Introduction : former les artistes
Plan
Haut de pageTexte intégral
- 1 Pour certains,c’est même l’inverse : « Au premier stade, il y a l’art gaillard, gratuit et plein (...)
1Avant d’aborder la question de la formation des artistes, peut-être faudrait-il commencer par s’interroger sur ce que serait un artiste sans formation. Le modèle qui vient immédiatement à l’esprit est celui de l’art brut, de l’art des fous, des enfants, des primitifs, des sauvages : des personnes dont l’impulsion spontanée à la création n’est pas entravée par une quelconque éducation. Ce modèle, souvent idéalisé, connaît depuis longtemps un grand succès dans l’imaginaire commun – y compris celui des artistes – et il faudra en tenir compte dans toute discussion sur l’enseignement de l’art : contrairement à d’autres domaines, il n’est pas nécessaire d’être titulaire d’un diplôme, quel qu’il soit, pour exercer une activité artistique1.
- 2 Nathalie Heinich a fait état autrefois d’une enquête menée par des sociologues sur un échantillo (...)
2Ceci étant dit, il convient tout de suite d’introduire une distinction importante : avoir une absence de formation, ce n’est pas la même chose qu’être autodidacte. Un artiste brut produit des objets, des actions, des images, sans se poser la question de leur qualité, de l’évolution de sa pratique ou de sa comparaison avec celle d’autres personnes. À l’inverse, un artiste autodidacte ne refuse pas les comparaisons ou l’idée selon laquelle il apprendrait des choses au cours du temps, sa pratique s’enrichissant justement de cet apprentissage. Dans ce cas, il n’y a pas de refus (ou d’ignorance) de la formation à l’art en tant que telle, mais plutôt un rejet de l’enseignement institué, tout au moins tel qu’il a été perçu et parfois reçu. C’est sans doute ce qui explique qu’une grande partie des artistes formés au sein des écoles d’art se déclarent autodidactes2. Cela veut-il dire qu’ils n’y ont rien appris, qu’ils n’assument pas ce qu’ils ont appris, ou que la formation est toujours en dernière instance quelque chose qu’ils doivent escamoter afin de mettre en avant la spontanéité de leur création ? L’hypothèse qui sera formulée pour répondre à cette question est que pour de nombreux artistes la contradiction est sans doute trop apparente entre invention spontanée et apprentissage laborieux et qu’apprendre à être créateur leur semble relever de l’oxymore. Si l’autodidaxie est autant valorisée, c’est qu’elle entre assez bien en résonnance avec la figure de l’artiste autonomisé, celui qui est le fils de ses œuvres. Un tel artiste peut d’ailleurs très bien, sans y voir la moindre contradiction, posséder une conception singulière de la pédagogie et se retrouver dans la situation d’enseigner ou de fonder des écoles.
3Le détour par la question de l’autoformation n’est pas anodin. Dans le parcours d’un artiste, il y a toujours deux éléments : ce qui est explicitement construit – et peut être transmis au sein d’une structure d’enseignement – et ce qui relève du hasard et des rencontres. On résumera cela en remarquant que la formation en art n’est jamais une question purement pédagogique, puisqu’elle passe aussi par des expériences intimes et par l’acquisition d’un certain nombre de codes du milieu de l’art – ce qui renvoie au fait d’évoluer au sein d’un environnement artistique en s’y intégrant progressivement.
De l’académie à l’académisme
4L’autonomie de la création artistique, qui est la toile de fond de l’idée d’autodidaxie, est une idée relativement récente, qui va de pair avec une certaine image de l’artiste en tant que personne autonome, apte autant à jouer avec les symboles et les systèmes de représentations qu’à en créer de nouveaux. Cette conception est apparue à la Renaissance et elle est contemporaine d’une transformation importante des structures d’enseignement. Dans les sociétés traditionnelles ou en Occident jusqu’au 16e siècle, il y avait des artisans, plus ou moins créatifs, plus ou moins compétents et reconnus, mais ils étaient toujours prioritairement au service de leurs commanditaires. Le registre le plus courant de leur formation était l’apprentissage ou le compagnonnage : lorsque les apprentis avaient acquis un certain nombre de compétences, notamment techniques, ils étaient considérés comme autonomes et pouvaient s’établir à leur compte, afin d’exercer leur métier au sein d’une guilde ou d’une corporation.
5Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce système, qui peut sembler archaïque, n’a jamais complètement disparu : d’une part, il y en a des survivances dans le fonctionnement de certaines écoles d’art, avec l’organisation d’ateliers autour d’un « chef d’atelier » (aux Beaux-Arts de Paris, par exemple). D’autre part, le fait de travailler comme assistants d’artistes est bien souvent un moyen permettant à de jeunes artistes d’intégrer progressivement le milieu de l’art. Ainsi, si l’on observe les parcours des artistes les plus visibles, ce sont souvent des personnes qui ont été formées dans des écoles d’art, tout en travaillant auprès d’artistes reconnus qui ultérieurement les ont recommandés à des galeristes, critiques ou curateurs.
- 3 Le mot est de Michel-Ange. Voir Nikolaus Pevsner, Les Académies d’art (1940), trad. G. d’Antony, (...)
6Quoi qu’il en soit, à partir de la Renaissance ce type de formation a progressivement été mis en cause. L’une des raisons tenait à une demande de reconnaissance sociale de la part de certains artistes. Ceux-ci refusaient d’être assimilés à des artisans ou à des ouvriers ; ils contestaient l’idée selon laquelle leur activité serait purement manuelle et cherchaient à l’associer aux arts libéraux. L’assimilation de pratiques artisanales (peinture, sculpture, dessin) aux arts libéraux, plutôt qu’aux arts mécaniques, avait pour enjeu principal de faire reconnaître que ce genre de pratique était une cosa mentale, selon le célèbre mot de Léonard de Vinci et que « l’on peint avec la tête et non avec la main3 », mais aussi d’affirmer que les commanditaires des œuvres ne devraient pas être les seuls à pouvoir en évaluer la qualité. Le jugement sur l’art par les artistes a de ce fait impliqué de constituer des communautés de pairs qui ne seraient pas assimilables à des syndicats ou à des corporations : c’est ce qui explique le recours à la fondation d’académies.
- 4 L’académie originelle a été fondée par Platon à Athènes au 4e siècle av. J.-C. et au 15e siècle (...)
- 5 Sur ce point, voir Erwin Panofsky, Idea (trad. H. Joly) Paris, NRF/Gallimard, 1983 (éd. original (...)
- 6 Voir Nathalie Heinich, Être artiste, op. cit., p. 21.
- 7 Voir Nikolaus Pevsner, op. cit., p. 35-37 et p. 48.
7Le modèle des académies a été choisi pour deux raisons. D’une part, il s’agissait d’une référence explicite à un modèle platonicien et néo-platonicien4, c’est-à-dire à une école de pensée fondée sur le culte des idées et non des savoir-faire, sur la recherche d’une synthèse plutôt que sur l’imitation servile des modèles hérités de la tradition5. D’autre part, ces écoles d’un nouveau genre permettaient de prendre le contrepied des « boutiques » des corporations en en supprimant le caractère directement commercial. Une personne qui voulait devenir artiste, c’est-à-dire accéder à l’excellence de cette pratique libérale, ne pouvait se contenter d’apprendre un métier en reproduisant les astuces enseignées par un maître et transmises de génération en génération. Il fallait autre chose, où la pratique pourrait résonner avec des réflexions théoriques, dans une perspective plus large, constitutive d’une profession (libérale) à part entière6. De ce fait, les premières académies ont été des lieux de réflexion et de confrontation entre les enseignements de plusieurs maîtres, des lieux de rencontre entre étudiants au sein d’ateliers collectifs, des lieux d’étude de savoirs réputés universels : perspective, géométrie, anatomie, histoire de l’art… Le succès du modèle académique se lit dans son développement exponentiel aux 16e-18e siècles, dans tous les pays d’Europe et dans des domaines aussi variés que les lettres, le théâtre, l’escrime, la théologie ou la médecine7. Progressivement, toutes les académies d’art se sont mises à fonctionner selon des principes similaires : apprentissage du dessin, de la peinture, de la composition, du modelage ; enseignement d’après des modèles puisés dans l’histoire de l’art ou les textes classiques ; discussions et corrections publiques. Ce modèle impliquait l’existence d’autres institutions en complément, puisque l’académie avait besoin de l’histoire de l’art comme répertoire de modèles ; de musées afin de conserver et présenter ces modèles ; d’expositions régulières et de publics plus larges qui pourraient constater l’excellence des nouveaux artistes en se référant à l’art du passé.
Le modèle impossible de l’académie moderne
- 8 Jean-Auguste-Dominique Ingres, Notes et pensées (1870), Paris, Gérard Monfort, 1984, p. 148.
8Jusqu’au début du 20e siècle on a assisté à une diffusion très importante du modèle académique, dans toute l’Europe et au-delà. Cela s’est accompagné d’une standardisation croissante des pratiques d’enseignement : le même modèle en plâtre pouvait être utilisé pour former les artistes en Suède ou en Nouvelle-Zélande ; la même gravure d’un tableau du 16e siècle était parfois étudiée, recopiée et réinterprétée à l’infini ; l’histoire de l’art ressemblait de plus en plus à une forme d’histoire sainte. Comme le disait avec force Jean-Auguste-Dominique Ingres, figure dominante de l’École des Beaux-Arts de Paris au milieu du 19e siècle : « Il n’y a rien d’essentiel à trouver dans l’art après Phidias et après Raphaël8. ». L’originalité était de plus en plus bannie et la conformité vis-à-vis de modèles réputés universels était devenue la norme ; toute réforme du système étant rejetée par principe.
- 9 Joshua Reynolds, Discours sur la peinture (1790), Paris, ENSBA, 1991, p. 283.
- 10 En fait, comme le montre Nikolaus Pevsner, ces critiques ont commencé à apparaître dès la fin du (...)
9D’un certain point de vue, on peut dire que l’évolution du système académique vers l’académisme au 19e siècle a fini par en contredire les fondements. Si l’académie des premiers temps avait pour ambition de montrer l’excellence intellectuelle des artistes, leur capacité à inventer et à être « créateurs », cet objectif a fini par disparaître au profit d’un très grand conformisme. De fait, dans un discours où il revenait sur ses vingt ans d’enseignement à la Royal Academy de Londres, le peintre Joshua Reynolds se flattait « de voir que nulle part [il n’avait] défendu des idées nouvelles et hasardeuses, ni soutenu des paradoxes, de quelque tentation que fût leur nouveauté, et quelque ingénieux qu’ils aient pu paraître9 ». C’est sans doute ce genre de réflexion qui explique qu’à la fin du 19e siècle l’enseignement académique ait commencé à être rejeté par une partie des artistes10. Ce qui est alors dénoncé au travers de l’académisme et du conformisme qu’il implique c’est l’idée d’un système verrouillé et immuable. L’académicien n’est plus un intellectuel libre, mais un conservateur ; c’est quelqu’un qui ne produit pas d’innovation et se contente de répéter sans fin les recettes de ses prédécesseurs.
10Pour être tout à fait juste, la contestation des académies, à partir du 19e siècle n’est pas allée jusqu’à la remise en cause du modèle académique en tant que tel. Il serait plus juste de parler d’un désir
d’amélioration des institutions. Il est vrai que tout au long du 20e siècle – et sans doute jusqu’à notre époque – le désir d’inventer des institutions de formation des artistes qui soient plus justes, plus ouvertes au changement et plus en phase avec l’actualité de la création n’a jamais disparu. Ici, la remarque faite sur la persistance de formes traditionnelles d’apprentissage pré-académiques s’applique aussi : certaines écoles d’art, parfois très traditionnelles, ont continué à avoir pour but de former des artistes insérés dans le marché et les institutions, même si des réformes y ont régulièrement introduit des enseignements plus adaptés au monde contemporain : vidéo, nouveaux médias, installation, etc.
- 11 Celui-ci se définit par la mise en avant de la démarche globale d’un artiste au détriment de tel (...)
11Au début du 20e siècle, les écoles d’art auraient pourtant pu disparaître : à l’époque, les académies sont considérées comme mortifères ; elles s’opposent à l’idée d’une créativité propre à chaque artiste et à ce que Nathalie Heinich a appelé leur « régime vocationnel », c’est-à-dire au fait de « se sentir appelé à exercer une activité, vécue dès lors non comme un calcul d’intérêt ou comme l’obéissance à des convenances ou des obligations, mais comme un désir personnel, intérieur d’embrasser une carrière pour laquelle on se sent fait, à laquelle on se sent destiné11 ». Pour les artistes modernes, le système académique tardif, diffusant des modèles à prétention universelle, ne pouvait qu’étouffer cela. D’autres modèles sont recherchés et l’idée apparaît selon laquelle la création artistique ne peut peut-être pas s’enseigner. De fait, si l’on observe les années 1860-1960, force est de constater que les artistes les plus visibles n’ont pas été formés dans les principales institutions académiques ou ont été en rupture avec elles. En outre, même lorsqu’ils ont été formés dans des écoles d’art, celles-ci leur ont servi de repoussoir. Deux catégories sont désormais valorisées : les élèves en rupture avec l’institution et les autodidactes. Le goût pour le « primitif », à partir de la fin du 19e siècle, participe de cela : l’artiste moderne est une sorte de bon sauvage qui n’a pas été perverti par l’enseignement académique (ou qui a su retrouver après l’école la pureté de sa création).
- 12 Nathalie Heinich, L’Élite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique, Paris, Gall (...)
12Dans les années 1910-1930, un certain nombre de protagonistes des mouvances d’avant-garde envisagent ainsi de dépasser les modèles traditionnels et de transmettre quelque chose de ce qu’ils ont appris hors des Écoles instituées. On voit ainsi fleurir des ateliers de formation autour de tel ou tel artiste indépendant (Matisse, Lhote, Léger…) et d’autres participent à des projets plus larges (Malevitch, Rodchenko
ou Tatline à l’Inkhouk ; Klee, Kandinsky ou Moholy-Nagy au Bauhaus). L’enseignement y est réformé, mais ne rompt pas complètement avec les principes académiques, puisque des groupes d’élèves s’y constituent, des modèles vivants sont étudiés, des corrections publiques ont lieu. En outre, comme l’a noté Heinich, il y a presque une incohérence à vouloir transmettre l’art moderne : « comment un artiste peut-il devenir un “modèle de singularité” sans exposer ses suiveurs à l’inauthenticité de celui qui, en imitant, abdique toute singularité ? Comment est-il possible de faire de l’anormalité une norme ? Ou comment échapper aux modèles […] tout en en devenant un12 ? ».
- 13 Renato Poggioli,
13Au même moment, comme l’a remarqué Renato Poggioli, l’essor des mouvances artistiques les plus variées accélère le délitement du système académique traditionnel en proposant de lui substituer des formes d’auto-organisation et d’auto-évaluation entre artistes qui ne passent plus par un quelconque enseignement13. Les nouvelles formes de transmission qui se mettent en place affrontent cependant quelques problèmes : s’il est encore possible de transmettre les méthodes du cubisme, du fauvisme ou du futurisme, cela semble plus compliqué pour l’art abstrait, sans même évoquer le cas de l’expressionnisme ou du dadaïsme. Si l’époque académique avait conduit à un grand conformisme et à une standardisation des pratiques artistiques, on peut dire que la rupture de l’époque suivante conduit à une situation paradoxale vis-à-vis de l’enseignement, puisque ce qui est mis en avant c’est de plus en plus la singularité et l’expressivité des artistes : le fait que leur pratique soit unique et témoigne de leur intériorité. Former à cela à l’intérieur ou à l’extérieur d’une école, quelle qu’elle soit, ne semble pas simple.
- 14 On pense à l’académie organisée à New York en 1948-49 par Barnett Newman, William Baziotes, Davi (...)
- 15 Walter Gropius l’explique dès son premier projet d’école à Weimar en 1916 : il s’agit de conjugu (...)
14La question n’a jamais été résolue, même si certaines des mouvances avant-gardistes du début ou du milieu du 20e siècle ont cherché à créer de nouvelles structures d’enseignement, non sans quelques malentendus14. Ainsi, on donne souvent en exemple le Bauhaus, l’École d’Ulm, le Black Mountain College et d’autres écoles du même genre, en oubliant que ces écoles n’ont pas été pensées comme des écoles d’art, mais davantage comme des structures où des futurs architectes, graphistes ou designers, feraient appel dans leur formation à des pratiques inspirées d’artistes modernes15. De ce point de vue, il est facile de voir que l’époque du triomphe de l’art moderne a peu été propice au développement des écoles d’art.
L’enseignement de l’art à l’université
- 16 « Atelier populaire : Oui. Atelier bourgeois : Non », tract, ENSBA, 1968.
- 17 Michel Ragon, « L’artiste et la société. Refus ou intégration », dans Art et contestation, Bruxe (...)
- 18 Raymonde Moulin, « Vivre sans vendre », dans ibid., p. 134.
15Les choses changent après 1968. Le grand mouvement de transformation sociale qui secoue les sociétés occidentales s’accompagne d’une réflexion sur ce que peut être la place de l’art dans notre monde. La figure traditionnelle de l’artiste est à cette occasion de plus en plus dénoncée. Selon un célèbre tract disposé à l’entrée de l’Atelier populaire de l’École des Beaux-Arts en mai 1968, « [l’artiste] est “créateur” c’est-à-dire qu’il invente de toutes pièces quelque chose d’unique, dont la valeur serait permanente au-dessus de la réalité historique. Il n’est pas un travailleur aux prises avec la réalité historique. L’idée de création irréalise son travail16 ». Le critique Michel Ragon le dit autrement : c’est un « homme du passé par son préjugé de la pièce unique, de la raréfaction artificielle du produit de son travail afin d’augmenter son prix, de son attirance pour des techniques périmées […]. Dans beaucoup de cas, l’artiste apparaît comme un avatar de l’artisanat17 ». L’époque rejette simultanément toutes les conceptions de la pratique artistique en vigueur jusque-là : l’artisan, le décorateur, le génie. Une commission chargée de réfléchir au statut des artistes professionnels, apparue au moment des événements de Mai 68, suggère d’ailleurs de remplacer le terme artiste par celui de chercheur18. L’idée est de rompre le lien avec le marché et les institutions en garantissant l’indépendance de la création.
- 19 Sur ce point, voir Pierre Gaudibert, « Champ culturel et formation artistique », dans ibid., p. (...)
16Cette réflexion a évidemment des conséquences pour ce qui est de l’enseignement de l’art, à une époque de promotion des sciences humaines et d’extension de celles-ci à des domaines très hétérogènes. Dès Mai 68, un projet apparaît qui réclame la création d’une faculté des arts19 et assez logiquement l’année suivante des départements d’art voient le jour dans les universités, avec peut-être l’idée de renouer avec le projet originel des académies ; en faisant en tout cas la promotion d’une articulation entre réflexion théorique et pratique artistique. L’idée, une fois de plus, est d’être en phase avec la création contemporaine. Celle-ci ne doit plus être cloisonnée : un peintre doit pouvoir être simultanément designer ou écrivain ; il ne réalisera pas toujours lui-même ses œuvres et nourrira sa création de toutes sortes d’influences. Simultanément, la critique du « système de l’art » met en cause la relation d’interdépendance automatique entre formation des artistes, critique et histoire de l’art, musées et marché. Ce qui est visé, c’est un système qui fonctionne de manière autonome et autoréférentielle, sans se soucier du reste de la société. Cela peut se lire en quelques mots d’ordre : défendre une création véritablement en prise avec le social ; refuser à la fois la soumission aux formes convenues de la représentation ou aux complaisances de l’expression nombriliste ; faire de l’activité artistique une forme de recherche détachée du marché.
- 20 Dominique Chateau (1991), cité dans Éric Vandecasteele, « Praticiens et théoriciens sont dans un (...)
17Ces propositions engagent un certain nombre d’artistes à prendre le chemin de l’université, ce qui fait écho à une évolution ayant eu lieu Outre-Atlantique depuis les années 1930. De fait, les artistes américains apparus après la Seconde Guerre mondiale avaient souvent été formés à l’université : d’ailleurs Motherwell, Newman, Judd, Morris, Andre, Smithson, étaient des artistes-théoriciens et leurs écrits donnaient à penser qu’un artiste ne peut se contenter de s’en remettre à des acteurs spécialisés pour mettre en ordre sa pensée. Leur exemple suggère qu’un autre type de formation est possible : « Non point professer d’un côté la théorie et de l’autre la pratique, mais former des individus capables d’opérer la confrontation des deux aspects, à la fois dans la situation de réception des œuvres et dans le moment de leur réalisation – en quelque sorte, à la fois des théoriciens sensibles et des créateurs réfléchis20. ». Il est cependant facile de constater que le modèle universitaire est loin d’être parfait : les moyens en personnels, locaux, horaires, matériel, etc. sont beaucoup plus limités que dans les écoles d’art ; les enseignements sont complètement éclatés, ce qui peut perturber les étudiants ; les liens avec le reste du système de l’art sont quasiment inexistants…
- 21 Nathalie Heinich, L’Élite artiste, op. cit., p. 120.
- 22 Cette distinction est empruntée à Pierre-Damien Huyghe, Contre-temps. De la recherche et de ses (...)
- 23 Jacques Morizot, « Quelques malentendus ou non-dits à propos de la recherche dans le domaine pla (...)
18Apparaît néanmoins une nouvelle figure d’artiste qui ne correspond plus à la trilogie proposée par Nathalie Heinich entre régimes artisanal, professionnel ou vocationnel21 : l’artiste-chercheur. Ce dernier ne répond pas à la commande, ne maîtrise pas une pratique, n’est pas possédé par son génie : sa spécialité c’est la recherche-création, c’est-à-dire une nouvelle voie, beaucoup plus incertaine. Des discussions ont lieu régulièrement depuis cinquante ans afin de qualifier cette activité : qu’est-ce qu’un artiste qui fait de la recherche en art ? Sur l’art ? Ou avec l’art22 ? Quelle est la nature de sa production : qu’en penser et que faire avec ? Quel est le lien avec l’université ? Ces questions ont parfois été résolues en considérant que l’université ne formerait pas des artistes mais des chercheurs au sens universitaire du terme. En d’autres termes, que ce qui comptait c’était davantage le mouvement de la recherche qu’un quelconque objet réalisé au cours de cette recherche. Ce point de vue pose différents problèmes que Jacques Morizot a bien résumés en remarquant qu’« avoir une activité de chercheur, c’est s’inscrire dans un programme de recherche dont par définition on n’est pas à l’origine et qui situe ce qu’on fait dans un ensemble de coordonnées » ; que la relation entre pratique (au sens d’une expérimentation) et recherche théorique n’est pas symétrique ; qu’une thèse en art n’est pas un livre d’artiste ou une œuvre, mais un objet qui engage la communauté scientifique dans son ensemble23. Le problème qui est ici pointé est celui d’une redéfinition nécessaire de l’activité artistique au sein d’un système tel que l’université : il ne peut s’agir de qualifier toute œuvre d’art de recherche ni de penser que tout artiste produit nécessairement une singularité irréductible.
- 24 Yves Citton, « Post-scriptum sur les sociétés de recherche-création », dans Erin Manning et Bria (...)
19Après un certain temps, les formes de recherche-création ont eu tendance à devenir moins incertaines, ce qui est sans doute la condition de leur acceptation au sein de l’université, ainsi que l’a très bien analysé Yves Citton pour qui, au-delà d’un simple mot d’ordre, d’une manière de faire converger recherches artistiques et universitaires, d’une manière de repenser la société, il y aurait aussi « un appareil de capture pompant les énergies les plus rebelles pour les mettre au service de l’acceptabilité technologique, de l’excellence académique et de l’innovation entrepreneuriale […]24 ». La recherche-création, à l’instar de la Creative society promue par Tony Blair dans les années 1990, devient potentiellement le moteur de l’innovation sociale, autant que le moyen de redynamiser en permanence les entreprises. Selon Citton, le modèle de la recherche-création gagne d’ailleurs la société dans son ensemble et préfigure des transformations à venir où toute opposition binaire sera à bannir et où l’injonction à la flexibilité sera remplacée par un impératif d’improvisation permanente. En somme, après l’idée de création au sein des sociétés prémodernes et celle de la créativité postmoderne, une défense de la recherche-création comme la caractéristique la plus emblématique de notre époque.
Quel avenir pour les écoles d’art ?
- 25 L’« injonction à la recherche » conduit alors certaines écoles à entretenir un « rapport perform (...)
20À partir de la fin du 20e siècle, les écoles d’art entrent en crise, pour plusieurs raisons. C’est d’abord une crise matérielle : leurs financements ne sont pas à la hauteur de leurs besoins ; d’autant plus que ceux-ci ne sont pas toujours bien identifiés. Pour y remédier, leurs autorités de tutelle ont tendance à susciter une demande de rentabilité qui passe par davantage de professionnalisation. De nouvelles pratiques apparaissent alors – design, graphisme, communication, scénographie – qui nécessitent semble-t-il de changer leur organisation et les orientations de leurs enseignements. Certaines techniques (vitrail, fresque, mosaïque…) peuvent alors sembler décalées par rapport à ces nouvelles pratiques ; d’autres enseignements font parfois défaut : informatique, réseaux sociaux, montage financier, etc. Ensuite, une demande contradictoire apparaît – laquelle découle indirectement du Processus de Bologne sur l’enseignement supérieur (1999) – : celle qui voudrait que les écoles d’art aient en leur sein des équipes de recherche25. La question se pose de plus en plus : comment concilier professionnalisation et recherche et comment articuler ces deux pôles à la volonté de continuer à former des artistes ?
- 26 Yves Michaud, « Une académie : l’École nationale supérieure des Beaux-Arts », Ligeia n° 9-10 « A (...)
- 27 Thierry de Duve, Faire école, Paris, Presses du réel, 1992.
- 28 http://www.enda.fr/alexandre-gurita/ (consulté le 1er août 2019).
- 29 Tristan Trémeau, « L’enseignement artistique au risque de la réification », Art press 2 n° 22 « (...)
21Une raison plus fondamentale tient à la difficulté qu’il y a à définir des programmes d’enseignement qui puissent convenir à tous les étudiants. La création contemporaine est hétérogène par nature et il devient difficile de proposer des enseignements non normatifs qui puissent correspondre à toutes les pratiques (et encore moins aux pratiques qui apparaîtront dans le futur). Depuis une trentaine d’années, certains dirigeants d’écoles d’art ont donc choisi de les ouvrir à la plus grande diversité d’approches techniques ou esthétiques, favorisant les rencontres avec les acteurs du milieu, ce qu’Yves Michaud qualifiait d’« Académie sans académismes26 ». Il y a aussi eu des propositions assez radicales en forme de « simulation », comme celle de l’École des beaux-arts de la ville de Paris, menée par Thierry de Duve, mais qui n’a jamais vu le jour27. D’autres projets sont apparus au cours du temps, plus éphémères, nomades ou ciblés. C’était le cas de l’Institut des hautes études en Arts plastiques de Sarkis, Daniel Buren et Pontus Hultén et plus récemment de sa résurgence en partie ironique sous l’égide d’Alexandre Gurita28. C’était le cas également de l’École du Magasin (1987-2016), conçue sur le modèle de l’Independent Study Program du Whitney Museum de New York et où il s’agissait de former à la fois des curateurs, des artistes et des critiques ou de l’École des arts politiques proposée par Bruno Latour à Sciences-Po (à partir de 2010) et qui vise à réunir des chercheurs de toutes disciplines autour de projets artistiques. Dans ce dernier cas, il y a une certaine ambivalence qui n’est pas sans évoquer les programmes de recherche-création dans le contexte universitaire ; d’autant plus que comme l’a remarqué Tristan Trémeau, une tendance européenne se fait jour qui vise à mettre « les écoles d’art en relation avec les entreprises créatives » ou à observer leur rôle dans la « régénération des villes29 ». Les fondations d’écoles d’art innovantes ne sont pas toujours dénuées d’arrière-pensées, particulièrement de la part de leurs bailleurs de fonds.
- 30 Simultanément, il est difficile de supprimer des enseignements plus traditionnels, comme la pein (...)
22La question de savoir comment former au mieux les artistes ne peut pas se poser de manière universelle ou hors-contexte et de ce fait elle ne sera sans doute jamais résolue. Il est un peu banal de le dire, mais les réformes des institutions artistiques se font toujours de manière rétrospective, pour coller à des évolutions sociales et artistiques ayant déjà eu lieu. Lorsque la peinture abstraite est apparue aux Beaux-Arts, elle dominait le marché de l’art depuis des années ; la vidéo commence à être enseignée dans les années 1990, alors qu’elle est déjà entrée dans les collections des musées ; des pratiques telles que la performance, l’installation, l’art relationnel, etc. sont souvent encore absentes des cursus30… Faut-il pour autant considérer que la formation des artistes ne peut être que spéculative et se faire sans savoir si elle aura la moindre utilité ? C’est évidemment une question difficile à poser face aux autorités de tutelle des écoles d’art. L’objectif général qui a longtemps consisté à refuser tout enseignement directif, au nom d’une éducation plus générale à l’art – où les apprentis artistes cultiveraient leur sensibilité lors d’expérimentations en tout genre – est-il encore envisageable aujourd’hui ? Qu’est-ce exactement que former un artiste à l’époque des réseaux sociaux, de la société de services, des départements de recherche-développement des entreprises, du travail délocalisé, des transferts technologiques, de l’acculturation et des migrations de masse ? Peut-on encore se contenter d’étudier les œuvres du passé, de maîtriser quelques rudiments théoriques, d’acquérir les codes du milieu de l’art, d’enrichir son carnet d’adresses ?
- 31 On pense ici à The Cheapest University, un projet semble-t-il instable et aux contours flous où (...)
23Ces interrogations ne sont pas purement théoriques : l’enseignement de l’art est parfois remis en cause. Les premiers à le faire sont les élus locaux, pour qui les écoles d’art coûtent cher, sans pour autant produire un retour sur investissement suffisant (ce qui les conduit parfois à les fermer). D’autres prennent acte de la remise en cause de tous les fondements passés de l’enseignement de l’art et proposent d’autres modèles. Ce sont souvent des initiatives d’artistes, sous forme de projets parallèles et expérimentaux, en marge de toute école ou université31. Une position plus radicale pourrait cependant tout aussi bien considérer que l’enseignement de l’art est trop insaisissable pour être systématisé. Généraliser à partir de quelques cas d’artistes est inutile : il n’y a pas de raison d’éduquer à quelque chose qui n’est jamais qu’un concept extrêmement vague, impossible à qualifier avec précision et qui ne se réalise que très contextuellement, dans des expériences assez peu reproductibles.
Notes
1 Pour certains,c’est même l’inverse : « Au premier stade, il y a l’art gaillard, gratuit et plein de sève. Au second, il y a l’invention du mot culture, qui met à l’art bon plomb dans l’aile. Au troisième, il y a la culture de choc,la caporalisation de la culture, et plus d’art du tout. ». Jean Dubuffet, Asphyxiante culture, Paris, Minuit, 1968, p. 53.
2 Nathalie Heinich a fait état autrefois d’une enquête menée par des sociologues sur un échantillon d’artistes bénéficiant d’une certaine visibilité, dont plus de 60 % se déclaraient autodidactes (y compris 41 % de ceux qui avaient fréquenté une école d’art). Nathalie Heinich, Être artiste. Les transformations du statut des peintres et des sculpteurs, Paris, Klincksieck, 1996, p. 74.
3 Le mot est de Michel-Ange. Voir Nikolaus Pevsner, Les Académies d’art (1940), trad. G. d’Antony, Paris, Gérard Monfort, 1999, p. 54.
4 L’académie originelle a été fondée par Platon à Athènes au 4e siècle av. J.-C. et au 15e siècle son modèle est réapparu à la cour de Laurent de Médicis à Florence avec le projet d’académie néo-platonicienne de Marsile Ficin à Careggi (dans les années 1470-1480). Voir André Chastel, Marsile Ficin et l’art (1954), Genève, Droz, 1996, p. 7-25.
5 Sur ce point, voir Erwin Panofsky, Idea (trad. H. Joly) Paris, NRF/Gallimard, 1983 (éd. originale : 1924), p. 66.
6 Voir Nathalie Heinich, Être artiste, op. cit., p. 21.
7 Voir Nikolaus Pevsner, op. cit., p. 35-37 et p. 48.
8 Jean-Auguste-Dominique Ingres, Notes et pensées (1870), Paris, Gérard Monfort, 1984, p. 148.
9 Joshua Reynolds, Discours sur la peinture (1790), Paris, ENSBA, 1991, p. 283.
10 En fait, comme le montre Nikolaus Pevsner, ces critiques ont commencé à apparaître dès la fin du 18e siècle. Nikolaus Pevsner, op. cit., p. 28.
11 Celui-ci se définit par la mise en avant de la démarche globale d’un artiste au détriment de telle ou telle de ses œuvres. Nathalie Heinich, Être artiste, op. cit., p. 36-37.
12 Nathalie Heinich, L’Élite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique, Paris, Gallimard, coll. NRF/Bibliothèque des sciences humaines, 2005, p. 29.
13 Renato Poggioli,
The Theory of the Avant-Garde (1962), trad. G. Fitzgerald, Londres/Cambridge,The Belknap Press of Harvard University Press, 1968, p. 19-20.
14 On pense à l’académie organisée à New York en 1948-49 par Barnett Newman, William Baziotes, David Hare, Robert Motherwell et Mark Rothko : « Subjects of the artist ». Ou bien,à la même époque, à l’atelier d’art abstrait fondé par Jean Dewasne et Edgard Pillet à l’Académie de la Grande-chaumière (1950).
15 Walter Gropius l’explique dès son premier projet d’école à Weimar en 1916 : il s’agit de conjuguer les intérêts solidaires des artistes, techniciens et marchands en une communauté de travail. Le but est d’avoir « un établissement de formation professionnelle qui servirait de trait d’union entre les fabricants et les artistes ». Sa grande idée est « la réunion de tous les arts sous l’égide de la grande Architecture ». Lionel Richard, Encyclopédie du Bauhaus, Paris, Somogy, 1985, p. 26 et p. 31.
16 « Atelier populaire : Oui. Atelier bourgeois : Non », tract, ENSBA, 1968.
17 Michel Ragon, « L’artiste et la société. Refus ou intégration », dans Art et contestation, Bruxelles, La Connaissance, 1968, p. 29.
18 Raymonde Moulin, « Vivre sans vendre », dans ibid., p. 134.
19 Sur ce point, voir Pierre Gaudibert, « Champ culturel et formation artistique », dans ibid., p. 144-145.
20 Dominique Chateau (1991), cité dans Éric Vandecasteele, « Praticiens et théoriciens sont dans un bateau », dans Dominique Chateau et Jean-Claude Le Gouic (sld), Les Arts plastiques à l’université, Aix-en-Provence, PUP, 1993, p. 69.
21 Nathalie Heinich, L’Élite artiste, op. cit., p. 120.
22 Cette distinction est empruntée à Pierre-Damien Huyghe, Contre-temps. De la recherche et de ses enjeux. Arts, architecture, design, Paris, Éditions B42, 2017, p. 62-63.
23 Jacques Morizot, « Quelques malentendus ou non-dits à propos de la recherche dans le domaine plastique », dans Daniel Danétis (sld), Pratiques artistiques, pratiques de recherche, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 86-90.
24 Yves Citton, « Post-scriptum sur les sociétés de recherche-création », dans Erin Manning et Brian Massumi, Pensée en acte, vingt propositions pour la recherche-création, Paris/Dijon, ArTeC/Les presses du réel, 2018, p. 97.
25 L’« injonction à la recherche » conduit alors certaines écoles à entretenir un « rapport performatif à l’institution de la recherche » avec l’institution de laboratoires qui n’en ont parfois que le nom. Voir Pierre Pierre-Damien Huyghe, Contre-temps. De la recherche et de ses enjeux. Arts, architecture, design, Paris, Éditions B42, 2017, p. 19.
26 Yves Michaud, « Une académie : l’École nationale supérieure des Beaux-Arts », Ligeia n° 9-10 « Académismes », Paris, 1991, p. 66.
27 Thierry de Duve, Faire école, Paris, Presses du réel, 1992.
28 http://www.enda.fr/alexandre-gurita/ (consulté le 1er août 2019).
29 Tristan Trémeau, « L’enseignement artistique au risque de la réification », Art press 2 n° 22 « Écoles d’art, nouveaux enjeux », août/ septembre/ octobre 2011, p. 72.
30 Simultanément, il est difficile de supprimer des enseignements plus traditionnels, comme la peinture ou le dessin, sachant qu’il existe une demande sociale pour ce type de pratique.
31 On pense ici à The Cheapest University, un projet semble-t-il instable et aux contours flous où les objectifs de formation sont assez hypothétiques. http://thecheapestuniversity.org/archives/ consulté le 7 août 2019.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Jérôme Glicenstein, « Introduction : former les artistes », Marges, 30 | 2020, 10-20.
Référence électronique
Jérôme Glicenstein, « Introduction : former les artistes », Marges [En ligne], 30 | 2020, mis en ligne le 02 janvier 2023, consulté le 25 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/1952 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/marges.1952
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page