes étaient recrutés sur la base de leur engagement
sur des zones frontalières entre disciplines, en écho avec le processus de « dé-définition de l’art20 ». Comme en témoigne la liste des personnalités, Brach avait recruté essentiellement des artistes « professionnels », reconnus, pour beaucoup issus de la côte Est, ce qui lui assurait qu’ils s’engageraient de manière volontaire et réfléchie. La pluralité des positions et des fortes personnalités devait ainsi garantir qu’aucune figure dominante ne s’imposerait. L’école n’était donc pas divisée par médiums, mais chaque enseignant disposait d’une entière liberté pour définir un axe de recherche, une problématique ou un format d’enseignement, en l’indexant sur sa pratique et son savoir « propre ». À CalArts, donc, il y avait autant de programmes que d’enseignants.
- 21 Herbert Blau, Lettre à Allan Kaprow, mars 1968, Allan Kaprow Papers, Getty Research Institute, L (...)
22La lettre qu’avait envoyé Blau en 1968 à Kaprow pour le convaincre d’accepter un poste d’enseignant et de doyen associé à CalArts insistait ainsi sur la priorité donnée à l’enseignement interdisciplinaire mais aussi sur l’aspect anti-programmatique du projet de l’école : « Je cherche des personnes qui sont non seulement capables de mener à bien des opérations indépendantes, mais aussi disposées à collaborer sur les frontières. Nous avons l’opportunité de faire émerger de nouvelles potentialités en explorant ces aires où les formes pourront se croiser et se dépasser. Tout en étant attentifs à leurs caractéristiques propres, ces formes puiseront leur énergie les unes des autres. Naturellement, comme c’est le cas dans votre travail, la possibilité donnée à ces croisements acquerra son identité propre. Sachez qu’ici les possibilités seront aussi ouvertes que l’est l’imagination des individus qui leur donneront forme21. ».
23Afin d’empêcher tout immobilisme, les enseignants étaient recrutés sur la base de contrats courts, d’un ou deux ans, renouvelables. Leur présence était constamment relayée par un programme actif de visiting artists, conçu sous la forme de résidences prolongées : Vito Acconci, John Cage, Laurie Anderson, Yvonne Rainer ou encore David Askevold, ont enseigné à CalArts durant un semestre ou une année. D’autres artistes étaient invités sur le format de workshops ou de conférences. Parmi les artistes auxquels les étudiants furent confrontés, pour beaucoup dans le cadre du séminaire Post-Studio, on peut citer Hans Haacke, Daniel Buren, Sol LeWitt, Robert Smithson, Richard Serra, Bernd et Hilla Becher, Alain Robbe-Grillet, Lawrence Weiner, ou encore William Wegman.
24À CalArts, cette mobilité des enseignants était articulée à celle des étudiants puisque le campus restait ouvert aux étudiants issus d’autres écoles de la région, qui pouvaient se joindre aux séminaires, utiliser le matériel disponible, participer aux fêtes et aux expositions.
No information in advance of needs
- 22 Judith Adler, Artists in Office, New Brunswick, Transaction Book, 1979, p. 88.
25Comme l’a remarqué Judith Adler, les premiers participants étaient conscients de s’inscrire dans un projet expérimental financé par des personnalités majoritairement liées à la droite conservatrice. L’ombre d’une désintégration possible de l’école planait au quotidien. Cette situation influa sur la manière de placer l’école dans un état de « perpétuel présent », sans planification à long terme. « En tout état de cause, si l’avenir de l’institution était exclu, l’imagination radicale serait autant protégée des compromis que si les ressources étaient illimitées. L’expérience caractérisée par ce « présentisme » absolu prit les traits d’une aventure en dehors du cours normal de la vie […]22. ».
- 23 John Cage, « Experimental Music: Doctrine », dans Silence: Lectures and Writings, Middletown, We (...)
26Cette situation se révélait correspondre à la définition de John Cage du terme « expérimental ». Pour Cage, dont de nombreux artistes-enseignants de CalArts avaient suivi la classe de composition, l’attitude expérimentale « ne décrit pas un acte devant ultérieurement être jugé en termes de succès ou d’échec, mais simplement un acte dont l’issue est inconnue23 ».
- 24 Paul Brach, op. cit., p. 29
- 25 « Conversation », dans « California Institute of the Arts: Prologue to a community », op. cit., (...)
- 26 Shannon Harvey, « Radical Pedagogy: Madeline Weisburg interviews Adam Michaels and Shannon Harve (...)
- 27 « Conversation », dans « California Institute of the Arts: Prologue to a community », op. cit., (...)
27L’une des principales positions que revendiquait l’école était que les étudiants y étaient acceptés en tant qu’artistes, en retour de quoi il était attendu d’eux, selon Brach, « qu’ils se responsabilisent vis-à-vis de leur propre travail24 ». Les enseignants et étudiants devaient quant à eux se considérer comme des « collaborateurs ». La volonté de créer un contexte d’apprentissage productif, mais non-directif et non-hiérarchique, constituait le cœur des premières discussions entre les membres de l’équipe. Ces échanges portaient notamment sur le modèle de « Contre-Éducation » mis au point par Maurice Stein, premier directeur de la section de Critical Studies. Défini comme un environnement éducatif participatif et une méthodologie d’apprentissage « post-moderne25 », ce modèle se matérialisait sous la forme de posters à afficher aux murs des salles de cours. Cet environnement « scannait un climat intellectuel26 » transdisciplinaire sous la forme de cartes articulant une constellation dynamique de discours critiques et de directions esthétiques, de noms et d’extraits de citations de penseurs, artistes, poètes, cinéastes radicaux du 20e siècle, dont les deux figures tutélaires étaient Herbert Marcuse et Marshall McLuhan. Cette structure non-linéaire, laissant une grande part au design visuel pour activer les réseaux d’association, pouvait être reconfigurée par l’étudiant en y ajoutant lectures, films ou œuvres. Lors de discussions entre les membres de l’équipe ce modèle a été interprété par le pionnier de musique électronique Morton Subotnick comme « une manière de ne pas savoir le meilleur chemin par où passer27 ».
28Suivant cette structure horizontalisée, CalArts opérait sans division par années et refusait également d’attribuer des « grades » intermédiaires entre le titre de graduated et undergraduated. Pour Brach, cette décision devait stimuler une meilleure cristallisation du collectif et surtout favoriser le partage des connaissances entre étudiants en remettant en cause la parcellisation concurrentielle. Le suivi des cours n’était pas obligatoire et les étudiants étaient poussés à suivre l’enseignement de plusieurs artistes, sans engagement exclusif, en fonction de leurs problématiques et besoins du moment. En cela l’école rompait avec tout vestige de l’enseignement séquentiel issu de l’académie, mais aussi avec la tradition moderniste du Grundkurs du Bauhaus.
- 28 Paul Brach, op. cit., p. 29.
29Comme l’a souligné Paul Brach, plutôt que d’apprendre des techniques et des attitudes basées sur une anticipation abstraite des besoins, l’école défendait la politique du « no information in advance of need28 » [pas d’information préalable aux besoins]. Celle-ci procédait à une déprogrammation radicale de l’institution comme dispositif de formatage, en poussant les étudiants à s’auto-déterminer, ce qui, logiquement, a accentué une activité autoréflexive inspirée de l’art conceptuel.
Le Post-Studio : « Anything can be art, art can be anything »
- 29 John Baldessari, dans Richard Hertz, Jack Goldstein and the CalArts Mafia, Ojai, Minneola Press, (...)
- 30 Raphaël Pirenne, « John Baldessari et le Post Studio Art au CalArts », dans Christophe Kihm et V (...)
- 31 John Baldessari, entretien avec Christopher Knight, « Oral History Interview with John Baldessar (...)
30Parmi les multiples initiatives pédagogiques que CalArts impulsa, on peut citer la désormais légendaire classe Post-Studio qu’y initia John Baldessari à partir de 1970. Embrassant les évolutions de l’art conceptuel tout en y intégrant la question du média, ce cours se destinait aux étudiants ne pratiquant « ni la peinture ni la sculpture ni tout autre activité manuelle29 ». Baldessari poussait ses étudiants à sortir du cadre confiné de l’atelier et des signaux esthétiques balisés, pour inscrire leur pratique dans le spectre « de la culture au sens large ». Marqué par la logique du non-enseignement de Cage, sa méthode de « défamiliarisation30 » se basait sur la résistance à l’idée que l’art peut être appris par l’adhérence à des règles et des programmes préétablis. Baldessari se concevait ainsi comme un « facilitateur » ou un « informateur » et sa classe comme la tentative de créer une situation ouverte et imprévisible « où l’art pourrait advenir31 ».
- 32 John Baldessari, cité par Coosje van Bruggen, John Baldessari,
- 33 Jack Goldstein, « Early Days in CalArts », dans Richard Hertz, op. cit., p. 68.
31Que le séminaire se tienne dans le campus, sous la forme de séances de critiques de groupes, de conférences d’artistes extérieurs ou lors de field trips dans l’espace périurbain de Los Angeles, le Post-Studio concevait le processus d’enseignement sous la forme de
démonstrations d’incertitude, jouant sur l’ellipse, le paradoxe, insistant sur des actes de connaissance partielle laissant une grande part aux circonstances fugitives de la vie ordinaire, plutôt que la recherche d’une maîtrise complète. Comme l’écrivait Baldessari, « non seulement le monde que chacun connaît est différent, mais nous ne connaissons qu’une partie de ce monde. C’est pourquoi nous ne communiquons qu’à travers le hasard. Car personne n’a connaissance du tout, seulement des lieux où ces mondes se croisent32. ». En orientant sa pédagogie sur l’acte du « choix », Baldessari visait à problématiser l’activité de la signification, sa part d’indicible ou de contingence, en la réduisant à ses actes et ses constituants les plus basiques et quotidiens, comme par exemple le fait de pointer, de cadrer, séparer, décomposer, puis réassembler selon un nouvel ordre une séquence de termes (mots, images, objets) préalablement formée. Baldessari a poussé ses étudiants à appliquer cette attitude déconstructive à l’investigation des signes de la culture visuelle populaire et à formaliser leur recherche à travers la photographie, le film et la vidéo, médias qu’il entrevoyait comme des équivalents de l’index corporel du doigt pointé. Comme l’a souligné son ancien étudiant Jack Goldstein : « Les étudiants n’avaient pas vraiment d’éducation manuelle, mais nous avons appris une toute nouvelle attitude à propos de ce que l’art pouvait être – non l’expression mais l’investigation, l’investigation de la production d’image en imitant les films et les cartoons, ou la propagande et la publicité33. ».
- 34 Michael Asher, cité par Jan Tumlir, « Zero, My Teacher », X-Tra, vol. 19, n° 3, printemps 2017, (...)
- 35 Mark Allen, « Notes en vue d’un jardinage socratique », dans Géraldine Gourbe (sld), In the Cany (...)
32À partir de 1973, Michael Asher rejoint l’équipe sous l’intitulé « Post Studio », inaugurant une « classe critique » qui prit la forme de sessions marathons à durée indéterminée. Son premier geste consista à « jeter l’horloge34 » hors de la salle de classe et laisser le silence créer un appui critique à la parole. Un de ses anciens étudiants décrit ainsi le cours d’Asher comme un cadre « atemporel », « hyper-discursif et radicalement permissif35 » au sein duquel les étudiants, par le frottement des points de vue et des subjectivités, étaient collectivement poussés à élaborer un espace critique. Dans cette classe dont le support des échanges était constitué par les travaux en cours des étudiants, Asher posa comme un enjeu de premier ordre le développement des capacités de chaque participant à habiter par l’activité réflexive et sensible la pratique de quelqu’un d’autre.
Occuper l’école par le « dehors »
- 36 Présentation de la classe de Happening de Kaprow. Livret étudiant pour l’année 1972-73, archives (...)
- 37 Pour une analyse approfondie de cette pièce, voir Géraldine Gourbe, « La pédagogie de l’art comm (...)
33À CalArts, la constitution du collectif s’est réalisée à travers un usage alternatif de l’espace sur un mode déterritorialisé. La plupart des séminaires exploitaient les caractéristiques du site, le désert à proximité, l’autoroute et le contexte suburbain. Une des premières initiatives collectives menées dans le cadre de la classe de happening de Kaprow, Publicity (1970), a consisté à amener une centaine d’étudiants dans le désert rocheux de Vasquez Rock, situé à proximité du campus en construction de l’école. Les participants devaient former des groupes et construire des structures temporaires avec des morceaux de bois en s’insérant dans la topographie du site. L’action était filmée et diffusée en direct, avec un léger différé, via des moniteurs. Le circuit action-réception du feed-back permettait d’explorer la manière dont cette mimesis médiatisée pouvait modifier le cours de l’action réelle, se substituant également à l’autorité de l’enseignant. Tel qu’exploité par Kaprow dans le contexte pédagogique, le média devenait un outil permettant d’interroger le rapport entre public et participant, ainsi que la limite entre « l’usage du média comme activité et comme information à propos d’une activité (publicité)36 ». C’est en effet sous l’impulsion du contexte de CalArts et notamment du Feminist Art Program, que Kaprow va explorer la relation entre les systèmes d’information et les processus sociaux37.
34Autre projet marquant de cette première période, traduisant le désir de contrer toute routinisation bureaucratique, la House of Dust d’Alison Knowles a servi de lieu de cristallisation communautaire, de rencontre, de performance et de lecture, mais aussi de point délocalisé d’échange entre les enseignants. Cette sculpture-habitat, dérivée d’un programme aléatoire conçu par un ordinateur, proposait une sorte de refuge dont les formes organiques contraient la rigidité linéaire du bâtiment. Suivant ce même type d’initiatives la Mud Hut fut construite collectivement lors d’un séminaire d’anthropologie.
- 38 Judy Chicago, « Womanhouse catalog essay », 1971, [www.womanhouse.net/statement/], consulté le 10 (...)
35Cette « production » de l’espace a également été portée par le Feminist Art Program (F.A.P.), programme pionnier d’enseignement artistique féministe destiné, selon les mots de sa fondatrice, Judy Chicago,
à « aider les femmes à restructurer leur personnalité de façon à être plus cohérentes avec leur désir d’être artistes et à construire leur pratique à partir de leur expérience de femme38 ». Sa première initiative, l’une des plus étudiées de cette première phase de CalArts, la Womanhouse, consista pour le groupe d’étudiantes nouvellement constitué à occuper temporairement une maison vouée à la destruction dans le quartier de West Hollywood. Celle-ci fut convertie en un environnement artistique collaboratif, où chacune investit l’une des pièces pour proposer une œuvre traitant de sa relation fantasmatique à l’environnement domestique, terrain de lutte psychiques, sociales et symboliques.
36Ces différentes tentatives de conversion du lieu éducatif en espace d’expérience dépolarisé manifestent une forte impulsion vers des problématiques d’occupation et de création d’un dehors de l’institution, à travers lesquelles l’école s’affirme comme matrice de décentrage.
Dynamiques collectives des étudiants
- 39 Très peu interventionniste sur la ligne artistique de l’école, le conseil d’administration dirig (...)
- 40 « Chaque artiste devrait trouver une ligne artistique économique, « bon marché ». Cela maintient (...)
37Les différents témoignages d’étudiants soulignent l’extrême liberté et l’autonomie dont ils disposaient dans ce cadre dé-hiérarchisé. Plutôt
que d’avoir généré un chaos, CalArts, en partie en raison de ses critères de sélection privilégiant des étudiants motivés, a été investi comme un véritable espace de création. Le faible investissement dans les processus décisionnaires des actionnaires de l’école, en raison sûrement d’un manque de compétences39, a fait que, durant les premières années au moins, CalArts a véritablement été « administrée » et structurée par les artistes. La principale limite était d’ordre économique, les contraintes de budget pouvant faire entrer en concurrence les différentes écoles. Concernant l’école d’art, cette question budgétaire a en réalité peu joué du fait de l’orientation de l’art vers la création de situations plutôt que d’objets. Baldessari recommandait en effet toujours à ses étudiants de trouver une « cheap line40 », en tâchant au mieux de se libérer des contraintes économiques.
38De nombreux étudiants qui ont intégré l’école durant sa période d’effervescence affirment s’être retrouvés à CalArts guidés par le hasard, l’institut n’ayant établi sa réputation qu’au début des années 1980, lorsque les premières générations d’anciens étudiants commencèrent à exposer. Tony Oursler affirme avoir été à CalArts parce qu’elle était la seule école à permettre de déjouer le lourd protocole de candidature nationale, en acceptant des inscriptions hors délais. John Miller, venant de la Rhode Island School of Design, avait décidé d’étudier à CalArts après y avoir fait un échange d’un semestre qui le marqua profondément, mais ne s’y serait pas installé durablement si elle n’avait pas été l’école qui proposait la meilleure bourse d’étude. Mike Kelley, quant à lui, avait été attiré par l’accent mis sur les musiques électroniques et le « croisement » disciplinaire. Jim Shaw le suivit depuis Détroit par amitié.
- 41 Les échanges entre CalArts et le Nova Scotia College of Arts furent toutefois nombreux : David A (...)
39Cette situation de l’école, où la majorité des étudiants et des enseignants étaient non californiens, encourageait un brassage inédit d’individualités hétérogènes. Par ailleurs, suivant la ligne de l’école « no information in advance of needs », les dynamiques collectives ont pu s’y développer indépendamment de toute identification préalable à un courant artistique ou un médium. Sur ce point, CalArts diffère par exemple d’une autre école d’art expérimentale, qui comme elle se singularisait par sa position géographique périphérique, le Nova Scotia College of Arts and Design de Halifax41 au Canada, dont la ligne était plus fortement marquée par le conceptualisme orthodoxe.
- 42 John Welchman, « Cal-Aesthetics », Flash Art, n° 141, été 1988, p. 108.
40La situation inclusive que proposait l’école, conçue comme une simultanéité de champs hétérogènes, a en retour indéniablement marqué l’attitude des étudiants qui ont développé des capacités de liaison entre champs distincts, sous la forme de pratiques multimédia. Comme en témoignent des travaux aussi distincts que ceux de Jack Goldstein, Matt Mullican ou Mike Kelley, le référent de la performance marqua durablement leur attitude conceptuelle. Toute la génération des artistes issus de CalArts a été également particulièrement attentive à la déconstruction des hiérarchies artistiques, à la stratification et la dissémination des images médiatiques. Dans toute sa diversité, elle a développé des pratiques sur un mode hétéronome, par connexion et articulation. John Welchman observe ainsi que, si les œuvres des anciens étudiants de l’école rassemblées en 1988 dans l’exposition « CalArts Skeptikal Belief(s) » ne peuvent être réduites à une esthétique déterminée, elles sont toutefois plus « pluralistes », « plus chargées de références, plus disparates dans leur matérialité […]42 ».
Lois Boardman et Bruce Langford, African Hut Mud-in, 1972. California Institute of the Art Photographic Materials Collection.

Credit : California Institute of the Arts Library Archives.
Alison Knowles, House of Dust, 1971. California Institute of the Art Photographic Materials Collection.

Credit : California Institute of the Arts Library Archives.
- 43 Abréviation utilisée dans le contexte des écoles d’art américaine pour qualifier les « séances c (...)
- 44 Voir sur ce point l’étude détaillée de Howard Singerman dans Art Subjects. Making Artists in the (...)
- 45 Entrée n° 4 de la liste « Working Backward » (February 4, 1972), publiée dans F. Barth, R. Jacks (...)
41Parmi d’autres spécificités, cette génération a impulsé une dynamique de confrontation avec les industries culturelles et du spectacle, le cinéma, la télévision, la publicité, ce qui peut en partie être expliqué par le terreau que constituait d’une part Los Angeles, capitale de l’entertainment, mais aussi la configuration multidisciplinaire de l’école d’art. Ces artistes, aussi bien ceux qui se relient à la Pictures Generation que le groupe formé par Kelley, Oursler, Shaw, Miller et d’autres, ont renoué avec la problématique de la représentation, dans une perspective de distanciation critique, mais sans la rigidité défensive avec laquelle les générations conceptuelles précédentes se comportaient vis-à-vis « du spectacle ». Ces artistes se sont mis à questionner le point de vue du récepteur de cette culture, à l’enraciner dans un vécu, pour en explorer les effets d’emprises subliminaux, les rapports ambivalents de désir et de répulsion qu’elle convoquait chez eux, rompant avec la position d’extériorité de leurs prédécesseurs. Par ailleurs, CalArts a bien été ouverte aux évolutions poussant la formation artistique vers la théorie au détriment du savoir-faire manuel ; ce, notamment, par l’instauration de la session de « crit43 » qui inaugurait alors une nouvelle « discipline du discours44 » au sein de la pédagogie de l’art. Mais, à la différence de structures qui étaient directement assimilées à l’université et pour lesquelles, comme l’a étudié Howard Singerman, le référent tendait à devenir celui du langage de la « high theory », la pédagogie pragmatique de CalArts ne séparait pas comme deux moments distincts la théorie de l’expérience, l’agir et sa réception : « Avoid theorizing, Assemble facts45 » [évitez la théorie, présentez des faits], pouvait ainsi écrire Baldessari en 1972.
- 46 Sur ce point, il faut noter que les anciens étudiants de CalArts ont « atteint » rapidement le m (...)
42En recentrant la pédagogie sur l’autonomie et l’auto-définition, non par exclusion mais inclusion, elle a pu également renforcer une forme d’indépendance à l’égard des procédures instituantes46. Les protocoles collaboratifs, qu’ils aient constitué la base des situations pédagogiques ou aient été développés à l’initiative des étudiants, se sont prolongés bien après leur diplôme. De là sont nées des initiatives marquantes pour le développement de l’art à Los Angeles, notamment la création d’espaces d’exposition collectivement auto-gérés (comme le Los Angeles Contemporary Art (LACE), ou le Woman’s Building).
43Le groupe qui a le plus porté cette expérience formatrice en-dehors des limites de l’école est sans doute celui formé par Mike Kelley, Jim Shaw, Tony Oursler, John Miller. En témoigne The Poetics Project 1977-1997, environnement multimédia issu d’une collaboration entre Kelley et Oursler. Intitulée en référence au groupe de punk-noise, The Poetics, qu’ils formèrent, durant leurs années d’étude à CalArts, cette œuvre est une archive active et ouverte de leur propre expérience d’étudiants, élargie à une réflexion sur l’histoire « mineure » des « groupes » et du croisement entre le champ de la musique et celui des arts visuels. Tout en la mettant à l’épreuve par la fragmentation, la discordance des temps et des supports, la notion d’œuvre d’art totale, chère aux premiers concepteurs de l’école, est aussi au cœur de cette cosmologie multidimensionnelle déclinant par juxtaposition, superposition et correspondance, son, peinture, décors sculpturaux, projection vidéo, lumière et langage.
CalArts graduation, 1978. California Institute of the Art Photographic Materials Collection.

Credit : California Institute of the Arts Library Archives.
Douglas Huebler, Tim Silverlake et Mike Kelley en 1978. California Institute of the Art Photographic Materials Collection.

Credit : California Institute of the Arts Library Archives.
44La remise en cause des hiérarchies entre enseignants et enseignés, a, dans le contexte de l’école, fédéré un grand nombre d’œuvres collaboratives. Comme Kaprow qui a conçu pour la première fois de sa carrière d’enseignant ses œuvres en collaboration avec ses étudiants, Judy Chicago et Miriam Schapiro activèrent à travers le Feminist Art Program cette modalité de création collective. Les collaborations régulières de Baldessari avec ses étudiants, sous la forme de films comme Script (1974) ou encore celle entre David Askevold et Mike Kelley, à travers l’une de ses premières pièces, The Poltergeist (1979) sont autant d’occurrences qui témoignent de ces dynamiques interpersonnelles. Autre phénomène notable, ce rapport s’est poursuivi à travers l’écriture. Mike Kelley, David Salle, John Miller ou encore Suzanne Lacy consacrèrent des essais à leurs anciens professeurs.
Conclusion, « no one knows exactly what it takes to make an artist »
- 47 Douglas Huebler, « Comments on CalArts », dans CalArts Skeptikal Belief(s), catalogue d’expositi (...)
- 48 ibid.
45Que cette école d’art ait constitué le point de convergence de tous ces artistes relève d’une alchimie qui échappe en partie à tout
déterminisme. Si, comme l’a écrit Douglas Huebler, qui enseigna dans le cadre du cours Post-Studio de 1976 à 1988, « nous étions là au bon moment et au bon endroit47 », on ne peut considérer CalArts uniquement comme le lieu de rencontre accidentel entre toutes ces individualités. Dans ce même texte, Huebler attribue la vitalité de cette première décennie d’activité de l’école principalement aux étudiants, mais également au fait qu’elle sut s’adresser à de jeunes artistes sans les contraindre à parler le « langage de l’art » : « Pour la première fois, il n’était pas requis que le locuteur [speaker] parle [speak] le langage de l’art. [...] CalArts a permis de former des individus indéniablement créatifs cela indépendamment du fait qu’ils n’aient pas de compétences pour le rendu précis de l’anatomie, ou de la perspective48. ».
46Répondant à une demande d’élargissement de la sphère esthétique à des « phénomènes que le formalisme n’avait pas les moyens de représenter (pictures) », CalArts correspond donc à l’esprit d’ouverture et de pluralisme qui caractériserait, selon Huebler, le levier véritablement émancipateur de l’art conceptuel, dont il avait été l’un des fondateurs.
47Tout en contribuant à tracer une voie alternative à la tradition formaliste, l’histoire de cette école permet en même temps de rendre sensible comment l’expérience collective dont elle tint lieu au cours des années 1970 n’avait rien de l’application stricte d’un nouveau « concept » d’école d’art. Celle-ci relevait plutôt d’une tentative, ouverte et non programmée, de donner à chaque artiste la capacité de faire vivre la phrase qui achève le texte de Huebler : « no one knows exactly what it takes to make an artist » [personne ne sait exactement ce qu’il faut pour faire un artiste]. En faisant de ce non-savoir l’hypothèse de base du projet de l’institution de formation artistique, CalArts a réussi à faire se croiser et se chevaucher les lignes générationnelles et les faisceaux de tensions d’une époque de grandes remises en questions sur le plan politique, social et artistique ; cela, en apprenant, collectivement et erratiquement, à « collaborer sur les frontières ». Réaffirmant le rôle de cadre liminaire, conducteur, à défaut d’un principe formateur préalablement fixé, que les écoles d’art, peuvent et continuent de jouer.
Notes
1 Pierre Bourdieu, « Mais qui a créé les créateurs ? », Questions de sociologie, Paris, Minuit, 1980, p. 207.
2 Selon l’expression de John Welchman dans « Cal-Aesthetics », Flash Art, n° 141, été 1988, p. 106.
3 Voir Craig Hodgetts, « Biography of a Teaching Machine », Artforum, vol. 12, n° 1, septembre 1973.
4 Walt Disney est décédé en 1966, laissant l’école à l’état de projet, mais il lui a légué la moitié de son héritage.
5 Paul Brach, « CalArts: The Early Years », Art Journal, vol. 42, n° 1, printemps 1982, p. 28.
6 Tony Oursler, entretien avec l’auteure, New York, 7 février 2019.
7 Craig Hodgetts, op. cit., p. 64.
8 Thornton Ladd, « Remarks », non publié (Archive de CalArts), 4 août 1967, cité dans Janet Sarbanes, « The Poiegg and the Mickeymaushaus: Pedagogy and Spatial Practice at the California Institute of the Arts », dans Ken Ehrlich (sld), Art, Architecture, Pedagogy: Experiments in Learning, CalArts, Valencia, 2010, p. 14.
9 Janet Sarbanes, ibid., p. 15.
10 Sur la pédagogie de la School of Visual Arts de New York, voir Katia Schneller, « Professionalism in the Arts. L’enseignement à la School of Visual Arts entre 1965 et 1975 », dans Christophe Kihm et Valérie Mavridorakis (sld), Transmettre l’art : figures et méthodes, Dijon, Presses du réel, 2013.
11 Janet Sarbanes, « A Community of Artists: Radical Pedagogy at CalArts, 1969-1972 », East of Borneo, 2014, [https://eastofborneo.org/articles/a-community-of-artists-radical-pedagogy-at-calarts-1969-72/], consulté le 11 novembre 2016.
12 Marshall McLuhan, « Classroom without Walls », Explorations in Communication, an Anthology, Boston, Beacon Press, 1960.
13 Craig Hodgetts, op. cit., p. 65.
14 Herbert Blau, cité par Judith Adler, Artist in Office, op. cit., p. 72.
15 Robert W. Corrigan, « Inter-office Memorandum », dans « California Institute of the Arts: Prologue to a community », Arts in society, vol. 7, n° 3, University of Wisconsin, Madison, automne-hiver 1970, p. 91.
16 Robert W. Corrigan, « An artist’s role in society », Arts in Society, op. cit., p. 16.
17 Herbert Gold, « Walt Disney Presents: Adventures in Collegeland », The Atlantic Monthly, novembre 1972, p. 50.
18 Comme l’affirme Mike Kelley, le département d’art de l’Université du Michigan, où il suivit une formation entre 1974 et 1976, est un exemple parmi d’autres de structures d’enseignement qui perpétuaient encore des approches issues du formalisme moderniste au milieu des années 1970. Mike Kelley, « Missing Time: Works on Paper 1974-1976, Reconsidered », dans John C. Welchman (sld), Minor Histories. Statements, Conversations, Proposals, Cambridge, MIT Press, 2004, p. 64.
19 Paul Brach, « CalArts: The Early Years », Art Journals, Vol. 42, n° 1, printemps 1982, p. 28.
20 ibid. Brach emploie ce terme en 1982 sans directement nommer Harold Rosenberg, qui publia en 1972 The De-Definition of Art. On peut toutefois supposer que c’est bien à Rosenberg que Brach se refère ici pour qualifier l’attitude qui présida au projet de CalArts, mais en employant ce terme dans une acception strictement positive sans les réserves impliquées dans son texte par Rosenberg.
21 Herbert Blau, Lettre à Allan Kaprow, mars 1968, Allan Kaprow Papers, Getty Research Institute, Los Angeles.
22 Judith Adler, Artists in Office, New Brunswick, Transaction Book, 1979, p. 88.
23 John Cage, « Experimental Music: Doctrine », dans Silence: Lectures and Writings, Middletown, Wesleyan University Press, 1961, p. 13.
24 Paul Brach, op. cit., p. 29
25 « Conversation », dans « California Institute of the Arts: Prologue to a community », op. cit., p. 66.
26 Shannon Harvey, « Radical Pedagogy: Madeline Weisburg interviews Adam Michaels and Shannon Harvey of Inventory Press », [https://www.artbook.com/blog-blueprint-interview.html]
27 « Conversation », dans « California Institute of the Arts: Prologue to a community », op. cit., p. 66.
28 Paul Brach, op. cit., p. 29.
29 John Baldessari, dans Richard Hertz, Jack Goldstein and the CalArts Mafia, Ojai, Minneola Press, 2003, p. 60.
30 Raphaël Pirenne, « John Baldessari et le Post Studio Art au CalArts », dans Christophe Kihm et Valérie Mavridorakis (sld), op. cit., p. 217.
31 John Baldessari, entretien avec Christopher Knight, « Oral History Interview with John Baldessari, April 4-5 1992 », Archives of American art, Smithsonian Institution, [www.aaa.si.edu/collections/interviews/oral-history-interview-john-baldessari-11806], consulté le 15 janvier 2019.
32 John Baldessari, cité par Coosje van Bruggen, John Baldessari,
New York, Rizzoli, 1990, p. 11.
33 Jack Goldstein, « Early Days in CalArts », dans Richard Hertz, op. cit., p. 68.
34 Michael Asher, cité par Jan Tumlir, « Zero, My Teacher », X-Tra, vol. 19, n° 3, printemps 2017, [https://www.x-traonline.org/article/zero-my-teacher], consulté le 8 décembre 2018.
35 Mark Allen, « Notes en vue d’un jardinage socratique », dans Géraldine Gourbe (sld), In the Canyon, Revise the Canon, Annecy, Rennes, Shelter Press/ESAA Éditions, 2016, p. 87.
36 Présentation de la classe de Happening de Kaprow. Livret étudiant pour l’année 1972-73, archives du California Institute of the Arts, Valencia. Souligné dans le texte.
37 Pour une analyse approfondie de cette pièce, voir Géraldine Gourbe, « La pédagogie de l’art comme agency ou l’influence du Feminist Art Program (côte Ouest) sur la pensée de la pionnière de la performance (côte Est) », dans Christophe Kihm et Valérie Mavridorakis (sld),
op. cit., p. 171-197.
38 Judy Chicago, « Womanhouse catalog essay », 1971, [www.womanhouse.net/statement/], consulté le 10 novembre 2018.
39 Très peu interventionniste sur la ligne artistique de l’école, le conseil d’administration dirigé par Roy Disney s’opposa toutefois à la tentative de recrutement d’Herbert Marcuse en 1971, et força à la démission Herbert Blau et Maurice Stein. Même après cette période, selon John Miller qui sortit diplômé en 1979, l’école resta dans les faits et au quotidien très proche de l’esprit de ses premiers initiateurs. Entretien oral avec l’auteure, New York, 6 février 2019.
40 « Chaque artiste devrait trouver une ligne artistique économique, « bon marché ». Cela maintient l’art ordinaire et l’empêche de devenir pompeux ». John Baldessari, « Definitions », Art-Rite, n° 14, hiver 1976-1977, p. 6.
41 Les échanges entre CalArts et le Nova Scotia College of Arts furent toutefois nombreux : David Askevold enseigna au NSCAD puis à CalArts, et John Baldessari conçu sa célèbre pièce I Will Not Make Any More Boring Art (1971) à distance, pour les étudiants de l’école d’art canadienne.
42 John Welchman, « Cal-Aesthetics », Flash Art, n° 141, été 1988, p. 108.
43 Abréviation utilisée dans le contexte des écoles d’art américaine pour qualifier les « séances critique » durant lesquelles les étudiants présentent leurs productions aux autres étudiants sous la supervision de l’enseignant. Les travaux donnent lieu à un échange collectif – remarques, critiques, conseils, questions – à partir duquel le cours se construit. CalArts est l’une des premières institutions à instaurer cette modalité discursive et participative comme levier central de sa pédagogie.
44 Voir sur ce point l’étude détaillée de Howard Singerman dans Art Subjects. Making Artists in the American University, Los Angeles, Londres, University of California Press, 1999. Et plus particulièrement la sous-partie “Language in the University”, p. 162-166.
45 Entrée n° 4 de la liste « Working Backward » (February 4, 1972), publiée dans F. Barth, R. Jackson, B. Munger, G. Stephan, John Baldessari, Houston, Contemporary Art Museum, 1972, p. 10.
46 Sur ce point, il faut noter que les anciens étudiants de CalArts ont « atteint » rapidement le marché de l’art, lors de sa phase de « boom » au début des années 1980, ce avant de passer nécessairement par les relais institutionnels. Ceci a généré en retour certaines critiques, comme celle de Craig Owens, qui opéra une relecture de la « génération » CalArts sous l’angle du « retour au studio », autrement dit de l’adaptation à la demande du marché. Si John Baldessari a effectivement lutté contre la mythologie naturalisant l’équivalence entre l’artiste pauvre et l’artiste authentique, nous pensons qu’indexer la réussite commerciale des anciens étudiants à une « trahison » du Post-studio program est quelque peu réducteur. Voir Craig Owens, « Back to the studio », Art in America, n° 56, janvier 1982.
47 Douglas Huebler, « Comments on CalArts », dans CalArts Skeptikal Belief(s), catalogue d’exposition (Chicago, Renaissance Society, NewPort Beach, Newport Harbor Art Museum, 1987), Chicago, Renaissance Society, 1988, p. 7.
48 ibid.
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Titre | Lois Boardman et Bruce Langford, African Hut Mud-in, 1972. California Institute of the Art Photographic Materials Collection. |
Crédits | Credit : California Institute of the Arts Library Archives. |
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Titre | Alison Knowles, House of Dust, 1971. California Institute of the Art Photographic Materials Collection. |
Crédits | Credit : California Institute of the Arts Library Archives. |
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Titre | CalArts graduation, 1978. California Institute of the Art Photographic Materials Collection. |
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Titre | Douglas Huebler, Tim Silverlake et Mike Kelley en 1978. California Institute of the Art Photographic Materials Collection. |
Crédits | Credit : California Institute of the Arts Library Archives. |
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Pour citer cet article
Référence papier
Clara Guislain, « « Collaborer sur les frontières » : CalArts et l’expérience du collectif », Marges, 30 | 2020, 21-38.
Référence électronique
Clara Guislain, « « Collaborer sur les frontières » : CalArts et l’expérience du collectif », Marges [En ligne], 30 | 2020, mis en ligne le 02 janvier 2023, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/1964 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/marges.1964
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